Les enjeux de la coopération sino-africaine( Télécharger le fichier original )par Awuve Koffi Afetogbo AZILAN Ecole Nationale d'Administration du Togo - Diplome de Cycle III de l'ENA, Option Diplomatie 2008 |
Paragraphe II : Sur le plan diplomatiqueSur le plan diplomatique, la coopération sino-africaine est fragilisée par la pratique par la Chine d'une diplomatie qui n'a aucun égard pour la morale internationale (A). A cela, s'ajoute l'absence d'une politique commune des pays africains vis-à-vis de la Chine (B). A- La pratique par la Chine d'une diplomatie amorale Le respect par la Chine du principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des pays et de leur souveraineté n'est pas une mauvaise chose en soi85(*). Doit-on cependant, sous prétexte d'une coopération « gagnant-gagnant » et non aliénatrice, laisser sur le bas coté du commerce (du business), l'éthique, les droits humains et l'auto-détermination des peules africains ? La question demeure posée. La Chine en effet, pour sauvegarder ses relations commerciales, ne se préoccupe pas des conditions de gouvernance et de démocratie dans les pays avec lesquels elle est en relation, à l'opposé de ses concurrents occidentaux. L'AGOA et les accords ACP-UE ont par exemple institué des systèmes d'aide et de régimes favorables très sélectifs dont le bénéfice est soumis à des conditions allant de la démocratisation de la vie politique à la libéralisation de l'économie, en passant par la bonne gouvernance et le respect des droits de l'homme. Que la Chine ne se soucie pas de faire la promotion des droits de l'homme et de la démocratie ne surprend guère, étant souvent accusée elle même de violation des Droits de l'Homme. Cependant, en soutenant, ou du moins, en entretenant des relations avec des régimes peu recommandables, la Chine ne se préoccupe pas en réalité du sort des populations locales et de leur légitime aspiration à la liberté et au bien-être social. A l'heure de la mondialisation où tous les habitants de la terre sont responsables les uns des autres, toute politique, toute coopération qui n'a pas pour finalité l'épanouissement intégral de l'Homme est contre la morale. On ne saurait se retrancher derrière la stricte neutralité juridique pour cautionner ou faire une impasse sur des pratiques immorales. Comme le révèle Mr. Michael Ranneberger86(*) devant la sous-commission des questions africaines le 28 juillet 2006, l'influence de la Chine peut détruire les progrès que les pays africains ont réalisés ces quinze dernières années en matière de démocratie et de bonne gestion des affaires publiques87(*). Non seulement la Chine ne pose pas des exigences particulières à ses partenaires mais aussi, elle ne contrôle pas l'usage que ceux-ci font de son aide, ce qui laisse le champ libre à l'utilisation de celle-ci pour renforcer l'enracinement des régimes plus qu'elle ne contribue au bien-être des populations africaines. On comprend aisément que la coopération sino-africaine n'a pas de considération éthique, ce qui donne lieu à des critiques acerbes. Elle est encore fragilisée par l'absence d'initiative africaine. B- L'absence d'une politique commune des pays africains à l'égard de la Chine Au jour d'aujourd'hui, la tendance est à la constitution et à la consolidation des regroupements régionaux, la finalité étant une grande influence et une bonne visibilité sur la scène internationale88(*). Cependant, l'Afrique ne semble pas avoir compris les mutations de notre époque et continue de briller par un immobilisme et un cafouillage hors pair. Depuis 1963 où l'ex-Président ghanéen Kwame N'krumah a lancé le rêve panafricaniste, rien de fondamental ne s'est produit sur le plan des approches stratégiques dans les relations du continent avec le monde extérieur. Les relations extérieures de l'Afrique sont en effet caractérisées par la fragmentation des approches. Non seulement l'Afrique ne constitue pas une unité politique capable de discuter avec ses partenaires mais aussi et surtout, il n'existe pas de planification ou une politique africaine dans le cadre de ses rapports avec l'extérieur. Il manque cruellement le transfert de compétence des Etats vers les organes des institutions continentales susceptibles de concevoir des programmes communs pour tous les pays africains. « Les dirigeants africains n'ont pas encore donné les moyens à l'Union africaine (UA) et au NEPAD de positionner l'Afrique sur un plan collectif89(*) ». Il en résulte que les institutions africaines sont faibles et leur capacité de négociation est insignifiante. Comment les pays africains individuellement peuvent-ils efficacement négocier avec la Chine qui est un géant économique, géographique et politique ? C'est dès lors une urgente nécessité pour l'Afrique d'adopter par exemple une politique commune relativement à la gestion et à l'exploitation des matières premières, une politique étrangère de l'Afrique vis-à-vis de la Chine. Les Africains doivent comprendre que l'heure n'est plus aux négociations séparées ou individuelles, le plus souvent guidées par des ambitions égoïstement nationalistes. Dans notre monde globalisé et interdépendant, toute action basée sur l'intérêt national aux dépens de l'intérêt régional ou continental est condamnable et aboutit à terme, à des conséquences incalculables. Il est temps que l'Afrique s'organise et qu'elle « cesse de se distinguer en applaudissant les mesures annoncées par la Chine à son intention90(*) ». Comme le relève si bien une maxime des Relations Internationales : « les Etats n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts ». Il appartient dès lors au continent noir de défendre ses intérêts dans ce partenariat et non pas de chercher à susciter la pitié ou la philanthropie de la Chine. En somme, la coopération sino-africaine affiche de multiples faiblesses ou lacunes qui alimentent les critiques des afro pessimistes. Cependant, s'il faut éviter l'angélisme et l'excès d'optimisme, le trop de pessimisme est à bannir également de toutes les analyses sur les perspectives de la coopération sino africaine. * 85 Quoi de plus normal que de se conformer strictement à des règles adoptées par la communauté internationale ! * 86 Mr. Michael Ranneberger est le sous- secrétaire d'Etat américain adjoint des affaires africaines. * 87 Voir : Jim Fisher-Thompson, « La Chine ne constitue pas une menace pour les Etats Unies », http //: www.uspolicy.be , consulté en juillet 2006. * 88 C'est le cas de l'UE, de l'ASEAN, de l'ALENA, etc. * 89 Ekoué Amaizo, Pour une nouvelle coopération Afrique Chine : des erreurs à ne plus reproduire, op.cit. * 90 Adama Gaye, Jeune Afrique l'Intelligent, n°2392, op.cit. p. 49. |
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