I.2 - LA CORROSION DES ACIERS DANS LE BETON
II.2.1 - Présentation générale
Le béton, du fait de sa forte alcalinité,
apporte aux armatures une excellente protection face à la corrosion.
Dans ces conditions de pH, l'acier est protégé grâce
à la formation d'un film extrêmement mince et adhérent
appelé film passif pouvant être constitué de divers
oxydes.
En présence d'eau et d'oxygène, ce film est
détruit par différents agents tels que les chlorures, les
sulfates et le gaz carbonique. Le métal est alors
dépassivé et la corrosion devient possible avec formation de
nouveaux oxydes, dont le volume au moins deux fois supérieur
(jusqu'à six fois supérieur pour certains oxydes) à celui
du fer initial entraînera des fissurations du béton qui
accéléreront le processus de corrosion en facilitant la diffusion
de l'oxygène et des espèces corrosives.
La corrosion des armatures est issue d'un processus
électrochimique qui ne peut se produire que si certaines conditions sont
réunies. En effet pour qu'un acier se corrode, il doit y avoir
simultanément :
- un électrolyte ayant une conductivité ionique
non négligeable ;
- une quantité suffisante d'oxygène
accédant à la zone catholique ;
- la présence d'un agent agressif.
II.2.2 - Processus de la corrosion
Les processus fondamentaux de la corrosion des aciers dans le
béton sont illustrés sur les figures 3 et 4.
Figure 1 : Représentation
schématique de processus de base de la corrosion des aciers dans le
béton.
Figure 2 : Les étapes de la corrosion des
aciers dans les bétons, induite par des agents agressifs. L'agent
agressif pénètre dans l'entourage puis déclenche la
formation de rouille. Celle-ci se développe et peut fissurer
l'enrobage.
L'oxygène qui peut diffuser dans le béton via
le réseau poreux, se dissout dans la solution interstitielle et finit
par atteindre la surface de l'acier. Sur cette surface, dans la zone
catholique, l'oxygène est réduit en ion hydroxyde
(OH-) selon la réaction électronique (3a).
C'est, dans la plupart des cas, la réaction cathodique
associée à la corrosion des aciers dans le béton.
Cependant, dans le cas d'un béton carbonaté ayant un pH moins
élevé (8-9), l'eau peut être réduite en
dihydrogène selon la réaction (5) :
2H2 0 + 2e- ? H2 +
20H- (5)
Quelque soit la réaction cathodique mise en jeu, la
production d'ions hydroxyde fait augmenter le PH de la solution interstitielle
au niveau de la zone cathodique.
La réaction anodique correspondante est la dissolution
de l'acier conformément à la réaction (2). Celle-ci
entraîne une diminution de la section de l'acier qui peut finir par
rompre.
Les ions Fe2+, produits intermédiaires de
la corrosion, pouvant s'oxyder ensuite en Fe3+ sous certaines
conditions, s'accumulent à la surface de l'acier ou sont dissous dans la
solution interstitielle ou bien encore diffusent loin de l'armature en fonction
des caractéristiques du milieu.
Dans la solution interstitielle du béton, normalement
riche en oxygène et possédant un pH élevé, les ions
Fe2+ peuvent rester sous la forme Fe
(0H)2 ou être oxydés en ions Fe3+, qui
hydrolysés se trouvent alors sous la forme Fe
(0H)3, formant ainsi un mince film passif à la surface
de l'acier, ce qui va retarder la dissolution du fer. Dans ce cas, l'acier est
bien protégé et il n'y aura pas de dommages détectables
dus à la corrosion.
Sous certaines conditions, le cas lorsque le béton a
été carbonaté et que le pH de la solution interstitielle
est descendu en dessous de 9 ou lorsqu'une qualité suffisante d'ions
chlorure (Cl-) a pénétré dans le béton,
saturé en eau, et atteint l'armature de ce fait, la section de l'acier
peut continuer de se réduire et la rupture de l'armature se produire. Ce
processus, préjudiciable à la durée de vie d'un ouvrage,
est favorisé lorsque le béton est saturé en eau car
l'évacuation des ions Fe2+ de la surface de l'acier est
facilitée. Ces ions peuvent alors migrer à la surface du
béton et y former des rouilles mais ce type de dommage dû à
la corrosion n'a pas d'impact significatif sur l'enrobage du
béton ; il améliore même l'adhérence du
béton sur l'acier.
La corrosion devient préjudiciable lorsque la vitesse
de corrosion de l'acier est très élevée et que les
produits de corrosion, ne pouvant être évacués de la zone
de corrosion, s'accumulent à la surface de l'acier. C'est le cas si la
solution interstitielle est riche en oxygène et en espèces
agressives, et si l'enrobage de béton n'est pas assez humide. Une partie
des ions Fe2+ dissous peuvent alors s'oxyder et être
transformés en oxydes ferriques hydratés
(Fe203, H20) qui se déposent ensuite,
avec des oxydes et hydroxydes ferreux, à l'interface acier béton.
Le volume des produits de corrosion étant 2 à 6 fois
supérieur à celui du métal, une contrainte d'expansion se
crée à cette interface plus acier est corrodé, plus cette
contrainte est importante, et lorsque celle-ci devient plus importante que la
résistance à la traction de l'enrobage, des fissures
apparaissent. Ces fissures vont accélérer la
pénétration des espèces agressives et de ce fait les
processus de corrosion. Un processus corrosion ? fissures ?
pénétration d'espèces agressives ? plus de corrosion ?
plus de fissures ? plus d'espèces agressives ... s'instaure.
Selon TUUTI, l'évolution de la
corrosion des armatures du béton s'effectue généralement
en deux étapes (figure 3).
- Au départ, l'acier est stabilisé par la couche
de passivation qui empêche la formation de rouille supplémentaire.
Puis, durant la phase d'amorçage (incubation), les espèces
néfastes vis-à-vis de la corrosion pénètrent dans
le béton et l'acier se dépassive alors progressivement. Cette
dépassivation peut être engendrée par de nombreux facteurs
dont la carbonatation et la pénétration des ions chlorures.
- Les oxydes et hydroxydes produits par des réactions
d'oxydation à la surface du métal s'accumulent. La formation de
ces produits d'oxydation va alors entraîner un gonflement qui finira par
provoquer la fissuration de l'enrobage de béton (point D).
Temps
D
II
Propagation
I
Amorçage
(Incubation)
Volume des produits
de corrosion
Figure 3 : Schéma de la cinétique de
corrosion des armatures dans le béton.
En pratique, il doit être fait en sorte que la
période d'amorçage (incubation) soit la plus longue possible.
Pour cela, il faut prévoir des épaisseurs d'enrobage suffisantes
et choisir une formulation de béton permettant de diminuer sa
perméabilité à l'eau et aux gaz.
|