I.2 Revue de la littérature
La titrisation est établie comme un important moyen
pour les institutions financières de regrouper les titres pour les
vendre ensuite aux investisseurs. Au début du processus de la
titrisation, une compagnie (« originateur ») décide de vendre
un certain groupe de ces titres. Ce groupe d'actifs est mis en commun et vendu
à une entité légale externe -- véhicule ad hoc
dédié (SPV : Special Purpose Vehicle). Cette entité (SPV)
émet des titres qui, après évaluation par une agence de
notation, seront placés auprès d'investisseurs.
Turc J. (1999) résume la problématique des
produits structurés de la façon suivante3:
« Le marché du risque de crédit est
diversifié en type de produits, mais moins en ce qui concerne le nombre
des émetteurs. Concrètement, un investisseur recherchant du
très bon crédit (de niveau AAA) ne trouvera que des organismes
internationaux peu rémunérateurs, ou des ABS très
recherchés, et donc rares. De même, un investisseur qui recherche
du crédit plus risqué, tout en évitant de trop investir
dans les pays émergents ou dans de la dette d'entreprises peu fiables,
trouvera peu d'actifs répondant à son attente. La technique de
création de parts junior et senior permet, à partir d'un
portefeuille d'actifs se situant entre ces deux extrêmes, de satisfaire
simultanément ces deux catégories d'investisseurs ».
La structuration permet donc d'élargir la gamme des
produits de crédit en créant de nouveaux profils de risque et de
rendement. Ces produits structurés sont
3
J. Turc « Présentation du marché du risque de
crédit », séminaire INRIA, Paris, 08/06/1999
généralement construits à partir des
méthodes dites de tranching, avec les CDO notamment. Cette
technique consiste à créer différentes parts de dette dans
un portefeuille et de faire en sorte que ces tranches présentent des
risques et des rendements différents.
A première vue, la création des tranches est
difficile à expliquer sous une perspective standard de type Modigliani
Miller, puisque les tranches additionnelles structurées impliquent des
coûts de transaction et aussi parce que la création de multiples
tranches peut réduire la liquidité. Cependant, comme
mentionné par DeMarzo (2005), il y a trois explications majeures :
l'asymétrie d'information, le marché incomplet et le coût
des transactions.
Un certain nombre de modèles théoriques ont
été proposés pour expliquer la mise en commun des titres
(« pooling ») et le découpage en tranche sous
l'hypothèse de l'asymétrie d'information. L'intuition initiale de
la plupart de ces modèles tels que ceux de Boot et ThaKor (1993),
Riddiough (1997) et Plantin (2004) est que le découpage en tranche peut
ajouter de la valeur en présence d'investisseurs
hétérogènes avec des informations privées
différentes et différentes capacités à analyser les
investissements. Par exemple, en créant une tranche senior sans risque
essentiellement -- attractif pour ceux qui ont une faible capacité
à analyser les actifs sous-jacents -- l'émetteur est capable de
créer un équilibre séparé et mettre l'accent,
à partir du rendement lié à l'acquisition de
l'information, sur les investisseurs sophistiqués qui sont
attirés par les tranches juniors.
Abondant dans le même sens, DeMarzo et Duffie (1999) et
DeMarzo (2005) ont développé des modèles dans lesquels un
émetteur informé transige les effets de la destruction de
l'information résultant du regroupement des titres contre les effets de
la diversification du risque, et montrent comment le découpage en
tranche peut être optimal pour les larges ensemble de titres
regroupés.
Le second groupe des explications théoriques met
l'accent sur le marché incomplet. Par exemple, les tranches pourraient
être conçues pour exploiter les appétits
spécifiques des investisseurs dans un environnement
caractérisé par l'arbitrage imparfait et les manques du
marché. Riddiough (1997) soulignait que nonobstant la création de
tranches seniors pouvant être expliquée par l'asymétrie
d'information, de multiples tranches juniors peuvent être
créées pour s'adapter aux besoins particuliers des investisseurs.
Cela pourra faciliter le placement des tranches sensibles à
l'information sur le marché. Plus récemment, Gaur, Seshadri et
Subrahmanyam (2004) ont modélisé un marché où tous
les actifs ne peuvent pas être évalués individuellement.
Bien que la plus grande majorité des articles et
travaux soient des études théoriques plutôt qu'empiriques,
un nombre important d'études théoriques récentes relatives
à l'analyse de la titrisation et son usage, ont été
menées dans le domaine de l'observation des structures et des
caractéristiques d'évaluation des actifs titrisés
émis. On peut noter les études théoriques menées
par Duffie et Gârleanu (2001), Jobst (2002, 2003) et Choudhry et Fabozzi
(2003) sur l'émission des actifs adossés aux obligations et
dettes (CDO).
Les études sur les véhicules ad hoc (SPV) et
l'impact sur l'éloignement des faillites, ont été
menées par Gorton et Souleless (2005) et Ayotte & Gaon (2005). Ammer
et Clinton (2004) étudiaient l'impact des variations de la notation des
crédits sur l'évaluation des titres adossés aux actifs.
L'étude de Firla-Cuchra et JenKinson (2006) s'est pliée sur les
déterminants du découpage en tranches.
Cette revue de littérature nous a permis de percevoir
une certaine évolution du marché de la titrisation depuis
quelques années. Outre les marchés traditionnels des
créances bancaires et des obligations risquées, on a
assisté au développement d'un marché spécifique de
dérivés de crédit pour couvrir le risque de défaut
et/ou le risque de recouvrement. L'analyse des produits structurés,
notamment les CDO, fera l'objet des sections suivantes.
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