1. INTRODUCTION
L'initiation de la locomotion nécessite le passage d'un
état d'équilibre à un état de mouvement de
l'ensemble du corps principalement vers l'avant. De nombreuses études
(Brenière et al, 1987; Couillandre et al, 2000 ; Lepers et
Brenière, 1995; Crenna et Frigo, 1991 ) ont mis en évidence la
présence de modifications posturales associées à ce
mouvement. Cette coordination entre posture et mouvement lors de l'initiation
de la marche a été principalement analysée sans obstacle.
Dans le cadre de ce mémoire, nous nous sommes intéressés
au contrôle postural associé à l'initiation de la marche
lors du franchissement d'un obstacle.
D'une manière générale,
l'exécution d'un mouvement intentionnel est accompagnée par des
ajustements posturaux qui visent au maintien de l'équilibre. Ces
ajustements posturaux accompagnent le mouvement, mais peuvent aussi le
précéder (Belenkii, 1967). Par exemple, il a été
montré lors d'une élévation rapide d'un bras que des
mouvements posturaux des membres inférieurs et du bassin
précédait le mouvement volontaire du membre supérieur
(Bouisset et Zattara ,1981). Ces ajustements posturaux anticipateurs (APAs),
sont spécifiques du mouvement à venir et peuvent être
considérés comme programmés centralement.
Lors de l'initiation de la marche, des APAs sont
nécessaires pour créer les conditions dynamiques permettant le
mouvement du corps non seulement vers l'avant mais aussi vers le futur pied
d'appui. La fonction de ces APAs est donc la création d'un
déséquilibre. En considérant le mouvement du corps dans le
plan sagittal, il a été montré que les
caractéristiques spatio-temporelles des APAs sont prédictives de
la vitesse de marche (Crenna et Frigo, 1991 ; Brenière et al, 1987).
Lorsque la vitesse de marche augmente, l'amplitude des APAs
(caractérisée principalement par le recul du centre des
pressions), ainsi que leur durée présente une covariation avec la
vitesse du centre de gravité atteinte à la fin du premier pas
(Brenière et al. 1987).
Notre étude s'intéressera à
l'organisation des APA dans le plan sagittal lors de l'initiation de la marche
avec franchissement d'un obstacle. Nous tenterons de répondre à
la question suivante : les APA associés à l'initiation de la
marche avec franchissement d'un obstacle sontils prédictifs de la
vitesse de marche, comme c'est le cas sans obstacle ?
2. Coordination entre posture et mouvement lors d'un
mouvement intentionnel
La posture se définie comme un arrangement des segments
corporels (être debout, assis, couché, etc.). Dans cette
définition, elle est considérée comme une description
géométrique du corps. De ce fait le temps n'existe pas, par
conséquent elle ne rend pas compte des rapports cinématiques et
dynamiques des différents segments entre eux. En effet, l'introduction
de ces paramètres cinématiques et dynamiques nécessite la
présence d'un contrôle postural.
Les ajustements posturaux anticipateurs (APA de d'initiation
de la marche est la courte période entre le passage d'une posture dite
« de repos » à une posture d'aptitude au démarrage
(Horak et col, 1984, 1989).
Les mouvements que nous exécutons sont
accompagnés d'ajustements posturaux, qui ont pour rôle de fournir
le support postural à la réalisation du mouvement ainsi que de
maintenir l'équilibre du corps malgré les perturbations
engendrées par l'exécution du mouvement (Massion, 1992). Les
premiers ajustements posturaux pouvant apparaître, simultanément
ou quelques millisecondes avant le mouvement volontaire, sont qualifiés
d'ajustements posturaux anticipés (APA). On considère que leur
rôle est de minimiser les perturbations de l'équilibre (lorsque le
mouvement n'entraîne pas de modification de la base d'appui) qui risquent
d'être engendrées par le mouvement à venir (ou mouvement
focal) en mettant en place des corrections anticipées (Zattara et Bouis
set, 1987 ; 1988).
Le corps étant composé d'un ensemble de segments
pluri-articulés, la posture peut être définie comme
reflétant la géométrie segmentaire du corps à un
instant donné. L'acte moteur apparaît comme
particulièrement complexe parce que le système nerveux central
doit non seulement assurer la commande responsable du ou des segment(s)
à mobiliser, mais il doit aussi prévoir et réguler un
ensemble de commandes parallèles destinées à anticiper les
déséquilibres posturaux qui accompagnent inéluctablement
la réalisation du mouvement. Il existe donc une coordination entre
posture et mouvement.
L'équilibre est défini par les relations qui
existent entre le centre de gravité et le centre de pression qui
correspond à la force de réaction du sol au poids du sujet .Aussi
lorsque le centre de pression (CP) coïncide avec la projection selon la
direction de la gravité du centre de masse (CM) du sujet sur la surface
d'appui. Le centre de pression correspond au point d'application de la force
résultante de réaction au sol et le barycentre des forces
verticales de réaction réparties sur l'ensemble de la surface de
contact pieds/sol qui est généralement situé entre les
deux pieds . Pour le centre de gravité est encore appelé centre
de masse, est un concept qui permet de traiter plus facilement des
problèmes mécaniques. Pour cela, on fait l'hypothèse que
la masse entière est située en ce point. La notion de centre de
gravité est couramment utilisée.
Dans le cadre de la programmation du mouvement, une des
fonctions des ajustements posturaux anticipateurs (APA) est de s'opposer par
avance à la perturbation créée. Pour les mouvements
effectués en position debout, sans modification de la base d'appui
initiale, les études ont montré que les APA variaient en fonction
de certains paramètres du mouvement la vitesse du mouvement (LeeWA, al ;
1987), ainsi qu'en fonction des paramètres de la posture et de
l'équilibre centre de gravité (CG) et centre de pression (CP).
Pour ces derniers paramètres, l'augmentation ou la
réduction de la stabilité de l'équilibre initial
entraîne une variation de la durée des APA.
Le système nerveux est capable d'intégrer des
informations relatives au système musculo squelettique et à
l'environnement afin de les mettre en relation (Massion ; 1992). Le
système nerveux central est comme un pilote. Pour le système
musculo-squelettique nous prenons l'exemple de l'utilisation des
propriétés pendulaires des membres inférieurs pour
réaliser le pas au cours de la marche et des contraintes externes
environnementales par exemple l'utilisation de la pesanteur pour favoriser
l'initiation de la marche, en fonction du but prescrit qui est l'action
intentionnelle (Hess, 1943).
Si l'on prend l'exemple (un sauteur et un porteur), il faut
pour que le saut soit réussi, que le porteur soit averti à
l'avance des forces qui vont s'exercer au niveau de ses épaules. Cela
permet de faire une analogie avec le système nerveux central : les
commandes doivent être liées à la partie focale
(coordination des actions segmentaires) et à la partie postural
(coordination entre posture, équilibre et mouvement) pour que le
mouvement soit réussit.
L'hypothèse d'une organisation hiérarchique
implique que le SNC agit comme un système de commande et de
régulation du mouvement à plusieurs niveaux : un niveau supra
spinal (haut), qui traduit un projet d'action en commande musculaire, et un
niveau spinal (bas), qui traduit les réponses posturales en fonction de
l'excitation des motoneurones (Paillard, 1985).
Il existe des compensations pour que, lors de
déplacement en position debout, le centre de masse (CM) reste dans la
base de sustentation. Babinski (1899) montre que le mouvement de l'extension du
tronc entraîne un mouvement au niveau des hanches et des genoux.
La position d'équilibre a pour référence
une représentation interne, le schéma corporel postural
(Gurfinkel et al. 1988), d'origine génétique et acquise par
apprentissage. Le contrôle de l'équilibre dépend de trois
représentations qui sont celle de la géométrie du corps,
celle des forces (dont celle d'appui) et celle de l'orientation du corps par
rapport à la verticale gravitaire. Les deux premières
représentations sont obtenues par les récepteurs proprioceptifs
et la troisième par les informations multi sensorielles (labyrinthiques,
rétiniennes et proprioceptives).
Le contrôle postural corrige l'effet de la perturbation
dans le but de contrôler l'équilibre. Il est le résultat
d'un apprentissage et s'exerce par des réseaux nerveux adaptatifs
(Massion ; 1992). Les mouvements du membre inférieur posent un
problème du fait que ce membre sert de support au sol. Il est
nécessaire, dans ce cas de déplacer le centre de gravité
vers la jambe d'appui pour assurer l'équilibre pendant le mouvement du
membre.
L'étude de Crenna et Frigo (1991) résume bien
les séquences d'activations musculaires pour l'initiation de plusieurs
mouvements vers l'avant, tels que se lever d'une chaise, la marche, se pencher
vers l'avant et se tenir sur la pointe des pieds. Toutes ces tâches sont
précédées par l'inhibition du muscle soléaire et
l'activation du muscle tibial antérieur. D'autre part, le premier
événement mécanique détecté est le recul du
centre de pression 80 à 150 ms après l'inhibition du
soléaire.
Au début de l'initiation de la marche, on observe des
ajustements posturaux anticipateurs (Brenière et al, 1981, 1987). Ils
participent activement à la création du
déséquilibre initial vers l'avant grâce à la mise en
jeu de la synergie musculaire Soléaire et Tibialis antérieur.
Ainsi,
pour décrire la phase anticipée, on peut se
baser simplement sur les déplacements antéropostérieur et
médio-latéral du CP. Dans ce sens, le premier déplacement
du CP est latéral vers la jambe de balancement et vers l'arrière.
La levée du talon détermine la fin de la phase d'anticipation et
le début de la phase d'exécution de la marche. Qui nous permet de
souligner que le processus d'initiation de la marche reste identique et
indépendant de la vitesse de début de la marche, par contre, le
recul du centre de pression dépend de la vitesse d'exécution.
2.1. Initiation de la marche :
La phase d'initiation de la marche correspond à la
période transitoire comprise entre deux états stables, la posture
initiale et la marche stationnaire, période au cours de laquelle la
synergie posturale s'efface et la synergie locomotrice se met en place. Elle
est comprise entre l'apparition des premiers phénomènes
mécaniques et l'instant où la vitesse du centre de gravité
sur l'axe antéro-postérieur atteint un pic à la fin du
premier pas. Elle comporte deux phases distinctes : une phase d'anticipation
posturale et une phase d'exécution, la séparation entre les deux
phases se situant à l'instant du décollement du talon du pied
exécutant le pas.
2.1.1. Phase d'anticipation posturale :
La plupart des mouvements effectués en position debout
nécessitent d'être précédé d'ajustements
posturaux anticipés (APA) afin de préserver l'équilibre et
de préparer le mouvement. Des actions musculaires à l'origine de
forces de propulsion sont nécessaires à la création d'un
couple mécanique des chevilles (Elble et al, 1994, Couillandre et al
2000).
L'initiation de la marche débute par une chute du corps
vers l'avant et vers le pied d'appui initiée par les APA qui permettent
la libération des forces gravitaires initialement neutralisées
par l'activité des Soleus (Brenière et al.1987 ; Crenna et Frigo,
1991). En effet le passage de la posture debout, pieds joints, à la
marche commence par une désactivation des extenseurs de la cheville
(soleus) (Carlsöo, 1996 ; Brenière et al. 1981) et une activation
des fléchisseurs de la cheville (tibialis).
Dans le plan sagittal, l'amplitude des APA,
caractérisé principalement par le recul du CP, ainsi que leur
durée présentent une covariation avec la vitesse du CG atteinte
à la fin du
premier pas (Brenière et al., 1987 ; Dietrich et al.,
1994). Ces covariations reflètent la capacité du SNC à
prédire la vitesse de progression à atteindre à la fin du
premier pas.
La vitesse finale du CG, à la suite du
déséquilibre du corps vers l'avant pendant lequel la
gravité agit, dépend de sa vitesse initiale atteinte au
décollement du talon à la fin des APA.
Le but de la phase d'anticipation dans l'initiation de la
marche est donc d'induire une vitesse initiale du corps. En effet les APA
semblent avoir deux fonctions pendant l'initiation de la marche. Ils permettent
de préparer la configuration posturale en fonction du mouvement à
venir (Brenière et al, 1987).
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