b. Les acteurs et leurs propositions de sortie de
crise :
Différents acteurs ont eu un rôle dans cette
crise. Il faut différencier les groupes d'acteurs et les pays de
manière individuelle. Dans la première catégorie, nous
pourrons ranger le conseil des gouverneurs de l'AIEA et les pays
européens ainsi que les pays du conseil de sécurité. Dans
la deuxième catégorie on trouve les pays cités plus haut
individuellement, et les groupes d'oppositions117(*).
· Les groupes impliqués dans le problème
nucléaire :
Dans cette première catégorie on a inclus les
pays membre du conseil des gouverneurs. Pour la période 2007-2008, les
membres du Conseil sont les suivants118(*) [] :
Figure 13 : États membres du
conseil des gouverneurs de l'AIEA 2007 - 2008 :
L'Allemagne,
la France, le Royaume-Uni font partie du groupe Eu +3. Ce groupe est donc
déjà représenté dans l'organe de décision de
l'AIEA. Les États-Unis, la Russie, la Chine sont présents dans le
conseil des gouverneurs, le conseil de sécurité est donc
représenté. Le Japon, le Canada et l'Italie sont là aussi,
le G8 est présent.
Il y a dans
ce conseil un grand nombre de pays qui ont échangé avec l'Iran
durant la période « clandestine », l'Afrique du Sud,
l'Argentine, le Brésil, la Chine, le Pakistan et le Nigeria.
L'Arabie
Saoudite est présente, c'est le principal concurrent de l'Iran dans le
monde arabe.
Il parait de
plus incroyable de voir l'Inde et le Pakistan membres de l'organisme
censé contrôler la non-prolifération. Cependant le
« meilleur moyen de garder un contrôle sur un pays est de
l'inviter à négocier à sa table ».
La
présence de tous ces pays dans ce conseil et hors de ce conseil peut
nous indiquer plusieurs choses. Soit le cadre ne convient pas aux membres. 1
pays =1 voix ne prend pas en compte les écarts de puissance donc le fait
que le représentant de Thaïlande ou d'Albanie puisse dire non aux
représentants américains pose problème à ces
derniers qui préfèrent mener des actions en parallèle.
Soit ce conseil ne peut marcher que lorsqu'il y a un ennemi commun, en temps
normal le consensus est impossible à atteindre ou alors ce consensus est
mou, les propositions sont vidées de toutes injonctions car chacun des
membres tente de protéger ou défendre tel ou tel projet, tel
contrevenant. En tout cas l'hypothèse selon laquelle l'AIEA ou en tout
cas les pays membres du conseil des gouverneurs était tout à fait
au courant du programme nucléaire et que ceux-ci en partageant leur bon
de commande pouvait reconstruire ce programme devient tout à fait
crédible.
Le
deuxième acteur est le groupe de négociation qui a
commencé par EU+3 et qui s'est terminé en groupe des 6. Ce groupe
a proposé tout au long des négociations des offres de
résolution basées sur un arrêt de l'enrichissement et en
contre partie une coopération pas uniquement nucléaire. Les
Européens négocient un soutien politique dans la crise, des aides
économiques, des aides pour l'environnement, l'agriculture, l'aviation
civile et bien sûr la levée des sanctions économiques qui
empêchent l'Iran de profiter de son avantage absolu dans la production,
l'enrichissement (et la revente ?) de combustible nucléaire acquis au
fil des investissements passés. Cette crise a été de plus
une opportunité pour l'Europe de construire sa PESD119(*). Les offres de ce groupe
ont évolué et la diplomatie est flexible, voyant le refus d'une
condition préalable, le groupe de 6 a imposé des sanctions puis a
négocié l'arrêt de ces sanctions contre l'arrêt de
l'enrichissement. Toutes les voies sont ouvertes et l'Iran n'a plus qu'à
choisir son destin, les mêmes pays faisant partie de tous les groupes
auxquels ils sont confrontés. Tous sauf Israël ou la Corée
du Nord par exemple.
Le mouvement
des Non-alignés a joué un rôle en proposant notamment des
amendements aux propositions prises par l'AIEA120(*) et enfin l'OPEP qui tente
par l'intermédiaire de ses déclarations sur la liaison entre le
prix du pétrole et la crise Iranienne pousser en faveur du
règlement pacifique de cette crise.
Le conseil
national de la résistance iranienne est un acteur qui semble soutenu
dans sa lutte par une grande majorité de parlementaires européens
et à travers le monde. Sa présidente Maryam rajavi121(*) propose un changement
démocratique grâce au rôle des femmes et de la
démocratie. Elle représente l'ouverture complète aux
valeurs occidentales, en reprenant la lutte féministe et
l'émancipation de la femme dans les sociétés musulmanes.
Cependant le poids de ce parlement résistant est peut-être
à remettre en cause car il n'est apparu qu'une fois dans toutes les
recherches menées pour rédiger ce mémoire ou alors il
souffre d'un manque de visibilité médiatique très
important. C'est un remplacement potentiel pour le régime actuel.
· Les
propositions individuelles des pays :
Chacun des
pays a aussi négocié en son nom propre, c'est dans ce genre de
négociation que les différences de point de vue apparaissent. La
Chine et la Russie ayant soutenu, commercé et échangé avec
l'Iran dans sa période post révolutionnaires sont poussées
à plus de tolérance. Les États-Unis, la France,
l'Allemagne et le Royaume Unis ont tous perdu énormément pendant
la révolution et le marché leur est fermé tant que l'Iran
sera déclaré « pays du mal » par les
américains. La situation est donc compliquée. Chacun de ces pays
a proposé une sortie de crise l'avantageant, les européens ont
proposé une ouverture du marché iranien pour les savoirs faire et
compétences européennes (coopération), les chinois ont
déjà un pied en Iran tout comme les russes (des détails
seront fournis dans la deuxième partie). Les États-Unis ne
pouvant perdre la face à de multiples niveaux et devant garder un
minimum de cohérence à court terme proposent la guerre, tous
comme les Israéliens qui n'ont aucun intérêt à voir
l'Iran promouvoir le développement nucléaire pacifique ou non
dans la région.
On trouve
enfin tous les autres pays qui voient dans cette crise une opportunité
de marché potentiel ou un allié potentiel en l'Iran. Les liens
avec le Venezuela où l'accueil réalisé au président
iranien lors de ses très nombreux déplacements montre que la
prolifération n'est un problème que dans l'absolu et que mis en
balance par rapport à d'autres avantages ou intérêts, ce
problème peut devenir secondaire. Face au trafic de drogue ou à
la stabilisation de l'Irak, à la guerre en Afghanistan ou au
problème Israélo palestinien, la crise diplomatique, les
sanctions et les ultimatums semblent bien lointains, la négociation tout
à fait possible122(*).
Le hors
régime est devenu la règle avec la pratique, face à
l'impossibilité de raisonner l'Iran c'est la seule option qui reste. Ce
hors régime est devenu multilatéral et c'est une
évolution. Les américains avaient coutume de sanctionner le
régime des mollahs de manière unilatérale. C'est un signe
fort de la multi polarisation du monde et des coûts de plus en plus
importants nécessaires à l'hégémonie dans un monde
où il existe de plus en plus d'hégémons régionaux
qui concurrencent la super puissance.
Conclusion :
Cette
première partie avait pour but de présenter le régime de
non-prolifération et la crise nucléaire iranienne.
Dans un
premier temps une présentation du TNP et de l'AIEA, de leur
évolution et de la crise actuelle, a pu donner au lecteur une
synthèse du problème. Le retour aux textes officiels a permis
d'éviter les écueils des « citations de
citations », certains arguments sont répétés
dans les différentes revues, mais ne renvoient à aucune
réalité concrète. Le TNP est dans une crise totale et
complexe car ses membres ne sont même pas d'accord sur les origines de la
crise et sur les moyens à mettre en place. La théorie des
régimes est un outil adapté à l'explication de cette crise
car ce problème vient de l'impossibilité d'une coopération
acceptable pour tous en raison de l'évolution du monde.
Dans un
deuxième temps, la reconstruction de l'historique de la crise
nucléaire iranienne ainsi que les présentations des
différents acteurs et de leurs propositions ont permis de fournir le
matériel de base nécessaire à la définition des
enjeux qui vont être indispensables pour aborder la partie de recherche.
Le régime de non-prolifération est englobé dans un
Méta régime123(*) qui comporte d'autres régimes, de nouvelles
organisations de nouveaux arrangements bilatéraux. Ce Méta
régime pourrait nous donner la forme du futur régime de
non-prolifération s'il est finalement révisé. Si tout cet
ensemble crée à côté du régime fonctionne, il
y a aura une forte envie d'institutionnaliser ce recours à l'hors
régime afin de l'intégrer. Cela ne sera possible bien sûr
que si les deux camps opposés arrivent à s'entendre. Si le
contrôle et la transmission de l'information deviennent efficaces, dans
ce cas-là on peut penser que les puissances ne poseront plus comme
préalable à toute négociation sur le désarmement le
contrôle de la non-prolifération rendant ainsi le
désarmement et la non-prolifération comme des objectifs
atteignables. Cependant tant que les doctrines stratégiques des grandes
puissances utiliseront l'arme atomique il n'y a aucune raison qu'elles les
abandonnent complètement. Un pays qui abandonne toutes ses armes alors
qu'au moins un autre en a encore une se trouverait soumis à celui-ci le
temps d'en reconstruire d'autres. Les intérêts des États
sont vraiment divergents à tous les niveaux. Pour que ce régime
marche il fallait une superpuissance et n'y en a plus. Le groupe des grandes
puissances ne semble pas apte à reprendre le flambeau car divisé
sur les questions nucléaires.
Nous allons
maintenant tenter de répondre à la première
hypothèse (p.37) par une analyse de la vision qu'a l'Iran du
régime et du contrôle qu'exerce concrètement l'AIEA sur un
membre qualifié de tricheur.
* 117 Conseil national de la
résistance iranienne,
http://www.ncr-iran.org/fr/,
(consulté le 27 juillet 2008)
* 118 AIEA,
http://fr.wikipedia.org/wiki/Agence_internationale_de_l'%C3%A9nergie_atomique#Conseil_des_gouverneurs
(consulté le 27 juillet 2008)
* 119 Politique
Européenne de Sécurité et de
* défense.120
GOV/2004/78,
http://www.iaea.org/Publications/Documents/Board/2004/French/gov2004-78_fr.pdf,
(consulté le 27 juillet 2008)
* 121 Site personnel de maryam
rajavi,
http://www.maryam-rajavi.com/fr/index.php?option=com_content&task=category§ionid=11&id=95&Itemid=66,
(consulté le 28 juillet 2007)
* 122 Fight Against drugs need
world resolve,
http://www2.irna.com/en/news/view/menu-234/0805086458005039.htm,
(consulté le 28 juillet 2008). Sur le site de la présidence
iranienne sont disponibles les photos de ces rencontres où l'assistant
du secrétaire général des Nations Unies et le chef du
service de lutte contre le trafic des drogues louent le combat de l'Iran contre
le trafic de drogue.
* 123 Aggarwal, Vinod,
Institutional designs for a complex world, bargainins, linkages and
nesting, Ithaca, Cornell University Press, 1998
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