Les enjeux de la coopération sino-africaine( Télécharger le fichier original )par Awuve Koffi Afetogbo AZILAN Ecole Nationale d'Administration du Togo - Diplome de Cycle III de l'ENA, Option Diplomatie 2008 |
Section 2 : Les défis à relever par l'AfriqueLes défis qui attendent l'Afrique sont aussi nombreux que variés et vont de la nécessité de faire sa mue interne (Paragraphe I) à celle de s'imposer dans un monde multipolaire conflictuel (Paragraphe II). Paragraphe I: De la nécessité d'opérer des mutations au plan interneLes mutations que l'Afrique doit entreprendre vont de l'adoption d'un système transparent de gouvernance au respect des droits de l'homme. A- L'adoption d'un système transparent de gouvernance La coopération de l'Afrique avec la Chine ne peut déboucher sur une heureuse perspective si l'Afrique ne s'impose pas des mutations au plan interne. En effet, quelle que soit l'importance de l'aide chinoise, elle ne pourra être utile que si elle est bien gérée, dans l'intérêt de tous les citoyens. De même, les investisseurs, les entrepreneurs et même les touristes chinois ne viendront pas vers l'Afrique si elle ne mettait pas fin au chaos et conflits qui y règnent. L'Afrique est souvent pointée du doigt par la communauté internationale à cause de la mal gouvernance et de l'absence de transparence dans la gestion des affaires publiques. Cette situation sert de prétexte aux pays occidentaux qui, fréquemment, interviennent dans les affaires intérieures des pays africains et contrôlent parfois leurs régimes. Cette interférence, si elle peut, à certains égards, se justifier de par son objectif `'proclamé'', n'a cependant pas donné jusqu'à ce jour des résultats satisfaisants. Elle a plutôt donné lieu à une situation inqualifiable, qui n'est ni une véritable démocratie, ni une réelle dictature. De plus en plus, des consciences s'éveillent en Afrique qui comprennent que les exigences de l'Europe et des USA en matière de bonne gouvernance répondent plus à leur désir de manipulation des régimes des pays pauvres afin de s'assurer leur loyauté, qu'à leur attachement à l'obéissance des principes moraux109(*). Aussi la tentation est-elle grande de la part des Africains de se tourner vers la Chine qui, elle autre, a su s'inventer un système de gouvernement110(*). Les Chinois ont été capables de se démarquer de la tutelle et du leadership du communisme russe et ont mené dans la souplesse la rupture avec le système habituel (à partir de 1978) sans se soucier des prises de position parfois désobligeants de certaines puissances. Ils sont donc restés maîtres de leur propre destin politique. La pensée politique africaine par contre, manque d'encrage et les africains sont portés à copier ce qui se fait ailleurs sans pourtant se demander si les systèmes qu'ils reproduisent peuvent, sans adaptations, se greffer à leurs sociétés africaines. La démocratie, comme ne cessent de clamer nombre de politologues et de dirigeants, est une valeur universelle dans ses principes mais sa mise en oeuvre diffère d'un Etat à un autre. Par exemple, la démocratie américaine ne fonctionne pas de la même manière que la démocratie britannique ou française. Tout est question de l'esprit, de la mentalité des peuples et des réalités sociologiques. Alors que la démocratie est essentiellement concurrentielle en Europe, elle sera plus participative en Afrique. L'Afrique doit se réinventer un système de gouvernement authentique qui, même s'il s'inspire d'autres expériences, devra vraiment tenir compte de la réalité sociologique du continent et « non se complaire à trouver une place sur la natte des autres111(*) ». Cela ne voudrait pas dire qu'on retourne aux vielles pratiques selon lesquelles on ne change pas un chef tant qu'il vit. Dans tous les cas, l'essentiel est que le mode de gouvernance retenu corresponde à l'aspiration profonde des peuples au mieux être et à la liberté. B- La promotion des droits de l'homme L'objectif de tout gouvernement est de créer les conditions nécessaires au plein épanouissement de la population. Tout système de gouvernement qui se démarque de cette vérité est inique et condamnable. Il est et demeure une vérité que tous les peuples aspirent à la liberté et au respect de leurs droits. Le seul couac, c'est la conception qu'il faut en avoir. Tout est dans la relation individu- communauté. Alors qu'en Occident les droits de l'homme en général et les libertés publiques en particulier se caractérisent essentiellement par l'autonomie de l'individu par rapport à la société, avec comme conséquence un individualisme très poussé, l'Afrique a une conception plus collectiviste des droits de l'homme. Les droits de l'homme y ont pour finalité l'épanouissement de l'individu. Cependant, cet épanouissement ne se conçoit qu'au sein d'une société, d'une communauté dont la survie prime sur les aspirations individuelles112(*). Si la conception occidentale des droits de l'homme s'est imposée, c'est que l'Europe est plus dynamique en matière de diffusion des idées et non pas forcément parce que sa conception est meilleure ou universelle. On vit dans une illusion qui a posé la culture européenne comme paradigme de toute culture humaine. Il appartient à l'Afrique de faire comprendre sa conception des Droits de l'Homme et surtout de respecter ces droits. Ainsi, elle ne prêtera plus le flanc aux critiques de la communauté internationale qui, du coup, n'aura plus de motif pour intervenir dans ces affaires. Après avoir relevé ce défi au plan interne, le continent noir devrait également tout faire pour s'imposer dans un monde multipolaire conflictuel induit par le renforcement de ses relations avec la Chine. * 109 Comment comprendre que la France combatte le régime de Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire pour déficit démocratique tout en soutenant celui d'Idris Deby qui n'est pas moins sanguinaire que son voisin du Soudan ; comment expliquer que la communauté internationale qui exige des élections libres et transparentes qui reflètent la volonté du peuple palestinien, puisse s'insurger contre le Hamas que les palestiniens ont choisi souverainement et de façon démocratique ? La réponse est toute simple : on brandit facilement les cas de déviation des régimes qui ne sont pas dociles à l'égard des grandes puissances, on les diabolise et ont félicite les moindres avancées de ceux qui acceptent de faire les desiderata des puissances intéressées. * 110 Le système politique chinois n'est ni entièrement du communisme à la soviet, ni du libéralisme. * 111 Futurs africains, Afrique 2025 ; quels futurs possibles pour l'Afrique au Sud du Sahara ? Karthala, Paris, 2003, p. 75. `'La natte des autres'' est par ailleurs le titre d'un ouvrage de l'historien Joseph Ki-Zerbo, Codesria, Dakar, 1992. * 112 Il suffit pour s'en convaincre de lire la Charte Africaine des droits de l'homme et des Peuples et les diverses prises de position des pays africains aux Nations Unies, relativement à la question des droits de l'homme. |
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