II : Analyse de la stratégie de communication
iranienne : révision du régime de non-prolifération ou
lutte anti-impérialiste ?
Nous allons
dans une deuxième partie nous intéresser à la
stratégie de communication iranienne et tenter d'en comprendre les
racines. Dans ce but nous présenterons dans un premier temps l'Iran, le
pays et ses relations internationales. Dans un deuxième temps, à
la lumière de ces informations nous nous intéresserons au
discours iranien afin de pouvoir identifier la stratégie de
communication mise en place.
A : Présentation des données
géopolitiques de l'Iran :
Tout d'abord,
il faut présenter formellement le pays et tenter de comprendre son
organisation politique. Nous commenterons la constitution et son application
pour ensuite nous intéresser à ses dirigeants. Ensuite, nous
présenterons le pays dans son contexte mondial, en premier lieu
l'historique des relations internationales de ce pays avec les autres pays de
sa région et du le monde et en deuxième lieu une
présentation géopolitique des atouts et des points faibles de
l'Iran.
a. Présentation interne : jeux
politiques :
Tout d'abord
la présentation de la constitution et de l'organisation du pouvoir nous
permettra de comprendre le système politique. Ensuite nous envisagerons
une série de points reprenant les différentes
problématiques et enjeux liés à l'organisation du pouvoir.
Puis nous nous intéresserons en dernier à la situation actuelle
et aux acteurs en présence.
1. Le
système politique légal :
·
Rappel sur l'histoire politique de l'Iran :
Nous
commençons avec la signature de la convention anglo-russe de 1907 qui
marque le début de la sphère d'influence britannique officielle
sur la Perse136(*).
v 1907 :
La Russie et la Grande Bretagne se partagent la Perse.
v 1909 :
Création de l'Anglo-Persian Oil Company (Futur British Petroleum)
v
1914-1918 : L'Angleterre occupe la Perse
v 1921-
1925 : Mise en place d'un gouvernement militaire suite au coup
d'état du colonel Réza Khan qui, soutenu par les britanniques se
fait couronner Reza Shah Palhavi.
v 1932
1941 : Le Shah annonce le retrait de toutes les concessions de l'Anglo
Persian Oil Company, rebaptise la Perse en Iran, interdit le port du voile aux
femmes et impose l'obligation de s'habiller à l'occidentale. Les Anglais
occupent le pays et le destituent en faveur de son fils Mohamed Rezza Shah
Palhavi.
v 1951 :
Le parlement iranien vote la nationalisation du pétrole, un opposant
à la domination britannique est nommé premier ministre, Mohamed
Mossadegh.
v 1953 :
Un coup d'état militaire contre le gouvernement mais soutenu par le Shah
et la CIA renverse M. Mossadegh.
v
1955-1964 : Entrée de l'Iran dans le pacte de Bagdad
antisoviétique, création de l'OPEP, lancement de la
« révolution blanche » pour moderniser
l'économie, loi accordant l'immunité aux soldats
américains sur le territoire national.
v
1964-1965 : Le leader de l'opposition religieuse l'ayatollah Ruhollah
Khomeiny est emprisonné et exilé en Turquie puis en Irak.
Assassinat du Premier ministre Ali Mansour.
v 1967 -
1975 : Le Shah se couronne roi des rois, organise des
cérémonies fastueuses et signe un accord avec l'Irak sur le Chatt
al Arab.
v 1977 :
Incident entre force de l'ordre et étudiants, demande de
libéralisation politique, une opposition se réveille dans tous
les milieux, étudiants, nationalistes, religieux. Révolte brutale
contre les étudiants à l'université de
Téhéran.
v 1978 :
Demande forte pour le retour de Khomeiny. Soulèvements populaires qui
font des victimes civiles, loi martiale, Khomeiny appelle à la
résistance. « Vendredi Noir », l'armée tire
sur la foule faisant plusieurs dizaines de morts. Les américains
soutiennent le Shah. Instauration d'un gouvernement militaire.
v 1979 :
Le Shah s'exile en Egypte. Retour triomphal de Khomeiny en Iran.
Référendum qui approuve à 98 % l'institution de la
République islamique. Adoption de la constitution de la
République islamique d'Iran.
Cette
histoire est marquée d'ingérence étrangère, de
dictature (avec des décisions incroyables comme l'immunité aux
soldats américains), d'assassinats politiques, de coup d'État et
d'une révolution pour mettre un terme à tout cela. Suite à
la révolution une constitution est adoptée, nous allons en faire
l'examen.
·
La constitution iranienne : Une démocratie de droit
divin :
La
première décision de la nouvelle République
islamique137(*) a
été d'abolir le régime monarchique et la constitution de
1906 puis de faire adopter la nouvelle constitution par
référendum. Comme dans toutes les révolutions, les
éléments laïques et républicains se sont fait
écarter. Après avoir refusé une première
constitution rédigée par les républicains138(*) qui ne reconnaissait pas le
rôle du clergé, Khomeiny a convoqué une deuxième
assemblée constituante qui rédige un document institutionnalisant
le contrôle du clergé sur la vie politique. Une constitution dans
un état musulman islamique peut paraître étrange, en effet
le Coran a été écrit directement par dieu et c'est la
seule règle à respecter car elle émane du divin.
Cependant le
rôle du clergé ne va pas être de gouverner mais d'encadrer,
de conseiller pour ne pas dévier des valeurs religieuses et d'encadrer
l'application du droit islamique et l'interprétation de sa
jurisprudence. Le système iranien semble faire cohabiter deux
légitimités à la manière des régimes
dualistes européens139(*) post révolutionnaires, une
légitimité de droit divin et une légitimité
démocratique. Dans la réalité constitutionnelle cependant
la seule légitimité est uniquement divine : « 1 -
Un Dieu unique (« Il n'y a de dieu que Dieu »),
l'exclusivité de sa souveraineté, son pouvoir exclusif de
légiférer et la nécessité de se soumettre à
ses commandements140(*). »
Dans un monde
qui change et surtout face aux dérapages du Shah qui oublie
complètement l'intérêt national, la religion comme nous en
avons parlé dans l'introduction devient une valeur-refuge. Le
système Chiite, basé sur la discussion, l'argumentation et le
plébiscite populaire semblent une base permettant des contres pouvoir,
le fait qu'il n'y a pas d'autorité centralisée et que tous les
religieux aient le même rang semble aussi propice à l'opposition
politique. C'est bien ce qui se passe, les religieux n'hésitent pas
à se contredire et à se critiquer vivement, il n'y a pas de
culture du silence, le clergé se permet une critique ouverte du pouvoir
et même les instances démocratiques ont ce luxe. C'est la
« couleur » politique du Guide qui a le dernier mot.
Cependant
quelques aspects peuvent limiter la toute puissance du Guide et rappelle
fortement une démocratie :
« Dans
la République Islamique d'Iran, (...), la direction des Commandements de
Dieu (Velayat-e-Amr) et l'Imamat des Croyants est à la charge d'un
jurisconsulte religieux (Faghih) juste, vertueux, au fait de l'époque,
(...) »
« Dans la République Islamique d'Iran, les affaires du pays
doivent être conduites avec l'appui de l'opinion publique, par la voie
d'élections - l'élection du Président de la
République, des représentants de l'Assemblée du Conseil
Islamique, des membres des conseils etc. - ou par la voie de
référendum dans les cas visés dans les autres principes de
cette Loi »
« Dans la République Islamique d'Iran, la liberté,
l'indépendance, l'unité et l'intégrité territoriale
du pays sont inséparables les uns des autres et leur maintien est du
devoir du gouvernement et de toute la nation. Aucun individu ou groupe ou
autorité n'a le droit, au nom de la liberté, de porter la moindre
atteinte à l'indépendance politique, culturelle,
économique, militaire et à l'intégrité territoriale
de l'Iran, et aucune autorité n'a le droit, au nom du maintien de
l'indépendance et de l'intégrité territoriale, d'abolir
les libertés légitimes, même en promulguant des Lois et des
règlements. »
Le
gouvernement est décentralisé :
« Conformément au Commandement du Coran : "Ils se
consultent à propos des affaires" et "Consulte-les dans les affaires",
les conseils - l'Assemblée du Conseil Islamique, le Conseil
régional, municipal, local, d'arrondissement, rural etc. à
ceux-ci font partie des instances de décision et d'administration des
affaires du pays. »
A partir du
moment où les principes religieux sont inscrits dans la loi
fondamentale, le Guide sert de conseil constitutionnel. Ces principes sont
importants, même si les dispositions d'une constitution ne sont pas
appliquées à la lettre en raison du charisme d'un leader ou de sa
faiblesse, le fait que ces dispositions soient inscrites permet la contestation
et un éventuel changement en fonction des alliances ou des
intérêts politiques.
Deux
dispositions de cette constitution peuvent nous intéresser face à
notre sujet :
« b)
de l'utilisation des sciences et des techniques et des expériences
développées de l'humanité, et des efforts en vue dus faire
progresser,
c) du rejet
de toute forme d'oppression et de soumission à l'oppression, de
domination et de sujétion » .
La recherche
nucléaire et la lutte anti américaine pourraient être
considérées comme un principe constitutionnel.
·
Les multiples centres de pouvoir : Les contre-pouvoirs
iraniens :
Revenons-en
à l'organisation141(*) de la république islamique et à la
distribution des pouvoirs.
Il y a trois
pouvoirs reconnus et indépendants les uns des autres, exécutif,
législatif et judiciaire. Nous allons étudier la branche
démocratique et élue puis ensuite la branche religieuse.
v Le pouvoir
exécutif est exercé par un président de la
république laïc ou religieux mais obligatoirement chiite. Les
sunnites ou autres religions sont exclues.
Il est
élu au suffrage universel direct pour quatre ans et peut réaliser
deux mandats consécutifs puis doivent attendre quatre ans avant de se
représenter. Il nomme les ministres, désigne des
vice-présidents. Le président et les ministres sont responsables
individuellement devant le parlement qui peut déclarer
l'incapacité du président et c'est au Guide de le
révoquer. Le poste de Premier ministre a été
supprimé lors de la révision de 1989, le président
à l'intégralité du pouvoir exécutif. Les
candidatures à l'élection sont soumises au contrôle du
conseil des gardiens.
v Le pouvoir
législatif appartient à une assemblée monocamérale,
l'assemblée consultative islamique (le Majles142(*)). Elle est élue au
suffrage universel pour quatre ans, elle ne peut-être dissoute et chacune
des lois ou des traités internationaux votés par les
députés doivent êtres vérifiés par un conseil
des gardiens. Les candidatures a l'élection sont soumises au
contrôle du conseil des gardiens.
v Le Guide
est élu ou révoqué par une assemblée de religieux
appelée assemblée des experts. Cet organe est dans la tradition
d'égalité entre les membres religieux et de la
nécessité de cooptation du peuple et des religieux afin de
désigner un guide.
L'assemblée
est composée de 86 religieux élus pour 8 ans au suffrage
universel direct. Cependant les candidatures à l'élection sont
soumises au contrôle du conseil des gardiens.
La branche
religieuse comprend plusieurs organismes non élus qui sont accessibles
par nomination ou élections internes au clergé.
v Le Guide de
la révolution est le chef de l'état, il est
l'interprète de dieu et doit être reconnu par le peuple et par ses
pairs comme digne de ses fonctions. Depuis la révision de 1989 le Guide
peut être un religieux de rang moyen et non plus forcément un
Ayatollah (plus haut rang honorifique). Il définit la politique
générale du pays, il coordonne l'action des pouvoirs. Il est chef
de l'armée et peut suspendre le fonctionnement des institutions. Lui
seul peut prendre l'initiative d'une révision de la constitution. Il
peut suspendre l'application d'une loi civile ou religieuse et ne peut
être révoqué que par l'assemblée des experts.
Le pouvoir
est concentré dans ses mains, mais il ne peut gouverner efficacement
sans l'appui de tout le pays d'où l'intérêt d'une
mythification du Guide et d'un retrait de celui-ci de la vie politique et
médiatique, le Guide ne rentre pas dans les querelles
politiciennes.
v Le pouvoir
judiciaire est confié à un religieux désigné par le
guide. Son mandat est de cinq ans renouvelables. Il nomme les juges, les
procureurs et les membres de la cour suprême. Les décisions sont
fondées soit sur la constitution soit sur la loi religieuse. Les
tribunaux peuvent refuser d'appliquer une loi votée par le parlement,
ils peuvent créer du droit à la manière des
« comon law » britannique ou américaines. Cependant
les deux principes cohabitent et peuvent rentrer en opposition.
v
L'armée iranienne143(*) se divise en deux :
L'armée
régulière composée de 3 armes (Terre, marine, aviation).
Dans le détail, l'armée iranienne est composée de trois
branches :
·
Effectif de l'armée de terre : 350 000 hommes et 220 000
conscrits, 1 600 véhicules blindés.
·
Effectif des forces aériennes : 52 000 hommes, environ 300
avions de combat.
·
Effectif de la marine : 23 000 hommes (dont 3 000 pour
l'infanterie de marine), 3 sous-marins.
A coté
de cette armée on trouve le corps des Pasdarans144(*), les gardiens de la
révolution islamique. Cette force armée est divisée en
trois armes comme l'armée « conventionnelle », elle
est très bien équipée. Elle est responsable des
capacités balistiques iraniennes. Cette organisation rappelle
l'organisation allemande nazie entre la Wehrmacht et la Waffen SS. Une
armée héritée et une armée créée pour
les besoins du régime ou pour les missions spéciales, sur
équipée et sur entraînée.
Le corps des
Pasdaran se compose d'environ de145(*) :
§
Effectif terrestre : 100 000 hommes
§
Effectif des forces aériennes : 5 000 hommes
§
Effectif de la marine : 20 000 hommes
§
Effectif des forces spéciales « Sepah Al
Qods » : 2000 à 5000 hommes
§
Effectif des réservistes « Bassij »: 2 millions
à 7 millions ?
Les forces
spéciales sont sur entraînés et aident partout des
mouvements dits « amis », Afghanistan, Liban, Palestine.
Les réservistes ont l'avantage du nombre et servent en interne comme en
externe, ils sont peu entraînés mais très croyants.
Ces deux
branches sont gérées par deux organismes :
§ Le
Conseil Suprême de la Défense (CSD) organisé selon
l'article 110 de la constitution est directement placé sous
l'autorité du Guide suprême de la révolution. Il a la
possibilité de proposer toute déclaration de guerre, de mobiliser
les forces armées, de désigner les chefs des différentes
armées et des Pasdarans. Les plans stratégiques et la politique
de défense sont de son ressort. Il a également un rôle de
contrôle de la défense à tous les niveaux et peut imposer
à tout moment un droit de veto. Le Guide de la révolution
délègue la direction du CSD au président de la
république Iranienne, mais se réserve le rôle de
décideur final. Les autres membres siégeant au CSD sont le
Premier ministre, le ministre de la Défense, le chef d'état-major
général et le commandant en chef des Pasdarans.
§ Le
conseil supérieur de la sécurité nationale a
été fondé en 1989. Il regroupe la direction de
l'état (président de la république, du parlement, chef de
la justice, haut commandant de l'armée et des gardiens de la
révolution, deux représentants du Guide de la révolution,
le chargé de mission pour le Budget et la Planification, le ministre des
Affaires étrangères, de l'Intérieur et de l'Information).
C'est dans ce conseil que sont prises toutes les décisions importantes
en politique intérieure et extérieure. Il a le dernier mot pour
les questions relatives au nucléaire. Sa composition est donc
fondamentale.
v Le conseil
des gardiens de la constitution est l'équivalent du conseil
constitutionnel. Il est composé de douze membres, six religieux
nommés par le Guide et six juristes proposés par le chef du
pouvoir judiciaire au vote du parlement. Les juristes vont s'occuper de la
compatibilité à la constitution et les religieux de la
compatibilité à l'Islam. Ce conseil va disposer d'un droit de
veto sur les lois votées par le parlement. De plus si le conseil des
gardiens n'est pas constitué le parlement ne peut
délibérer, cela peut pousser le parlement à voter pour des
candidats qui ne lui conviennent pas. Cependant, l'alternative à
l'accord est le blocage constitutionnel, ce qui serait inacceptable. Ce conseil
va contrôler les candidatures aux élections
présidentielles, législatives et au conseil des experts dans une
optique de stabilité et d'homogénéité du corps
politique.
v
L'opposition entre l'assemblée et le conseil des gardiens peut
être fréquente si les directions choisies ne sont pas les
mêmes. Pour contrer les blocages, la révision de 1989 à
créer un nouvel organe, le Conseil de discernement de
l'intérêt du régime. Il comprend les six membres du
religieux du conseil des gardiens, les chefs du pouvoir législatif,
judiciaire et le président de la république, du ministre
concerné par le problème à l'ordre du jour et une dizaine
d'autres personnalités. Ce conseil s'est octroyé le droit
d'amendement au fil du temps sur les textes controversés lors des
« difficultés insurmontables du régime »,
cela donne un pouvoir spécial à cette assemblée mixte, et
reflète l'importance du religieux sur le politique.
Le
schéma suivant montre bien les relations entre les différents
organes élus et non élus.
Figure 16 : L'exercice du pouvoir en circuit
fermé :146(*)
Pour faire
une synthèse, on peut dire que ce mode de gouvernement en donnant le
dernier mot aux religieux fait de l'état iranien un gouvernement
théocratique. Cependant comme dans le reste du monde, lorsque 89 %
de la population adhère à une même religion et que les
représentants religieux sont nommés et gagnent en prestige en
fonction du plébiscite populaire, on peut penser que dans l'absolu
ceux-ci deviennent une sorte de député, faisant remonter les
préoccupations de leurs paroisses propres (les religieux ont une zone
d'influence qui grandit avec leur popularité). L'ouverture progressive
de l'Iran et les prises de position de certains Ayatollahs pour le droit des
femmes par exemple vient du fait qu'un religieux réformateur peut
devenir Ayatollah et ouvertement critiquer telle ou telle interprétation
du Coran ou de la jurisprudence par un autre religieux. Malgré le fait
que la religion ait été étatisée et
« réformée » par Khomeiny, les principes de
la discussion et de la contestation subsistent. Cependant, il est difficile de
gouverner sans une large base et impossible de gouverner contre tous. Toutefois
le fait que l'élection d'une majorité parlementaire
réformatrice et d'un président réformateur n'ait pas
amené aux réformes montre bien la supériorité du
pouvoir religieux sur le pouvoir démocratique et c'est dans ces
oppositions que l'on voit que l'appareil gouvernemental n'est pas encore
prêt pour se réformer sans s'entre déchirer
complètement. Une imposition de la démocratie dans ces conditions
poussera à coup sûr à la guerre civile. Il existe en Iran
malgré l'abolition des partis différents centres de
« pouvoirs camouflés147(*) », ils représentent
l'équivalent des partis politiques ayant des prérogatives
élargies au commerce, à la gestion de biens
exonérés d'impôts. Ces associations contribuent à la
stabilité du pays.
v Le
clergé combattant : Religieux conservateurs attachés
à la tradition. Ils ont été évincés peu
à peu par les fondamentalistes radicaux, mais quelques-uns des membres
sont encore influents.
v Mouvement
pour la liberté : Derniers des groupes non islamiques, cette
organisation subsiste dans la limite de la légalité et
prône le libéralisme. Elle est dirigée par l'ancien
ministre des affaires étrangères Barzargan. C'est un des
modérés écartés après la révolution.
Le conseil des gardiens a toujours exclu les candidats présentés
par ce mouvement.
v
L'assemblée des religieux combattants : Scission de gauche du
clergé combattant. C'est la partie réformatrice et prônant
une libéralisation du régime. L'ancien président iranien
Khatami et l'ancien président du parlement font partie de cette
organisation.
v Face
à la victoire des réformateurs, un nouveau groupe s'est
formé, les « Abadgaran » (les constructeurs). Sous
groupe d'une association nommée « ceux qui sont prêts au
sacrifice ». C'est le groupe majoritaire en Iran actuellement et le
président actuel en est issu. Il a comme membres les gardiens de la
révolution, les membres des services secrets, les milices bassidji et de
plus en plus d'universitaires. La particularité de ce groupe est qu'il
croit au retour de l'imam caché Mahdi et qu'avant son retour, il faut
purifier l'état islamique de tout ce qui ne l'est pas. C'est un
intégrisme religieux utilisant le retour d'un messie intemporel comme
justification pour orienter une politique temporelle. Il semblerait que ce
groupe actuellement au pouvoir récuse le pouvoir des religieux en les
excluant des fonctions attachées à l'état.
On trouve
ensuite des fondations qui en raison des revenus financiers qu'elles
gèrent, sont devenues très influentes :
v
« Fondation pour les pauvres et les
nécessiteux » : Elle ne rend de compte qu'au seul chef de
l'État. Elle possède un empire économique et industriel
provenant des biens saisis du Shah et de sa famille.
v
« Compagnons de route de saint Reza » : Elle
administre les dons apportés au nom de l'iman Reza. Elle possède
aussi un empire économique pour environ 20 milliards de dollars.
v
« Parti de la coalition islamique » : A la
différence des deux précédentes cette fondation a un
passé de terrorisme pendant la dictature du Shah. Elle dispose d'un
contrôle sur le marché, le marché noir, contrôle des
installations portuaires, importe et exporte sans payer de taxe, participe au
commerce du pétrole, des armes et de la drogue.
Ces
fondations ont un rôle important et disposent de leurs propres services
para militaires (uniquement la dernière semblerait-il). Le dernier
groupe très actif est le « secrétariat central pour la
prédication du vendredi ». Il est placé sous les ordres
directs du Guide de la révolution et sert à annoncer les grandes
lignes directrices de la politique intérieure. La prière du
vendredi est un lieu de rencontre très important.
Nous allons
voir comment tout cela fonctionne et quelles sont les principales
évolutions politiques internes.
2. La
situation actuelle :
·
Le système politique iranien :
La
présidence précédente du réformateur
Khatami148(*) s'est
soldée par un échec. Les lois votées par le parlement ont
été systématiquement bloquées par les autres
organes non élus. Réduit à l'impuissance il souhaite
démissionner mais en est empêché149(*) pour ne pas
déstabiliser le pouvoir. Son incapacité à gouverner et la
dégradation de l'environnement international vont pousser les
conservateurs et notamment le parti du président Ahmadinejad à
reprendre les rennes emporter une large majorité avec un discours
nationaliste.
A l'heure
actuelle chaque poste stratégique est détenu par un personnage
important et cela influe beaucoup sur la limitation des pouvoirs de chaque
organisme. Il est important de dire que tous sont fidèles au Guide ou
l'étaient lors de leur intronisation. Seules quelques nuances les
séparent, aucun ne prône un changement du système.
Même Khatami faisait partie initialement du même mouvement que les
autres.
v Le Guide
suprême est Ali Khamenei150(*) :
Il est Guide
depuis la mort du précédent Guide Khomeiny. Il fut
président de 1981 à 1989 et devient Guide à cette date. Le
fait qu'un président puisse devenir Guide montre que ce régime
n'est pas forcément fermé, le passage entre l'élu et le
non élu peut très bien se faire à partir du moment
où le candidat est religieux. Avec les pratiques actuelles du
président Ahmadinejad et la fin de la génération
précédente la relève est surtout composée d'anciens
militaires comme le président actuel. Les religieux gardent ainsi le
contrôle même si les candidats changent, le système est
très orienté, mais le Guide garde les manettes pour
démettre un président qui irait beaucoup trop loin ou contre les
intérêts iraniens. Il est Guide à vie et ce n'est
qu'à sa mort ou à la constatation de son incapacité
à assumer sa charge qu'il sera démis et remplacé. C'est
un « dur » du régime islamique et n'hésite
pas à censurer les lois proposées par ses présidents, tant
de la part des réformateurs que de celles des conservateurs (il a
bloqué une série de lois proposées par le président
Ahmadinejad). Il a pris en main le problème nucléaire en
communiquant de plus en plus sur le sujet. Sa position n'est pas très
différente de celle du président Ahmadinejad151(*).
v Le
président est Mahmoud Ahmadinejad152(*) :
Le
président Ahmadinejad a commencé sa carrière dans les
groupes d'étudiants islamistes. Ensuite il rentre dans les Basij,
devient instructeur, puis devient membre des pasdarans et plus
particulièrement officier supérieur des forces spéciales
Qods. Il commence sa carrière politique en étant gouverneur de
deux villes iraniennes. En 2003, surfant sur la vague de mécontentement
face aux réformateurs il se fait élire maire de
Téhéran. Il développe son réseau dans les plus
conservateurs et se présente comme un nouveau révolutionnaire,
incarnant le second souffle de la révolution. Durant l'élection,
il se place devant son opposant Mohamad Ghalibaf pourtant soutenu par les
mouvements conservateurs locaux et derrière l'ancien président
Rafsandjani. Ghalibaf va dénoncer des fraudes massives. Au
deuxième tour le président Ahmadinejad écrase Rafsandjani
et devient président de l'Iran. Il peut s'appuyer sur les Basijs, les
pasdarans, les membres du clergé les plus radicaux, les anciens
combattants entre autres. L'Ayatollah Khamenei l'a soutenu pendant sa
campagne.
v Le ministre
des affaires étrangères est Manouchehr Mottaki 153(*)
Il est
ministre dans le gouvernement du président Ahmadinejad depuis le 24
août 2005. Il est cultivé, ancien directeur de campagne d'Ali
Larijani pendant l'élection de 2005.
Ce n'est pas
un religieux. Il a été ambassadeur d'Iran au Japon et en Turquie.
Il a surtout un point de vue assez inflexible quant aux négociations
avec la communauté internationale à propos de la crise du
nucléaire.
v Le
négociateur en charge du nucléaire et secrétaire du
Conseil suprême de sécurité nationale de l'Iran est Said
Jalili154(*). Il
remplace Ali Larijani qui a démissionné le 20 octobre 2007. Il
était vice-ministre des affaires étrangères et
réputé proche du président Ahmadinejad. Il n'est pas
membre du clergé.
v Le
président du parlement est Larijani155(*):
C'est Ali
Larijani qui après avoir démissionné du poste de
secrétaire du conseil suprême de sécurité a
été élu président du parlement iranien. Il obtient
un poste important et devient un contre-pouvoir fort au président
Ahmadinejad156(*) car il
est en désaccord avec lui et a toute la légitimité
nécessaire pour s'exprimer compte tenu de ses liens familiaux et de sa
carrière politique. Il n'est pas membre du clergé non plus.
Larijani a de plus la capacité de déclarer avec l'appui du
parlement l'incapacité du président Ahmadinejad et de demander au
Guide de le destituer.
v Le nouveau
maire de Téhéran est Mohamad Ghalibaf157(*) :
C'est un
ancien chef de la police, habile il a réussi à gérer les
protestations étudiantes en 2003 sans provoquer de bain de sang. Il a
démissionné de ses fonctions pour préparer
l'élection présidentielle et a perdu face au président
Ahmadinejad. Il accuse celui-ci de tricherie et quelques mois plus tard est
élu maire de Téhéran, poste que le président
Ahmadinejad occupait quelques mois plus tôt.
Il n'est pas
favorable à celui-ci et l'on peut penser qu'il prépare les
élections de 2009 afin de se présenter pour le poste de
président. C'est un opposant à la politique du président
Ahmadinejad. Il n'est pas membre du clergé.
v Le chef du
système judiciaire est Hashemi Shahroudi158(*) :
C'est un
homme politique iranien et un membre du clergé. Il semble
modéré, il a demandé un moratoire pour l'interdiction de
la peine de mort par lapidation. Il remplace l'Imam Yazdi.
v Conseil des
gardiens de la constitution :
Il est
présidé par l'Iman Ahmad Jannati. L'iman Yazdi, ultra
conservateur, islamiste radical et père spirituel du président
Ahmadinejad, en fait partie.
v Conseil de
discernement de l'intérêt du régime :
Le
président de ce conseil et l'ayatollah Hashemi Rafsanjani159(*) depuis février 2007.
Il a été battu par le président Ahmadinejad aux
dernières élections et représente un contre-pouvoir
potentiel. C'est un homme du clergé. En examinant la composition du
conseil, on voit qu'il regroupe le président Ahmadinejad en personne et
les imams Jannati et Yazdi, pro Ahmadinejad et qui ont surtout une influence
sur lui. En face, se tiennent Ali Larijani et peut-être Hashemi
Shahroudi (les informations sur les allégeances des différents
membres sont très dures à obtenir de manière fiable).
Quelque
soient leur poste, tous se réunissent sous la bannière du Guide
et les dissensions parfois violentes qui les animent ne relèvent que du
jeu politique et non d'une profonde opposition. Il semble que le Guide ait
réussi, en donnant une marge de manoeuvre à tous les acteurs en
les réunissant dans un même lieu et de surcroît à
tous les soumettre à sa volonté. Tous les grands acteurs ont une
marge de manoeuvre (même petite), ils peuvent postuler et se battre pour
des fonctions à l'intérieur du régime. Un vrai
« turn over » est possible, permettant
d'intéresser et de garder l'allégeance de tous les participants
au jeu politique tant qu'ils restent dans le cadre établi
constitutionnellement par le Guide suprême. Cependant l'arrivée et
la montée en puissance des « abadgaran » et surtout
l'arrivée au pouvoir du président Ahmadinejad vont venir fausser
le jeu politique tel qu'il était joué auparavant. Nous allons
voir cela dans une prochaine section.
·
Les évolutions politiques actuelles :
Il y a deux
évolutions principales au niveau politique en Iran, un changement dans
le personnel politique dû à l'arrivée des
« jeunes » et un mouvement dénonçant la
mainmise actuelle du groupe ultraconservateur du président Ahmadinejad
qui est sorti de terre en évinçant les acteurs traditionnels du
jeu politique iranien. On parle même de coup d'état.
v
L'évolution du personnel politique et la nouvelle garde :
Tous les
spécialistes160(*) s'accordent sur le fait que le président
Ahmadinejad ne ressemble pas à ses prédécesseurs. Il y a
une différence entre les anciens acteurs politiques et les nouveaux.
Aujourd'hui la nouvelle vague ne fait plus partie du clergé, les
islamistes radicaux ne sont pas des religieux eux-mêmes. On peut
aisément comprendre cela, un religieux ne va pas se radicaliser
spontanément, tant qu'il exerce ses fonctions religieuses, il enseigne
la compassion et l'amour dans toutes les religions. A partir du moment
où il obtient un pouvoir politique ou s'il a des problèmes
d'interprétation des textes sacrés il prônera la violence.
Cette nouvelle vague est issue de la guerre Iran Irak plutôt que de la
révolution. Tous ces hommes sont d'anciens militaires qui n'ont connu
que petit le régime du Shah. De plus quasiment tous les membres du
réseau du président Ahmadinejad font partie des Pasdaran et
souvent des Basij, la branche la plus idéologiquement forte. Ce constat
dépasse l'opposition conservateur versus réformateur. Les anciens
acteurs de la révolution se sont assagis avec le temps et voilà
une deuxième vague de révolution qui s'est engrangée avec
le président Ahmadinejad. Cela ressemble fort aux révolutions
chinoises. Cependant en Iran les « cadres » ont une place
importante dans la société et ils permettent un certain
pluralisme du jeu politique. Ce nouveau personnel politique peut à tout
moment selon la constitution être court-circuité par le Guide qui
peut démettre le président de ses fonctions. Cependant il
semble que ces acteurs politiques avec une volonté de confrontation
plutôt que de coopération soit la meilleure réponse au
moment américain dans le Moyen Orient. Leur volontarisme et leur envie
de lutter quasi « pure » permettent de continuer un combat
que les acteurs historiques de la révolution ont arrêté en
finissant par devenir pragmatiques. Il y a une forte demande de la population
de faire primer le côté constitutionnel sur le côté
religieux, sans trahir les principes religieux mais en laissant plus de place
aux dirigeants élus. C'est pour contrer cette volonté et revenir
à des idéologies plus radicales qu'un réseau regroupant
les islamistes, les militaires, les anciens combattants, tous ceux qui se sont
battus pour des idéaux et qui ne veulent pas voir leur combat rendu
inutile, se sont regroupés. Ils ont mis en place un véritable
mouvement qui diffère des groupes conservateurs
précédents. C'est le deuxième point, cette victoire
surprise laisse planer le doute sur la régularité dès
l'accession au pouvoir de ce mouvement et pousse les analystes iraniens et
internationaux à parler de coup d'état.
v La
thèse du coup d'état des « abadgaran » :
Nombreux sont
ceux qui disent que l'arrivée au pouvoir du président Ahmadinejad
est le fruit d'une énorme fraude électorale. On trouve en Iran le
maire de Téhéran Ghallibaf, au niveau international des opposants
comme Bahman Nirumand161(*) et même des spécialistes internationaux
comme par exemple Alexandre Adler qui exposait son hypothèse à la
télévision.
Tout d'abord
avant de parler de fraude il faut présenter le réseau162(*) qui a permis de faire
élire le président Ahmadinejad :
§ Le
président s'appuie tout d'abord sur une alliance avec le clergé,
il s'est allié avec la branche la plus conservatrice (et de
surcroît la plus islamiste). Dans le débat, qui organise les
partisans entre conservateur et réformateurs les choix peuvent
être schématisés ainsi. Aux deux extrêmes on trouve
d'un côté les laïques qui refusent l'intrusion des religieux
et de l'autre les religieux islamistes qui refusent l'intrusion d'une loi
temporelle dans la loi divine. Rappelons que le Coran a été
écrit par Dieu et il est donc considéré comme parfait par
les plus durs des islamistes. Ensuite au centre on trouve les vrais
débats entre partisans d'un plus démocratique et les partisans
d'un plus religieux163(*). Le président Ahmadinejad s'appuie sur un
réseau clérical défendant la théorie dite
« régence du docteur de la loi ». Si on
schématise et qu'on met à l'extrême droite ce courant de
pensée et à gauche les laïques, ce courant se trouve encore
un peu plus à droite. Ce réseau est composé notamment de
l'imam Yazdi et de l'iman Jannati. Ces deux membres sont très influents.
Le retour du douzième imam mis dans la politique générale
sonne comme un tribut à payer à leur soutien.
§ Le
président s'appuie ensuite sur ses réseaux dans les Pasdarans et
plus en particulier aux Bassij actuels. Par leur nombre et leur endoctrinement
ils forment une main d'oeuvre très pratique en cas de besoin. Ensuite
les anciens combattants de la guerre Iran Irak ont tous quasiment aujourd'hui
des postes clés. La relève des révolutionnaires est
aujourd'hui laïque et ce réseau va aider le président
Ahmadinejad. Cependant il existe des opposants mêmes chez les anciens
combattants, le maire de Téhéran Ghalibaf est aussi un ancien
Pasdaran mais plus modéré. La rénovation du personnel nous
l'avons dit, dépasse les clivages conservateur vs modéré.
§ Enfin
le président peut s'appuyer pour gagner un peu de
crédibilité sur ses relations internationales en tentant de
réunir la plus grande coalition anti impérialiste, il a
réussi quelques rapprochements qui ont pu contribuer à lui
apporter un peu de soutien.
§ Le
dernier point reste que malgré ses adversaires, il semble que le
président Ahmadinejad soit encore soutenu par le Guide. Celui-ci est
sorti de sa réserve pour appuyer les dires de son président.
L'hypothèse selon laquelle le Guide utilise la fougue et la
volonté d'en découdre de ces nouveaux venus pour tenter de
résoudre un problème qui n'a pas pu se résoudre par
l'action des modérés est tout à fait possible. Que fera
alors le Guide si la crise se termine ? Il peut tout à fait garder
son rang, son statut et son pouvoir en laissant un peu plus de manoeuvre aux
réformateurs. Une réforme sociale ou économique ne
toucherait pas à l'organisation du pouvoir. De plus il semble que les
iraniens n'aient aucune envie de toucher au mythe du Guide suprême.
L'hypothèse
de coup d'état vient du constat de la prise d'assaut de toutes les
fonctions importantes par les conservateurs islamistes. C'est d'abord les
conditions qui ont permis cette prise du pouvoir. Avec l'échec aux
élections municipales de 2003 et la perte de tous les sièges par
les réformateurs dus au très faible taux de participation. Avec
les menaces américaines d'attaques et l'élimination des
modérés pour mettre en place une politique de défiance
vis-à-vis des américains, la population c'est retrouvée
désorientée et plongée dans l'incertitude. Aux
élections législatives de 2004, les conservateurs voulant mettre
toutes les chances de leur coté ont exclu par l'intermédiaire du
conseil des gardiens plus de deux mille candidats sans aucune raison autre que
leur appartenance politique. Face à cela il y eut un mini
raz-de-marée politique, des députés se mirent en
grève et le frère du président qui avait été
récusé annonça publiquement que ces élections
allaient être truquées. Le résultat fut sans appel, plus
de 200 sièges pour les conservateurs. La présidentielle de 2005 a
selon l'avis de plusieurs spécialistes étée
truquée, elle aussi. Tout d'abord sur plus de mille candidats
enregistrés seuls 6 furent admis. Après l'annonce de cette
censure, le Guide a envoyé une lettre au conseil qui a autorisé
deux autres candidats à participer. Cela a renforcé l'idée
d'une « partie truquée ». Les élections
donnèrent le choix aux iraniens entre des conservateurs et des
islamistes radicaux. On reprochait aux
« éléphants » la corruption et l'opportunisme
qu'ils avaient mis en place tout au long de leur carrière. En face on
trouvait la relève des conservateurs (Ghalibaf) et les islamistes (Le
président Ahmadinejad). Ghalibaf était le candidat soutenu par
les conservateurs, mais c'est le président Ahmadinejad qui arriva au
second tour. La surprise fut totale et les participants appelèrent tout
de suite à la fraude électorale. Face aux demandes de plus en
plus fortes, le conseil des gardiens demanda même au ministère de
l'intérieur de recompter les bulletins de vote dans les villes
suspectées (notamment Téhéran). Cependant le
résultat fut le même. Le 21 juin 2005, un porte-parole du
ministère de l'intérieur reconnu même qu'il y avait eu des
tentatives de fraude au premier tour et que le deuxième tour allait
être contrôlé. A l'issue du deuxième tour le
président Ahmadinejad a été déclaré
vainqueur. Grâce à un discours populiste, orienté sur les
couches les plus défavorisées et emprunt de grandeurs et de
contestation internationaliste, le parti des « abadgaran »
a réussi à remporter les élections municipales,
législatives et présidentielles. Ce groupe se retrouve donc avec
une complète capacité d'action et va nommer ses membres au
pouvoir et petit à petit prendre possession de tous les postes
clés164(*). Etant
composés d'anciens militaires ce gouvernement va être
qualifié « militaire en civil ». Il y a eu une
épuration des anciens responsables et un remplacement par des plus
jeunes. C'est une deuxième révolution islamique165(*) comme le disent certains.
L'accès au pouvoir du président Ahmadinejad a été
facilité par la querelle entre conservateur et réformateurs,
avant de scinder le camp conservateur en deux groupes, le camp du
président Ahmadinejad a pu pleinement profiter du jeu politique qui se
déroule depuis un certain temps en Iran. Les conservateurs ont tellement
été choqués par la marrée réformatrice
précédente, qu'ils ont soutenu tous les opposants aux
réformateurs, même le mouvement radical du président.
·
La situation aujourd'hui :
Les
législatives de 2008 vont être un moment très important
pour l'avenir du pays166(*). Il existe deux gros enjeux, le pouvoir des
conservateurs sur le parlement167(*) et le taux d'abstention pour voir le soutien de la
population au régime. Le conseil des gardiens a invalidé une
grande quantité de candidatures, 4500 sur 7600. Les invalidations ont
poussé à la victoire sure des conservateurs. Les conservateurs
contrôlent 70 % du parlement, mais les réformateurs ont
réussis à obtenir 50 députes, ces élections ont
marqué le retour de Khatami. Les conservateurs vont se diviser en deux
camps, la coalition du président Ahmadinejad qui a réussi
à remporter une grande part des sièges en mettant en oeuvre un
rassemblement des conservateurs pro-Ahmadinejad168(*) et les adversaires
menés par Ghalibaf et Larijani qui ont remporté l'autre partie.
Cela montre à quel point l'ère du
« tout Ahmadinejad » est passée. Il y a
désormais une contestation menée au sein de la majorité et
les mauvais résultats économiques et sociaux169(*) pourront ou pas être
masqué par la politique de puissance menée notamment sur le
dossier nucléaire. Le taux de participation a été
important, ceci peut s'expliquer par la montée du nationalisme en Iran
notamment accentué par les politiques étrangères hostiles
vis-à-vis de l'Iran. Mais le fait que les iraniens s'intéressent
à la politique de leur pays finira inexorablement par renvoyer les
radicaux islamistes s'ils ne représentent pas le souhait de la
majorité des iraniens. Le point de vue extérieur (ou des
dissidents) voudrait faire penser ou croire que les iraniens vivent
oppressés dans un régime qui leur ment. Si dans la
réalité du terrain la population vote réellement pour le
président Ahmadinejadn dans ce cas-là il est inutile de se
nourrir d'illusions. Chaque pays connaît des moments de radicalisation,
même les plus grandes démocraties et c'est les jeux de la
politique que d'alterner les dirigeants en fonction du temps et du contexte
international. Un président faible ou passif desservirait
l'intérêt général de l'Iran. Il est fort possible
que la force du président Ahmadinejad soit contestable mais il est ce
que le système a pu offrir et, de plus, il a réussi à
créer un réseau, une coalition et à tenir tête aux
occidentaux, il a des qualités de communication indéniable et
semble l'outil parfait pour répondre à M. Bush tout en pactisant
avec M. Chavez, M. Hu Jintao ou même M. Medvedev.
Conclusion :
Cette présentation de l'organisation politique et du
contexte actuel a mis en lumière plusieurs choses importantes. Tout
d'abord l'Iran est un pays qui est organisé de manière a
favoriser le débat et les contre pouvoir à l'exception du pouvoir
du guide. Même si celui-ci est encadré et qu'il peut être
démis, une telle action plongerait le pays dans une crise grave et la
période actuelle n'est pas propice à un quelconque signe de
faiblesse. Ensuite, la classe politique iranienne est en train de changer et a
déjà changé très rapidement. Le Guide risque de se
retrouver prisonnier de sa tour de verre, seul membre du clergé face
à des anciens militaires. Les imams révolutionnaires se font rare
et par la force des choses le conseil des gardiens devra ouvrir ses portes aux
imams modérés. Ce système porte donc déjà en
lui les graines de son changement, mais une chose est sûre, tout
changement par la force poussera à une radicalisation et sûrement
à une guerre civile. La nouvelle vague radicale islamique,
différente de la nouvelle vague conservatrice ou réformatrice a
profité de la petite guerre que se mènent ces deux camps pour
passer en force et apporter un renouveau sur la scène politique. Le
président Ahmadinejad a profité de l'effet de surprise, il a
remporté l'ensemble des élections « à la
suite » et a placé ses partisans en rénovant la classe
politique. Il est fort possible que le Guide en tant que religieux
lui-même craigne moins les islamistes intégristes qu'il peut
contrôler et récuser en permanence que les réformateurs qui
peuvent à terme en vouloir à son statut. Les dernières
élections ont montré qu'une opposition s'est formée. Le
Guide s'il constate qu'une coalition assez puissante se met en place contre les
islamistes radicaux aura rapidement intérêt à limiter leur
pouvoir et à redonner leur place aux conservateurs pragmatiques. Deux
acteurs de choix sont « tête de liste » de ce
mouvement, Ali Larijani, le président de l'assemblée et Mohamad
Ghalibaf le maire de Téhéran. Ghalibaf dispose du réseau
des Pasdaran ou du moins de leur sympathie car il a été
lui-même un membre de ce corps tout comme Larijani qui dispose en plus
d'un réseau familial développé170(*). Cependant ces deux hommes
politiques ne différeront guère de la ligne actuelle. Ils seront,
il est certain moins influencé par les radicaux islamistes, mais en
conservateur ils ne pousseront pas à la réforme complète
du système. Sur le nucléaire il y avait un consensus chez les
conservateurs. Cependant Larijani qui a connu la négociation sur le
nucléaire et est parfaitement au fait des problèmes actuels a
démissionné. C'est en raison du fait que toute avancée ou
tentative de voie différente dans la négociation était
contestée par le président Ahmadinejad qui communiquait dans les
médias l'impossibilité de telle ou telle option avancée
par Larijani. Tous les iraniens selon les spécialistes soutiennent le
projet du nucléaire civil et ne comprennent pas la forme d'injustice que
la communauté internationale fait vivre à leur pays. Le
président Ahmadinejad a centré son action sur ce problème
et ce qui est sûr c'est qu'il n'a pas intérêt à ce
qu'il se termine. Il y a donc ces autres candidats potentiels tout aussi
disposés qui veulent sa place. Larijani dispose de l'expérience
du nucléaire au plus prêt et c'est un argument de campagne en plus
de son réseau et de son expérience et de son passé de
pasdaran. Ghalibaf est aussi un pasdaran, maire de Téhéran, il
représente l'alternative soft au président Ahmadinejad. Les
prochaines élections pousseront la population et le Guide à
choisir entre notamment ces deux candidats potentiels. Plus largement, les
élections détermineront s'il va y avoir un retour des
conservateurs traditionnels suite à la politique menée par les
nouveaux arrivés. Le retour de Kathami est de plus annoncé chez
les réformateurs. Le choix va être de conserver
l'intégrisme et le « tout provocation » du
président Ahmadinejad et de ses soutiens ou revenir à des
candidats plus traditionnels, plus modérés par rapport au
président qui représente la relève des conservateurs en
Iran. On peut penser qu'avec eux l'arbitrage se ferait plus en faveur de la
négociation ou en tout cas la stratégie de communication
changerait sûrement.
Ce régime n'est pas prêt à une ouverture
totale ni à la démocratie à l'occidentale et c'est un
choix clair répété dans la constitution. La construction
de cet état, dans les années 1980, tentant de faire un mariage
entre la démocratie et la théocratie, montre une modernisation de
la pensée politique musulmane, même si elle ne concerne que la
branche chiite. L'auteur de ce mémoire pense qu'on ne peut interdire
à cet état d'exister sous prétexte d'une prise du pouvoir
démocratique (avec fraude ou non) des extrêmes ou d'une
primauté du religieux sur le politique. Au niveau juridique, un tel
état a sa place sur la scène internationale. La
démocratie171(*)
n'est pas le seul des gouvernements possibles. Dans certaines situations
même, nos démocraties savent laisser la place au pouvoir d'un
seul. L'Iran a connu ces situations, une guerre longue et extrêmement
meurtrière, un embargo de la part des américains, des menaces
militaires grandissantes. Cela peut expliquer son organisation politique.
Le discours messianique et religieux, voire radical du
président des États Unis d'Amérique rappelle
étrangement celui de son ennemi
« maléfique ». L'auteur de ce mémoire pense
que le président Ahmadinejad perdra toute assise lorsqu'il n'aura plus
d'utilité, c'est-à-dire lorsque que ses
« ennemis » auront changé de stratégie de
communication. La guerre contre le mal, les croisades contre les terroristes
intégristes ont fait passer l'anti impérialisme de
l'idéologie à la religion.
Le régime de non-prolifération a des effets sur
la politique interne de l'Iran, il structure la vie politique au moins dans
certains domaines. C'est la question nucléaire qui a poussé la
démission de Larijani. Ce sont les « rounds » de
négociation avec les représentants internationaux qui semble-t-il
l'ont rendu pragmatique. Le régime de non-prolifération touche
toute une partie de la classe politique qui est en opposition au
président Ahmadinejad et sert de référence dans le combat
politique. Il semble que le régime produise deux effets contradictoires
dans la mesure où la question du nucléaire est devenu un enjeu
politique interne. D'un côté il produit des volontés de
convergence172(*) et de
l'autre de divergence. Il semble que ce régime ne soit cependant pas
assez fort ou crédible pour influencer la majorité de la classe
politique iranienne. Il n'y a pas de consensus dans le choix de la politique
à mener par rapport au régime de non-prolifération. Il y a
de plus actuellement un « feedback », l'Iran et d'autres
acteurs par l'intermédiaire de leurs représentants sont en train
d'influencer le régime. C'est le rôle de la politique
révisionniste.
Maintenant que nous avons
vu l'organisation politique interne de l'Iran, nous allons nous
intéresser à la position du pays au niveau international. Tout
cela toujours dans une optique de présenter le maximum de faits pour
étayer et comprendre la recherche qui va suivre.
* 136
« Tempêtes sur l'Iran », Manières de voir,
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* 161 Nirumand, Bahman,
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* 162 Roy,
Olivier, « Faut il avoir peur d'Le président
Ahmadinejad ? », Politique Internationale, n°111,
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* 163 Mohammed Ali Abtahi,
« Un chef messianique et contre-révolutionnaire »,
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* 164 Mahammad Reza Pevian,
« Le président Ahmadinejad ne tolère aucun
rival », Courrier International, n°912, avril 2008, p 26
* 165Iran Vah Jahan,
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* 166 Colville Thierry,
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(consulté le 30 juillet 2008)
* 167 Les conservateurs
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(consulté le 30 juillet 2008)
* 168 Front des principales
listes unifiées
* 169 Ignatius, David,
« Mésentente croissante au sein du pouvoir »,
Courrier International, n°924, juillet 2008, p 24
* 170 Ali Larijani est le fils
de l'Ayatollah Hashem Amoli et le frère de Sadegh Larijani (un clerc
membre du conseil des Gardiens), de Mohammad Javad Larijani et Fazel Larijani
(attaché culturel iranien à Ottawa). Il est aussi le beau-fils de
l'Ayatollah Morteza Motahhari puisqu'il s'est marié avec la fille de
celui-ci et un cousin de Ahmad Tavakkoli.
* 171 Représentative
avec une souveraineté émanant du peuple, une instabilité
politique, des jeux politiciens, et une perte de contrôle sur la
direction
* globale.
172 Katzentstein,Peter,
Kehoane,Robert,Krasner,Stephen, Exploration and contestation in the study of
wolrd politics, Mit press, 1999
|