Conclusion générale :
· Les grandes lignes de la démarche :
On a cherché à comprendre la crise
nucléaire iranienne et le rôle joué par l'Iran dans cette
crise. D'abord on a utilisé la théorie des régimes afin de
comprendre le rôle de l'Iran dans la crise nucléaire. Il a
été possible d'identifier un rôle en tant que tricheur, un
rôle en tant que révisionniste et un rôle en tant que
contestataire. Ensuite les communications de l'Iran relatives à la crise
nucléaire ont été analysées pour mettre à
jour une stratégie de communication et pouvoir la qualifier. L'enjeu
était de savoir s'il relevait du révisionnisme ou de la
contestation. C'est un aspect important car la réaction des autres
États et l'impact sur la crise du régime sont totalement
différents suivant les stratégies menées.
· Connaissances acquises :
L'analyse de la stratégie de communication iranienne a
permis d'identifier la stratégie de communication comme étant
principalement contestataire. Même si l'Iran a des arguments importants
dans sa partie révisionniste, il ne croit pas ou ne croit plus que la
discussion et la coopération puisse être efficace dans le cadre de
son contentieu avec l'AIEA et le conseil de sécurité. Tout comme
les punitions ont été hors régimes, la défense et
la « contre attaque » iranienne a été hors
régime. L'Iran négocie les conditions de l'arrêt de cette
crise en utilisant des arguments et des atouts qui n'ont rien à voir
avec le nucléaire civil ou militaire.
L'AIEA, les règles, les normes et peut-être
même bientôt le principe ont été abandonnés
dans la pratique depuis longtemps par les américains comme par les
iraniens. Ils se mènent un combat par « régime
interposé » et on peut se poser une question en conclusion de
ce mémoire. Si le régime de non-prolifération n'est plus
utilisé dans sa partie formelleou alors d'une manière
détournée, si l'hégémon comme les tricheurs, ne
croient plus dans sa partie informelle pourquoi est il toujours en place ?
Comment les autres pays peuvent-ils continuer à soutenir un
régime de non-prolifération alors que celui-ci a une
efficacité quasi nulle. Il ne remplit pas son rôle
« informationnel », ne permet pas de réguler la
coopération, est utilisé par un hégémon comme moyen
de pression ce qui pose des problèmes
« distributionnels » aux membres de régime qui
souhaitent à tout prix le réformer.
Le régime de non-prolifération a
évolué depuis sa création et sa mutation s'est faite par
l'ajout de nouveaux organismes, de nouveaux traités, certains pensent
que la solution à la crise du régime serait la signature d'autres
traités. Mais à quoi bon empiler des traités étant
donné que personne ne peut contraindre un tricheur sans le
détruire, aujourd'hui ce régime n'est plus un outil
adéquat de régulation de la prolifération et du
désarmement. Le monde a connu un regain de violence et de nouvelles
menaces sont apparues. Les puissances n'ont pas envie de perdre l'arme qui leur
donne l'illusion de la sanctuarisation. Tant qu'il y aura de la
prolifération les grandes puissances ne voudront pas désarmer
mais tant qu'elles ne désarmeront pas il y aura toujours de la
prolifération si l'on reste dans la configuration actuelle du
régime.
Les choix possibles pour l'avenir sont limités.
Dissuader les États de proliférer par des sanctions escaladant de
plus en plus facilement à l'invasion et la contrainte par la force.
(c'est ce qui est en train de se passer avec l'Iran). Ou alors, accepter de
réviser le régime de non-prolifération en supprimant cette
distinction entre les pays, en laissant tout état qui le souhaite
pouvoir acquérir des armes atomiques. La dissuasion a marché
entre les pires ennemis ayant les meilleures raisons de s'annihiler et le plus
de capacités pour le faire. Pourquoi ne marcherait-elle pas avec
l'Iran ?
Le régime de non-prolifération n'a pas assez de
force pour changer les comportements des gouvernements nationaux, il peut tout
au plus être soutenu par une partie de la classe politique qui s'oppose
à une autre mais dont l'objectif de la non-prolifération et du
désarmement nucléaire ne sont pas des objectifs de
l'humanité. Ils ne sont pas compris de la même manière ni
même partagés par l'ensemble de la population mondiale. Les
officiels présents à l'AIEA ou dans les organisations
internationales sont les personnes les plus concernées par le
régime, mais ils sont intégrés dans des débats
politiques nationaux et souvent avec d'autres intérêts
supérieurs.
Enfin, vue que l'arme atomique semble être l'arme de
demain, avec de nouveaux moyens pour s'en protéger (Bouclier anti
missile), de nouvelles manières pour les utiliser (mini nukes) et de
nouvelles raisons de les employer (doctrines stratégiques), ne faut-il
pas anticiper ces changements et construire un moyen de contrôler
l'utilisation de ces armes sans nier leur existence.
· Difficultés limitant la recherche :
L'impossibilité d'aller sur le terrain durant la
recherche est la plus grande difficulté qui a limité cette
recherche. Des entretiens avec les acteurs de l'AIEA, les différentes
responsables des négociations du groupe des 6 et les acteurs iraniens
auraient permis d'avoir un recul face aux différents travaux sur le
sujet. Toutes les sources peuvent avoir intérêt à
présenter une réalité différente en fonction de
leurs intérêts et la neutralité du chercheur n'est pas
requise en dehors du monde scientifique. Même dans ce monde scientifique,
les différents articles dans les revues sont le théâtre de
prises de positions et de prospectives ressemblant très fortement
à des affirmations, basées sur des éléments peu
vérifiables, des déductions de déductions. Le cas iranien
engendre la polémique et fragmente les chercheurs entre les partisans
d'un côté d'une frappe sur l'Iran et de l'autre, les partisans de
l'acceptation de l'Iran comme puissance régionale à
intégrer. Pour essayer de dépasser ces polémiques,
l'objectif a été de retourner aux sources de base : les
rapports de l'AIEA, ses statuts, l'histoire du pays, la retranscription des
discours. Cependant même avec cet objectif et cette volonté de
dépasser la polémique, il a été difficile
d'utiliser les travaux portant sur l'Iran, tous cherchant à
répondre à la question qui semble fondamentale pour tous, l'Iran
aura-t-il la bombe ? Le rôle de l'Iran dans la crise
nucléaire, les raisons qui pourraient le pousser à vouloir du
nucléaire civil et l'analyse de ses stratégies de communication
sont complètement balayées pour compter le nombre de
centrifugeuses ou prendre au sérieux la dernière provocation du
président Ahmadinejad. Certains partent dans des prospectives
délirantes sur le nombre d'années avant lesquels l'Iran pourrait
bombarder Israël et perfectionner ses missiles pour finalement atteindre
les États-Unis et devenir enfin ce qu'on veut que l'Iran soit, le
nouveau champion du mal. Ce travail doit forcément être
teinté de ces polémiques qui polluent les sources, même les
plus sérieuses même si l'auteur à tout fait pour essayer
d'approcher la neutralité nécessaire pour la mise en place d'une
recherche de ce type.
Les autres difficultés sont courantes,
impossibilité d'avoir accès à certaines sources,
non-disponibilité de certaines informations, manque de temps, doutes et
erreurs liés à l'apprentissage des différentes techniques
mises en place dans ce mémoire. Heureusement, internet, les mails
permettent de rendre accessibles même les auteurs des manuels et la
communauté scientifique peut vraiment rendre grâce à ces
nouveaux outils de communication.
L'auteur de ce mémoire tient enfin à
présenter ses excuses s'il a fait des erreurs ou présenter des
hypothèses comme des faits sans les avoir minutieusement testées.
Certaines peuvent blesser, ou trahir la vérité, il ne peut y
avoir aucune certitude dans la prospective et les conjectures qui restent des
pistes demandant à être vérifiées avec toute la
rigueur scientifique possible. La réalité varie en fonction de
l'oeil avec laquelle on la regarde, dans la vie réelle, tout est
relatif.
· Critiques par rapport à la
démarche :
On peut faire des critiques sur la démarche. Tout
d'abord le choix de la période de constitution du corpus. Cette
période a été décidée en fonction des
limites matérielles et temporelles dont on a parlé plus haut. La
quantité de documents a traité a été assez
importante et dans ce genre de mémoire qui n'est pas une thèse et
qui a été réalisé sans aide extérieure pour
le codage et l'analyse il fallait limiter la période temporelle sinon le
travail n'aurait pas pu être terminé à temps. La
période choisie,, de mars 2007 à mai 2008 correspond au
renforcement des sanctions, de la fin de la coopération de l'AIEA avec
l'Iran et du durcissement complet de la société internationale
vis-à-vis de l'Iran. En prenant cette période récente on
était sûr de ne pas omettre les réactions iraniennes aux
sanctions, l'évolution de la diplomatie iranienne face à la
stratégie internationale de sanction renforcée.
La deuxième critique tient au choix et à
l'adaptation de la méthode de recherche au sujet et aux documents.
L'auteur de ce mémoire a longtemps douté, sans connaissance autre
que théorique et sans pratique. L'adaptation de la méthodologie
à représenter une vraie prise de risque. Grâce au soutien
et aux conseils des professeurs, des cours de travaux dirigés et
finalement les réponses reçues par mail, le risque a
été pris. L'objectif a été de garder la plus grande
rigueur et une démarche la plus « heuristique »
possible.
Ensuite le choix de l'unité d'analyse et cette
hésitation entre l'Iran et le régime de non-prolifération
auraient pu amener à deux sujets en parallèles. La solution
choisie semble satisfaisante, le rôle de l'Iran est étudié
dans le cadre de la crise du nucléaire, c'est-à-dire à
travers les communications abordant ce sujet. La théorie des
régimes imposait de prendre l'Iran dans son rôle au sein du
régime. Il aurait manqué à ce mémoire un aspect
très important s'il n'y avait pas eu une analyse des autres
déterminants de l'action de l'Iran. La théorie des régimes
est une théorie adaptée pour étudier les régimes,
mais elle ne permet pas d'expliquer les autres déterminants de l'action
d'un état. La complémentarité de la théorie des
régimes et de la théorie de l'état contestataire a
été préférée à d'autres approches qui
se proposent d'expliquer cela de manière globale. Certaines
réactions ou communications iraniennes ne peuvent s'expliquer par son
rôle d'état contestataire, et inversement beaucoup des
déterminants de l'action iranienne dans le cadre du régime de
non-prolifération ne viennent pas de la qualité de la
coopération. Cette difficulté peut donc être
envisagée comme une opportunité, la possibilité
concrète de ne pas tomber dans le piège de l'enfermement dans une
théorie et le risque de voir des barrières infranchissables
s'élever entre des théories qui expliquent en fin de compte le
même monde.
· Pistes pour approfondissement de la
problématique :
Afin d'approfondir cette problématique, plusieurs
pistes peuvent êtres suivies. Ces travaux sont des travaux de
continuation et d'approfondissement dans le temps. En ce qui concerne une
recherche qui se ferait aujourd'hui, il serait possible et intéressant
d'élargir le corpus et de mettre en place des analyses qui mobilisent
beaucoup de personnes et de temps. Pour approfondir ce travail, un voyage en
Iran, à l'AIEA et à l'ONU est inévitable afin de voir la
réalité autrement qu'aux travers différents
médias :
§ Il serait intéressant d'analyser la diplomatie
des principales puissances vis-à-vis de l'Iran et voir qui la
détermine et sur quels critères. On pourrait analyser l'impact du
nouveau président dans la diplomatie américaine au Moyen
Orient.
§ On pourrait analyser l'évolution des relations
iraniennes avec la Russie, la Chine, l'Europe et les États-Unis afin de
voir où se positionne l'Iran dans le jeu des puissances.
§ Il serait intéressant d'analyser
l'évolution politique interne en Iran.
§ On pourrait analyser l'évolution du prix des
combustibles (fossiles et nucléaires) et le rôle de l'Iran dans
cette détermination. On peut par exemple effectuer une analyse de la
position et de l'influence de l'Iran et de ses alliés au sein de l'OPEP
et l'impact que cela peut avoir sur la crise du nucléaire.
§ On pourrait analyser l'évolution des
différents liens qui unissent l'Iran avec les différents groupes
paras militaires dans la région et remettre à jour les
études de ce type.
§ Il faudrait analyser l'évolution du TNP et du
régime de non-prolifération après la conférence de
2010. Analyser l'impact qu'a finalement eu la crise iranienne.
|