6.2 Les enjeux des
partenariats
Depuis les années 50, il existe du développement
par programmes et plus encore durant les années 80 avec les programmes
d'ajustements structurels. Tous ces plans de développement sont
pensés par le Nord ou par les bailleurs de fonds internationaux. Le
rapport de pouvoir qui s'est établi alors, ne permettait pas la
négociation ou la discussion sur les besoins réels des
populations. Jusqu'à aujourd'hui, la Réserve
fédérale américaine, le FMI et la Banque Mondiale
favorisent des politiques de commerce et d'investissement orientées vers
l'extérieur avec une inflation basse, des budgets
équilibrés, des taux de change bas, la privatisation, la
déréglementation et une protection accrue de la
propriété privée (Sogge, 2003). De telles politiques ne
favorisent pas l'essor des communautés locales, mais plutôt celle
d'une économie mondialisée. Les modèles alternatifs de
développement comme Songhaï n'approuvent pas cette façon de
faire, car ils ne sont pas impliqués dans l'élaboration de ces
plans de développement.
On donne aux Africains des programmes fabriqués
à Ottawa, fabriqués à Washington, à Paris. On dit
voilà, c'est la politique du gouvernement français pendant cinq
ans. C'est comme un docteur qui reste chez vous et prescrit des
médicaments et il te dit « Toi tu es malade, c'est cela ta
maladie et il faut prendre les médicaments ». Mais il faut
qu'il fasse le diagnostic, qu'il te pose des questions, qu'il observe et qu'il
dise si c'est vraiment cela : «Je pense que c'est une maladie,
est-ce vraiment cela ? ». Alors, oui, on donne notre accord et
on peut commencer les traitements. Je ne veux pas qu'on dise ça marche,
ça ne marche pas (Entrevue Nzamujo, 2004).
Il faut repenser les façons de faire, il faut que la
discussion soit au coeur des accords et qu'elle favorise une ouverture, mais
surtout un partage des risques. Il faut que les partenariats soient
évalués de part et d'autre, que les résultats soient
attendus chez le bailleur de fonds autant que chez le
bénéficiaire de fonds.
D'abord, ça vient de loin. Les gens ne sont pas
encore convertis que ce soit chez les Africains, les Américains, les
Européens il y en a toujours qui font le développement sans
comprendre, sans que ce soit en multipartenariats. Donc, il faut qu'on change
ça et qu'on discute. Les gens ne commencent pas à crier :
« Voilà si vous êtes dans la coopération
canadienne, les projets ne marchent pas et est ce que le risque sera
partagé ?Au lieu de faire encore de la promotion pour les
Africains, est-ce que la Banque Mondiale partagera le
risque ? L'Afrique depuis des années ne se développe
pas, ça ne marche pas, comment peut-on faire pour que cela commence
à marcher, pour que les Africains et les partenaires américains,
européens et canadiens disent: « Moi, je suis chef de projet
canadien, et ça n'a pas marché et mon salaire va être
coupé ». Que cela marche ou non, ce chef est tout de
même promu... Donc nous à Songhaï c'est pour continuer ce
genre de travail avec nos partenaires, dans un partenariat mûr
(Entrevue Nzamujo, 2004).
Le dialogue entre les partenaires doit s'affranchir du jeu de
pouvoir et se donner des garanties de réussite en partageant les
risques. Un partenariat mûr partage les mêmes préoccupations
face au développement et mobilise les ressources de chacun pour y
arriver.
6.2.1 Les enjeux des
multipartenariats
Songhaï a diversifié ses partenaires par souci
d'ouverture sur le monde, mais aussi pour maximiser ses expertises. D'ailleurs,
certains partenaires de Songhaï sont payés par le Centre pour leurs
connaissances.
D'abord, par souci d'avoir des idées
différentes. Des multipartenariats ce n'est pas financier. Beaucoup de
nos partenaires sont des partenaires techniques qui viennent porter un coup de
main. La semaine passée il y avait des électriciens du monde. Un
électricien de France est venu ici et on a fait un partenariat. Il va
nous aider à monter notre capacité d'électricité et
en échange on paie les billets d'avion, on paie la consultation, on paie
ça (Entrevue Nzamujo, 2004).
Ce qui compte dans les partenariats de toutes sortes c'est de
s'adjoindre des forces et des connaissances afin de mener à terme un
projet qui portera fruit à la communauté, aux localités et
au pays.
Il faut donc que les visions du développement des uns
et des autres puissent s'accorder sur certains points centraux et que la
confiance s'établisse à l'intérieur de cadres qui ont
été choisis par les partenaires. Les résultats et leurs
analyses sont le produit du partenariat et permettent d'en mesurer la
santé. L'investissement en temps, en argent, en idées se fait de
part et d'autre avec le partage du risque. Et c'est peut-être ce dernier
élément dont on peut présumer le déficit dans les
partenariats à l'heure actuelle. Les fonctionnaires des organisations
sont-ils sanctionnés lorsque qu'ils bâclent leur travail? Les
programmes sectoriels du Nord ont-ils été revus et
corrigés par le Sud ? Quelles sortes de liens sont entretenus entre
le Nord et le Sud ? Voilà certainement des questions essentielles
auxquelles les organisations du Nord devront répondre afin de
développer un partenariat fructueux entre le Nord et le Sud.
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