UNIVERSITÉ DE ROUEN
Faculté de droit, des sciences économiques et de
gestion.
Année académique 2007- 2008.
Master II Recherche, Mention droit public approfondi,
spécialité Systèmes juridiques et protection des
droits.
Mémoire
La protection des données personnelles face
aux nouvelles exigences de sécurité.
Mémoire soutenu publiquement le 10 juin
2008
Jury de soutenance :
Teresa GARCÍA-BERRIO
Guillaume TUSSEAU
Sous la direction du professeur Teresa GARCÍA-BERRIO
Présenté par Sami FEDAOUI
Les opinions exprimées dans ce mémoire sont
propres à leur auteur et n'engagent en rien la responsabilité de
l'université de Rouen.
Introduction
Si l'État constitue le produit d'une évolution
historique dans l'organisation de la communauté humaine, il est
également la figure à même de produire un ordre social dont
l'objet est de réguler ce qui précisement ne peut être
régulé par la sphère privée. Pour reprendre la
célèbre formule de Max Weber, l'Etat dispose et agit
fondamentalement comme le détenteur du "monopole de la violence physique
légitime"1(*), ce qui
est sans doute la traduction d'un transfert à l'État par la
communauté humaine d'une incertitude originelle relative à la
sécurité.2(*)
Certes l'État ne provient pas exclusivement de cette incertitude, il
n'en demeure pas moins qu'il constitue une solution viable à celle-ci.
On observe ainsi que les considérations sécuritaires sont dans
une certaine mesure cosubstantielles à l'existence de
l'État.3(*) Le
problème pour l'État consiste néanmoins à
"justifier son existence" non seulement par cette question anthropologique de
la sécurité mais également par son retrait de la
sphère privée, espace privilégié de liberté
et d'intimité, du moins prétendue comme tel.
Partant, il est intéressant de voir que c'est en matière de
données à caractère personnel que l'on retrouve de
manière très significative la tension entre ces deux
tendances.
Les données personnelles sont en effet des informations
qui permettent d'identifier individuellement, de manière directe ou
indirecte, une personne physique.4(*) Il s'agit donc de données qui portent sur des
éléments qui caractérisent une personne, et qui sont ainsi
susceptibles d'affecter la vie privée de celle-ci.5(*) Dès lors, ces
données étant ainsi considérées, on peut comprendre
que l'exigence d'une certaine protection de ces données se heurte
à une autre exigence, celle consistant à les mettre à la
dispostion de l'État dans une certaine mesure, afin que les
autorités publiques puissent assurer efficacement le maintien de la
sécurité. Et même si ces considérations ne sont pas
nécessairement inconciliables, il est clair que l'on est en
présence de deux mouvements dont la vocation respective est bien
différente puisque l'une privilégie l'intérêt de la
personne tandis que l'autre tend à mettre cet intérêt "en
suspens" au profit d'un intérêt sans doute plus
général tenant à la sécurité. Cette notion
de sécurité peut, en plus, être largement entendue et
recouvrir la securité des individus comme celle de l'État
lui-même. On voit bien qu'il est tout à fait possible de
décliner sous plusieurs angles l'étude sur les données
personnelles compte tenu de l'ampleur des enjeux, mais aussi de la relative
incertitude autour des discours et des concepts concernant cette
problématique.
Il convient donc de poser un cadre de réflexion qui
permettrait d'étudier certains points essentiels de la protection des
données à caractère personnel afin de percevoir le
mouvement systèmique à l'oeuvre, et à cet égard on
doit préciser que notre étude porte sur le "modèle
français" en la matière. La protection des
données personnelles en France a connu un développement important
dans les années 70, la France ayant adopté le 6 janvier 1978 la
loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Même si de nombreux aménagements ont été mis en
oeuvre depuis lors, ce dispositif constitue le socle du système
français de protection des données personnelles avec notamment la
création de la Commission nationale de l'informatique et des
libertés, autorité administrative indépendante
chargée principalement de contrôler le respect des normes en
matière de traitement des données à caractère
personnel.
Tout d'abord, une des questions que l'on peut se poser est
celle de savoir s'il existe ou non un fondement juridique de
sécurité qui pourrait être invoqué dans le cadre du
système normatif français des données personnelles, et
surtout de savoir comment il peut être appréhendé. De ce
point de vue, le concept de sécurité comme principe central de
l'existence de l'État, tel qu'on l'a degagé, demeure une
hypothèse d'ordre anthropologique et doit ici être tenue comme
telle, autrement dit on ne peut conférer à cette idée une
quelconque portée juridique qui appuierait valablement un ensemble de
normes et d'énoncés. Dans la sphère juridique, on peut
observer que la sécurité ne joue tout au plus que comme un
paradigme de la "politique juridique" mais n'existe pas en tant que
véritable principe juridique. Et il en est ainsi en ce qui concerne plus
précisement les données personnelles, mais on ne peut pour autant
exclure la notion de sécurité des dispositifs juridiques dans ce
domaine, ne serait-ce qu'en raison de la dimension paradigmatique de celle-ci.
Dans ce domaine, les normes mises en oeuvre prennent en compte ce souci de la
sécurité, c'est ainsi que la puissance publique peut soutenir
dans son activité de police que certaines circonstances
d'éspèce justifiaient une atteinte à la protection des
données personnelles. Ceci conformément à une tradition
française qui admet que la préservation de l'ordre public peut
tout à fait être un motif de restriction de certaines
libertés publiques ou individuelles, d'ailleurs le texte même de
certaines dispositions régissant le traitement des données
personnelles s'inscrit dans ce sens.6(*)
Mais la sécurité ne doit pas être
seulement comprise comme fondement des mécanismes juridiques car il
s'agit aussi d'un facteur d'impulsion de ces mesures, et c'est sans doute sur
ce point que l'exigence de sécurité déploie le plus
activement ses effets. Ceci revient à dire que traiter la
sécurité uniquement sous l'angle des normes juridiques positives
conduirait à omettre un point important en ce que la
sécurité est ouvertement invoquée dans le discours
"métajuridique". Ainsi il est presque inutile de s'interroger ici sur la
validité juridique du principe de sécurité, car il suffit
de se placer sur un autre niveau d'analyse, certes plus politique, pour
découvrir que la sécurité est un élément
très présent et qui exerce une certaine influence sur le choix
des règles positivées. C'est en ce sens que l'on peut parler du
paradigme de la sécurité comme l'une des valeurs de
références dans l'orientation de ces choix.
Par ailleurs, le cas des données personnelles n'est
plus considéré comme un "univers clos" dans lequel le droit au
respect de l'intimité de la vie privée empêche toute
intrusion extérieure. Ceci s'explique avant tout parce qu'il devient de
plus en plus difficile de tracer des frontières étanches et bien
délimitées alors que le développement fulgurant des
nouvelles technologies de l'information et de la communication, notamment de
l'Internet, favorise au contraire l'échange d'informations de toute
nature sur un réseau démultiplié. Ceci conduit à
renforcer l'aspect "mercantile" de ces données même s'il n'est pas
question en l'état actuel d'en faire de véritables marchandises.
C'est d'ailleurs dans ce contexte qu'est intervenue la directive communautaire
de 1995 dont l'intitulé est assez significatif puisqu'il mentionne la
"libre circulation de ces données".7(*) D'autre part, on constate que les données
personnelles constituent un instrument qui peut servir à la lutte contre
la délinquance et la criminalité. En effet, l'analyse des risques
potentiels pour la sécurité, l'instruction des enquêtes
judiciaires, ou encore la coopération policière et judiciaire
entre plusieurs États nécessitent que puissent être
traités des fichiers contenant des informations, en l'espèce des
données à caractère personnel. Certes, la directive
précitée ne vise pas ce type de traitement des données,
elle exclue le maintien de la sécurité de son champ
d'application, mais on peut considérer que ses dispositions exercent une
certaine influence sur cette question dans la mesure où elle s'inspire
essentiellement de la Convention 108 du Conseil de l'Europe de 1981. Et la
France a transposé cette directive dans son ordre interne, moins pour
répondre à l'objectif fixé de garantir un niveau
élevé de protection, que pour mettre en conformité ses
normes s'agissant des flux transfrontaliers de ces données.
En ce qui concerne le niveau de protection des données,
on peut dire que la France a mis en oeuvre un ensemble de normes plutôt
rigoureuses sur ce plan, ou à tout le moins similaires à celles
élaborées par les institutions communautaires.
C'est pourquoi on peut penser qu'il est plus
intéressant de centrer nos interrogations sur la dynamique
systémique en France en matière de traitement des données
personnelles, et c'est en ce sens que l'on est conduit à examiner
l'impact des exigences sécuritaires, en tenant compte de
l'"environnement européen" au sens large. Cela implique que l'on
s'appuie sur les outils pertinents que nous fournit l'appareil juridique
français, que ce soit ou non en réponse aux instruments
juridiques élaborés à l'échelle européenne.
Plus précisement, ce sont principalement les textes adoptés
depuis 1978 et aussi l'activité de la CNIL face à la pratique du
traitement des données personnelles qui peuvent nous éclairer sur
ces tendances. Et dans une moindre mesure la jurisprudence et la doctrine
peuvent également apporter des précisions importantes.
Autrement dit, il ne s'agit pas d'analyser la protection des
données personnelles en tant que telle mais de mettre en évidence
le mouvement de l'ensemble de ce système. Dès lors, il est clair
que notre étude n'a pas pour objet de recenser la multitude de
règles et de principes régissant la matière mais au
contraire de dégager les traits directeurs à la base de la
construction de ce système. Et dans cette optique, il faut retenir que
notre analyse ne peut prétendre à l'exhaustivité car,
comme on l'a vu précedemment, la question des données
personnelles a la particularité de transcender les catégories
traditionnelles du droit, et dépasse même les frontières de
l'univers juridique dans une certaine mesure. Pour ainsi dire, notre analyse de
la protection des données personnelles dans l'ordre juridique
français est en quelque sorte une analyse des logiques qui
président au système.
Dès lors, au vu de ces différents
éléments témoignant de l'importance du paradigme
sécuritaire et de la perspective libérale imprimée au sein
de l'espace européen, notamment par l'Union Européenne, il
devient difficile pour la France d'isoler son système juridique en
matière de données à caractère personnel. C'est
ainsi que l'on peut se poser la question des interactions et de la
réception de ces paramètres en France, et donc de
l'évolution qu'induit ou non ces impacts. Dans quelle mesure la
protection des données personnelles se trouve-t-elle affectée par
les considérations sécuritaires ? Plus exactement, face à
l'ensemble d'exigences relativement nouvelles, peut-on dire que la protection
des données, socle fondateur du système depuis 1978, demeure le
principe consolidé et effectivement garanti ?
On peut considérer que le système
français en matière de données personnelles fait oeuvre
d'une certaine évolution dans la mesure où il tend à
adapter ses instruments juridiques à des exigences qui proviennent
essentiellement de la Communauté européenne, et plus
générallement d'une dynamique ambiante prônant un renouveau
paradigmatique. Mais il n'en demeure pas moins qu'en France l'évolution
à l'oeuvre ne peut être qualifiée de véritable
révolution puisqu'elle n'implique pas de métamorphoses profondes
des principes qui sous-tendent ce système. Dès lors, si on peut
avancer que les différents ajustements mis en oeuvre dans le domaine des
données personnelles traduisent une certaine évolution de ce
système ( I ), on peut également considérer qu'il n'est
pas pertinent d'y voir une révolution en ce sens que ces
aménagements ne remettent pas en cause les fondements propres au
système français en matière de données
personnelles. ( II )
Partie I : Le processus d'ajustement du modèle
français à des exigences exogènes.
Une analyse du système français en
matière de données personnelles nous conduit à observer
une certaine évolution, à défaut d'une mutation, qui se
traduit par un mouvement d'ajustement des règles juridiques face
à des exigences auxquelles le système accorde une importance
accrue. De ce point de vue, on peut parler d'une réevaluation du
régime juridique du traitement des données personnelles dont la
France entend se prévaloir à l'aune des exigences
émergentes, notamment de la Communauté européenne, point
de référence majeur. Et à cet égard, ce sont
essentiellement l'intégration communautaire et ses implications en
termes de liberté de circulation ( A ), et le paradigme de la garantie
de la sécurité par la maîtrise du risque et de l'incertain
qui déplacent les lignes jusqu'alors établies en France dans ce
domaine des données relatives aux personnes. ( B )
A. L'intégration communautaire comme vecteur de
"libéralisation" des informations.
On peut observer que la France s'inscrit dans la dynamique de
l'intégration communautaire, laquelle prend une dimension de plus en
plus importante dans la production des normes juridiques. C'est dans ce cadre
que la France est conduite à redéfinir certains aspects de son
système de traitement des données à caractère
personnel au regard des exigences de l'intégration, et notamment en ce
qui concerne la suppression des entraves à leur libre circulation. Aussi
peut-on constater dans ce domaine, un véritable impact du principe de
libre circulation des données, avec une transposition ou une
assimilation de ce principe à travers certaines déclinaisons.
Chapitre 1 : Les données personnelles face au
principe de libre circulation.
Certes, les données personnelles constituent une
catégorie particulière d'informations dans la mesure où
elles sont susceptibles d'affecter la vie privée des individus, il n'en
demeure pas moins qu'elles ont une portée informative et à ce
titre doivent pouvoir être l'objet de transferts, notamment au sein de
l'espace de la Communauté européenne dans lequel le principe de
liberté de la circulation des personnes, des marchandises et des
capitaux constitue un élément fondamental à la base de la
construction européenne. L'intégration communautaire fonctionne
en effet essentiellement autour de ce principe de libre circulation. Or, la
Communauté européenne considère que la circulation des
données personnelles est en quelque sorte "accessoire" à celle
des personnes et des marchandises au sens où elle y est
nécessairement attachée, et dès lors limiter ou resteindre
le transfert des données c'est "par ricochet" limiter la libre
circulation des personnes et des marchandises. On retrouve clairement ce type
de raisonnement aux termes des dispositions de la directive communautaire de
1995, ce texte affirme explicitement que le marché intérieur a
vocation à intensifier les relations économiques entre les
différents opérateurs publics ou privés, c'est pourquoi il
convient de garantir une fluidité suffisante dans la circulation de
données à caractère personnel afin de ne pas créer
une restriction des activités commerciales entre les États
membres, certaines données étant des informations
nécessaires à toute transaction d'ordre commercial.8(*) Cette directive a donc pour
objet d'inciter à la simplification et à l'ouverture des
appareils juridiques étatiques aux flux transfrontaliers des
données personnelles, en particulier dans l'espace
intracommunautaire.
Et on peut observer que ces considérations n'ont pas
été sans incidences à l'égard de la France qui
s'efforce de s'approprier ces exigences provenant de la logique
intégrative de la Communauté européenne. En ce sens, un
processus d'ajustement se met en oeuvre en France afin de retranscrire cet
impératif de libéralisation des données dans son
système. Sur ce point, on doit souligner un alignement du système
français en matière de traitement des données personnelles
sur le modèle communautaire tel que développé à
travers la directive précitée. En effet, à l'instar de ce
que prévoit ladite directive, on constate que la tendance
générale qui se met en oeuvre en France suit un mouvement
à double sens, à savoir la réduction des contraintes et
des obligations liées au traitement des données personnelles et
l'assurance de transparence au profit de la personne concernée face au
traitement des données la concernant.9(*)
Tout d'abord, rappelons que l'évolution à
l'oeuvre sous l'impulsion de la Communauté européenne et de la
dynamique de l'intégration consiste à favoriser les flux
transfrontaliers des données personnelles, c'est à dire appliquer
aux informations, ou plus précisement aux données à
caractère personnel le principe de liberté de circulation. Dans
cette perspective, on peut observer que la France agit en faisant en sorte
d'assimiler les mesures dégagées par la Communauté, ou du
moins certaines mesures qu'elle entend s'approprier pour conférer
à son règime juridique les ajustements nécessaires.
L'illustration la plus significative de cette tendance est sans doute la
suppression des entraves à la libre circulation des données car
pour que les données puissent ainsi transiter, il convient avant tout
d'exclure ou de limiter ce qui est de nature à bloquer ou à
restreindre une telle liberté. Or, c'est précisement l'un des
objets principaux de la directive qui vise notamment à encadrer
l'obligation de notification préalable à l'autorité de
contrôle. C'est dans ce sens que s'inscrit son article 18 qui ne
prévoit aucunement l'absence d'obligation pesant sur le responsable du
traitement des données, mais qui atténue cette obligation dans la
mesure où elle peut tout à fait faire l'objet d'une
simplification ou même d'une dérogtion dès que certaines
conditions sont réunies. Il s'agit bien ici d'une norme qui, en raison
de l'exigence de libre circulation à laquelle la Communauté
entend aboutir, s'attache à développer un système de
notification qui ne devienne pas un "mécanisme d'obstruction", et c'est
pourquoi elle estime que la notification doit présenter un
caractère obligtoire jusqu'à une certaine mesure. En substance la
Communauté estime qu'il est important de réduire
considérablement cette obligation de notification dès lors qu'il
s'agit pour le responsable du traitement d'utiliser des données
personnelles qui, en raison de leur nature et de l'objet du traitement dont il
est question, ne sont pas susceptibles de porter une atteinte à l'un des
droits ou libertés protégés par l'autorité de
contrôle. Dans un tel cas de figure, il reviendrait simplement à
ce responsable de traitement la charge de préciser « les
finalités des traitements, les données ou catégories de
données traitées, la ou les catégories de personnes
concernées, les destinataires ou catégories de destinataires
auxquels les données sont communiquées et la durée de
conservation des données. »10(*) Il est clair que cette mesure s'inscrit dans la
logique de l'intégration communautaire qui vise à favoriser le
développement d'un marché unique au sein d'un espace sans
frontières dans lequel la circulation des personnes, des biens et des
services s'exerce librement dans la mesure du possible. Un allégement
des formalités préalables au traitement de données
personnelles est en effet un élément qui permet d'atténuer
les obstacles qui s'opposent à la souplesse des flux transfrontaliers de
telles données, lesquelles portent sur une personne envisagée ici
comme un opérateur économique. Il est en effet difficile de
concevoir la réalisation d'échanges commerciaux ou
d'activités économiques sans un échange minimum de
données à caractère personnel qui permettent aux agents
économiques de s'identifier mutuellement.
C'est dans cette perspective bien particulière que la
France fait montre d'une certaine évolution dans le régime
juridique qu'elle confère au traitement des données personnelles.
Et cette évolution consiste précisement en une appropriation des
exigences ainsi développées par la dynamique de
l'intégration communautaire, c'est à dire ici l'idée selon
laquelle la libre circulation des données, exigence fondamentale pour
l'achévement d'un marché unique, suppose un assouplissement du
règime juridique du traitement des données personnelles. On
observe que la France s'est attachée à transcrire cette exigence
dans son système juridique et ce, notamment à travers
l'intervention du législateur en 2004. La loi du 6 août 2004
traduit clairement l'ajustement du régime juridique du traitement des
données personnelles à la tendance imprimée par la
directive communautaire de 1995. Cet ajustement ayant notamment pour objet de
remanier le mécanisme de contrôle préalable à
l'exercice de traitements de données, en l'espèce des
formalités requises auprès de la CNIL en vue de satisfaire une
telle demande. C'est ainsi que l'article 24 de la loi du 6 janvier 1978, tel
qu'il résulte de la nouvelle loi de 2004, intègre explicitement
la mesure issue de l'article 18 de la directive précitée. Et elle
ne manque pas de bien préciser qu'il s'agit des « catégories
les plus courantes de traitements de données à caractère
personnel, dont la mise en oeuvre n'est pas susceptible de porter atteinte
à la vie privée ou aux libertés », ce qui
témoigne de sa tendance à l'assimilation de l'exigence
communautaire puisqu'elle détermine clairement le principe selon lequel
dans une telle hypothèse, une simplification de l'obligation de
déclaration s'impose.11(*) C'est pourquoi elle enjoint la CNIL d'élaborer
des normes visant à garantir cet assouplissement procédural, et
dans ce cadre le législateur français reprend largement les
différentes lignes directrices jugées incontournables aux termes
de la directive, telles que les finalités du traitement ou encore la
durée de conservation des données. Dans le prolongement de sa
logique de réception des exigences communautaires, la France admet
également que le traitement puisse faire l'objet d'une dispense
d'obligation de déclaration, permettant au responsable dudit traitement
de se soustraire à toute formalité préalable auprès
de la CNIL.12(*) Il
revient encore à la CNIL de fixer les types de traitements de
données personnelles auxquels elle n'attache aucune obligation de
déclaration.
Dans le même ordre d'idées, on peut voir que
l'évolution qui se produit au sein du système français
consiste aussi à favoriser la circulation des données à
travers une exigence parallèle à l'assouplissement des conditions
de traitement des données, il s'agit ici de l'idée selon laquelle
l'interessé doit pouvoir exercer un certain encadrement de ce
traitement. En effet, cette idée repose sur le postulat selon lequel les
données personnelles ne peuvent circuler librement que dans la mesure
où les intéressés disposent d'une certaine confiance sur
l'utilisation de leurs données.13(*) Ce qui signifie que l'on permette aux individus
concernés d'être tenus informés de tout
élément utile à propos du traitement de données
effectué ou envisagé, c'est une perspective plutôt subtile
dans la mesure où elle permet de garantir une certaine transparence dans
l'utilisation des données personnelles sans recourir à des
mécanismes qui s'exercent a posteriori tel le droit
d'accès ou le droit de rectification. La logique
privilégiée est celle qui consiste à assurer les moyens de
cette transparence, nécessaire à la libre circulation des
données, antérieurement au traitement, en vue d'optimiser la
confiance des individus impliqués par la circulation des données
les concernant.
C'est dans cet esprit que la loi de 2004 a également eu
pour objet d'apporter certains aménagements en la matière, et il
s'avère que le raisonnement retenu par la France sur ce point suit
largement les prescriptions de la directive. On peut donc encore y percevoir
une assimilation des exigences qui se rattachent à l'intégration
communautaire. Plus précisement on peut relever un point important qui
est significatif de cette tendance, il s'agit du droit d'information à
la disposition de la personne concernée par le traitement en cause. A
cet égard, on peut observer que l'innovation essentielle tient en ce que
le corpus juridique élargit substantiellement les informations
liées au traitement des données que le responsable est tenu de
communiquer à la personne concernée elle-même. Plus
exactement, ce sont des informations qui doivent être portées
à la connaissance de l'intéressé, qu'il s'agisse de
données recueillies directement ou indirectement.
En effet, le système juridique français pose
désormais une obligation bien plus détaillée par laquelle
le responsable de tels traitements est tenu de délivrer des informations
à la personne qui fait l'objet d'une collecte de données la
concernant. Alors que cette obligation était déjà
prévue dans le cadre des dispositions de la norme fondatrice de
197814(*), elle ne visait
que certains points essentiels, pour ainsi dire nécessaires compte tenu
de la fonction et de l'objet même de toute collecte de données
personnelles. Ainsi par exemple concernant le caractère obligatoire ou
facultatif des réponses sollicitées et des conséquences
éventuelles pour la personne concernée dans l'hypothèse
d'un défaut de réponse, ou encore s'agissant des destinataires
des informations. Cette obligation est ainsi maintenue mais elle est surtout
substantiellement élargie par l'introduction de nouvelles informations
à la charge du responsable du traitement, et on peut relever à
cet égard notamment l'obligation d'informer sur l'identité du
responsable du traitement, et celle de renseigner sur la finalité
poursuivie par le traitement en cause. Ce sont deux prescriptions
prévues aux termes de l'article 32, qui consistent à apporter une
information transparente au bénéfice de la personne
concernée dans la mesure du possible, et à cet effet ces deux
nouvelles prescriptions se dirigent sur des points qui peuvent tout à
fait lever les obstacles à la communication des données, et par
là même à leur circulation, car celle-ci suppose que la
personne concernée puisse connaître les conditions d'utilisation
des données recueillies. Il s'agit bien du principe auquel tend
l'obligation d'indiquer l'identité du responsable dudit traitement ainsi
que la finalité à laquelle est destinée ce traitement, les
données personnelles recueillies sont ainsi communiquées avec la
certitude de connaître des éléments aussi importants que le
responsable des actes opérés effectivement au titre du traitement
des données personnelles mais également la finalité
recherchée par l'utilisation des données, c'est à dire
l'objectif précis du traitement. La symétrie qui existe entre la
loi française et la directive communautaire est très
significative de l'ajustement opéré en France à l'aune des
exigences issues du droit de l'intégration communautaire, le
parallèle entre l'article 10 de la directive et l'article 32
precité de la loi française révèle l'importance
accordée à l'existence d'une information claire et
détaillée.
Par ailleurs, l'obligation mise à la charge du
responsable du traitement se trouve accompagnée d'un droit à
l'information que l'intéressé peut exercer à sa demande
dès lors qu'il justifie de son identité. Cet aménagement
mis en place confirme l'importance que le système français
reconnaît à l'idée selon laquelle l'individu
concerné doit pouvoir connaître une série
d'éléments afin que la transparence du traitement soit aussi
complète que possible. Cette évolution normative peut s'analyser
comme la réception du modèle communautaire, en toute
hypothèse sur ce point la France s'approprie cette exigence se
rapportant à l'information de l'intéressé, laquelle doit
être effective. L'article 39 prévoit en effet une liste
d'éléments qui, indépendamment des indications devant
être obligatoirement délivrées, peuvent être fournis
à la demande de la personne concernée. Il s'agit essentiellement
d'un mécanisme visant à compléter l'obligation qui lie le
responsable du traitement par une faculté à la disposition de
l'intéressé qui peut exercer lui-même son droit à
l'information. Cette faculté à la disposition de
l'intéressé s'exerce en vue d'obtenir certaines informations qui
visent également à assurer une certaine transparence au
traitement envisagé. Parmi celles-ci, on peut souligner des informations
telles que les finalités du traitement, les catégories de
données qui font l'objet du traitement, la communication sous une forme
accessible des données la concernant ainsi que leur origine. Retenons
que cette disposition admet un large champ en la matière et ce, dans
l'optique de garantir l'effectivité de l'information dont doit
bénéficier la personne concernée.
Dès lors, au vu de ces différents
éléments on peut considérer que la libre circulation des
données personnelles, exigence développée par la
Communauté européenne, constitue bien un facteur
d'évolution à l'égard des principes régissant le
traitement des données personnelles dans le "modèle
français", du moins dans une certaine mesure. Et une évolution de
ce modèle est également à l'oeuvre en raison de l'impact
du principe de disponibilité.
Chapitre 2 : Les données personnelles face au
principe d'accessibilité.
La Communauté européenne crée une
impulsion qui a un véritable impact sur le "modèle
français" en matière de traitement des données
personnelles dans la mesure où se manifeste une tendance à la
"libéralisation" des données. Et cette tendance repose sur la
dynamique classique de libre circulation au sens des flux transfrontaliers
nécessaires à la réalisation du marché unique, mais
aussi sur une dynamique qui ne relève pas de l'intégration
communautaire proprement dite, il s'agit du principe de disponibilité
dont la vocation est d'assurer la libre circulation des données dans
l'optique de la coopération des services répressifs des
États membres. Ceux-ci estiment en effet que la libre circulation des
données personnelles doit pouvoir aussi se décliner dans le cadre
des activités régaliennes liées à l'ordre public et
à la répression pénale des infractions. Ce principe
revêt une importance particulière, notamment en raison de la
volonté d'établir un espace de coopération
policière et judiciaire en matière pénale.15(*)
On peut se reporter aux articles 29 et 30 du Traité sur
l'Union Européenne qui traduisent une tendance novatrice de la
construction européenne. L'Union européenne ne se
réduisant plus uniquement à sa dimension économique, elle
aspire à constituer un véritable espace de "liberté, de
sécurité et de justice" à travers la mise en oeuvre d'une
coopération étroite entre les autorités de police et de
justice des États membres afin de parvenir à cet objectif. Ainsi,
s'agissant des données personnelles, l'exigence soulignée par les
États membres est bien de permettre une disponibilité des
informations, c'est à dire de les rendre accesibles entre les
autorités compétentes dès lors que ces informations sont
détenues par les services d'un autre État membre. C'est dans ce
souci que le Conseil de l'Union européenne a émis la proposition
de décision-cadre du 12 octobre 200516(*) qui met en évidence que la coopération
des autorités de police et de justice appelle notamment une
disponibilité des données à caractère personnel
dans une certaine mesure. Ce texte bien moins contraignant que la directive
communautaire de 1995 s'affirme, au demeurant, comme une
référence importante permettant une certaine impulsion dans une
matière régalienne, autrement dit très marquée par
la logique de souveraineté propre à l'État.
Le principe majeur qui ressort de cette proposition à
l'égard des données à caractère personnel consiste
à favoriser leur accessibilité en vue de les rendre disponibles,
de nature à comporter un effet utile au service de la coopération
des autorités répressives des États membres. Et de ce
point de vue, il est clairement envisagé d'assurer une suppression des
obstacles à leur libre circulation dans une certaine mesure. Il s'agit
ici de conjuguer plusieurs impératifs afin que la coopération en
la matière soit suffisament efficace sans qu'elle ne porte
préjudice à la protection nécessaire des données
personnelles. Ces exigences sont ainsi posées au centre du dispositif de
la proposition, notamment avec les considérants 5 et 6, ce qui ne manque
pas de rappeller la logique que sous-tend la directive communautaire de
1995.
C'est pourquoi l'article 6 met en oeuvre une obligation
suivant laquelle tout État membre est tenu de prendre les mesures
nécessaires afin de fournir les informations dont les autorités
compétentes équivalentes d'un autre État membre et Europol
ont besoin pour l'accomplissement de leur activité légale. Cette
obligation fait l'objet d'un certain encadrement car il est question de limiter
ce mécanisme selon un principe de proportionnalité et de
nécessité.17(*) Il s'agit d'assurer dans une certaine mesure la libre
circulation des données à caractère personnel par leur
accessibilité dès lors qu'elle est susceptible de permettre
l'efficacité de la coopération pénale des États
membres. Or, dans un domaine aussi important que la préservation de
l'ordre public lato sensu au sein d'un espace dépassant le
cadre national, on peut aisément comprendre que l'évolution du
régime juridique français suppose de se reporter à des
instruments internationaux auxquels elle est partie car la dimension de
coopération est ici omniprésente. Autrement dit, des conventions
internationales spécifiques permettent de souligner cette
évolution à l'oeuvre en France, et c'est ici une
singularité par rapport à l'évolution qu'implique
l'intégration communautaire dans sa dimension économique,
laquelle s'est opérée "directement" dans l'ordre interne à
travers la transposition de la directive.
A cet égard, on peut souligner que la France a conclu
le traité de Prüm en 200518(*), également appelé "Schengen plus",
lequel vise à renforcer la coopération en la matière.
Certes, ce traité n'est pas exclusivement consacré à la
question des données à caractère personnel mais on peut
observer qu'elle joue un rôle très important dans la
coopération recherchée, comme en témoigne l'article 1er
qui énonce le principe général selon lequel la
coopération transfrontalière doit être mise en oeuvre
notamment à l'appui de l'échange d'informations.
Indépendamment des modalités de cette coopération, les
États parties expriment ici la tendance à inscrire
l'échange d'informations dans le cadre de leur coopération. Plus
particulièrement, la convention vise en ses articles 3 à 5
à permettre l'accessibilité des profils ADN en vue d'une
consultation et d'une comparaison automatisées. Il s'agit de
données indexées ne comportant aucune information nominative qui
permettrait d'identifier directement la personne concernée.19(*) Et sur la base de cet
échange d'informations par comparaison des données
indexées, la partie requérante peut solliciter la transmission
d'autres données à caractère personnel dès lors
qu'il s'avère que ladite comparaison est concordante. Ainsi sous
réserve du respect de ces deux phases du processus de
coopération, les États membres peuvent in fine
accéder à des données à caractère personnel,
même nominatives, afin d'accomplir leur mission de constatation et de
répression des infractions pénales. C'est ici une
évolution remarquable pour la France et pour les autres parties
contractantes dans la mesure où le principe de souveraineté se
trouve assorti d'une limitation suivant laquelle l'État membre est tenu
de constituer une base automatisée de données indexées en
référence à un fichier d'analyse ADN et ce, afin d'assurer
pour les autres parties la faculté de la consulter au cas par cas
dès lors que l'une d'entre elles aurait besoin de procéder
à une comparaison. Et ce même mécanisme est prévu
à l'égard des données dactyloscopiques, à savoir
les empreintes digitales d'individus, les articles 8 à 10 du
traité leur reconnaissant un régime largement similaire à
celui des profils ADN.
Dès lors, il faut bien comprendre que la logique ainsi
suivie par la France répond à une idée plutôt
subtile à certains égards. L'idée directrice consiste
à permettre l'efficacité d'une coopération en
matière pénale, notamment à travers l'échange
d'informations et ainsi des données à caractère personnel
dans la mesure du possible, ce qui peut s'analyser comme l'objectif
d'opérer la libre circulation des données car la transmission et
la consultation de données équivaut dans une certaine mesure
à une circulation. Or, c'est précisement en raison de cette
finalité que la France ajuste son modèle en s'appropriant
l'exigence de disponibilité dégagée notamment par le
Conseil de l'Union dans sa proposition de décision-cadre
précitée. En effet, la France a adopté le traité de
Prüm dans cette optique puisque l'un des moyens de favoriser cette
circulation des données est de s'appuyer sur un principe de
disponibilité dans la mesure où l'obstacle principal
réside dans la faculté discrétionnaire laissée
à l'État quant à l'opportunité de délivrer
les informations nécessaires. Il faut savoir que dans le domaine de la
coopération policière au niveau européen, la France
était soumise essentiellement au régime de la convention
d'application de l'accord de Schengen de 1990 qui, en son article 39, ouvrait
la possibilité de l'échange d'informations sans poser une
véritable obligation à la charge de l'État
requis.20(*)
Désormais la France dispose des instruments juridiques pour
développer sa coopération en la matière puisque l'adoption
du traité de Prüm de 2005 confère à ce
mécanisme un caractère obligatoire dès lors que certaines
conditions sont observées.
Dans le même ordre d'idées, la circulation des
données ainsi visée ne peut être assurée par le
principe de disponibilité que si ce principe s'incorpore dans un cadre
de transparence et de confiance légitime. Pour que cette obligation de
rendre disponible certaines données personnelles aboutisse effectivement
à leur libre circulation, il est essentiel que cette
disponibilité ne soit pas de nature à porter préjudice
à d'autres intérêts importants tels que la protection des
droits fondamentaux et des libertés fondamentales des personnes dont les
données sont traitées, ou le bon déroulement d'une
enquête en cours. Il est évident que le principe de
disponibilité trouve une limite certaine dans ces différentes
hypothèses, dès lors il convient de laisser une marge de
manoeuvre aux autorités compétentes requises, et c'est la raison
pour laquelle l'article 14 de la proposition de décision-cadre
énumère une liste de motifs qui peuvent justifier le refus de
transmettre les informations demandées. On peut retenir plus
particulièrement le motif de refus fondé sur des
considérations liées à la protection des libertés
et des droits fondamentaux des personnes concernées par les
données traitées, il s'agit d'un principe qui rejoint tout
à fait le sens imprimé par la Convention de 1981.21(*) Et de ce point de vue, le
traité de Prüm s'inscrit dans ce sens car l'article 34
prévoit explicitement que « concernant le traitement de
données à caractère personnel transmises [...]
chaque Partie contractante garantit dans son droit national un niveau de
protection des données correspondant au moins à celui
résultant de la Convention du Conseil de l'Europe du 28 janvier
1981 », ce qui témoigne de l'ajustement du modèle
français, en l'espèce par coopération avec les
États parties, en vue de donner une pleine effectivité à
ce principe de disponibilité.
Dans cette perspective, on peut affirmer qu'il existe une
tendance à la libéralisation des données à
caractère personnel dès lors que l'on comprend la
libéralisation comme un mouvement visant à favoriser la libre
circulation. Il est clair que cette exigence est étroitement liée
à l'impulsion de la construction européenne et notamment à
la dynamique de l'intégration communautaire dans le champ
socio-économique, mais on voit ici que cette exigence a également
émergé dans le domaine de la coopération pénale.
Certes, à première vue l'évolution du régime
juridique en matière de données personnelles dans le
système français est sans doute moins perceptible en ce qui
concerne l'accessibilité des données au service de la
coopération pénale interétatique, mais il n'en demeure pas
moins qu'une évolution y est à l'oeuvre. En effet, même si
le cadre normatif posé par le texte de référence de 1978
n'a pas fait l'objet d'un aménagement de ce point vue, ce qui prima
facie peut laisser penser à un statu quo, il faut bien
comprende que les ajustements se sont opérés au delà de ce
cadre classique puisque ce sont essentiellement des traités, auxquels la
France a adhéré, qui traduisent cette évolution.
D'ailleurs cette particularité peut s'expliquer par la
spécificité de l'objet en cause c'est à dire le champ
pénal sous l'angle de la coopération transfrontalière, une
telle matière implique que la France ajuste son modèle avec des
conventions internationales. Le traité de Prüm de 2005 en est
l'illustration la plus significative dans la mesure où l'on retrouve
l'exigence d'accessibilité des données personnelles au centre des
mécanismes de coopération en ce domaine. Par ailleurs,
l'évolution du modèle français se traduit également
par l'ajustement à des exigences exogènes émergentes
prônant la solution de l'identification face à l'incertitude et au
risque.
B. Les données personnelles sous l'impact du
paradigme de la maîtrise des risques par l'identification.
Si l'exigence de libéralisation des données
personnelles, provenant notamment de la Communauté européenne, a
eu un certain impact faisant évoluer des points importants du
modèle juridique français en matière de données
personnelles, un mouvement analogue s'opère en ce sens que le
système juridique français intégre de plus en plus un
paradigme relativement récent, à savoir l'identification garantie
par les données personnelles servant d'outil en vue de maîtriser
le risque, lequel peut prendre des formes tout à fait diverses.
L'évolution consiste ici à assimiler dans le modèle
français des exigences novatrices faisant des données
personnelles, un instrument de contrôle a priori
"privilegié".
Chapitre 1 : L'essor de la logique d'exception dans le cadre
des données personnelles.
Avant tout, un constat préalable s'impose car comme le
souligne à raison Sylvia Preuss-Laussinotte, on ne peut ignorer un
basculement dans un univers de « précaution »22(*) dans lequel il ne s'agit plus
tellement de suivre le mouvement des individus mais bien davantage d'anticiper
les comportements "à risque". Et ceci n'est pas sans lien avec le
développement d'un renouveau des concepts et des principes liés
au maintien de la sécurité nationale et internationale, notamment
depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, événement
ayant sans doute agi comme un "catalyseur" à cet effet. Ces
éléments ne sont pas sans importance du point de vue de l'analyse
juridique car à certains égards le droit s'inscrit dans une
représentation axiologique déterminée qu'il convient de
prendre en compte.23(*)
Ainsi il ressort manifestement une tendance visant à contrôler le
risque par la certitude de l'identification et ce, notamment sous l'impulsion
du système juridique des États-Unis mais également avec
les avatars de ce modèle au sein de l'Union européenne. Or, il
apparaît que ces modèles ont institué une logique
d'exception par laquelle une asymétrie fondamentale est
opérée entre un régime des données personnelles de
droit commun et un régime "sui generis" spécifiquement
destiné à une ou plusieurs catégories d'individus ou
groupes d'individus, à des fins également spécifiques. On
peut souligner que le droit imprime une telle logique essentiellement dans le
domaine des fichiers de sécurité.
Et la France tend progressivement à s'inscrire dans
cette évolution puisque son système juridique s'approprie de plus
en plus la logique d'exception. A ce propos, on doit préciser qu'il ne
faut pas entendre la logique de l'exception ainsi évoquée au sens
des circonstances exceptionnelles telles qu'elles existent par exemple dans le
système juridique français. Cette hypothèse qui est en
règle générale prévue dans la Constitution, n'a pas
tout à fait la même signification que la logique d'exception que
l'on vise à faire ressortir dans notre étude. En effet, il faut
comprendre qu'à la différence de l'hypothèse de
circonstances exceptionnelles, la logique d'exception ne procéde pas
à la suspension du droit commun, autrement dit elle n'affecte pas son
applicabilité, elle vise substantiellement à déroger au
droit commun applicable par le changement, l'adjonction ou le retrait
d'éléments. C'est pourquoi l'on retient ici une notion de
"logique d'exception" qui s'inspire certes de la situation d'état
d'exception24(*) dans la
mesure où elle aboutit à contourner la mise en oeuvre du droit
commun, mais elle ne procède pas de la même manière. A cet
égard, on peut relever plusieurs éléments qui
témoignent d'une évolution progressive du droit français
vers la logique exceptionnaliste en matière de données à
caractère personnel.
A cet égard, on peut observer que la France
connaît de plus en plus un certain "morcellement" dans le régime
juridique lié à la protection des données personnelles car
en fonction de la l'objet ou la finalité du traitement ou encore en
fonction du type d'individus visé, le droit peut introduire certaines
dérogations. Si l'on se place du point de vue de la lutte
anti-terrorisme, cette logique est tout à fait perceptible, et
l'ajustement du système français face aux exigences
définies dans le domaine des flux de passagers aériens, plus
connu sous l'expression Passenger Name Record ou PNR désignant
les fichiers crées par les compagnies aériennes de transport lors
des réservations de voyage des passagers, montre bien l'essor de cette
logique en France. En effet, la France a adopté un dispositif
législatif en 2006 visant à adapter son système juridique
en vue du maintien de la sécurité dans l'optique notamment de la
lutte contre le terrorisme.25(*) Et sur ce plan, on peut observer que le
législateur français s'est largement inspiré de la
directive 2004/82/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant l'obligation pour
les transporteurs de communiquer les données relatives aux passagers, et
dans une moindre mesure de l'Accord de mai 2004 conclu entre l'Union
européenne et les États-Unis. On retrouve cette logique de
l'exception dans la mesure où les données personnelles peuvent
faire l'objet d'un traitement dès lors que la personne visée se
trouve dans le cas de figure d'un passager aérien, et ce traitement peut
être exercé dans des conditions qui dérogent au
régime commun de protection. Ainsi, par exemple la licéité
du traitement telle que régie par la loi de 1978 se voit
accompagnée des exceptions prévues par les exigences relevant des
motifs de lutte contre le terrorisme. Ce n'est pas tellement eu égard au
contenu des données traitées que l'exception déploie ses
effets en France car les données sensibles demeurent l'objet d'une
protection fondamentale, ce sont essentiellement la proportionnalité et
la durée de l'utilisation qui témoignent de l'ajustement
français à la logique exceptionnaliste car désormais
l'obligation de communiquer ces données aux autorités du maintien
de la sécurité compétents est systématique,
dénué de tout principe de nécessité effective,
s'agissant des dossiers de passagers aériens, et cette communication des
données permet une utilisation largement étendue du point de vue
de la durée légale du traitement. Le principe d'adéquation
et de licéité du traitement des données prévaut au
titre de l'article 6 de la loi de 1978, ce qui signifie que la pertinence et
l'opportunité du recours au traitement ainsi que sa durée ne
doivent pas excéder ce qui est nécessaire et proportionné
au regard de la finalité du traitement envisagé, or cette
licéité conditionnée par rapport à la situation
effectivement de nature à justifier le traitement en cause est
complétement ignorée dans le cadre de ces données
relatives notamment au cas des passagers aériens dont les données
doivent être automatiquement délivrées et ce, pour une
période d'utilisation in abstracto fixé à cinq
ans.26(*) C'est bien l'illustration
d'une logique d'exception que le système juridique français
intégre progressivement pour des hypothèses
déterminées, en l'espèce au cas des passagers
aériens sur le fondement des exigences de sécurité
liées au terrorisme.
Par ailleurs, parallèlement à ces exigences
fondées sur la particularité de la question du terrorisme, on
retrouve cette logique à l'oeuvre dans le cadre de certains fichiers
relatifs aux infractions pénales, et de ce point de vue c'est notamment
la tendance imprimée par l'espace Schengen qui affecte le régime
français. L'espace Schengen repose notamment sur un vaste système
d'informations qui favorise la coordination des autorités et services
qui traitent des informations et des données à caractère
personnel, notamment des agents des autorités policières et
judiciaires. Si l'efficacité est au centre des objectifs poursuivis par
ce système, il faut admettre qu'il repose moins sur une structure
d'ensemble ordonnée que sur la démultiplication des
systèmes d'informations avec un véritable « morcellement des
protections » selon la formule de Sylvia Preuss-Laussinotte.27(*) La logique de l'exception s'affirme
en France également dans ce domaine, bien qu'encore de façon
progressive, on constate en effet une émergence du principe speciala
generalibus derogant à travers la constitution de fichiers de
données personnelles qui, en raison de leur finalité très
spécifique principalement destinée à l'identification des
personnes considérées potentiellement dangereuses,
présentent des points de dérogations vis-à-vis du
régime juridique ordinaire. On peut relever un type de traitement dans
lequel on retrouve ce caractère exceptionnel de façon assez
significative, il s'agit des données traitées dans le cadre du
Système de Traitement des Infractions Constatées, connu comme le
STIC.28(*) La France a
consacré la mise en oeuvre de ce système de fichage en vue de
traiter des données à caractère personnel, ce
système fonctionne tel un "mégafichier" de police servant
à identifier des individus en fonction d'indices ou
d'éléments graves et concordants attestant leur participation
à la commission de certaines catégories d'infractions dont
l'énumération est fixée par décret. Il
apparaît qu'en 2003 la loi pour la sécurité
intérieure a entendu s'adapter à l'essor de ce paradigme de
l'identification comme garantie de la sécurité, et c'est dans
cette optique que s'est greffée la logique d'exception car si l'on
analyse les innovations issues de cette norme, on peut observer que la
particularité présente consiste à contourner certaines
conditions de licéité en retenant un principe plus large quant
à la faculté de recueillir et de traiter de tels données.
En effet, concernant les éléments qui peuvent justifier à
bon droit ce type de traitement, ladite loi substitue la condition selon
laquelle ces éléments doivent attester d'une participation
à la commission d'une de ces infractions par une condition qui n'exige
qu'une participation "rendue vraisemblable".29(*) De plus, cette même disposition prévoit que le
traitement en cause peut viser des données concernant ces personnes sans
limitation d'âge. Ainsi, même si cela apparaît moins
clairement que pour les données PNR, on retrouve cette logique de
l'exception avec la particularité du STIC qui est un type de traitement
répondant à une exigence d'identification autour de
considérations sécuritaires, et dont la licéité du
recours s'appuie sur une dérogation aux conditions restrictives communes
de nécessité et de proportionnalité. La finalité de
ce type de traitement étant de recueillir des données
personnelles afin de permettre la constatation des infractions, le
rassemblement des preuves de celles-ci, et la recherche de leur auteur, le
dispositif de la loi 1978 exigerait que ces données ne puissent
être recueillies que dans la mesure où la personne visée a
manifestement participé à la commission de l'infraction. Or,
c'est précisement le point qui fait l'objet de la dérogation
introduite par la loi de 2003 qui opère un changement dans
l'étendue de cette condition de licéité avec
l'avénement d'une simple condition de "vraisemblance".
Si ces différents éléments traduisent
bien une évolution progressive de la logique exceptionnaliste dans le
système juridique français de la protection des données
personnelles, c'est bien en raison du paradigme également en plein essor
qui consiste à considérer les données personnelles sous
l'angle de la certitude de l'identification face au risque. Et ce paradigme se
vérifie également à travers une autre tendance du
modèle français en la matière, il s'avère que la
France s'attache à ajuster le régime juridique des données
personnelles, quoique de manière "périphérique", aux
mutations technologiques et notamment la biométrie qui permettent une
telle identification.
Chapitre 2 : Un ajustement "à petits pas" aux
nouvelles technologies de sécurité.
Le paradigme de l'identification comme instrument de
contrôle et de surveillance face au risque prend une dimension encore
plus importante dès lors que se met en oeuvre tout un appareil
scientifique et technologique à même de garantir cette aspiration.
Or, c'est bien ce qui se présente désormais avec ce qu'on appelle
communément les "technologies de sécurité", et la
biométrie à titre principal. En effet, comme le souligne à
juste titre Ayse Ceyhan, l'intérêt de la biométrie
réside clairement dans sa capacité à mesurer «
l'unicité d'un individu à partir des parties inchangeables de
son corps. »30(*) Aussi,
sous l'impusion de l'Union européenne et des États-Unis, la
France tend à introduire ces mutations d'ordre sociétal dans son
système juridique mais on voit ici que cette évolution se
caractérise aussi par son caractère modéré. Dans
une certaine mesure, on peut affirmer qu'il existe bien une tendance à
ajuster son droit concernant les données à caractère
personnel aux exigences nouvelles d'identification dès lors que cet
ajustement se met en oeuvre à la périphérie du cadre
normatif de droit commun. Autrement dit, la France a consacré le
traitement des données biométriques sur des points épars
du corpus juridique régissant les données personnelles. C'est
ainsi en matière d'identité des personnes, avec des dispositifs
spécifiques ou à titre expérimental, et surtout en
matière de coopération européenne dans laquelle la France
prend une place importante à plusieurs niveaux.
Tout d'abord, la France a opéré une
évolution qui a son importance au regard de cette question car la loi de
2004 confère à la CNIL un pouvoir d'autorisation en ce qui
concerne les traitements automatisés comportant des données
biométriques nécessaires au contrôle de l'identité
des personnes. C'est ici une avancée qu'il faut prendre en
considération car cela témoigne du développement en cours
des données biométriques dans les dispositifs de contrôle
de l'identité des personnes, que ce soit des dispositifs sous la
responsabilité de personnes publiques ou privées. Cet état
de fait suppose qu'un contrôle préalable minimum puisse avoir
lieu, dès lors le législateur français a pris acte de
cette nouvelle donne pour lui assurer une certaine lisibilité, c'est
l'objet du dernier alinéa du paragraphe I de l'article 25 nouvellement
rédigé. Parallèlement, le système juridique
français tend à développer les fichiers et bases de
données automatisées utilisant la biométrie, ainsi par
exemple les empreintes génétiques deviennent un instrument de
plus en plus utilisé dans certains fichiers nationaux d'identification.
La reconnaissance du Fichier national automatisé des empreintes
génétiques ou FNAEG, notamment avec les lois de 2001 et 2003, en
est une illustration certaine. En effet, ce type de fichier vise à
l'identification des auteurs d'infractions pénales par la centralisation
de données génétiques issues de « traces biologiques
».31(*) L'adoption d'un tel type
de fichiers de données à caractère personnel
présentant des informations génétiques des individus dont
la participation à la commision à une infraction apparaît
"vraisemblable"32(*) est
révélatrice de la tendance française à transcrire
dans son système juridique les conséquences de l'exigence suivant
laquelle les données personnelles doivent pouvoir servir d'instrument
d'identification dans une perspective de certitude face au risque et à
l'insécurité. Et dans une certaine mesure, on peut rapprocher
cette évolution de celle qui consiste à faire des données
biométriques un élément d'identité.
L'évolution présente consiste en effet à assurer
l'identification des individus par la donnée personnelle
biométrique, or ce qu'on peut aussi observer dans le même ordre
d'idées est l'émergence de ce principe en vue d'assurer
l'identité même de l'individu. Mais il convient de nuancer ce
propos car le système juridique français n'a pas
matérialisé une telle tendance du fait de certaines
résistances aux documents d'identité biométriques.
Ensuite, on peut observer c'est aussi et surtout dans le
domaine de la coopération transfrontalière que le système
juridique français s'est imprégné de cette exigence de
certitude à l'appui de l'identification. Son modèle juridique a
fait l'objet d'aménagements importants dans la mesure où la
coopération transfrontalière s'est opérée
essentiellement sur l'espace Schengen et les systèmes d'informations qui
y sont mis en oeuvre. Or ce sont ces systèmes qui ont largement
favorisé et donné l'impulsion pour que les États
entreprennent les ajustements nécessaires à ce que la
coopération soit effective. C'est ce que l'on a pu souligner
précedemment s'agissant de l'orientation donnée dans le cadre du
troisième pilier de l'Union européenne, et il s'agit d'un
élément qui ne peut être ignoré concernant les
évolutions juridiques ayant trait à la biométrie. Sylvia
Preuss-Laussinotte avait déjà perçu cette évolution
en France, avant même l'adoption par le Conseil de la proposition de
décision-cadre de 2005. Elle estimait que « la France en
créant un fichier d'empreintes génétiques met de fait son
système pénal et policier en conformité » avec
les exigences européennes qui sont définies dans l'optique d'une
coopération transfrontalière.33(*) Or son constat ne manque pas de pertinence puisque c'est
cette impulsion européenne, surtout à travers l'espace Schengen,
qui a permis le développement en France du traitement de données
biométriques ou plutôt de la constitution de différentes
bases de données automatisées comportant des informations de type
biométrique. En effet, l'exigence d'un réseau d'informations qui
puissent circuler à des fins de coopération pénale a
été la ligne directrice de l'espace Schengen et plus
générallement des dispositifs juridiques adoptés dans le
cadre du troisième pilier. C'est précisement dans ce contexte
qu'a émergé la biométrie dans la sphère juridique
des données personnelles. Deux points d'impact majeur peuvent être
relevés, à savoir d'une part l'évolution induite par le
principe d'accessibilité des données et d'autre part
l'évolution liée à la "question migratoire".
Tout d'abord, on peut avancer que le principe
d'accessibilité des données personnelles a contribué
à cette évolution dans la mesure où la logique
d'efficacité de la coopération est au centre de ce principe. Or,
cet objectif ne peut être assuré que si les informations
communiquées en vertu de ce principe sont suffisament fiables et
certaines, c'est pourquoi les données biométriques font figure de
références à cet effet. On peut voir ici qu'à
travers les données biométriques, les logiques
d'efficacité et de certitude liée à l'identification se
rejoignent, c'est dans cet esprit que les États membres se sont
attachés à faciliter leur circulation. Ainsi ce sont
principalement les données indexées de fichiers d'analyse ADN qui
font l'objet d'une disponibilité, le traité de Prüm de 2005
ayant determiné le régime applicable à un tel type de
traitement.
Ensuite, on doit souligner que cette évolution s'est
également opérée dans le cadre de la maîtrise des
flux migratoires avec le développement de la biométrie dans les
données personnelles des étrangers. Sur ce point, il
apparaît que les empreintes digitales ont constitué un
élément qui s'est progressivement instauré dans les
fichiers relatifs aux étrangers. Le fichier EURODAC concernant les
demandes d'asile témoigne de cette tendance puisque le réglement
n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 qui l'a
institué, entend clairement organiser l'échange et la comparaison
des empreintes digitales des demandeurs d'asile et des étrangers
à l'occasion du franchissement irrégulier d'une frontière
extérieure d'un État membre. Il s'agit ici du renforcement de la
Convention de Dublin de 1990 que la France a transposé dans son
système juridique, notamment avec la loi de 1997.34(*) En substance, il est question de
permettre le traitement de données dactyloscopiques dès lors
qu'il s'agit de vérifier le caractère frauduleux ou non de la
demande de délivrance d'un titre de séjour pour les
ressortissants étrangers n'ayant pas la nationalité d'un des
États membres de la Communauté européenne. On peut donc
considérer que la question biométrique a encore apporté un
ajustement du système juridique relatif aux données personnelles
sous l'impact de l'exigence d'identification certaine, "authentique" pour ainsi
dire.
Dès lors, ces différents éléments
peuvent nous conduire à affirmer qu'en matière de données
prsonnelles une certaine évolution du régime juridique
français s'est effectuée afin d'adapter le modèle existant
à des exigences exogènes. Toutefois, il serait excessif de
considérer ces évolutions comme de véritables
"révolutions" au sens où elles seraient de nature à
altérer structurellement le système juridique de protection des
données personnelles en France. A cet égard, on observe que ces
évolutions n'ont pas affecté les principes fondamentaux entourant
la matière.
Partie II : Les contrepoids à l'évolution
fondés sur un principe de sauvegarde des droits fondamentaux.
Certes, le système français fait montre d'une
certaine tendance à assimiler des exigences exogènes, plus ou
moins novatrices, dans son édifice juridique en matière de
données personnelles, il faut tout de même observer que ces
évolutions se trouvent encadrées par un ensemble de principes qui
ont pour objet de maintenir une exigence fondamentale, à savoir la
sauvegarde des libertés et droits fondamentaux présentant un lien
direct ou indirect avec la question des données personnelles. Autrement
dit, la France tend à construire un système juridique qui puisse
"absorber" les mutations qui l'affectent sans qu'elles n'aient pour incidence
de compromettre la préservation de ce principe, considéré
comme la "pierre angulaire" de cet édifice juridique. Dans cet ordre
d'idées, on observe que le système juridique français
assure le respect des libertés fondamentales se rapportant aux
données personnelles à l'appui de conditions tenant à la
nature des données et à la nécessité du traitement
( A ), et à cet égard on peut avancer que le traitement des
données à caractère personnel fait l'objet d'un
contrôle élargi et protéiforme. ( B )
A. Le respect des libertés fondamentales garanti
par des conditions substantielles relatives au traitement.
Il s'agit ici de montrer qu'en dépit des ajustements
mis en oeuvre en France dans le corpus juridique des données
personnelles, la sauvegarde des droits fondamentaux exige que le traitement de
ces données soit conditionné par des considérations tenant
à sa licéité. Et de ce point de vue, on observe que la
construction du système français s'articule autour de principes
qui visent à encadrer le traitement tant au regard de la nature des
données susceptibles de faire l'objet de ce traitement, qu'au regard de
sa nécessité et de sa proportionnalité.
Chapitre 1 : La licéité du traitement
liée à la nature des données traitées.
Tout d'abord, on peut considérer que le respect des
libertés fondamentales constitue la "pierre angulaire" du système
juridique français en matière de données personnelles,
à la lumière notamment du principe essentiel prévu au
titre de l'article premier de la loi dite "informatique et libertés"
selon lequel il ne peut être porté atteinte « ni à
l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie
privée, ni aux libertés individuelles ou publiques.
»35(*) Il ressort manifestement
de cette dispostion que la "clef de voûte" de l'édifice juridique
consacré à la question des données personnelles consiste
à préserver la préeminence des libertés et des
droits fondamentaux. Certes, cet article vise explicitement l'informatique dans
cette perspective, toutefois il convient d'analyser l'économie
générale de ce dispositif, or l'article 2 rappelle
expréssement que l'ensemble de ce régime juridique s'applique
généralement aux traitements automatisés ainsi qu'aux
traitements non automatisés de données à caractère
personnel contenues ou appelées à figurer dans des fichiers.
Il est essentiel de retenir que le fondement majeur de ce
cadre normatif, la ratio legis pour ainsi dire, réside dans la
protection des libertés et droits fondamentaux dès lors que le
traitement des données personnelles implique une incidence sur ces
droits fondamentaux soit en raison de l'objet même de ces types de
données ou en raison de leur connexité avec d'autres droits ou
libertés. Et à ce propos, on peut voir que ce principe est
assuré essentiellement par l'encadrement de la nature des données
qui peuvent faire l'objet d'un traitement.
La question des données sensibles permet de mettre en
évidence la portée de ce principe fondamental visant à la
protection des droits fondamentaux à raison de la nature des
données à caractère personnel. Tout d'abord, on peut
observer une certaine résistance du système juridique à
admettre le traitement de données subjectives. Le traitement doit se
limiter autant que possible à l'utilisation de données que l'on
pourrait qualifier d'objectives. Et quand bien même un traitement aurait
eu lieu sur des données faisant apparaître certains aspects de la
personnalité de l'individu concerné, il ne saurait être
question de pouvoir s'en servir pour fonder une quelconque décision
produisant des effets juridiques. L'article 10 prend en considération
sans doute à juste titre le cas de figure de la décision
juridictionnelle car elle peut impliquer dans une certaine mesure
d'apprécier le comportement d'une personne. C'est pourquoi, cet article
exclut tout à fait la possibilité de rendre une décision
de justice à l'appui d'éléments issus d'un traitement de
données personnelles de nature à évaluer certains aspects
de la personnalité de l'individu concerné. De même, toute
décision qui comporterait des effets juridiques ne peut être
fondée sur des éléments issus d'un tel traitement de
données. Ce principe rejoint tout à fait la réticence
à admettre le traitement des données sensibles, c'est à
dire celles ayant trait aux origines raciales ou ethniques, aux opinions
politiques, philosophiques ou religieuses, ou à l'appartenance syndicale
des personnes, ou encore celles relatives à la santé ou à
la vie sexuelle de celles-ci.36(*)
Étant donné le lien étroit de ces informations avec la
personnalité de l'individu, du moins pour certaines d'entre elles, le
droit restreint largement la possibilité d'opérer un traitement
de telles données dans l'optique de préserver le respect de
l'intimité de la vie privée des individus.
Le droit français considère que le respect des
libertés et des droits fondamentaux, notamment le droit à
l'intimité de l'individu dans sa vie privée, nécessite que
l'on soumette les traitements de données à une condition de
licéité se rapportant à la nature même des
données qui s'inscrivent ou non dans ce cadre. Ceci est significatif
avec les opinions politiques, philosophiques ou religieuses car elles portent
directement sur la dimension subjective de la personnalité des
individus, et ne pas apporter une quelconque restriction au traitement de ces
types d'informations affecterait la vie privée et l'intimité
qu'elle implique mais également la liberté de conscience et
d'opinion car leur traitement est susceptible d'altérer, voire de
réduire la portée de ce droit inaliénable.37(*)
S'agissant des autres types d'informations, notamment des
origines raciales ou ethniques, il est vrai qu'il est difficile d'y voir des
données qu'il convient d'encadrer sur des considérations tenant
à l'intimité de la vie privée, celles-ci ne correspondant
pas vraiment à la catégorie des données subjectives
propres aux aspects de la personnalité. C'est bien la raison pour
laquelle, le principe posé à l'article premier envisage le
respect des droits fondamentaux plus largement que sous l'acception de la vie
privée. Dès lors, on peut penser que ces données sont
considérées comme étant sennsibles sur le fondement
d'autres exigences fondamentales telles que l'égalité devant la
loi sans distinction de race ou d'origine.38(*) A cet égard, la jurisprudence du Conseil
constitutionnel est très significative dans la mesure où le juge
suprême développe un raisonnement juridique dans le prolongement
logique de ce principe.39(*) Le juge
constitutionnel estime en effet dans le considérant 29 de cette
décision, que « si les traitements nécessaires à
la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines
des personnes, de la discrimination et de l'intégration peuvent porter
sur des données objectives, ils ne sauraient, sans
méconnaître le principe énoncé par l'article
1er de la Constitution, reposer sur l'origine ethnique ou la
race », ce qui montre bien la prégnance de ce principe dans le
système juridique français.
C'est ainsi que si les évolutions
présentées précédemment ont remanié des
points juridiques en vue notamment d'une libre circulation des données,
elles ne sont pas de nature à compromettre outre mesure la "pierre
angulaire" du régime français au sens où il existe un
contrepoids à cette tendance à travers l'encadrement du
traitement eu égard à la nature des données qu'il vise. La
tendance libérale imprimée à la question des
données personnelles se fond dans les limites ainsi mises en oeuvre.
Autrement dit, certaines catégories de données sont
considérées par essence exclues du traitement sous peine
d'illicéité dudit traitement. Ainsi, en principe, les
données sensibles ne peuvent faire l'objet d'un traitement, qu'il soit
automatisé ou non, ce qui signifie qu'en règle
générale ne peuvent figurer des éléments
mentionnant les informations énumérées à cet
effet.
Par ailleurs, dans le même esprit, cet encadrement ne
fait pas obstacle à la possibilité de traiter de telles
données dites sensibles car ce traitement peut s'avérer
nécessaire dans des hypothèses particulières, et de ce
point de vue une liste limitative prévoit des exceptions qui permettent
de collecter et de traiter celles-ci.40(*) Or si l'on se place à ce niveau d'analyse, on
retrouve encore un certain encadrement visant à faire prévaloir
le respect des libertés et des droits fondamentaux.
En effet, on observe que la nécessité d'une
autorisation est maintenue par le système français à
l'égard de ces traitements présentant un risque d'atteinte aux
droits fondamentaux. Il s'agit d'une condition de licéité de ce
type de traitement prévue au titre des articles 25 et 26 de la
présente loi. Plusieurs modalités de cette condition
d'autorisation auprès de la CNIL sont mises en place, mais il faut
retenir l'idée selon laquelle tout traitement de données
sensibles justifié par la finalité même du traitement en
cause telle que prévue par l'une des exceptions figurant ici, doit faire
l'objet d'une autorisation préalable. Cette condition instituant une
protection renforcée est significative de l'importance accordée
en France à l'encadrement de ces traitements à risque et ce, en
vue de garantir autant que possible la sauvegarde des droits fondamentaux.
Au vu de l'ensemble de ces points, on peut avancer que les
évolutions à l'oeuvre au sein du modèle juridique
français en matière de données personnelles n'ont pas eu
d'incidences majeures sur la "pierre angulaire" de celui-ci, à savoir la
nécessaire sauvegarde des droits fondamentaux. En toute
hypothèse, on peut affirmer que ces évolutions ne compromettent
en aucune mesure la préeminence de ce principe central car des garanties
jouant comme contrepoids des ajustements mis en place permettent d'assurer le
maintien de cette exigence fondamentale. Et de ce point de vue, la restriction
de la licéité du traitement quant à la nature des
données s'y rapportant est un paramètre, pour le moins, important
et qui doit être souligné. Aussi doit-on relever un autre
paramètre qui rejoint et confirme notre propos, il s'agit de
l'encadrement du traitement des données personnelles à raison de
la nécessité et la proportionnalité du traitement.
Chapitre 2 : La licéité liée à
l'adéquation du traitement aux nécessités.
Si la France exprime une certaine "résistance"
consistant à maintenir au fondement de son édifice juridique
consacré aux données personnelles, l'exigence suivant laquelle la
préservation des libertés et des droits fondamentaux de la
personne doit prévaloir, c'est également à travers un
principe de nécessité et de proportionnalité que cette
exigence "cardinale" est garantie. En effet, on peut observer que le
régime juridique français est traversé par un principe qui
entend encadrer les recours aux traitements de données personnelles dans
la mesure de ce qui s'avère nécessaire et proportionnel au regard
de la finalité poursuivie par les traitements en cause. Ces
considérations tenant aux nécessités selon l'objectif
recherché jouent également comme une condition impliquant la
licéité du traitement. Dans une certaine mesure, ce principe tend
à répondre au même dessein que l'encadrement du traitement
de données personnelles sous l'angle de la nature desdites
données, on peut identifier ici une logique symétrique dont
l'objet est de garantir le fondement de ce régime juridique, entendons
la protection des libertés et des droits fondamentaux se rapportant aux
informations à caractère personnel. On peut admettre que la
sauvegarde de ces droits fondamentaux, qu'il s'agisse du respect de
l'intimité de la vie privée, des libertés individuelles ou
de tout autre droit fondamental, exige que le traitement des données
personnelles soit soumis à un principe encadrant son opportunité
au regard de la finalité poursuivie car un tel traitement répond
nécessairement à une finalité déterminée ou
à des finalités diverses. Le respect des droits fondamentaux et
la protection dont ils font l'objet s'apprécie ainsi à la
lumière de l'adéquation de l'exercice du traitement par rapport
aux finalités qu'il poursuit. Ce critère évalue ainsi si
le traitement en cause constitue ou non un abus de droit rendant son exercice
disproportionné à cet égard.
C'est dans cette optique que le droit français limite
le recours aux traitements de données à caractère
personnel, en faisant de la nécessité et de la
proportionnalité des éléments qui conditionnent la
licéité. On retrouve ces considérations aux termes de
l'article 6 de la présente loi qui prévoit que le traitement
n'est licite que dans la mesure où les données traitées
sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des
finalités poursuivies par leur collecte et leur traitement.41(*) En outre, il est également
précisé par cet article que les finalités pour lesquelles
le traitement est envisagé doivent être déterminées,
explicites et légitimes, et que le traitement ne doit pas
s'avérer ultérieurement incompatible avec ces finalités.
Le cadre étant ainsi posé, on peut considérer que la
France entend faire de ces exigences, de véritables contrepoids
permettant de consolider la protection des droits fondamentaux à la base
de l'ensemble de ce régime juridique.
C'est ici un principe qui vise à assurer la
préeminence des droits et des libertés se rattachant à la
question des données personnelles, et on peut voir que c'est
particulièrement vrai en ce qui concerne les données sensibles
dans la mesure où elles sont, en principe, non susceptibles de faire
l'objet d'une collecte et d'un traitement ultérieur, sous réserve
des exceptions prévues dès lors que la finalité du
traitement l'exige. Dans la mesure où c'est la finalité
particulière du traitement considéré qui peut justifier
que les données sensibles y figurent, il apparaît essentiel de
pouvoir apprécier si le traitement respecte véritablement
l'objectif ou les différents objectifs qu'il s'est assigné.
Ainsi, l'exigence d'adéquation de l'exercice du traitement
vis-à-vis de l'objet qu'il recouvre, tant du point de vue de son recours
que de son utilisation effective, présente dès lors une
importance considérable. En vertu de ce principe, le traitement de
données sensibles qui constitue un traitement à risque à
l'égard de droits tels que les libertés fondamentales de
conscience et d'opinion, comme on a pu le montrer précédemment,
se voit accompagné d'une condition de licéité en
supplément de l'obligation d'autorisation qui est le critère de
la proportionnalité des données traitées au regard des
objectifs du traitement. Ce sont par exemple la durée de conservation et
le rôle attribué au traitement de ces données qui peuvent
ainsi être comparés à la finalité explicite du
traitement. Ainsi, pour reprendre le cas de figure des données
mentionnant les origines raciales ou ethniques de l'individu, il est clair que
le respect du principe consacrant l'égalité devant la loi sans
distinction de race ou d'origine exige que l'on prenne en considération
non seulement les finalités liées au traitement de telles
données mais aussi la pertinence, l'opportunité et la
nécessaire adéquation de ce traitement dans son
effectivité à l'aune de ces finalités. Ainsi, il pourrait
être déterminé si le traitement en cause aboutit à
créer une distinction fondée sur les origines raciales ou
ethniques dans la mesure où cela implique d'observer des
éléments tenant par exemple à la legitimité des
données traitées, à l'équilibre porté
à la conciliation entre ce qui est nécessaire de conserver et ce
qui peut être effacé de l'enregistrement. A contrario, on
peut affirmer qu'un traitement de données sensibles dont on ne peut
contester la licéité à l'appui de conditions tenant
à la nécessité et à la proportionnalité de
son exercice, n'est pas tout à fait à même d'assurer le
respect des principes fondamentaux de protection des droits de la personne.
Dans le même ordre d'idées, on peut
considérer que le respect de l'intimité de la vie privée
implique que l'on encadre le recours au traitement des données sensibles
par l'exigence de proportionnalité ainsi développée. Le
bien-fondé de ce principe se retrouve essentiellement en ce qui concerne
les données faisant apparaître les opinions politiques,
philosophiques ou religieuses des individus. En effet, le caractère
profondément subjectif de telles données ouvre à une plus
large marge de manoeuvre dans le traitement opéré puisque la
collecte de ces informations peut induire une utilisation à des fins
différentes et incompatibles avec celles pour lesquelles elles ont
été recueillies.
Un tel cas de figure peut notamment se présenter dans
les fichiers d'identification visant à assurer la sécurité
publique, il n'est pas insignifiant de poser des critères tenant
à la nécessité et à la proportionnalité
dès lors que le respect de l'intimité de la vie privée est
susceptible d'être affecté par d'éventuelles dérives
dans le traitement effectif des données, par exemple avec les fichiers
de sécurité.42(*)
Ce qu'il faut retenir dans le cadre de notre analyse est
l'idée que la France a assorti son système d'une garantie tenant
à la licéité du traitement sur la base de
l'adéquation pertinente du traitement et de son exercice avec les
finalités qu'il poursuit. C'est assurément un paramètre
qui contrebalance les évolutions, notamment la tendance liée
à la libre circulation des données, dans la mesure où ces
évolutions sont tout à fait assimilées dans le
régime juridique français dans la stricte mesure où la
"pierre angulaire" au fondement de l'édifice normatif est
préservé. Le maintien de cette exigence de
proportionnalité constitue à cet égard une garantie
consistant à consolider le principe "matriciel" de protection des
libertés et des droits fondamentaux.
Si l'on peut considérer, à la lumière de
ces éléments, que le socle fondamental du régime juridique
français n'est pas affecté par les ajustements
présentés précédemment, il faut également
observer que cette préservation de la "matrice" du régime
juridique français en la matière s'affirme aussi à travers
le contrôle élargi et protéiforme dont fait l'objet le
traitement de données personnelles.
B. Le respect des libertés fondamentales garanti
par l'étendue du contrôle du traitement.
Si le modèle juridique français n'est pas
affecté structurellement par les évolutions qui se sont mises en
oeuvre dans le domaine des données personnelles, c'est en raison de
contrepoids d'ordre substantiel visant à sauvegarder le principe de
protection des libertés et des droits fondamentaux, mais c'est
également en raison de contrepoids d'ordre procédural que la
France consolide la préeminence de ce principe. A cet égard, deux
éléments peuvent être soulignés, d'une part le large
seuil de contrôle préalable existant autour des traitements de
données à caractère personnel, et d'autre part la
multitude des acteurs de ce contrôle.
Chapitre 1 : L'étendue élargie du
contrôle préalable des traitements de données.
Tout d'abord, la question du contrôle des traitements de
données personnelles peut être analysée sous l'angle de sa
portée, et de ce point de vue on peut considérer dans une
certaine mesure que le système juridique français vise
essentiellement à consolider la prédominance du respect des
droits fondamentaux tant la portée du contrôle préalable
est élargie. En effet, on observe que le corpus juridique
français s'articule autour d'un large contrôle préalable du
traitement des données personnelles dont les modes d'intervention sont
principalement de deux ordres. Ce contrôle préalable repose sur la
répartition entre le système de la déclaration, et celui
de l'autorisation. Ainsi les données personnelles traitées en
France sont soumises à une protection multiforme que la CNIL assure
a priori. En ce sens, on peut affirmer que l'évolution qui
consiste à alléger les formalités préalables en vue
de permettre la libre circulation des données n'a pas bouleversé
la structure essentielle propre au modèle français selon lequel
la protection des droits fondamentaux doit prévaloir en ce qui concerne
le champ des données personnelles. On observe ainsi que si la loi de
2004 a pour effet d'abondonner la distinction entre fichiers publics soumis
à autorisation et fichiers privés soumis à
déclaration, il n'en demeure pas moins que ces deux types de
contrôle subsistent au sein du système français, seule la
distinction selon le critère du caractère public ou privé
du traitement n'a plus lieu d'être. L'existence de ces deux modes
d'intervention à titre de contrôle préalable n'est
aucunement remise en cause, car l'objet de cet ajustement est uniquement
d'opérer à l'établissement d'autres critères de
classification.
Dès lors, dans cette perspective, on peut souligner que
l'aménagement ainsi présenté consiste à
préserver la dualité de ce système de contrôle
préalable tout en favorisant le régime de la déclaration,
formalité allégée de contrôle plus simple que le
régime d'autorisation. C'est en cela que les articles 22 à 31 de
la loi nouvellement rédigée organisent une répartition
"résistante" aux différentes évolutions.
Tout d'abord, l'article 22 consacre en quelque sorte un
régime de contrôle préalable de droit commun en ce sens
qu'il énonce qu'à l'exception de certains cas de figure
prévues aux articles 25 et suivants qui soumis à autorisation, le
traitement des données personnelles doit faire l'objet en principe d'une
déclaration. Ainsi, on retrouve ici l'idée selon laquelle la
déclaration est la règle, et l'autorisation l'exception. Ce
principe est assez révelateur de l'assise du principe directeur de
sauvegarde des droits fondamentaux dans le système juridique
français puisqu'il s'inscrit dans le prolongement logique de la tendance
visant à assouplir les formalités préalables, tel qu'on
l'a étudié précédemment, sans pour autant
altérer l'existence de ces deux modalités de contrôle
préalable garantissant un système "complet" de garanties à
même d'assurer la préservation dudit principe directeur. Si le
mécanisme de la déclaration constitue le mode principal de
contrôle préalable, on observe en effet que le mécanisme
d'autorisation demeure également un contrôle important. Elle
recouvre non seulement un large "panel" de traitement de données
personnelles, mais elle peut revêtir en plus différentes
modalités d'intervention. L'article 25 énumère une liste
de plusieurs catégories de traitement qui doivent faire l'objet d'une
autorisation accordée par la CNIL, à ce titre on peut notamment
relever les traitements de données sensibles justifiés par
l'intérêt public, les traitements portant sur des données
relatives aux infractions, condamnations ou mesures de sûreté, ou
encore ceux portant sur des données biométriques
nécessaires au contrôle de l'identité des personnes ou
même ceux comportant des appréciations sur les difficultés
sociales des personnes. Tous ces types de traitement soumis à une
obligation d'autorisation auprès de la CNIL montrent bien qu'il n'est
aucunement question pour la France de réduire ce contrôle
préalable renforcé aux seuls traitements opérés
sous la responsabilité de personnes publiques à des fins de
service public à caractère administratif, même si
l'autorisation concerne dans une large mesure ce type de traitement.
L'autorisation doit préciser des éléments
standards qui importent en premier lieu, c'est à dire la
dénomination et la finalité du traitement, le service
auprès duquel s'exerce le droit d'accès, les catégories de
données à caractère personnel enregistrées et les
destinataires auxquels ces données sont communiquées. On peut se
reporter à l'article 29 de la présente loi qui pose ces
différents éléments relevant du régime
d'autorisation.43(*)
Une jurisprudence récente du Conseil d'État44(*) relative au fichier ELOI
géré par le ministère de l'intérieur visant
à traiter des données à caractère personnel dans le
cadre de l'informatisation de la procédure d'éloignement des
étrangers, peut être soulignée pour illustrer l'ampleur et
la portée de ce contrôle préalable au regard de la
sauvegarde des libertés et des droits fondamentaux de la personne. Le
juge administratif a considéré que les requérants sont
tout à fait fondés dans leur réclamation tendant à
l'annulation de l'arrêté créant le fichier ELOI sur le
fondement que l'obligation d'autorisation a été
contournée. En effet, compte tenu de l'objet du fichier et de la nature
des données traitées dans ce cadre, la création d'un tel
fichier impose qu'elle soit préalablement autorisée par
décret en Conseil d'État aprés avis de la CNIL, et en
aucun cas à l'initiative exclusive d'un arrêté
ministériel. Les libertés individuelles qui sont susceptibles
d'être affectées par un tel traitement, notamment la
liberté d'aller et de venir et le droit à la sûreté,
sont ainsi garanties par l'exigence d'un contrôle préalable, en
l'espèce d'un contrôle renforcé avec l'autorisation, lequel
permet de préciser des éléments importants sur les
conditions de mises en oeuvre de ce traitement. Et cette jurisprudence est
d'autant plus significative lorsque l'on remarque que le juge administratif
estime que le principe même de l'existence de ce fichier n'est pas en
cause à cet égard. Cela témoigne de l'importance
accordée à ce type de contrôle a priori. Et pour
appuyer encore notre propos, on peut souligner le véritable impact de ce
principe puisque ce fichier a été effectivement mis en oeuvre
dès lors que les pouvoirs publics ont suivi cette exigence
d'autorisation.45(*)
Dès lors, il convient de bien préciser que
l'existence d'un contrôle préalable est un paramètre
important dans l'optique de la protection des droits fondamentaux tels que
l'intimité de la vie privée ou les libertés individuelles.
En effet, le système juridique français en matière de
données personnelles reconnaît un rôle très important
à l'autorité administrative indépendante de la CNIL. La
logique principale qui a guidé la création de la CNIL en 1978
était en effet d'assurer, par un organe indépendant, la
licéité des traitements de données à
caractère personnel. C'est d'ailleurs sans doute en raison de
l'indépendance qui caractérise cet organe, que le droit
français a développé une étendue aussi large de
contrôle préalable assuré par l'intervention conjointe de
la CNIL soit par déclaration ou par autorisation. Ainsi que le montre
Sylvia Preuss-Laussinotte, le système juridique français
privilégie le contrôlre a priori des traitements de
données personnelles, alors même que les exigences
européennes vont dans le sens d'un contrôle a posteriori
au détriment du contrôle préalable dans l'optique de la
libéralisation au sein de l'espace communautaire.46(*) On comprend ainsi que la France
s'attache à maintenir la "pierre angulaire" de son système,
à savoir la préeminence des droits fondamentaux en
établissant des contrepoids aux évolutions. Et la
préservation de la dualité des modes de contrôle
préalable s'inscrit tout à fait dans une telle perspective
puisque cela permet de disposer d'un large éventail de moyens permettant
d'intervenir antérieurement à l'exercice du traitement
envisagé.
Aussi dans le même ordre d'idées, on peut
observer que ce contrôle, qu'il soit préalable ou
postérieur, à l'exercice du traitement de données
personnelles se caractérise également par la pluralité des
acteurs de ce contrôle, ce qui implique que l'on étudie le
rôle joué par la CNIL mais aussi et surtout par la personne
concernée elle-même. Le rôle conféré à
ces différents acteurs du contrôle s'inscrit également dans
l'optique d'assurer autant que possible la préservation des droits de la
personne, fondement de l'édifice juridique français.
Chapitre 2 : Une pluralité d'agents dans le
rôle de contrôle des traitements de données
personnelles.
Il est vrai que le régime juridique français en
matière de données personnelles se caractérise par un
large contrôle préalable du traitement des données selon
une répartition entre deux modalités d'intervention, à
savoir la déclaration et l'autorisation. Un autre paramètre
caractérise le corpus juridique français, ce qui implique que
l'on relativise l'impact des exigences nouvelles ayant entraîné
certains ajustements. Il s'agit de l'idée selon laquelle le droit
français considère que la sauvegarde des droits fondamentaux de
la personne exige que le contrôle qui s'exerce face au traitement des
données soit suffisament réparti entre plusieurs agents. Dans ce
cadre, on peut observer que le contrôle exercé à
l'égard du traitement est réparti entre deux agants principaux
qui sont la CNIL et la personne concernée elle-même.
Tout d'abord, s'agissant de la CNIL, on observe qu'il lui est
dévolu un véritable pouvoir de contrôle à titre
préalable face au traitement de données personnelles. Son
intervention s'affirme ainsi largement dans le cadre de la déclaration
ou de l'autorisation auxquelles sont soumis les traitement de données
personnelles. Mais son contrôle ne se réduit pas à un tel
rôle d'examen a priori, la CNIL effectue également un
contrôle qui consiste notamment à émettre des
délibérations. La Commission est une autorité
administrative indépendante investie de plusieurs missions pour
lesquelles elle peut mettre en oeuvre un pouvoir réglementaire. Elle est
ainsi habilitée à procéder par voie de recommandation et
à prendre des décisions individuelles ou réglementaires.
L'article 11 de la présente loi pose le cadre dans lequel peut s'exercer
ce pouvoir, et à cet égard l'éventail de mesures dont elle
dispose à ce titre peut faire office d'un certain contrôle
à l'encontre du traitement des données personnelles, certes de
moindre impact que celui ayant trait à son contrôle des
formalités préalables mais néanmoins important si l'on
admet que le contrôle doit aussi être entendu comme la
faculté de fournir des avis et des recommandations. A ce titre, le
contrôle qui s'exerce ici opére en quelque sorte comme certaines
juridictions dont la fonction consultative permet de disposer d'un avis
précisant certains points complexes ou d'interpréter la
signification d'une norme particulière pour un cas de figure laissant en
suspens des questions juridiques. Le rôle qu'elle a joué à
l'égard des fichiers de police, et notamment du STIC, témoigne
particulièrement de l'impact de ce type de contrôle informel que
constituent les délibérations. Baffard William a pu
dégager un "corps de règles" opposables à ce type de
traitement47(*), on voit ainsi que si
des délibérations n'ont pu aboutir à l'effet
escompté aux termes de celles-ci, il en est d'autres qui ont
été suivies par le législateur français au sujet de
la création du STIC et des textes d'application. Ainsi par exemple, en
ce qui concerne la durée de conservation des données,
conformément aux prescriptions de la CNIL, la durée ne peut
excéder un délai de cinq ans dès lors que ces
données portent sur des mineurs.48(*) L'intervention de la CNIL par cette
délibération a permis ainsi d'obtenir du législateur qu'il
prenne en compte l'exigence de proportionnalité des conditions
d'exercice de ce traitement à l'égard des mineurs, et sur cette
base les données portant sur des mineurs collectées dans le cadre
du STIC doivent être effacées à l'expiration du
délai de cinq ans.
Ensuite, on doit mettre en évidence le rôle de
contrôle accompli par un autre agent, à savoir
l'intéressé lui-même. En effet, la personne
concernée par le traitement en cause dispose de droits à
l'encontre de celui-ci lui permettant d'opérer un certain
contrôle. Il s'agit du droit d'opposition qui consiste à refuser
que des données la concernant fassent l'objet d'un traitement, cette
faculté d'opposition ne peut s'exercer que dans la mesure où la
loi ne l'exclut pas expréssement.49(*) Il s'agit également du droit d'accès aux
données faisant l'objet ou ayant fait l'objet d'un traitement.50(*) Autrement dit, sous réserve
de certaines conditions, la personne concernée est fondée
à demander au responsable du traitement de mettre à sa
connaissance les données traitées qui la concernent. Aussi,
doit-on relever que ce droit d'accès peut se décliner en deux
types de contrôle, l'un étant limité puisqu'il ne vise
qu'à l'information de la personne concernée, l'autre étant
plus étendu car il consiste à permettre une éventuelle
rectification des données par celle-ci. S'agissant du droit
d'accès visant à l'information tel que prévu à
l'article 39, notre étude a pu faire ressortir
précédemment ce que cela recouvre quant aux types d'informations
ouvertes à la disposition de l'individu concerné. Toutefois, on
peut apporter des précisions sur une question significative, car
s'agissant des données traitées dans ce que l'on appelle
communément les "fichiers de sécurité", on peut observer
que l'individu dispose d'un certain contrôle, et la jurisprudence
administrative confirme cette tendance par deux arrêts relativement
récents du Conseil d'État.51(*) En effet, cette jurisprudence montre bien la portée
que le droit français reconnaît à cette exigence
d'information puisque l'individu concerné peut accéder aux
données traitées dans un fichier intéressant la
sûreté de l'État, la défense et la
sécurité publique. Ainsi, lorsque la communication des
données à la personne concernée est susceptible de mettre
en cause les fins assignées au traitement, l'intéressé
peut agir auprès de la CNIL au titre de son droit d'accès, et par
ce biais la CNIL est tenue de l'informer qu'il a été
procédé aux vérifications nécessaires. Aussi,
l'individu concerné est tout à fait fondé à
procéder au contrôle des données traitées par le
biais de son droit de rectification, de mise à jour et d'effacement de
celles-ci. C'est ici l'article 40 qui régit l'exercice de cette
prérogative accordée directement à la personne
concernée. L'individu étant ainsi encore considéré
comme un agent principal dans le processus de contrôle des traitements de
données à caractère personnel, son rôle consistant
à opérer un contrôle autour du traitement le concernant.
Au vu de ces différents éléments, on peut
avancer que la France n'a pas altéré la "pierre angulaire" de son
édifice juridique en matière de données personnelles
puisque le principe de protection des droits fondamentaux de la personne en
demeure la base essentielle et ce, quand bien même des évolutions
se soient produites et des ajustements effectués par rapport à
ces différentes exigences tels la libre circulation des données
ou le paradigme sécuritaire de l'identification face au risque. Le
contrôle de la CNIL constitue l'un des contrepoids visant à
consolider la permanence du fondement du système français tenant
à la protection des libertés et des droits de la personne se
rapportant aux informations à caractère personnel. Et l'individu
concerné demeure également l'un des agents de ce contrôle
puisqu'il bénéficie d'une série de contrepoids face aux
traitements le concernant directement. Cela traduit ici le caractère
protéiforme du contrôle qui peut exister en France à
l'encontre du traitement des données personnelles.
Conclusion
On peut avancer que notre étude sur la protection des
données personnelles sous l'angle du système juridique
français fait ressortir plusieurs éléments complexes. En
effet, une dynamique d'évolution est perceptible dans le corpus
juridique français puisque des ajustements sont mis en oeuvre afin de
transposer des exigences issues tendances qui dépassent le cadre
national français. De ce point de vue, on doit souligner une
appropriation de considérations exogènes résultant
notamment de la dynamique d'intégration communautaire au sein de
l'espace européen qui s'articule autour d'un principe de
libéralisation, mais également de l'émergence d'un
paradigme sécuritaire consistant à déplacer les lignes du
droit des données personnelles selon une finalité consistant
à intégrer dans la juridicité ce qui permet
l'identification face au risque d'ordre sécuritaire.
Ces différentes tendances ont induit des
évolutions auxquelles le système juridique français a
dû se confronter, et dans une large mesure ce qui ressort de ces
intéractions est la propension de la France à aménager son
corps de règles et de principes régissant la matière.
Toutefois, il apparaît que ces différents
ajustements mis en oeuvre en France n'ont pas pour incidence d'inverser la
logique substantielle propre au système français. Il ne s'agit
pas tellement de souligner que l'on est ici en présence d'une
spécificité irréductible au "modèle
français", ce n'est en tout cas pas l'objet de notre propos. Ce que l'on
peut retenir est plutôt l'idée selon laquelle il s'avère
que dans le système juridique français aucun véritable
bouleversement ne peut être déduit des évolutions
observées dans la mesure où le fondement du système
portant sur la protection des données personnelles réside dans la
nécessaire protection des libertés fondamentales de la personne
en rapport avec la question des données personnelles et de leur
traitement. A cet égard, on peut relever en effet des garanties qui
visent à sauvegarder ce principe essentiel.
Une telle analyse nous conduit à considérer que
le mouvement systémique qui anime le droit français en
matière de données personnelles procède d'un
équilibre selon lequel l'aménagement des principes n'est
envisageable que dans la mesure où le socle de base tenant à la
protection des données et des droits subséquents ne s'en trouve
pas compromis.
Il apparaît que la France envisage le champ des
données personnelles essentiellement sous l'angle de la protection des
personnes visées par le traitement de telles informations, c'est sans
doute en raison du principe fondateur inscrit dans le texte même de la
loi de référence et ce, depuis 1978. Mais une interrogation se
pose lorsque l'on envisage le discours juridique sous l'angle de la
représentation qu'il renvoie du phénomène réel.
Autrement dit, en quoi la situation effective en termes de protection des
personnes contribue-t-elle à la construction de cet ordre juridique ?
BIBLIOGRAPHIE
I-Documents officiels
-Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à
l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
-Loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à
la protection des personnes physiques à l'égard des traitements
de données à caractère personnel et modifiant la loi
n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers
et aux libertés.
(Avec exposé des motifs du projet de loi)
-Loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la
lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à
la sécurité et aux contrôles frontaliers.
-Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la
sécurité intérieure.
-Décret n° 2007-1890 du 26 décembre 2007
portant création d'un traitement automatisé de données
à caractère personnel relatives aux étrangers faisant
l'objet d'une mesure d'éloignement et modifiant la partie
réglementaire du code de l'entrée et du séjour des
étrangers et du droit d'asile.
-Convention pour la protection des personnes à
l'égard du traitement automatisé des données à
caractère personnel, Strasbourg, 28 janvier 1981.
-Directive 95/46/CE du Parlement européen et du
Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes
physiques à l'égard du traitement des données à
caractère personnel et à la libre circulation de ces
données.
-Traité relatif à l'approfondissement de la
coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre
le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration
illégale, Prüm, 27 mai 2005.
-Proposition de décision-cadre du conseil relative
à l'échange d'informations en vertu du principe de
disponibilité. COM/2005/0490 final
-Décision de la Commission du 14 mai 2004 relative au
niveau de protection adéquat des données à
caractère personnel contenues dans les dossiers des passagers
aériens transférés au Bureau des douanes et de la
protection des frontières des États-Unis d'Amérique
(2004/535/CE).
-Conclusions de l'avocat général Léger
présentées le 22 novembre 2005, affaires jointes C-317/04 et
C-318/04.
II-Ouvrages
Giorgio AGAMBEN, État d'exception, Paris, Le
Seuil, 2003, 151 p.
Xavier BIOY, Henry ROUSSILLON (dir.), La liberté
personnelle : une autre conception de la liberté, Toulouse, Presses
de l'Université des Sciences sociales, 2006, 156 p.
Jean CARBONNIER, Flexible droit : pour une sociologie du
droit sans rigueur, Paris, L.G.D.J, 10ème édition, 2001, 493
p.
Jacques CHEVALLIER, L'État post-moderne,
Paris, L.G.D.J, 2ème édition, 2004, 226 p.
Pierre KAYSER, La protection de la vie privée par
le droit. Protection du secret de la vie privée, Presses
Universitaires d'Aix-Marseille, Economica, 3ème édition, 1995,
605 p.
Gilles LEBRETON, Libertés publiques et droits de
l'homme, Paris, Armand Colin, 7ème édition, 2005, 551 p.
Jean Claude PAYE, La fin de l'État de droit : la
lutte antiterroriste, de l'état d'exception à la dictature,
Paris, La Dispute, 2004, 214 p.
Sylvia PREUSS-LAUSSINOTTE, Les fichiers et les
étrangers au coeur des nouvelles politiques de
sécurité, Paris, Librairie Générale de Droit
et de Jurisprudence, Bibliothèque de droit public, tome 209, 2000, 426
p.
François RANGEON, Hobbes. État et
droit, Paris, Albin Michel, 1982, 218 p.
François SAINT-BONNET, L'État
d'exception, Paris, PUF, Léviathan, 2001, 393 p.
III-Articles
Paul AMSELEK, « La part de la science dans les
activités des juristes », Dalloz, 1997, Chronique, p. 337.
Didier BIGO, « Sécurité et immigration :
vers une gouvernementalité par l'inquiétude ? »,
Cultures & Conflits, n° 31-32, 1998, pp. 13-38.
Ayse CEYHAN, « Enjeux d'identification et de surveillance
à l'heure de la biométrie », Cultures &
Conflits, n° 64, 2006, pp. 33-47.
Philippe GUILLOT, « Protection des données
à caractère personnel et lutte anti-terrorisme : l'accord
U.E.-É.U. sur les dossiers de passagers aériens (PNR) »,
Les annales de droit, n° 2, 2008, pp. 37-57.
Sylvia PREUSS-LAUSSINOTTE, « Bases de données
personnelles et politiques de sécurité : une protection illusoire
? », Cultures & Conflits, n° 64, 2006, pp. 77-95.
IV-Jurisprudence
Décision n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007, Loi
relative à la maîtrise de l'immigration, à
l'intégration et à l'asile.
Fichier Eloi, Conseil d'État, le 12
mars 2007, (N°s 297888, 297896, 298085).
Moon Sun Myung, CE, Assemblée, 6 novembre
2002, (N°s 194295 - 219587).
Skandrani, CE, Section, 7 avril 2006, (N°
275216).
V-Internet : sites officiels et ressources
documentaires
Site officiel de la Commission Nationale Informatique et
Libertés
www.cnil.fr
-Documents et rapports publiés par la CNIL
(délibérations, normes simplifiées, rapports annuels)
Site officiel du Conseil de l'Europe
www.coe.int
-Rapports et études des Comités de protection
des données
-Rapports et études des experts
Site officiel de l'Union européenne
www.europa.eu
-Portail d'accès rubrique Commission Européenne
> Justice et affaires intérieures (documents et rapports officiels
européens sur la protection des données personnelles, rapports
d'évaluation, état de la législation)
VI-Divers
Mémoire de DEA Informatique et droit, Université
de Montpellier I, William Baffard, Le système de traitement des
infractions constatées (STIC) et la protection des données
personnelles, 2003, 92 p.
TABLE DES MATIÈRES
Introduction..................................................................................................................................Page
1
Partie I : Le processus d'ajustement du modèle
français à des exigences exogènes....................Page
6
A. L'intégration communautaire comme vecteur de
« libéralisation » des informations............Page
6
Chapitre 1 : Les données personnelles face au principe
de libre circulation...............................Page 6
Chapitre 2 : Les données personnelles face au principe
d'accessibilité.....................................Page 11
B. Les données personnelles sous l'impact du paradigme
de la maîtrise des risques par
l'identification............................................................................................................................Page
16
Chapitre 1 : L'essor de la logique d'exception dans le cadre
des données personnelles............Page 16
Chapitre 2 : Un ajustement « à petits
pas » aux nouvelles technologies de
sécurité.................Page 20
Partie II : Les contrepoids à l'évolution
fondés sur un principe de sauvegarde des droits
fondamentaux............................................................................................................................Page
24
A. Le respect des libertés fondamentales garanti par
des conditions substantielles relatives au
traitement...................................................................................................................................Page
24
Chapitre 1 : La licéité du traitement
liée à la nature des données
traitées.................................Page 24
Chapitre 2 : La licéité liée à
l'adéquation du traitement aux
nécessités.....................................Page 27
B. Le respect des libertés fondamentales garanti par
l'étendue du contrôle du traitement........Page 30
Chapitre 1 : L'étendue élargie du contrôle
préalable des traitements de données.....................Page
30
Chapitre 2 : Une pluralité d'agents dans le rôle
de contrôle des traitements de données
personnelles...............................................................................................................................Page
33
Conclusion.................................................................................................................................Page
37
Bibliographie.............................................................................................................................Page
38
* 1 Max Weber, Le savant et le
politique, Paris, Plon, 1959, 230 p.
* 2 Didier Bigo estime que "plus les
menaces sont mal définies, plus elles apparaissent comme " surgies de
nulle part ", plus elles peuvent catalyser des peurs diverses et
générer un capital d'inquiétude (crime organisé
transnational, mafia globale, immigration illégale) justifiant la
pérennité des institutions", cf son article «
Sécurité et immigration : vers une gouvernementalité par
l'inquiétude ? », Cultures & Conflits, n° 31-32, 1998, pp.
13-38
* 3 Hobbes est sans doute celui qui a
fondé cette représentation de l'État dans la mesure
où il lui reconnaît une fonction sociale préeminente, il
considère ainsi qu'il tire sa légitimité de cette
nécessité sociale.
* 4 Sylvia Preuss-Laussinotte met en
avant les expressions différentes qui peuvent désigner ce type de
données, cf son article « Bases de données personnelles et
politiques de sécurité : une protection illusoire ? »,
Cultures & Conflits, n° 64, 2006, pp. 77-95.
* 5 Ibidem, l'auteur nous
montre ici qu'il ne s'agit plus de considérer cette question des
données personnelles uniquement sous l'angle de la vie privée,
elle observe une certaine autonomisation de la question.
* 6 On peut se reporter à
l'analyse de Sylvia Preuss-Laussinotte, ibid, elle releve à
juste titre que la notion d'ordre public entretient une certaine
imprécision permettant une acceptation souple.
* 7 Directive 95/46/CE du Parlement
européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la
protection des personnes physiques à l'égard du traitement des
données à caractère personnel et à la libre
circulation de ces données.
* 8 Le considérant (5) de la
directive précitée met bien en évidence la perspective
d'augmentation importante de ces échanges, compte tenu des divers types
d'activités ou d'opérations commerciales et économiques et
les différents types d'acteurs de la vie économique.
* 9 Ce double mouvement opère un
équilibre subtil visant à lever tous les obstacles que peut
rencontrer la libre circulation des données personnelles.
* 10 Directive 95/46/CE, article 18,
paragraphe 2
* 11 On peut également se
réferer à l'exposé des motifs du projet de loi de 2004
portant transposition de la directive pour voir que la France a "pris acte" de
cette exigence de simplification souhaitée par la Communauté
européenne.
* 12 Loi n° 2004-801 du 6
août 2004 relative à la protection des personnes physiques
à l'égard des traitements de données à
caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978
relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, article
24, II.
* 13 C'est sans doute une conception
liée au principe de confiance légitime issu des principes
généraux du droit communautaire.
* 14 Loi n° 78-17 du 6 janvier
1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés,
article 27.
* 15 Cet espace constitue un objectif
procédant du troisième pilier de l'Union européenne, mais
il est clairement un objectif majeur de la construction européenne.
* 16 Proposition de
décision-cadre du conseil relative à l'échange
d'informations en vertu du principe de disponibilité. COM/2005/0490
final
* 17 Ibidem, l'article 7 a pour
objet de délimiter le cadre dans lequel peut s'exercer un tel
mécanisme de coopération.
* 18 Traité relatif à
l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment
en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité
transfrontalière et la migration illégale, Prüm, 27 mai
2005. Rappelons que la France a ratifié cette convention internationale
en 2007.
* 19 L'idée directrice consiste
ici à garantir l'anonymat à ce stade de la procédure.
* 20 La phase diplomatique de la
procédure liée à la souveraineté inhérente
à l'État demeurait omniprésente dans la
coopération.
* 21 Convention pour la protection des
personnes à l'égard du traitement automatisé des
données à caractère personnel, Strasbourg, 28 janvier
1981, article 16.
* 22 On peut observer dans son article
précité qu'elle analyse un glissement vers un paradigme
sécuritaire dans lequel le risque n'est plus admis, et le discours
juridique a tendance à s'en approprier.
* 23 Paul Amselek, "la part de la
science dans les activités des juristes", Dalloz 1997, Chronique, P.
337
* 24 Le système juridique des
Etats-Unis a en outre la particularité de se poser comme le
modèle d'un état d'exception "normalisé" depuis le
tournant de la "guerre contre le terrorisme".
* 25 Loi n° 2006-64 du 23 janvier
2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions
diverses relatives à la sécurité et aux contrôles
frontaliers.
* 26 Cette durée de cinq ans a
été posée par l'article 4 de l'arrêté du 19
décembre 2006 qui précise la portée de l'article 7 de la
loi de 2006 précitée.
* 27 Sylvia Preuss-Laussinotte,
ibid.
* 28 Loi n° 2003-239 du 18 mars
2003 pour la sécurité intérieure.
* 29 Loi n° 2003-239, art. 21,
paragraphe 2.
* 30 Ayse Ceyhan, « Enjeux
d'identification et de surveillance à l'heure de la biométrie
», Cultures & Conflits, n° 64, 2006, pp. 33-47.
* 31 Cf art. 706-54 du Code de
Procédure Pénale.
* 32 On retrouve ici le même
mécanisme que le STIC.
* 33 Sylvia Preuss-Laussinotte, Les
fichiers et les étrangers au coeur des nouvelles politiques de
sécurité, Paris, Librairie Générale de Droit
et de Jurisprudence, tome 209, 2000, p. 61 et s.
* 34 Loi du 24 avril 1997 ou
loi»Debré».
* 35 Principe posé par la loi de
1978, et maintenu comme tel par la loi de 2004
* 36 Loi n° 2004-801, art. 8,
paragraphe 1.
* 37 Rappelons que l'article 10 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoit que
«nul ne peut être inquiété pour ses opinions,
même religieuses».
* 38 Il s'agit d'un principe
énoncé aux termes de l'article premier de la Constitution
française de 1958.
* 39 Cf notamment une décision
récente du 15 novembre 2007, n° 2007-557 DC.
* 40 Cette possibilité repose
sur le principe selon lequel certains traitements, au regard de leur
finalité même, exigent de traiter de telles données.
* 41 Loi n° 2004-801, art. 6.
* 42 Nous prenons le cas de figure des
fichiers de sécurité car c'est un type de traitement en plein
essor.
* 43 Loi 2004-801, art.29.
* 44 Fichier Eloi,
Conseil d'État, 12 mars 2007, (N°s 297888, 297896, 298085).
* 45 Cf décret 2007-1890 du 26
décembre 2007.
* 46 Sylvia Preuss-Laussinotte, op.
Cit, p. 244.
* 47 Dans ses travaux de recherche, il
a développé une analyse de l'impact réel de la CNIL dans
l'élaboration du STIC.
* 48 CNIL, délibération
98-097 du 24 novembre 1998.
* 49 Loi n° 2004-801, art. 38.
* 50 Ibid., art. 39 et s.
* 51 Moon, CE, 2002 et
Skandrani, CE, 2006
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