L'Islande surmonte l'agitation des marchés
(extrait de l'article « Le rôle central de la
Finance » - Finances & Développement Mars 2007 - Leslie
Lipschitz, Directeur de l'Institut du FMI)
En Islande, à partir de 2003, de grands projets
d'investissement, rendus possibles par l'accès à des ressources
énergétiques abondantes et à bon marché,
créaient des tensions sur le marché du travail, stimulaient
fortement la demande et gonflaient le déficit des paiements courants --
tout en laissant espérer un regain de croissance et une certaine
appréciation de la monnaie. La politique monétaire ayant
été durcie en réaction à la vigueur de la demande,
les taux d'intérêt ont augmenté et le taux de change de la
couronne pondéré par les échanges s'est sensiblement
accru.
Les banques islandaises ont profité de l'écart de
taux d'intérêt pour emprunter en euros, se couvrir et prêter
en monnaie nationale. La conjonction d'une hausse du taux de change, de taux
d'intérêt élevés et d'une bonne cote de
crédit (la dette souveraine était notée AAA) ont aussi
attiré des investisseurs étrangers, qui ont financé leurs
achats d'obligations en couronnes par des emprunts en devises moins bien
rémunérées. (Le mouvement a été
accentué par une innovation financière : l'émission
d'euro-obligations libellées en couronnes (les «obligations des
glaciers») par des établissements étrangers qui
échangeaient leurs engagements en couronnes contre les engagements en
euros des banques islandaises.) Les écarts de rendement, compte tenu des
variations de taux de change, étaient de quelque 9¼ % en 2003,
7½ % en 2004 et 18 % en 2005.
Face à l'afflux de fonds, les banques commerciales ont
cherché à diversifier leurs crédits; les changements de
politique les ont incitées, à partir de la mi-2004, à
concurrencer directement un organisme public, le Fonds de financement du
logement, dans l'octroi de prêts hypothécaires. Comme elles
étaient en mesure d'offrir des conditions plus intéressantes que
lui, leurs concours aux ménages ont progressé de 98 % en 2004,
d'où une hausse rapide des prix de l'immobilier, qui a elle-même
servi de gage à l'obtention de crédits supplémentaires. Il
en est résulté un vif essor de la consommation intérieure
et une nouvelle aggravation du déficit courant. L'Islande a connu des
bouleversements financiers. La dette extérieure s'est envolée.
L'endettement du secteur privé a triplé de 2003 à 2006,
tant pour les ménages que pour les entreprises. Les prix de l'immobilier
et des actions ont augmenté rapidement, les valorisations
boursières quadruplant presque entre le milieu de 2003 et la fin de
2005. En définitive, tout cela a provoqué une grande
nervosité des marchés ainsi que des pressions sur le taux de
change et les cours des actions au printemps et à l'été
2006.
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