1. Généralités
La zone d'étude se situe dans l'Atlas Saharien, aux
confins algéro-tunisiens, et précisément dans les Monts de
Tébessa, qui constituent la partie orientale des monts de Nemmencha. Les
formations géologiques de la région, uniquement
sédimentaires, se composent de marnes, marnocalcaires et calcaires, d'un
âge compris entre le Turonien et le Maestrichtien, le tout étant
surmonté par des formations tertiaires, paléogènes et
néogènes (plateau de Tazbent).
L'Oued Youkous se localise au Nord-Ouest de la ville de
Tébessa (Fig. 1) et prend sa source à la sortie de la grotte de
Bouakkous (située à quelques km au sud-ouest de la ville de
Hammamet). Encadré de sommets calcaires, il s'agit d'un petit oued qui
se jette dans l'oued Chabbro, lui-même se jetant dans l'oued Laksob, puis
finalement dans l'oued Mellègue. Ce dernier traverse les villes de El
Aouinet puis de l'Ouenza et continue sa course en Tunisie jusqu'à la mer
Méditerranée. Les terrasses étudiées sont en
position basse, et ne sont pas surmontées par d'autres terrasses.
De part et d'autres du tracé l'oued, à
proximité immédiate de la coupe étudiée, nous avons
découvert deux sites capsiens, remarquables par leur grande
diversité en outillage lithique et en escargots. Un autre niveau
archéologique, présent
au sein même de la coupe, a également attiré
notre attention : un certain nombre d'outils sur éclats (racloirs...)
nous semblent être de facture moustérienne ou atérienne,
mais des études plus précises restent à mener.
2. Méthodologie
Au total, 45 échantillons ont été
prélevés sur la coupe stratigraphique et ont fait l'objet de
plusieurs types d'analyses, que nous allons détailler ci-dessous :
2.1. Méthodes destinées à
l'étude sédimentologique
- analyses sédimentologiques classiques, destinées
à étudier les fractions les plus grossières,
- analyses sédimentométriques pour l'étude
des fractions les plus fines (limon et argile),
- analyses par diffraction des Rayons X, visant à
identifier les différents minéraux argileux présents et
leurs proportions relatives (réalisées au laboratoire de
Géologie de l'Université d'El Manar en Tunisie),
- analyses calcimétriques,
- analyses morphoscopiques des grains de quartz.
Symbole
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Signification
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Kbf et Khf
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Susceptibilité magnétique volumique à basse
fréquence (0,46 kHz) et à haute fréquence (4.6 kHz). Sans
dimension.
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ibf et ihf
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Susceptibilité magnétique massique à basse
fréquence et haute fréquence :
3-1)
ibf / hf = (Kbf / hf.v)/p
(m.kg
avec v = volume et p = masse de
l'échantillon.
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ifd
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Dépendance en fréquence de la susceptibilité
magnétique :
ifd = ((ibf-ihf)/ibf) x 100 %
Utilisée pour estimer le pourcentage des grains
magnétiques de taille SP
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Tc
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Température de Curie : au-dessus de laquelle tout corps
perd ses propriétés magnétiques.
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MD
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MonoDomaine : Grains de petite taille
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SP
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SuperParamagnétique : Grains de taille très
fine.
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PD
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PolyDomaine : Grains de plus grande taille. La limite de taille
avec les gr. MD est variable (selon le type de matériau et sa forme
notamment).
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PMD
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Pseudo-MonoDomaine
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Karm
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Susceptibilité anhystérétique
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Kdia
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Susceptibilité diamagnétique : Concerne les corps
diamagnétiques, constituant en général la matrice (quartz,
calcite, eau...)
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ARIS
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Aimantation Rémanente Isotherme de saturation (en
A.m2.kg-1 si massique ou en A/m si volumique)
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ARI
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Aimantation Rémanente Isotherme
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ARI-
1 00/ARIs
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Rapport de l'ARI à 100 mT et de l'ARIS
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ARA
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Aimantation Rémanente Anhystérétique (en
A.m2.kg-1 si massique ou en A/m si volumique)
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H
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Champ magnétique appliqué
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Hcr
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Champ coercitif rémanent1
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Tableau 1. Définition des paramètres
magnétiques utilisés.
Grâce à certains paramètres, il est possible
de connaître la concentration, la taille ou la nature des grains
magnétiques, ce qui permet ensuite d'obtenir des interprétations
paléoenvironnementales. Ces paramètres sont les suivants :
- Susceptibilité magnétique massique
(i) : permet d'estimer la concentration en grains
magnétiques dans les sédiments. En effet, au-delà d'un
certain diamètre, elle est peu sensible à la variation de la
taille des grains de magnétite (Heider et al., 1996).
- Aimantation rémanente isotherme à
saturation (ARI s ) : un électro-aimant permet d'appliquer
un
fort champ magnétique (1 T) sur l'échantillon
suivant une direction déterminée, à la suite de quoi
l'ARI
s est mesurée à l'aide d'un
magnétomètre de
type spinner (Minispin). Finalement, une aimantation
rémanente anhystéritique (ARA) est induite en appliquant
un faible champ direct de 0,2 mT, puis un fort champ alternatif de 0,12 T sur
l'échantillon dans le sens inverse de l'aimantation à
saturation.
Le rapport ARIs/ARA permet d'estimer la contribution
respective de chaque type de grains magnétiques, l'ARA étant
très influencée par la présence de grains de taille MD et
PMD (Hunt et al., 1995).
- S-ratio (rapport ARI-0.3 T / ARI-1T) :
caractérise la présence de grains magnétiques de champ
coercitif fort, comme l'hématite et la goethite, et les grains de taille
MD (Robinson, 1986; Bloemendal et al., 1992).
L'analyse de la courbe d'acquisition de l'ARI donne des
informations sur la distribution des composantes magnétiques des
échantillons et indique à quel champ magnétique
l'échantillon a acquis sa rémanence (Mooney et al.,
2002). Chaque spectre peut ainsi être ajusté par l'utilisation de
la distribution du log gaussien cumulatif (CLG) (Robertson et France, 1994;
Stockhausen, 1998).
Chaque composante magnétique est décrite par son
aimantation à saturation (ARIs), à l'aide du
paramètre B 1/2 (champ magnétique pour lequel la moitié de
l'ARIs est atteinte) et du paramètre DP, représentant
la dispersion de la distribution (Robertson et France, 1994; Kruiver et al.,
2001 ; 2003).
Dans ce qui suit est décrite l'analyse de la courbe
d'acquisition de l'ARI pour les échantillons Youk-02, Youk-20, Youk-28,
Youk-37 et Youk-44 (prélevés respectivement entre -10 et -15 cm,
-162 cm, -245 cm, -363 cm et -445 cm) :
- Pour l'échantillon Youk-02, trois composantes
magnétiques sont présentes (fig. 6A et 6B). La première a
un champ coercitif 27.5 mT et contribue à 91 % de l'ARI totale de
l'échantillon : il s'agit de grains de taille PD de magnétite qui
saturent très rapidement et qui présentent des
propriétés magnétiques douces ou de faible
coercivité (`soft component'). La deuxième composante
présente un champ coercitif de l'ordre de 281.8 mT et contribue à
7 % de la valeur totale de l'ARI : il s'agit probablement de grains
d'hématite ou de goethite. La troisième composante montre un
champ coercitif de l'ordre de 724.4 mT, et ne contribue qu'à 2 % de
l'ARI. Cette composante est portée par les grains de goethite ou
d'hématite de taille fine.
- Les résultats obtenus pour l'échantillon Youk-20
(fig. 6C et 6D) sont différents de ceux de l'échantillon Youk-02.
Les composantes magnétiques observées sont aux nombre de deux. La
première présente un champ coercitif relativement faible, de
l'ordre de 29.5 mT, et contribue à 45 % de l'ARI. Il s'agit
vraisemblablement de grains de magnétite de taille variable (PD, PMD et
MD) toutefois dominé par ceux de taille PD. La seconde composante
présente un champ coercitif plus faible (14.5 mT) et contribue à
55 % de l'ARI totale de l'échantillon. Il s'agit essentiellement de
grains de magnétite de taille PD.
- L'échantillon Youk-28 (Fig. 6E et 6F) présente
trois composantes magnétiques, dont deux de faible champ coercitif (19.5
et 35.5 mT) qui contribuent respectivement à 59 et 30 % de l'ARI totale
de l'échantillon. Il s'agit de grains PD pour la première
composante et d'un mélange de grains (PD, PMD et MD) pour la
deuxième composante. Quant à la troisième composante, son
champ
coercitif est plus fort (223.9 mT) et elle contribue à 11%
de l'ARI totale. Cette dernière est portée soit par
l'hématite soit par la goethite.
- Les deux échantillons Youk-37 (Fig. 6G et 6H) et Youk-44
(Fig. 6I et 6J) montrent des propriétés magnétiques
identiques à celles de l'échantillon Youk-28 (le champ coercitif
de la troisième composante est plus fort (309 et 549 mT). L'aimantation
à saturation de l'échantillon Youk37 est cinq fois
supérieure à celle de l'échantillon Youk-44. Les grains
magnétiques présents dans les deux niveaux sont les mêmes,
mais leur concentration est cinq fois plus importante dans le niveau
supérieur (échantillon Youk-37). Il est fort possible que les
grains magnétiques du niveau supérieur aient migrés vers
les niveaux inférieurs par l'intermédiaire des eaux
interstitielles.
La représentation de Thompson et al. (1986) permet
d'estimer la taille et la concentration en grains de magnétite [fig. 7].
On en déduit que les sédiments des terrasses fluviatiles et
alluviales de l'Oued Youkous sont pauvres en magnétite. La concentration
de la magnétite varie entre 0.00 1 et 0.01 %. La taille des grains de
magnétite est supérieure à 256 um.
Le diagramme de King et al., 1982 (fig. 8) a
été appliqué à l'ensemble des échantillons.
Ce diagramme confirme les résultats obtenus par le diagramme de Thompson
et al., et atteste la dominance de grains de magnétite de taille PD.
Pour les deux échantillons Youk-24 et Youk27
(prélevé à -200 et -235 cm), une représentation de
la susceptibilité magnétique en fonction de la température
est proposée (Fig. 9). On y observe une légère
augmentation des valeurs de ê à partir de 100 C°, ce qui
pourrait être due à la décomposition de la goethite en
magnétite. La diminution des valeurs de ê entre 300 C° et 400
°C est probablement le résultat de la décomposition de la
maghémite en hématite pendant le traitement thermique (Necula et
al., 2005 ; Florindo et al. 1999) ou la transformation des
sulfures de fer (pyrrhotite ou greigite). Le point de Curie de la
magnétite est marqué par une chute totale des valeurs de
ê.
Les deux échantillons montrent clairement : - soit le pic
de Hopkinson à environ 520 °C,
- soit la réduction de l'hématite de faible signal
magnétique en magnétite de fort signal magnétique, - soit
la conversion sous l'effet de la température des silicates, des
carbonates de fer ou des minéraux argileux en magnétite ou en
maghémite (Zhu et al., 1999 et 2000).
La présence de ce pic montre que la phase
magnétique est dominée par les grains de taille MD et PMD (Deng
et al. 2000). L'hématite est aussi présente dans les
sédiments, mais la contribution de ce minéral aux valeurs de la
susceptibilité magnétique n'est pas significative, et la
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