Annexe n°13 73: Les Big four à la loupe.
ELLES ETAIENT HUIT IL Y A UNE DIZAINE D'ANNEES. ELLES NE SONT
PLUS QUE QUATRE AUJOURD'HUI. LES FIRMES D'AUDIT ET DE CONSEIL ONT PRESQUE
AUTANT DE POINTS COMMUNS QUE DE DIFFERENCES. QUI SONT-ELLES VRAIMENT ET COMMENT
FONCTIONNENT-ELLES? PRESENTATION...
Deloitte: une question d'équilibre
Avec trois métiers de base (audit, conseil/advisory,
tax) représentant chacun environ un tiers de son activité,
Deloitte Luxembourg prône avant tout l'équilibre dans ses
activités et un partage optimisé des ressources. «Nous
remarquons souvent que, pour un type de mission, nous devons aller chercher des
compétences dans les deux autres métiers, explique Maurice Lam,
managing partner de la firme au Grand-Duché. Derrière une mission
`TVA' se greffe souvent un projet `process technology', par exemple».
Le tout, évidemment, dans le respect des règles
d'indépendance imposant aux firmes de ne pas servir un même client
en audit et en conseil. «Nous n'allons évidemment pas proposer des
services incompatibles aux clients, mais nous pouvons rendre un meilleur
service en nous appuyant sur de multiples compétences. Pour faire un
très bon audit, les compétences du département advisory
peuvent être très précieuses».
Comme chez les autres Big Four, un comité d'acceptation
se charge de toute façon de faire le tri entre les clients qu'il est
possible de servir ou pas. «En matière de conseil, j'ose affirmer
que Deloitte est le seul prestataire vraiment global parmi les Big Four,
indique M. Lam, ce qui nous donne un réel avantage et qui explique aussi
pourquoi la branche représente un tiers de notre
activité».
Cet équilibre dans les activités, Maurice Lam
entend également le reproduire au travers de la culture d'entreprise
développée au sein de la firme. «Nous nous appuyons sur des
relations étroites entre collègues, avec un engagement fort des
uns vis-à-vis des autres, et par conséquent, aussi,
vis-à-vis de nos clients», résume-t-il. D'où la
volonté de tout faire pour rendre plus agréable la vie des
employés. «C'est une profession qui leur demande beaucoup
d'eux-mêmes et nous essayons de leur faciliter la vie au travail. Nous
avons notamment développé, depuis le début de
l'année, un important service de conciergerie. L'idée est
d'être chaque jour un peu mieux que la veille. Mais on sait aussi
très bien que ce sont des efforts qui s'apprécient sur le moyen
terme».
Dans un contexte économique favorable au Luxembourg,
les services conseil/advisory et tax sont ceux qui sont actuellement les plus
porteurs et demandeurs de ressources.
73 Source : BUSINESS magasine. « Les big four
à la loupe ». Gaudron Jean-Michel. 14.12.2007.
«Mais en cas de ralentissement conjoncturel, la partie
advisory pourrait souffrir. D'où l'importance de la flexibilité
dans l'organisation», explique M. Lam, conscient d'être,
aujourd'hui, moins dépendant vis-à-vis d'un secteur qu'il y a une
dizaine d'années. «Nous arriverions à mieux gérer un
choc».
Au Luxembourg, la concurrence entre Big Four est
«saine», selon lui, mais les choses seraient encore mieux dans un
contexte plus large. «Tout le monde se porterait mieux si nous
étions six. Ce qui s'est passé en 2002 a été un peu
malheureux». Pour autant, il ne faut pas se fier aux apparences.
«Dans les activités advisory ou tax, on ne paie plus de Big Four.
La concurrence est plus large avec d'autres prestataires
spécialisés. C'est moins le cas en audit», constate-t-il.
Ernst & Young: la croissance dans la flexibilité
Cinq ans déjà... C'est en juillet 2002 qu'eut
lieu, au Luxembourg (comme dans bon nombre d'autres pays, d'ailleurs),
l'intégration des équipes de feu Arthur Andersen, réseau
démantelé suite à l'affaire Enron. Une
réorganisation également réalisée dans un contexte
stratégique particulier au niveau d'Ernst & Young Global,
désormais concentré sur ses activités «coeur de
métier» (audit, fiscalité, conseil et support pour les
opérations de transactions et de fusions-acquisitions). Exit les
activités de domiciliation, d'outsourcing de ressources, de formation ou
de mise en place et développement de systèmes informatiques.
«Notre croissance à nous, c'est de croire à
ces métiers `core' et non pas à des activités connexes,
plus artificielles, indique M. Schadeck, CEO d'Ernst & Young. Nous ne
vendons pas de produits mais des solutions. Du reste, la mise à
disposition de ressources ou la domiciliation ne sont pas des activités
à haute valeur ajoutée. Il est plus difficile de motiver des
jeunes à se lancer dans ces branches-là».
Parmi les spécificités mises en avant, Raymond
Schadeck insiste sur l'aspect «géométrie variable» des
équipes. «Nous faisons pleinement jouer l'effet de la matrice,
c'est-à-dire le binôme industries-compétences les
équipes étant ajustées en fonction des besoins
spécifiques du mandat. Même pour une mission d'audit, nous avons
besoin de compétences risques, technologies, fiscalité,
environnement, stratégie, législation».
Comme pour les autres réseaux internationaux, E&Y
au Luxembourg peut s'appuyer sur les compétences venues d'autres pays.
Ce fut notamment le cas lors des premières réflexions
menées par l'Etat luxembourgeois en matière de partenariats
public-privé, pour lesquelles la firme a importé
l'expérience de ses voisins allemands en la matière. Il en va de
même, actuellement, avec tous les développements concernant les
fonds islamiques.
La firme vise tout aussi bien les grandes multinationales -
avec l'appui du réseau - que les PME du marché local, sachant que
les missions d'intervention sortent généralement très
rapidement du seul contexte luxembourgeois.
«Idéalement, nous souhaitons être
présents dès la création d'une start-up et pouvoir
l'accompagner dans toutes les étapes de son développement,
jusqu'à la cotation en Bourse, voire au-delà, explique M.
Schadeck. Evidemment, tous les clients nous intéressent, quelle que soit
leur taille, mais toujours avec l'idée de créer un lien de longue
durée. Dans un métier de services, plus on connaît son
partenaire, mieux on travaille avec lui».
Soucieux de ne pas se laisser entraîner par une
croissance débridée («qui risque d'être
dangereuse»), Raymond Schadeck insiste sur le bien-être de ses
employés et le développement de leurs compétences en
interne, reflétés par la politique «People first».
«Nous avons introduit le concept de E&Y University, pour donner une
formation minimale à chacun de nos employés dans d'autres
compétences que leur formation initiale. Les gens ici travaillent dur,
mais nous voulons qu'ils soient motivés à travailler
dur».
KPMG prend son temps
Ira ou n'ira pas? KPMG Luxembourg réfléchit,
depuis quelques mois, à l'opportunité de rejoindre KPMG Europe,
la nouvelle structure commune aux entités anglaise, allemande et suisse,
initiée en octobre dernier. Certes, la segmentation en lines of
business, définie au niveau mondial, serait la même. «Ce qui
pourrait changer, en revanche, c'est notre marge de manoeuvre au niveau local,
du fait que notre centre de décision ne serait plus forcément ici
pour tout, reconnaît John Li, managing director de KPMG au Luxembourg.
Cela ne serait pas sans impact, évidemment». Pour l'heure, wait and
see, donc, rien ne pressant vraiment.
Pendant ce temps-là, au Luxembourg, KPMG surfe sur une
grosse vague de croissance. Avec plus de 33% de mieux en douze mois, la
société figure parmi les plus performantes du groupe. S'appuyant
sur une base de clients multinationaux (déjà présents ou
en voie d'implantation) apportés par le réseau ou gagnés
localement, elle mise également sur les PME et les institutions
publiques pour asseoir sa présence au Grand-Duché. «Nous
avons une approche proactive vers les sociétés locales, en
même temps que nous maintenons des relations permanentes auprès
des instances gouvernementales», résume M. Li.
Elargir sa clientèle, oui, mais pas à tout prix,
certains services, comme le conseil fiscal ou les activités de
structuration, étant moins adaptés aux clients de plus petite
taille. «En revanche, nous souhaitons davantage accompagner les PME
luxembourgeoises qui grandissent et qui ont une ambition d'expansion dans la
Grande Région. Nous les aidons à développer des outils de
gestion, tableaux de bord pour le suivi de leur situation financière, et
les conseillons dans leur stratégie de croissance et dans la
structuration du groupe».
Comme pour les autres, les standards internationaux de KPMG
imposent également à la firme des procédures très
strictes d'acceptation de nouveaux clients. Réputation, taille et
potentiel sont minutieusement analysés avant toute prise de
décision.
Dans ce contexte, l'avenir semble dégagé pour
KPMG Luxembourg, en dépit des conséquences non encore vraiment
mesurées de la crise des subprimes. «D'une certaine façon,
c'est une bonne chose qu'il y ait une petite crise de temps en temps, estime M.
Li. Cela permet de rester vigilant et ne pas s'endormir sur ses lauriers. Ceci
dit, le Luxembourg, avec ses activités de niche, ne suit pas toujours
les mêmes cycles économiques qu'ailleurs. Nous ne devrions pas
subir la crise de la même manière que certains autres grands
centres financiers».
Près de 250 nouveaux employés devraient
rejoindre la firme l'année prochaine, dans un contexte salarial qui
change. La migration traditionnelle d'employés vers le secteur bancaire,
notamment, semble commencer à s'inverser. «Des cadres issus de
banques sont intéressés à nous rejoindre, confirme M. Li.
La tendance actuelle est celle d'un alignement de nos salaires qui s'alignent
avec ceux du secteur bancaire. Ils sont même sans doute supérieurs
pour certaines fonctions spécifiques».
PricewaterhouseCoopers: effet d'échelle
Avec près de 1.600 employés,
Pricewater-houseCoopers Luxembourg fait partie du club des 15 principaux
employeurs du pays. Un effet de taille qui joue évidemment sur le
développement de la firme, aussi bien en termes de business que d'image.
Un élément essentiel quand les plans de recrutement
prévoient près de 500 embauches sur l'année. «Nous
avons changé notre approche depuis quelques années, indique
Didier Mouget, managing partner de PwC au Luxembourg. Avant, lors des campagnes
de recrutement, nous vendions la firme. Maintenant, compte tenu de
l'éloignement, il faut à la fois vendre le Luxembourg et la
firme».
Sur le terrain, PwC fonctionne sur la base d'une gestion
très centralisée. A la différence de ce qui peut se faire
ailleurs, les différents métiers ne sont pas gérés
dans des sociétés distinctes. La firme mise beaucoup sur les
activités de développement, avec l'appui d'un important
département R& D. «Nous gérons, par exemple, une cellule
de recherche sur la gestion d'actifs pour le marché européen, qui
travaille aussi bien pour la Commission que pour les grands promoteurs. C'est
également depuis Luxembourg que nous coordonnons l'industrie des fonds
d'investissement de la firme internationale», indique M. Mouget.
Le secteur financier constitue évidemment le gros de la
clientèle de PwC au Luxembourg, puisque près de 70% du chiffre
d'affaires est réalisé auprès des banques et surtout des
fonds d'investissement, généralement adossés à de
grands groupes internationaux... Le reste se répartit entre les
sociétés commerciales, le secteur public et les PME
luxembourgeoises et de la Grande Région, une des cibles
privilégiées de la firme. «Stratégiquement, ce
secteur des PME locales est très important pour nous, explique M.
Mouget.
Nous sommes nous-mêmes une firme luxembourgeoise. A ce
titre, nous travaillons également avec les autorités sur toutes
les opportunités de développement économique du pays, pas
seulement dans le secteur financier». Indifférent à la
taille et, à un degré moindre, à la rentabilité de
ses clients potentiels, PwC ne tolère en revanche aucun
débordement dès qu'il s'agit de la réputation et de
l'intégrité de sa clientèle. «Il nous arrive de dire
`Non' si nous avons le moindre doute».
Leader par la taille, la firme revendique également un
rôle de pionnier dans de nombreux autres domaines, dont les ressources
humaines. «Nous avons été les premiers à mettre en
place un système de rémunération flexible `à la
carte' ou bien à introduire le principe des voitures de
société pour les jeunes employés. Cela fait deux ou trois
ans déjà que nous travaillons sur le concept de bien-être
de nos employés».
Dans ce contexte, les perspectives sont largement positives.
Même dans les scénarii prévisionnels les plus pessimistes,
PwC Luxembourg projette, sur cinq ans, une croissance du chiffre d'affaires.
«Et dans le scénario optimiste, nous restons sur des
prévisions en ligne avec la croissance passée des quatre
dernières années (environ 20% par an, ndlr.). Notre principal
souci sera alors de gérer cette croissance».
Annexe n°1474 :
En juillet 2002, Nicole Notat créait l'agence Vigeo et
avec elle, un nouveau métier. aujourd'hui, Vigeo est leader
européen de la notation extra-financière.
- Sa première activité : mesurer les performances
des entreprises en matière de
développement durable et de responsabilité sociale
pour le compte de
gestionnaires d'actifs.
- La seconde : réaliser des audits en
responsabilité sociale auprès des entreprises et des
organisations. 100 missions depuis la création de cette activité,
dont 46 en 2006... l'accélération est incontestable.
O En quoi consiste un audit social ? Quelles entreprises y
recourent et dans quelles circonstances ?
L'audit en responsabilité sociale répond
à une sollicitation de l'entreprise. C'est donc elle qui définit
le périmètre qu'elle souhaite voir auditer : le groupe, une
filiale, juste une branche ou même une business unit. Elle choisit
également le ou les domaines qu'elle désire voir évaluer
parmi les six domaines de la responsabilité sociale : droits humains,
ressources humaines, environnement, comportements sur les marchés,
gouvernance d'entreprise et engagement sociétal. L'audit lui-même
s'étend sur une période de 2 à 4 mois. Nous
étudions les documents internes de l'entreprise et interviewons ses
responsables ainsi que certaines parties prenantes : représentants des
salariés, associations de riverains, ONG, collectivités
territoriales...
O Pour juger de la qualité des ressources humaines d'une
entreprise, qu'examinez- vous ?
Vigeo évalue la gestion des ressources humaines au
regard de l'amélioration continue des relations sociales (dont la
promotion du dialogue social), la valorisation des emplois et des
compétences, la qualité des conditions de travail, santé,
sécurité, et les systèmes de rémunération.
Quant à la non discrimination, elle est également mesurée,
mais au titre du respect et de la promotion des droits humains, tout comme les
formes de travail proscrites et la liberté syndicale.
OComment évalue-t-on cela de façon juste et non
arbitraire ?
Notre méthodologie s'appuie sur un
référentiel d'objectifs opposables à l'entreprise et
intégrant les attentes des parties prenantes énoncées par
les organisations et les normes internationales.
O Mais comment mesurez-vous les critères d'ordre
qualitatif ?
En segmentant le chemin d'analyse de façon rigoureuse et
garantissant la traçabilité des informations recueillies et
l'égalité de traitement des entreprises. Et
74 Source : Interview de Nicole Notat. Flore Fauconnier. JDN
Management. le 14/11/2007.
en nous attachant à recueillir des données
tangibles attestant de la pertinence des politiques affichées autant que
la cohérence de leur déploiement. (exemple de critères :
conventions, ressources humaines, droits humains, environnement, comportements
sur les marchés, gouvernance d'entreprise et engagement
sociétal).
Chaque critère se décline en principes d'action.
Par exemple, pour mesurer la promotion de l'employabilité, Il faut
apprécier comment l'entreprise anticipe ses besoins en emplois et
compétences, comment l'entreprise adapte les compétences de ses
salariés aux évolutions de son activité, de quelle
façon l'entreprise promeut l'amélioration progressive des
qualifications, si l'entreprise assure une concertation avec les
salariés sur ces sujets, si elle assure un suivi individualisé et
si elle établit ses critères d'évaluation en toute
transparence.
Nous devons mesurer :
- la stratégie affichée par l'entreprise,
- la mise en oeuvre de ces politiques, (cette
appréciation va au-delà de la simple application de la
législation, elle prend en compte la promotion des objectifs de
responsabilité sociale),
- les objectifs recherchés.
O Qui fait appel à l'audit social et dans quelles
circonstances ?
D'abord les entreprises qui ont pris conscience de la
nécessité d'intégrer des objectifs de développement
durable et qui cherchent, par un audit externe indépendant, à
identifier leurs points forts et leurs marges de progrès.
C'est bien connu : pour progresser il faut mesurer. Il s'agit,
par exemple, de celles qui, historiquement, sont marquées par une
culture sociale forte, comme les entreprises mutualistes, ou des entreprises
privées ayant un engagement ancien vis-à-vis de leurs
salariés, qui y sont naturellement sensibles. D'autres entreprises y ont
recours davantage par nécessité, au nom des risques qu'elles
perçoivent faute d'engagement.
D'ailleurs, toutes ont un intérêt à
identifier les risques de responsabilité sociale auxquels elles sont
exposées. Risques de réputation, notamment vis-à-vis des
consommateurs (boycott s...), risques juridiques (dommages et
intérêts), risques de moindre attractivité sur le
marché du travail ou sur le marché des capitaux (en
n'étant pas sélectionnées par les fonds ISR par
exemple)...
Les entreprises souhaitent avant tout savoir où elles
en sont en termes de risques et de marges de progrès à accomplir.
L'audit permet de faire un état des lieux et constitue pour elles un
outil de pilotage stratégique, qui les met en capacité de mettre
en place des mesures correctrices ou bien d'avoir conscience de leurs points
forts.
O Comptez-vous des PME parmi vos clients ?
Très peu, mais nous dispensons des formations aux
dirigeants de PME. dans le cadre d'un partenariat avec la Caisse nationale des
Caisses d'Epargne. Par ailleurs, depuis le mois d'octobre,
Qualité-France Association décerne le repère
Lucie aux PME pour leur engagement dans le développement
durable.
· Quelle est votre
perception de l'évolution de la RSE (Responsabilité sociale des
entreprises) en France, sur les questions liées aux ressources humaines
?
Au niveau de la prise en compte et de la valorisation des
objectifs RH par l'entreprise, on constate une évolution positive
réelle.
D'ailleurs, selon le classement sectoriel que nous avons
établi fin octobre pour La Tribune, la France est en tête
en Europe : plus de la moitié des groupes du CAC 40 sont dans le top 3
européen de ce classement pour ce qui concerne les engagements sociaux
dans leur politique de ressources humaines. Mais être en tête ne
signifie pas que chacune d'elle affiche une performance totale.
O Qu'est-ce qui poussent les entreprises à se lancer
dans une démarche de RSE ? Les investisseurs, les consommateurs, les
salariés, le marché de l'emploi qui se tend ?
Tout à la fois. Beaucoup de dirigeants
perçoivent que l'indifférence à ces enjeux peut avoir sur
l'entreprise des conséquences loin d'être marginales. Je fais le
pari que ceux qui ne s'y intéressent pas aujourd'hui ne vont pas tarder
à s'y intéresser de près.
O Le fait que l'Etat se prenne d'intérêt pour le
développement durable peut-il faire bouger les choses ?
Absolument. Parmi les conclusions du Grenelle de
l'environnement, certaines concernent les entreprises. D'une part dans le
domaine de la recherche et développement, de l'innovation produit, des
matériaux, des process de développement.., mais aussi dans
l'incitation à ce que les conseils d'administration et les
assemblées générales se saisissent des enjeux de
développement durable. Enjeux qui ne vont plus pouvoir longtemps rester
en périphérie des stratégies des entreprises.
Annexe n°1575 :
Stress : les médecins du travail tirent la sonnette
d'alarme.
Le stress chronique subi par certains salariés
est souvent sous-estimé par les employeurs, qui connaissent souvent mal
le sujet et disposent de peu de moyens pour l'appréhender.
C'est une première en France. Le 5 septembre dernier,
la Sécurité sociale a reconnu qu'un ouvrier, mort d'une crise
cardiaque en janvier dernier dans l'usine de pneumatiques Continental, avait
été victime d'un stress chronique causé par son travail.
Une décision qui pourrait faire évoluer les entreprises sur le
sujet. « Pour l'instant, les entreprises minimisent les risques
psycho-sociaux, car ils n'ont pas de retombées directes sur leurs
finances. En reconnaissant le stress comme maladie professionnelle, leurs
cotisations à la branche accidents du travail et maladies
professionnelles risquent de sensiblement augmenter. Elles vont alors se rendre
compte des coûts directs de cette pathologie et être plus
vigilantes sur les conditions de travail », juge Olivier Galamand,
médecin du travail chez IBM. Pour ce professionnel de la santé du
travail, il ne fait pas de doute que le stress chronique lié à
l'activité professionnelle est en nette augmentation.
« Les visites spontanées de salariés aux
médecins du travail augmentent chaque trimestre, notamment au moment du
«closing», lorsque les commerciaux annoncent le nombre de contrats
signés. J'observe également un pic à la fin de
l'année lorsqu'approche l'entretien annuel d'évaluation.
».
Suicide sur le lieu de travail
Récemment, ce médecin a fait reconnaître
en maladie professionnelle le suicide d'un des salariés du groupe,
survenu en mars 2006 à son domicile, après une intervention
particulièrement difficile chez un client. « On l'a envoyé
en pompier pour réparer un bug informatique en urgence. Or il n'avait
pas la formation requise pour intervenir sur ce type d'applications et n'a
reçu aucune aide lorsqu'il en a demandé. Il était
isolé. C'est cet enchaînement d'événements,
lié à une demande de résultat très exigeante, qui a
conduit au suicide », conclut le docteur Galamand. Les cas de suicides
liés au stress, s'ils restent rares, se sont néanmoins
multipliés ces derniers mois dans les entreprises, notamment dans le
secteur automobile. « Ce qui frappe dans les cas de suicides
évoqués dans les médias ces derniers mois, c'est qu'ils
ont eu lieu sur le lieu de travail, ce qui était très rare avant.
Mais attention, tous les suicides sur le lieu de travail ne sont pas
liés à l'activité professionnelle », indique le
docteur Dominique Chouanière, responsable du projet stress au travail
à l'INRS.
75 Source : Les Echos. Marie BELLAN. Jeudi 28 août 2008.
Quelles que soient les causes, et elles sont souvent
nombreuses, qui conduisent un salarié au suicide, aucun employeur ne
reste indifférent face à de tels drames. La difficulté
reste d'agir avec une réelle efficacité. « Un chef
d'entreprise qui veut vraiment faire quelque chose pour limiter le stress, et
ses conséquences parfois dramatiques, n'est pas très aidé.
Les cabinets de conseil qui se sont spécialisés sur ce
créneau vont lui proposer un numéro vert, un observatoire du
stress, mais dans une situation de crise, ce n'est pas vraiment utile. Un
observatoire n'est utile que un ou deux ans après sa mise en place
», continue Dominique Chouanière.
Système de détection
De façon plus pragmatique, Grégoire Vandevelde,
consultant spécialisé dans le secteur automobile et
sensibilisé aux troubles psycho-sociaux, recommande de mettre en place
un système de détection simple : « Chaque collaborateur doit
être familiarisé avec les signes annonciateurs d'une
dépression ou d'un trouble bipolaire pour pouvoir intervenir si l'un de
ses collègues est touché : perte de sommeil,
dévalorisation de soi, performance professionnelle en baisse. Lorsqu'on
ne connaît pas ces signes, on n'est pas censé savoir que cela peut
être grave. »
Autre mesure, qui tombe sous le sens mais qui est
malheureusement assez peu respectée : « Chaque manager devrait
prendre le temps chaque matin de passer dans son service pour voir ses
collaborateurs, leur parler, même quelques minutes », poursuit
Grégoire Vandevelde. Encore faut-il que le manager soit sur le
même site que ses collaborateurs. La perte de relations sociales dans
l'entreprise et la solitude qui en découle sont effectivement des
éléments aggravants en cas de stress au travail. «
Même dans des situations difficiles, quand il y a un esprit
d'équipe et de la solidarité entre les salariés, tout
passe. On n'est plus individuellement coupable en cas d'échec mais
solidairement responsable », conclut Anne Valleron,
délégué CFE CGC chez PSA.
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