Chapitre troisième :
ANALYSE DES STRATÉGIES DE LUTTE DES POPULATIONS DU BASSIN NYONG-SANAGA
CONTRE PALUDISME
Au chapitre précédent, nous avons
présenté et analysé les caractéristiques
socio-démographiques et environnementales des populations du Bassin
Nyong-Sanaga. Il importe à présent de faire une analyse des
pratiques de lutte de ces populations par rapport à l'action des
moustiques dans cette région.
Nous entendons ici par pratiques, les comportements
sous-tendus par les connaissances et codifiées par la
société, que l'individu peut mettre en oeuvre dans une situation
donnée (MINSANTE/PNLP, 2006).
3.1. GÉNÉRALITÉS SUR
LE PALUDISME
Le paludisme est une maladie parasitaire, transmise à
l'homme par l'anophèle femelle et causée par un
hématozoaire du genre Plasmodium. Il est encore appelé
malaria (de l'italien mal-aria, air vicié et dérive du
latin paludis qui signifie marais).
Les premières descriptions cliniques des fièvres
palustres, avec les symptômes habituels ont été
réalisées par HIPPOCRATE (Vè siècle
avant Jésus-Christ). Dès le XVIIè
siècle, c'est par l'administration de l'écorce du quinquina que
l'on combattait ces fièvres. Le mystère qui les entourait ne fut
élucidé qu'en 1880 avec la découverte de l'agent
pathogène, le Plasmodium par Alphonse LAVERAN. Son cycle a
été décrit plus tard en Italie par GRASSI et al. (1899).
Ce sont les travaux de MASSON (1900) qui viendront confirmer le rôle du
moustique dans la transmission de cette maladie.
Dès lors, la lutte antivectorielle accompagnée
de l'administration de la quinine aux populations devint la principale
stratégie de lutte antipaludique. Avec la découverte des
insecticides à effet rémanent tel que le DDT
(Dichlorodiphenyltrichloéthane), et la mise au point de nouveaux
médicaments très efficaces (chloroquine, amodiaquine), cette
lutte a connu un succès et un essor sans pareil au cours de la
deuxième guerre mondiale.
Les premières résistances des moustiques au
Dichlorodiphenyltrichloéthane (DDT) apparurent en Grèce à
partir de 1951. Ceci incita à une accélération des
opérations de lutte afin d'atteindre l'objectif visé
(éradication du paludisme) avant que cette résistance ne soit
généralisée. Peu après, la résistance des
Plasmodium aux médicaments notamment à la chloroquine vint
compromettre les efforts d'éradication de la maladie. En 1969, la
22è assemblée mondiale de la santé confirma
l'échec du programme mondial d'éradication du paludisme,
adopté lors de la 8è assemblée de Mexico en
1955. Ainsi, la stratégie d'éradication fut remplacée par
celle du contrôle avec pour but de :
- réduire la transmission ;
- réduire la morbidité ;
- réduire la mortalité.
Une stratégie mondiale de lutte contre le paludisme,
basée sur quatre principes a été définie en 1992
par la conférence ministérielle d'Amsterdam. Ces quatre principes
sont :
- le diagnostic et le traitement rapide des cas ;
- la prévention et la lutte antivectorielle ;
- la prévention et l'endiguement des
épidémies ;
- le renforcement des capacités nationales
(développement et modernisation des structures sanitaires).
En Afrique, l'initiative Roll Back Malaria (faire reculer le
paludisme) préconise de réduire de moitié les cas de
paludisme d'ici 2010, puis de moitié encore avant 2015 (RBM, 2005). De
nos jours, le paludisme reste la principale affection parasitaire dans le monde
notamment dans les pays d'Afrique tropicale au Sud du Sahara où il
représente la première cause de morbidité et de
mortalité. L'OMS estime entre 300 et 550 millions le nombre de cas par
an, dont plus de 80% en Afrique subsaharienne. Plus de 1 million de personnes
meurent du paludisme chaque année (OMS, 2005).
Au Cameroun, le paludisme est la maladie la plus
répandue. À l'exception des zones montagneuses de l'Ouest
où son incidence est faible, les cas de paludisme sont reportés
sur toute l'étendue du pays (GARDE et al., 1991). La lutte contre cette
maladie a commencé dès 1949 à Yaoundé et Douala par
les services d'hygiène mobile. Les vastes campagnes de
pulvérisation intradomiciliaire d'insecticide menées à
partir de 1953 ont conduit à une interruption momentanée de la
transmission au Sud Cameroun (LIVADAS et al., 1958). Depuis la fin des
années 1980, le paludisme connaît une résurgence alarmante.
Le ministère de la santé publique estime à 2 millions le
nombre de cas par an, avec 30 à 35 % de décès, dont 40 %
d'enfants de moins de 5 ans ; 22 à 23 % des admissions
hospitalières sont attribuées au paludisme (MINSANTE, 2002).
|