2.2
L'indépendance (1960-1975)
Au lendemain des indépendances, l'administration
coloniale est toujours présente, car il n'y a pas de programme politique
planifié qui permettrait à l'État de fonctionner sans
appuis permanents. De plus, le pays n'a pas de personnel qualifié pour
entreprendre de nouvelles politiques agricoles même si l'agriculture est
le principal attrait économique de la région.
Ainsi, les actions entreprises par le gouvernement au
lendemain des indépendances étaient en totale
désarticulation par rapport à ce qui aurait pu être une
politique de développement autocentrée. Une telle politique
était du reste absente, même au niveau du discours. Les actions
couvraient globalement trois grands domaines : la structuration du monde
rural, le développement de cultures d'exportation et la
régionalisation des interventions pour le développement rural.
Malgré un changement radical de discours et
quelques actions d'éclat après 1975, les tendances
générales sont demeurées identiques jusqu'a la fin des
années 80 (Mongbo, 2000, p.83).
Le gouvernement révolutionnaire militaro-marxiste de
1972 critique la politique agricole de l'ère des indépendances et
veut faire une nouvelle politique où l'agriculture sera la base de
l'économie du pays et non plus une agriculture qui sert à fournir
les matières premières pour l'industrie de l'ancienne
métropole. Mais les actions des politiques agricoles sous le pouvoir
marxiste n'auront pas le succès escompté. Le discours sur
l'agriculture, au moment du régime marxiste, était plus
cohérent et planifié, mais cela ne veut pas dire que le plan
d'action avait été exécuté.
2.3 Le socialisme
(1972-1989)
Le modèle de développement de cette
période a été rédigé selon deux
sources : le discours-programme du 30 novembre 1972 et le discours
d'orientation nationale du 30 novembre 1974. Pour mettre les deux discours en
oeuvre un plan d'État sera élaboré :
l'idée-force du plan est la construction à
terme d'une société socialiste caractérisée par la
transformation de la nature du processus d'accumulation sous l'impulsion
dynamique de l'État. Le plan triennal de 1977-1980 s'est donné
comme objectifs d'opérer un développement autocentré et de
développer le marché intérieur en mettant sur pied un
secteur industriel financé par l'agriculture (Houedete, 2000,
p.28).
La période socialiste opère une nationalisation
du pays entre1974 et 1982 lors de laquelle l'ensemble des activités
économiques formelles passe sous la coupe de l'État. Cet
État exerce dorénavant un plus grand contrôle dans les
sociétés d'économie mixte en engageant son capital. Les
banques, sociétés d'assurances, compagnies d'eau et
d'électricité et compagnies pétrolière ont
été complètement nationalisées et diverses autres
compagnies d'État ont été créées dans le
secteur de l'agriculture, de l'industrie, du commerce et des services.
Cette nationalisation aura des retombés néfastes
puisque, pour financer les entreprises publiques, des dettes ont dû
être contractées et ces dettes sont à l'origine de
plus de 75 % de la dette extérieure du Bénin et de 60 %
de la dette intérieure. L'ensemble des fonds publics étaient
englouti dans les salaires des fonctionnaires. Une crise financière
importante s'est installée dès 1983 jusqu'en 1990 où le
socialisme tomba pour faire place à un régime
démocratique. Cette crise principalement caractérisée par
l'endettement extérieur, la faillite du système bancaire, la
chute de l'activité économique (entre autres avec le Nigeria) et
l'alourdissement du déficit public, ne permettait plus à
l'État de payer ses employés.
Par-delà les facteurs économiques, Houedete nous
dira que c'est l'idéologie marxiste qui amena le pays au bord du
gouffre :
...de confisquer dès 1974 toutes les
libertés et de mettre en place un régime de terreur qui, à
terme, a annihilé l'esprit d'initiative et d'entreprise ; de se
lancer dans des fuites en avant suicidaires au plan politique,
économique, social, culturel, institution et
généralisation de l'école nouvelle, proclamation et
imposition du marxisme-léniniste avec comme implications la copie
servile des systèmes institutionnels et économiques en vigueur
à l'époque dans les pays de l'Europe de l'Est); de promouvoir des
bureaucrates peu soucieux de rendement du service public, mais fortement
préoccupés par les avantages que leur confère leur
nouvelle position sociale (Houedete, 2000, p.51).
L'idéologie socialiste a sans doute eu un impact non
négligeable sur l' « empowerment » de la
société, c'est-à-dire le pouvoir que les gens ont sur leur
propre vie. La bureaucratie omniprésente, lègue de la
colonisation et renforcée sous le marxisme, ne permet pas non plus la
prise en main de la société civile. Par contre, les
fonctionnaires non payés depuis plus de neuf mois, ainsi que les
pressions des Béninois exilés, donneront lieu à une
grève générale en 1989 ; ceci forcera le
régime militaire à convoquer une conférence nationale, la
Conférence des forces vives de février 1990 qui adopta
l'option économique néolibérale et renversera de
façon pacifique le gouvernement marxiste.
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