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Les impacts des incitations monétaires sur l'effort des salariés: positifs ou négatifs ?

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par Pheakdey VIN
Université Lumière Lyon 2 - Master Recherche 2007
  

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CHAPITRE IV : LES EFFETS PERVERS DES
INCITATIONS MONETAIRES SUR L'EFFORT DES
SALARIES

Introduction au chapitre IV

Comme la théorie de l'évaluation cognitive a précédemment indiqué, les incitations monétaires nuisent à la motivation intrinsèque et donc à l'effort des salariés lorsqu'elles sont perçues par ces derniers comme un moyen de contrôle, c'est-à-dire qu'elles ne satisfont pas les besoins psychologiques des salariés tels que le besoin de compétence et le besoin d'autonomie ou d'autodétermination dans une exécution des tâches intrinsèquement intéressantes. Au contraire, si elles ne sont pas perçues comme un moyen de contrôle, non seulement elles ne nuisent pas à la motivation intrinsèque, mais aussi elles la favorisent. Depuis longtemps, il y a une controverse entre les points de vue des psychologues et des économistes au sujet des effets des incitations monétaires sur le comportement des salariés au sein de la firme. Les approches économiques standard des incitations généralement assument que les incitations monétaires comme les récompenses contingentes à la performance peuvent augmenter l'effort des salariés et donc leur performance alors que les études des psychologues montent que ces incitations peuvent conduire à la réduction d'effort des salariés, en particulier dans les activités intrinsèquement motivantes. Même s'il y a ces points de vue contradictoires, les études d'expériences récentes des économistes partagent également le point de vue des psychologues qui estiment que les incitations monétaires évincent la motivation intrinsèque, et donc l'effort des salariés.

Dans la section 1 du chapitre, nous allons montrer les études expérimentales et empiriques des psychologues et des économistes, ainsi que le modèle principal-agent étudiant la motivation intrinsèque, pour constituer le support de l'effet d'éviction de la motivation intrinsèque par les incitations monétaires. Cependant, les travaux récents sur la motivation intrinsèque indiquent que la dichotomie traditionnelle entre la motivation intrinsèque et extrinsèque semble moins évidente - les récompenses extrinsèques ne sont pas nécessairement nuisibles, mais peuvent plutôt jouer un rôle complémentaire à la motivation intrinsèque parce que ces récompenses peuvent être internalisées et intégrées par les salariés.

Dans la section 2, nous allons donc exposer la nouvelle perspective de l'interaction entre la motivation intrinsèque et les récompenses extrinsèques en général ou les récompenses monétaires en particulier dans le cadre théorique psychologique de l'autodétermination - nous étudierons comment et dans quelles conditions les salariés internalisent et intègrent leur motivation extrinsèque et puis nous réexaminerons les effets des récompenses monétaires.

Section 1 : Les incitations monétaires sont nuisibles à la motivation intrinsèque et à l'effort

Dans cette section, nous allons présenter non seulement les évidences expérimentales réalisées par les psychologues, mais également par les économistes, ainsi qu'un modèle économique, pour supporter l'effet d'éviction de la motivation intrinsèque et de l'effort par les incitations extrinsèques, spécifiquement les incitations monétaires.

1- L'effet d'éviction de la motivation intrinsèque

L'argument que nous évoquons ici considère que les incitations monétaires peuvent réduire la motivation intrinsèque à accomplir une activité [Deci et Ryan, 1985; Kreps, 1997], et donc nuire à l'effort. A partir de l'explication dans la section 2 du chapitre précédent, l'idée sous-jacente est que la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque sont chacun source d'effort mais que leur introduction simultanée est contreproductive, les incitations monétaires - et les incitations extrinsèques en général - exerçant un effet d'éviction (Crowding out effect) à l'encontre de la motivation intrinsèque [Deci et al., 1999a]. De plus, en psychologie expérimentale, l'effet négatif des récompenses monétaires sur la motivation intrinsèque est connu sous le vocable de coûts dissimulés ou coûts cachés de la récompense (Hidden cost of rewards).

Selon la théorie de l'évaluation cognitive [Deci et Ryan, 1985] précédemment étudiée, les incitations monétaires sont susceptibles de démotiver l'individu si elles sont perçues comme un moyen de contrôle puisqu'elles affectent alors négativement le besoin d'autonomie et le sentiment de compétence des salariés. Le sens de l'autodétermination des agents peut être altéré lorsque l'intervention des incitations monétaires est perçue comme une restriction de leur autonomie. De même, si cette intervention se traduit par un renforcement du contrôle, elle sera perçue comme une non reconnaissance de leur compétence et donc les incitations monétaires évincent la motivation intrinsèque des individus. En outre, le contrôle subi dans

les entreprises sous la forme d'incitations financières est vécu par les salariés comme aliénant et déshumanisant [Etchart-Vincent, 2006]. Le modèle principal-agent84 proposé par James Jr. [2005] établit ainsi que la motivation intrinsèque est évincée par la rémunération extrinsèque lorsque cette dernière est perçue par l'agent comme un moyen de contrôle dans son activité.

Une autre approche intéressante est celle liée à la théorie de l'auto-perception (Self- perception). Les individus parfois ne connaissent pas parfaitement les raisons de leurs comportements, plus précisément dans quelle mesure les caractéristiques inhérentes à la tâche (motivation intrinsèque) déterminent leurs comportements [Fehr et Falk, 2002; Sliwka, 2003; Moussaoui, 2004]. Par conséquent, ils vont inférer les motifs de leurs comportements à partir des circonstances qui ont conduit à l'accomplissement de la tâche. Selon cette théorie, les individus ont tendance à attribuer les motifs de leurs actions aux stimuli les plus dominants. En l'absence d'incitations externes, notamment d'incitations monétaires, les individus attribueront leurs raisons d'agir aux caractéristiques inhérentes à la tâche. Si des incitations monétaires sont mises en oeuvre pour une activité, alors un individu conclut qu'il exécute cette activité en raison de ces incitations, en développant une désutilité de l'effort [Kreps, 1997; James Jr., 2005]. Ceci correspond à l'économie standard de motivation qui confirme que seules les incitations externes de type monétaire sont mises en avant, ce qui pousse les agents à croire que la raison d'accomplir une tâche revient à ce type d'incitation. Ainsi, la conception de la motivation de la personne pour le travail se trouve également modifiée. Par contre, si les incitations externes sont réduites ou arrêtées, les agents cesseront d'accomplir la tâche en question puisque la source commanditaire de l'action s'est déplacée de l'intérieur à l'extérieur.

Cependant, cet effet d'éviction n'est pas automatique [Moussaoui, 2004; Osterloh et Frey, 1999]. En effet, chaque intervention des incitations monétaires comporte deux aspects pour les individus : (i) l'aspect contrôleur qui renforce l'impression du contrôle externe et le sentiment d'être dirigé de l'extérieur ; (ii) l'aspect informateur sur l'appréciation par les autres, de leur compétence et leur performance, ce qui renforce leur sens de contrôle interne. Suivant que le premier aspect est dominant ou le second aspect qu'il l'est, la motivation intrinsèque est évincée ou renforcée.

Les résultats de méta-analyse de 128 expériences de Deci et al. [1999a; 1999b] indiquent que les récompenses tangibles tendent à avoir un effet essentiellement négatif sur la

84 Nous allons démontrer ce type de modèle principal-agent qui est proposé par James Jr. [2005] dans la sous- section 2. Selon cet auteur, l'effet d'éviction se produira davantage lorsque les intérêts du principal et ceux de l'agent se confondent que lorsque l'agent est intrinsèquement motivé par des valeurs générales, distinctes du principal.

motivation intrinsèque. Même lorsque des récompenses tangibles sont offertes comme indicateurs de bonne performance, elles diminuent typiquement la motivation intrinsèque pour des activités intéressantes. En outre, quand les organisations optent pour l'utilisation des récompenses pour contrôler le comportement, les récompenses sont susceptibles d'être accompagnées par une plus grande surveillance, évaluation et compétition, qui se sont également avérées miner la motivation intrinsèque [Deci et Ryan, 1985]. Ce sapement est particulièrement vrai pour les compensations monétaires qui ont été perçues par les sujets d'expérience comme un moyen de contrôle et ont donc tendu à évincer la motivation intrinsèque [Osterloh et Frey, 1999]. Selon Deci et al. [1 999a], l'effet d'éviction est plus fort avec les récompenses monétaires qu'avec les récompenses symboliques. Deci et al. [1 999a] concluent également que l'effet d'éviction est également plus grand avec les récompenses attendues qu'avec les récompenses inattendues. De plus, pour eux, les récompenses inattendues et les récompenses non-contingentes à la tâche (Task-noncontingent rewards) n'ont pas un effet néfaste sur la motivation intrinsèque parce que les individus n'exécutent pas la tâche afin d'obtenir ces récompenses, ainsi ils ne se sentent pas contrôlés par ces récompenses. Ces auteurs indiquent également que les récompenses ne minent pas la motivation intrinsèque pour une activité qui n'est pas intrinsèquement motivante (c'est-à-dire, une tâche simple et inintéressante). Par conséquent, aucun effet d'éviction ne peut avoir lieu s'il n'y a aucune motivation intrinsèque en premier lieu [Osterloh et Frey, 1999]. Cette condition tient pour les tâches simples. Dans ce cas, selon ces auteurs, l'évidence empirique prouve que l'effet des prix augmente l'effort et la performance des individus. Lazear [2000] fournit un exemple empirique, dans une compagnie de pare-brise, que nous avons présenté dans la partie précédente ; les tâches d'installation de pare-brise sont considérées simples.

Bien que reconnue par les psychologues sociaux [Deci et Ryan, 1985], l'idée que « fournir des incitations extrinsèques pour des employés peut être contreproductif parce qu'il peut détruire la motivation intrinsèque de l'employé, ce qui conduit à diminuer le niveau d'effort et les bénéfices nets pour l'employeur » est juste un fait stylisé en économie85. Néanmoins, les économistes accumulent l'évidence pour cet effet, connu sous le nom de l'éviction de la motivation [Frey et Jegen, 2000] 86 . Ces auteurs ont expliqué l'effet d'éviction de la motivation intrinsèque des salariés par le graphique ci-dessous.

85 Kreps, D. M. [1997], « Intrinsic Motivation and Extrinsic Incentives », American Economic Review, vol. 87, n° 2, p. 360.

86 Frey et Jegen [2000] passe en revue les résultats des expériences psychologiques en perspective économique.

R

O

Figure 8: L'interaction entre l'effet d'éviction et l'effet du prix87 Récompense

S'

S

B

C

A"A A' Effort

Cette figure illustre la relation entre la récompense monétaire et l'effort des individus. La courbe (S) représente l'offre de l'effort du travail basé sur l'effet relatif des prix. Si une récompense (R) est payée pour effectuer le travail, l'effet des prix augmente l'effort du travail de A à A'. Lorsqu'une certaine motivation intrinsèque du travail est assumée exister, la quantité d'effort du travail (OA) est assurée même si aucune compensation monétaire n'est payée. Si la motivation intrinsèque du travail est minée, la courbe d'offre du travail est décalée vers l'arrière à S'. Ainsi, une augmentation de la récompense de O à R conduit à déplacer l'effort du travail de point B à C. La figure est dessinée de telle manière que l'effet de motivation domine l'effet des prix : l'augmentation de la récompense réduit l'effort du travail de A à A"88. Cependant, les auteurs ajoutent que quand la motivation intrinsèque a été complètement évincée, une augmentation de la récompense accroît l'effort du travail (mouvement le long de S').

Gneezy et Rustichini [2000] dans son étude expérimentale corroborent la relation présentée sur la figure 8 au dessus. Ils ont constaté que les incitations monétaires plus élevées induisent un plus grand effort, et puis un rendement élevé. Mais ce rendement ou performance peut être inférieur(e) par rapport au cas de la nulle compensation, en raison de l'introduction de la compensation monétaire. En conséquence, les auteurs ont considéré que des agents sont motivés par des facteurs extrinsèques et intrinsèques et que l'introduction des incitations monétaires sape la motivation intrinsèque. Fehr et Gächter [2002] ont rapporté les résultats

87 Frey, B. S. et Jegen, R. [2000], « Motivation Crowding Theory: A Survey of Empirical Evidence », Working Paper N° 49, Institute for Empirical Research in Economics, University of Zurich, p. 8.

88 Nous soulignons.

semblables d'une expérience dans laquelle un principal a offert un contrat aux agents pour fournir l'effort en échange du paiement. Dans certains contrats, le principal a offert seulement les salaires fixes. Les résultats confirment que des contrats incitatifs évincent la réciprocité ou la coopération volontaire qui peut être considérée comme un type spécial de motivation intrinsèque, c'est-à-dire que les contrats incitatifs, en moyenne, ont obtenu des niveaux d'effort plus bas des agents par rapport aux contrats de salaire fixe. Ils ont montré que le groupe d'individus à qui l'on a proposé des contrats basés sur des incitations explicites a fourni moins d'effort que le groupe d'individus pour qui l'on fait appel à la norme de réciprocité pour les inciter à produire les efforts désirés. Ce qu'il faut souligner au passage c'est que, malgré le fait que le recours à des incitations monétaires engendre un surplus total plus faible que celui obtenu par les incitations basées sur la réciprocité, les « principal » préfèrent le premier mécanisme incitatif, puisqu'ils ont la possibilité de s'approprier la plus grande part du surplus. Fehr et Falk [2002] soulignent également l'existence de motivations sociales non monétaires, comme le désir de réciprocité ou celui d'éviter la désapprobation sociale et le désir de travailler dans les tâches intéressantes, qui sont puissamment incitatives en soi et peuvent être détruites par les incitations monétaires.

Gächter et Falk [2000] étudient expérimentalement les effets pervers des contrats incitatifs explicites sur la réciprocité. Leur résultat prouve que les contrats incitatifs ont évincé la réciprocité89 et ont mené à un degré élevé de comportement opportuniste des individus. Ils voient ceci comme une évidence que l'introduction des incitations pécuniaires dans un rapport réciproque supporte des coûts cachés dans le sens où elle peut affaiblir des incitations totales pour la provision d'effort.

D'après Freeman [1997], le travail volontaire est une illustration typique de la motivation intrinsèque dans le sens où les individus accomplissent des tâches pour leur intérêt et non pas pour une récompense monétaire. Frey et Goette [1999] ont essayé de tester l'hypothèse de l'effet d'éviction de la motivation intrinsèque en utilisant une approche économétrique. Ils utilisent un ensemble de données de Suisse pour évaluer comment les récompenses financières affectent l'effort des volontaires mis dans le travail volontaire. Leurs résultats montrent que, d'une part, la taille des incitations financières poussent les volontaires à fournir plus d'effort, et d'autre part, le fait d'être payé pour son volontariat baisse significativement le niveau d'effort fourni d'environ quatre heures en dessous de la moyenne.

89 Dans leur contexte, ils se réfèrent à la réciprocité comme motivation intrinsèque parce qu'ils la voient comme une bonne volonté psychique innée de répondre en nature. Dans leurs expériences, la tâche expérimentale d'un choix d'effort peut être motivée par la motivation intrinsèque de la réciprocité bien que ce soit une tâche artificielle qui soit la plus susceptible de ne pas être exécutée par la satisfaction intrinsèque.

Par conséquent, les résultats de Frey et Goette sont en conformité avec l'évidence expérimentale en psychologie sociale, indiquant que les récompenses financières peuvent réduire la motivation intrinsèque et l'effort des individus pour une activité.

Une autre confirmation du désintérêt des employés pour une tâche lorsqu'elle est régulée par des incitations financières ou par du monitoring est le travail de Bewley [1995]. Celui-ci avait collecté 344 interviews avec 372 décideurs sur le marché du travail, car il y avait plus d'un répondant à certaines interviews. Cette interview a été faite de 1992 à 1994. Particulièrement, les praticiens semblent conscients des pièges possibles des arrangements de paiement à la performance. Ils se rendent compte que l'intervention externe via des incitations monétaires ne devrait pas être utilisée en tant que moyen de contrôle, car elle peut miner les réalités intrinsèques comme un moral ou la créativité du travail. Alors, Bewley ressort de cette étude que les employés ont plusieurs opportunités pour tricher et exploiter les employeurs. C'est pour cette raison qu'il ne faut pas compter uniquement sur les incitations financières et la coercition pour les motiver. Il faut faire appel à d'autres moyens en renforcement dont l'effet est complémentaire. Ainsi, il ne faut pas perdre de vue que la nature de la tâche accomplie par un employé procure de la satisfaction (estime de soi, autonomie, reconnaissance de sa compétence, etc.) en dehors du revenu qui lui est associé. Par conséquent, des employés qui ne se sentent pas reconnus, qui ne peuvent pas prendre des initiatives ne donneront pas le meilleur d'eux-mêmes, même si l'on augmente les incitations financières et/ou l'on renforce les contrôles.

L'effet d'éviction de la motivation intrinsèque par les incitations monétaires est aussi confirmé par le résultat dans l'expérience du laboratoire d'Irlenbusch et Sliwka [2005]. Ils conçoivent une expérience pour explorer une nouvelle explication possible sur la question : pourquoi les incitations extrinsèques peuvent évincer l'effort ? Ils se sont intéressés en particulier par l'influence que l'arrangement de rémunération à la pièce peut avoir sur la perception cognitive des agents de la situation. En comparant les niveaux d'effort dans leurs deux traitements, ils trouvent un effet d'éviction étonnamment clair, c'est-à-dire que l'effort s'avère être considérablement inférieur dans le traitement où les incitations explicites sont introduites. Les bénéfices et le bien-être sont également plus élevés dans le cas où seulement des salaires fixes sont introduits. En outre, l'effort moyen et l'efficacité globale sont sensiblement plus élevés sous des salaires purement fixes si les agents n'ont pas antérieurement éprouvé le salaire variable. En revanche, une fois que des salaires à la pièce ont été éprouvés, il peut mener à de plus mauvais résultats (effort des individus inférieur) bien que le système de compensation ait été changé en salaires fixes dans la deuxième période.

Ainsi, l'utilisation des salaires à la pièce change considérablement la perception des agents de la situation et évince leur motivation intrinsèque.

Selon James Jr. [2005], la clef pour comprendre l'éviction de la motivation se conçoit par un modèle dans lequel l'utilité d'un agent reflète (a) soit des facteurs extrinsèques et intrinsèques si les récompenses extrinsèques ne sont pas perçues comme un moyen de contrôle, (b) soit des facteurs extrinsèques seulement si les récompenses extrinsèques sont perçues comme un moyen de contrôle. Il y a beaucoup d'évidences en psychologie et en économie soutenant cet effet d'éviction. Les récompenses extrinsèques peuvent être perçues comme un moyen de contrôle dans deux conditions. La première condition est quand la taille de la récompense est grande. L'évidence empirique suggère également que la taille de récompense est négativement liée à la motivation intrinsèque. La raison est que les processus par lesquels un agent rationalise son comportement peut devenir ainsi accablé par le « salience » des récompenses extrinsèques qu'il est rationnellement obligé d'attribuer son comportement à la compensation plutôt qu'à ses préférences intrinsèques. Cette idée a été également reconnue par Kreps [1997] qui a dit que lorsque l'individu entreprend une tâche sans être soutenu par des incitations monétaires, il rationalise l'effort mis en oeuvre, ce dernier étant perçu comme le reflet du plaisir trouvé dans l'accomplissement de la tâche - ce plaisir stimulant à son tour l'effort. Mais si les incitations extrinsèques sont mises en place, alors l'individu attribue son effort aux seules incitations et développe une désutilité de l'effort. En d'autres termes, selon Deci et al. [1 999b], les grandes récompenses peuvent contraindre un agent à reconnaître que le locus de la causalité est externe plutôt qu'interne, et ce qui est perçu comme un moyen de contrôle. Ceci minera le besoin inhérent de l'agent de l'autonomie, et par conséquent, ne fournit aucune satisfaction intrinsèque pour s'engager dans le comportement contrôlé.

La deuxième condition est que l'objet de la motivation intrinsèque d'un agent est également la source des récompenses. Par exemple, si un agent est initialement intrinsèquement motivé à agir dans l'intérêt d'un principal qui paye également les salaires aux ouvriers, alors l'introduction des incitations par le principal pourrait être perçue par l'agent comme tentative de manipulation. Cette perception minera le besoin de l'agent de l'autonomie, ce qui entraîne un effet d'éviction de la motivation. Cependant, si l'agent est motivé par les normes généralisées comme « provide an honest day 's work for an honest day 's pay » qui par la nature sont externes aux intérêts plus étroits du principal, alors les incitations extrinsèques présentées par le principal ne pourrait pas être perçu comme un

moyen de contrôle mais plutôt comme affirmation de la compétence. Ainsi, cela va supporter plutôt qu'évincer la motivation intrinsèque des agents.

Dans ce qui suit, nous allons montrer, en empruntant les travaux de James Jr. [2005], un simple modèle principal-agent dont l'objectif est de démontrer comment la taille de la compensation monétaire et l'objet sur lequel la motivation intrinsèque de l'agent est placée interagissent afin d'induire un agent, maximisant l'utilité comportant les éléments extrinsèques et intrinsèques, à se comporter comme si la motivation intrinsèque est évincée.

2- Le modèle principal-agent avec la motivation intrinsèque90

Initialement, on suppose que l'objet de la motivation intrinsèque de l'agent est également la source de sa compensation, c'est-à-dire que l'agent est intrinsèquement motivé à produire des bénéfices pour le principal. Ce modèle est utilisé pour montrer comment l'introduction des incitations monétaires peut entraîner une réduction discontinue d'effort des salariés si les incitations explicites minent leur motivation intrinsèque. Mais ce modèle permet aussi de montrer l'importance de la taille de la compensation incitative afin de comprendre pourquoi un agent intrinsèquement motivé à agir dans l'intérêt d'un principal se comporte comme s'il est motivé par des facteurs extrinsèques seulement. Le modèle est ensuite révisé pour refléter la motivation intrinsèque d'un agent qui est attachée à une norme généralisée du comportement plutôt qu'aux intérêts d'un principal. Cette révision illustre pourquoi l'objet auquel la motivation intrinsèque est attachée est important pour comprendre pourquoi l'éviction de la motivation a lieu.

Les incitations extrinsèques et la réduction discontinue de l'effort

Comment expliquons-nous l'évidence que l'introduction d'incitations a pour résultat une réduction discontinue d'effort des salariés?

Pour répondre à cette question, on exige un modèle de l'utilité qui contient des sources extrinsèques et intrinsèques d'utilité. Alors, dans ce modèle, l'utilité d'un agent incorpore les éléments extrinsèques et intrinsèques. Supposons qu'un principal emploie un agent à offrir un effort e en échange de la compensation, w. Si p est le revenu produit par unité d'effort, alors les bénéfices du principal sont de pe - w.

90 Nous empruntons les travaux de James Jr. [2005].

Si la désutilité d'effort du travailleur est e2, alors son utilité extrinsèque est de w - e2. D'une manière optimale, le travailleur devrait fournir l'effort91 e* = p/2, qui maximise le bien-être social (les bénéfices plus l'utilité).

Ainsi, l'agent choisit l'effort e pour maximiser la fonction suivante comportant les éléments extrinsèques et intrinsèques:

U = w + re - e2 + I5s (1)

La motivation extrinsèque de l'agent est w + re - e2, qui se compose de salaire

fixe w, le paiement incitatif r, net de coût d'effort e2. I5s représente la motivation intrinsèque de l'agent. La variable I est un indicateur de la présence ou de l'absence de la motivation intrinsèque de l'agent. On suppose que I = 1 si l'agent est intrinsèquement motivé et I = 0 si cette motivation intrinsèque est évincée. Le paramètre 5 représente une intensité de la motivation intrinsèque de l'agent pour un certain objet s, où un agent avec un haut 5 aura une motivation plus forte vers s qu'un agent avec un bas 5.

Pour la simplicité, supposons que p > r (de sorte que les incitations soient
marginalement profitables au principal) et 5 > 0 (de sorte que l'agent soit motivé pour être
productif plutôt que destructif). D'ailleurs, le cadre de ce modèle est divisé en deux périodes :
Dans la première période, le principal offre un contrat d'emploi à un agent
aléatoirement tiré de la population se composant des travailleurs dont le salaire de réservation
est zéro et qui sont identiques pour leurs capacités, mais sont différents pour la taille de 5
définissant la force de la motivation intrinsèque qu'ils se sentent; les agents avec 5s plus élevé
sont plus intrinsèquement motivés que des agents avec 5s inférieur, toutes choses égales par
ailleurs. En outre, supposons que le niveau du 5 est une information privée et non bien
informé du principal à n'importe quel coût. Enfin, supposons que 5, l'intensité de la
motivation intrinsèque de l'agent est fixe parce que la question d'intérêt est seulement si
l'agent se comporte comme si intrinsèquement motivé, i.e. si I = 1 ou I = 0, et non comment
il est intrinsèquement motivé, i.e. si 5 est grand ou petit. Le contrat offert à l'agent se

compose d'un salaire fixe w, et de taux incitatif, r ? 0, en échange de l'effort e choisi par l'agent.

Dans la deuxième période, l'agent fait le choix d'effort et le principal compense l'agent, qui se produit simultanément.

Initialement, nous supposons que l'objet de la motivation intrinsèque de l'agent est le principal. Autrement dit, l'agent est motivé à produire des bénéfices pour le principal pour

91 Le salarié maximise son effort au point où son bénéfice marginal est égal au coût marginal de son effort.

que s = pe - (w+ re) ou s = pe - w- re. Nous assumons également que le principal est intéressé à assurer des bénéfices maximisés. Alors, l'équation (1) devient:

U =w + re - e2 + Iä(pe - w- re) (2)

En maximisant la fonction d'utilité de l'agent (2) avec le respect à l'effort e, on obtient son choix optimal de l'effort ê92 :

ê - +

= ä (3a)

I ( p r ) r

2

Considérons maintenant deux scénarios stylisés différents.

En premier lieu, l'agent se voit offrir seulement des salaires fixes pour la participation, mais il est également intrinsèquement motivé à offrir l'effort. Dans ce cas, r = 0 et I = 1 de sorte que l'agent assure l'effort ê = äp/2 = ê1.

En second lieu, l'agent se voit offrir des salaires fixes et une incitation r pour l'effort mais il n'a aucune motivation intrinsèque pour fournir l'effort au delà de ce que l'incitation offre. Dans ce cas, r >0 and I = 0 de sorte que l'agent assure l'effort ê = r/2 = ê2. Notons que dans ce deuxième cas, l'effort augmente à mesure que le salaire à la pièce augmente.

Ces deux scénarios se conforment à la stylisation de problème d'éviction de la motivation dans la littérature parce que les ouvriers sont souvent intrinsèquement motivés quand aucune compensation incitative n'est offerte (r = 0 et I = 1) mais ne sont pas intrinsèquement motivés quand des incitations sont offertes (r > 0 et I = 0). On peut résumer le choix d'effort de l'agent dans chaque scenario.

ê

=

? ? ?

ä p ê si r I

/ 2 0 , 1

= = =

1

r ê si r I

/ 2 0 , 0

= > =

2

(3b)

Selon une évidence expérimentale, l'effort fourni dans le cadre d'un contrat de salaire fixe avec un agent intrinsèquement motivé sera souvent égal à ou excèdera l'effort assuré par un agent non intrinsèquement motivé une fois qu'il est contrôlé par un contrat incitatif (ê1 = ê2)93. ä ? r/p suggère que la motivation intrinsèque de l'agent doit être suffisamment forte. Si les incitations sont, par la suite, introduites et minent la motivation intrinsèque de l'agent (I = 0), alors le choix d'effort de l'agent diminue de manière discontinue de ê1 à ê2. Ensuite,

?U

92 La solution est que 0

= ou ? [w + re - e2 + Iä (pe - w - re)]/ ? e = 0. A partir de cette dérivation, on

?e

obtient l'effort optimal choisi par l'agent : r - 2e + Iä (p - r) = 0 ou bien

ê=

I ( p r ) r

ä - +

 
 

.

2

93 ê1 = ê2 puisque äp/2 = r/2, ou bien ä ? r/p , avec la condition p > r et ä > 0.

l'augmentation des salaires à la pièce a pour conséquence un effort accru, c'est-à-dire, à mesure que r augmente, ê2 augmente sans interruption94. Cela est illustré dans la figure 9.

Figure 9 : L'effet des incitations monétaires sur l'effort Salaire aux pièces, r

ä > r/p ä < r/p

0 ê1 = äp/2 Effort, e

ê2 = r/2

L'éviction de la motivation quand l'objet est orienté vers un principal

Pourquoi les incitations positives (r > 0) peuvent-elles être associées avec les agents se comportant comme si la motivation intrinsèque est évincée (I = 0)? Afin de comprendre pourquoi un agent avec l'utilité comportant les éléments extrinsèques et intrinsèques choisissent l'effort comme si la motivation intrinsèque ont été minée, nous devons examiner l'utilité de l'agent quand I = 0 (la motivation intrinsèque évincée) et I = 1 (la motivation intrinsèque positive) sous les deux cas de r = 0 (aucune compensation incitative) et r > 0 (la compensation incitative positive).

a- Cas n° 1: r = 0 et I = 0

D'abord, considérons le cas dans lequel aucune compensation incitative n'est offerte (r = 0). Si la motivation intrinsèque de l'agent est sapée (I = 0), alors son utilité sera95:

U (ê| r = 0, I = 0) = w (4a)

Comme r = 0 et I = 0, par l'équation (3a), l'agent va offrir l'effort ê = 0.

94 Ce résultat est similaire à celui de Frey et Jegen [2000] présenté dans la sous-section 1.

95 Par l'équation (2) qui est la fonction d'utilité de l'agent, comme r = 0 et I = 0 ainsi que ê = 0, alors on

obtient U = w.

b- Cas n° 2: r = 0 et I = 1

Si l'agent est intrinsèquement motivé au moment où aucune compensation incitative n'est offerte, son utilité sera96 :

U (ê| r = 0, I = 1) = (ä2p2 - 4 äw + 4 w)/4 (4b)

Cela correspond à l'effort choisi par l'agent de ê1 = äp/2 (voir l'équation (3b)). L'agent aura une plus grande utilité quand intrinsèquement motivé, c'est-à-dire quand l'équation (4b) n'est pas moins que (4a), ou quand97:

ä ? 4 w /p2 ? äSF (5)

L'équation (5) définit le seuil déterminant à partir duquel un agent sera intrinsèquement motivé pour fournir l'effort pour un principal quand on lui offre seulement un contrat du salaire fixe (SF), i.e. quand r = 0. Quand ä ? äSF, ou quand la motivation intrinsèque d'un agent à agir dans l'intérêt du principal est relativement élevé, alors il aura une utilité plus élevée que lorsqu'intrinsèquement motivé. Cependant, quand ä < äSF, ou quand la motivation intrinsèque de l'agent est relativement faible, alors il aura une utilité plus élevée en choisissant l'effort comme si non intrinsèquement motivé, i.e. I = 0 ; c'est-à-dire que la motivation intrinsèque est minée. Nous observons que le seuil äSF augmente en fonction du montant du salaire fixe, mais diminue avec une augmentation du revenu produit par unité d'effort. En d'autres termes, toutes choses égales par ailleurs, plus le salaire fixe offert à l'agent est grand, plus la motivation intrinsèque innée de l'agent devrait être élevée afin de l'induire à fournir l'effort.

Par conséquent, lorsqu'un salaire fixe est offert mais sans compensation incitative, la plupart des individus semblent être disposés à travailler comme si intrinsèquement motivé (I = 1), en suggérant que ä ? äSF avec l'effort correspondant au ê1.

c- Cas n° 3: r > 0 et I = 0

Maintenant, nous considérons le troisième cas dans lequel la compensation incitative est offerte (r > 0). Si la motivation intrinsèque de l'agent est évincée (I = 0), alors son utilité sera98 :

96 A partir de l'équation (2), quand r = 0, I = 1 et l'effort choisi par l'agent est de ê1 = äp/2, alors U = w - e2 + ä(pe - w ) = w - (äp/2)2 + ä[p(äp/2) -w] ou bien U = (ä2p2 - 4 ä w + 4w)/4.

97 Si l'équation (4b) = (4a), alors, (ä2p2 - 4 ä w + 4w )/4 = w ou ä ? 4w /p2.

U (ê| r >0, I = 0) = (r2 + 4 w)/4 (6a)

Dans ce cas, l'agent va choisir l'effort ê2 = r/2.

d- Cas n° 4: r > 0 et I = 1

Si la compensation monétaire incitative est introduite (r > 0) et l'agent est intrinsèquement motivé (I = 1), son utilité sera99 :

U (ê| r >0, I = 1) = [ä2(p - r)2 + 2ä(pr - r2 - 2w) + r2+ 4 w]/4 (6b)

Dans ce cas, le niveau d'effort choisi par l'agent est de ê - +

= ä . L'agent,
( p r ) r

2

quand intrinsèquement motivé, aura une plus grande utilité quand l'équation (6b) n'est pas moins que (6a), ou quand100 :

ä ? [4w- 2r(p - r)]/(p - r)2 ? äCI (7)

Cette équation définit le seuil déterminant à partir duquel un agent sera intrinsèquement motivé quand on lui offre un contrat de la compensation incitative (CI) (r > 0). Si ä ? äCI, ou si la motivation intrinsèque innée de l'agent vers le principal est suffisamment forte, puis même lorsque la compensation incitative est offerte, il sera plus utile pour l'agent d'être intrinsèquement motivé en choisissant le niveau de l'effort à offrir pour le principal. Si, cependant, la motivation intrinsèque innée de l'agent est trop faible dans le sens où ä < äCI, alors l'agent aura une faible satisfaction lorsque sa motivation intrinsèque est sapée puisqu'il choisit l'effort en se basant seulement sur la taille de l'incitation extrinsèque, r. En effet, la compensation incitative a pour conséquence une désactivation rationnelle de la motivation intrinsèque de l'agent. Comme dans le cas où aucune compensation incitative n'est offerte, le seuil äCI a une corrélation positive avec le montant du salaire fixe.

En conséquence, l'évidence expérimentale suggère que les agents se comportent généralement comme si intrinsèquement motivé quand un salaire fixe est offert mais aucune compensation incitative n'est offerte (quand ä ? äSF). Dans ce cas, l'agent choisit le niveau d'effort à ê1 = äp/2. L'évidence expérimentale suggère également que quand les travailleurs

98 Par l'équation (2), comme r > 0, I = 0 et e = ê2 = r/2, l'utilité de l'agent devient : U = w + r(r/2) - r2/4 ou bien U = (r2 + 4w)/4.

99 On calcule cette utilité de l'agent en remplaçant r > 0, I = 1 et e =

ê=

ä ( p r ) r

- +

dans l'équation (2): U =

 

2

w + re - e2 + Iä(pe - w- re).

100 On calcule l'inéquation (6b) = (6a).

sont offerts la compensation incitative, beaucoup de ceux qui étaient déjà intrinsèquement motivés quand aucune incitation monétaire n'a été payée par la suite agissent comme s'ils ne sont pas intrinsèquement motivés, en suggérant ä < äCI plutôt que ä ? äCI.

Pourquoi l'introduction de la compensation incitative impliquerait-elle que l'effort soit observé dans le cas n° 3 et non dans le cas n° 4 ? Pourquoi l'introduction d'une incitation impliquerait-elle que ä < äCI plutôt que ä ? äCI?

Pour répondre à ces questions, nous devons déterminer si et quand il est possible que

äSF ? ä < äCI. Cette expression est vraie lorsque 4w/p2 < [4w- 2r (p - r)]/ (p - r)2, ou lorsque:

r > [p (p2 - 4w)]/ (p2 - 2w) = r (8)

Cette équation démontre que si le taux incitatif offert par le principal est trop élevé, certains agents intrinsèquement motivés à fournir l'effort en l'absence de la compensation incitative (i.e., avec ä ? äSF) ne le seraient plus lorsque la compensation incitative est offerte (i.e., ä < äCI). Autrement dit, leur motivation intrinsèque serait évincée par les incitations

extrinsèques. En revanche, si r = r, alors äSF ? äCI. Par conséquent, les agents qui seraient intrinsèquement motivés quand aucune compensation incitative n'est offerte (ä ? äSF) le seraient également quand les incitations sont offertes, car le ä ? äSF et äSF ? äCI implique ä > äCI dans ce cas. En d'autres termes, pour certains agents, la question du pourquoi l'introduction des compensations extrinsèques mine la motivation intrinsèque, ce qui a donc pour résultat un niveau d'effort plus bas, dépend en partie de la taille de la compensation incitative offerte.

Comme expliqué ci-dessus, une raison pour laquelle les grandes récompenses sapent la motivation intrinsèque est qu'elles peuvent être perçues par les agents comme un moyen de contrôle et donc elles ne fournissent aucune satisfaction intrinsèque à l'agent. Dans ce cas, le comportement de l'agent refléterait probablement la satisfaction extrinsèque seulement.

L'auteur James Jr. continue à prouver que même les petites incitations monétaires induisent les agents à se comporter comme si non intrinsèquement motivés en relation avec l'estimation de la valeur de l'effort réalisé par l'agent aux yeux du pincipal, la taille du salaire fixe, l'intensité de motivation intrinsèque innée de l'agent et d'autres facteurs. Il observe

encore que r diminue dans le montant des salaires fixes, w car:

?

(9)

r 2p3 / (p2 - 2 w )2 < 0

?

= -

w

Par conséquent, quand on paie aux agents les salaires fixes très grands, où même lorsqu'ils bénéficient d'incitations monétaires modestes, il se produit inévitablement un effet d'éviction de la motivation.

D'ailleurs, l'auteur continue à démontrer que quand l'objet de la motivation intrinsèque d'un agent est une norme sociale généralisée, comme « provide an honest day 's work for an honest day 's pay » ou « honor your contractual obligations », les agents croient qu'ils devraient fournir au moins un certain niveau d'effort lorsqu'ils sont employés par le principal. Dans ce cas, le niveau de la motivation intrinsèque innée nécessaire à induire la motivation intrinsèque lorsque les incitations sont offertes sera toujours inférieur au niveau requis quand seule la compensation fixe est offerte (äCI < äSF). Ainsi, si l'agent est déjà intrinsèquement motivé à travailler lorsqu'il n'y a pas d'incitations extrinsèques, alors la motivation intrinsèque ne serait pas évincée quand la compensation incitative est offerte.

En conséquence, ce modèle illustre comment et pourquoi l'introduction des incitations monétaires peut avoir pour effet l'éviction de la motivation intrinsèque des travailleurs. Le modèle utilise des perspicacités de théorie de l'évaluation cognitive qui établit pour principe que les événements perçus en tant que moyen de contrôle induisent des agents à ne pas être intrinsèquement motivés puisque le comportement contrôlé ne fournit pas la satisfaction intrinsèque. Le modèle prouve que deux facteurs sont importants pour comprendre comment un agent pourrait percevoir l'introduction d'une incitation explicite comme moyen de contrôle : l'objet auquel la motivation intrinsèque est attachée et la taille de la compensation incitative et fixe.

Bonner et Sprinkle [2002] soutiennent également que, sur un plan théorique, des incitations monétaires élevées ne sont pas nécessairement plus efficaces. En effet, la perspective d'une richesse accrue peut dissuader l'effort au lieu de le stimuler et, si l'individu souffre d'un manque d'estime de soi, le sentiment de ne pas arriver à atteindre le niveau de performance requis peut définitivement le décourager.

L'argument dans cette section est vraiment contraire à celui dans la partie précédente. Dans la partie 1, les économistes ont émis un argument de taille soutenus par des preuves empiriques que les incitations monétaires influencent positivement l'effort des salariés. Mais les chercheurs dans cette section, s'appuyant sur des études expérimentales des psychologues et des économistes, clament le contraire, c'est-à-dire que les incitations monétaires nuisent à la motivation intrinsèques des salariés et donc à leur effort. Les psychologues reconnaissent aussi que les incitations monétaires peuvent booster la motivation intrinsèque et aussi l'effort

des salariés si elles ne sont pas perçues par ces derniers comme un moyen de contrôle, i.e., si elles incitent en eux un sentiment de compétence et d'autodétermination.

Cependant, la recherche récente sur la motivation intrinsèque indique que bien que la motivation intrinsèque et extrinsèque aient été initialement conçues comme dichotomie, beaucoup de chercheurs, actuellement, ne tiennent plus compte de cette notion [Kunz et Pfaff, 2002]. Plusieurs études ont prouvé que les récompenses extrinsèques augmentent la motivation intrinsèque [Ryan, 1982; Ryan et al., 1983]. Par conséquent, il est apparu de plus en plus clairement que les récompenses extrinsèques ne sont pas nécessairement nuisibles, mais plutôt peuvent jouer un rôle complémentaire à la motivation intrinsèque.

Gagné et Deci [2005] exposent certains problèmes de la théorie de l'évaluation cognitive. Premièrement, la plupart des études qui ont testé cette théorie étaient des expériences de laboratoire plutôt que des études d'organisation. Deuxièmement, il était difficile d'incorporer des propositions de la théorie de l'évaluation cognitive aux approches répandues comportementales et d'attente-valence. Troisièmement, de nombreuses activités dans les organisations du travail ne sont pas intrinsèquement intéressantes et l'utilisation des stratégies telles que la participation à l'augmentation de la motivation intrinsèque n'est pas toujours réalisable. Quatrièmement, la plupart des personnes qui travaillent doivent gagner de l'argent, ainsi utiliser les récompenses monétaires101 comme une stratégie de motivation centrale semble pratique et attrayante. Cinquièmement, la théorie de l'évaluation cognitive a semblé impliquer que les managers et les théoriciens de management devraient se concentrer sur l'un ou l'autre - c'est-à-dire, soit sur une augmentation de la motivation intrinsèque par la participation et l'empowerment 102 en minimisant l'utilisation des facteurs extrinsèques, soit sur l'utilisation des récompenses et d'autres contingences extrinsèques pour maximiser la motivation extrinsèque en ignorant l'importance de la motivation intrinsèque.

Par conséquent, Deci et ses collègues se sont clairement dissociés de l'ancienne dichotomie fallacieuse de la motivation intrinsèque et extrinsèque [Kunz et Pfaff, 2002]. Ils ont présenté une analyse différenciée de la motivation extrinsèque en utilisant les concepts de l'internalisation, qui adresse directement les critiques formulées ci-dessus au sujet de la théorie de l'évaluation cognitive. Dans leur concept, ils supposent que les individus tendent à internaliser et intégrer les régulations du comportement extrinsèquement motivé afin de faire

101 Nous soulignons.

102 « L'empowerment [est] promu par Peter F. Drucker, ce terme désigne le management qui consiste à substituer la confiance a priori au contrôle, de manière à favoriser la confiance entre niveaux hiérarchiques. Ce concept que l'on croit volontiers récent est en réalité très proche de l'idée de « pouvoir coactif » (capacité de faire les choses en commun), [...] » [Filleau et Marques-Ripoull, 1999, p. 73].

face efficacement à leur monde social. Par conséquent, la dichotomie traditionnelle est remplacée par une conceptualisation de la motivation extrinsèque comme un continuum d'internalisation et d'intégration. Cela correspond à la théorie de l'autodétermination qui incorpore la théorie de l'évaluation cognitive, mais elle est beaucoup plus large que cette dernière dans la portée.

Dans la section suivante, nous allons donc aborder une analyse de l'autorégulation qui explique comment les gens incluent des valeurs sociales et des contingences extrinsèques et progressivement les transforment en valeurs personnelles et auto-motivations. Dans la discussion, nous exposerons sommairement les différentes formes de motivation internalisée, en adressant leurs corrélations comportementales et d'expériences et les conditions qui sont susceptibles de favoriser ces différentes motivations et également en réexaminant les effets des incitations monétaires.

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