Les enjeux de la coopération sino-africaine( Télécharger le fichier original )par Awuve Koffi Afetogbo AZILAN Ecole Nationale d'Administration du Togo - Diplome de Cycle III de l'ENA, Option Diplomatie 2008 |
Paragraphe II : De la nécessité pour l'Afrique de s'imposer dans un monde multipolaire conflictuelL'émergence de nouveaux Etats industrialisés et l'accroissement de leur influence sur la scène internationale tendent de plus en plus à instaurer un monde multipolaire où de nombreux acteurs essayent de s'imposer les uns aux dépens des autres. L'Afrique doit renforcer, en dehors de la Chine, sa coopération avec les nouveaux pays émergents (B) et faire face aux affrontements entre la Chine d'un coté et les UE et les USA de l'autre, affrontement dont elle est le théâtre (A). A- La nécessité de gérer avec maturité les rivalités Chine-UE-USA L'émergence de la Chine en Afrique suscite des réactions courroucées de la part des puissances tutélaires du continent. Comme pendant la guerre froide, l'Afrique est en train de devenir le théâtre des rivalités entre, d'un côté, les pays développés qui se sentent menacés dans leur hégémonie, et de l'autre, la nouvelle venue : la Chine. Il est à craindre que ces affrontements entre les puissances ne viennent bouleverser les équilibres encore précaires en Afrique. Au coeur de toutes les convoitises, se trouvent les matières premières africaines dont chacune des puissances compte avoir si possible, le monopole. Même si la Chine s'efforce de mener « un développement pacifique113(*) » en évitant toute forme de confrontation avec les puissances concurrentes, en particulier les USA, il convient de reconnaître que sa nouvelle diplomatie africaine commence à retenir l'attention des dirigeants américains. Dans un document portant sur la stratégie de sécurité nationale publié en 2006, l'administration américaine exprime ouvertement ses craintes par rapport à l'émergence chinoise en Afrique. La création d'un commandement américain en Afrique, annoncée pour septembre 2008 sur fond de lutte contre le terrorisme mais avec en arrière plan la volonté de contrer la Chine, s'inscrit dans cette logique. Il en est de même du projet du « Grand Moyen Orient » conçu par les Américains et qui vise à asseoir la mainmise des USA sur 65% des ressources pétrolières mondiales. La réussite de ce projet qui couvre une zone qui va de la Mauritanie au Pakistan, placerait les USA dans une position favorable par rapport à la Chine. Par ailleurs, la brouille de plus en plus perceptible entre l'administration américaine et le régime du Président congolais, Joseph Kabila, est en partie liée au rapprochement de ce dernier de la Chine qui lui avait accordé un prêt de 5 milliards de dollars. La tension s'est davantage exacerbée avec le refus de Kabila d'acheter le Boeing 707 que lui avait proposé les Américains114(*). Les pays membres de l'UE, avec en tête la France,115(*) manifestent aussi leur inquiétude quant au nouveau partenariat Chine-Afrique. En France, un rapport de 200 pages consacré à la pénétration chinoise en Afrique116(*), conclut à la « nécessité de prendre des mesures vigoureuses pour sauver la politique africaine de la France ». Suite à ce rapport, des mesures sont annoncées qui ne seraient pas sans susciter une rivalité franco-chinoise au niveau du continent, surtout dans les pays où les intérêts pétroliers français sont menacés par la percée chinoise117(*). L'UE, de son coté a réagi face à la menace chinoise. Le Parlement européen a adopté un rapport (rapport Ana Gomes) qui attire l'attention des dirigeants sur la nécessité de « relever les défis suscités par la montée en puissance de nouveaux donateurs en Afrique, tels que la Chine... » Dans ces différents affrontements, l'Afrique risque d'être la victime, comme elle l'a toujours été, d'où le besoin pour elle de savoir se mouvoir dans la nouvelle configuration géopolitique, pour que son `'idylle'' avec les nouveaux pays émergents ne tourne pas au cauchemar. B- La nécessité pour l'Afrique d'envisager une coopération beaucoup plus élaborée avec les autres pays émergents Le développement des relations sino-africaines ne doit pas faire oublier les multiples opportunités et avantages qu'offrent les autres pays émergents tels que l'Inde, le Mexique, le Brésil, l'Argentine etc. Par leur croissance économique, ces pays se sont hissé à la cour des `'grands''. Avec eux, l'Afrique peut aussi construire des partenariats productifs. Ces pays, en effet, n'ont pas de passé colonial en Afrique et n'affichent, du moins pour l'heure, que des ambitions purement commerciales. Leur croissance économique et industrielle de ces dernières années fait d'eux des pays respectables sur la scène internationale. L'Afrique se doit d'explorer toutes les pistes qui peuvent lui apporter des capitaux (investissements), de la technologie et les nouveaux pays émergents peuvent les lui assurer, à condition qu'elle définisse clairement une stratégie à leur égard. Outre les Investissements Directs Etrangers (IDE) que ces pays peuvent lui apporter, le commerce avec eux peut profiter à l'Afrique et contribuer ainsi à la diversification de ses partenaires commerciaux. A titre d'exemple, les indiens sont présents en Afrique dans le domaine des télécommunications et des nouvelles technologies de l'information et de la communication. * 113 Selon la formule des quatre non du Président HU Jintao : non à l'hégémonisme, non à la politique de la force, non à une politique des blocs, non à la course aux armements. * 114 Voir : Jean Paul Tédga, « Chine-Afrique : Pourquoi le camarade Hu Jintao inquiète tant l'Occident », AfriquEducation, n°249-250 du 1er au 30 avril 2008, p. 25 à 27. * 115 Qui est en Europe, de loin, le pays qui a le plus d'influence en Afrique grâce à un vaste empire colonial. * 116 Publié en janvier 2006 par le cabinet BD-Consultants. * 117 C'est l'exemple du Gabon et de la RDC où les compagnies françaises Elf et Total sont dangereusement concurrencées par leurs homologues chinoises. |
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