La solution pour mettre les créances
hypothécaires à risque sur le marché a consisté
à séparer les risques en divisant le pool de créances en
segments à risque faible et à risque élevé (moins
cotés). Pour cela, Wall Street a fait appel au dispositif d'obligations
structurées adossées à des emprunts (CDO),
créé en 1987 par la société d'investissement Drexel
Burnham Lambert.
Par ailleurs, les banques offrent un volume croissant de
nouveaux produits titrisés sur le marché. Beaucoup de banques
émettent, structurent et reconditionnent des actifs illiquides en
tranches qu'elles redistribuent aux investisseurs suivant leurs
préférences en termes de risque. Dans certains cas, la
titrisation représente une nouvelle forme de financement garanti pour
les banques. Aux États-Unis, on estime qu'environ 56 % des
crédits hypothécaires résidentiels en cours ont
été reconditionnés
23 Philippe d'Arvisenet «Du subprime à
l'économie réelle» BNP Paribas, Conjoncture, Octobre 2007
en titres de créances hypothécaires
résidentielles (RMBS) et vendus à des investisseurs, tout comme
60 % des prêts hypothécaires «subprime»
émis en 200624.
Pour faciliter ce conditionnement et reconditionnement des
actifs, les banques ont créé des véhicules ad hoc
hors bilan, que l'on appelle aussi « conduits financiers ». Les
conduits de papier commercial ou billet de trésorerie
«commercial paper» adossé à des actifs (ABCP)
tels que les programmes multi-vendeurs ou les véhicules d'investissement
structuré (SIV) ont été conçus pour permettre le
transfert des risques et un large accès aux marchés du
financement, avec une optimisation des coûts comme l'indique les
graphiques suivants.
Figure 14: Variation des émissions brutes de
commercial paper aux Etats-Unis en 2005-2007 par catégorie
d'émetteurs et profil d'échéance
Figure 13 : Encours de papier commercial
Source : Conseil des gouverneurs du Système
fédéral de réserve Source : Federal Reserve Board
Comme les hypothèques sous-jacentes, les CDO payaient
le principal et les intérêts. Chaque catégorie de titres
est vendue séparément, et elle est négociable sur les
marchés secondaires de sorte que les prix peuvent être
déterminés pour chaque degré de risque. Dans une CDO, 80 %
environ des créances à risques peuvent être revendues
à des investisseurs institutionnels et à d'autres sous forme
d'avoirs de catégorie «investissement» d'une tranche senior.
Les fonds spéculatifs, les services exclusifs de négociation des
sociétés de Wall Street et certains investisseurs institutionnels
à l'affût d'investissements à rendement élevé
ont jugé les tranches inférieures attrayantes.
24
Cf~ The Economist Magazine : "Securitisation:
when it goes wrong", 22 septembre 2007
En 2005, Fitch Ratings prévenait que les «fonds
spéculatifs sont rapidement devenus des sources majeures de capitaux
pour le marché du crédit», mais que «il existe des
craintes légitimes qu'à terme, ces fonds n'aggravent par
inadvertance les risques.» En effet, les fonds spéculatifs, qui
investissent dans des entreprises à haut risque, ne sont pas des
entités transparentes (ils ne communiquent pas d'informations sur leurs
avoirs, leurs engagements et leurs opérations) et sont parfois
lourdement endettés, puisqu'ils font appel à des
dérivés ou empruntent des sommes considérables pour
investir. Comme l'indique FitchRatings, de par leur endettement, leur
«influence sur les marchés mondiaux du crédit est
supérieure à ce que leurs actifs sous gestion ne laisseraient
prévoir».
Selon des informations parues dans la presse, l'endettement
type d'un fonds spéculatif pour l'achat de tranches à haut
rendement serait de 500 %. Autrement dit, pour un investissement de 600
millions de dollars dans une tranche equity ou mezzanine d'une CBO à
risque, le fonds spéculatif ajouterait 100 millions de capitaux à
500 millions de fonds empruntés. Si les tranches subordonnées
représentent 20 % des créances totales et que les 80 % restants
sont vendus sous forme de créances de premier rang à des
investisseurs institutionnels, ces 100 millions de capitaux permettent aux
prêteurs et aux émetteurs de titres adossés à des
hypothèques de mettre 3 milliards de dollars sur le marché des
crédits hypothécaires à risque -- 2,4 milliards sous forme
de titres de catégorie «investissement» et 600 millions sous
forme d'emprunts obligataires à haut risque.
Les turbulences ayant affecté les marchés du
crédit et des financements au second semestre 2007 montrent de
façon préoccupante que la dispersion du risque sur les
marchés de capitaux s'est avérée moins efficace que
prévu. Il semble que les investisseurs aient acquis des risques qu'ils
ne maîtrisaient pas. En outre, pour comprendre les
évènements de 2007, il faut suivre la réaction des
institutions financières, elles-mêmes, aux variations des prix et
des risques mesurés dans la gestion de leur bilan.