LE GAGE-ESPECES
Je tiens à remercier M. Le Professeur Thierry REVET
d'avoir dirigé ce mémoire. Ces indications m'ont permis d'aborder
ce sujet sous une vue différente et d'y voir de nouvelles perspectives
d'avenir pour cette sûreté quelque peu noyée dans la
réforme globale des sûretés. Je tiens aussi à
remercier M. le Professeur Jean-Jacques DAIGRE de m'avoir donné la
chance de suivre une conférence sur ce sujet.
Je remercie l'ensemble de l'équipe pédagogique
dirigée par M. le Professeur Philippe DELEBECQUE de m'avoir donné
un enseignement riche et varié sur tous les problèmes actuels du
droit patrimonial tant au niveau interne qu'au niveau international
DIRECTEUR DE MEMOIRE : M. LE PROFESSEUR
THIERRY REVET
ETUDIANT : FOUAD HAMIDI
ANNEE UNIVERSITAIRE 2005/2006
MASTER 2 RECHERCHE DROIT PATRIMONIAL
APPROFONDI
« Il est des questions irritantes que l'on peut
considérer comme des apories du droit. L'inconfort qu'elles occasionnent
suscite souvent la résignation et l'accommodement, plus rarement la
remise en cause et la curiosité1(*) »
1. La fongibilité et la
consomptibilité : les apories du droit des biens - Le
propos du Professeur ZENATI illustre toute la souffrance que subissent les
contrats non translatifs de propriété lorsque leur objet a une
nature fongible ou consomptible. En raison de ces qualités
« secondaires » des biens, la théorie classique a
toujours déduit une conséquence sur le régime de la
propriété. En dehors de tout titre translatif de
propriété, leur détenteur en devient propriétaire
dès leur remise2(*),
soit parce que l'on ne pourrait en user sans les consommer, soit qu'on ne
pourrait les reconnaître en raison de leur absence
d'individualité. Les biens fongibles et/ou consomptibles auraient alors
pour effet de déformer les contrats dont ils sont l'objet :
l'usufruit devient un « quasi-usufruit », le
dépôt un « dépôt
irrégulier » et le gage, un « gage translatif de
propriété ». La fongibilité et la
consomptibilité installe alors une distorsion entre la volonté et
la réalité : la volonté du sujet de droit ne
résisterait pas à la « nature des
choses ».
2. La fongibilité et la
consomptibilité : source d'acquisition de la
propriété ? - Ces simples
« qualités secondaires » des biens seraient-elles
devenues des modes d'acquisition sui generis de la
propriété ? A suivre la théorie classique du droit
des biens et l'état du droit positif, la réponse semble
affirmative. La remise de choses fongibles ou consomptibles entraînerait
un transfert de propriété au profit de l'accipiens et
cela en toute indifférence du titre3(*) fondant cette remise. Le gage n'a pas
échappé à la règle. Dès leur remise, les
sommes d'argent affectées en garantie, deviennent la
propriété du créancier gagiste en dépit du
caractère non translatif de ce contrat. D'où l'interrogation du
Professeur ZENATI : « Quelles sont ces choses que l'on est
censé acquérir en les détenant ? 4(*)». La théorie
classique y répondra que ce sont les choses fongibles et les choses
consomptibles.
3. Les apories du droit des biens : sources
d'éclatement du gage-espèces - La qualification
juridique de l'objet du gage-espèce est source de dispersion à un
double titre. D'une part, selon que l'on remette directement la somme d'argent
au créancier ou que l'on prend le soin de la déposer sur un
compte d'affectation spéciale, la nature juridique du
gage-espèces vacille : dans le premier cas, on sera en
présence d'un transfert de propriété à titre de
garantie, d'une sûreté-propriété ou d'une
fiducie-sûreté ; dans le second cas, il s'agira d'un gage
stricto sensu. D'autre part, même si l'on se trouve dans la
seconde hypothèse, le gage-espèces est encore partagé
entre le gage et le nantissement de créance. Si le dépôt
bancaire est analysé comme transférant la
propriété, l'objet du contrat de gage ne sera pas les fonds
déposés mais la créance de solde du compte d'affectation
spéciale. Ainsi, le gage-espèces est une sûreté
éclatée en raison de deux facteurs : le mode de
dépossession du constituant et le type de monnaie affectée en
garantie.
4. Nécessité d'une remise en cause du
transfert de propriété - Depuis quelques années,
de nombreux travaux ont été menés, notamment afin de
remettre en cause ce transfert de propriété5(*) lié à la nature
consomptible et/ou fongible des biens. Le gage-espèces doit aussi
participer de cette remise en cause. Ni la fongibilité, ni la
consomptibilité des biens ne constituent des modes d'acquisitions de la
propriété. Elles ne posent que des problèmes techniques
dont la propriété est la réponse souvent apportée.
A priori, il semble difficile d'expliquer, d'une part, que le simple
détenteur de choses consomptibles puisse les
« consommer » sans en avoir la propriété, et
d'autre part, que les choses fongibles puissent être revendiquée
par leur propriétaire sans qu'elles puissent être
identifiées. Mais ces obstacles techniques ne doivent pas être
résolus par l'attribution de la propriété au
détenteur de telles choses. Alors, reprenons à notre compte le
commentaire du Professeur ZENATI et évitons de nous
résigner à résoudre un obstacle technique par la
propriété. Tentons une remise en cause. La
propriété n'est-elle pas un « droit naturel et
sacré6(*) », que la société civile a
pour but de protéger ?
5. L'indifférence de la nature des biens dans
l'acquisition de la propriété : vue historique - Si
le juriste se tourne vers le passé, il constatera, à travers
l'évolution historique du droit des sûretés réelles
(parmi d'autres branches du droit), que les choses n'ont jamais
été acquises en raison de leurs qualités mais en vertu de
la volonté de l'homme. Même si le droit français des
sûretés réelles est en train de vivre un mouvement
contre-historique7(*), la
qualité des biens ne doit y jouer aucun rôle.
6. Le Droit romain - A Rome, la
première technique utilisée fut la
propriété8(*)
: c'est la fiducie-sûreté nommée en ce temps fiducia
cum creditore. Par cette technique, un débiteur transmettait la
propriété (proprietas) d'un bien en la puissance
(dominium) de son créancier par un acte matériel
translatif de propriété : mancipatio, traditio
ou in jure cessio9(*). Par un pacte de fiducie, le créancier
prenait l'engagement (de bonne foi), de redonner10(*) (remancipere) le bien
par le même acte formaliste si le débiteur acquittait sa dette.
Cette technique était dangereuse pour le débiteur. D'une part, le
pacte de fiducie n'était qu'un engagement personnel11(*) : il mettait le
débiteur face au risque que le créancier n'exécute pas son
engagement et, ayant perdu la propriété de son bien, il ne
pouvait plus le revendiquer. D'autre part, elle épuisait d'un seul coup
toute sa capacité de crédit du débiteur et cela,
même si le bien avait une valeur supérieure à la dette
garantie. En marge de cette technique, les Romains se mirent à pratiquer
des sûretés sans transfert de propriété. Ainsi, ils
remettaient par la tradition12(*) un bien à titre de gage (pignus).
Grâce à l'évolution du droit romain, notamment la
reconnaissance prétorienne13(*) du fait de possession et l'admission des contrats de
bonne foi, le gage (parmi d'autres) accéda à la vie juridique par
l'entremise du préteur et de son édit. Par cette technique, le
débiteur remettait un bien en la possession14(*) (possessio ad
interdicta) de son créancier. Le débiteur conservait la
propriété du bien et pouvait alors revendiquer son bien entre les
mains du créancier mais aussi des tiers qui auraient acquis le bien
entre temps suite à une mauvaise foi du créancier. Mais cette
technique avait toujours l'inconvénient de geler un actif du
débiteur. Dans l'attente, les jurisconsultes romains utilisèrent
des mécanismes permettant au débiteur d'exploiter
économiquement son bien sans compromettre la sûreté du
créancier. Cette avancée mena petit à petit à
l'hypothèque romaine. Ce nouveau gage, qui pouvait prendre
indifféremment15(*)
le nom de gage (pignus) ou d'hypothèque (hypotheca)
permettait au débiteur de conserver la propriété mais
aussi la possession effective d'une chose ou d'un ensemble de choses sur
lesquelles le créancier pouvait recouvrir sa dette. On est arrivé
à ce résultat en estimant que le débiteur possédait
alors pour le compte du créancier. Celui-ci disposait d'une action
(vindicatio pignoris) permettant de revendiquer la possession entre
les mains du débiteur ou d'un tiers16(*). Cette évolution concernait aussi l'assiette
de la sûreté. Peu à peu on a admis les conventions
d'hypothèque générale. Par cette convention, le
débiteur affectait l'ensemble de ses biens présents et à
venir (bona) à l'extinction de la dette garantie. Le droit
romain des sûretés réelles est donc parti de la
propriété (fiducia cum creditore) jusqu'au droit
réel (pignus ou hypotheca) en passant par la
possession (pignus). Quelle fut l'option choisie par le
législateur de 1804 ?
7. Le Code civil - Le Code civil de 1804
opère une double distinction. D'une part, il distingue les
sûretés en fonction de la nature de leur objet. Ainsi, il y a les
sûretés immobilières et les sûretés
mobilières. Aux premières correspondent l'hypothèque et
l'antichrèse et aux secondes le gage. Mais il distingue aussi selon la
technique utilisée. Il y a les sûretés avec
dépossession et sans dépossession. Parmi les sûretés
avec dépossession y figurent le gage et l'antichrèse. Tandis que
la seule sûreté sans dépossession est l'hypothèque.
Cette différence dans le traitement des sûretés
mobilières est à rechercher dans le peu d'intérêt du
législateur de 1804 pour les meubles (res mobilis, res vilis).
Aucune publicité n'est organisée à leur égard. Par
conséquent, la possession joue ce rôle et ainsi s'explique que la
seule sûreté possible pour les biens mobiliers soit une
sûreté avec dépossession : « Pour que
les tiers soient informés de l'existence du gage, la remise de la chose
doit être apparente, réelle et permanente17(*) ». Le propos
des Professeurs SIMLER & DELEBCQUE illustre un des rôles de la
dépossession. L'absence d'organisation d'une publicité en
matière mobilière imposait la dépossession du constituant
pour informer les tiers. Le gage, variété de nantissement, est
une sûreté qui s'organise sur la dépossession du
débiteur : le créancier n'a un droit réel de gage
opposable aux tiers que s'il est et demeure en possession du bien dont il en
est l'objet (article 2074 C.civ.). Les sûretés mobilières
n'étaient donc efficaces qu'à travers la dépossession.
8. L'évolution postérieure au Code
civil - L'arrivée de l'ère industrielle et des nouveaux
biens - les biens incorporels (ou immatériels) - a bouleversé
quelque peu cette organisation. La théorie classique, en partant du
principe d'une part, que la propriété ne portait que sur les
biens corporels, et d'autre part, que, corrélativement, la possession ne
pouvait être que matérielle, une publicité fut mise en
place pour assurer l'opposabilité des sûretés
réelles sur les biens immatériels. Mais ce n'était pas la
seule raison : certains biens immatériels nécessitaient une
exploitation continue. Ainsi, la dépossession du bien pouvait
s'avérer désastreuse18(*). Cette évolution a eu aussi un effet
sémantique19(*).
Alors qu'en 1804, le terme de nantissement est le terme générique
pour désigner les sûretés avec dépossession, il est
de plus en plus utilisé en matière de sûretés sur
les biens immatériels.
9. La réforme des sûretés -
Le projet Grimaldi, avalisé partiellement par l'ordonnance du
23 mars 2006, a achevé cette révolution sémantique.
Désormais, le terme « nantissement » est
cantonné au monde de l'immatériel. Peu importe que la
sûreté soit avec ou sans dépossession, dès lors que
l'objet de la sûreté est un bien incorporel, il s'agit d'un
nantissement. Le terme de gage, quant à lui, s'applique qu'aux biens
meubles corporels. Le projet Grimaldi n'a pas apporté que ce changement
sémantique. Il a aussi amené deux changements majeurs. D'une
part, les sûretés sur meubles incorporels ne sont plus des
sûretés mobilières exceptionnelles. L'ordonnance du 23 mars
2006 permet la constitution de sûretés sur meubles incorporels qui
« à défaut de dispositions spéciales, seront
soumises aux règles relatives au gage de biens meubles
corporels » (Nouvel article 2355 C.civ.). D'autre part, les
sûretés sans dépossession sont de principe. Les parties
peuvent convenir soit d'une sûreté avec dépossession soit
sans dépossession. Dans le second cas, la publicité jouera le
rôle d'opposabilité aux tiers.
10. Et le gage-espèces ? - La
réforme du 23 mars 2006 n'a pas apporté un régime unique
au gage-espèces mais plusieurs régimes. Le Groupe Grimaldi a
opté pour un travail de classification et non de qualification20(*). Ainsi, le gage-espèces
est tiraillé d'une part, entre le gage et le nantissement - selon que
l'objet est de la monnaie fiduciaire ou scripturale - et, d'autre part entre le
gage sans transfert de propriété et le gage (ou nantissement)
avec transfert de propriété - selon que le créancier est
obligé à tenir les sommes d'argent séparées de
celles lui appartenant ou non -.
11. Le retour de la propriété comme
technique de garantie - L'évolution du droit des
procédures collectives a provoqué un retour vers les
sûretés-propriétés21(*). Ce droit initialement mis en place pour permettre un
règlement collectif des créanciers a changé de cap pour
devenir un droit de sauvetage des entreprises. Désormais, l'objectif
premier n'est plus de payer les créanciers mais de sauver l'entreprise
en faillite et les emplois qu'elle a créés. Dans cette
perspective, les droits des créanciers munis de sûretés
réelles classiques (nantissement, hypothèque etc.) ont
été sacrifiés au bénéfice du Trésor
Public et des salariés. La pratique s'est donc tournée vers des
sûretés réelles fondées sur la
propriété afin de pallier l'insolvabilité du
débiteur. Le bien, objet de la garantie, étant sorti du
patrimoine du constituant, le créancier n'avait plus à craindre
le concours des créanciers super-privilégiés. Il n'avait
plus un privilège mais un droit exclusif. La reconnaissance
prétorienne puis législative de la clause de réserve de
propriété, de la cession de créances professionnelles
à titre de garantie... illustre l'intérêt grandissant des
créanciers à bénéficier de
sûretés-propriétés. Le projet Grimaldi proposa de
les intégrer dans le droit commun des sûretés
réelles : « La propriété d'un bien
mobilier peut être cédée à titre de garantie
d'une obligation aux conditions prévues par la loi. Elle peut aussi
être retenue en garantie d'une obligation par l'effet d'une
convention de réserve de propriété ». Mais
l'ordonnance du 23 mars 2006 n'a pas avalisé cette proposition, en
inscrivant seulement, dans le Code civil, la réserve de
propriété.
12. Le gage-espèces : une
sûreté-propriété en raison de son objet -
Le gage-espèces, par un fondement différent, ferait
partie de ces sûretés-propriétés. Cette
sûreté, souvent constituée à partir du modèle
du Code, le gage, dégénère en
sûreté-propriété en raison de son objet : la
monnaie. L'analyse classique de la monnaie attribue à celle-ci les
qualités de fongibilité et de consomptibilité. A l'instar
d'autres contrats (usufruit, dépôt), le gage de sommes d'argent,
en raison de la « nature fongible » de son objet se
transforme en transfert de propriété à titre de garantie.
Le propriétaire devient un créancier chirographaire, le
créancier privilégié un propriétaire. Le droit
réel de gage devient un droit de propriété et le droit de
propriété un simple droit de créance. Telle est
l'influence dévastatrice de la fongibilité monétaire sur
les droits et pouvoirs des parties au contrat de « gage ».
Cette analyse doctrinale22(*) et jurisprudentielle23(*) a pris valeur positive dans l'ordonnance du 23 mars
2006 : « Lorsque le gage avec dépossession a pour
objet des choses fongibles, le créancier doit les tenir
séparés des choses de même nature qui lui appartiennent.
...Si la convention dispense le créancier de cette obligation, il
acquiert la propriété des choses gagées à
charge de restituer la même quantité de choses
équivalentes » (Nouvel article 2341 du Code civil).
. Désormais, il est acquis que la remise d'une somme
d'argent à titre de garantie accorde un droit exclusif au
créancier sur celle-ci dès lors qu'elle n'est pas maintenue
à un état individualisé après la
dépossession du constituant. Il constitue une
sûreté-propriété.
13. Le transfert de propriété : un
effet contraire à la volonté des parties - Mais à
la différence de toutes les autres
sûretés-propriétés, la qualification du
gage-espèces est éloignée de la volonté des
parties. On ne se base pas sur la volonté24(*) mais sur l'objet. Les
arguments avancés en faveur de la qualification de
sûreté-propriété choquent à première
vue. Ni la fongibilité, ni la consomptibilité ne sont, dans le
Code civil, des modes d'acquisition de la propriété. Au
contraire, il ne s'agit que de caractéristiques juridiques
attribuées à une chose. Les choses ayant ces qualités
sont-elles alors insusceptibles de nantissement ou de gage ?
14. Le droit des biens en dehors du Code civil :
une source d'inspiration pour le gage-espèces - A l'instar du
Professeur Thierry REVET25(*) qui se demande si le siège du droit des biens
n'est pas à rechercher en dehors du Code civil, il est permis de nous
demander si celui du gage sur choses consomptibles et/ou fongibles n'est pas
à puiser à cet endroit.
Si on observe les autres branches du droit, on constatera que
ce type de sûreté est possible et cela même si le
créancier gagiste ou le constituant aliène les choses comprises
dans l'assiette du gage. Le warrant de marchandises, le gage de compte
d'instruments financiers, les garanties financières et le gage de stocks
issus de la réforme illustrent cette affirmation. Ces
sûretés mobilières « spéciales »
pourraient être, à notre avis, une source d'inspiration pour
l'analyse de la nature et du régime juridique du gage-espèces car
elles portent elles aussi sur des biens (corporels ou incorporels)
consomptibles et fongibles. Plus encore, elles témoignent (à
notre avis) de l'existence de l'universalité comme objet du contrat de
gage. A partir de cette figure peu explorée du droit des biens mais
étudiée de façon approfondie par une thèse
récente26(*), il
est concevable de concevoir un gage de sommes d'argent fondé sur la
seule volonté des parties.
L'évolution du droit des biens en dehors du Code civil
témoigne aussi d'une autre avancée : le développement
des fiducie-sûreté (cessions de créances professionnelles
à titre de garantie, remises en pleine propriété à
titre de garantie etc.). Cette avancée peut être aussi un champ
d'analyse pour le gage-espèces.
Sur la base de ces exemples législatifs et
jurisprudentiels, il sera possible de maintenir une classification dualiste des
sûretés conventionnelles sur l'argent. Le passage par
l'universalité permettra de redonner le fondement adéquat de la
classification des sûretés conventionnelles sur l'argent : la
volonté des parties. L'universalité, en donnant un objet
certain au contrat de sûreté, permet aussi de donner libre cours
aux parties d'organiser, selon leurs besoins et leur confiance mutuelle, soit
une fiducie-sûreté, soit un nantissement.
15. Plan - L'étude du
gage-espèces se déroulera en deux étapes. L'analyse
actuelle et dominante du gage-espèces part de la qualification juridique
de son objet pour en déduire une nature dualiste, partagée entre
les sûretés-propriétés et le gage (ou nantissement).
Il conviendra donc de se pencher sur le problème de la nature juridique
du gage-espèces. Ainsi, dans une première partie, il sera
exposé d'une part, l'analyse actuelle du gage-espèces
fondée sur la nature juridique de son objet et, d'autre part, une
analyse renouvelée à partir de l'universalité et de la
volonté des parties. Puis, dans une seconde partie, une esquisse d'un
nouveau régime juridique du gage-espèces sera tentée
à partir de cette analyse renouvelée.
1ère PARTIE : LA NATURE JURIDIQUE DU
GAGE-ESPECES
|
16. Le problème central du
gage-espèces : l'objet de la convention -
« La sûreté reste un gage, malgré
le transfert de propriété dont bénéficie le
créancier, car ce transfert n'est pas lié à l'essence de
la convention, mais résulte simplement de la nature des choses et
plus précisément de l'objet de la convention 27(*) (nous
soulignons)».
Le commentaire des Professeurs SIMLER & DELEBECQUE
témoigne du point de départ de l'analyse classique du
gage-espèces : l'objet affecté en garantie. A partir des
qualités juridiques - la fongibilité et la
consomptibilité - traditionnellement attribuées à la
monnaie, la doctrine majoritaire, suivie par la jurisprudence et partiellement
par le législateur, confère au gage-espèces une nature
juridique vacillante et éclatée entre le transfert de
propriété à titre de garantie, le gage sur espèces
et le nantissement de créance.
17. Les problèmes suscités par la
nature consomptible et fongible de la monnaie : l'identité de
l'assiette de la garantie et le pouvoir de disposer de la chose d'autrui
- La qualification juridique de la monnaie est au centre de cette
analyse. Qualifiée de chose fongible et consomptible, le
créancier en deviendrait propriétaire par la « force
des choses » nonobstant le caractère non translatif du gage.
Le premier argument avancé est la fongibilité : les choses
fongibles sont indiscernables et cette absence d'identité empêche
leur identification. Dès lors, le créancier en devient
propriétaire car l'assiette n'est plus identifiable
postérieurement à la remise des fonds. Le second argument
réside dans la consomptibilité : le détenteur d'une
chose consomptible ne peut en user sans la consommer. Cet acte de consommation
- juridique en présence de monnaie - suppose que le détenteur
exerce l'abusus. Or seul le propriétaire peut exercer cet
attribut essentiel du droit de propriété. Dès lors, on
avance l'idée que le détenteur de choses consomptibles en devient
propriétaire à charge d'en restituer par équivalent ou en
valeur.
Selon que l'objet de la garantie est qualifié de chose
fongible et consomptible ou non, la nature juridique de la sûreté
change. En présence d'un objet fongible et consomptible, le
créancier en devient propriétaire et la sûreté est
qualifiée de transfert de propriété à titre de
garantie. En présence d'un « corps certain » non
consomptible, la sûreté s'analyse en un gage ou un nantissement de
créance. La clé de la répartition réside dans
l'individualisation de l'assiette de la garantie (Chapitre 1).
18. L'absence de justification de la
propriété - Comme le souligne, à juste titre, les
Professeurs DELEBECQUE & SIMLER, le transfert de propriété
n'est pas de « l'essence de la convention 28(*)». Le contrat de gage
n'est pas la mise en forme d'une acquisition dérivée : le
constituant ne s'engage pas à donner la chose mais seulement
à la mettre à disposition (praestare) du
créancier afin qu'elle joue le rôle de sûreté de la
dette. Le transfert de propriété tiré de « la
nature des choses » est contraire aux modes d'acquisition de la
propriété : ni la fongibilité, ni la
consomptibilité ne sont des modes d'acquisitions de la
propriété mais de simples qualités
« secondaires » des biens. Dès lors, on se retrouve
dans une de ces « apories du droit ». Le caractère
fongible de la chose empêcherait sa reconnaissance dans le cadre d'une
action en revendication. De cette perte d'identité du bien remis, on en
déduit un transfert de propriété au profit du possesseur
sans autre justification.
19. De la « nature des choses »
à la volonté du propriétaire : l'universalité
- Le problème suscité par la nature fongible et
consomptible de la monnaie nécessite la recherche d'une technique
d'identification de l'assiette de la garantie. Une institution qui prend de
plus en plus de place dans notre droit positif pourrait être la solution
du problème : l'universalité. Ce bien, à double
dimension, permet aux choses de genre (ou fongibles naturellement) de faire
l'objet de rapports juridiques29(*) et donc de droits. Elle donne un caractère
certain à l'assiette des sûretés conventionnelles sur
l'argent. Sa double dimension permet aussi de donner une dynamique à
cette sûreté, dynamique nécessaire face à un bien
qui ne produit des « fruits » qu'à travers son
exploitation (Chapitre 2).
CHAPITRE I : L'ANALYSE CLASSIQUE DU GAGE-ESPECES FONDEE SUR LA
QUALIFICATION JURIDIQUE DE SON OBJET
20. L'influence de la qualification juridique de
l'objet du gage-espèces sur sa nature juridique - La doctrine
majoritaire suivie par la jurisprudence qualifie le
« gage-espèces » en fonction de la qualification
juridique de son objet. Cette démarche a pour effet de donner une nature
juridique dualiste30(*) au
gage-espèces selon que les sommes d'argent sont qualifiées de
choses fongibles et consomptibles ou non. Ainsi, le gage-espèces est
tantôt un transfert de propriété à titre de garantie
(Section I) tantôt un nantissement (sous-Section II).
SECTION I / LA NATURE JURIDIQUE DU GAGE-ESPECES EN L'ABSENCE DU MAINTIEN DE
L'INDIVIDUALITE DE SON ASSIETTE : UNE SURETE TRANSLATIVE DE PROPRIETE
L'analyse actuelle du gage-espèces part de
l'idée suivante : toute remise d'une somme d'argent, en raison de
sa nature fongible et consomptible, entraîne
« inéluctablement » un transfert de
propriété au profit de l'accipiens, dès lors
qu'elle ne sera plus identifiable après cette remise. Les arguments
avancés pour justifier ce transfert de propriété
accidentel, tiennent tantôt à la consomptibilité
de la monnaie (§1), tantôt à sa fongibilité
(§2).
§1/ Le fondement du
transfert de propriété : la consomptibilité ?
La monnaie est classiquement qualifiée de chose
consomptible. En raison de cette nature consomptible, le créancier en
deviendrait propriétaire au motif qu'il ne pourrait en user sans la
consommer. Pour vérifier cette affirmation, nous procéderons en
quatre étapes. Tout d'abord, nous ferons une étude brève
de la notion de chose consomptible (I). Nous présenterons ensuite les
effets que la théorie classique attache à la
consomptibilité des choses à travers l'étude de
l'usufruit, point de départ du raisonnement selon lequel la remise
à titre précaire d'une chose consomptible vaudrait transfert de
propriété (II). Puis nous rentrerons dans l'étude du
gage-espèces, en exposant la transposition du raisonnement
appliqué à l'usufruit de choses consomptibles (III). Et enfin,
nous exposerons les critiques adressées à ce raisonnement
(IV).
I) La notion de choses consomptibles : étude
législative et doctrinale.
L'expression de choses consomptibles n'est pas
présente dans le Code civil sous cette dénomination
précise mais sous l'expression de « choses dont on ne peut
pas user sans les consommer 31(*)» (A). A partir de la notion d'abusus et
d'une conception objective des biens, la théorie classique a construit
la notion de consomptibilité et y a rangé notamment la monnaie.
(B).
A) La loi
21. Les hypothèses de
consomptibilité : la destruction et le changement de patrimoine
- La notion de choses consomptibles est présente dans le Code
civil notamment dans l'usufruit et le prêt de consommation. Mais
l'essence de cette notion est à rechercher dans l'article 1874 du Code
civil qui distingue entre prêt à usage et prêt de
consommation selon qu'ils ont pour objet des choses consomptibles ou des choses
non consomptibles. Cet article dispose que : « Il y a deux sortes
de prêt : Celui des choses dont on peut user sans les
détruire ; Et celui des choses qui se consomment par
l'usage qu'on en fait.».
La consomptibilité suppose sa destruction par l'usage.
D'autres textes ne limitent pas la consomptibilité à la
destruction matérielle. Relatif aux droits de l'usufruitier, l'article
587 du Code civil dispose que : « Si l'usufruit comprend des
choses dont on ne peut en user sans les consommer, tel que l'argent, les
grains, les liqueurs... ». L'usage de l'argent n'entraîne
pas sa destruction matérielle. Son aliénation a seulement pour
effet de la faire changer de patrimoine. Ce changement de patrimoine est
assimilé à une consommation de la chose. A partir de ces textes
et de la notion d'abusus, la théorie classique a donné
une double acception de la consomptibilité.
B) La doctrine
La doctrine donne une double acception de la
consomptibilité en partant de la notion d'abusus (1). La
question qui se pose est de savoir si la consomptibilité est une
qualité intrinsèque des choses ou un produit de la volonté
individuelle (2).
1) Le fondement de la consomptibilité : la
notion d'abusus
22. La relation entre la consomptibilité et la
notion d'abusus - La consomptibilité est définie
classiquement à partir de la notion d'abusus. Dans leur manuel
de droit des biens, les Professeurs MALAURIE & AYNES définissent
ainsi le droit de disposer : « Le droit de disposer de la
chose qui appartient au propriétaire est un pouvoir à la fois
juridique et matériel : le propriétaire peut
aliéner la chose, mais aussi la détruire,
... ». Cette définition du droit de disposer
(abusus) a directement une influence sur la qualification de chose
consomptible : « La distinction (des choses consomptibles et
non consomptibles) se fonde sur les conséquences physiques
résultant de l'utilisation des choses. Il est, d'une part, des choses
dont on ne peut user qu'en exerçant l'abusus (nous
soulignons) : ce sont les choses consomptibles. ». La
consomptibilité d'un bien dépend donc de la question de savoir si
son usage implique l'exercice de l'abusus ou non. Les actes exprimant
l'exercice de l'abusus sont les actes de dispositions. Un acte est
classifié dans la catégorie des actes de disposition en fonction
de sa nature juridique. Ainsi, l'aliénation est considérée
comme un acte de disposition car il fait sortir un bien d'un patrimoine pour
entrer dans un autre. C'est par ce raisonnement que le doyen Carbonnier
justifiait la classification de la monnaie dans la catégorie des choses
consomptibles : « on ne peut utiliser des instruments
monétaires qu'en les dépensant, en les impliquant dans un
paiement ; or il faut pour cela les aliéner.
C'est de cette manière que la monnaie est une chose
consomptible32(*)
».
2) Le critère de la
consomptibilité
23. La consomptibilité naturelle ou la
conception objective des biens - La notion de consomptibilité a
pour la majorité des auteurs une acception objective. C'est ainsi que
l'on affirme que la consomptibilité est une qualité
intrinsèque du bien. On se réfère à la
destination « normale » d'un bien pour déterminer si
celui-ci est un bien consomptible ou non. Concernant la monnaie, on retrouve la
trace de cette idée sous la plume de Pierre JAUBERT33(*) : « Par
nature, la fonction de la monnaie, sa seule utilisation
possible, est l'aliénation. Sans doute pourrait-on envisager des
pièces de monnaie qui sont des pièces de collection ; on
peut envisager encore des pièces exposées en montre chez les
changeurs, et qui sont utilisées autrement que par l'aliénation.
Mais la monnaie perd alors son caractère essentiel. Elle cesse
même d'être de la monnaie. Si la monnaie
n'était pas une chose consomptible primo usu, elle n'existerait pas,
elle n'aurait aucune valeur. La consomptibilité primo usu est
donc un de ses caractères spécifiques ». Ainsi la
monnaie est une chose consomptible car sa destination
« normale » est son aliénation34(*).
24. La consomptibilité par destination ou la
conception subjective des biens - Dans sa thèse35(*), le Professeur François
TERRE a contesté la conception objective de la consomptibilité.
Pour cet auteur, parmi d'autres36(*), la consomptibilité dépend avant tout
de la volonté du propriétaire : « La notion de
consomptibilité paraît au premier abord indépendante de la
volonté individuelle. Une chose est consomptible ou ne l'est pas.
Pourtant, si l'usage qui en est fait implique sa consommation, il y a chose
consomptible. Or la consommation peut se manifester sous deux formes :
destruction, aliénation. Ces deux activités sont sous la
dépendance de la volonté individuelle...37(*) ». La
qualification de choses consomptibles dépend avant tout de la
destination que le propriétaire assigne à un bien. Tout
dépend donc de savoir si une chose est destinée à
être détruite ou aliénée. Lorsqu'elle est
destinée à être aliénée, le détenteur
précaire en devient propriétaire au motif que l'acte
d'aliénation ou de destruction constitue un acte de disposition relevant
du pouvoir de disposition du propriétaire. L'usufruit de choses
consomptibles illustre cette analyse.
II) Le modèle : l'usufruit de choses
consomptibles
25. La théorie du quasi-usufruit - La
théorie classique du droit des biens a déduit de la
consomptibilité des choses une conséquence sur le régime
de la propriété. Le texte à partir duquel ils ont
raisonné est l'article 587 du Code civil qui dispose que :
« Si l'usufruit comprend38(*) des choses dont on ne peut user sans les
consommer, comme l'argent (nous soulignons), les liqueurs,
l'usufruitier a le droit de s'en servir, mais à la charge de rendre,
à la fin de l'usufruit, des choses de même quantité et
qualité soit leur valeur estimée à la date du
paiement ». La majorité des auteurs39(*) ont déduit de ce texte
la théorie du quasi-usufruit40(*) c'est-à-dire le contrat dans lequel, à
raison de la consomptibilité des choses remises en usufruit,
l'usufruitier deviendrait propriétaire de ces choses. Cette
théorie découle directement de la conception classique de la
propriété. Selon cette conception, inspirée par Bartole,
la propriété est un ensemble d'attributs constitutifs : le droit
d'user (usus ou jus utendi), le droit de jouir
(fructus ou jus fruendi) et le droit de disposer
(abusus ou jus disponendi)41(*). De cette définition, ces auteurs en ont
conclu que l'usufruit est un « double » démembrement
de la propriété : l'usufruitier est la personne réunissant
entre ces mains l'usus et le fructus
(usus-fructus42(*)). Tandis que le
« nu-propriétaire » est un propriétaire
« diminué » ne disposant plus que de
l'abusus.
26. La confusion des attributs de la
propriété en présence de choses consomptibles -
La présence de choses consomptibles dans l'assiette de
l'usufruit a compliqué le schéma en raison de la
définition donnée par ces auteurs de la disposition (ou
abusus). Cet attribut de la propriété est celui en vertu
duquel le titulaire d'un droit de propriété peut exercer un acte
de disposition c'est-à-dire « un acte par lequel celui qui
l'a fait ne pourra plus le renouveler 43(*)». Cet acte de disposition
peut être matériel ou juridique44(*). A la disposition matérielle correspond la
destruction matérielle d'une chose et à la disposition juridique,
son aliénation. Dans ces deux cas, le droit de propriété
est soit détruit (consommation matérielle), soit transmis
(consommation juridique). Partant de l'article 587 du Code civil, la
théorie classique en a déduit que l'usufruitier devenait
propriétaire des choses « dont on ne peut user sans les
consommer » car cette consommation entraînant la
destruction ou la transmission du droit de propriété.
L'usufruitier devait alors être investi de l'abusus. Ainsi, en
présence de choses consomptibles il y inéluctablement un
transfert de propriété car « l'usus se confond avec
l'abusus 45(*) » : l'abusus étant
l'attribut caractéristique de la propriété46(*), l'usufruitier, par cette
« confusion des droits» deviendrait propriétaire de
ces choses47(*) tandis que
le nu-propriétaire ne devient qu'un vulgaire créancier
chirographaire.
La monnaie étant classiquement qualifiée de
chose naturellement consomptible48(*), certains auteurs en ont déduit la même
conséquence dans l'analyse du gage-espèces.
III) La transposition du raisonnement dans
l'analyse du gage-espèces.
27. L'influence de la non-individualisation des
sommes d'argent sur leur qualification - Dans sa thèse49(*), le Professeur CROCQ
déduit de la nature consomptible de la monnaie un transfert de
propriété au profit du créancier accipiens. En
amont du raisonnement, l'auteur part de la notion de chose de genre :
« L'argent est une chose de genre, la somme d'argent ne
s'individualise que par une opération de compte, et c'est un bien d'une
fongibilité parfaite : valeur d'échange absolue, les
instruments monétaires non seulement sont interchangeable entre eux,
mais en plus ont vocation à remplacer n'importe quel bien ou prestation.
En raison de cette parfaite fongibilité et si l'on met à part
l'hypothèse où une somme d'argent remise à un tiers
demeurerait (nous surlignons) individualisée, chaque
fois qu'une somme d'argent sont remise à une personne, quelque soit la
nature juridique de l'opération qui a pour effet cette remise, cette
somme se fond nécessairement avec l'ensemble de l'actif monétaire
de celui qui la reçoit ». Ainsi, le non maintien de
l'individualisation après la remise de la somme d'argent a pour effet de
rendre indiscernable les sommes remises.
28. L'assimilation du gage-espèces au
quasi-usufruit - De ce défaut d'individualisation, l'auteur en
conclut aussi que « sauf à le conserver et sous
réserve de l'hypothèse précédente, l'argent est
une chose consomptible au sens de chose dont on ne peut faire un premier usage
sans en perdre la propriété. Dès lors que la remise de
l'argent ne s'accompagne pas du maintien de son individualisation, qui
seule pourrait restreindre le pouvoir de disposition de celui qui
reçoit, il faut admettre que ce dernier en est devenu
propriétaire et cela qu'il s'agisse d'un prêt, d'un
dépôt ou d'une constitution de garantie50(*) ». En d'autres
termes, le défaut d'individualisation de la monnaie a pour effet de lui
attribuer la qualification de chose juridiquement consomptible, qualification
justifiant alors que le créancier en devienne le propriétaire.
L'affirmation s'appuie directement sur la théorie du
« quasi-usufruit » : c'est, nous dit l'auteur,
« une affirmation comparable à celle de l'article 587 du
Code civil dans le cas du quasi-usufruit » ; en d'autres termes,
le créancier « a le droit de s'en servir, à charge
de restituer » à la fin du contrat de gage
« des choses de même quantité et
qualité ». Il tire donc argument de ce transfert de
propriété accidentel pour affirmer que la sûreté ne
constitue plus un gage mais une
sûreté-propriété51(*). En effet, le transfert de propriété
est incompatible avec l'essence du gage52(*). Le gage est une sûreté réelle
reposant sur une dualité de droit, de nature différente, sur une
seule et même chose : le droit de propriété du constituant
et le droit réel du créancier gagiste. Dès lors que l'on a
postulé un transfert de propriété en raison de la nature
consomptible de la monnaie, cette dualité de droit disparaît
à part si, comme dans le quasi-usufruit, le constituant resterait
propriétaire par fiction53(*).
IV) Les critiques du raisonnement
Deux critiques peuvent être apportées au
raisonnement. D'une part, il assimile le gage de sommes d'argent au
quasi-usufruit, ce qui n'est pas une évidence (A). D'autre part, il
postule qu'il faut être propriétaire pour disposer des
unités monétaires comprises dans l'assiette de la
sûreté. Une certaine évolution du droit sur cette question
suscite une remise en cause de cette analyse (B).
A) La contestation de l'assimilation du gagiste
à l'usufruitier
La justification du transfert de propriété
réside dans la consomptibilité de la monnaie et plus
particulièrement dans l'idée que le créancier gagiste ne
pourra utiliser la monnaie sans l'aliéner. Cette analyse est critiquable
en raison de l'analogie faite entre l'usufruit et le gage. En effet, si l'on
suit le triptyque avancé par la théorie classique, on ne comprend
guère comment la nature consomptible de la monnaie justifie le
transfert du droit de propriété au créancier gagiste.
29. L'absence d'usus dans les
prérogatives du créancier gagiste - La théorie
classique donne une définition phénoménologique54(*) du contenu de la
propriété. La propriété est le droit d'user
(usus ou jus utendi), de jouir (fructus ou jus
fruendi) et de disposer des choses (abusus ou jus
abutendi) dont on a la propriété. En matière
d'usufruit, le transfert de propriété était
justifié car l'usufruitier a l'usus et le fructus. Ne
pouvant user sans abuser de la chose, il était admis alors qu'il
devenait propriétaire des choses consomptibles, à charge d'en
restituer par équivalent ou en valeur. Mais contrairement à
l'usufruitier, dans cette vision des choses, le créancier gagiste
n'acquiert ni l'usus, ni le fructus et encore moins
l'abusus. N'ayant pu recevoir l'usus, on ne comprend pas
pourquoi il recevrait l'abusus. M. LEDUC55(*) a critiqué cette
analyse par ces arguments : « L'usufruitier ou l'emprunteur
peut, en cette qualité, user de la chose. C'est dans cette
faculté d'exercer l'usus que se trouve l'explication de l'effet
translatif de propriété que produisent l'usufruit et le
prêt quand ils portent sur une chose consomptible. Qui peut user d'une
chose consomptible en dispose par voie de conséquence nécessaire.
L'exercice de l'usus est alors indissociable de l'abusus. Celui qui a
qualité pour user de la chose réunissant, dès lors, toutes
les prérogatives de la propriété, force est de lui
reconnaître le titre de propriétaire. Cette explication de
l'effet translatif de propriété exceptionnel résultant de
la consomptibilité condamne toute extension de celui-ci aux contrats,
tel le gage, qui n'investissent pas l'une des parties de la faculté
d'user de la chose d'autrui56(*) ».
30. L'absence d'autorisation du constituant -
A la différence de l'usufruitier, le créancier, sauf
convention contraire, n'a pas l'autorisation d'user de la chose remise en
garantie : il n'acquiert aucun pouvoir de disposition, de jouissance ou
d'usage sur cette chose. Le bien dont s'est dépossédé le
débiteur « n'est, dans la main du créancier, qu'un
dépôt assurant le privilège de celui-ci »
(article 2079 du Code civil) : le créancier n'est qu'un
dépositaire jusqu'au jour de la réalisation de la
sûreté, il n'a aucun pouvoir juridique dessus. Dans les
règles relatives au dépôt, la loi prévoit que
« (le dépositaire) ne peut se servir de la chose
déposée sans la permission expresse ou présumée de
la chose déposée » (article 1930 du Code civil).
C'est ce qu'a rappelé récemment la Troisième chambre
civile de la Cour de cassation57(*) à propos du nantissement d'une police
d'assurance-vie : « la dépossession qui fait perdre au
constituant une partie de ses prérogatives sur la chose donnée en
gage, ne le confère pas pour autant au créancier nanti qui
dispose, en sa qualité de dépositaire de cette chose
jusqu'à la restitution, du seul pouvoir de la garder et de
la conserver sans acquérir celui d'en user ni de
l'administrer ».
Le créancier, n'ayant aucun pouvoir d'user de la chose
remise en garantie, ne peut a fortiori la consommer juridiquement
(aliénation).
Toutefois, cette argumentation n'épuise pas toute
l'analyse. Que faire si le constituant autorise le créancier gagiste
à utiliser les unités monétaires contenues dans l'assiette
de la garantie ? Dans ce cas, on retombera dans la même
problématique. En autorisant le créancier à user de la
chose, celui-ci exercera l'abusus pour en user. A l'instar de
l'usufruitier de choses consomptibles, le créancier gagiste en deviendra
propriétaire afin de légitimer cet acte d'aliénation.
Une évolution récente du droit permet de
contester cette analyse.
B) La contestation de la classification automatique
des actes d'aliénation dans la catégorie des actes de
disposition
La seconde critique qui peut-être apportée
à l'analyse sus-exposée est la classification automatique des
actes d'aliénation dans la catégorie des actes de disposition
(1). On retrouve des traces de la dissociation des actes d'aliénation du
pouvoir de disposition du propriétaire dans la jurisprudence (2) et dans
la loi (3)
1) La doctrine
31. Le critère de l'acte de disposition -
La classification des actes juridiques dans la catégorie des
actes de disposition en fonction de leur nature juridique a été
critiquée par les Professeurs ZENATI & REVET dans leur manuel de
droit des biens : « Le caractère flou du
critère de distinction des actes d'administration et des actes de
disposition s'explique par le contenu économique de cette distinction.
L'opportunité d'un acte ne s'apprécie pas selon sa nature
juridique (aliénation, obligation...), mais en fonction
d'une psychologie de la gestion des biens. L'apanage du risque
appartient au seul propriétaire. L'administrateur se doit d'agir avec
mesure.58(*) ». Un acte d'aliénation peut
être qualifié d'acte d'administration. Ainsi, le possesseur de la
chose d'autrui peut effectuer un acte d'aliénation. Une jurisprudence
récente confirme cette analyse.
2) La jurisprudence
32. L'usufruit de portefeuille de valeurs
mobilières - On retrouve une trace de cette idée dans
l'arrêt du 12 novembre 199859(*) rendu par la 1ère chambre civile de
la Cour de cassation au sujet de l'usufruit d'un portefeuille de valeurs
mobilières. Normalement, à suivre la théorie classique
seul le propriétaire peut effectuer des actes d'aliénation. En
cédant les valeurs mobilières contenues dans le portefeuille,
l'usufruitier effectue sans aucun doute des actes d'aliénation : la
valeur mobilière va quitter le patrimoine du nu-propriétaire pour
entrer dans celui de l'acquéreur. Mais cet acte n'est pas analysé
en un acte de disposition mais un acte d'administration60(*). Dès lors, il n'est pas
nécessaire d'être propriétaire pour effectuer sur un acte
d'aliénation : il suffit d'en être administrateur. Cette
analyse se retrouve dans une réforme récente.
3) La loi
33. Les garanties financières : un
exemple de la dissociation de l'acte d'aliénation du pouvoir de
disposition du propriétaire - L'évolution du droit
contredit l'analyse présentée plus haut. En matière de
garanties financières, le législateur ne penche pas pour cette
solution. A l'inverse, il admet que le constituant reste propriétaire et
que les droits respectifs des parties se reportent sur les objets venus en
remplacement. Ainsi, il n'est pas nécessaire d'être
propriétaire pour « aliéner » les
unités monétaires remises en sûreté. De plus leur
aliénation ne fait pas disparaître l'assiette de la garantie.
L'ordonnance du 24 février 200561(*) a mis en place un dispositif
dualiste pour les sûretés garantissant les obligations
financières. Le nouvel article L. 431-7-3, I° dispose que :
« A titre de garantie des obligations financières
présentes ou futures mentionnées au I de l'article L. 431-7, les
parties peuvent prévoir des remises en pleine
propriété...de valeurs, instruments financiers, effets,
créances, contrats ou sommes d'argent, ou la constitution de
sûretés sur de tels biens ». Parmi les
sûretés y figura notamment le gage de sommes d'argent. Cette
réforme permet au bénéficiaire de la sûreté
de disposer ou d'utiliser les biens contenus dans l'assiette de la
sûreté : « L'acte prévoyant la constitution
de sûretés mentionnés au I peut définir les
conditions dans lesquelles le bénéficiaire de ces
sûretés peut utiliser ou aliéner (nous
surlignons) les biens ou droits en cause à charge de restituer des biens
ou droits équivalents » (nouvel article L. 431-7-3,
III° C. M. F.). Le créancier gagiste pourra donc aliéner les
sommes d'argent contenues dans l'assiette du gage.
34. Le maintien de la propriété du
constituant sur l'assiette du gage - Mais cette faculté
d'aliénation - qui doit être prévue dans le contrat
constitutif de la sûreté - n'implique pas pour autant que le
créancier devienne propriétaire des sommes
aliénées. Il y a ici dissociation de l'acte d'aliénation
du droit de propriété. Cette dissociation implique alors que le
créancier sera tenu d'une obligation de remplacement.
Cette même disposition prévoit en effet que le
bénéficiaire peut aliéner les biens compris dans
l'assiette de la sûreté « à charge pour lui
de restituer au constituant des biens équivalents ». Ce
maintien de la qualité de propriétaire du constituant est
corroboré par le fait que le droit réel du créancier se
reporte sur les biens équivalents (nouvel article L. 431-7-3,
III°).
35. La subrogation réelle au sein de
l'assiette de la sûreté - En apparence, cette survie
des droits des parties provient de la mise en place par le législateur
d'un mécanisme de subrogation réelle : « Les
sûretés concernées portent alors sur les
biens...équivalents ainsi restitués comme si elles avaient
été constituées dès l'origine sur ces biens
équivalents » (Article L.431-4-3). Mais ce
mécanisme de subrogation réelle découle du fait que la
sûreté n'a pas pour objet les sommes d'argent en elles-mêmes
mais l'universalité62(*) qui les contient. La sûreté
sus-mentionnée contient les ingrédients de
l'universalité : distinction des éléments contenus et
du contenant, obligation de remplacement, subrogation réelle des
éléments entrés dans la structure. Nous pouvons appuyer
cette affirmation sur les travaux63(*) de Melle KUHN : « Si le domaine de
la subrogation réelle a suscité une controverse, son intervention
de plein droit dans le cadre des universalités n'a jamais
été discutée. L'universalité révèle
la dimension dynamique et instable de l'universalité, sa composition
étant changeante, renouvelée et renouvelable. Le recours à
la subrogation réelle assure le maintien du contenu dans le
mouvement... ». Ce à quoi l'auteur ajoute :
« La subrogation réelle respecte les critères
d'alimentation précédemment déterminés :
l'élément nouveau a les mêmes utilités que
l'élément sortant, ils sont considérés alors
comme équivalents (nous soulignons).....La continuité est
alors parfaite et aucune rupture n'intervient... :
l'élément subrogeant prend la nature de l'élément
subrogé ».
36. L'obligation de remplacement du créancier
gagiste - Cette illustration législative permet de
démontrer que l'aliénation ne constitue pas forcément un
acte de disposition. Seul le propriétaire a le pouvoir de disposer de
ses biens. L'acte d'aliénation effectué par le possesseur de la
chose d'autrui, comme en l'espèce, le créancier gagiste, ne
constituera pas un acte de disposition64(*) mais un acte d'administration, à condition que
le constituant l'ait autorisé (article L. 431-7-3, III° Code
Monétaire et Financier). Cette dissociation de l'acte
d'aliénation du pouvoir de disposition du propriétaire65(*) permet alors de comprendre
l'obligation de remplacement du possesseur de l'universalité. Il a comme
tout possesseur de la chose d'autrui l'obligation de conserver la substance de
la chose. La double dimension de l'universalité positive cette
obligation de conservation de la substance. Le possesseur (ou détenteur)
a une obligation de remplacement. Les éléments contenus
constituent la substance de l'universalité. Le
bénéficiaire de la garantie en aliénant les
éléments contenus a diminué temporairement la substance de
l'universalité. Ainsi, il devra remplacer les éléments
aliénés par d'autres de même nature et en même
quantité afin de la conserver.
37. Les garanties financières : un
modèle pour le gage-espèces - Cette avancée
législative peut à notre avis constituer un modèle
d'inspiration pour le gage de sommes d'argent. Dès lors que l'on admet
que les unités de paiement sont contenues dans une universalité,
il devient aisé d'expliquer que le créancier aliène les
unités monétaires contenues sans en être
propriétaire : la qualité de possesseur suffira à
condition d'être autorisée par le constituant. Mais
l'universalité, ne lui appartenant pas, il devra les remplacer car il
est tenu de conserver la substance de la chose d'autrui.
38. Conclusion du §1 - La monnaie est
qualifiée de choses consomptibles dès lors qu'elle ne serait pas
isolée des sommes d'argent appartenant au créancier. En raison de
cette consomptibilité, la théorie classique en avait
déduit un transfert de propriété au profit du
détenteur dès lors qu'il est autorisé à en
user. Cette analyse est justifiée par le fait que celui-ci devra exercer
l'abusus. Or étant un attribut essentiel de la
propriété, il faut faire du détenteur un
propriétaire. Cette analyse est justifiée par une classification
automatique des actes d'aliénation dans la catégorie des actes de
disposition.
Une nouvelle approche de la qualification des actes
juridiques en acte de disposition permet d'autoriser le créancier
gagiste d'aliéner les unités monétaires comprises dans
l'assiette de la sûreté. Pour cela, il est nécessaire de
mettre en place une universalité. Les actes d'aliénation ne
porteront pas alors sur le bien gagé mais sur les éléments
contenus dans l'objet du gage : l'universalité. Comme en
matière d'usufruit d'un portefeuille de valeurs
mobilières66(*) ou
de garanties financières67(*) assorties d'un droit de re-use, l'acte
d'aliénation ne sera pas un acte de disposition mais un acte
d'administration. Les pouvoirs d'un possesseur suffisent à justifier
l'acte d'aliénation. Il n'est pas nécessaire de passer par la
propriété. Cette analyse pourrait, à notre avis,
être un modèle pour l'organisation juridique du
gage-espèces.
Le second argument avancé pour justifier le transfert
de propriété au bénéfice du créancier
gagiste est la fongibilité. Cette argumentation pose un problème
différent : celui de l'identification de l'assiette du gage (ou du
nantissement).
§ 2 / Le fondement du
transfert de propriété : la fongibilité ?
39. La fongibilité naturelle de la monnaie
- On dit souvent que la monnaie constitue une chose fongible68(*). Pour reprendre l'expression
du doyen CARBONNIER, « Les instruments monétaires sont des
biens éminemment fongibles...malgré leur
hétérogénéité
matérielle69(*) ». Cette fongibilité de la monnaie
s'explique parce que ce ne sont pas les supports en eux-mêmes qui sont
considérés être de la monnaie mais les unités
idéales70(*) (ou de
paiement) qui y sont intégrées. Le transfert de
propriété des sommes d'argent remises en garantie est
fondé par la doctrine majoritaire sur la fongibilité naturelle de
la monnaie.
Au préalable, la notion de fongibilité doit
être cernée, notamment en la distinguant des notions de choses de
genre et de choses consomptibles (I). Le modèle du raisonnement selon
lequel la remise de choses fongible, même à titre précaire,
en transfert de propriété est le dépôt de fonds en
banque (II). A partir de cette analyse, la majorité des auteurs, la
jurisprudence et le législateur en ont déduit que le
créancier gagiste devenait propriétaire de la somme d'argent
affectée en garantie dès sa remise (III).
I) La fongibilité : étude
législative et doctrinale
La fongibilité des biens est rarement exprimée
dans la loi (A). A partir de ces textes, la doctrine a construit la notion de
choses fongibles (B).
A) La loi
40. La fongibilité dans le Code civil :
une notion fonctionnelle - Le Code civil utilise l'expression de
choses fongibles à l'occasion de la compensation. Aux termes de
l'article 1291 du Code civil « La compensation n'a lieu qu'entre
deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent, ou une
certaine quantité de choses fongibles de la même
espèce71(*)... ». L'article 1291 du Code civil
apporte deux précisions concernant la fongibilité. D'une part,
une chose est fongible lorsqu'elle peut être mise dans un rapport
d'équivalence avec une autre chose. D'autre part, la fongibilité
est fonctionnelle : elle permet l'extinction des dettes réciproques
des parties dès lors que l'objet de leur obligation est fongible. Par
contre, ce texte ne donne aucune précision sur la notion de choses
fongibles. En effet, celui-ci utilise l'expression de
« quantité de choses fongibles de la même
espèce ». A la lecture de cette disposition, il est
permis d'affirmer que les critères de quantité et d'espèce
(qui sont propres aux choses de genre) ne participent pas de la notion de
choses fongible.
41. La fongibilité dans le Code de
commerce : une notion confondue - Le Code de commerce
utilise aussi l'expression de choses fongibles. Relatif à la
revendication des biens vendus avec clause de réserve de
propriété, l'article L. 621-122 alinéa 3 dispose que :
« La revendication en nature peut également s'exercer sur
des biens fongibles lorsque se trouvent entre les mains de
l'acheteur des biens de même espèce et même
qualité ». Ce texte confond les choses fongibles avec
les choses de genre. Le propriétaire peut revendiquer des biens
fongibles s'ils remplissent les critères d'espèce et de
qualité.
B) La doctrine
1) L'assimilation des choses de genre aux choses
fongibles
42. L'assimilation des choses de
genre aux choses fongibles - Le droit positif ne donne aucune
définition expresse de la fongibilité. Le dictionnaire de
Vocabulaire juridique Henri Capitant définit de la façon suivante
les choses fongibles : « Choses, qui n'étant
déterminées que par leur nombre, leurs poids ou leur mesure,
peuvent être employées indifféremment dans les
paiements72(*) ». Cette définition a le
mérite de mettre en avant le rôle fonctionnel de la
fongibilité mais contient une confusion entre les choses fongibles et
les choses de genre. En effet, ce même dictionnaire définit les
choses de genre de la manière suivante : « Expression
employée pour désigner les choses fongibles
par opposition aux corps certains ». Cette confusion est
classique dans les manuels de droit des biens73(*).
43. La fongibilité : une notion confondue
- Les choses fongibles sont souvent présentées comme des
choses de genre. Celles-ci seraient des choses naturellement fongibles. On
parle dans ce cas de fongibilité naturelle. Toutefois, on
reconnaît un certain pouvoir aux volontés individuelles. Par
exemple, on admet que les parties à un contrat puissent estimer qu'un
corps certain puisse être fongible avec un autre corps certain. Pour
expliquer cette possibilité, on estime que les parties prennent alors
ces corps certains comme des choses de genre74(*). Ce passage à l'état de genre permet
alors leur fongibilité.
2) La distinction des choses fongibles et des
choses de genre
44. La fongibilité : une notion à
distinguer - La notion de chose fongible est confondue avec celle de
chose de genre. Par exemple, on estime que l'individualisation d'une chose de
genre fait d'elle un corps certain et par suite non fongible. Pourtant les
notions de fongibilité et de chose de genre sont distinctes. Tout
d'abord, la notion de chose de genre concerne les biens à
l'état naturel. Les biens sont des choses de genre lorsqu'ils
ne sont pas encore commercialisés. Par exemple, dans la vente, les
choses de genre le sont avant l'individualisation. Après cette
opération, elles sont identifiées et c'est justement cette
identification qui permet leur commercialité juridique. A ce stade,
elles constituent des corps certains. C'est à ce moment précis
qu'elles peuvent être l'objet d'une obligation (article 1108 C.civ.).
Alors que la notion de chose fongible concerne les biens à
l'état social, c'est-à-dire que les biens
concernés sont déjà commercialisés (juridiquement).
Par exemple dans la compensation, il est nécessaire que les obligations
réciproques aient un objet fongible (article 1291 C.civ.). Or pour
être l'objet d'une obligation, faut-il encore qu'elles aient atteint
l'état d' « objet certain ».
Ensuite, une chose de genre peut être prise
isolément. Une chose de genre est une chose appartenant
à un genre de choses. Il n'est pas nécessaire d'avoir plusieurs
choses pour qu'une chose de genre. Par exemple, un morceau d'or est une chose
appartenant à un genre : l'or. Si toutes les réserves d'or
sont épuisées, ce morceau d'or continue d'être une chose de
genre. Les choses fongibles, au contraire, ne sont pas des choses
prises isolément mais dans un rapport. Une chose est fongible
avec une autre75(*) ;
elle n'est pas fongible toute seule.
Enfin, la notion de chose de genre est
objective : une chose appartient ou n'appartient pas à un
genre. C'est une qualité intrinsèque d'un bien. En revanche,
la notion de chose fongible est subjective : c'est parce
que les parties l'ont décidé que deux biens peuvent être
fongible entre eux.
Maintenant cette confusion, l'analyse
classique a tiré une conséquence curieuse de la
« fongibilité » des biens : leur remise
entraîne celui de leur propriété à
l'accipiens dès lors qu'elles ne sont pas maintenues à
un état individualisé. Le dépôt de fonds en banque
constitue le modèle de réflexion.
II) Le modèle : le dépôt de
fonds en banque
La fongibilité, comme la
consomptibilité76(*), est une notion perturbatrice des rapports
juridiques77(*). Alors que
la plupart du temps, les parties ont conclu un contrat non translatif de
propriété, par exemple, un dépôt, la
« fongibilité » aurait pour effet de rendre ces
contrats translatifs de propriété. Le dépôt de fonds
en banque en est le modèle type du raisonnement menant à une
telle solution. De plus son étude éclairera les raisons qui ont
amenées à la controverse sur la nature juridique de la monnaie
scripturale.
Après avoir présenté l'analyse
doctrinale et jurisprudentielle du dépôt bancaire (A), nous
démontrerons que le « transfert de
propriété » n'est pas fondé sur la
fongibilité mais sur la confusion des choses de genre (B).
A) La thèse du dépôt
irrégulier et son influence sur la nature juridique de la monnaie
scripturale
45. Le rapport entre la fongibilité
monétaire et la nature juridique du dépôt de fonds en
banque - La nature juridique du dépôt bancaire est
classiquement faite à partir d'une qualité classiquement
attribuée à la monnaie : celle de choses de genre. Ces choses,
pour être l'objet d'une obligation ou d'un droit, doivent être
individualisées. Lorsqu'un propriétaire remet des choses de genre
à autrui sans mettre en place une structure permettant de maintenir leur
individualisation, ces choses se mélangent avec celles du même
genre appartenant à celui qui les reçoit. De ce mélange
résulte une perte d'identité des choses remises. Les
auteurs78(*) (1) et la
jurisprudence79(*) (2) en
déduisent alors que ce dernier en devient propriétaire et peut en
disposer pour son propre compte.
1) La doctrine
Le dépôt bancaire est analysé à
partir de la nature fongible de son objet. En raison de cette nature fongible,
le banquier dépositaire en devient propriétaire. Le
dépôt est alors qualifié de dépôt
irrégulier (a). Cette qualification a une influence sur la nature
juridique de la monnaie scripturale : elle constitue une créance
(b).
a) Le dépôt bancaire est un
dépôt irrégulier.
47. Un problème ancien - La nature
juridique du dépôt de fonds existait déjà à
Rome. Par exemple, le juriste Ulpien estimait que le dépôt en
banque était un mutuum, c'est-à-dire un prêt de
consommation. Mais en raison du fait que le mutuum constituait un contrat de
droit strict, prohibant la stipulation d'intérêts, certains
jurisconsultes romains, comme Papinien, préférèrent la
qualification de dépôt (depositum)80(*).
48. Le transfert de propriété des fonds
au banquier dépositaire - Aux termes de l'article 1915 du Code
civil, « Le dépôt, en général, est un
acte par lequel on reçoit la chose d'autrui, à la charge de la
restituer en nature ». Le dépôt se
caractérise par deux traits caractéristiques : la chose
déposée n'appartient pas au dépositaire et il doit
restituer en nature ce bien ad nutum. Le schéma se compliquerait lorsque
le déposant remet de la monnaie en dépôt. En effet, la
monnaie est une chose de genre c'est-à-dire une chose appartenant
à un genre de choses81(*) qui sont reliées entre elles par la
qualité et l'espèce. Comme nous l'avons vu, les choses de genre
sont considérées comme des choses naturellement fongibles
c'est-à-dire interchangeables dans les paiements et les restitutions.
Constatant que la remise de la monnaie allait, en raison de sa qualité
de chose de genre, se confondre dans la masse monétaire détenue
par le banquier dépositaire, les auteurs en ont déduit alors que
le banquier ne restituerait pas les sommes déposées en nature,
mais par équivalent. Cette analyse est en relation directe avec la
théorie de l'incorporation du droit de propriété dans son
objet. Si le banquier restitue par équivalent, il est restitue une chose
différente que celle remise. Dès lors, le déposant a perdu
le droit de propriété incorporé dans la chose remise. Par
suite, la « restitution » par équivalent s'analyse,
à notre avis, davantage comme un transfert de propriété
qu'une véritable restitution.
Le dépôt impliquant une restitution en nature,
la plupart des auteurs en ont déduit que le dépôt bancaire
ne constituait pas un véritable dépôt mais un
dépôt irrégulier.
49. Le transfert de propriété des fonds
au banquier : justification - De ce mélange, l'analyse
classique en a déduit une autre conséquence juridique : le
transfert de propriété des sommes d'argent au profit du
dépositaire82(*).
On avance une double série d'arguments pour justifier ce transfert de
propriété accidentel. D'une part, on argue que le déposant
ne pourrait revendiquer les sommes d'argent déposées car le
mélange leur a fait perdre leur identité. D'autre part que le
banquier ne pourrait en user sans en disposer (ce qui renvoie à la
question de la qualification des actes d'aliénation effectués par
le banquier dépositaire).
b) La monnaie scripturale est une
créance de sommes d'argent.
50. L'influence du transfert de
propriété sur la nature juridique de la monnaie
scripturale : la transformation du droit de propriété en
droit de créance - Le transfert de propriété a
une influence sur la nature juridique de la monnaie scripturale. Cette
dénomination sert à désigner les fonds
déposés en banque. Dès lors que l'on admet que le banquier
dépositaire devient propriétaire des fonds qu'il reçoit,
la monnaie scripturale est alors représentée par le solde du
compte en banque. Ce solde est censé représenté la
créance de sommes d'argent que dispose le client contre son
dépositaire. Par conséquent la monnaie scripturale se distingue
de la monnaie fiduciaire. Cette dernière est considérée
comme les fonds eux-mêmes, c'est-à-dire les pièces et les
billets qui la représentent : elle constitue donc une chose
corporelle. La monnaie scripturale est différente. Elle ne
représente pas des fonds mais la créance du client contre le
banquier. C'est en ce sens qu'elle constitue un bien meuble incorporel83(*). Cette analyse rejaillit sur
la nature juridique de l'affectation en garantie de la monnaie scripturale.
2) La jurisprudence
51. Le transfert de propriété des fonds
déposés - La jurisprudence consacre la thèse du
dépôt irrégulier. Par exemple, un arrêt du 7
février 1984, rendu par la Première chambre civile de la Cour de
cassation, illustre l'analyse sus-exposée. En l'espèce, il se
posait la question de savoir si un établissement de crédit qui
avait utilisée les sommes déposées sur un livret
d'épargne était passible du délit d'abus de confiance. La
Cour de cassation y répond négativement aux termes
suivants : « Les sommes déposées avait
été, dès leur remise, en raison de leur qualité
de choses de genre (nous soulignons), transférées en
propriété à la Caisse d'épargne, le client ne
disposait alors que d'un droit de créance ». Ainsi, selon
la Cour de cassation, le banquier devient propriétaire des sommes
d'argent déposées chez lui. Ce transfert de
propriété est fondé sur « la qualité de
choses de genre » de la monnaie. Cette motivation permet de
comprendre la racine du problème posé par les choses de
genre : leur absence d'identité.
B) La justification du transfert de
propriété : la confusion patrimoniale
52. L'impossible revendication des sommes d'argent
- L'absence d'identité des choses de genre pose un
problème de preuve au niveau de leur revendication. Cette
impossibilité probatoire est assimilée par la jurisprudence comme
une perte de propriété. On retrouve une trace de ce raisonnement
dans plusieurs arrêts. Par un arrêt du 11 novembre 1863, la Cour
d'appel avait estimée que le banquier dépositaire devenait
propriétaire des sommes déposées aux motifs
suivants : « Lorsqu'il s'agit de choses fongibles,
le déposant n'en conserve la propriété qu'autant
que l'identité, par exemple des espèces monnayées
et des billets de banque, pourrait être
démontrée par lui, comme au cas
où ils seraient enfermés dans un coffre avec description de leur
numéro et de leur date d'émission ou dans un sac cacheté.
Si une somme a été remise au dépositaire sans aucun signe
d'individualité, quoiqu'à titre de dépôt, la
revendication est inadmissible, parce que le déposant est dans
l'impossibilité d'établir que les espèces billets qui
existent entre les mains du dépositaire sont précisément
celles qu'il a déposées. ». La conservation de
la propriété est donc conditionnée à
l'identification de son objet. Cette analyse a été
confirmée par la Cour de cassation. Par exemple, dans un arrêt du
17 juillet 1929, la Chambre civile de la Cour de cassation - au visa de
l'article 2279 C.civ. - a estimé que les sommes d'argent ne peuvent
être revendiquées aux motifs suivants : « La
revendication des objets mobiliers peut être admise lorsque, lié
par un contrat envers le propriétaire du meuble, le détenteur n'a
pas la véritable possession ; mais que l'action ne peut
être exercée s'il ne s'agit pas d'un corps certain ;
qu'en ce qui concerne les choses fongibles, telles que les espèces
métalliques, la revendication est en principe impossible, à moins
d'une individualisation matérielle et la parfaite identification des
objets réclamés avec ceux que le détenteur a
reçus ».
Cette analyse a été transposée lors de
celle du gage-espèces.
III) La transposition du raisonnement dans le
cadre de l'analyse du gage-espèces
Le gage-espèces est très proche du
dépôt en ce que le créancier est considéré
comme un dépositaire84(*) jusqu'à la restitution du gage ou la
réalisation de la sûreté. Il ne fait qu'acquérir la
possession du gage, possession limitée par des obligations85(*) notamment l'obligation de
conservation. A l'image du dépôt irrégulier, le gage serait
translatif de propriété en raison de la nature fongible de son
objet. La doctrine majoritaire (1), la jurisprudence (2) et le droit positif
(3) ont adoptés ce raisonnement dans le domaine du
gage-espèces.
A) La doctrine
53. L'assimilation du gage-espèces au
dépôt de fonds en banque - La doctrine s'accorde
généralement sur un fait : le transfert de
propriété. La nature fongible de l'objet de la garantie aurait
pour effet de transférer la propriété des sommes d'argent
au créancier gagiste (détenteur) (a). Toutefois, les avis
divergents sur les conséquences juridiques à tirer de ce
transfert au regard de la qualification juridique du gage-espèces
(b).
1) Le point acquis : le transfert de
propriété
54. L'assimilation du créancier gagiste au
banquier dépositaire - Suivant l'analyse classique de
l'influence de la fongibilité dans les contrats non acquisitifs de
propriété86(*), les auteurs s'accordent pour affirmer que le
créancier « gagiste » devient propriétaire
des sommes d'argent affectées en garantie dès leur remise. En
amont du raisonnement, ils partent de la qualité de chose de genre. La
monnaie est une chose de genre c'est-à-dire une chose qui appartient
à un genre de chose qui se pèse, se compte ou se mesure. Ces
choses ont la particularité de n'avoir aucun signe distinctif : elles
sont par conséquent fongibles entre elles. On parle de
fongibilité naturelle. La monnaie est une chose de genre et par suite
fongible. Dès leur remise au créancier, les unités
monétaires deviennent indiscernables de celles appartenant au
créancier. Alors, comme en matière de dépôt
monétaire, on postule que le droit de propriété a
été transféré au profit du
créancier87(*).
2) Les divergences sur la qualification du
gage-espèces
La doctrine diverge sur une question essentielle : la
qualification du gage-espèces. Alors que certains admettent que dans ce
cas, la sûreté n'est plus un gage (a), d'autres auteurs
préfèrent maintenir la qualification de gage afin de sauver la
volonté des parties (b).
a) La thèse de la
sûreté-propriété
55. L'incompatibilité des règles du
gage et du transfert de propriété - Dans son article, M.
CABRILLAC88(*) exclut la
qualification de gage en raison de l'incompatibilité des règles
du gage avec le transfert de propriété. En amont du raisonnement,
l'auteur par du principe que les règles du gage sont fondées sur
une dualité de droit réels portant sur l'objet du gage. D'un
côté, il y a un droit réel principal : le droit de
propriété du constituant et de l'autre, un droit réel
accessoire, le droit de gage du créancier gagiste. Mais à la
suite du transfert du droit de propriété au profit du
créancier, le créancier a alors ces deux droits sur la
même chose. L'auteur estime alors que « les
prérogatives du gagiste ne trouvent plus à s'exercer,
absorbées qu'elles sont par les prérogatives plus larges du
propriétaire ». Par suite, les règles du gage
doivent être écartées car elles sont incompatibles avec la
situation juridique postérieure au transfert de propriété.
En effet, les droits et obligations du créancier gagiste n'ont plus de
raison d'être de s'appliquer dès lors qu'il est devenu
propriétaire. Concernant les obligations du créancier, elles ne
peuvent s'appliquer. En effet, l'obligation de conservation comme l'obligation
de restitution sont des obligations réelles qui naissent à raison
de la possession de la chose d'autrui ; on ne peut avoir ce type
d'obligation89(*) sur sa
propre chose. Le créancier étant devenu
propri-étaire des sommes d'argent qui lui ont été
remises, il n'a ni à conserver ni à restituer les sommes d'argent
: elles lui appartiennent en propre. Concernant les droits, ils ne peuvent pas
s'appliquer pour les mêmes raisons. Le droit de rétention comme le
droit réel de gage est des droits qui ont pour objet la chose d'autrui
et non sa propre chose. Un propriétaire n'a pas besoin du droit de
rétention pour retenir sa chose. De même il n'a pas besoin du
droit réel de gage pour s'approprier la valeur de la chose : il a
l'exclusivité dessus et peut utiliser toutes les utilités de sa
propre chose, dont la valeur n'en est qu'une parmi d'autres.
56. L'explication : la confusion du droit
réel et de l'obligation réelle - Toutefois, la
justification donnée par l'auteur est contestable. Cet auteur fonde son
raisonnement par l'absorption des prérogatives du créancier
gagiste dans celles « plus large du propriétaire ».
C'est là méconnaître la nature du droit réel de
gage. Le droit réel comme le droit de créance a une structure
obligationelle90(*) : en
contrepartie de son droit réel, le constituant a pris un engagement
réel consistant à ne pas porter atteinte à la valeur du
bien donné en gage. Ce type d'obligation se caractérise en ce que
le débiteur s'engage non pas comme titulaire d'un patrimoine mais en
qualité de propriétaire91(*). Cette obligation est transmise alors dès le
moment que l'on n'est plus propriétaire de la chose qui en est l'objet.
Si les sommes d'argent remises en garantie ont été transmises au
créancier, l'obligation réelle aussi. Dès lors, le droit
réel de gage s'éteint par l'effet des obligations et notamment
par la confusion92(*)
(article 1300 du Code civil93(*)) et non pas par l'absorption des prérogatives
attachées à la qualité de titulaire du droit réel
de gage dans celles du propriétaire.
57. Les effets du transfert de
propriété sur la situation juridique du constituant -
Cette analyse a un effet sur la situation juridique du constituant ; celui-ci
ne dispose plus que d'un droit de créance de somme d'argent. Cette
créance est de nature personnelle ce qui a pour conséquence que
le constituant, en cas d'exécution de la dette garantie, devra
poursuivre le recouvrement selon les modes du droit commun des obligations et
non du droit des biens : il exercera une action personnelle, l'action en
paiement et non pas une action réelle, la revendication. En d'autres
termes, le constituant passe de la qualité de propriétaire
à celle de créancier chirographaire : c'est à sont tour de
se garantir contre l'insolvabilité du créancier.
b) La thèse du gage
58. Le gage irrégulier - Une partie
de la doctrine préfère maintenir la qualification de gage afin de
faire respecter la volonté des parties. Selon ces auteurs, le transfert
de propriété est accidentel, il résulte de la nature des
choses. Ce transfert ne fait pas partie de l'essence du gage94(*). Ainsi, ils proposent
d'appliquer le régime du gage avec quelques assouplissements au stade de
la de la réalisation de la sûreté. En raison de la nature
particulière du bien affecté en garantie - la monnaie - la
sûreté pourra se réaliser par un pacte commissoire. De
même, en présence d'un transfert de propriété, les
dettes réciproques des parties pourront se compenser. Cette compensation
jouera le rôle de réalisation de la sûreté.
59. La thèse du gage régulier -
Dans son article consacré à l'étude du
« gage de sommes d'argent », le Professeur LIBCHABER, tout
en constatant que le créancier est devenu
« propriétaire » par accident des sommes d'argent,
n'en conclut pas pour autant qu'il en est propriétaire souverain et
absolu : « le créancier gagiste ne peut être
considéré comme un plein propriétaire de la chose libre de
la considérer comme sienne et d'en gouverner les destinées
à sa guise 95(*)». Si le créancier est
« propriétaire » des sommes d'argent, ce n'est
qu'à titre temporaire. En effet, le créancier risque d'être
tenu de « restituer » une somme d'argent équivalente
au cas où le constituant exécute la dette garantie. De cette
constatation, l'auteur en déduite donc que le créancier n'est pas
titulaire d'un droit de propriété mais d'un « droit
réel spécial ». Ce droit réel est à
mi-chemin entre le droit réel du créancier gagiste et le droit de
propriété. Ce droit aurait pour effet de permettre au
créancier de s'approprier les unités monétaires à
l'échéance de la dette garantie. En d'autres termes, le
créancier a un « droit à sa propriété
pleine et entière ». Ce droit est un droit à
terme. Seul le défaut d'exécution de la dette garantie permet au
créancier d'exercer ce droit.
60. Le droit du constituant : un droit de
propriété à assiette flottante - Le constituant
conserve le droit de propriété. La fongibilité de la
monnaie n'a pas pour effet de détruire le lien d'appropriation. Par
contre, l'assiette de ce droit est mouvante. Le droit de
propriété du constituant peut porter sur de choses de même
qualité et de même espèce détenues par le
créancier. On est ainsi dans une situation similaire à la
réserve de propriété sur choses fongibles d'argent
(article L.621-122 al.3 C.com. - Nouvel article 2369 C.civ.). Ce rapprochement
est exact au regard de la volonté des parties. En effet, le constituant
en affectant en garantie une somme d'argent n'a pas renoncé à sa
propriété. Il conserve toutes les utilités de la chose. Il
ne fait qu'accorder au créancier un droit réel sur une de ses
utilités : sa valeur. Ainsi, comme un vendeur de choses fongibles
avec clause de réserve de propriété, il a maintenu son
lien d'appropriation sur la chose. Dès lors, comme ce dernier, il peut
exercer la revendication sur des choses « de même
qualité et de même espèce ». Peu lui importe
d'être propriétaire des choses précisément remises.
Seul compte pour lui d'avoir la même quantité et la même
qualité. Cette analyse ne vaut que si l'on dépasse d'une part,
l'incorporation du droit de propriété dans la chose et d'autre
part, la nécessité d'une identification de l'objet de la
propriété96(*).
La thèse de la
sûreté-propriété a été avalisée
par la jurisprudence.
B) La jurisprudence
La. Elle a admis d'une part le transfert de
propriété des sommes d'argent dès leur remise et d'autre
part, que le constituant n'est titulaire que d'une créance de sommes
d'argent contre le créancier.
61. Le transfert de propriété des
sommes d'argent lors de leur remise au créancier -
jurisprudence a admis implicitement la qualification de
sûreté-propriété. Par un arrêt du 29 mai
199497(*), la chambre
commerciale de la Cour de cassation a admis que le créancier devenait
propriétaire des sommes d'argent remises à titre de
« dépôt de garantie » en « raison de
leur nature fongible ». En l'espèce, un preneur avait remis
une somme d'argent « à titre de dépôt de
garantie » directement à son créancier afin de garantir
les dettes de loyer pouvant découlant du bail. A la suite de la
résiliation judiciaire du bail, le juge avait fixé
définitivement la dette de loyer mais le débiteur, mis ensuite en
liquidation judiciaire, n'avait pas honoré sa dette. Le liquidateur
judiciaire constatant que le bailleur n'avait pas déclaré sa
dette avait demandé la restitution du dépôt de garantie, le
contrat de dépôt s'étant éteint par la voie de
l'accessoire. Les juges du fond avaient refusé sa demande au motif que
la dette de restitution du dépôt de garantie s'était
compensée avec la dette de loyer. Le liquidateur forma alors un pourvoi
en cassation rédigé comme suit : « ...la somme
remise à titre de cautionnement par l'une des parties à l'autre a
le caractère d'un dépôt de garantie et ne devient pas la
propriété du dépositaire ( nous soulignons) ; que
celui-ci dispose seulement sur cette somme d'un droit de rétention tant
que le déposant ne s'est pas acquitté de sa dette et que ce
mécanisme juridique est exclusif, en l'absence de toute clause
contractuelle l'autorisant, d'une compensation entre le montant du
dépôt, resté la propriété du déposant,
et la créance alléguée par le
dépositaire ». En d'autres termes, la remise d'une somme
d'argent remise à titre de dépôt de garantie constitue un
gage et le créancier ne peut se l'approprier en dehors d'une stipulation
conventionnelle. En l'absence d'une telle clause, la compensation n'est pas
envisageable. La question se posait alors de savoir si le montant du
dépôt de garantie pouvait se compenser avec le montant de la dette
principale alors que la clause de garantie ne prévoyait aucune
compensation conventionnelle. La Cour de cassation rejeta le pourvoi aux motifs
suivant : « dès l'instant de leur
remise à la COGEMCO (le bailleur) ou à son
syndic, les sommes déposées à titre de
garantie de l'exécution des obligations par le locataire
gérant sont devenues, en raison de leur nature
fongible (nous soulignons), la propriété de la
COGEMCO à l'égard de laquelle M.B. (le
locataire-gérant) ne disposait plus que d'un droit de
créance ». Cette analyse rejoint l'idée que le
détenteur devient propriétaire de la somme à la suite
d'une confusion entre les choses remises et celles lui appartenant. Ce
transfert de propriété a lieu « dès leur
remise » car elles perdent leur identité à ce moment
précis. Cette analyse a été reprise par le
législateur.
C) La transcription législative de
l'analyse
Suite aux propositions du Groupe Grimaldi, le
législateur a avalisé la jurisprudence sur la question du
transfert de propriété. Ce transfert de propriété
vaut aussi bien en présence de monnaie fiduciaire que de monnaie
scripturale.
62. La distinction du gage de monnaie fiduciaire et
du nantissement de monnaie scripturale - Le nouveau droit des
sûretés réelles a proposé une division des
sûretés mobilières en fonction de la nature corporelle ou
incorporelle de l'objet donné en garantie. Désormais, le gage ne
peut avoir que pour objet « un bien ou un ensemble de biens
corporels, actuels ou futurs » (nouvel Article 2333 du Code
civil). Parmi ces biens corporels, la monnaie fiduciaire en fait partie
répondant ainsi aux voeux des praticiens98(*) et d'une partie de la doctrine99(*). Le nouvel article 2241 du
Code civil dispose que : « Lorsque le gage avec
dépossession a pour objet des choses fongibles, le créancier est
tenu de les tenir séparées des choses de même
qualité et de même espèce lui appartenant. Si la
convention le dispense de cette obligation, il en acquiert la
propriété, à charge d'en restituer de même
qualité et de même espèce ».
Désormais, il est acquis que si les sommes d'argent ne sont pas
individualisées après leur remise, le créancier en devient
propriétaire, à charge d'en restituer par équivalent.
Cette disposition rejoint l'analyse exposée selon laquelle le
« transfert de propriété » découle de
la confusion des sommes remises avec celles appartenant au créancier.
63. L'absence de règles similaires en
matière de nantissement de monnaie scripturale - Cette
même conséquence se retrouvera en matière de nantissement
de monnaie scripturale. Ce nantissement relève normalement des
règles applicables au nantissement de biens incorporels. Toutefois,
l'ordonnance du 23 Maris 2006 n'a prévu qu'une situation : le
nantissement de compte en cours de fonctionnement. Cette variété
de gage-espèces est un nantissement sans dépossession. Le
constituant affecte en garantie de ses dettes le solde de son compte en banque.
Il ne concerne pas la situation juridique envisagée.
64. Une solution identique par renvoi aux
règles du gage de meubles corporels - Mais le renvoi
opéré par le nouvel article 2335 alinéa 5 aux
règles du gage de biens meubles corporels amènera une solution
identique. Le créancier qui recevra un virement de monnaie scripturale
aura l'obligation de la tenir séparée du reste de son compte en
banque. En d'autres termes, il devra ouvrir un compte d'affectation
spéciale sur lequel il inscrira les sommes remises à titre de
nantissement. Ce qui en pratique se révèlera coûteux. S'il
se fait dispenser par la convention de cette obligation de conservation de
l'assiette de la garantie, il en deviendra donc propriétaire par
application de l'article 2341 alinéa 2 du Code civil.
.
65. Conclusion du §2 - L'analyse
classique du gage-espèces résout le problème
d'identification de l'assiette du gage-espèces par un transfert
de propriété. Analysé à partir des sommes d'argent
affectées en garantie, le gage-espèces est un gage translatif de
propriété. La perte de leur
« identité » dès leur remise empêche de
les distinguer au sein d'un ensemble contenant les sommes remises et les sommes
appartenant au créancier. Le propriétaire qui souhaiterais alors
les revendiquer ne le pourrait pas, ne pouvant pas démontre
l'identité des choses remises. Le transfert de propriété
est accidentel : il n'est justifié que par une impossibilité
de preuve. La réforme du droit des sûretés a tenté
de pallier ce problème en imposant au créancier
bénéficiaire de la sûreté, au titre de son
obligation de conservation, de les tenir séparés de celles lui
appartenant. Mais la dispense de cette obligation entraîne la
conséquence habituelle : le créancier devient
propriétaire à charge de « restituer » par
équivalent.
A l'inverse, le gage-espèces n'est pas translatif de
propriété lorsque les parties mettent en place une structure
permettant de maintenir les unités monétaires à un
état individualisé tout au long de la garantie (Section II).
SECTION II : LA NATURE
JURIDIQUE DU GAGE-ESPECES EN PRESENCE D'UN MAINTIEN DE L'INDIVIDUALITE DE SON
ASSIETTE : UNE SURETE NON-TRANSLATIVE DE PROPRIETE
L'analyse classique qualifie le gage-espèces de gage
stricto sensu lorsque les parties mettent en place une structure
permettant de maintenir les unités monétaires à un
état isolé c'est-à-dire séparé du patrimoine
du créancier. L'individualisation des unités monétaires
les font passer ainsi à l'état de corps certain permettant alors
aux règles du gage de fonctionner normalement (§1). Cette
individualisation a un effet sur la qualification des sommes d'argent : elles
ne sont ni fongibles ni consomptibles (§2).
§1 / L'individualisation
des unités monétaires, condition de la qualification de gage (ou
de nantissement)
66. La nécessité d'un corps certain
- Le gage ne peut porter que sur un corps certain c'est-à-dire
un bien déterminé et distinct des autres biens appartenant au
créancier. La pratique s'est mis alors à imaginer des techniques
permettant d'isoler les unités monétaires dont celle du compte
s'est avérée la plus efficace (I). Cette technique du compte
spécial a permis alors de concevoir un véritable gage sur des
sommes d'argent, qualification avalisée par la jurisprudence (II) et
confirmée par la réforme des sûretés (III).
I) Le compte en banque, instrument de maintien de
l'individualisation des sommes d'argent remises à titre de
garantie
67. Le compte : un corps certain - Le
compte en banque est la technique d'individualisation des unités
monétaires sous forme scripturale : la titularité du compte
accompagnée de l'indisponibilité de son solde permet de mettre en
place un véritable gage sur sommes d'argent. A ce stade, il se pose
alors la question de savoir quel est l'objet du nantissement : le solde du
compte ou les sommes inscrites au crédit du compte. La nature juridique
de la monnaie scripturale est controversée en doctrine. Partant de la
nature juridique du dépôt bancaire, l'analyse classique qualifie
cette forme de monnaie de créance, c'est-à-dire de droit
personnel (A). Une analyse récente, partant d'une analyse juridique
renouvelée du dépôt bancaire, qualifie la monnaie
scripturale de bien (B).
A) La qualification de
créance fondée sur la fongibilité monétaire :
renvoi.
68. L'influence du transfert de
propriété des fonds déposés sur la nature juridique
de la monnaie scripturale - L'analyse classique admet, sur le
fondement de la fongibilité monétaire, que le banquier
dépositaire devient propriétaire des sommes d'argent remises en
banque. En contrepartie, le déposant acquiert une créance de
somme d'argent envers son dépositaire. La monnaie scripturale
étant l'inscription des avoirs en banque d'un client, les auteurs en ont
conclu que ces inscriptions ne faisaient que constater les créances
réciproques des parties qui se compensent entre elles au fur et à
mesure. Le solde disponible d'un compte en banque étant alors le reflet
de la créance de somme d'argent au bénéfice tantôt
du client, tantôt du banquier. Cette analyse pourrait être
facilement admise dès lors que l'on admet que le banquier devient
propriétaire des avoirs déposés en banque. C'est ce qu'a
décidé la jurisprudence a maintes reprises.
Cette analyse personnaliste des relations bancaires a
été remise en cause par des auteurs.
B) La qualification de bien fondée sur une
analyse renouvelée des relations bancaires :
renvoi.
69. Le rejet du transfert de la
propriété des unités monétaires au banquier
dépositaire - Dans le cadre de sa thèse, M. LIBCHABER a
étudié la question de la propriété de la monnaie
scripturale100(*).
Partant d'une analyse affinée de la volonté des parties,
notamment des « intérêts
prépondérants101(*) » des parties en cause, cet auteur nous
propose une distinction selon que le client dépose son argent sur un
compte tout en ayant l'intention de l'utiliser à tout moment, ou au
contraire qu'il le dépose dans une perspective de
rémunération à long terme. Dans le premier cas, la
qualification de dépôt irrégulier doit être
rejetée. Le client dans le cadre d'un compte de dépôt
classique conserve la libre disposition des fonds qui y sont
déposés et partant leur propriété. Le banquier ne
peut refuser un retrait d'argent ou un virement ou l'encaissement d'un
chèque tant que le client dispose des avoirs inscrits en compte. Cette
analyse est confortée par l'analyse dualiste de la monnaie en
unités de valeur et unités de paiement. En effet, lorsqu'un
client dépose de l'argent en banque, sa monnaie ne fait que changer de
support, elle passe d'un support papier ou métallique à un
support incorporel, l'écriture en compte ou le compte en banque. Mais ce
changement de support n'a pas pour effet d'altérer l'unité de
paiement c'est-à-dire de la faire disparaître juridiquement du
monde des choses. L'unité de paiement circulera soit par un instrument
de paiement mis à disposition par le banquier pour aller dans un autre
support incorporel ou le client pourra redemander qu'elles soient
intégrées dans un support corporel. Cette analyse
renouvelée de la monnaie à partir de son essence, l'unité
de paiement, et non de son support permet alors au déposant de rester
propriétaire des unités de paiement. Par la titularité du
compte, il demeure propriétaire des unités monétaires
qu'il contient. Mais un problème de preuve de l'identité des
sommes d'argent déposées demeure.
70. Le compte en banque : une
universalité ? - Cette analyse renouvelée du
dépôt bancaire ne règle pas le problème de
l'identité. En effet, en aliénant les unités
monétaires contenues dans le compte, le banquier rendra des
unités monétaires équivalentes à celles
déposées. Comment alors maintenir le lien d'appropriation ?
La réponse à cette question est à rechercher dans la
nature du compte en banque. Un auteur102(*) récent a qualifié le compte en banque
d'universalité. Dès lors l'objet du dépôt ne
consiste pas dans les unités monétaires qui sont contenues dans
le compte mais celui-ci. Il constitue l'objet certain du contrat de
dépôt. C'est en ce sens qu'il est un dépôt
régulier. Son objet n'est pas « fongible », ce sont
les éléments contenus qui le sont.
L'analyse selon laquelle le gage-espèces constitue un
gage lorsque les sommes d'argent affectées en garantie sont inscrites au
crédit d'un compte ouvert au nom du constituant mais bloqué au
profit du créancier a été confirmée par la
jurisprudence.
II) La confirmation jurisprudentielle de l'analyse
classique
La jurisprudence n'hésite pas à conserver la
qualification de gage lorsque les sommes d'argent sont déposées
dans un compte spécial et affecté à cette fin. On peut
retrouver quelques affaires en jurisprudence illustrant cette affirmation.
71. Pacte commissoire et gage-espèces -
Par un arrêt du 9 avril 1996103(*), la Chambre commerciale de la Cour de cassation a
appliqué les règles du gage à un
« gage-espèces ». Les circonstances de l'affaire
expliquent cette solution. En l'espèce, afin de garantir un prêt
d'argent, un tiers avait ouvert dans les livres de la banque prêteuse et
bénéficiaire de la garantie un compte spécial sur lequel
elle avait déposée une somme d'argent. Le contrat de garantie
prévoyait en outre que la banque pouvait s'approprier les sommes
d'argent en cas de défaillance du débiteur. A la suite de la mise
en redressement judiciaire du débiteur, le créancier avait
compensé les dettes de remboursement avec les sommes d'argent
déposées en garantie. Le représentant des
créanciers avait alors assigné les parties au contrat de gage en
se fondant sur la prohibition du pacte commissoire. La Cour de cassation rejeta
le pourvoi aux motifs suivants : « N'est pas un pacte
prohibé par l'article 2078 du Code civil la stipulation d'attribution
par le créancier d'un gage constitué en espèces
à due concurrence du défaut de paiement ». Notons que
cet arrêt vient après celui du 29 mai 1994 qui avait admis le
transfert de propriété des sommes d'argent remises au
créancier à titre de garantie. La cour de cassation dans cette
espèce amène un raisonnement différent. Elle cherche
à savoir si l'article 2078 était applicable en la cause. Et elle
rejette son application non pas en raison que la sûreté ne
s'analyserait pas en un gage mais parce que la prohibition du pacte commissoire
n'a plus de raison d'être104(*) lorsque l'objet du gage consiste en une somme
d'argent, bien facilement évaluable en ce que sa valeur correspond
à sa substance.
72. Gage-espèces et opposabilité du
contrat de gage - Cette analyse est renforcée par un
arrêt de la Troisième chambre civile de la Cour de cassation en
date du 23 avril 2003105(*). En l'espèce un débiteur avait
consenti un gage-espèces à son créancier, les sommes
étant déposées alors sur un compte spécial. A la
suite d'une saisie-attribution du compte spécial par un créancier
du débiteur, celui-ci n'a pu obtenir satisfaction, la Banque l'ayant
informé que la somme inscrite au crédit du compte faisait l'objet
d'un gage. Le tiers saisissant assigna alors les parties au contrat de gage
devant le juge de l'exécution afin de faire déclarer le contrat
de gage inopposable au motif qu'il n'a pas été constaté
par écrit. Les juges du fond ayant accordé la demande du tiers
saisissant, le créancier forma alors un pourvoi en cassation pour
violation des articles 2074, 1141 et 2079 du Code civil. Selon le pourvoi :
« l'opposabilité aux tiers du gage portant sur des
espèces consomptibles et fongibles, dont la remise emporte transfert
immédiat de propriété au profit du créancier
gagiste (nous soulignons), n'est pas subordonnée à
l'enregistrement de l'acte sous-seing privé qui le
constate ». En d'autres termes, le gage-espèces, en
raison de la nature consomptible et fongible de son objet, ne constitue pas
juridiquement un gage. Dès lors la cour d'appel aurait violé
l'article 2074 du Code civil par fausse application. La question se posait
alors de savoir si le gage-espèces en cause était un gage ou non.
La Cour de cassation rejette le pourvoi par un attendu qui mérite
d'être retranscrit : « le gage-espèces consenti par
M. X... à la Banque française par un acte sous-seing privé
a été réalisé au moyen de l'inscription sur un
compte spécial des sommes affectées à la garantie de la
créance de la banque et prélevées sur son compte, c'est
à bon droit que l'arrêt retient que la dépossession qui a
été réalisée par cette inscription, n'est
pas opposable aux tiers en l'absence d'écrit ayant date
certaine ». La cour de cassation part ainsi de deux
séries de circonstances pour valider l'application de l'article 2074 du
Code civil : d'une part, les sommes d'argent avaient été
inscrites sur un compte spécial et d'autre part, la dépossession
s'était réalisée dès cette inscription. Dès
lors il s'agissait d'un gage qui devait avoir date certaine pour être
opposable au tiers saisissant. Le compte, en tant qu'instrument
d'individualisation des sommes d'argent, donne un maintien de
l'individualité des sommes d'argent. Cette isolation empêche que
les sommes se confondent avec celles appartenant au créancier. Elles ne
sont alors ni fongibles ni consomptibles. De plus, cet arrêt rejette
l'analyse en termes de créance. L'objet du gage n'est pas la
créance de solde mais la somme d'argent inscrite en compte. C'est cette
inscription qui réalise la dépossession.
73. Conclusion - L'affectation de sommes
d'argent en garantie par leur inscription dans un compte spécial
constitue un véritable gage. Cette qualification résulte du fait
que le compte joue un rôle
d' « individualisation » des sommes d'argent. Cette
solution avait été proposée par le groupe de travail
dirigé par le Professeur Grimaldi
III) Les propositions du Groupe Grimaldi
Le Projet Grimaldi a proposé cette analyse mais en
faisant une distinction selon que l'objet de la sûreté consistait
en de la monnaie fiduciaire ou de la monnaie scripturale.
A) Le gage de monnaie fiduciaire
74. Renvoi - Dans l'esprit du Groupe de
travail Grimaldi, ce qui est affecté en garantie est le support
lui-même. Ainsi, le gage ne peut avoir pour objet que des pièces
métalliques ou des billets de banque. Dans ce cas, la
sûreté tombera sous le coup des règles relatives au gage de
bien corporel.
75. L'individualisation des sommes d'argent :
une modalité de l'obligation de conservation du créancier gagiste
- Afin d'assurer l'individualité de l'assiette de la
sûreté, le Projet Grimaldi impose au créancier de maintenir
les pièces et billets de banque à un état isolé.
L'article 2338 du Projet Grimaldi prévoyait en effet que :
« Lorsque le gage avec dépossession a pour objet des
choses fongibles, il doit les tenir séparés des choses de
même nature qui lui appartiennent ». Ainsi, le
créancier qui reçoit des billets de banque doit les maintenir
à l'écart des billets lui appartenant. Cette obligation
relève de l'obligation de conservation106(*). Elle est sanctionnée par la restitution du
« bien gagé 107(*)» (Article 2339 C.civ.).
B) Le nantissement de monnaie
scripturale
Le projet Grimaldi prévoyait trois types de
nantissement sur biens incorporels : le nantissement de
créance, le nantissement de monnaie scripturale et le nantissement
d'instruments financiers. Les deux premiers nantissements concernent le
gage-espèces. Il y avait donc un gage-espèces sans
dépossession et un gage-espèces avec dépossession. Dans
les deux situations, l'objet du nantissement est différent.
1) Le nantissement de créance
76. Le nantissement de créance ou
l'affectation en garantie de la créance de solde d'un compte en
cours de fonctionnement - Parmi les dispositions relatives au
nantissement de créance, le Projet Grimaldi prévoyait un article
2348 alinéa 2 rédigé comme suit :
« Lorsqu'il (le nantissement) porte sur un compte, la
créance nantie s'entend du solde créditeur, provisoire ou
définitif, au jour de la réalisation de la
sûreté. ». Dans l'esprit du Groupe Grimaldi,
l'affectation en garantie d'un compte en cours de fonctionnement s'analyse en
un nantissement de créance. On retrouve ici la théorie du
dépôt irrégulier.
2) Le nantissement de somme d'argent
77. Le nantissement de monnaie scripturale ou
l'affectation en garantie de la somme d'argent inscrite au crédit d'un
compte bloqué - L'article 2357 du Projet Grimaldi
définissait le nantissement de monnaie scripturale de la manière
suivante : « Le nantissement de monnaie scripturale est la
convention par laquelle le constituant affecte en garantie d'une obligation des
fonds inscrits sur un compte bloqué ouvert à son nom par
un établissement habilité à les recevoir ».
Cette définition relate les solutions jurisprudentielles
antérieures. Il s'agit de la situation dans laquelle le constituant
affecte en garantie des sommes d'argent qu'il isolera sur un compte
bloqué ouvert à son nom. Par cette technique, les sommes d'argent
sont individualisées. La théorie du dépôt
irrégulier ne joue pas.
IV) L'ordonnance du 23 Mars 2006 ; une réforme
inachevée
Le législateur n'a repris que deux solutions
proposées par le Groupe Grimaldi : le gage de monnaie fiduciaire
(A) et le nantissement de solde de compte en cours de fonctionnement (B).
A) Le gage de monnaie fiduciaire
78. L'obligation de conservation de l'assiette du
gage : renvoi - Dans l'esprit du législateur, la remise de
monnaie fiduciaire à titre de garantie relève des règles
du gage. Le nouvel article 2341 du Code civil dispose que :
« Lorsque le gage avec dépossession a pour objet des
choses fongibles, il doit les tenir séparées des choses de
même nature qui lui appartiennent. A défaut, le constituant
peut se prévaloir des dispositions du premier alinéa de l'article
2344 ».
Ainsi, le créancier a désormais l'obligation de
maintenir l'individualité des sommes d'argent remises à titre de
gage. Cette obligation découle directement de l'obligation de
conservation du créancier gagiste. Dès lors si le
créancier ne respecte pas cette obligation, le constituant est en droit
de réclamer la restitution des sommes d'argent affectées en
garantie. C'est ce que prévoit l'article 2344 aliéna du Code
civil : « Lorsque le gage est constitué avec
dépossession, le constituant peut réclamer la restitution du
bien gagé, ..., si le créancier ne satisfait pas à son
obligation de conservation du gage ».
B) Le nantissement de compte en cours de
fonctionnement
79. Le nantissement de compte en cours de
fonctionnement : un nantissement de créance - Le
législateur n'a prévu que le nantissement de compte en cours de
fonctionnement. Dans son esprit, il s'agit d'un nantissement de créance.
Encore une fois, la fongibilité monétaire influe directement sur
la qualification de la sûreté.
Le nouvel article 2360 alinéa 1 prévoit
que : « Lorsque le nantissement porte sur un compte, la
créance nantie s'entend du solde créditeur, provisoire ou
définitif, au jour de la réalisation de la
sûreté... ». Le nantissement de compte en cours de
fonctionnement a pour objet la créance de solde existante au jour de la
réalisation de la sûreté. Il s'agira alors d'un
nantissement de créance future.
C) Le nantissement de monnaie
scripturale
80. Le nantissement de compte
bloqué : renvoi aux règles du gage de biens corporels
- Le nantissement de monnaie scripturale, tel que proposé par
le Groupe Grimaldi, n'est pas prévu par la loi nouvelle.
Toutefois, l'article 2355 al.5 permet son existence. En
effet, cette nouvelle disposition prévoit que :
« Celui (le nantissement) qui porte sur d'autres meubles
incorporels est soumis, à défaut de dispositions
spéciales, aux règles prévues pour le gage de meubles
corporels ». Cette disposition permet de constituer un
nantissement de monnaie scripturale inscrite au crédit d'un compte
bloqué. Il s'agira d'un nantissement de choses incorporelles tenues
séparément de celles appartenant au créancier. On
retombera alors sous l'empire de l'article 2341 du Code civil avec obligation
de conservation et sa sanction par l'action en restitution des sommes inscrites
au crédit du compte.
81. Le nantissement de monnaie scripturale :
renvoi aux règles du gage de biens corporels - De même
l'affectation en garantie de monnaie scripturale par remise directe au
créancier sera soumise aux règles du gage. Ainsi, le
créancier aura l'obligation de les tenir séparément de
celle lui appartenant. Cette application de la règle posée
à l'article 2341 al.1 n'est pas adaptée au regard des modes de
circulation de cette monnaie. La remise de monnaie scripturale se fera par
inscription en compte soit au moyen de l'encaissement d'un chèque ou de
l'exécution du virement. Lors de l'inscription au crédit du
compte appartenant au créancier, les unités scripturales
viendront se fondre dans le compte en banque. Dès lors il deviendra
difficile au créancier de « les tenir
séparées des choses de même nature lui
appartenant ». Il ne pourra même pas identifier la monnaie
scripturale ainsi remise. Il en deviendra donc propriétaire dès
l'inscription au crédit du compte. Ainsi, le nantissement de monnaie
scripturale constituera un transfert de propriété à titre
de garantie. Le créancier aura une obligation de
« restitution » par équivalent. Les règles
prévues sont donc inadaptées à ce type de nantissement.
82. Conclusion : l'éclatement de la
nature juridique du gage-espèces - Cette aperçu rapide
démontre que la réforme n'a pas réglé tous les
problèmes relatifs au gage-espèces. Cette sûreté n'a
pas un régime juridique mais plusieurs régimes juridiques :
gage de bien corporel (gage de monnaie fiduciaire), nantissement de
créance (nantissement de compte en cours de fonctionnement),
nantissement de monnaie scripturale (nantissement de compte bloqué),
transfert de propriété à titre de garantie (gage de
monnaie fiduciaire sans obligation de conservation, nantissement de monnaie
scripturale). La réforme du droit des sûretés
prévoit que le constituant conserve la propriété de la
somme d'argent affectée en garantie. Mais cette conservation de la
propriété est fragile. Elle suppose que le créancier
maintienne la somme séparée de celles lui appartenant. Si cette
solution est théoriquement possible en présence d'un gage ayant
pour objet de la monnaie fiduciaire, elle est impraticable en matière de
nantissement de monnaie scripturale.
§2 / Les effets de
l'individualisation sur la qualification juridique de la monnaie
L'individualisation des sommes d'argent a un
effet sur leur qualification juridique (I). Cette qualification empêche
le transfert de propriété (II).
I) L'influence de l'individualisation sur la
qualification juridique des sommes d'argent affectées en garantie
83. Rapport entre l'individualisation et la
qualification juridique - L'individualisation des sommes d'argent
entraîne un effet sur la qualification de la monnaie. En effet, la
monnaie est considérée comme une chose de genre. Cette
qualité de chose de genre impose aux parties à un contrat non
translatif de propriété de les individualiser. Cette
individualisation les fait passer alors à l'état de corps
certain. Les sommes d'argent seraient donc plus des choses fongibles si les
parties mettent en place permettant de maintenir leur individualisation. En
matière de gage-espèces, la technique la plus utilisée est
l'inscription dans un compte bloqué108(*). Celui-ci joue un rôle d'individualisation des
sommes d'argent. Par suite, elles ont une identité propre. C'est ainsi
qu'elles ne sont plus fongibles. On retrouve une trace de cette idée
dans un arrêt récent109(*) rendu par la Première chambre civile de la
Cour de cassation. En l'espèce, un client avait affecté en
nantissement un P.E.P. afin de garantir toutes les dettes qu'il pourrait devoir
à son banquier. Celui-ci, afin d'éteindre les dettes dues par son
client avait compensé celles-ci avec le solde du P.E.P. Les juges du
fond avaient refusé cette compensation au motif que le contrat de
nantissement ne prévoyait pas de pacte commissoire, seule cette clause
pouvant justifier cette compensation. Le banquier forma alors un pourvoi en
cassation qui mérite d'être retranscrit fidèlement pour le
besoin de la démonstration. Selon le pourvoi :
« qu'ayant constaté que les sommes déposées
sur un compte PEP et données en garantie à la CRCMM (le
créancier) constituaient un gage-espèces, ce dont il avait
résulté un effet translatif de propriété110(*)... ». En
d'autres termes, l'affectation en garantie de sommes d'argent, en raison de
leur nature fongible et consomptible, a un effet translatif de
propriété. La question se posait alors de savoir si l'affectation
en garantie de sommes d'argent déposées sur un compte PEP avait
un effet translatif ou non. La Première chambre civile rejette le
pourvoi aux motifs suivants : « Mais attendu qu'ayant
constaté que le gage consenti par Mme LEFEVRE au Crédit Maritime
avait été réalisé au moyen de l'inscription de
sommes en espèces sur un compte d'épargne
rémunéré dont la stabilité devait permettre
l'obtention d'exonérations fiscales et d'une prime d'épargne,
ce dont il résultait que les sommes d'argent n'étaient ni
consomptibles ni fongibles (nous soulignons)... ». Ainsi,
l'individualisation de sommes d'argent sur un compte bloqué influe sur
leur qualification juridique : elles ne sont ni fongibles ni
consomptibles.
84. Une confusion des notions de
choses de genre et de choses fongibles - Cette analyse est
conséquente de la confusion des notions de choses de genre et de choses
fongibles. Les premières doivent être individualisées pour
avoir une identité. Les secondes sont des choses interchangeables :
elles concernent autant les choses de genre que les corps certains. A notre
avis, l'inscription de sommes d'argent au crédit d'un compte ouvert au
nom du constituant ne leur enlève pas le caractère de
fongibilité. La question est de savoir si les parties conviennent ou non
que le créancier restitue les espèces mêmes
déposées ou d'autres espèces de même qualité
et de même espèce. La réponse à cette question
conditionne la qualification de choses fongibles. L'individualisation est
propre à la notion de choses de genre.
II) L'influence de la qualification sur le sort du droit
de propriété du constituant
85. Rapport entre qualification juridique et
transfert de propriété - L'individualisation a un effet
sur la qualification juridique des sommes d'argent : elles ne sont ni
fongibles ni consomptibles. En raison de cette qualification négative,
le constituant conserve son droit de propriété. En effet, le
transfert de propriété est justifié par le fait que les
sommes d'argent qui ne sont pas maintenues à un état
individualisé après leur remise au créancier sont des
choses fongibles et consomptibles. Le transfert de propriété
était soit justifié par le fait que le constituant comme le
créancier ne peuvent reconnaître les sommes d'argent en raison de
leur confusion (la perte d'identité est alors assimilé à
une perte de propriété), soit par le fait que le créancier
ne pourrait en user sans accomplir un acte de disposition. En présence
d'une individualisation, le raisonnement est inversé. Les sommes
d'argent ne sont pas fongibles, c'est-à-dire qu'elles ont par
l'individualisation une identité propre : ce sont des corps
certain. Cette certitude empêche alors une confusion. Elles ne sont pas
consomptibles : le créancier peut déterminer de
manière certaine les sommes d'argent dont il peut disposer. Dès
lors il n'y a pas de transfert de propriété. C'est ainsi qu'a
raisonné par exemple la Première chambre civile dans
l'arrêt du 15 novembre 2005 : « Mais attendu qu'ayant
constaté que le gage consenti par Mme LEFEVRE au Crédit Maritime
avait été réalisé au moyen de l'inscription de
sommes en espèces sur un compte d'épargne
rémunéré dont la stabilité devait permettre
l'obtention d'exonérations fiscales et d'une prime d'épargne,
ce dont il résultait que les sommes d'argent n'étaient ni
consomptibles ni fongibles (nous soulignons), la cour d'appel en a
exactement décidé que la propriété de ces sommes
n'avait pas été transférée au Crédit
maritime... ».
La jurisprudence actuelle donne donc un fondement naturaliste
à la classification des sûretés. Tout dépend donc de
la qualification de la chose objet du contrat. Si il est fongible et partant
consomptible, le gage-espèces est tout sauf un gage. La
propriété est « transférée » au
créancier. Si il n'est pas fongible (ou un corps certain) et partant non
consomptible, la sûreté s'analyse en un véritable gage.
Cette analyse est donc très éloignée de la volonté
des parties.
86. Conclusion de la section II - Cette
brève présentation de l'analyse actuelle du gage-espèces
avait pour but de mettre en évidence la dépendance de la
qualification du contrat liant les parties à celle de son objet. Dans le
cas où les unités monétaires sont remises directement au
créancier, les unités monétaires sont qualifiées de
biens fongibles et consomptibles. De cette qualification juridique en
découle un transfert de propriété au profit du
créancier accipiens, excluant par suite la qualification de
gage (pourtant plus conforme à la volonté des parties) pour celle
de transfert de propriété à titre de garantie. A
l'inverse, l'individualisation des unités monétaires par leur
intégration dans un compte spécial influe sur leur qualification
juridique : elles constituent des choses ni fongible, ni consomptibles. De
cette qualification négative en découle l'exclusion de l'effet
translatif de propriété. Dès lors, la sûreté
est qualifiée de gage au sens strict du terme.
Cette analyse est contestable et contestée pour
plusieurs raisons. Tout d'abord, elle exclut la volonté des parties de
l'analyse juridique de la sûreté ; peu importe le contrat en
vertu duquel les sommes d'argent ont été remises : le fait
qu'elles sont remises à titre de gage n'empêche pas une
déformation de la volonté des parties. Ensuite, elle
déforme les qualifications juridiques des biens. En attachant une
qualification juridique selon un maintien ou non de l'individualisation des
unités monétaires, il s'opère une confusion entre les
notions de choses fongibles et de choses de genres. L'individualisation est une
notion propre à celles des choses de genre. Même après leur
individualisation, elles conservent la qualité de choses fongibles.
Enfin, cette analyse est contraire à la théorie des modes
d'acquisition de la propriété111(*). Ni la fongibilité, ni la
consomptibilité des biens ne sont des modes d'acquisitions de la
propriété. Par contre elles entraînent des obstacles
techniques. La fongibilité d'un bien empêche son identification
dès lors qu'il est mêlé à des choses de même
nature. La consomptibilité empêche qu'une chose puisse être
utilisée en dehors de leur aliénation.
Mais, il ne faut pas résoudre ces obstacles techniques
par la résignation mais par la recherche d'une solution adaptée.
L'universalité en est une.
CHAPITRE II : L'ANALYSE
RENOUVELEE DU GAGE-ESPECES FONDEE SUR LA VOLONTE DES PARTIES
87. Recherches de solutions nouvelles -
Comme nous venons de le présenter, l'analyse actuelle du
gage-espèces passe par la qualification juridique de son objet. Selon
que celui-ci est qualifié de bien fongible et consomptible ou non, le
gage-espèces a une nature juridique dualiste. Lorsque les parties ne
mettent pas en place un mécanisme d'individualisation des sommes
d'argent, le créancier accipiens en deviendrait
propriétaire, à charge de « restituer » le
même montant au cas où le débiteur paye la dette garantie.
En revanche, lorsqu'elles mettent en place une structure permettant de les
maintenir en dehors du patrimoine du créancier, la sûreté
reprend sa nature juridique modèle c'est-à-dire un nantissement.
Cette analyse pêche en ce qu'elle attribue la propriété au
créancier gagiste - du moins lorsque le nantissement est avec
dépossession - sans apporter de justification valable.
88. Les problèmes posés par la
fongibilité et la consomptibilité de la monnaie - Les
qualités de fongibilité et de consomptibilité
traditionnellement attribuées à la monnaie posent deux
problèmes.
La qualité de chose de genre (ou fongible) pose un
problème d'identification de l'assiette. Dès
leur remise, les unités monétaires deviennent indiscernables de
celles appartenant au créancier. Dès lors, il risque de se poser
un problème de preuve de l'identité des choses remises dans le
cadre d'une revendication future et éventuelle.
La nature consomptible de la monnaie pose un
problème de pouvoir. L'usage de la monnaie implique son
aliénation. Cet acte est qualifié traditionnellement d'acte de
disposition. Or ce type d'acte relève du pouvoir de disposition du
propriétaire. Ainsi, on postule une acquisition de
propriété au profit du créancier gagiste afin de justifier
cet acte d'aliénation.
Ces problèmes d'identité et de pouvoir ne
doivent pas être résolus par l'attribution de la
propriété au créancier gagiste au risque de ruiner toute
prévisibilité contractuelle. L'universalité permet de
résoudre ces problèmes.
89. Maintien de la classification dualiste à
partir de l'universalité - Toutefois, la classification
dualiste des sûretés sur l'argent est intéressante. Il ne
faudrait pas l'écarter. Ainsi, l'universalité donnant un objet
certain au contrat de sûreté, la volonté des parties peut
s'exprimer. A travers la liberté contractuelle, il est donc possible de
reconstruire une classification dualiste des sûretés
monétaires entre nantissement et sûreté fiduciaire.
La qualité de choses de genre de la monnaie oblige
les parties à passer par une figure ancienne : l'universalité
(Section I). A travers cette institution et le droit des biens dans son
ensemble, il peut être proposé une analyse renouvelée du
« gage-espèces » sans remettre en cause l'analyse
dualiste (Section II).
SECTION I /
L'UNIVERSALITE : L'OBJET CERTAIN DES SURETES SUR L'ARGENT
Nous présenterons d'abord les intérêts
qui peuvent être attachés à recourir à
l'universalité (§1), puis nous présenterons les
conditions de son existence (§2).
§ 1 : Les intérêts attachés
au recours à l'universalité
90. Commercialisation des choses de genre,
conservation des droits et liberté contractuelle - La
qualité de chose fongible des unités monétaires
empêcherait une identification de l'assiette du gage-espèces. Les
choses de genre ont la particularité de ne pas avoir d'identité :
elles appartiennent à un genre de chose, leur seule particularité
est d'y appartenir. Les choses de genre ont aussi la spécificité
de ne pas pouvoir faire l'objet d'un rapport juridique tant qu'elles n'ont pas
été individualisées. Dès lors le recours à
l'universalité s'avère nécessaire :
« la fongibilité appelle
l'universalité 112(*)». L'universalité a donc pour
première fonction de permettre aux unités monétaires de
faire l'objet d'une sûreté (I). Mais ce n'est pas sa seule
vertu : elle permet en outre de donner une mouvance à ces
unités monétaires sans remettre en cause le nantissement (II).
I) L'universalité, une institution
nécessaire à la commercialisation juridique des unités
monétaires
91. La commercialisation juridique des choses de
genre - L'entrée des choses de genre dans le commerce juridique
nécessite toujours qu'elles soient intégrées dans un objet
certain. On retrouve plusieurs exemples dans le droit positif.
92. Exemple législatif : la vente de
choses de genre - Tout d'abord, en matière de vente, les choses
de genre ne peuvent être l'objet de l'obligation de donner du vendeur
tant qu'elles ne sont pas « pesées, comptées ou
mesurées » (article 1585 C.civ.).
93. La thèse de l'individualisation -
La théorie classique appelle cette opération individualisation.
Par cette opération, les choses de genre deviennent individuelles,
c'est-à-dire des corps certains : elles seraient reconnaissables
parmi d'autres du même genre. ·Par exemple, en matière de
gage-espèces, les auteurs estiment que les unités
monétaires sont individualisées au moment de leur remise au
créancier. Le fait que ces choses soient « comptées,
pesées ou mesurées » ne leur enlève pas la
qualité de choses de genre : elles ne deviennent pas des corps
certains pour autant. La preuve en est qu'après leur remise, on estime
qu'elles viennent se fondre dans le patrimoine du créancier gagiste ou
du banquier dépositaire - en raison de leur qualité de chose de
genre (1ère Civ.7 février 1984) ou de leur nature
fongible (Com.17 mai 1994) -. Cette confusion des choses de genre entre elles
témoignent qu'elles ne peuvent jamais devenir des corps certains. Elles
seront toujours indiscernables. Reprenons à notre compte l'exemple
du paiement monétaire. L'hypothèse est que le débiteur
d'une somme d'argent a compté les unités monétaires
nécessaires pour le paiement de sa dette. Afin de les individualiser, il
les remet dans une enveloppe fermé, cachetée au nom du
créancier. Malgré cette individualisation, le débiteur ne
sera pas libérer si l'enveloppe viendrait à brûler. Si la
monnaie, choses de genre par excellence, était une chose
individualisable, c'est-à-dire pouvant devenir un corps (ou objet)
certain, il suffirait de compter le nombre d'unités monétaires en
vue du paiement et dès lors elles deviendraient la
propriété du créancier de la somme d'argent à ce
moment précis.
94. La thèse de l'universalité
- Pourtant, il n'en est rien : elles demeurent des choses de
genre jusqu'au paiement effectif de la dette de somme d'argent
c'est-à-dire au moment de leur remise. Mais lors de cette remise, le
débiteur ne remet pas un nombre d'unités monétaires mais
une universalité113(*) composée d'unités de paiement :
il remet une « somme en argent114(*) »,
c'est-à-dire « la chose donnée en
payement » (article 1238 C.civ.). C'est ainsi que M. Gérard
SOUSI explique que le débiteur n'est pas
libéré malgré l'individualisation :
« Pour le comprendre, il faut préciser que la perte d'une
chose de genre n'est concevable que dans le cas où l'obligation porte
sur une chose faisant partie d'un tout, c'est-à-dire lorsque
l'obligation porte sur un élément d'une universalité de
fait ; l'individualisation à elle seule ne suffit
pas ». Une chose de genre ne peut faire directement l'objet d'un
rapport juridique tant qu'elle n'est pas intégrée dans une
universalité. C'est ainsi que ce même auteur justifie le maintien
de l'obligation en dépit de l'individualisation des unités
monétaires : « En cas de perte donc,
l'individualisation des choses de genre ne permet pas au débiteur de se
dire libéré que si lesdites choses faisaient partie d'une
universalité précisée ; dans le cas contraire,
l'individualisation n'est d'aucun secours... ». Ainsi, les
unités monétaires devront être intégrées dans
l'universalité. Mais alors, l'objet de la remise ne sera pas les
unités monétaires elles-mêmes mais l'universalité
les contenant. Celle-ci sera alors l'objet certain du contrat. Ce
caractère de certitude de l'objet remet en cause alors le postulat de la
perte de propriété du constituant en raison de la nature fongible
des unités monétaires. Celles-ci restent fongibles mais les
droits des parties en cause ne portent pas sur elles mais sur
l'universalité.
II) L'universalité, une institution
nécessaire à la conservation des droits des parties
L'argument principal avancé par la théorie
classique pour admettre le transfert de propriété des sommes
d'argent au créancier résidait dans la perte d'identité de
l'objet du droit de propriété du constituant. Si on penche
désormais l'analyse vers l'universalité et non pas ses
éléments contenus, le raisonnement ne peut plus être le
même.
95. L'universalité : un bien distinct de
ses composantes - Par la création de l'universalité
(comme nous le verrons ultérieurement), le constituant imprime une
affectation à celle-ci. Cette affectation lui donne son
individualité : elle pourra être discernée du reste du
patrimoine du créancier gagiste. L'identification par
l'universalité de l'assiette du nantissement permet au constituant (A)
et au créancier gagiste (B) de conserver leurs droits sur
l'universalité. Cette conservation ne sera pas perturbée par la
mouvance intrinsèque de l'universalité (C).
A) La conservation du droit de
propriété du constituant
96. L'insuffisance de l'analyse classique -
Analysée le gage-espèces à partir des unités
monétaires elles-mêmes créait un obstacle technique que
l'on a résolu par l'attribution de la propriété au
détenteur. Le créancier gagiste devenait propriétaire des
« sommes d'argent » en raison de leur nature fongible.
Cette attribution de propriété résidait dans le fait que
le constituant ne pourrait prouver l'identité des sommes remises
lors d'une action en revendication.
97. L'avantage d'un raisonnement à partir de
l'universalité - Si on déplace le curseur de l'analyse
sur l'universalité, en tant que contenant, le fondement du raisonnement,
à savoir l'absence d'identité, ne sera plus valable. Le
constituant conserva son lien d'appropriation qu'il avait établit en
créant l'universalité115(*). Dès lors, que cette universalité
reste entre ses mains (nantissement sans dépossession) ou qu'elle soit
remise en la possession du créancier (gage avec dépossession), le
constituant conservera son droit de propriété.
L'intérêt sera plus grand lorsque le gage sera avec
dépossession. D'une part, il pourra agir en restitution si le
créancier gagiste ne respecte pas son obligation de conservation.
D'autre part, il pourra agir en revendication après le paiement de la ou
des dettes garanties.
B) La conservation des droits du
créancier
98. L'insuffisance de l'analyse classique en
présence d'un nantissement sans dépossession - Le
créancier conserve tous ses droits sur l'universalité.
L'universalité aura surtout un intérêt lorsque le
nantissement ou le gage est sans dépossession. Lorsque le nantissement
est sans dépossession, le constituant conserve la possession de la somme
d'argent affectée en garantie. Si l'on estime que l'objet du
nantissement réside dans les unités monétaires, le
créancier ne pourrait les identifier lors de la mise en oeuvre de son
droit de préférence. Le droit réel comme le droit de
propriété doit avoir un objet certain. Le raisonnement justifiant
la perte du droit de propriété dans le nantissement avec
dépossession de choses fongibles devrait conduire à la même
conclusion lorsque le nantissement sans dépossession a aussi pour objet
de telles choses. Dès lors le raisonnement devient préjudiciable
lorsque le gage est sans dépossession.
99. L'intérêt de l'universalité
en présence d'un nantissement sans dépossession - Si
l'objet du contrat de nantissement, et partant celui des droits des parties
(droit de propriété, droit réel) consiste dans
l'universalité, les droits du créancier seront conservés
en toute hypothèse. Il pourra exercer son droit de
préférence sur un objet certain : l'universalité.
Cette conservation des droits des parties perdure même
en cas de mouvance dans la composition de l'universalité
C) L'absence d'effet d'un changement dans la
composition de l'universalité sur les droits des parties
100. L'intérêt attaché à
la nature duale de l'universalité - Les parties au contrat de
nantissement peuvent prévoir que le créancier ou le constituant
peuvent user de la chose, notamment en aliénant les unités
monétaires (ou autres choses fongibles) comprises dans l'assiette de
l'universalité. Cette mouvance dans la composition de
l'universalité ne viendra pas perturber l'existence des droits des
parties sur l'assiette de la sûreté. II y a des exemples
législatifs et jurisprudentiels de cette analyse.
101. Les exemples légaux - En
matière législative, plusieurs textes consacrent une
indifférence d'un changement dans la composition de
l'universalité sur les droits des parties. Tout d'abord, comme nous
l'avions souligné précédemment, en matière de
garanties financières, l'autorisation accordée au
bénéficiaire d'une sûreté sur l'argent
d'aliéner les unités monétaires affectées en
garantie ne vient pas perturber l'existence du droit réel du
bénéficiaire. Son droit se reporte sur « les biens
équivalents ainsi restitués » (Article L.431-7-3,
III° Code monétaire et financier).
Ensuite dans la réforme des sûretés, on
retrouve deux exemples significatifs.
102. Le gage sans dépossession de choses
fongibles - Premièrement, dans les règles relatives au
gage de meubles corporels, le nouvel Article 2342 du Code civil prévoit
que : « Lorsque le gage sans dépossession a pour
objet des choses fongibles, le constituant peut les aliéner si la
convention le prévoit à charge de les remplacer
par la même quantité de choses
équivalentes116(*) ». Ainsi, l'aliénation des
choses fongibles contenues dans l'assiette du nantissement ne fait pas
disparaître le droit réel du créancier gagiste. Cette
possibilité s'explique par l'universalité. Le changement dans la
composition de l'universalité ne compromet pas le droit réel du
gagiste.
103. Le gage de stocks - Secondement, en
matière de gage de stocks, le nouvel article L. 527-5 alinéa 2 du
Code de commerce dispose que : « Le privilège du
créancier passe de plein droit des stocks aliénés à
ceux qui leur sont
substitués ». Cette
disposition, certes, pourrait faire croire que nous sommes en présence
d'une subrogation réelle légale. Pourtant, il n'en est rien. Le
gage de stocks de marchandises constitue un gage d'universalité
composée de choses fongibles. Pour preuve, concernant l'obligation de
« conservation » du constituant, le nouvel Article L. 527-6
du Code de commerce prévoit que : « Le
débiteur est responsable de la conservation des stocks en
quantité et en qualité117(*)... ». La référence
aux termes de « quantité » et de
« qualité » ne témoigne-t-elle pas que les
marchandises sont considérées comme des choses fongibles ?
Les marchandises sont des choses de genre118(*) c'est-à-dire des choses qui se pèsent,
se comptent ou se mesurent. Généralement, ce sont des choses
produites en séries. Cette appartenance à cette série fait
qu'elles sont quantifiables. La référence à la
quantité fait partie de la définition des choses de genre. Les
choses de genre sont des choses quantifiables. Quant à la
qualité, c'est une deuxième caractéristique de la chose de
genre. Pour qu'une chose appartienne à un genre, il est
nécessaire qu'elle ait la même qualité que les autres
choses du genre. Les marchandises étant des choses de genre, le recours
à l'universalité est nécessaire119(*) pour la constitution de la
sûreté. Par suite, le gage de stocks est un gage ayant pour objet
non pas les marchandises mais une universalité dans laquelle elles sont
intégrées. Cette intégration aura lieu soit au moment de
la conclusion de la sûreté (biens présents), soit en cours
de vie de la sûreté (biens futurs) (Article L. 527-1 6°
C.com.).
104. L'exemple jurisprudentiel : le warrant de
marchandises - La jurisprudence a eu aussi parfois recours à
l'universalité pour expliquer la conservation des droits du
créancier nanti sur l'assiette de la sûreté malgré
une substitution de nouveaux biens à ceux existants au jour de la
constitution de la sûreté. Par un arrêt du 10 mars
1915120(*), la Chambre
des Requêtes de la Cour de cassation était confronté
à la question de savoir si une clause par laquelle les parties
prévoyaient que les marchandises substituées à celles
sorties de l'assiette permettait de maintenir le droit réel du
créancier. La Cour de cassation y a répondu par l'affirmative par
l'attendu de principe suivant : « Attendu que si, aux termes
de l'article 2076 c.civ., reproduit, en matière commerciale, par
l'article 92 c.com., le privilège ne subsiste sur le gage qu'en tant que
ce gage est mis et resté en possession du créancier ou d'un tiers
convenu entre les parties, il n'en est ainsi qu'autant que les objets
donnés en gage sont des corps certains devant être
individuellement restitués ; mais que la règle ne peut pas
être applicable dans sa rigueur lorsque les marchandises
warrantées sont destinées, dans l'intention des parties et
suivant la convention elle-même, à être
aliénées au fur et à mesure de leur vieillissement et
à être remplacées par d'autres de même nature et en
égale quantité ; que dans ce cas , lorsque, par l'effet de
cette clause emportant respectivement aliénation et acquisition, les
marchandises sortent du gage, elles y sont, en vertu d'une subrogation
réelle, qui trouve son fondement dans leur fongibilité,
remplacées par les marchandises acquises qui entrent et
restent, comme celles auxquelles elles sont substituées, dans la
possession du créancier ». Cette solution est
motivée par le fait que le créancier n'a jamais perdu la
possession de l'objet gagé, en dépit de cette mouvance. Et cela
tient à ce que l'objet du contrat de gage est une
universalité : « ...l'arrêt, qui est
dûment motivé, a pu, dans ces conditions, décider à
bon droit que la Banque de France (le créancier) ne s'était
pas dessaisie de la possession juridique de son gage...puisque les Magasins
généraux (tiers convenu) n'ont cessé de détenir
l'universalité de la marchandises warrantée pour
le compte de la Banque de France ».
105. Conclusion - Ces exemples légaux
et jurisprudentiels témoignent de l'intérêt conservateur
que la double dimension de l'universalité permet. Malgré la
sortie des éléments contenus et le remplacement par d'autres de
même nature et en égale quantité, la sûreté -
et les droits des parties - demeure aussi bien dans le cadre d'un nantissement
sans dépossession qu'avec dépossession. Ce maintien du droit
réel du créancier nanti est lié à la
stabilité de l'assiette de la sûreté :
l'universalité. Les ingrédients de cette institution
(indépendance entre les éléments contenus et la structure,
subrogation réelle, obligation de remplacement...) permettent de donner
une dynamique aux sûretés sur choses fongibles, dynamique
nécessaire en présence de biens tel que la monnaie, les
marchandises ou encore les instruments financiers121(*).
§2 : L'existence et l'opposabilité de
l'universalité
L'universalité est un bien crée par la seule
volonté du constituant. Cette création répond à des
conditions précises (I). Il se pose ensuite la question de
l'opposabilité de son existence (II).
I / Les conditions de la création de
l'universalité
La création de l'universalité découle du
pouvoir de jouissance du propriétaire (A). Elle résulte d'un acte
juridique renfermant la cause de la création (B).
A) La création de l'universalité,
expression de la jouissance exclusive du propriétaire
Melle KUHN justifie la création d'une
universalité par l'exercice du pouvoir d'exclusivité du
propriétaire : « L'universalisation constitue une
modalité de jouissance des éléments contenus. La
création d'une universalité permet à un acteur juridique
d'exploiter ses biens présents et à venir dans le cadre qu'il met
lui-même en place122(*) ». Dans leur manuel de droit des
biens, les Professeurs ZENATI & REVET donne une composition dualiste de la
propriété : « Il résulte de cette
définition (celle donnée par l'article 544 du Code civil) que la
propriété consiste en deux attributs, la jouissance et la
disposition, dont l'exercice est caractérisé par la loi
comme absolu123(*) ». D'une part, elle comprend une
jouissance exclusive du bien, objet du droit de propriété. En
vertu de ce pouvoir d'exclusivité (ou jouissance exclusive), le
propriétaire peut exclure les tiers, mais aussi en tirer toutes les
utilités en fonction de sa propre volonté. D'autre part, elle
comprend un pouvoir de disposition. En vertu de ce pouvoir, le
propriétaire va effectuer des actes juridiques qui viendront modifier
l'ordonnancement juridique.
106. La commercialisation des unités
monétaires : une modalité de leur jouissance - La
commercialisation juridique des unités monétaires appartenant au
constituant relève de la première prérogative du
propriétaire : la jouissance. Comme nous l'avons souligné
précédemment, les unités monétaires, étant
des choses de genre, ne peuvent être directement l'objet d'un rapport
juridique. La mise en place d'une universalité est nécessaire
afin de conférer un objet certain (article 1108) à ce rapport
juridique. Par la mise en place de l'universalité, le
propriétaire entend jouir de ces unités monétaires. Dans
le cadre d'un nantissement ou d'une sûreté fiduciaire, le
constituant entend jouir des utilités des unités
monétaires, notamment leur valeur économique. C'est une
façon de jouir de ces unités monétaires de les affecter en
garantie. En effet, grâce à cette affectation, le constituant va
pouvoir bénéficier d'un crédit. Cette modalité de
jouissance des unités monétaires justifie alors la mise en place
d'une structure d'accueil qui permettra de les insérer indirectement
dans un rapport juridique.
B) La source de la création de
l'universalité : l'acte juridique
107. La création de
l'universalité : un acte juridique unilatéral -
Selon Melle KUHN, il ne faut pas confondre entre opposabilité des
qualifications124(*)
avec création d'un nouveau bien. L'universalité ne constitue pas
un mode de qualification des choses fongibles. L'intégration des
éléments dans une universalité ne leur fait pas perdre
leur nature juridique. Ainsi, les unités monétaires resteront des
biens fongibles125(*).
L'universalité constitue un bien. Il est créé par la seule
volonté du propriétaire. Cette volonté s'exprime à
travers un acte juridique unilatéral : « L'acte de
création relève de la catégorie de l'acte juridique
puisqu'il modifie l'ordonnancement juridique ». Par cet acte, le
propriétaire exprime une volonté : celle de créer un
bien nouveau. Il modifie aussi l'ordonnancement juridique en ce qu'il va
imposer un nouveau bien à la réalité juridique. En effet,
l'universalité constitue un nouveau bien dont le constituant sera
propriétaire. Dès lors, il s'établit une nouvelle relation
d'appartenance que le Droit devra prendre en compte et que les tiers devront
respecter.
108. La cause de l'acte de création :
l'affectation en garantie de l'universalité - Cet acte
juridique a, comme dans tous les autres types d'actes juridiques (contrat,
convention, etc.), une cause. La cause de cet acte juridique réside dans
l'affectation de la structure d'accueil126(*). En matière de gage-espèces, cette
cause sera la garantie de l'exécution d'une dette présent ou
future. La création de l'universalité, objet du futur contrat de
sûreté, est motivée par cette affectation en garantie.
II) L'opposabilité de l'existence de
l'universalité
109. L'opposabilité de plein droit par celle
du droit de propriété ? - L'universalité est
un bien créé par le propriétaire. Lors de cette
création, le propriétaire s'est approprié
l'universalité. Dès lors, il a mis en place un nouveau rapport
d'appropriation sur cet objet nouveau. Dès lors, l'opposabilité
de l'existence de l'universalité passe par celle du droit de
propriété.
Aux termes de l'article 544 du Code civil :
« La propriété est le droit de jouir et de disposer
des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on en fasse
pas un usage prohibé par les lois ou règlements ».
Le caractère d'absoluité de la propriété lui
confère une opposabilité erga omnes127(*) Les tiers doivent
respecter la propriété d'autrui sans que l'on passe par une
modalité spécifique : « L'opposabilité
de plein droit n'organise pas l'information des tiers, ils sont censés
l'être128(*) ». Par le droit de
propriété, l'existence de l'universalité pourrait alors
être opposable. Ainsi, il ne sera pas nécessaire que l'on instaure
un système de publicité pour opposer l'existence de ce nouveau
bien immatériel.
110. Une opposabilité compliquée par la
nature immatérielle de l'universalité - Ce n'est pas la
solution adoptée par Melle KUHN. Cet auteur propose que l'on passe par
une solution adaptée en raison de la nature immatérielle du bien.
Dès lors, elle propose que l'opposabilité de l'existence de
l'universalité passe par l'information. Ainsi, une distinction est
proposée entre le cocontractant et les tiers.
111. L'opposabilité au cocontractant
- Concernant le cocontractant, l'opposabilité de
l'universalité passera par la conclusion du contrat.
Dans le projet Grimaldi, l'article 2358 (relatif au
nantissement de monnaie scripturale) imposait les mentions obligatoires
suivantes à titre de validité de la convention :
« L'acte détermine la ou les créances garanties et
le montant des fonds nantis. Il identifie129(*) le compte bloqué ». Cette
énumération comprenait à la fois le contenant
(« le compte bloqué ») et les éléments
contenus (« le montant des fonds nantis »). De plus, la
validité du contrat de nantissement n'était pas
subordonnée à la remise des fonds au jour de la convention.
L'intégration des unités monétaires dans le compte
bloqué n'était qu'une condition d'opposabilité aux tiers
de lé dépossession (article 2360 du Projet Grimaldi).
Dans les dispositions relatives au gage de meubles corporels,
le nouvel article dispose que : « Le gage est parfait par
l'établissement d'un écrit contenant la désignation de la
dette garantie, la quantité de biens donnés en gage ainsi
que leur espèce ou leur nature ». Les
mentions obligatoires imposées par la loi ne prévoient que
l'indication des éléments intégrés ou à
intégrer dans l'universalité. Mais, en présence de choses
de genre, il sera nécessaire aux parties de préciser que le gage
porte sur un « ensemble de biens mobiliers présents ou
futurs » (nouvel article 2333 C.civ.). Ce sera cet ensemble qui
constituera l'objet du contrat de nantissement. L'indication dans
l'instrumentum de la « quantité et de
l'espèce ou la nature des biens donnés en gage »
ne font préciser quels sont les éléments
intégrés - ou à intégrer en présence de
« biens corporels futurs » - dans l'universalité.
L'instrumentum permettra donc d'imposer l'existence de
l'universalité au créancier.
112. L'opposabilité aux tiers -
L'opposabilité aux tiers passe par leur information. En matière
de nantissement, l'opposabilité de l'existence de l'universalité
peut passer soit par la dépossession ou la publicité. La
dépossession n'est pas un mode efficace d'opposabilité de
l'existence de l'universalité. La nature immatérielle de
l'universalité (contenant) n'est pas visible aux yeux des tiers. Ceux-ci
ne verront que le compte en banque appartenant au constituant. La mise en
possession entre les mains du créancier ne sera pas visible. La
publicité suppose la mise en place d'un registre, ce qui est un
procédé lent et incertain. L'opposabilité aux tiers de
l'existence de l'universalité pourrait passer par celle du contrat. Par
exemple, dans le droit antérieur, l'article 2074 du Code civil
organisait l'opposabilité aux tiers du contrat de gage en imposant
« qu'il y ait un acte authentique ou sous seing privé,
dûment enregistré contenant la déclaration de la somme due,
ainsi que l'espèce et la nature des biens donnés en
gage... ». L'opposabilité aux tiers pourrait donc passer
par celle du contrat. Mais cette opposabilité ne serait efficace qu'en
présence d'un acte authentique ou d'un acte sous seing privé
ayant date certaine.
Dans la réforme des sûretés, le contrat
n'est opposable aux tiers que par une dépossession ou une
publicité. Il serait toutefois envisageable d'opposer l'existence de
l'universalité par le contrat de nantissement. Dans ce cas, les parties
devront se munir d'un acte authentique ou un acte sous seing privé ayant
date certaine, c'est-à-dire dûment enregistré.
En matière de fiducie-sûreté, la
même solution devrait être adoptée. Deux systèmes
pourraient être proposés : le contrat de fiducie et le
transfert fiduciaire. En tant qu'objet du contrat de fiducie,
l'opposabilité de l'existence de l'universalité pourrait passer
par celle du contrat130(*). Sinon, le transfert fiduciaire pourrait être
aussi un moyen. En effet, le transfert de propriété est opposable
erga omnes. L'opposabilité du transfert impliquera l'opposabilité
de son objet.
SECTION II /
L'UNIVERSALITE : UNE INSTITUTION RESTAURATRICE DE LA VOLONTE DES
PARTIES
L'expression de sûretés sur l'argent est
empruntée à M. CABRILLAC. Dans une présentation dualiste
de celles-ci, cet auteur utilise cette expression pour identifier d'une part,
les gages sur sommes d'argent, et d'autre part, le transfert de
propriété à titre de garantie. L'analyse de cet auteur
partait de la nature des choses. Nous préférons partir de
l'analyse de la volonté des parties. Dans ce même ordre
d'idée, il y aura deux types de sûretés
monétaires : le transfert fiduciaire à titre de garantie
(§1) et le nantissement (§2). Le point commun de ces
sûretés réside dans leur objet : une
universalité.
§1 : Le transfert fiduciaire à titre de
garantie
Le transfert fiduciaire révèle la situation
dans laquelle le propriétaire abandonne la propriété de
l'universalité pour qu'elle devienne la propriété
fiduciaire de son cocontractant.
La validité du transfert fiduciaire est souvent
contestée par la doctrine. Deux séries d'arguments sont
avancés pour contester la possibilité de constituer librement des
sûretés fiduciaires : le caractère limitatif des
droits réels et la cause (I). Mais, à notre avis, la
liberté contractuelle permet, d'une part, la constitution d'une
sûreté fiduciaire en dehors d'une autorisation du
législateur, et d'autre part, de créer de nouvelles causes de
transmission des biens (II).
I) La contestation de la validité du transfert
fiduciaire à titre de garantie
Afin de contester la validité du transfert fiduciaire
à titre de garantie, il est argué que d'une part, il porte
atteinte au caractère limitatif des droits réels (A), et d'autre
part, qu'il ne comporte pas de cause (B)
A) Le caractère limitatif des droits
réels principaux et accessoires
Les droits réels auraient un caractère
limitatif. Pour justifier cette limitation en matière de
fiducie-sûreté, on avance deux textes : les articles 543 et
2093 du Code civil.
113. Numerus clausus des droits réels
- Tout d'abord, on avance qu'en toute matière les parties ne
peuvent créer de droits réels. Les auteurs s'appuient sur
l'article 543 du Code civil qui dispose que : « On peut
avoir sur les biens, ou un droit de propriété, ou un simple droit
de jouissance, ou seulement des services fonciers à
prétendre ». Selon les partisans du numerus
clausus, cet article pose un principe de limitation des droits
réels. En dehors des droits réels prévus par le Code, les
parties ne peuvent constituer sur le fondement de la liberté
contractuelle de nouveaux droits réels. La propriété
fiduciaire n'est pas une propriété de droit commun : le
bénéficiaire ne peut « jouir et disposer des choses
de la manière la plus absolue... ». En plus de la
loi et du règlement, le créancier fiduciaire est aussi
limité par le contrat : il a des obligations en raison de
l'affectation assignée à cette propriété
spéciale. Cette forme de propriété, n'étant pas
prévue par le Code, elle ne pourrait pas recevoir la reconnaissance du
juge. Seules les sûretés fiduciaires prévues par le
législateur seraient donc valables.
114. Pas de privilège sans texte -
Ensuite, en matière de sûretés réelles, les
partisans du numerus clausus se basent sur l'article 2093 du Code
civil qui dispose que : « Les biens du débiteur sont le
gage commun des créanciers ; et le prix s'en distribue entre eux
par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des
causes légitimes de
préférence ». Ce texte poserait principe de
prohibition de création de nouvelles sûretés réelles
par la seule voie contractuelle. Pas de privilège sans texte. La
création de nouvelles causes légitimes de
préférence (article 2094 du Code civil) seraient de l'apanage du
législateur131(*)
et non des particuliers. Appliqué au transfert fiduciaire, ce
raisonnement empêche sa reconnaissance. Si l'on postule que les parties
ne peuvent contractuellement créer de nouvelles causes légitimes
de préférence, elles ne peuvent a fortiori créer
de nouvelles situations d'exclusivité. En effet, la raison d'être
avancée pour justifier l'interdiction de créer de nouvelles
causes légitimes de préférence est la protection du
crédit chirographaire. Or, la création d'une sûreté
fiduciaire portera d'autant plus atteinte car elle ne crée pas un simple
droit de préférence mais une situation d'exclusivité. Le
fiduciaire peut exclure tous les créanciers et non pas seulement les
créanciers chirographaires. Le crédit chirographaire en sera donc
d'autant plus touché.
B) L'absence de cause du transfert de
propriété
115. Le transfert fiduciaire : un transfert sans
contrepartie - M. le Professeur LIBCHABER, dans un article
consacré à la fiducie132(*) est parti d'une analyse de la cause pour contester
la possibilité d'une fiducie en droit français. Le Code civil n'a
prévu que deux types de cause : l'onérosité et la
gratuité. Le contrat à titre onéreux est défini par
le Code de la manière suivante : « Le contrat
à titre onéreux est celui qui assujettit chacune des parties
à donner ou à faire quelque chose » (Article 1106
du Code civil133(*)). A
partir de ce texte, il est avancé que le transfert de
propriété doit avoir une contrepartie. Ainsi, le transfert
fiduciaire ne pourrait être qualifié de contrat à titre
onéreux. Le transfert de propriété n'a pas de
contrepartie. C'est sur cette argumentation que M. le Professeur LIBCHABER
rejette la classification des transferts fiduciaires dans la catégorie
des actes à titre onéreux : « A
l'évidence, il s'agit d'un transfert de propriété sans
contrepartie : le constituant ne reçoit rien du fiduciaire, qui
justifie son geste. La tradition est certes déterminée par un
objectif convenu entre les parties, par une mission que le fiduciaire est
supposé mener à bien. Pour autant, elle ne saurait être
tenue pour une contrepartie : ce serait transformer l'objet d'un contrat
en composante de celui-ci, faire d'une fin un moyen de son
accomplissement 134(*)».
116. Le transfert fiduciaire : un transfert sans
intention libérale - De même, le transfert fiduciaire ne
saurait constituer un acte à titre gratuit. L'article 1105 du Code civil
dispose que : « Le contrat de bienfaisance est celui dans
lequel l'une des parties procure à l'autre un avantage purement
gratuit ». Il est incertain d'affirmer que, dans le cas d'une
fiducie-sûreté, le constituant accorde une propriété
fiduciaire à son créancier par pure intention
libérale135(*).
Il le réalise car le créancier lui accorde un avantage : le
crédit.
.
II) La validité du transfert fiduciaire à
titre de garantie
Dans un ordre logique, nous présenterons la
liberté de constitution des droits réels (A) et la cause du
transfert fiduciaire (B)
A) La liberté de constitution des droits
réels
Cette liberté est affirmée tant en doctrine
qu'en jurisprudence.
117. La doctrine - Les partisans de la
liberté avancent un argument textuel : l'article 543 du Code civil
ne pose un principe de limitation des droits réels. En effet,
littéralement, le texte ne pose par un principe de limitation : il
affirme seulement que l' « On peut avoir » et non pas
« On ne peut que avoir ». Cette précision
grammaticale devrait d'une part affirmer que l'article 543 du Code civil ne
pose que des exemples de droits réels. Hormis cet argument
littéral, un autre argument peut être avancé :
l'article 543 du Code civil ne prévoit pas tous les droits réels.
On ne retrouve pas par exemple le droit réel d'hypothèque ou de
gage. Pourtant personne n'oserait affirmer que ces droits ne constituent pas
des droits réels.
118. La jurisprudence : affirmation du principe
de liberté de création des droits réels - La
jurisprudence a admis, dans un arrêt de principe, la liberté de
création des droits réels. Par un arrêt du 16
février 1834136(*), la Chambre des Requêtes a
énoncé que : « Les articles 544, 546 et 522 du
Code civil sont déclaratifs de droit commun
relativement à la nature et aux effets de la
propriété ; ni ces articles, ni aucune autre loi n'excluent
les diverses modifications et décompositions dont le droit ordinaire est
susceptible ». Ainsi, il est loisible aux parties de
créer toutes sortes de droits réels. Cette consécration
jurisprudentielle devrait permettre de justifier la validité de la
propriété fiduciaire. A notre avis, cette décision n'est
d'aucun secours. En effet, cet arrêt ne fait qu'admettre la
validité des « modifications et
décompositions » du droit de propriété. Or
en matière de transfert fiduciaire de propriété à
titre de garantie, il n'y a pas transfert du droit de propriété
ni création d'un droit réel. Le droit de propriété
du constituant s'éteint pour permettre au créancier
d'établir un lien d'appropriation fiduciaire. Cette
propriété fiduciaire ne constitue pas un droit réel. Les
droits réels sont des droits sur la chose d'autrui. Or en
l'espèce, le créancier est propriétaire de
l'universalité. Il n'a pas un droit de préférence et un
droit de suite (droit réel) mais un droit exclusif sur l'assiette de la
sûreté. Pour ces raisons, l'invocation de cette jurisprudence
n'est d'aucun secours.
119. Application en matière de
sûretés réelles : la validité des clauses de
réserve de propriété antérieurement à la loi
du 12 mai 1980 - Il faudrait plutôt se tourner vers la
réserve de propriété pour admettre la validité de
la propriété fiduciaire. La réserve de
propriété n'a jamais été contestée dans sa
validité137(*)
antérieurement à sa consécration législative par la
loi du 12 mai 1980. Pourtant, il faut bien admettre que la
propriété réservée crée une
propriété diminuée : la propriété est
affectée en garantie. A notre sens, la propriété
réservée n'est pas une propriété de droit
commun ; le propriétaire ne peut pas jouir et disposer de la chose
de la manière la plus absolue. Toutefois, il conserve la
propriété ce qui lui permet de revendiquer le bien au cas
où le débiteur ne paie pas le prix convenu. Cette
propriété affectée n'a pas été
contestée dans son principe. Elle l'était seulement dans son
effet : les tribunaux estimaient que la clause de réserve de
propriété était inopposable à la masse des
créanciers138(*).
La loi du 12 juin 1980 a pallié à ce manque
d'inefficacité. De même, la loi du 10 juin 1994 a étendu
cette efficacité au domaine des choses fongibles.
B) La cause du transfert de
propriété
120. Le caractère non limitatif des
catégories de cause posées par le Code - L'argument
principal avancé pour contester la validité de la
fiducie-sûreté était que le contrat l'instituant n'avait
pas une cause rentrant dans celles prévues par le législateur de
1804, c'est-à-dire qu'il n'était ni à titre gratuit ni
à titre onéreux. Le Code pose-t-il seulement des modèles
ou des catégories limitatives ? La réponse à cette
question est nécessaire. En effet, se référer aux seules
causes de transfert prévues par le Code pour en déduire que la
fiducie serait un transfert de propriété sans cause est admettre
que le Code pose des catégories limitatives auxquelles les parties ne
peuvent déroger. Cet avis n'est pas partagé par la doctrine dans
son ensemble. Certains auteurs admettent que le transfert de
propriété puisse avoir une cause autre que celles prévues
pas le Code. Dans sa thèse consacré à l'étude de la
fiducie139(*), M. Claude
WITZ prend ce parti : « Malgré l'absence d'une
consécration jurisprudentielle ou d'une affirmation doctrinale de
principe, il convient d'admettre que le transfert du droit de
propriété peut s'opérer par des actes juridiques autre que
ceux traditionnellement considérés comme translatifs de
propriété140(*) ».
121. L'affectation en garantie : une cause hors
modèle - Une interprétation modéliste du Code
permet d'admettre que le transfert fiduciaire ait une cause. Le Code civil pose
deux modèles de cause : l'onérosité et la
gratuité. Toutefois, il est possible de s'écarter de ces
modèles et de rechercher d'autres causes envisageables. C'est ainsi que
Melle KUHN justifie le transfert de propriété dans les
opérations fiduciaires : « L'originalité de
l'opération fiduciaire demeure, l'aliénation fiduciae
causa ne relevant pas d'un contrat translatif nommé. Toutefois,
la liste des actes juridiques réalisant un transfert de
propriété n'est pas limitative....Les actes translatifs ne
sont pas enfermés comme en droit romain dans une nomenclature rigide et
préétablie. Le contrat de fiducie trouve alors parfaitement
sa place au sein de cette catégorie juridique. ». Le
transfert fiduciaire dans le cadre d'une fiducie-sûreté pourrait
alors trouver sa justification dans un autre type de cause : l'affectation
en garantie. Le transfert de propriété ne sera ni à titre
onéreux, ni à titre gratuit mais à titre de
garantie. Si l'on quitte le Code civil pour explorer d'autres branches
du droit, on trouve des traces de cette affirmation.
122. Exemples législatifs - Tout
d'abord, en matière de garanties financières, le nouvel Article
L. 431-7-3 dispose que : « A titre de garantie des
obligations financières présentes ou futures mentionnées
au I de l'article L. 431-7, les parties peuvent prévoir des
remises en pleine
propriété... »
Ensuite, en matière de cessions de créances
professionnelles, l'article L. 313-24 du même Code prévoit
que : « Même lorsqu'elle est effectuée à
titre de garantie et sans stipulation de prix, la cession de
créance transfère au cessionnaire la propriété de
la créance cédée ». Ce texte
précise que la propriété peut être
transférée même si elle n'est pas faite à titre
onéreux. Il valide le transfert de propriété à
titre de garantie. Enfin, en matière de mobilisations des
créances à moyen terme, l'article L. 313-48 du Code
monétaire et financier utilisent l'expression : « Les
contrats ainsi mis à titre de garantie... ». Dans
ces trois contrats, un objet est transféré en
propriété. Ce transfert n'est pas dépourvu de cause
juridique : il est effectué à titre de garantie141(*), comme la vente l'est
à titre onéreux et la donation à titre gratuit.
123. La cause du transfert de
propriété dans le gage-espèces : l'affectation en
garantie - Le transfert fiduciaire est donc envisageable en
matière de gage-espèces. Après avoir crée
l'universalité, le constituant conclut avec son créancier un
contrat de fiducie en vertu duquel il lui transfère
l'universalité en sa propriété. Ce transfert de
propriété aura pour cause la sûreté (ou la garantie)
de la dette principale. Comme nous le verrons dans la
deuxième partie, le créancier aura une
propriété affectée. En raison de cette affectation, il
devra prendre des engagements ne serait-ce parce qu'il sera potentiellement
tenu de transférer l'universalité en cas d'exécution de la
dette garantie.
§2 : Le nantissement d'actif
monétaire
Le gage-espèces souffrait un problème au niveau
de l'identité de l'assiette des droits des parties sur les sommes
d'argent remises en garantie. Tout d'abord, l'argument principal pour justifier
le transfert de propriété des sommes d'argent au profit du
créancier résidait dans le fait que le constituant, en
qualité de propriétaire, ne pourrait pas les identifier
après leur confusion avec celles appartenant au créancier.
L'insertion des unités monétaires imposant, en raison de leur
qualité de choses de genre, la mise en place d'une universalité,
cette argumentation doit dès lors être écartée.
Ainsi, l'universalité est l'objet certain du contrat. La certitude de
l'objet du contrat permet aux parties d'avoir une assise à leurs droits
respectifs (droit de propriété, droit réel). Cette
stabilisation de l'assiette du nantissement redonne à la volonté
son empire. Les parties vont pouvoir exprimer leurs volontés et
celles-ci seront respectées. Le souffle de liberté
généré par la réforme des sûretés
permet aux parties d'opter pour un nantissement avec (I) ou sans
dépossession (II).
I) Le nantissement avec dépossession
Dans leur manuel de droit des sûretés, les
professeurs CABRILLAC & MOULY font une distinction entre remise directe et
remise indirecte de sommes d'argent au créancier. Nous reprendrons cette
distinction - sans y attacher les mêmes effets - dans notre
exposé. Il y a d'une part, le nantissement ayant pour objet un compte
spécial affecté en garantie (A), et d'autre part, le nantissement
ayant pour objet une somme d'argent remise directement au créancier
(B).
A) Le nantissement de compte
bloqué
124. Le compte d'affectation spéciale :
une universalité créée par les parties - Le
nantissement de compte d'affectation spéciale était selon
l'analyse classique le seul mode concevable de gage-espèces. Par cette
technique issue de la pratique bancaire, le constituant remet des sommes
d'argent au créancier en les déposant sur un compte bloqué
au profit du créancier. Ce compte peut être tenu par le
créancier lui-même ou par un tiers. Ce nantissement a pour objet
le compte lui-même et non pas les sommes qui y sont
déposées. Comme nous l'avions souligné
précédemment, le compte bancaire peut être analysé
comme une universalité. L'acte devra préciser les conditions
d'intégration des unités monétaires dans le compte. Ces
conditions devront être mentionnées dans l'acte constitutif. Cette
mention sera le « montant des fonds » à inscrire en
compte. L'intégration des unités monétaires dans le compte
ne sera pas une condition de validité du nantissement. Dès
l'ouverture du compte, le contrat a un objet certain.
125. Le blocage du compte : une modalité
de la limitation des pouvoirs respectifs des parties - Le blocage du
compte a un double effet. D'une part, il témoigne de la
dépossession du constituant. Par cette modalité, le constituant
ne pourra pas jouir des unités monétaires intégrées
dans le compte. En d'autres termes, l'universalité est
indisponible : le constituant ne peut en user. D'autre part, le blocage du
compte a pour but aussi d'empêcher le créancier d'accéder
aux unités monétaires inscrites dans le compte. Il ne pourra pas
les aliéner. Dans cette situation les unités monétaires ne
sont ni fongibles ni consomptibles142(*). Les parties en effet conviennent d'une part, que le
créancier devra restituer l'universalité composée des
mêmes éléments, et d'autre part, que le créancier ne
pourra utiliser les unités monétaires qu'elle contient. C'est en
ce sens que nous entendons que les unités monétaires (ou les
sommes d'argent) ne sont ni fongibles ni consomptibles.
Cette modalité de nantissement n'est pas la seule
envisageable.
B) Le nantissement de somme
d'argent
Les parties peuvent aussi convenir d'un nantissement avec
dépossession dans lequel la somme convenue (l'universalité) sera
remise directement au créancier. S'il s'agit de monnaie fiduciaire,
cette remise aura lieu de main à la main. S'il s'agit de monnaie
scripturale, elle aura lieu par virement bancaire ou par encaissement d'un
chèque.
126. L'absence de transfert de
propriété en cas de remise directe d'une somme d'argent
- La remise de monnaie fiduciaire ou de monnaie scripturale n'aura pas
un effet translatif. L'objet de la dépossession sera
l'universalité les contenant. Le nouvel article 2341 du Code civil ne
sera pas applicable. L'affectation imprime une identité à
l'universalité. Par cette identité, l'universalité est un
objet certain. Le constituant ne remet pas un ensemble d'unités
monétaires mais une somme d'argent. C'est cette somme d'argent qui
constitue l'universalité. Dès lors, l'universalité
étant un objet certain, elle ne pourra se confondre dans le patrimoine
du créancier.
127. La dépossession directe : un mode
d'accès aux utilités de l'universalité - En se
dépossédant directement entre les mains du créancier, le
constituant laisse implicitement celui-ci accéder aux utilités de
la chose c'est-à-dire à sa substance. Ainsi, le créancier
a un pouvoir d'usage sur l'assiette du nantissement plus élargi que dans
le cadre d'un nantissement de compte bloqué. Le créancier en
ayant accès à la substance de la chose établit un rapport
d'appropriation économique143(*). Les éléments de l'universalité
sont alors des choses fongibles et consomptibles. D'une part, le
créancier pourra utiliser les éléments contenus dans
l'universalité ; en d'autres termes il pourra les aliéner.
C'est en ce sens que les unités monétaires seront consomptibles.
D'autre part, le créancier devra les remplacer par des choses
équivalentes. La fongibilité des éléments contenus
facilitera leur remplacement.
128. La conservation du droit de
propriété du constituant sur l'universalité - En
revanche, le créancier, n'ayant pas la propriété de
l'universalité et a fortiori un pouvoir de disposition sur
celle-ci, il ne pourra effectuer aucun acte de disposition à son
égard. Il ne pourra donc ni la nantir, ni l'aliéner. Quant au
constituant, il pourra soit demander la restitution de l'universalité,
s'il constate que le créancier ne pourvoie pas à son obligation
de conservation (Nouvel article 2344 C.civ.), soit la revendiquer si il
exécute la dette garantie (l'extinction de la dette éteint le
contrat de gage par la voie de l'accessoire).
II) Le nantissement sans dépossession
129. Le nantissement de compte en cours de
fonctionnement dans le droit positif : un nantissement de créance
- . Le nouveau droit des sûretés classifie ce type de
nantissement dans le nantissement de créance. Le nouvel article 2360 du
Code civil dispose que : « Lorsque le nantissement porte sur
un compte, la créance nantie s'entend du solde créditeur,
provisoire ou définitif, au jour de la réalisation de la
sûreté sous réserve de la régularisation des
opérations en cours...».
Cette classification dans la catégorie du nantissement
de créance est directement liée à la conception classique
du dépôt bancaire. Analysé la remise de choses fongibles -
les espèces monétaires ou les unités scripturales -
comme translative de propriété emporte comme conséquence
que le solde s'analyse en une créance de somme d'argent.
130. Le nantissement de compte en cours de
fonctionnement : un nantissement d'universalité - Si
l'analyse déplace le curseur des unités monétaires
à l'universalité qui les contient, le nantissement de compte
bancaire s'analysera, non pas en un nantissement de créance, mais en un
nantissement d'universalité144(*). L'objet du contrat de nantissement sera le compte
lui-même. Ce nantissement est sans dépossession. Le constituant a
encore accès aux utilités du compte bancaire. Il peut effectuer
des retraits et des remises tout au long de la garantie. Les parties devront
donc prévoir à partir de quel montant le constituant sera
obligé d'intégrer de nouvelles unités monétaires.
Par exemple, en matière de gage de stocks, le nouvel article L. 527-7
alinéa 3 du Code de commerce dispose que : « Lorsque
l'état des stocks fait apparaître une diminution de 20% de leur
valeur telle que mentionnée dans l'acte constitutif, le créancier
peut mettre en demeure le débiteur, soit de rétablir la
garantie... ». A l'instar du gage de stocks - qui est
aussi un nantissement d'universalité sans dépossession - le
constituant pourra être tenu d'intégrer de nouvelles unités
monétaires dans le compte nanti à hauteur de la valeur initiale,
telle que prévue au contrat.
131. Conclusion du Chapitre II -
L'universalité est une institution aux avantages multiples pour
l'organisation des sûretés sur l'argent.
Tout d'abord, elle constitue un passage nécessaire
pour l'affectation en garantie des unités monétaires. La monnaie,
en raison de sa qualité de chose de genre, ne peut accéder
directement à la vie juridique sans passer par l'universalité.
L'universalité permet donc de donner un objet certain
au contrat.
Ensuite, l'affectation imprimée à
l'universalité lors de sa création lui donne une identité
propre. Dès lors sa remise au créancier ou à un tiers
convenu est sans danger. Cette identité empêche que l'objet de la
sûreté entre dans le patrimoine du créancier gagiste, du
moins lorsqu'il s'agit d'un nantissement avec dépossession.
Enfin, l'universalité permet de donner une dynamique
à l'objet de la sûreté. En raison de la nature fongible et
consomptible des éléments intégrés, le
créancier ou le constituant - selon la convention des parties - peut
aliéner les unités monétaires à charge de les
remplacer. Cette opération d'entrée et de sortie des
éléments ne fait pas disparaître l'universalité.
Elle y survit en raison de l'indépendance du contenant par rapport au
contenu. Dès lors, l'universalité est une institution
conservatrice de l'assiette de la sûreté.
L'universalité alliée à la
liberté contractuelle permet alors de maintenir une classification
dualiste des sûretés sur l'argent. Cette classification repose
alors non pas sur l'objet mais sur la volonté des sujets de droit :
la volonté reprend ses droits sur la « nature des
choses ».
En restaurant un fondement contractuel à
l'organisation des sûretés sur l'argent, celles-ci seront alors
conformes à la volonté des parties. Le régime juridique de
ces sûretés en dépendra.
2ème PARTIE / LE
REGIME JURIDIQUE DU GAGE-ESPECES
132. Un régime juridique dépendant de
la seule volonté des parties - La volonté des parties
est au coeur des sûretés sur l'argent. Elle jouait un rôle
dans le mode de sûreté à choisir, elle joue encore un
rôle dans l'organisation de ces sûretés
postérieurement à la dépossession ou au transfert
fiduciaire. La volonté des parties va fixer l'étendue des droits
et obligations des parties sur l'assiette de la sûreté. Que l'on
soit en présence d'une fiducie-sûreté ou d'un nantissement
avec dépossession, les droits du créancier sont
déterminés par le contrat. Ses pouvoirs ne découleront pas
de la nature des choses mais de la volonté. (Chapitre 1).
De même, au niveau de la réalisation de la
sûreté, la volonté des parties est maîtresse. C'est
en vertu de leur seule volonté que l'acquisition à titre
définitif de l'objet affecté en garantie est
réalisée. La nature particulière de la monnaie facilite
(surtout en matière de nantissement) en tout cas la réalisation
de la sûreté (Chapitre 2).
CHAPITRE I / LES DROITS ET
OBLIGATIONS DES PARTIES AVANT LA REALISATION DE LA SURETE
Les droits et obligations des parties diffèrent selon
que l'on est en présence d'un transfert fiduciaire (Section I) ou d'un
nantissement (Section II).
SECTION I / LES DROITS ET
OBLIGATIONS DES PARTIES EN PRESENCE D'UN TRANSFERT FIDUCIAIRE A TITRE DE
GARANTIE
Le transfert fiduciaire a pour effet de transmettre
l'universalité au créancier pour qu'il en devienne
propriétaire. Mais il n'en devient pas pour autant un
propriétaire souverain et absolu au sens de l'article 544 du Code civil.
Il a une propriété spéciale. A l'image d'un
propriétaire de droit commun, il peut jouir et disposer de
l'universalité (§1). Cette propriété étant
affectée à la garantie de la dette principale, le
créancier a des obligations réelles (Section II). Le constituant
est le créancier de ses obligations (§2).
§1 : LES PREROGATIVES DU CREANCIER
Le créancier bénéficiaire d'une
sûreté fiduciaire a des prérogatives similaires à
celle d'un propriétaire. Ainsi, il a d'une part, une jouissance
exclusive (I) et, d'autre part, un pouvoir de disposition (II).
I) La jouissance exclusive de l'universalité
Le créancier fiduciaire a une jouissance exclusive de
l'universalité. En vertu de ce pouvoir de jouissance il peut exclure les
créanciers du constituant (A) et tirer tous les utilités de
l'universalité (B).
A) Le pouvoir d'exclure les tiers
133. L'intérêt : le droit des
procédures collectives - A la différence d'un
nantissement, le transfert fiduciaire a pour effet de faire sortir
l'universalité du patrimoine du constituant. L'exclusivité
conférée par la propriété fiduciaire permet alors
au créancier bénéficiaire de cette garantie d'exclure les
tiers saisissants. Ceux-ci ne pourront pas venir appréhendés ni
l'universalité ni un de ses éléments afin de recouvrir
leur dette. Tel est un des intérêts majeurs de la
sûreté fiduciaire : le droit exclusif du créancier sur
l'assiette de la sûreté. Cet avantage a surtout un
intérêt en cas de mise en procédure de redressement ou de
liquidation judiciaire du constituant. L'universalité, ne faisant pas
partie du patrimoine du fiduciant, les représentants des
créanciers ainsi que les organes de la procédure ne pourront
atteindre l'universalité.
B) Le pouvoir de jouir des utilités de
l'universalité
134. Le sort des fruits ? -
L'universalité attire toutes les utilités des
éléments contenus vers elle145(*). En matière de sûretés sur
l'argent, l'universalité attire les utilités des unités
monétaires qu'elle contient à elle, c'est-à-dire leur
valeur économique. Le bénéficiaire de
l'universalité peut jouir de toutes les utilités de
l'universalité et notamment mettre les éléments contenus
dans un rapport juridique. Par exemple, c'est une façon de jouir des
utilités de l'universalité que d'aliéner les unités
monétaires contenues dans l'universalité. Par cet acte, le
propriétaire fiduciaire exploite l'universalité et peut en tirer
des fruits146(*) (par
exemple, les intérêts d'un prêt). Ces fruits devront
être remis dans l'assiette de l'universalité.
II) Le pouvoir de disposer de
l'universalité
135. Le pouvoir de disposer147(*) du contenant - Le
propriétaire, même fiduciaire, a un pouvoir de disposition sur
l'universalité. Ce pouvoir de disposer est défini par les
Professeurs ZENATI & REVET de la manière suivante :
« Le pouvoir de disposer est le pouvoir de faire de sa chose
l'objet d'un acte juridique 148(*)». Mais l'accomplissement d'un acte juridique
n'est pas suffisant. Il faut en plus qu'il vienne « modifier
l'ordonnancement juridique149(*) ». Entendu dans ce sens, le pouvoir de
disposer ne s'entend pas de la simple disposition matérielle
(destruction matérielle) ou juridique (aliénation) au sens que
l'entendait la théorie classique. En vertu de ce pouvoir de disposition,
le créancier bénéficiaire de la sûreté
fiduciaire pourra affecter en garantie l'universalité. La conclusion
d'un contrat de nantissement, par exemple, fait naître un droit : le
droit réel de gage. Mais ce n'est pas la seule possibilité. Il
peut accomplir tous les actes juridiques qu'il veut. La seule limite dans
l'exercice de ce pouvoir de disposer réside dans l'affectation
assignée au créancier et les obligations auxquelles il est
tenu.
136. Le pouvoir de disposer du contenu - Ce
pouvoir de disposition concerne tant la structure que les
éléments contenus. Ainsi, il peut aliéner les
unités monétaires qui sont contenues dans l'assiette de
l'universalité. L'exercice de ce pouvoir de disposition implique alors
qu'il remette dans l'assiette de l'universalité le produit de cette
aliénation au titre de son obligation d'entretien de
l'universalité. Par exemple, s'il aliène les unités
monétaires à travers une opération de prêt, il devra
intégrer au fur et à mesure les unités monétaires
objet des dettes de remboursement. Le principe de non-enrichissement applicable
aux sûretés implique aussi, à notre avis, que le
créancier remette les fruits dans l'universalité,
c'est-à-dire les intérêts conventionnels et légaux
résultant du prêt.
§2 : LES OBLIGATION DU CREANCIER
Le créancier bénéficiaire d'une
sûreté fiduciaire est certes un propriétaire mais pas un
propriétaire au sens de l'article 544 du Code civil. En raison de
l'affectation assignée à cette propriété et du
transfert futur de l'universalité au constituant, le créancier a
d'une part, une obligation d'entretenir l'universalité (A), et d'autre
part, une obligation de donner l'universalité au constituant si celui-ci
exécute la dette garantie (B).
A) L'obligation d'entretenir
l'universalité
Le créancier peut en vertu de sa
propriété fiduciaire effectuer des actes de jouissance et des
actes de disposition. Ainsi, il pourrait aliéner les unités
monétaires contenues dans l'assiette de l'universalité. Cette
faculté d'aliénation lui impose en retour une obligation de
remplacer les unités monétaires au fur et à mesure. A
l'image d'un usufruitier de valeurs mobilières, il devra remplacer les
unités monétaires car il doit entretenir la substance de
l'universalité.
137. L'obligation d'entretien : une obligation
réelle - Cette obligation s'analyse en une obligation
réelle150(*). Le
créancier fiduciaire doit entretenir l'universalité car sa
propriété est affectée. Cette obligation est le pendant de
l'obligation de conservation dans le gage (article 2280 du Code civil ;
nouvel article 2344 C.civ.) Cette obligation réelle est de faire. Le
créancier doit accomplir une prestation s'analysant à conserver
la substance de l'universalité. Cette obligation sera le plus souvent le
corollaire de sa faculté d'aliéner les éléments
contenus (les unités monétaires). Le créancier devra
remplacer les éléments contenus par des éléments de
même qualité et de même espèce (les unités
monétaires étant fongibles). Cette obligation de remplacement
devra se faire dans le respect des critères
d'intégration151(*).
B) L'obligation de donner
l'universalité
138. L'analyse classique : une obligation
personnelle - L'analyse classique du gage-espèces analyse
l'obligation du créancier comme une obligation de restitution. Cette
obligation de restitution ne serait qu'une obligation personnelle. Le
constituant est un créancier chirographaire. Dès lors, la
« restitution » de la somme d'argent devrait
s'exécuter selon le droit commun des obligations. On retrouve une trace
de cette idée sous la plume du Professeur CABRILLAC :
« La seule particularité de la
sûreté-propriété sur l'argent par rapport aux autres
sûretés-propriétés tient au double caractère
de fongibilité et de consomptibilité de ce bien. La
propriété ne revient pas dans le patrimoine du constituant
lorsque la créance garantie est éteinte ; ce dernier a
seulement contre le bénéficiaire une créance d'un montant
identique à la somme qu'il a versée, créance qu'il lui
appartient de faire valoir dans les conditions de droit commun152(*) ». Cette
analyse est logique dès lors que l'on a postulé que le
créancier devient propriétaire des sommes d'argent « en
raison de leur nature fongible ». Ce transfert de
propriété ne résulte pas de la volonté des parties
mais de la « nature des choses ». Dès lors, sur le
fondement de l'enrichissement sans cause153(*), le créancier est tenu d'une dette de somme
d'argent. Le transfert de propriété n'a pas été
aménagé par les parties : elles n'ont pas pu organiser le
sort de la somme d'argent affectée en garantie en cas d'exécution
de la dette principale. Cette obligation monétaire devra être
dès lors recouverte selon les modalités du droit commun.
Le débiteur devra donc mettre en demeure le créancier et
recourir à une voie d'exécution si le créancier ne veut
pas exécuter son obligation.
139. L'analyse moderne : une obligation
réelle - En restaurant un fondement contractuel à
l'acquisition de la somme d'argent, les parties peuvent donc organiser un
transfert de propriété ultérieur de la somme d'argent qui
sera suspendu à l'exécution de la dette garantie. Le contrat de
fiducie-sûreté a créée une propriété
fiduciaire qui est une propriété à terme :
« La propriété fiduciaire connaît ab initio
un terme : le lien est par nature limité dans le temps154(*) ».
L'acquisition de l'universalité par le créancier est donc
limitée dans le temps. Un transfert de propriété
ultérieur est inscrit dans la logique de la fiducie-sûreté.
En effet, le créancier acquiert l'objet du contrat de fiducie
qu'à titre temporaire. Le constituant a légitimement droit
à redevenir propriétaire de l'universalité s'il
exécute la dette garantie. Ainsi, dès la conclusion du contrat de
fiducie-sûreté, un transfert de propriété
ultérieur y est inscrit. Ce transfert de propriété se
réalisera par l'exécution d'une obligation de donner.
140. Une obligation à terme ou sous
condition ? - La question qui se pose est alors de savoir si
cette obligation est conclue sous condition suspensive ou à terme. Les
réponses données par la doctrine sont variables.
Pour une partie de la doctrine, cette obligation de donner
serait conclue sous condition suspensive. Le créancier deviendrait
propriétaire de l'objet du gage-espèces sous condition
résolutoire. L'événement érigé en condition
réside dans l'exécution de la dette garantie.
Pour d'autres auteurs, l'obligation de donner est conclue
à terme. Il s'agit d'un terme suspensif et incertain résidant
dans l'exécution de la dette garantie. La différence entre le
terme et la condition tient au moment de la naissance de l'obligation. Si on
penche pour l'analyse en condition suspensive, l'obligation de donner n'est pas
encore née et le créancier peut dès lors faire ce qu'il
veut entre le moment de la constitution de la sûreté et celui de
l'exécution de la dette garantie. En revanche, si on analyse
l'exécution de la dette garantie comme un terme futur incertain,
l'obligation de donner naît dès la conclusion du contrat, seul son
exigibilité serait reportée. Ainsi, la situation du
créancier bénéficiaire d'une fiducie-sûreté
se rapprocherait de celle d'un vendeur qui s'est réservé la
propriété du bien vendu. De plus, elle permet de maintenir la
validité des actes juridiques conclus entre le jour de la constitution
de la sûreté et son extinction. Le terme n'est pas comme la
condition rétroactive. Il ne fait que suspendre l'exigibilité
d'une obligation.
§3 : LES DROITS DU CONSTITUANT
Le constituant est le bénéficiaire
éventuel du transfert de propriété de
l'universalité. L'obligation d'entretien et l'obligation de donner,
s'analysant en des obligations réelles, il est le créancier de
ses obligations. En qualité de créancier, il a d'une part, le
droit au respect de l'obligation d'entretien (A) et d'autre part, le droit
à acquérir la propriété l'universalité en
cas d'exécution de la dette garantie (B).
A) Le droit réel
d'entretien
141. L'exécution forcée de
l'obligation d'entretien - En contrepartie de l'obligation
réelle à laquelle est tenue le créancier, en
qualité de propriétaire fiduciaire de l'universalité, le
constituant a un droit réel155(*). En vertu de ce droit réel, il peut forcer le
constituant à entretenir l'universalité c'est-à-dire
d'intégrer les unités monétaires à hauteur de
celles aliénées et les fruits tirés de cet acte dans
l'universalité. Ainsi, si le créancier ne veut pas
s'exécuter, le constituant pourra saisir les tribunaux afin de le forcer
à exécuter cette obligation. Cette action ne sera pas une action
personnelle - l'obligation d'entretien est une obligation auquel est tenu le
créancier à raison de la propriété fiduciaire de la
chose (l'universalité) - mais une action réelle. Par l'exercice
de cette action, le constituant établira la relation réelle
l'unissant au créancier et après avoir apporté cette
preuve, il pourra obtenir l'exécution forcée. Ce droit
réel du constituant permet alors de conserver l'objet de son droit
à la propriété de l'universalité qui est né
mais qui ne peut être exigé avant l'exécution de la dette
garantie.
§ 2 : Le droit d'acquérir
l'universalité
142. Un droit à terme - La
propriété fiduciaire crée une propriété
à terme. En effet, dès la conclusion du contrat de
fiducie-sûreté, le créancier s'engage à donner
l'universalité au constituant si celui-ci exécute la dette
garantie. L'avantage d'une analyse en obligation de donner tient à ce
que le constituant sera immédiatement propriétaire de
l'universalité (la somme d'argent affectée en garantie)
dès qu'il exécutera la dette garantie. Cette analyse
découle logiquement de l'idée d'affectation. La
propriété fiduciaire est une propriété
affectée. Le constituant a transféré fiduciairement une
somme d'argent afin de garantir une dette présente ou future.
L'exécution de la dette garantie met fin à l'affectation et
corrélativement à la propriété fiduciaire.
143. Un droit à exécution automatique
- Dès lors que les dettes garanties (prévues au contrat)
sont éteintes, la propriété fiduciaire s'éteint par
la voie de l'accessoire. La propriété fiduciaire, en
matière de fiducie-sûreté, est une propriété
accessoire à une dette. Son existence comme sa durée est
suspendue à celle de la dette garantie. Dès lors que celle-ci
vient à disparaître par l'exécution ou son annulation, la
propriété s'éteint aussi. L'obligation de donner
prévue au contrat s'exécutera à ce moment
précis.
SECTION II/ LES DROITS ET
OBLIGATIONS DES PARTIES EN PRESENCE D'UN NANTISSEMENT
Avant la réalisation de la sûreté, les
parties ont des droits et obligations. Ceux-ci diffèrent selon que l'on
est en présence d'un nantissement avec (§1) ou sans
dépossession (§2).
§ 1 : Les droits et obligations des partis en
présence d'un nantissement avec dépossession
Après avoir présenté
les droits et obligations du créancier (I). Nous exposerons les droits
du constituant (II)
I) Les droits et obligations du
créancier
Le créancier a tous les droits et pouvoirs d'un
créancier gagiste. Il dispose en ce sens, du droit réel de gage
(A), du droit de rétention (B) et la possession (C) de
l'universalité. La possession de celle-ci lui impose une obligation de
conservation et une obligation de restitution (D).
A) Le droit réel de garantie
Le créancier gagiste a un droit réel de
garantie sur l'assiette du nantissement, c'est-à-dire sur
l'universalité. Ce droit réel naît dès la conclusion
du contrat de nantissement (1). Les parties peuvent convenir d'intégrer
les unités monétaires (éléments contenus)
postérieurement à la conclusion du contrat (2). L'imperfection de
la réforme en matière de nantissement de biens incorporels pose
le problème de son opposabilité (3).
1) Les conditions d'existence du droit
réel
Le droit réel est constitué dès la
conclusion du contrat de nantissement. Cette affirmation valait
théoriquement avant la réforme (a) et subsiste après
celle-ci (b).
a)
Le moment de la naissance du droit réel de gage avant la réforme
de sûretés
144. La dépossession : condition de
validité ou d'opposabilité ? - Avant la
réforme des sûretés, la doctrine majoritaire suivie par la
jurisprudence156(*)
estimait que le contrat de gage constitue un contrat réel en ce sens que
la remise de la chose est une condition de validité du contrat de gage.
Ainsi, il n'était pas possible de constituer un gage sur un bien futur.
Il ne s'agissait alors que d'une promesse de gage. Cette analyse était
aussi celle de la jurisprudence157(*).
Cette analyse était contestée par une partie de
la doctrine en ce qu'elle estimait que la dépossession ne constituait
qu'une condition d'opposabilité du gage. C'est en ce sens que va la
réforme du droit des sûretés. Par exemple, en
matière de gage de meubles corporels, la dépossession n'est
devenue qu'une condition d'opposabilité aux tiers de la
sûreté (article 2337 al.2 C.civ.).
145. La dépossession :
une condition d'opposabilité du droit réel - Faire de la
dépossession une condition de validité du gage revient à
confondre l'existence et l'opposabilité du droit réel de gage.
Le Code civil, à notre avis, n'y avait rien
changé. Toutefois, les textes pouvaient amener à la conclusion
inverse. L'article 2071 du Code civil relatif à la définition du
nantissement (catégorie générale des sûretés
avec dépossession dont le gage n'en est qu'une application) y
invitait : « Le nantissement est un contrat par lequel
un débiteur remet une chose à son créancier pour
sûreté de sa dette ». La doctrine à partir
de cette définition en avait alors conclu que le gage était un
contrat réel.
Toutefois, l'article 2076 amenait à la conclusion
inverse : « Le privilège ne subsiste
(nous surlignons) sur le gage qu'autant que ce gage a été mis et
est resté en la possession du créancier... ».
Le terme « subsiste158(*) » aurait du
inviter à en conclure que la dépossession du bien ne constituait
pas une condition de validité du contrat ou encore de l'existence du
droit réel. Cela signifie que le privilège du créancier
gagiste demeure tant que le bien est mis et est resté en possession du
créancier. Or pour demeurer, faut-il déjà exister. Hormis
cet argument sémantique, un argument juridique peut être
avancé : la structure du droit réel.
146. Une analyse cohérente avec la structure
obligationnelle du droit réel - Grâce aux travaux de
Ginossar159(*), une
analyse renouvelée des droits réels a pu être menée.
Cet auteur a démontré que le droit réel a, tout comme le
droit de créance, une structure obligationnelle, c'est-à-dire
qu'il a pour contrepartie un engagement du constituant160(*). Mais à la
différence d'une obligation personnelle, le débiteur ne s'engage
pas en qualité de titulaire d'un patrimoine, mais propriétaire
d'un bien161(*).
Analyser le droit réel de gage à partir d'une structure
obligationnelle permet alors d'affirmer que la remise de la chose n'a aucun
rôle dans la naissance du droit réel (hormis si l'on érige
la remise de la chose en mode de protection du consentement du constituant). Le
droit réel du gage a pour volet passif un engagement réel du
constituant. C'est la naissance de cet engagement qui conditionne celle du
droit réel. Cet engagement prend naissance, à notre avis,
dès la conclusion du contrat de gage. La remise de la chose est une
formalité qui assure une effectivité du droit réel du
créancier. En raison de l'absence d'une publicité
organisée, il était nécessaire que le créancier
soit mis en possession de l'objet du droit réel. Cette possession permet
alors au droit réel de subsister (article 2076 du Code civil).
2)
Le moment de la naissance du droit réel de gage dans le droit
actuel
147. La dépossession : simple condition
d'opposabilité du droit réel - La réforme du
droit des sûretés formalisée par l'ordonnance du 23 mars
2006 a confirmé cette analyse selon laquelle le droit réel de
garantie naît dès la conclusion du contrat constitutif de
sûreté. Cela vaut autant en matière de gage de meubles
corporels que de nantissement de meubles incorporels.
En matière de gage de meubles corporels, la loi fait
une distinction entre la validité du contrat et l'opposabilité du
contrat. D'une part, l'article 2336 du Code civil prévoit que :
« Le gage est parfait par l'établissement d'un
écrit contenant la désignation de la dette garantie, la
quantité des biens donnés en gage, ainsi que leur espèces
ou leur nature ». Ainsi, la mise en possession du
créancier n'est pas une condition de validité du contrat de gage.
Le droit réel découle d'un engagement du débiteur.
Relativement à la définition du contrat de gage, le nouvel
Article 2333 du Code civil définit le gage de la manière
suivante : « Le gage est une convention par laquelle le
constituant accorde à un créancier le droit
de se faire payer par préférence à ses autres
créanciers sur un autre bien mobilier... ». Par contre,
la dépossession demeure une condition d'opposabilité aux tiers.
L'article 2337 alinéa 2 dispose que : « (le gage) est
également opposable (aux tiers) par la dépossession entre les
mains du créancier ou d'un tiers convenu du bien qui en fait
l'objet »
2) L'indifférence de l'existence de l'objet
au jour de la conclusion du contrat
148. La possibilité d'un nantissement sur un
« ensemble de biens futurs » - La réforme
des sûretés permet la conclusion d'un contrat de gage ou de
nantissement sur un « ensemble de biens ...futurs »
(article 2333 C.civ.). Dès la conclusion du contrat de nantissement, le
contenant existe. Afin de parfaire la création de l'universalité,
le constituant devra intégrer les unités monétaires dans
ce contenant
149. L'intégration des « biens
futurs » : une obligation - En raison de la conclusion
de la convention, l'intégration des unités monétaires ne
sera plus une simple faculté du propriétaire mais une
obligation162(*). Il est
concevable, qu'en matière de gage-espèces, que les parties
prévoient que les fonds soient intégrés dans le compte ou
remis postérieurement à la conclusion du nantissement. Dès
lors, il se posera la question de savoir si l'on pourra forcer le constituant
à créer l'universalité. Pour répondre à
cette question, il conviendra de se reporter aux solutions applicables à
la vente de choses de genre163(*).
3) L'opposabilité du nantissement par la
dépossession : les problèmes posés par la nature
incorporelle du bien
150. L'absence d'un système organisé
d'opposabilité en matière de nantissement - Le nouveau
droit des sûretés réelles ne prévoit pas un
régime complet des sûretés mobilières sur biens
incorporels. En principe, le droit réel de garantie est opposable aux
tiers par la possession du bien. Cette constatation amène une question
non cantonnée au seul domaine des sûretés : celle de
la possession des biens incorporels. La théorie classique du droit des
biens partant du principe que la propriété ne pouvait porter que
sur des biens corporels a toujours mis en doute de la possibilité de
posséder l'incorporel. Le palliatif proposé en ce domaine est la
publicité. Comme en matière immobilière, toutes les
opérations relatives aux biens incorporels devraient passer par sa
publicité. L'absence d'une publicité organisée en ce
domaine voue alors la réalisation d'opération sur ce type de bien
à l'échec. Dans certains cas, toutefois, des palliatifs sont
proposés. Ainsi, en matière de créance, dans le cas la
mise en garantie de ce bien incorporel, la publicité passe par la
signification de l'opération au débiteur de la créance
concernée (ancien article 2075 C.civ. ; nouvel article 2362
alinéa 1). Cette solution révèle que l'opposabilité
d'un nantissement sur bien incorporel passe par une information des tiers. Par
exemple, en matière de nantissement de créance, on notifie le
nantissement au débiteur car l'on estime traditionnellement que le
débiteur est un centre d'information pour le sort de la
créance.
151. Le palliatif : l'information des tiers
- La possession des biens incorporels ne passe pas forcément
par la publicité. Par exemple, l'usufruitier possède un
portefeuille de valeurs mobilières même si le contrat constitutif
d'usufruit n'est pas publié. De même, il est théoriquement
possible d'affirmer que la possession d'une universalité se fasse sans
un mécanisme publicitaire. Toutefois, en matière
monétaire, l'influence du teneur de compte permet une possession ainsi
que son opposabilité. D'une part, c'est le banquier teneur du compte
(soit pour son compte, soit pour le compte d'un créancier) qui
possède l'universalité. D'autre part, la possession est opposable
aux tiers en passant par une information. Dans le cas d'un compte bancaire
mis directement en la possession du banquier, c'est ce dernier qui informera
les tiers saisissants de l'existence de la sûreté. Dans le cas
où il joue le simple rôle de tiers convenu, il aura un devoir
d'informer les tiers. Mais cette solution n'est valable que dans le cadre de
nantissement de comptes bancaires. Comment faire lorsque le créancier
n'est pas un professionnel du crédit ? Dans ce cas, une obligation
d'information devra lui être imposée et cela même si il est
en possession de l'universalité. En effet, le compte bancaire est un
exemple d'universalité mais ce n'est pas le seul cas. Lorsque les
unités de paiement auront été directement remises au
créancier, celui-ci devra informer tout créancier saisissant
qu'une partie de son compte bancaire appartient à son débiteur.
Plus, il devra déduire du montant de son solde, la valeur de
l'universalité. Ainsi, l'opposabilité du droit réel
passera par l'information dans tous les cas. C'est une mesure plus facile et
moins coûteuse à mettre en oeuvre que l'organisation d'une
publicité ajoutant des formalités supplémentaires et
inadaptées en matière monétaire.
B) Le droit de rétention
152. Un droit de rétention exclu en
présence d'une définition matérialiste de la possession -
Le créancier nanti dispose comme le créancier gagiste un
droit de rétention qui découle de la possession de l'objet de la
sûreté. Cette possession est souvent contestée en
matière de meubles incorporels. En partant d'une définition
matérialiste de la possession, la plupart des auteurs la cantonnent aux
biens corporels. Lorsqu'on parle de possession en matière incorporelle,
il s'agirait d'une possession « fictive ».
153. Un droit de rétention admissible en
présence d'une définition neutre de la possession - En
remodelant la définition de la possession en un pouvoir de fait,
celle-ci peut porter aussi bien sur les biens matériels
qu'immatériels. La possession est un pouvoir de fait,
c'est-à-dire un accès aux utilités économiques d'un
bien. Le droit de rétention qui en découle est un pouvoir de fait
s'analysant en une privation d'accès aux utilités d'un bien et au
bien lui-même. Le bénéficiaire d'un droit de
rétention - créancier gagiste, garagiste, vendeur etc. -
empêche un propriétaire d'avoir accès à son bien et
par suite à ses utilités. Dès lors, le droit de
rétention sur un bien immatériel est concevable si on entend
ainsi le droit de rétention. Appliqué au gage-espèces, le
droit de rétention s'analysera en un blocage164(*) des utilités de
l'universalité, en d'autres termes l'accès aux unités
monétaires qui y sont contenues.
C) La possession de
l'universalité
La possession est définie par l'article 2228 du Code
civil : « La possession est la détention ou la
jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous
exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou l'exerce
en notre nom ».
A la lecture de cette disposition, il est permis de penser que
la possession est susceptible de degré dans son étendue :
elle peut aller de la simple détention (dépositaire)
jusqu'à la jouissance (usufruitier, antichrésiste...) d'une
chose. Cette possession peut être celle de notre propre chose ou celle
d'autrui. Soit on possède pour son propre compte ou pour le compte
d'autrui. Parmi ces différentes possibilités, où placer la
possession du créancier gagiste ? Le Code ne dit rien sur
l'étendue de la possession du créancier. Il nous informe
seulement que le « gage n'est qu'un dépôt dans les
mains du créancier... » (Article 2079 du Code civil). Le
parallèle avec le dépositaire doit être
écarté. En matière de gage, le créancier
possède pour son propre compte la chose d'autrui.
154. Rejet de l'analyse classique de la possession
- La théorie classique estime que le créancier gagiste
ne peut pas user de la chose remise en garantie. Analyser la
propriété comme le droit d'user, le droit de jouir et de disposer
de la chose empêche d'admettre que le créancier puisse user de la
chose. Le constituant ne transfère pas l'usus de la chose.
Ainsi s'expliquerait que le créancier ne puisse user de la
chose165(*).
155. Tentative d'explication par l'analyse objective
de la possession - Comme tout créancier
bénéficiaire d'une sûreté classique, le titulaire
d'un nantissement d'universalité a la possession du bien. Cette
possession a des effets naturels qui sont limitées par l'obligation de
conservation et de restitution. Mais rien n'interdit au propriétaire
d'élargir les effets naturels de la possession. Il peut autoriser le
créancier à aliéner les unités monétaires
contenues dans l'universalité : c'est en ce sens qu'elles seront
consomptibles. Cette autorisation n'est pas incompatible avec le gage166(*). Elle est déjà
admise en matière d'antichrèse. A l'instar d'un usufruitier de
portefeuille de valeurs mobilières, le créancier nanti pourra
aliéner les unités monétaires à charge de les
remplacer (au titre de son obligation de conservation). Ces actes ne
s'analyseront pas en des actes de disposition mais des actes d'administration.
Au titre de son obligation de conservation, le
créancier aura alors une obligation de remplacement au titre de son
obligation de conservation.
D) Les obligations du créancier
gagiste
Le
créancier nanti a une obligation de conservation (1) et de restitution
(2).
1) L'obligation de conservation
Le créancier nanti a une obligation de conserver la
substance de l'universalité. Celle-ci est constituée par les
unités monétaires intégrées soit lors de la
conclusion du contrat soit postérieurement. Cette conservation de la
substance de l'universalité doit s'entendre de la conservation de sa
valeur. Cette obligation de conservation sera plus ou moins étendue
selon la volonté des parties.
156. L'obligation de conservation dans l'analyse
classique - L'analyse classique du gage-espèces part de la
nature fongible des unités monétaires pour organiser le
gage-espèces. Ainsi, l'objet du gage-espèces est un ensemble de
choses fongibles. Cette fongibilité de l'objet du gage (ou du
nantissement) pouvant mener à une confusion patrimoniale, la loi
nouvelle impose au créancier, à titre de son obligation de
conservation, de tenir séparés les unités
monétaires « des choses de même nature qui lui
appartiennent » (Article 2341 C.civ.). Mais si on suit une autre
analyse, c'est-à-dire celle selon laquelle l'assiette de la
sûreté sera nécessairement une universalité, cette
obligation légale n'aura plus d'intérêt.
L'universalité est un objet certain et non pas un ensemble de choses
fongibles. La sûreté a pour objet le contenant et non le
contenu.
157. L'obligation de conservation dans l'analyse
moderne : une obligation de remplacement - La
consomptibilité des unités monétaires impliquer leur
fongibilité. Les parties prévoiront quels biens pourront
être équivalents à ceux aliénés. L'obligation
de conservation à laquelle est tenu le créancier nantie prendra
alors une coloration positive : il devra remplacer les unités
monétaires. Cette obligation de remplacement devra s'effectuer selon les
critères d'intégration prévus au contrat de nantissement.
Par exemple, les parties ont pu prévoir que l'universalité peut
être composée de toutes monnaies, aussi bien nationales
qu'étrangères, ou à l'inverse, prévoir que de la
monnaie nationale. De même, elle pourrait étendre les
critères d'intégration à des instruments financiers, comme
le prévoit, par exemple, les règles applicables au gage de compte
d'instruments financiers (article L.431-4 III° C.M.F.).
2) L'obligation de restitution
158. Une restitution par équivalent dans
l'analyse classique - Dans l'analyse classique, le créancier ne
rend pas, en raison de la nature fongible des sommes d'argent, les sommes
mêmes affectées en garantie, mais des choses équivalentes.
Telle est la solution retenue par l'article 2341 du Code civil :
« Si la convention dispense le créancier de cette
obligation (celle de tenir séparées les sommes d'argent
affectées en garantie de celle lui appartenant) il acquiert la
propriété des choses gagées à charge de
restituer la même quantité de choses
équivalentes ». Le
créancier est tenu d'une obligation de restitution par
équivalent. Le mélange des choses fongibles dans le patrimoine du
créancier implique que celui-ci ne peut que restituer des choses
équivalentes. Rendant des choses de même qualité et de
même espèce, mais non identique à celles remises, cette
restitution s'analyse en une restitution par équivalent.
159. Une restitution en nature dans l'analyse
renouvelée - En analysant l'objet du gage-espèces
à partir de l'universalité - le contenant - et non pas des
unités monétaires - éléments contenus- le
créancier nanti restitue en nature et non par équivalent. Le
changement dans la composition de l'universalité ne viendra pas
compromettre cette restitution en nature. En effet, l'objet de la restitution
est l'universalité elle-même et non pas ses éléments
contenus. Dès lors que la valeur de l'universalité est identique
à celle au jour de la dépossession, la restitution n'est pas
compromise. Par contre, si le créancier nanti n'a pas remplacé
les unités monétaires qu'il a utilisé entre le jour de la
dépossession et celui de la restitution, il aura violé d'une
part, son obligation de conservation, et d'autre part, corrélativement
son obligation de restitution.
§2 : Les droits et obligations du
constituant
Le constituant a, dans le cadre d'un nantissement avec
dépossession, un droit de propriété (A) et un droit
réel de conservation (B).
A) Le droit de
propriété
160. Maintien du lien d'appropriation - La
dépossession d'une somme d'argent entre les mains du créancier ou
auprès d'un tiers ne vient pas compromettre l'existence du droit de
propriété du constituant. Le droit de propriété
porte sur l'universalité, c'est-à-dire sur le contenant. Le
constituant conserve donc son rapport d'appropriation. L'identité de
l'universalité empêchant une confusion avec les choses de
même nature appartenant au créancier
161. Maintien du pouvoir de disposition -
Cette conservation de son lien d'appropriation lui permet alors d'exercer ses
prérogatives. Tout d'abor, il pourra effectuer tous les actes de
disposition qu'il entend. La dépossession n'a pas pour effet de lui
faire perdre son pouvoir de disposition. Ainsi, il peut aliéner
l'universalité. Cette aliénation ne viendra pas compromettre le
droit réel du créancier nanti. En effet, celui-ci, étant
en possession de l'universalité, pourra opposer son droit de
préférence à l'acquéreur et aussi exercer son droit
de rétention. L'acquéreur ne pourra pas se prévaloir de
l'acquisition de bonne foi. En effet, l'acquisition de bonne foi est
fondée sur la psychologie des tiers. Les tiers peuvent se
prévaloir de l'acquisition de bonne foi parce que les conditions de
l'acquisition pouvaient leur faire légitimement croire que le vendeur
n'était pas tenu d'un engagement réel (usufruit,
hypothèque etc.). Ainsi, le fait que le vendeur soit en la possession du
bien peut permettre aux tiers d'acquérir le bien de bonne foi. Mais en
présence d'un nantissement avec dépossession, les tiers ne
peuvent croire légitimement que le constituant n'a pas accordé un
droit réel aux tiers voire qu'il en a déjà disposé.
Ainsi, le créancier nanti pourra se prévaloir de son droit
réel envers le tiers acquéreur.
162. Maintien du pouvoir d'exclusivité
- Le constituant conserve ensuite son pouvoir d'exclusivité. Ce
maintien permet alors au constituant de revendiquer le bien à
l'extinction du contrat de nantissement. Il n'exercera pas une action
personnelle (action en paiement d'une dette de somme d'argent) mais une action
réelle : l'action en revendication.
B) Le droit réel de
conservation
163. Le droit réel167(*) de conservation, volet actif
de l'obligation de conservation du créancier nanti - Il semble
au premier abord étrange de qualifier le constituant titulaire d'un
droit réel. En effet, le constituant est propriétaire de la chose
affectée en garantie. Il n'aura donc pas un droit réel sur la
chose d'autrui mais sur sa propre chose. Cette analyse sera donc perçue
comme contraire à la définition du droit réel comme droit
sur la chose d'autrui.
Toutefois, le créancier nanti est tenu d'une
obligation de conservation à raison de la chose. Cette obligation est
née dans le cadre d'une situation réelle. C'est parce qu'il
possède la chose d'autrui que le créancier est tenu de la
conserver. A notre avis, cette obligation pourrait être analysée
comme une « dette accessoire à la titularité d'un
droit réel168(*) ». Le créancier nanti est titulaire
d'un droit réel et il est tenu d'une obligation de conservation à
cause de la chose169(*).
Il n'y est pas tenu en qualité de propriétaire mais en
qualité de possesseur de la chose d'autrui. Comme l'usufruitier, le
créancier nanti a la « charge « de conserver
la substance de la chose sur laquelle il exerce ses prérogatives.
Comme toutes les obligations réelles, l'obligation de
conservation a un sujet actif : le constituant. L'exercice de ce droit
réel est assorti d'une action réelle : l'action en
restitution. C'est justement le non-respect de l'obligation de conservation par
le créancier nanti qui permet au constituant de réclamer la
restitution du bien nanti. On retrouve une trace de cette idée dans le
nouveau droit des sûretés. Dans les règles relatives au
gage de meubles corporels, le nouvel article 2344 dispose que :
« Lorsque le gage est constitué avec dépossession,
le constituant peut réclamer la restitution du bien gagé, ..., si
le créancier ou le tiers convenu ne satisfait pas à son
obligation de conservation du gage ». En outre, la violation
de cette obligation pourra donner lieu à une action en
responsabilité civile (même article). Le créancier gagiste
n'est pas tenu de cette obligation en qualité de propriétaire
mais en qualité de possesseur de la chose d'autrui. Le point commun
réside dans le fait que c'est la chose qui justifie l'obligation.
§ 2 : Les droits et obligations des parties en
présence d'un nantissement sans dépossession
En présence d'un nantissement sans
dépossession, le créancier a les mêmes droits que celui
bénéficiaire d'un nantissement avec dépossession. La
différence tient à l'absence de possession de
l'universalité. Cette différence pose deux
problèmes : le maintien de la valeur de l'universalité (I)
et le droit de rétention (II).
A) Le maintien de la valeur engagée
Le créancier nanti n'ayant pas la possession de l'objet
de la garantie ne peut la conserver pour son compte. L'avantage d'une
dépossession ne résidait pas seulement dans l'opposabilité
du droit réel aux tiers mais aussi dans la conservation. Comment
régler ce problème ?
163. Une obligation de remplacement
- La loi nouvelle impose une obligation de conservation au constituant
lorsque le nantissement est sans dépossession. Le nouvel article 2344
alinéa 2 du Code civil dispose que : « Lorsque le
gage est constitué sans dépossession, le créancier peut se
prévaloir de la déchéance du terme de la dette garantie ou
solliciter un complément de gage si le constituant ne satisfait pas
à son obligation de conservation ». Ainsi, le
constituant à une obligation de conservation. La violation de cette
obligation ouvre au créancier nanti une faculté à deux
branches. Soit il demande un complément de gage, soit la
déchéance du terme de la dette garantie. Cette dernière
faculté lui permettra alors de procéder à la
réalisation du gage. En matière de sûretés sur
l'argent, le nantissement sans dépossession doit s'entendre du
nantissement de compte en cours de fonctionnement ou du chèque de
garantie. Le constituant continue à avoir accès au compte
bancaire. Mais l'affectation en garantie du compte lui impose de maintenir la
valeur du compte à hauteur de la dette garantie. Ainsi, il pourra
être tenu d'intégrer de nouvelles unités monétaires
dans le compte nanti si, en raison de l'utilisation du compte ou de
l'évolution de la dette garantie, la valeur du compte est
inférieur à la dette garantie. A notre avis, cette obligation
d'intégration découle de son engagement réel. En effet, le
constituant a pris comme engagement, dès la constitution de la
sûreté, de réserver la valeur du compte au créancier
nanti afin d'assurer l'exécution de la dette garantie. Diminuer la
valeur du compte revient à mal exécuter cette obligation.
Dès lors, soit le constituant s'exécute par lui-même, soit
le créancier peut recourir à l'exécution forcée de
cette obligation. La déchéance du terme doit venir en dernier
lieu.
B) Le droit de rétention
164. L'analyse classique du droit de
rétention - Le droit de rétention est classiquement
analysé comme un prolongement de la dépossession. Le
créancier gagiste - en présence d'un gage avec
dépossession - a un droit de rétention parce qu'il a la
possession de l'objet affecté en garantie. Ce pouvoir de fait lui permet
donc de retenir la chose jusqu'à complet paiement.
165. Une autre analyse possible - Le droit
de rétention peut être analysé autrement. Il peut
être fondé, non pas sur la dépossession, mais sur la
finalité du droit de rétention. Le droit de rétention a
pour finalité de forcer le débiteur à exécuter la
dette garantie. Son exercice est facilité lorsque le créancier
possède l'objet affecté en garantie. Mais la dépossession,
si elle facilite son exercice, n'est pas une condition nécessaire
à l'exercice du droit de rétention. Les parties peuvent
prévoir que le créancier a un droit de rétention sur
l'objet affecté en garantie en l'absence d'une dépossession.
Cette possibilité existe en matière de gage de
compte d'instrument financier. En effet, l'article L. 421-4, III° du Code
monétaire financier dispose que : « Le
créancier gagiste définit avec le titulaire du compte les
conditions dans lesquelles ce dernier peut disposer des instruments financiers
et des sommes en toute monnaie, figurant dans le compte gagé. Le
créancier gagiste bénéficie en toutes hypothèses
d'un droit de rétention sur les instruments financiers et sommes en tout
monnaie figurant au compte gagé ». La
situation décrite par l'article L. 431-4 III° du Code
monétaire et financier évoque le gage sans dépossession.
Le constituant continue à faire fonctionner le compte d'instrument
financier (objet du contrat de gage) dans les conditions prévues au
contrat. Cette absence de dépossession n'empêche pas d'instaurer
un droit de rétention au profit du créancier nanti. En effet, le
droit de rétention est un pouvoir de blocage des utilités de la
chose. En exerçant le droit de rétention, le créancier
gagiste empêche le constituant de jouir de sa chose comme il l'entend. Il
lui interdit l'accès aux utilités de la chose affectée en
garantie.
En matière de compte d'instruments financiers comme en
matière de compte en cours de fonctionnement, l'exercice du droit de
rétention se traduit par le blocage du compte. Ainsi, il n'est pas
impossible d'envisager que les parties au contrat de nantissement accorde au
créancier un droit de rétention en dépit de l'absence de
dépossession170(*).
166. Conclusion de la section II - La
dualité contenant-contenu permet une meilleure gestion des nantissements
sur somme d'argent. Les intérêts réciproques des parties
sont protégés. Dans le cadre d'un nantissement avec
dépossession, la dualité contenant-contenu permet une gestion
optimale de l'objet affecté sans perturber l'existence des droits
respectifs des parties. Dans le cadre d'un nantissement sans
dépossession, les intérêts du créancier sont
protégés. Toutefois, il serait judicieux de rechercher un
mécanisme efficace permettant de bloquer le compte au moment venu. Une
analyse finaliste du droit de rétention le permettrait.
CHAPITRE II : LES
DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES AU MOMENT DE LA REALISATION DU
GAGE-ESPECES
La réalisation du gage-espèces dépend de
la figure choisie. Dans tous les cas, elle est facilitée par la nature
pécuniaire de la substance de l'universalité. Elle est
simplifiée tant en présence d'un nantissement (Section I) que
d'une sûreté fiduciaire (Section II).
SECTION I / LA REALISATION
DU GAGE-ESPECES EN PRESENCE D'UN NANTISSEMENT
En présence d'un nantissement, la sûreté
se réalise par l'attribution en propriété de
l'universalité. Après avoir présenté les conditions
de cette attribution (sous-section I), nous recherchons sa nature juridique
(sous-section II).
§ 1 : Les conditions de l'attribution en propriété de
l'assiette
L'attribution du nantissement peut être conventionnelle
(I) ou judiciaire (II).
I) La réalisation du gage-espèces en
présence d'un pacte commissoire
La jurisprudence antérieure (A) comme le nouveau droit
des sûretés (B) permet aux parties de conclure un pacte
commissoire afin de réaliser la sûreté.
A) La validité du pacte commissoire avant la réforme
des sûretés
Dans l'état antérieur à la réforme
du droit des sûretés, le Code civil prévoyait un principe
de prohibition du pacte commissoire (1). Mais ce principe était
écarté en matière de gage-espèces en raison de son
objet (2).
1) Le principe de prohibition du pacte commissoire
Avant la réforme, l'article 2078 du Code civil
disposait que : « Le créancier ne peut, à
défaut de payement, disposer du gage : sauf à lui à
faire ordonner en justice que ce gage lui demeura en payement et jusqu'à
due concurrence, d'après une estimation faite par experts, ou qu'il sera
vendu aux enchères. Toute clause qui autoriserait le créancier
à s'approprier le gage ou à en disposer sans les
formalités ci-dessus est nulle ».
167. La raison d'être de la prohibition du
pacte commissoire : la protection du constituant - La
justification de cette prohibition était la protection du
débiteur. En effet, le constituant accordant le plus souvent un gage en
même temps qu'il bénéficiait d'un crédit, on
craignait qu'un « prêteur sans scrupules171(*) » (le
créancier) ne profite de la situation face à un débiteur
« aux abois 172(*)» pour imposer la stipulation d'un pacte
commissoire.
168. Le tempérament : la validité
du pacte commissoire postérieur à la conclusion du contrat de
gage - Ainsi, dans cet esprit, il était permis de stipuler un
pacte commissoire après la conclusion du contrat de gage173(*), car dans cette situation,
le constituant pouvait avoir un consentement libre et éclairé.
Mais ce n'était pas la seule raison. La prohibition du pacte commissoire
est aussi justifiée par le souci d'éviter aux parties de
procéder à l'évaluation de l'objet remis en garantie.
Cette justification était aussi motivée par le souci de
protection des intérêts du débiteur : en soumettant
l'évaluation du bien affecté en garantie au contrôle
judiciaire - qui procédera à la nomination d'un expert - le
débiteur était protégé contre un créancier
désirant sous-évaluer le bien concerné. C'est cette
dernière raison d'être qui justifie l'écart de la
prohibition du pacte commissoire lorsque l'objet garanti consiste dans une
somme d'argent.
2) L'écart de la prohibition en matière
monétaire
169. Une validité dès la conclusion du
contrat de gage - En matière de gage-espèces, la
prohibition du pacte commissoire est écartée en raison de la
nature de son objet : la monnaie. Contrairement à tous les autres
biens, sa valeur ne dépend pas de la volonté des particuliers
mais de celle de l'Etat ou aujourd'hui de la Banque Centrale Européenne.
La monnaie est un bien dont la valeur se confond avec sa substance.
L'unité de paiement n'est pas évaluée au gré des
particuliers mais d'une instance supérieure. Dès lors le
problème de la fixation de la valeur du gage - justifiant la prohibition
du pacte commissoire - ne se pose pas.
170. La validation jurisprudentielle de la
validité du pacte commissoire en matière de gage-espèces
- C'est en ce sens que par un arrêt du 4 mai 1993, la
3ème chambre de la Cour d'appel de Paris174(*) avait admis la
validité du pacte commissoire en matière de gage-espèces.
Selon cette juridiction : « ...la prohibition du pacte
commissoire a pour but d'éviter la spoliation du débiteur qui a
affecté à la garantie de sa dette un gage d'une valeur
pécuniaire supérieure et prend tout son sens lorsque se pose le
problème de l'évaluation du gage ; Que par sa nature, le
gage constitué en espèces ne soulève aucune
difficulté quant à la fixation du juste prix et rend donc
inutiles les deux modes classiques de réalisation du
gage ». Sur cette motivation les juges du fond admettent la
validité du pacte commissoire (conclu dès la conclusion du
contrat de gage) : « Que les dangers du pacte
commissoire étant en l'espèce inexistants, la clause par laquelle
IHM (le constituant) a autorisé la banque Worms (le créancier
gagiste) à s'attribuer à due concurrence du montant de la somme
impayée au titre du prêt dans la limite de la garantie
conférée est valable ».
Cette décision a été validée par
la Chambre commerciale de la Cour de cassation par un arrêt du 9 avril
1996 : « N'est pas prohibée par l'article 2078 du
Code civil la stipulation d'attribution d'un gage constitué en
espèces par le créancier, à due concurrence du
défaut de paiement à
l'échéance ».
171. Conclusion - Avant la réforme
des sûretés, le pacte commissoire était valable en
matière de gage-espèces. Son objet permettant une
évaluation aisée de l'objet gagé, la justification du
pacte commissoire n'avait plus à s'appliquer. Toutefois, l'attribution
de l'objet gagé avait une limite : le montant de la dette garantie.
Tant dans l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris que celui de la Chambre
commerciale de la Cour de cassation, les juges prennent le soin de
préciser que cette attribution conventionnelle doit se faire
« à concurrence du montant de la somme
impayée ».
B) La validité du pacte commissoire dans le
nouveau droit des sûretés
Le nouveau droit des sûretés a admis, à
titre de principe, la validité du pacte commissoire (1). Sa mise en
oeuvre est soumise à des formalités, dont certaines doit
être écartées en raison de la nature juridique de l'objet
gagé (2). Cette attribution aura lieu à concurrence de la valeur
de la dette garantie (3).
1) La validité de principe du pacte
commissoire
L'ordonnance du 23 mars 2006, transposant une proposition du
Projet GRIMALDI, a inséré un nouvel article 2348 ainsi
rédigé : « Il peut être convenu, lors
de la constitution du gage (nous soulignons) ou postérieurement,
qu'à défaut de l'exécution de l'obligation garantie le
créancier deviendra propriétaire du bien
gagé ». Dorénavant, le pacte commissoire, qu'il
soit conclu au jour de la constitution du gage ou postérieurement, est
valable. Cette disposition nouvelle n'apporte pas une grande nouveauté
en matière de gage-espèces. La validité du pacte
commissoire étant déjà admise dans le droit
antérieur. La
mise en oeuvre de ce pacte est soumise à des formalités.
2) La mise en oeuvre du pacte commissoire
172. L'inutilité des formalités de mise
en oeuvre du pacte commissoire en matière de gage-espèces
- La réforme, dans un souci de protection du constituant,
impose une formalité : la fixation objective175(*) de la valeur du bien
gagé. Aux termes de l'article 2348 alinéa 2 :
« La valeur du bien est déterminée au jour du
transfert par un expert désigné à l'amiable ou
judiciairement, à défaut de cotation officielle du bien sur un
marché organisé au sens du code monétaire et financier.
Toute clause contraire est réputée non
écrite ». En théorie, les parties à un
nantissement de somme d'argent devront donc faire appel à un expert pour
fixer la valeur de la « somme d'argent ». A notre avis,
cette formalité devra être écartée concernant un
nantissement de somme d'argent. Comme nous l'avions souligné
précédemment, la valeur des unités monétaires
contenues dans l'universalité est indépendante de la
volonté des parties. Cette valeur est fixée par la Banque
Centrale Européenne. Dès lors, la valeur est fixée de
manière objective. Il serait dès lors inutile de respecter les
formalités prévues.
3) L'étendue de l'attribution conventionnelle
L'attribution conventionnelle se fait à hauteur de la
dette garantie (article 2348 alinéa 3 C.civ.). La loi prévoit
deux solutions lorsque la valeur du bien gagé est supérieure au
montant de la dette garantie. Soit le créancier devra verser la
différence au constituant. Soit l'excédent sera consigné
s'il y a d'autres créanciers gagistes. La question qui se pose est de
savoir la nature de la restitution du surplus. Est-ce la restitution de
l'universalité ou une simple dette de sommes d'argent ?
173. Une appropriation des éléments
contenus et une restitution de l'universalité - Dans un souci
de protection du constituant, il serait préférable d'analyser la
mise en oeuvre du pacte commissoire de la manière suivante. Le
créancier s'approprie non pas l'universalité dans son ensemble
mais les éléments contenus à hauteur de la dette garantie.
En d'autres termes, il deviendra propriétaire d'une certaine
quantité d'unités monétaires à hauteur des
unités de paiement dues. Par la suite, soit le créancier restitue
l'universalité s'il est le seul à avoir un droit de
préférence dessus, soit l'universalité est
consignée pour les autres créanciers gagistes. Par exemple, en
matière de nantissement de compte bancaire, le créancier prendra
les sommes d'argent contenues dans le compte en laissant le compte au
constituant. L'extinction du contrat de gage par l'appropriation aura aussi
l'avantage de permettre au constituant de revendiquer l'universalité
ainsi diminuée.
II) La réalisation du nantissement en l'absence
d'un pacte commissoire
En l'état du droit positif actuel comme dans la
réforme, en l'absence d'un pacte commissoire, le créancier devra
recourir aux modes classiques de réalisation du gage. Ce recours
à ces modes sont inutiles voire impossible. Le droit actuel
prévoit deux modes distincts de réalisation du gage : la
vente du gage (B) et son attribution judiciaire (A).
A) L'attribution
judiciaire
174. La raison d'être de l'attribution
judiciaire : rappel - Dans un souci de protection des
intérêts du constituant, le législateur de 1804 avait
prévu que seul le juge pouvait attribuer le gage au créancier.
L'attribution judiciaire du gage avait une double vocation :
protéger le constituant et contrôler la valeur du bien, la seconde
servant implicitement la première. Le créancier devrait alors
demander l'attribution judiciaire du gage. Au regard de ratio legis de
la règle posée par l'article 2078 du Code civil, cette
attribution judiciaire est sans intérêt en matière de
gage-espèces. En effet, l'attribution judiciaire a pour but de donner
une fixation objective de la valeur. Les biens ont une valeur variable qu'il
est nécessaire de fixer. La monnaie ne connaît pas cet
inconvénient. Sa valeur est fixée par la Banque centrale
européenne. Sa valeur ne varie pas en fonction des volontés
individuelles des particuliers mais selon une volonté unique :
celle des autorités bancaires.
175. L'attribution judiciaire : un mode de
réalisation coûteux et inutile - Pourtant en
l'état du droit, il est nécessaire que le créancier
bénéficie d'un pacte commissoire pour s'attribuer l'assiette de
la garantie. En son absence, le créancier devra donc recourir au juge.
Cette formalité coûteuse est inutile et embarrassera tant le juge
- qui ne verra pas son utilité dans cette situation - que les parties.
Dans un souci de simplification, il serait préférable que le juge
prononce directement l'attribution du gage sans recourir préalablement
à la nomination d'un expert. En tout cas, il est
préférable aux parties de prévoir un pacte commissoire,
cela évitera les complications inutiles
B) La vente aux
enchères
176. La vente aux enchères : un mode de
réalisation impossible - En principe, en l'absence d'un pacte
commissoire, le créancier doit recourir à la vente aux
enchères du gage. Cette formalité est justifiée par la
même raison d'être. La vente aux enchères permettra une
fixation objective de la valeur c'est-à-dire indépendante de la
seule volonté des parties. Cette formalité est inutile voire
impossible en présence d'un gage-espèces. Il est inconcevable que
l'on puisse spéculer sur la valeur d'un gage constitué en
monnaie. Cette formalité est donc inutile et impossible.
177. Conclusion de la Section I - Le pacte
commissoire : mode de réalisation de toutes les formes de
gage-espèces - La réalisation d'un nantissement de somme
d'argent - en dépit de la forme adoptée (nantissement de compte
en cours de fonctionnement, nantissement de compte bloqué, nantissement
de somme d'argent) est facilitée par la nature particulière des
éléments composant l'universalité. La monnaie, instrument
d'évaluation de tous les biens composant notre patrimoine176(*), est d'une évaluation
fixe et aisée. Dès lors, les raisons d'être (protection du
constituant, indépendance des parties dans la fixation de la valeur du
bien gagé) justifiant la prohibition du pacte commissoire n'ont plus de
raison de s'appliquer. Cette réalisation constitue une appropriation de
l'universalité. Les parties, par la conclusion d'un pacte commissoire,
ont prévu que le créancier acquiert l'universalité
à titre de paiement de la dette garantie. Cette réalisation ne
constitue pas une compensation : il ne s'agit pas de compenser la dette
garantie avec la dette de restitution. Ce mode de réalisation du
gage-espèces intervient dans l'analyse classique en raison que les
parties sont tenues toutes deux d'une dette de somme d'argent. Par la
stipulation d'une clause de compensation conventionnelle (nécessaire en
raison que la dette de somme d'argent du créancier ne devient exigible
que par l'extinction de la dette garantie), les parties pouvaient, dans le
cadre de l'analyse classique du gage-espèces compenser les dettes
réciproques. En l'espèce, il ne s'agit pas d'un paiement
réciproque mais d'une acquisition de propriété
entraînant l'extinction de la dette principale. Ce mode de
réalisation du gage-espèces est le même que l'on se trouve
en présence d'un nantissement avec dépossession (nantissement de
compte bloqué, nantissement de somme d'argent) que sans
dépossession (nantissement de compte en cours de fonctionnement).
-
SECTION II : LA
REALISATION DU GAGE-ESPECES EN PRESENCE D'UNE SURETE FIDUCIAIRE
La réalisation du gage-espèces suppose un fait
préalable : l'extinction de la propriété fiduciaire
(§1). La logique de la fiducie-sûreté implique que la
réalisation de la sûreté s'opère par une acquisition
définitive de l'objet de la sûreté (§2). Ce mode de
réalisation pose la question de sa nature juridique (§3).
§ 1 / La condition préalable :
l'extinction de la propriété fiduciaire
178. La cause d'extinction de la
propriété fiduciaire : l'échéance de la dette
garantie - La fiducie-sûreté est construite sur une
propriété fiduciaire. Lors de la constitution de la
fiducie-sûreté, le créancier n'a pas acquis
l'universalité à titre de propriétaire souverain et absolu
mais en qualité de propriétaire fiduciaire. Ce lien
d'appropriation est un lien affecté : le créancier n'est
propriétaire de l'universalité qu'afin de garantir la dette.
L'arrivée de l'échéance du terme fait disparaître
cette affectation. L'extinction de cette affectation a pour conséquence
d'éteindre le lien d'appropriation fiduciaire. Cette extinction est un
préalable à l'acquisition de l'universalité à titre
de propriétaire définitif.
§ 2 / Le mode de réalisation de la
sûreté : l'acquisition à titre définitif de
l'universalité
La réalisation du gage-espèces se passera alors
par une acquisition de l'universalité à titre définitif.
Après celle-ci le créancier sera un propriétaire souverain
et absolu au sens de l'article 544 du Code civil. (A). Cette acquisition a pour
effet d'éteindre la dette garantie (B). En présence d'une
universalité dont la valeur est supérieure à celle de la
dette garantie, la notion de sûreté impose de régler le
sort de l'excédent (C).
A) L'acquisition de l'universalité
179. La cause de l'acquisition de
l'universalité : l'obligation de donner ? -
L'acquisition de l'universalité à titre définitif de
l'universalité par le créancier pose une question
théorique : par quel mode d'acquisition le créancier va
devenir propriétaire de l'universalité ? Une première
solution pourrait être concevable. Estimer que l'échéance
de la dette garantie constitue le terme de l'obligation de donner à
laquelle est tenu le créancier en qualité de propriétaire
fiduciaire. Et en vertu d'une sorte de pacte commissoire convenu dès la
conclusion du contrat de fiducie-sûreté, le constituant s'est
engagé à donner l'universalité à titre de
réalisation de la sûreté. Cette analyse installerait alors
une double transmission de l'universalité. Une première du
créancier au constituant et une seconde du constituant au
créancier. Cette double transmission permettrait alors de comprendre
l'acquisition à titre définitif de l'universalité par le
créancier.
180. La cause de l'acquisition de
l'universalité : la qualité de
bénéficiaire - Dans sa thèse, Melle KUHN
propose une analyse différente en matière de
fiducie-sûreté. Selon cet auteur, la qualité du
bénéficiaire du transfert de propriété est
conditionnelle. En d'autres termes, le créancier de cette obligation de
donner est soit le constituant - s'il exécute la dette garantie - soit
le créancier - si le constituant n'exécute pas la dette
garantie177(*).
B) L'extinction de la dette
garantie
181. La cause d'extinction de la dette
garantie : l'acquisition définitive de l'universalité par le
créancier fiduciaire - L'acquisition à titre
définitif de l'universalité par le créancier
bénéficiaire de la fiducie-sûreté a pour effet
l'extinction de la dette garantie. En matière de nantissement, le pacte
commissoire constitue un mode de réalisation de la sûreté
et corollairement l'extinction de la dette garantie. De même,
l'acquisition de l'universalité par le créancier constitue le
mode de réalisation de la fiducie-sûreté et cette
acquisition entraîne l'extinction de la dette garantie. Dans les deux
situations, le créancier acquiert un bien et cette acquisition est
réalisée afin de satisfaire le créancier. N'ayant pu
obtenir une satisfaction directe - le paiement de la dette garantie - il
obtient une satisfaction indirecte - l'acquisition de l'universalité -.
Dans l'hypothèse où la dette garantie a une valeur
supérieure à celle de l'universalité, l'acquisition ne
constituera qu'une cause d'extinction partielle de la dette garantie : le
créancier restera tenu pour le surplus. Pour recouvrir ce surplus, le
créancier devra recourir aux modes de droit commun de recouvrement des
créances. Après la réalisation de la
fiducie-sûreté, il se trouve dans la situation d'un
créancier chirographaire.
En revanche, lorsque l'universalité a une valeur
supérieure à celle de la dette garantie, il se pose la question
de la « restitution » au constituant de la
différence de valeur garantie.
C) Le sort de l'excédent de valeur
182. Le fondement de la
« restitution » de l'excédent de valeur : le
principe de non-enrichissement du créancier du fait de la
sûreté - La notion de sûreté implique un
principe de non-enrichissement du créancier du fait de la
sûreté. Ce principe s'applique tant au cours de la
sûreté - d'où la justification de l'obligation
d'intégrer dans l'assiette de la sûreté des fruits
tirés de son exploitation - que lors de sa réalisation. En
acquérant définitivement l'universalité, le
créancier peut s'enrichir si la valeur de l'universalité est
supérieure à celle de la dette garantie. Dès lors, il sera
tenu de « restituer » le trop perçu au constituant
(fiduciant) de la sûreté. Cette obligation pose la question de sa
nature juridique : restitution ou paiement ?
183. La nature juridique de la dette du
créancier : une dette de somme d'argent - Le
créancier devra donc donner le surplus au constituant. Cette obligation
doit s'analyser en une dette de somme d'argent. En effet, une dette de
restitution suppose que la chose à restituer appartienne à autrui
(restitution consécutive à une annulation ou une
résolution, restitution d'un dépôt ou restitution du gage
etc). Or en l'espèce, le créancier est devenu
définitivement propriétaire de l'universalité et par
suite des éléments contenus. Cette appropriation de
l'universalité implique alors qu'il ne sera tenu que d'une dette de
sommes d'argent. Il s'agira d'une dette de somme d'argent qui s'éteindra
par le paiement. Dès lors, le régime du paiement d'une dette de
somme d'argent s'appliquera. Plus précisément, le
créancier devra créer une universalité178(*) pour exécuter cette
obligation.
184. Conclusion de la section II - La
réalisation de la fiducie-sûreté se rapproche de celle du
nantissement de sommes d'argent pour différentes raisons.
Premièrement, dans les deux cas, le mode de réalisation est
simplifié : le créancier acquiert à titre
définitif l'universalité ou ses éléments contenus.
Le dernier établit un nouveau lien d'appropriation qui fait de lui un
propriétaire au sens de l'article 544 du Code civil. Secondement,
étant toutes deux des sûretés, le créancier ne devra
s'approprier que le nécessaire à l'extinction de la
créance garantie : le créancier ne peut s'enrichir du fait
de la réalisation de la sûreté. Certaines
différences demeurent. D'une part, la transmission de
l'universalité ne suit pas les mêmes étapes. Dans le cadre
d'un nantissement, la mise en oeuvre du pacte commissoire implique une
transmission de propriété au créancier nanti :
l'universalité sort du patrimoine du constituant pour entrer dans celui
du créancier. Dans le cadre d'une fiducie-sûreté, la
situation est différente. L'universalité ne fait plus partie du
patrimoine du créancier dès la constitution de la
sûreté : le créancier reçoit
l'universalité sur lequel il établit un lien d'appropriation
fiduciaire. Il établira un nouveau lien d'appropriation sur le bien sans
que celui-ci passe par le patrimoine du constituant. D'autre part, le sort de
l'universalité n'est pas le même dans les deux situations lorsque
la valeur de celle-ci est supérieure à celle de la dette
garantie. Dans le cadre d'un nantissement, il se peut que l'universalité
soit l'objet de nantissements successifs. Dès lors la réalisation
de la sûreté par un des créanciers nantis ne fait pas
disparaître l'universalité : son affectation demeure. Au
contraire, la fiducie-sûreté crée une situation
d'exclusivité. Seul le créancier a un lien d'appropriation
fiduciaire sur l'universalité. Sa réalisation suppose alors
nécessairement sa disparition.
CONCLUSION
185. Nature juridique - Cette brève
étude du gage-espèces a eu pour vocation principale de redonner
à la volonté des parties la place qu'il lui revient.
186. L'analyse classique : un fondement
naturaliste - La théorie classique donne une analyse du
gage-espèces en se fondant sur la nature juridique de son objet et le
classifie ainsi entre plusieurs catégories juridiques : gage
translatif de propriété, gage de monnaie fiduciaire, nantissement
de créance, nantissement de monnaie scripturale. Dans cette vision des
choses, selon le mode de dépossession et le type de support
monétaire affecté en garantie, les parties se trouvent face
à plusieurs régimes juridiques distincts, compliquant ainsi la
vie des affaires. La limite est fragile entre une dépossession directe
(entre les mains du créancier ou sur son compte) et indirecte (compte
d'affectation spéciale). Le fondement invoqué est aussi
préjudiciable pour les parties : la fongibilité compromet
autant le droit de propriété du constituant que celui du
créancier gagiste. Cette analyse ne permet pas un changement dans
l'assiette de la sûreté hormis si les parties ou le
législateur prévoient une subrogation réelle entre les
éléments aliénés et les éléments
substitués.
Le fondement de cette classification n'est pas
préjudiciable qu'au niveau pratique mais aussi au niveau
théorique. Assigné à la fongibilité ou la
consomptibilité des biens, la justification du transfert du droit de
propriété au profit du créancier
« gagiste » est contraire aux modes d'acquisitions de la
propriété. De plus, la solution apportée n'est pas si
certaine : un vendeur se réservant la propriété d'un
bien fongible peut exercer une revendication en nature. Le
bénéficiaire d'une sûreté sur sommes d'argent dans
le cadre des dispositions nouvelles relatives aux garanties financières
peut être autorisé à aliéner ces sommes sans
recevoir la qualité de propriétaire.
Cette analyse était justifiée par deux
séries de motifs : l'identification de l'assiette de la garantie et
le pouvoir de disposer. En analysant, l'assiette de la sûreté
à partir des « choses fongibles » remises en
garantie au créancier, le gage-espèces allait dans une
impasse : l'assiette devenait incertaine ainsi que le droit de
propriété qui était incorporé. En analysant l'acte
d'aliénation comme un acte de disposition, le créancier devenait
par confusion - comme en matière d'usufruit - un propriétaire
souverain et absolu. Devant exercer l'abusus pour aliéner les
unités monétaires, il faut en faire un propriétaire.
187. L'analyse renouvelée : un fondement
volontariste - Nous avons alors tenté une analyse
renouvelée du gage-espèces à partir de la seule
volonté des parties. Nous sommes passés par une institution
ancienne et remise au goût du jour par la doctrine179(*) et la jurisprudence :
l'universalité. Cette institution est nécessaire, utile et
unifiante pour le gage-espèces.
Tout d'abord, elle est un passage obligé en raison de
la qualité de choses de genre de la monnaie. Ces choses
nécessitent de recourir à l'universalité pour donner au
contrat de gage-espèces une assiette certaine. Ce recours permet alors
aux parties de ne pas être surprise. Si elles décident de conclure
un contrat de nantissement et la fongibilité des éléments
contenus dans l'universalité n'y changeront rien : la
sûreté ne dégénérera pas en
sûreté-propriété « en raison de la nature
fongible » de son objet. L'affectation donnée à
l'universalité lors de sa création et confirmée lors de la
conclusion du contrat de nantissement lui donne une identité propre.
Ainsi, les parties auront des droits sur une chose individualisée et
déterminée.
Ensuite, l'universalité permet une vision dynamique du
gage-espèces : l'entrée et la sortie
d'éléments contenus n'affecte pas l'objet certain du contrat et
partant des droits respectifs des parties. La théorie moderne du droit
de propriété et du droit des biens joue son rôle dans le
gage-espèces. La souveraineté du propriétaire permet de
créer une propriété spéciale : la
propriété fiduciaire. Ainsi, le gage-espèces peut alors
constituer une fiducie-sûreté non pas sur le fondement de la
nature de son objet mais de la volonté des parties. Toutefois, il faudra
pour cela de la « volonté » : admettre que la
propriété fiduciaire puisse exister sans intervention du
législateur et permettre un transfert de propriété
à titre de garantie. L'association de l'universalité, de la
théorie moderne de la propriété et de la liberté
contractuelle restaure un fondement adéquat à la classification
des sûretés conventionnelles sur l'argent. On passe ainsi d'un
fondement naturaliste (analyse classique) à un fondement volontariste
(analyse proposée). Dès lors la nature juridique du
gage-espèces est calquée sur la volonté des parties :
la volonté et la réalité juridique concordent en
toute harmonie.
188. Le régime juridique - Cette
association se retrouve aussi dans le régime juridique de ces
sûretés tant au cours de vie de la sûreté qu'au
moment de sa réalisation.
189. Avant la réalisation de la
sûreté - La combinaison de la théorie de
l'universalité et de la théorie moderne de la
propriété permet une organisation des pouvoirs et obligations des
parties sur l'assiette de la sûreté. La nature duale de
l'universalité permet une mouvance dans sa composition sans compromettre
l'existence de la sûreté dont elle en est l'objet. La
rénovation de la théorie de la propriété permet
l'aliénation des unités monétaires sans créer une
division de la propriété. Concernant le nantissement, une
conception objective de la possession permet une mouvance dynamique. En
analysant la possession non pas subjectivement (corpus et animus
domini) mais objectivement (possessio naturalis ou possession
naturelle), il est permis de voir dans les actes d'aliénation des
éléments contenus non pas comme des actes de disposition mais
comme des actes d'administration. La théorie classique de la
propriété ne le permettait pas : il fallait être
titulaire du droit de propriété incorporé dans la chose
pour le détruire. La conception objective de la possession ainsi qu'une
analyse différenciée de la propriété, et partant,
de la distinction des actes d'administration et de disposition le permettent.
La contrepartie nécessaire de ce pouvoir d'aliéner les
unités monétaires contenues dans l'universalité est
l'obligation de remplacement. Au titre de son obligation de conservation de la
substance de l'objet gagé, le créancier devra remplacer les
unités monétaires aliénées selon les
critères d'intégration voulus par les parties. Il les remplacera
par des biens objectivement ou subjectivement équivalents. La
fongibilité des unités monétaires supposera
préalablement leur consomptibilité, c'est-à-dire que le
constituant autorise le créancier à aliéner les
unités monétaires. La fongibilité ne justifie pas la
consomptibilité. C'est la consomptibilité qui appelle la
fongibilité.
Concernant la fiducie-sûreté, le créancier
peut aliéner les unités monétaires - sur le fondement de
son pouvoir de disposition - à charge de les remplacer. Il a une
obligation d'entretien qui lui impose de maintenir la valeur de
l'universalité. A la différence du créancier nanti, il a
aussi un pouvoir de disposition sur l'universalité elle-même. Il
peut effectuer des actes de disposition en conformité avec les
stipulations contractuelles.
190. La réalisation du gage-espèces
- La nature particulière de l'objet de la convention du
gage-espèces, la monnaie, facilite sa réalisation. En
matière de nantissement, le créancier pourra, si la convention le
permet, s'approprier soit les éléments contenus - en
présence d'une pluralité de nantissement - soit
l'universalité. Au titre du principe de non-enrichissement du fait de la
sûreté, il devra rendre l'excédent si la valeur de
l'universalité est supérieure à celle de la dette
garantie. En matière de fiducie-sûreté, la
réalisation est aussi simplifiée. Le créancier devient
propriétaire à titre définitif en cas d'inexécution
de la dette garantie. Il est dispensé de son obligation de donner. En
vertu du même principe de non-enrichissement, il devra restituer
l'excédent de valeur au constituant.
191. Ouverture - Pourrait-on parler de
« gage-espèce » au lieu de
« gage-espèces » ?
Le passage du pluriel au singulier permettrait alors
d'étendre une recherche à toutes les sûretés sur
choses consomptibles et fongibles. Le droit français contient plusieurs
exemples : le warrant de marchandises, le gage de compte d'instruments
financiers, le gage-espèces, le gage de stocks de marchandises...A
l'heure actuelle, elles ont toutes des régimes juridiques propres et
disparates. L'universalité pourrait constituer un point de départ
pour élaborer un régime juridique commun à ce type de
sûretés. Cette étude n'aurait pas qu'un
intérêt national - c'est-à-dire unifier le régime
juridique des nantissements (ou gages) sur choses consomptibles et fongibles -
mais aussi international. Elle pourrait aussi permettre, à notre avis,
une efficacité de certaines sûretés
étrangères, et plus particulièrement la
floating-charge.
SOMMAIRE
INTRODUCTION........................................................................................1
1ère PARTIE : LA NATURE
JURIDIQUE DU GAGE-ESPECES
9
CHAPITRE I : L'ANALYSE CLASSIQUE DU GAGE-ESPECES
FONDEE SUR LA QUALIFICATION JURIDIQUE DE SON OBJET
11
SECTION I / LA NATURE JURIDIQUE DU GAGE-ESPECES EN
L'ABSENCE DU MAINTIEN DE L'INDIVIDUALITE DE SON ASSIETTE : UNE SURETE
TRANSLATIVE DE PROPRIETE
11
SECTION II / LA NATURE JURIDIQUE DU
GAGE-ESPECES EN PRESENCE D'UN MAINTIEN DE L'INDIVIDUALITE DE SON ASSIETTE : UNE
SURETE NON-TRANSLATIVE DE PROPRIETE
37
CHAPITRE II : L'ANALYSE RENOUVELEE DU GAGE-ESPECES
FONDEE SUR LA VOLONTE DES PARTIES
48
SECTION I / L'UNIVERSALITE : L'OBJET CERTAIN
DES SURETES SUR L'ARGENT
50
SECTION II / L'UNIVERSALITE : UNE INSTITUTION
RESTAURATRICE DE LA VOLONTE DES PARTIES
60
2ème PARTIE / LE REGIME JURIDIQUE
DU GAGE-ESPECES.
70
CHAPITRE I / LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES
AVANT LA REALISATION DE LA SURETE
71
SECTION I / LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES
EN PRESENCE D'UN TRANSFERT FIDUCIAIRE A TITRE DE GARANTIE
71
SECTION II/ LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES
EN PRESENCE D'UN NANTISSEMENT
78
CHAPITRE II : LES DROITS ET OBLIGATIONS DES
PARTIES AU MOMENT DE LA REALISATION DU GAGE-ESPECES
91
SECTION I / LA REALISATION DU GAGE-ESPECES EN
PRESENCE D'UN NANTISSEMENT
91
SECTION II : LA REALISATION DU GAGE-ESPECES EN
PRESENCE D'UNE SURETE FIDUCIAIRE
97
CONCLUSION.......................................................................................
101.
TABLES DES
MATIERES........................................................................
105
BIBLIOGRAPHIE....................................................................................107
BIBLIOGRAPHIE
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Cass. Crim. 9 juill. 1953, D. 1953, 556
Cass.Civ.1ère, 7 Février 1984, Bull.civ. I,
n°49 - Defrénois 1984, article 33427, note Ch. Larroumet
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Teyssié
Cass. Com., 17 mai 1994, D.1995, jur. p.125, note Ch. Larroumet
Com. 9 avril 1996 D.1996 jur.399
Com. 4 mars 1997, Contrats Concurrence Consommation 1997,
n°110, note Leveneur - RTD Com. 1998. 415, obs. Martin-Serf
Com 3 juin 1997, D.1998 jur.61
1ère Civ., 12 novembre 1998, Bull.civ. I,
n°315
Com. 23 avril 2003, inédit - n° de pourvoi :
02-11015
Com. 18 janvier 2005, Bull. civ. IV, n°11
3ème Civ., 12 juillet 2005, Bull.civ. III,
n°175
1ère Civ. 15 novembre 2005, Bull.civ. I,
n°415, p.347-348
* 1 F. ZENATI, La nature
juridique du quasi-usufruit (ou la métempsychose de la valeur), in
Le droit privé à la fin du XXème siècle -
Etudes offertes à P. CATALA, Litec, Paris, 2001, n°1, p.605
* 2 R. LIBCHABER, La
fiducie française, inutile, incertaine..., in Philippe MALAURIE
- Liber Amicorum, Defrénois, Paris, 2005, n°8, p.312
* 3 Req. 7 et 8
février 1928, D.H. 1928, p.129 : « ...toute somme
d'argent, ou toute quantité de choses fongibles reçues
à un titre quelconque se confond, dès lors qu'elle ne peut
plus être identifiée, avec les autres valeurs composant son
patrimoine de celui qui la reçoit et devient, comme ces valeurs, le gage
commun de ses créanciers ».
* 4 F. ZENATI, La nature
juridique du quasi-usufruit (ou la métempsychose de la valeur), in
Le droit privé à la fin du XXème siècle -
Etudes offertes à Pierre CATALA, Litec, 2001, p.605 et s.
* 5 B. LOTTI, Le droit de
disposer de la chose d'autrui pour son propre compte, Thèse Paris
XI, 1999 - C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à
l'étude de l'universalité, Thèse Paris I,
dirigée par le Professeur Thierry REVET - M. TORCK, Essai d'une
théorie générale des droits réels sur choses
fongibles, Thèse Paris II, sous la direction du Professeur H.
SYNVET, Paris, 2002 -P.-G. MARLY, Fongibilité et volonté
individuelle - Etude sur la qualification juridique des biens,
préf. Ph. DELEBECQUE, Bibliothèque de l'Institut André
Tunc, tome IV, Paris, 2004 - F. ZENATI, La nature juridique du
quasi-usufruit (ou la métempsychose de la valeur),
précité note 2
* 6 C.C., 16 janvier 1982,
D.1983, 169, note L.HAMON ; JCP 1982, II, 19788, note NGUYEN QUOC VINH et
FRANCK : « ...les principes mêmes
énoncés par la Déclaration des Droits de l'homme ont
pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère
fondamental du droit de propriété dont la conservation
est l'un des buts de la société
politique... »
* 7 Ph. MALAURIE & L.
AYNES, Les sûretés - La publicité foncière,
1ère éd. par L. AYNES & P. CROCQ,
Defrénois, collection « Droit civil », 2004,
n°408, p.165 : « L'histoire technique est
également dialectique. Les sûretés réelles
connaissent habituellement trois étapes : l'aliénation
fiduciaire, le nantissement, l'hypothèque. Actuellement, elles semblent
revenir à leur forme primitive, la
propriété »
* 8 P.-F. GIRARD, Manuel
élémentaire de droit romain, 8ème
éd., réédition présentée par J.-P. LEVY,
Dalloz, Paris, 2003, p.814 : « Le droit romain primitif, ne
connaissant d'autres droits réels que la propriété et les
servitudes, ne pouvait atteindre ce but que par une translation de
propriété ».
* 9 J.-P. LEVY& A.
CASTALDO, Histoire du droit civil, 1ère éd.,
Dalloz, Paris, 2002, n°476, p.708 - P.-F. GIRARD, préc. Note 2,
p.814 - J. GAUDEMET, Droit privé romain, 2ème
éd., collection « Domat - Droit privé »,
Montchrestien, Paris, 2000, p.268
* 10 J.-P. LEVY & A.
CASTALDO, Histoire du droit civil, 1ère éd.,
précité, n°476, p.709 : « Ensuite,
à ce transfert est jointe une convention, reposant sur la
fides, d'où le nom de fiducie. Par cette convention, que l'on
appelle souvent une « loi » (lex),
l'acquéreur s'engage à ne pas conserver définitivement le
bien transmis... ; par différentes leges ut remancipetur
(à manciper, si le transfert a été opéré par
mancipation), il s'engage à rendre l'objet, soit à
l'aliénateur lui-même ».
* 11 P.-F. GIRARD,
Manuel élémentaire de droit romain,
8ème édition (réédition
présentée par J.-P. LEVY), Dalloz, Paris, 2003, p.815
* 12 R. VILLERS, Rome et
le droit privé, 1ère éd., Albin Michel,
collection « L'évolution de l'humanité »,
Paris, 1977, p.265 et s. « en droit civil, la possession avait
une autre application, celle-là tacite, dans la tradition, mode de
transfert par la remise d'une chose dans les mains de l'accipiens. Or il est
évident que par nature la remise d'une chose est neutre, sans
signification juridique. Les Romains connaissaient très bien dans la
pratique certains cas où elle n'était pas translative. Avant
que ces actes ne fussent érigés en contrat, ils pratiquaient le
dépôt, le commodat, le gage
manuel. »
* 13 R. VILLERS, Rome et le
droit privé, préc. p.265
* 14 P.-F. GIRARD,
Manuel élémentaire de droit romain, préc. Note 2,
p.816 - J.-P. LEVY & A. CASTALDO, Histoire du droit civil,
1ère éd., préc. note 3, n°480, p.713
* 15Contrairement au droit
français, le droit romain ne connaissait pas la distinction des meubles
et des immeubles. Cette distinction est issue de l'Ancien Droit.
* 16 R. VILLERS, Rome et le
droit privé, p.326-327
* 17 Ph. SIMLER & Ph.
DELEBECQUE, Droit civil - Les sûretés - La publicité
foncière, 4ème éd., Dalloz, collection
« Droit privé », Paris, 2004, n°603, p.502
* 18 Par exemple, il est
difficile à un violoniste de se séparer de son Stradivarius. Le
gage avec dépossession tue l'art et le maigre salaire qu'en tire
l'artiste.
* 19 D.R. MARTIN, De la
garantie monétaire (regard critique sur une offre de loi), in
Les sûretés sur sommes d'argent ?, Revue de Droit
Bancaire et Financier, Mars-Avril 2006, p.43 et s., sp.n°8, p.43-44
* 20 H. SYNVET, Les
insuffisances du droit positif et les réformes proposées par le
Groupe de travail Grimaldi, in « Gage-espèces,
nantissement de compte bancaire : faut-il réformer les
sûretés sur l'argent » - Colloque organisé
par l'Association Européenne de Droit Bancaire et Financier - ,
disponible sur le site de l'A.E.D.B.F. : « L'absence de
l'expression de gage-espèces est liée tout d'abord à un
souci de clarification : cette expression pêche par insuffisance et
imprécision. Ensuite elle est liée à un souci de
classification. En effet, le groupe de travail a
préféré faire un travail de classification, plutôt
que celui de qualification, et donner ainsi une liberté de choix aux
parties qu'elles effectueront en fonction de leurs intérêts et de
leurs pouvoirs respectifs. »
* 21 P. CROCQ,
Propriété et garantie, préf. M. GOBERT,
Bibliothèque de droit privé, tome 248, L.G.D.J., Paris, 1995
* 22 M. CABRILLAC, Les
sûretés conventionnelles sur l'argent, in Les
activités et les biens de l'entreprise - Mélanges en l'honneur de
J. DERRUPE, Litec, 1991, p.333 et s., sp.n°8, p.335 - P. CROCQ,
Propriété et garantie, préf. M. GOBERT,
Bibliothèque de droit privé, tome 248, n°306, p.298 - M.
CABRILLAC & C. MOULY, Droit des sûretés,
7ème éd., Litec, Paris, 2004, n°696, p.580 - Ph.
MALAURIE & L.AYNES, Les sûretés - La publicité
foncière, 1ère éd. par L.AYNES &
P.CROCQ, collection « Droit civil », Defrénois,
Paris, 2004, n°508, p.202 - P.-G. MARLY, Fongibilité et
volonté individuelle - Etude sur la qualification juridique des
biens, préf. Ph. DELEBECQUE, collection
« Bibliothèque de l'Institut André Tunc »,
L.G.D.J., Paris, 2004, n°275 et s., p.225 et s., sp.n°276 - Ph.
DUPICHOT, Le pouvoir des volontés individuelles en droit
des sûretés, préf. M. GRIMALDI, Edition
Panthéon-Assas, Paris, 2005, n°938, p.705-706 - C.
LISANTI-KALCZYNSKI, Les sûretés conventionnelles sur meubles
incorporels, préf. F. PEROCHON, collection
« Bibliothèque de droit de l'entreprise », tome 55,
Litec, Paris, 2001, n°58, p.54 et n°287, p.220 - Contra : Ph.
SIMLER & Ph. DELEBECQUE, Droit civil - Les sûretés - La
publicité foncière, 4ème éd.,
Dalloz, collection « Droit privé », Paris, 2004,
n°634, p.529. - D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du
crédit, 3ème éd., L.G.D.J., Paris, 2002,
n°399, p.310 et n°442, p.331-332 - J.MESTRE , E. PUTMAN&
M.BILLAU M. Droit spécial des sûretés
réelles, 1ère éd., L.G.D.J., n°797 - F. LEDUC,
Le gage translatif de propriété : mythe ou
réalité ?, RTD Civ. 1995, p.307 et s. - D. DOISE,
Nantissement de monnaie, de comptes et de valeur mobilières, in
Le gage commercial - Colloque de Deauville du 11-12 juin 1994, RJCom.
1994, n°spécial, p.30 et s., sp.n°11, p.35
* 23 Com. 17 mai 1994,
Bull.civ. IV, n°178 - Com. 3 juin 1997 (non publié) - Com. 12
janvier 2005 Bull. civ. IV, n°11, p.10-11
* 24 V. toutefois :
P.-G. MARLY, Fongibilité et volonté individuelle -
Etude sur la qualification juridique des biens, préc. note 15,
n°277, p.227 : « ...le transfert de
propriété des biens confiés à charge de
restitution, dépend donc de la volonté des parties. En
maîtrisant les conditions de l'individualisation, la volonté
contrôle indirectement son effet
translatif. ».
* 25 Th. REVET, Le Code
civil et le régime des biens : questions pour un bicentenaire,
Droit et Patrimoine, n°124, Mars 2004, p.20 et s., sp.p.27 et s.
* 26 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, Thèse Paris I, dir. Th. REVET, 2003 ;
V. auparavant : R. GARY, Essais sur les notions d'universalité
de fait et d'universalité de droit dans leur état actuel,
Thèse Université de Bordeaux, 1931
* 27 Ph. SIMLER & Ph.
DELEBECQUE, Droit civil - Les sûretés - La
publicité foncière, 3ème éd.,
n°643, p.529.
* 28 Ph. SIMLER & Ph.
DELEBECQUE, Droit civil - Les sûretés - La publicité
foncière, 4ème éd., n°643, p.529
* 29 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, Thèse Paris I, dir. Th. REVET, 2003,
n°62, p.51 : « Stricto sensu, les biens fongibles
sont des choses de genre qui participent à une opération
juridique. Leur pluralité pose le problème de l'absence de corps
certain. Le choix d'inscrire des choses dans un rapport de droit demande une
délimitation précise de l'objet en question. Les choses
fongibles sont par nature incapables d'être un objet
unique ; ...les biens fongibles trouvent dans leur
intégration à une universalité la possibilité
d'être envisagés comme corps certain » et
n°63, p.53 : « La participation
d'éléments fongibles à une opération juridique ne
peut pas s'effectuer directement, leur caractère incertain
l'empêche. En revanche, une universalité en tant que contenant
peut constituer leur structure d'accueil et partant un bien susceptible
d'être revendiqué. L'universalité devient l'objet
de l'opération juridique » - Rappr. : G.
SOUSI, La spécificité juridique de l'obligation de somme
d'argent, RTD Civ.1962, p.514 et s.
* 30 Par nature juridique
dualiste, nous entendons que le gage-espèces peut avoir deux natures
juridiques différentes fondées soit sur la technique de la
propriété-sûreté soit sur la technique du
nantissement.
* 31Articles 587, 1246 et
1892 du Code civil.
* 32 J. CARBONNIER,
Droit civil -Tome III - Les biens (monnaie, immeubles,
meubles), collection « Thémis - Droit
privé », P.U.F., 1995, n°52, p.107 - Ph. MALAURIE &
L. AYNES, Les biens, 1ère éd. par Ph.
MALAURIE & L.AYNES, collection « Droit civil »,
Defrénois, Paris, 2004, n°152, p.42 : « Soit
une aliénation : la monnaie n'est utilisée que par son
dessaisissement ». -
* 33 P. JAUBERT, Deux
notions de droit des biens - La consomptibilité et la
fongibilité, RTD Civ.1945, p.75 et s.
* 34 Contra : R.
LIBCHABER, Recherches sur la monnaie en droit privé,
préf. P. MAYER, Bibliothèque de droit privé, tome 225,
L.G.D.J., Paris, 1992, n°132, p.106 : « Du reste le
présupposé qui anime la qualification d'objet consomptible est
certainement que la vocation essentielle de la monnaie est son utilisation dans
le paiement. ....Si la monnaie est consomptible lorsqu'on la regarde au travers
de la vente, elle ne l'est plus dans le prêt. La
consomptibilité de la monnaie n'est pas une qualité de la chose,
elle ne tient même pas à sa destination
principale ».
* 35 F. TERRE,
L'influence de la volonté individuelle sur les qualifications,
préf. R. LE BALLE, Bibliothèque de droit privé, tome 2,
L.G.D.J., 1957
* 36 F. ZENATI & Th.
REVET, Les biens, 2ème éd., n°85,
p.106 : « On relève une tendance doctrinale à
voir dans la consomptibilité une manifestation de la nature des choses,
par opposition à la fongibilité qui serait plus tributaire de la
volonté. Au vrai, la consomptibilité n'est pas moins affaire de
convention que la fongibilité... »
* 37 F. TERRE,
L'influence de la volonté individuelle sur les qualifications,
préf. R. LE BALLE, Bibliothèque de droit privé, tome 2,
L.G.D.J., 1957, n°24, p.27
* 38 L'usufruit n'est pas
utilisé ici dans le sens de droit d'usufruit, mais dans celui de l'objet
du droit d'usufruit. C'est la raison pour laquelle il est permis de penser que
le texte a voulu dire que si des choses consomptibles sont comprises dans
l'assiette de l'usufruit, l'usufruitier peut s'en servir à charge d'en
remettre dans l'assiette de l'usufruit des choses de même qualité
et de même espèce, si la chose consomptible est aussi une chose
fongible ou à défaut leur valeur, si la chose consomptible est
unique.
* 39 V. par exemple :
J. CARBONNIER, Droit civil - Tome 3 - Les biens (Monnaie, immeubles,
meubles) - P.U.F. - collection « Thémis Droit
privé », 16ème édition, Paris, 1995,
n°97, p. 184 : « Si l'usufruit porte sur des biens
consomptibles par le premier usage, l'usufruitier a le pouvoir de les
consommer. En réalité sur de tels biens, il a des droits de
propriétaire, et il est seulement tenu envers le nu-propriétaire,
d'une obligation de restituer par équivalent. Cette situation de
propriétaire-débiteur (nous surlignons), qui
s'éloigne de l'usufruit véritable, dépourvu de l'abusus,
est qualifiée de quasi-usufruit ». -
Dans le même sens : H. & L. MAZEAUD, J. MAZEAUD & F. CHABAS,
Leçons de droit civil - Tome II - 2ème volume -
Biens, Droit de propriété et ses démembrements,
8ème édition présentée par F. CHABAS,
Montchrestien, Paris, 1994, n°1652, p.384 - F. TERRE & Ph. SIMLER,
Droit civil - Les biens, 5ème édition, Dalloz
- collection Droit privé, Paris, 1998, n°733, p.598 - Ph. MALAURIE
& L. AYNES, Les biens, 1ère édition
présentée par Ph. MALAURIE & L. AYNES, Defrénois -
collection « Droit civil », Paris, 2004, n°813,
p.246
* 40 Pour une critique
d'ensemble de cette théorie : V. ZENATI Fr., Le quasi-usufruit (ou
la métempsychose de la valeur), in Le droit privé
à la fin du Xxème siècle - Etudes offertes à Pierre
CATALA, 2001, Litec, p. 605 et s.
* 41Parmi les auteurs
anciens : V. DEMOLOMBE Ch., Cours de Code Napoléon, Vol. IX,
Traité de la distinction des biens - De la propriété - De
l'usufruit, de l'usage et de l'habitation, Tome I, Paris ; pour les
auteurs modernes : Ph. MALAURIE & L. AYNES., Les biens,
1ère éd. présentée par L. AYNES & Ph. MALAURIE,
Defrénois, collection « Droit civil », 2004,
n°25 - F. TERRE & Ph. SIMLER, Les biens,
6ème éd., Dalloz, collection « Droit
privé », Paris, 2002, n°120, p.116. ; Contra : F. ZENATI,
Pour une rénovation de la théorie de la
propriété, RTD Civ. 1993, p.305 et s., sp. p.315 : "La
définition classique de la propriété ne présente
dans l'ordre contemporain qu'un intérêt
phénoménologique. Ces utilités pratiques (usus,
fructus, abusus) ne sont pas essentielles à la compréhension
de la propriété, même si certaines sont
caractéristiques. Elles ne sont qu'une tentative d'inventaire exhaustif
des avantages concrets que peut retirer une personne du fait d'avoir une chose
en propre. Elles ne sont en réalité que des
conséquences de fait de la propriété, que des vertus de
l'exclusivité".
* 42Pour une explication
convaincante de ce que le terme ususfructus ne désignait pas en droit
romain ce que nous entendons aujourd'hui par usufruit : ZENATI Fr., Essai
sur la nature juridique de la propriété : contribution à
l'étude du droit subjectif, Thèse Lyon III, 198, n°348
et s., p.474 et s.
* 43 PLANIOL M.,
Traité élémentaire de droit civil, tome I,
3ème éd. revue et corrigée par Georges RIPERT, Paris,
1946, L.G.D.J., n°2588, p.846
* 44 AYNES L. et MALAURIE
Ph., Les biens, n°433, p.112 : « Le droit de
disposer de la chose qui appartient au propriétaire est un
pouvoir à la fois juridique et matériel : le
propriétaire peut aliéner la chose mais aussi la
détruire, ... ».
* 45 Idem, n° 813, p.
246.
* 46 Ibidem, n°443,
p.112 : « Le droit de disposer...est l'élément
caractéristique de la propriété ».
* 47 Ce même
raisonnement justifierait aussi le transfert de propriété dans le
prêt de consommation. L'emprunteur devant user des choses consomptibles,
il doit exercer l'abusus. Cette analyse peut être critiquée. D'une
part, le prêt de consommation est avant tout un prêt de chose de
genre (article 1892 C.civ.). L'objet du contrat est une universalité et
non pas les choses consomptibles. Le transfert de propriété
découle à notre avis de l'obligation de donner (V. article 1893
C.civ. : « Par l'effet de ce prêt,
l'emprunteur devient le propriétaire de la chose
prêtée... ». En effet, le transfert de
propriété ne découle pas de l'effet du contrat. Le contrat
a juste pour effet de faire entrer en vigueur les obligations (V. Th. REVET, La
prise d'effet du contrat, RDC 2004/1, p.29 et s.). Cette prise d'effets rend
exigible l'obligation de donner qui s'exécute immédiatement.
* 48 Sur la
« consomptibilité » de la monnaie : v. supra
n°23
* 49 CROCQ P.,
Propriété et garantie, Paris, 1994, L.G.D.J.
Bibliothèque de droit privé, tome 248.
* 50 P. CROCQ,
Propriété et garantie, préc., n°306,
p.259-260
* 51 P. CROCQ,
Propriété et garantie, préc., n°307,
p.260 : « Il s'agit bien d'un transfert de
propriété à titre de garantie, attribution d'un
droit exclusif sur un bien, et on ne comprend guère pour quelle raison
il serait possible de retenir la qualification de gage qui est un droit
réel sur la chose appartenant à autrui » ; V.
dans le même sens mais pour des raisons différentes : M.
CABRILLAC, Les sûretés conventionnelles sur l'argent, in
Les activités et les biens de l'entreprise - Mélanges offerts
à Jean DERRUPE, Litec, Paris, 1991, p.333 et s., sp. n°9,
p.336 : « En réalité, la remise pure et simple
d'une somme en garantie d'une créance correspond à un concept
avec lequel nous nous sommes familiarisés : celui de la
sûreté-propriété. »
* 52 TROPLONG M., TROPLONG,
Le droit expliqué suivant les articles du code depuis et y compris
le titre de la vente - Du nantissement, du gage et de l'antichrèse -
commentaire du Titre XVIII, Livre III, du Code civil, tome XIXème,
Charles Hingray, Paris, 1847, n°476 : « Le nantissement
n'enlève pas la propriété au débiteur. Par
essence, le nantissement laisse la propriété au débiteur
la chose engagé. Le créancier n'en acquiert que la
possession » ; CABRILLAC M., Les sûretés
conventionnelles sur l'argent, précité, n°7, p.335 ;
Ph. MALAURIE & L. AYNES., Les sûretés - La
publicité foncière, 1ère éd.
présentée par L. AYNES et P.CROCQ, Defrénois,
collection Droit civil, 2004, n°510.
* 53M. PROUDHON,
Traité de l'usufruit,de l'usage personnel et de l'habitation,
2ème édition, tome 1, Dijon, 1836, n°2,
p.3 : « Le quasi-usufruit portant sur des choses
consomptibles n'est qu'un droit d'usufruit improprement dit, et ce n'est que
par une espèce de fiction que l'obligation où il (l'usufruitier)
est de restituer une valeur égale, tient lieu de droit de
nue-propriété dans les mains de
l'héritier ».
* 54 F. ZENATI, Pour une
rénovation de la théorie de la propriété, RTD
Civ. 1993, p.315
* 55 F. LEDUC, Le gage
translatif de propriété : mythe ou
réalité ?, RTD Civ. 1995, p.405 et s.
* 56 Idem, n°8,
p.310
* 573ème Civ. 12
juillet 2005, Bull.civ. III, n°175
* 58 F. ZENATI & Th.
REVET, Les biens, 2ème édition, n°105,
p.128
* 59 1ère
Civ., 12 novembre 1998 - Bull. civ. I, n°315 ; G.A.J.C.,
11ème éd., n°71 ; D.1999.167, note
Aynès ; RTD Civ.1999.422, note F. ZENATI
* 60 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, précité, n°129, p.97 :
« ...dans le cas d'un portefeuille de valeurs mobilières,
la Cour de cassation reconnaît le droit de céder de valeurs
contenues : l'acte de cession s'analyse en un acte de
jouissance ». En d'autres termes, l'usufruitier ne
commet pas un acte de disposition (acte de propriété) mais un
acte d'administration (acte de jouissance) ;
* 61 R. PAROLAI, F. ARMAND
& Ph. STOFFEL-MUNCK, Les sûretés en matière
financière projetées dans une ère nouvelle par la
directive Collatéral, Banque et Droit, n°104,
novembre-décembre 2005, p.3 et s. - S. PRAICHEUX, La transposition
en droit français de la directive européenne sur les contrats de
garantie financière (commentaire de l'ordonnance n°2005-171 du 24
février 2005), Revue de Droit Bancaire et Financier, Mai-Juin 2005,
p.56 et s.
* 62 R. PAROLAI, F. ARMAND
& Ph. STOFFEL-MUNCK, Les sûretés en matière
financière projetées dans une ère nouvelle par la
directive Collateral, Banque et Droit, n°104 -
Novembre-Décembre 2005, p.3 et s., sp. p.6 :
« L'usufruit, spécialement l'usufruit
d'universalité, paraît donc, tant en raison de convergences de
forme que de fond, devoir être le modèle qui permettra de combler
les lacunes légales de l'article L. 431-7-3 III, dans la mesure
où la sûreté assortie d'un droit de
re-use consiste en un gage et porte sur une
universalité. »
* 63 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à `étude de
l'universalité, Thèse Paris I, dir. Th. REVET, 2003,
n°132, p.101
* 64 Toutefois, cette
analyse suppose que l'on dépasse la théorie de l'incorporation du
droit de propriété dans son objet.
* 65 F. ZENATI & Th.
REVET, Les biens, 2ème éd., n°105,
p.128 : « L'opportunité d'un acte ne
s'apprécie pas selon sa nature juridique (aliénation,
obligation...) mais en fonction d'une psychologie de la gestion des
biens. »
* 66 1ère
Civ., 12 novembre 1998 - Bull. civ. I, n°315 ; G.A.J.C.,
11ème éd., n°71 ; D.1999.167, note
Aynès ; RTD Civ.1999.422 : « Si l'usufruitier
d'un portefeuille de valeurs mobilières, lesquelles ne sont pas
consomptibles par le premier usage, est autorisé à
gérer cette universalité en cédant des
titres dans la mesure où ils sont remplacés,
il n'en a pas moins la charge d'en conserver la substance et de le
rendre... »
* 67 Nouvel article L.
431-4-3, III° Code monétaire et financier.
* 68 Pour une relativisation
de l'affirmation : R. LIBCHABER, Recherches sur la monnaie en droit
privé, préf. P. MAYER, Bibliothèque de droit privé,
tome 225, L.G.D.J., Paris, 1992
* 69 J. CARBONNIER,
Droit civil - Tome 3 - Les biens, 19ème éd.,
P.U.F. - Collection « Thémis - Droit privé »,
Paris, 2000, n°53, p.98
* 70 J. CARBONNIER,
Droit civil - Tome 3 - Les biens, 19ème éd.,
P.U.F. - Collection « Thémis - Droit privé »,
Paris, 2000, n°13, p.21
* 71 Notons que dans ce
texte, l'appartenance à l'espèce n'est pas une condition de la
fongibilité mais de la compensation. (choses fongibles / de même
espèce)
* 72 G. CORNU, Vocabulaire
juridique - Association Henri Capitant, P.U.F., Paris, 2000, V° Chose,
p.144 et s.
* 73 F. TERRE & Ph.
SIMLER, Droit civil - Les biens, 5ème
édition, Dalloz - collection Droit privé, Paris, 1998, n°15,
p.15 : « Les choses fongibles sont celles qui sont
envisagées dans leur genre ou espèce et non dans leur
identité.... » - J. CARBONNIER, Droit civil - Tome 3
- Les biens (Monnaie, immeubles, meubles), 16ème
édition, P.U.F. - collection Thémis Droit privé,
n°53, p.108 - Ph. MALAURIE & L. AYNES, Les biens,
1ère édition présentée par Ph. MALAURIE
& L. AYNES, Defrénois - collection « Droit
civil » - Paris, 2004, n°155, p.44 : « Les
choses fongibles sont les choses de genre, qui s'opposent aux corps
certains et se définissent par leur espèce
à laquelle elles appartiennent et par leur
quantité »
* 74 Ph. MALAURIE & L.
AYNES, Les biens, 1ère édition
présentée par Ph. MALAURIE & L. AYNES, Defrénois -
collection « Droit civil » -, Paris, 2004, n°156,
p.44
* 75 Idem, p.43 :
« Une chose n'est pas fongible ou non fongible en
elle-même ; elle l'est avec une autre. »
* 76Ph. BONFILS, La
consomptibilité, Revue de la Recherche Juridique 2003, n°1,
p.181 et s., sp. n° 26 et s., p.194 et s.
* 77 A. LAUDE, La
fongibilité, RTD Com. 1995, p.307 et s., sp.n°40 et s., p.329
et s.
* 78 Ph. MALAURIE &
L.AYNES, Les contrats spéciaux, 1ère éd. par
Ph. MALAURIE, L. AYNES et P.-Y.GAUTHIER, Defrénois, coll. Droit
civil, Paris, 2004, n°887, p.567
* 791ère Civ. 7
février 1984, Bull.civ.I, n°49 ; Defrénois 1984, article
33427, note approbative de Ch. LARROUMET ; v. aussi dans le même sens :
Com. 4 mars 1997 « Banque Pallas », Contrats, conc.,
consomm., 1997, n°110, note Leveneur ; RTD Com. 1998.415, obs.
MARTIN-SERF
* 80 Pour un
récapitulatif de cette discussion : V. HUMBERT H. Essai
sur la fongibilité et la consomptibilité des meubles,
Thèse Paris 1940
* 81R. LIBCHABER,
Rép.civ. Dalloz, V.Biens.
* 82 PELTIER F., Le sort
des déposants en cas de faillite de la banque
dépositaire, Revue de Droit Bancaire et de la Bourse, 1991,
p. 75 : « Le dépôt bancaire se caractérise
par la fusion de la chose déposée dans le patrimoine du
dépositaire. Cette fongibilité des fonds
déposés avec les autres fonds détenus par le
dépositaire transforme le droit de propriété du
déposant sur la chose déposée en simple droit de
créance »
* 83 Cette différence
peut être effacée dès lors que l'on estime que la monnaie
est constituée par les unités de paiement. Dans les deux cas, il
s'agira alors d'une chose incorporelle. Afin de conserver la qualification, il
est en outre nécessaire que l'on remette en cause le transfert de
propriété.
* 84 Article 2079 C.civ.
* 85 F. ZENATI, La
nature juridique de la propriété - Contribution à la
théorie du droit subjectif, Thèse Lyon, 1981, n°387,
p.521-522
* 86Dépôt,
usufruit, etc.
* 87 P. CROCQ,
Propriété et garantie, préf. M. GOBERT,
Bibliothèque de droit privé, tome 248, L.G.D.J., Paris, 1995,
n°306, p.259 - M. CABRILLAC, Les sûretés conventionnelles
sur l'argent, in Les activités et les biens de l'entreprise -
Mélanges offerts à Jean DERRUPE, Litec, Paris, 1991,
n°6, p.335 - Ph. MALAURIE & L.AYNES, Les sûretés - La
publicité foncière, 1ère éd.
réalisée par L. AYNES & P. CROCQ, Defrénois,
collection Droit civil, Paris, 2004, n°508, p.208 - Ph. SIMLER & Ph.
DELEBECQUE, Les sûretés - La publicité
foncière, 2èmé éd., Dalloz, collection Droit
privé, Paris, n°546, p.449
* 88 M. CABRILLAC, Les
sûretés conventionnelles sur l'argent, précité,
n°7, p.335 - dans le même sens : P. CROCQ,
Propriété et garantie, préf. M. GOBERT,
Bibliothèque de droit privé, tome 248, L.G.D.J., Paris, 1995,
n°306, p.260 : « Il s'agit effectivement d'un transfert
de propriété à titre de garantie, attribution d'un droit
exclusif sur un bien, et on ne comprend guère pour quelle raison il
serait possible de retenir la qualification de gage qui est un droit
réel appartenant sur la chose d'autrui ».
* 89 L'obligation de
conservation comme l'obligation de restitution sont des obligations auxquelles
est tenue une personne qui possède la chose d'autrui. Un
propriétaire n'est pas tenu à ce genre d'obligations. Il doit
plutôt donner la chose ou encore en maintenir la valeur en vertu d'un
engagement réel.
* 90 S. GINOSSAR, Droit
réel, propriété et créance - Elaboration d'un
système rationnel des droits patrimoniaux -, L.G..D.J., Paris,
1956, n°38, p.100 : « l'obligation
réelle n'est pas simplement un aspect accidentel ni
même naturel du droit réel ; elle est le droit
réel, vu côté passif » - Th. REVET
& F. ZENATI, Les biens, n°192, p. 233 :
« Tout droit est en principe corrélatif à une
obligation (jus et obligatio sunt correlata). Il en résulte que chaque
droit est un rapport binaire associant deux personnes, un sujet actif et un
sujet passif. Cette structure se retrouve de manière identique dans les
droits réels et les droits personnels » . Toutefois, en
matière de sûretés réelles, la qualification
d'obligation réelle est contestée : V. L. AYNES, note sous. Ch.
Mixte, 2 décembre 2005, D. 2006, n°10, p.729 et s , sp. p.
734, n°7 : « La constitution d'une sûreté
réelle crée un jus ad rem, un droit réel accessoire sur le
bien du constituant, qui se traduit, pour celui-ci, par une charge. Une charge
n'est pas une obligation. »
* 91 R. LIBCHABER, La
recodification du droit des biens, in Le Code civil 1804-2004 - Livre
du Bicentenaire, Dalloz-Litec, 2004, p.297 et s., sp. n°53 :
« Dans la relation obligatoire, créancier et
débiteur peuvent se manifester sous deux qualités nettement
différenciées ; soit en ce qu'ils sont des individus, des
personnes physiques ou morales titulaires d'un patrimoine ; soit
en tant que propriétaires d'un bien, c'est-à-dire abstraction
faite du reste de leur patrimoine, dans la seule considération de cette
qualité de propriétaire. » et n°55 :
« La relation à laquelle on est le plus habitué, c'est
le droit réel stricto sensu - que l'on nomme parfois droit réel
sur la chose d'autrui...Il s'agit du rapport juridique qui relie un
créancier - pris comme titulaire d'un patrimoine -, à un
débiteur qui intervient en sa seule qualité de
propriétaire d'un bien, support du droit
réel. »
* 92 F. ZENATI & Th.
REVET, Les biens, 2ème éd., n°207, p.244 :
« Les droits réels nécessitent comme les droits de
créance une dualité de sujet, l'un passif, l'autre actif. Cette
condition fait défaut lorsqu'à la suite d'un quelconque
événement, tel qu'une transmission entre vifs, tel qu'une
transmission entre vifs..., un seul sujet demeure, qui cumule les deux
qualités. Il y a alors confusion, ou consolidation : le droit de
propriété subsiste et le droit réel
s'éteint »
* 93 Comparer en
matière de servitudes : article 705 C.civ.
* 94 Ph. SIMLER & Ph.
DELEBECQUE, Les sûretés - La publicité
foncière, 2ème édition, Dalloz -
collection « Droit privé », Paris, 1995, n°546,
p.449
* 95 R. LIBCHABER, Le
gage de sommes d'argent, Lamy - Droit des sûreté, Paris,
2002, n°269-37
* 96 En ce sens : M.
TORCK, Essai d'une théorie générale des droits
réels sur choses fongibles, Thèse Paris II, sous la
direction du Professeur SYNVET, Paris, 2002, n°68, p.52
* 97 Com., 17 mai
1994 - Bull .civ., IV, n°178 - D.1995, jur., p.124, note Ch.
LARROUMET
* 98 V. notamment : BAC
A., La position de la Fédération bancaire française
sur le projet de réforme des sûretés, in Rapport
« Grimaldi » : pour une réforme globale des
sûretés, Droit et patrimoine, n°140, septembre 2005,
p.98-100
* 99 V. notamment : L.
AYNES, Le gage de meubles corporels, in Rapport
« Grimaldi » : pour une réforme globales des
sûretés, Droit et Patrimoine, n°140, p.63
* 100 R. LIBCHABER,
Recherches sur la monnaie en droit privé, préf. P.
MAYER, L.G.D.J., Bibliothèque de droit privé », tome
225, Paris, 1992, n°195 et s., p.156 et s.
* 101 R. LIBCHABER,
Recherches sur la monnaie en droit privé, n°200, p.160
* 102 N. AYMERIC, Essai
d'une théorie du compte en droit privé, Thèse Paris
2, sous la direction du Professeur A. GHOZI, 2002 (v. résumé
disponible sur le site de l'A.E.B.D.F.-France)
* 103Bull.civ.IV,
n°116 ; Rapport de la Cour de cassation 1996, p.310 ; D.1996.399, note
critique de Ch. LARROUMET ; D. 1996.Somm.396, obs. S. PEDELIEVRE ; JCP
1997.I.3991, n°18, obs. SIMLER et DELEBECQUE ; RTD Civ. 1996.669, obs.
CROCQ
* 104Rapprocher CA Paris, 4
mai 1993, RTD Com. 1993
* 105Inédit -
n° pourvoi : 02-11015
* 106 Il se pose la
question du devenir de la garantie. La restitution du bien gagé,
à titre de sanction, s'analyse-t-elle en une extinction du contrat de
gage ou en un passage d'un gage avec dépossession à un gage sans
dépossession ? En outre, comment peut-on restituer le bien
gagé alors qu'il s'est confondu avec ceux appartenant au
créancier. ?
* 107 Il deviendra
difficile d'obtenir la restitution des sommes d'argent. La violation de
l'obligation de conservation résulte de la confusion des sommes d'argent
remises en garantie et des sommes appartenant au créancier. Cette
confusion leur faisant perdre leur identité, il devient difficile
d'obtenir la restitution du « bien gagé ».
* 108 P. CROCQ,
Propriété et garantie, précité, n°306,
p.259 : « L'argent est une chose de genre, la somme d'argent
ne s'individualise que par une opération de
compte... »
* 109
1ère Civ. 15 novembre 2005, Bull.civ. I, n°415,
p.347-348
* 110 Comp. Com. 23 avril
2003, inédit, n° pourvoi : 02-11015 :
« l'opposabilité aux tiers du gage portant sur des
espèces consomptibles et fongibles, dont la remise emporte transfert
immédiat de propriété au profit du créancier
gagiste (nous soulignons), n'est pas subordonnée à
l'enregistrement de l'acte sous-seing privé qui le
constate »
* 111 V. toutefois :
C. CUNIBERNETTI, Le gage-espèces : de l'accession en
matière monétaire, LPA 1999, n°221, p. 4 et s. - Cet
auteur a recherché la cause de l'acquisition des sommes d'argent dans
les règles de l'accession par adjonction. Le mélange des sommes
d'argent constituerait une union dans un tout : l'actif monétaire.
Cette analyse est contestable. Il ne semble pas que la confusion des sommes
d'argent ait pour effet de les lier entre elles par l'accessoire. En effet,
l'accession suppose qu'une chose accessoire en serve une autre (article 567
C.civ.). Le mélange des choses de genre ne met pas en place un rapport
hiérarchique. V. sur ce point : C. KUHN, Le patrimoine
fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, Thèse Paris I, sous la direction du
Professeur Thierry REVET, 2003, n°37 :
« L'accession tire les conséquences d'une réunion
physique. Les règles du Code consacrent l'élargissement de la
propriété préexistant et ne raisonnent pas
véritablement sur l'idée de création d'un bien nouveau. La
référence à l'unité et à l'incorporation
renvoient à la logique de l'accroissement : un bien
bénéficie de l'opération au détriment des autres.
Une hiérarchie s'installe alors entre les biens et la
référence à la relation principal/accessoire le
confirme... »
* 112 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, Thèse Paris I, sous la direction du
Professeur Thierry REVET, 2003, n°63, p.53
* 113 Comp. G. SOUSI,
La spécificité juridique de l'obligation de sommes
d'argent, RTD Civ. 1982, p.514 et s.
* 114 Article 1238
alinéa 2 C.civ. ; C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire -
Contribution à l'étude de l'universalité, sous la
direction du Professeur Thierry REVET, Thèse Paris I, 2003, n°63,
p.53 : « La participation d'éléments fongibles
à une opération juridique ne peut pas s'effectuer directement,
leur caractère incertain l'empêche. En revanche, une
universalité en tant que contenant peut constituer leur structure
d'accueil et partant un bien susceptible d'être revendiqué.
L'universalité devient l'objet de l'opération juridique, une
tonne (riz), une somme (d'argent)... »
* 115 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, Thèse Paris I, dirigée par le
Professeur Thierry REVET, n°313 et s., p.239 et s.
* 116 L'expression de
« quantité de choses équivalentes »
ne fait que préciser les critères d'intégration
d'éléments dans la structure. Le constituant ne peut
intégrer que des « biens équivalents » ayant
la qualité de chose de genre « quantité ».
Mais les parties peuvent prévoir avec plus de précision les
« biens équivalents ». Par exemple, en
matière de gage de comptes d'instruments financiers, l'article L. 431-4
prévoient les biens qu peuvent être intégrés dans le
compte postérieurement à la constitution du gage :
« Les instruments financiers et les sommes en toutes
monnaies postérieurement inscrit au crédit du compte
gagé....sont soumis aux mêmes conditions que ceux qui y figurait
initialement.... »
* 117 Comp. : Article
L. 621-122 alinéa 3, in fine C.com. : « La
revendication en nature peut également s'exercer sur des biens fongibles
lorsque se trouvent entre les mains de l'acheteur des biens de même
espèce et de même qualité » - Article 2369
C.civ. : « La propriété réservée
d'un bien fongible peut s'exercer...sur des biens de même nature et de
même qualité... »
* 118 Nouvel article L.
527-1, 6° Code de commerce : « A peine de
nullité, l'acte constitutif du gage doit comporter les mentions
suivantes : ...Une description permettant d'identifier les biens
présents ou futures engagés, en nature, qualité et
valeur... »
* 119 V. supra, n°94
et s. - C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à
l'étude de l'universalité, précité, n°59 et
s., p.49 et s.
* 120 Req., 10 mars 1915,
D. 1916, p.245
* 121 Th. REVET,
Usufruit d'universalité, note sous 1ère Civ.,
3 décembre 2002, Baylet c/Malet, RTD Civ. 2003, n°1, janv.-mars
2003, p.118 et s.,
* 122 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, précité, n°74, p.59
* 123 F. ZENATI & Th.
REVET, Les biens, 2ème éd., n°90,
p.117
* 124 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, précité, n°74, p.60 :
« Il ne s'agit pas de constater l'influence de la volonté
sur les qualifications mais le pouvoir de création de la volonté.
L'universalité témoigne du rôle créateur de la
personne, le sujet domine son environnement qu'il soit physique ou juridique.
La création d'une universalité constitue une faculté
juridique offerte au seul propriétaire des éléments
à intégrer l'universalité ».
* 125 Idem, n°111,
p.84 : « Le désengagement de biens contenus dans une
universalité est toujours possible en théorie ; car
l'opération d'intégration ne fait que mettre à
l'état de veille leur individualité. Leur nature juridique
initiale n'est absolument pas atteinte, ni le principe même de leur
individualisation. ». A notre avis, l'intégration de
biens fongibles dans une universalité ne leur fait pas perdre leur
nature fongible. Ils demeurent des biens interchangeables. Ainsi, si le
propriétaire autorise le créancier a utiliser les unités
monétaires contenues dans l'universalité, il devra les remplacer
par des biens équivalents c'est-à-dire fongibles.
* 126 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, précité, n°83 et s., sp.n°83,
p.65 : « La cause de l'acte de création explique pour
quelles raisons une telle structure est mise en place. La création d'une
universalité est un choix du propriétaire, il précise
comment ses biens vont être exploités en déterminant
l'affectation de la structure »
* 127 Cette
opposabilité erga omnes impose un devoir (non pas une
obligation) d'information des tiers. V. F. ZENATI, Pour
une rénovation de la théorie de la propriété,
RTD Civ. 1993, p.305 et s.
* 128 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, précité, n°91, p.71
* 129 Ce qui a une
identité dans le nantissement de monnaie scripturale n'est pas la somme
d'argent inscrite en compte mais le compte lui-même.
* 130 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, n°306, p.236 : « Le contrat
de fiducie facilite l'établissement de la preuve de la connaissance par
les tiers de l'existence de la structure patrimoniale »
* 131 V. en ce sens :
Soc. 30 novembre 1951 - D.1952.121, note Voirin : « Les
privilèges ne peuvent être établis que par la loi et
les dispositions qui les établissent doivent être
interprétés strictement »
* 132 R. LIBCHABER, Une
fiducie française, inutile et incertaine..., in Philippe
MALAURIE - Liber amicorum, Defrénois, Paris, 2004, p.303 et s.
* 133 Comp. : Article
1125-2 du Projet Catala : « L'engagement pris en
contrepartie d'un avantage convenu à un tiers a pour cause cet
avantage... ». Ne serait-il pas permis de
penser que le crédit constitue un
« avantage » ? En contrepartie du transfert
fiduciaire, le constituant ne reçoit-il pas un crédit ? - V.
sur la question de la cause dans le Projet Catala : B. FAGES, Autour de
l'objet et de la cause, in La réforme du droit des
contrats : projets et perspectives, RDC 2006/1, p.37 et s.
* 134 R. LIBCHABER, Une
fiducie française, inutile et incertaine..., précité
note 128, n°9, p.313
* 135 Idem, n°9,
p.313 : « Si le constituant entend rendre le fiduciaire
propriétaire sans contrepartie adéquate, il n'est animé
d'aucune intention libérale à son endroit. C'est
l'évidence même : gratifié, le fiduciaire conserverait
le bien qui lui a été remis à titre de
propriété ; mais il doit dans tous les cas restituer, en le
référant au constituant ou à un tiers
désigné. On ne saurait donc prétendre que le transfert
puisse être porté par un animus donandi qui expliquerait l'absence
de contrepartie ».
* 136 Req. 16
février 1834, Caquelard ; S.1834.1.205 -, Les grands
arrêts de la jurisprudence civile - Tome 1, 11ème
éd. par H. CAPITANT, F. TERRE & Y. LEQUETTE, Dalloz, Paris, 2000,
n°60, p.311 et s.
* 137 R. LIBCHABER, Une
fiducie française, inutile et incertaine, précité,
n°7, p.311
* 138 Cass., 28 mars et 22
Octobre 1934 - D.1934.1.151, note VANDAME
* 139 Cl. WITZ, La
fiducie en droit privé, préf. D. SCHMIDT, Economica, 1991 -
C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, Thèse Paris I, sous la direction du Professeur
Thierry REVET, 2003, n°330, p.250 :
« L'originalité de l'opération fiduciaire demeure,
l'aliénation fiducia causa ne relevant pas d'un contrat translatif
nommé. Toutefois, la liste des actes juridiques réalisant un
transfert de propriété n'est pas limitative. Les actes
translatifs ne sont pas enfermés comme en droit romain dans une
nomenclature rigide et préétablie. Le contrat de fiducie trouve
parfaitement sa place au sein de cette catégorie
juridique. »
* 140 Cl. WITZ, La fiducie
en droit privé, précité note 140, n°244, p.239 - C.
KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, Thèse Paris I, sous la direction du
Professeur Thierry REVET, 2003, n°330, p.250 :
« L'originalité de l'opération fiduciaire demeure,
l'aliénation fiducia causa ne relevant pas d'un contrat translatif
nommé. Toutefois, la liste des actes juridiques réalisant un
transfert de propriété n'est pas limitative. Les actes
translatifs ne sont pas enfermés comme en droit romain dans une
nomenclature rigide et préétablie. Le contrat de fiducie trouve
parfaitement sa place au sein de cette catégorie
juridique. »
* 141 Comp. : Com. 3
juin 1997, Bull.civ. IV, n°165 - D.1998.Som.104, obs. S. PEDELIEVRE - JCP
G 1997.II.22891 : « ...les actes constitutifs de la
sûreté dispensaient la banque, en cas de non-paiement à
l'échéance, de son obligation de restituer les sommes d'argent
dont la propriété lui avait été
transférée à titre de
garantie ; »
* 142 V. en ce sens :
1ère Civ. 15 novembre 2005, Bull.civ. I, n°415,
p.347-348 : « ...ayant constaté que le gage consenti
par Mme LEFEBVRE au Crédit Maritime avait été
réalisé au moyen de l'inscription de sommes en espèces sur
un plan d'épargne populaire, lequel constituait un compte
d'épargne rémunéré dont la stabilité devait
permettre l'obtention d'exonérations fiscales et d'une prime
d'épargne, ce dont il résultait que les sommes d'argent
n'étaient ni consomptibles ni fongibles.. »
* 143 Saleilles, La
possession des meubles 1907 - F. ZENATI, La nature juridique de la
propriété - Essai d'une définition du droit
subjectif, Thèse Lyon III, 1981, n°351, note 147,
p.475-476 : « Le créancier gagiste a pratiquement
l'uti frui, si ce n'est qu'il ne peut en user de la chose que dans les
limites de ce qui est prévu au contrat ». et
n°387, p.521-522 : « Si le gage n'a pas vocation
à conférer à son titulaire ni l'usage ni les fruits de la
chose, ceci n'entre toutefois pas dans sa nature. La simple détention,
ou possession naturelle, emporte une maîtrise de fait permettant de
bénéficier de toutes les utilités qu'une chose est
susceptible de procurer, et ce n'est que par la convention ayant
été à l'origine de cette possession qui est susceptible de
restreindre les effets naturels qui en résultent ».
L'obligation de conservation ne constitue-t-elle pas une de ces
limites ?
* 144 V. en ce sens :
N. AYMERIC, Essai d'une théorie générale du compte en
droit privé, Thèse Paris II, sous la direction du Professeur
Alain GHOZI, 2002, n° 581, p.514-515 : « Il est
loisible aux parties de convenir, lorsque le nantissement porte sur un compte,
que celui-ci, selon les modalités selon lesquelles elles s'accordent,
que le compte continuera à être géré. Les
changements dans la composition du compte, par voie d'arbitrage entre valeurs,
ne sauraient venir modifier la date du nantissement. Ce résultat est
lié de manière naturelle à ce que le bien donné
en gage, le compte, demeure identique ; ... »
* 145 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, n°46 et s.
* 146 En vertu du principe
de non-enrichissement du créancier du fait de la sûreté, le
créancier devrait intégrer les fruits dans l'assiette de la
garantie. V. article 2287 du Projet Grimaldi : « La
sûreté garantit l'exécution d'une obligation. Elle ne peut
procurer au créancier aucun enrichissement ». Malheureusement,
cette disposition n'a pas été reprise par l'ordonnance du 23 mars
2006
* 147 Les parties peuvent
convenir que le créancier ne pourra pas céder
l'universalité.
* 148 F. ZENATI & Th.
REVET, Les biens, 2ème éd., n°101,
p.125
* 149 F. ZENATI, Pour une
rénovation de la théorie de la propriété, RTD Civ.
1993, p.317 : « Sans nul doute, à l'instar des
utilités de la propriété, est-il (le pouvoir de disposer)
le fruit de l'exercice de la volonté du propriétaire, mais il
produit en outre un résultat important : la modification de
l'ordre juridique existant soit par la naissance d'un droit, soit par
la disparition d'un droit, soit par la conjonction de ces deux
phénomènes »
* 150 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, précité, n°495 et s.,
p.356
* 151 Tout dépendra
donc des stipulations contractuelles. Par exemple, les parties peuvent
prévoir que l'universalité ne pourra contenir que des
unités monétaires (« sommes en toutes
monnaies »), ou d'autres biens de même liquidité comme
les instruments financiers. Il serait vain d'exposer toutes les situations
possibles. En tout cas, cette obligation d'entretien (ou de remplacement) devra
être exécuté le plus rapidement possible afin de ne pas
porter atteinte à la pérennité de la structure. Cette
obligation pourra être sanctionné par le constituant (sujet actif
de cette obligation).
* 152 M. CABRILLAC, Les
sûretés conventionnelles sur l'argent, précité,
n°10, p.336
* 153 Nous pensons en effet
que si le transfert de propriété résulte de la nature
fongible de la monnaie, il ne s'agit pas d'une obligation contractuelle mais
quasi-contractuelle. Il ne s'agit pas d'une obligation de restitution
(obligation dont est tenu le détenteur de la chose d'autrui) mais d'une
obligation personnelle dont le quantum a été fixé en
fonction du montant de la dette garantie. En d'autres termes, le
créancier est tenu d'une dette de somme d'argent en raison de
l'enrichissement résultant du transfert de propriété -
dès ce moment il s'enrichit d'une somme d'argent en dehors de toute
cause (le fondement étant extra-contractuel) - et de l'appauvrissement
corrélatif du constituant.
* 154 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, précité, n°346, p.261 et
n°352 et s.
* 155 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, n°529, p.374 : « Le
fiduciant a un droit réel de faire : l'engagement du fiduciaire
est pris avec lui. »
* 156 Cass.com., 18 mai
1898, DP 1900, 1, 481, note SARRUT ; S.1898, 1, 433, note LYON-CAEN -
Cass.com., 12 novembre 1958, Bull.civ. IV, n°387
* 157 Cass.civ., 18 mai
1898, DP, 1900.1.481 - 1ère Civ. 6 janvier 1994, Bull.civ. I,
n°4 ; JCP E 1994, I, 365, n°18, obs. DELEBECQUE
* 158 Le mot subsister
vient du latin classique « subsistere » qui signifie
« rester, demeurer, séjourner »
(Dictionnaire Latin-Français, réalisé par François
GAFFIOT, Hachette, Paris, 1934) - Le Petit Larousse Illustré 2004, p.971
subsister : « Exister encore, continuer
d'être ». Pour exister encore ou continuer d'être,
faut-il avoir déjà existé ?
* 159 S. GINOSSAR,
Droit réel, propriété et créance,
L.G.D.J., Paris, 1960
* 160 V. en matière
d'hypothèque : Article 2167 du Code civil : « Le
tiers détenteur est tenu (nous soulignons)...ou de payer tous les
intérêts et capitaux exigibles,...ou de délaisser
l'immeuble hypothéqué... » - S. GINOSSAR, Droit
réel, propriété et créance, L.G.D.J., 1960,
n°35 : « Le tiers détenteur d'un immeuble
hypothéqué est tenu d'une obligation alternative
consistant à payer, délaisser ou purger » et
n°37, p.98 : « Le droit réel donne naissance
à des obligations dont une personne est tenue qu'à raison
d'une chose ».
* 161 R. LIBCHABER, La
recodification du droit des biens, Livre du Bicentenaire du Code civil,
Dalloz, 2005
* 162 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, n°119, p.90
* 163 Dans la vente de
choses de genre, le vendeur a l'obligation de créer une
universalité afin que les choses de genre puissent être
commercialisées. La question se pose alors de savoir si le
débiteur peut être forcé à exécuter cette
obligation c'est-à-dire créer l'universalité.
* 164 Par exemple, en
matière bancaire, le banquier a un droit de rétention sur le
compte courant.
* 165 Mais en
matière de dépôt, le Code admet que le dépositaire
puisse user de la chose avec « la permission expresse ou
présumée du déposant ». Le créancier
gagiste pourrait donc se servir de l'universalité si le constituant l'y
autorise.
* 166 F. ZENATI, La
nature juridique de la propriété - Contribution à
l'étude du droit subjectif, Thèse Lyon, 1981, n°387 et
s., p.521 et s.
* 167 Nous sommes conscient
que cette analyse malmène la définition du droit réel en
tant que droit sur la chose d'autrui. Or en l'espèce, ce droit s'exerce
sur sa propre chose. Mais c'est la chose qui justifie l'obligation de
conservation et non pas un engagement personnel. Le créancier prend lui
aussi un engagement réel : celui de conserver la chose.
* 168 R. LIBCHABER, La
recodification du droit des biens, in Livre du bicentenaire du Code
civil, in Livre du bicentenaire du Code civil, Dalloz, Paris, 2005,
n°57, p.360 : « Une deuxième situation
mérite mieux le qualificatif d'obligation réelle : les
créances ou les dettes accessoires à la propriété
d'une chose ou la titularité d'un droit réel. L'usufruitier comme
le propriétaire subissent l'un et l'autre des charges accessoires
à la propriété ou à l'usufruit de l'immeuble. L'un
doit entretenir la chose de façon ordinaire, l'autre de manière
extraordinaire ; mais ils sont l'un comme l'autre tenus propter rem,
c'est-à-dire qu'ils le sont à cause de la chose sur laquelle ils
exercent leurs prérogatives. »
* 169 En effet,
l'obligation de conservation n'a lieu que si la chose est entre les mains d'un
possesseur de la chose d'autrui. Si le bien est remis à une autre
personne, c'est celle-ci qui est tenu de la conserver. A notre avis,
l'obligation de conservation est une obligation réelle et non pas
personnelle.
* 170 Le droit
américain arrive au même résultat par une convention de
contrôle signée entre le teneur du compte, le créancier et
le débiteur. V. T. KAMMAN & Cl. HENRY, La garantie sur les
comptes bancaires - Security Interest in a Deposit Account - De l'article 9
U.C.C., Revue de Droit Bancaire et Financier, Mars-Avril 2006, p.48 et s.
, sp. n°12 et s., p.49
* 171 M. CABRILLAC &
Ch. MOULY, Droit des sûretés, 7ème
éd., n°524, p.444
* 172 Ph . SIMLER
& Ph. DELEBECQUE, Les sûretés - La publicité
foncière, 4ème éd., n°616, p.511
* 173 Cass.com., 12 janvier
1965, Gaz. Pal.1965.1.372 : « La prohibition ne s'applique
pas à une convention conclue postérieurement à la
constitution du gage ». V. dans le même sens :
Cass.civ., 25 mars 1903, D.1904, 1, 273 - Cass. 1ère Civ., 17
nov. 1959, Bull.civ., I, n°480, Gaz. Pal. 1960, 1, 62 ; D.1960,
somm.37 - Cass.com., 13 janvier 1965, JCP 1966.II.14469, note R.D.M.
* 174 CA Paris, 4 mai 1993,
« Société Immobilière Hôtelière
Montparnasse c/ Banque Worms », Bull. Joly, 1993, § 251, p.861,
obs. Ph. DELEBECQUE
* 175 Par une fixation
objective, nous entendons une fixation indépendante de la volonté
des parties. En effet, la valeur du gage est fixée soit par un tiers
(« expert désigné à l'amiable ou
judiciairement ») soit par le marché (« cotation
officielle du bien sur un marché organisé...)
* 176 Th. REVET,
L'argent et la personne, in L'argent et le droit, Archives de
Philosophie du Droit, Sirey, 1992
* 177 Mais cette analyse
n'explique pas quel est le mode de l'acquisition de l'universalité. En
effet, si l'on penche pour une acquisition dérivée, il est
difficile de l'expliquer. Qui est le débiteur de l'obligation de
donner ? Il ne peut pas s'agir du constituant car il n'est plus
propriétaire depuis la constitution de la sûreté. Ce ne
peut être aussi le créancier. Il est inconcevable que le
créancier s'aliène la chose. La question du mode
d'acquisition de l'universalité par le créancier reste à
résoudre.
* 178 V. supra n°25 et
les références citées
* 179 C. KUHN, Le
patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de
l'universalité, Thèse Paris I, sous la direction du
Professeur Thierry REVET - R. LIBCHABER R., Le portefeuille de valeurs
mobilières : bien unique ou pluralités de biens ?,
Rép. Defrénois 1997, art.36464, p.65-91 - F. ZENATI,
Universalités, note sous 1ère Civ. 12
novembre 1998 « Baylet », RTD Civ. 1999, p.422 et s. - Th.
REVET, Usufruit d'universalité, note sous
1ère Civ. 3 décembre 2002
« Baylet », RTD Civ. 2003, p.118 et s. - Th. REVET,
Revendication des choses fongibles, note sous Com. 5 mars 2002
« Du Buit », RTD Civ. 2002, p.327 et s.
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