La motivation : une condition à
l'apprentissage.
Dans ce premier chapitre, nous tenons à
présenter la question de la motivation dans un contexte scolaire en nous
référant aux différentes théories de
l'apprentissage. Cette condition essentielle à l'apprentissage
revêt des définitions différentes. Depuis plusieurs
années et jusqu'à présent, ce concept continue à
avoir plusieurs acceptions.
A-Les conceptions de la motivation
La motivation a connu plusieurs acceptions que nous
présentons en nous appuyant sur l'ouvrage de A. Mucchielli (1992) qui
les regroupe en quatre courants essentiels :
a-Conception « innéiste »
de la motivation
Cette acception constitue un prolongement d'un courant
appelé « innéiste » ou
« constitutionnaliste » qui s'intéresse
à « l'innéité des idées»,
courant dans lequel toute l'importance est donnée aux
« facteurs internes, inscrits dès la naissance dans
l'individu.» (A. Mucchielli, Idem, p.5) Et, le même
auteur ajoute que pour ce courant, chaque individu possède
« des caractéristiques fondamentales, constitutives de la
``nature humaine'', qui déterminent le
comportement. »
H. Piéron (1935, cité par A. Mucchielli,
Ibid, p.6), distingue entre deux niveaux de besoins
fondamentaux de l'homme : « Les besoins
viscérogéniques ( besoin d'air, d'eau, de nourriture,
d'équilibre thermique, d'excréter, de dormir, d'allaitement,
d'écarter la douleur, d'activité) et les besoins psychologiques
(d'alerte, sexuel, d'agression, de sécurité, de bien-être,
de compétition, de communication.) »
De son côté, Murray (1938, cité par A.
Mucchielli, Op. cit, p.6) propose une liste de besoins:
« Besoin de domination, de soumission, d'autonomie, d'agression,
d'humiliation, d'accomplissement, sexuel, de sensations, d'exhibition, de jeu,
d'affiliation, de réjection, de secours, de protéger,
d'éviter le blâme, d'éviter l'infériorité, de
se défendre, d'éviter la souffrance, d'ordre, de
compréhension. » Murray a pu identifier vingt
besoins secondaires tels que : l'affection, la sécurité, la
valorisation et d'autres.
Abraham Maslow (1954, cité par A.
Mucchielli, Op. Cit, p.6) propose, lui, une
théorie qui s'intéresse aux « niveaux
hiérarchiques des besoins » et qui s'applique pour
motiver les travailleurs. Cette hiérarchie des besoins sous forme de
pyramide est organisée de la base jusqu'au sommet, des besoins
physiologiques élémentaires jusqu'aux besoins psychologiques et
affectifs d'ordre supérieur afin de montrer l'origine du comportement
humain. Selon Maslow, à chaque fois, l'homme essaye de satisfaire un
niveau des besoins ce qui lui permet de passer au besoin
suivant.
A partir des recherches faites par Murray, Mc Clelland a
centré ses études sur trois besoins qui caractérisent la
personnalité de l'individu :
1-Le besoin d'accomplissement
C'est un besoin qui aide l'individu à lancer des
défis et à faciliter les tâches proposées.
2-Le besoin de puissance
C'est un besoin qui permet à l'élève
d'attirer l'attention sur lui afin de dominer ses pairs.
3-Le besoin d'appartenance
C'est un besoin qui permet à l'élève de
s'intégrer dans un groupe et d'être aimé par les autres.
b-Conception « situationniste » de
la motivation
A. Mucchielli (Op. Cit, p.8) qui présente cette
conception considère que « la source des comportements est
extérieure à l'individu. L'homme est déterminé
à agir d'une certaine façon par l'ensemble des contraintes
environnementales qui s'exercent sur lui. » Deux sortes de
contraintes sont à distinguer : « les contraintes
matérielles » et « les contraintes sociales
normatives ». Nous tenons à signaler que cette conception
est aussi appelée « le sociologisme ».
A. Mucchielli (Op. cit, p.9) montre que
« pour le sociologisme, l'acteur social est un sujet passif dont
le comportement est l'effet de causes sociales
extérieures. » Pour expliquer les deux paradigmes qui
touchent « la sociologie » A. Mucchielli (Op. cit,
p.13, cite R. Boudon, 1977) note que pour « les paradigmes
déterministes » les comportements sont liés
à des éléments extérieurs et pour
« les paradigmes interactionnistes, l'action est
décrite comme la composition des intentions des acteurs et de
la structure de leurs interactions. » Selon l'auteur, c'est
surtout le deuxième paradigme qui peut être important pour
l'étude des motivations.
c-Conception « empiriste » de la
motivation
En allant à l'encontre la conception
« innéiste », la conception
« empiriste » écarte complètement
« les instincts » et « les pulsions »
pour donner toute l'importance aux « expériences de la
vie » qui vont faire chaque individu. Cette conception est la
base d'une « théorie génétique des
motivations. »
En prenant comme point de départ « la
situation oedipienne », Freud accorde plus d'intérêt
à « la vie affective ». B. Saint Girons (1985,
p.707) note que la théorie des pulsions de Freud
dépasse la dimension mythique pour toucher réellement les
« processus psychiques se déroulant dans
l'inconscient » afin de montrer que la motivation glisse d'une
« modification de l'organisme le mettant en mouvement,
jusqu'à sa réduction de la tension » à un
autre sens considéré comme un « facteur
spécifique qui prédispose l'individu à accomplir certains
buts. » Dans le même contexte, beaucoup de questions sont
centrées sur les motivations en « posant au moi des
problèmes qu'il lui est vital de présentement résoudre. En
ce qui concerne l'héritage phylogénétique, les pulsions
émanées de l'organisation somatique trouvent déjà
au niveau du `ça' un premier mode d'expression conflictuelle sous forme
de lutte entre motions sexuelles contradictoires. » (B. Saint
Girons, Idem). Pour Freud, la motivation réside dans
l'échappement au « déplaisir » pour atteindre
la « satisfaction ». A. Adler (cité par A.
Mucchielli, Op. cit, p.16) évoque « la psychologie
individuelle » pour montrer que chaque individu tend vers
« la lutte pour la supériorité. »
d-Conception « interactionniste »
de la motivation
Cette conception ne s'intéresse ni aux
« facteurs internes » ni aux « facteurs
externes » mais, considère que la source de la motivation est
dans « la rencontre du sujet et de l'objet qui tous deux ont des
caractéristiques interagissant les uns sur les autres. »
(A. Mucchielli, Op. cit, p.21)
En opposant la motivation comme « un
construct » à
« l'intelligence » et à
« l'aptitude », Kurt Lewin (1940) de son
côté, montre qu'une « situation
motivante » exerce une influence sur « l'aptitude
intellectuelle » soit en la modifiant ou en la changeant
définitivement. K. Lewin (cité par A. Mucchielli, Op. cit,
pp.21-22) considère la motivation comme « le résultat du
surgissement, dans l'univers psychologique du sujet, d'une valence et d'une
force psychologique. Valence et force sont issues de la rencontre de l'individu
et de son environnement. » K.
Lewin (1942, cité par B. Saint Girons, Ibid, p.708) a
étudié les motivations dans le cadre des groupes en
s'intéressant à « l'origine des décisions
prises par les individus dans leurs choix alimentaires ».
Son modèle interactionniste était utilisé dans le
domaine de la publicité pour motiver les gens à acheter des
produits.
J. Nuttin (1962, cité par A. Mucchielli, Op.
Cit, p.24) propose « une conception interactionniste de la
motivation: « L'individu et le monde ont chacun leur structure
propre. La structure de l'individu c'est d'avoir des relations biologique,
psychologique et spirituelle avec le monde. »
B-La motivation: une condition essentielle à
l'apprentissage
Malgré qu'elle soit insuffisante pour apprendre, la
motivation reste parmi les conditions importantes à l'apprentissage.
Face à un grand nombre d'activités, l'étudiant se trouve
souvent dans des situations ennuyeuses qui le démotivent. Sur le
terrain, tous les moyens restent inutiles face à un étudiant
à qui il manque « le désir
d'apprendre » d'où le grand nombre d'élèves
démotivés. C'est pour cela, que l'enseignant doit être
conscient de l'importance de la motivation dans les situations
d'apprentissage.
a-La motivation dans un contexte scolaire
Dans un contexte scolaire, l'enseignant doit lui-même se
motiver et à s'attacher à rendre motivant son cours. Ce
« moteur de l'apprendre » comme le qualifie A.
Giordan (1998, p.108) n'est pas une tâche aussi simple
pour un enseignant. Ce « fondement incontournable de
l'apprentissage » (S. Mersch-Van Turenhoudt, 1994, p.26) a longtemps
préoccupé enseignants, chercheurs et pédagogues.
Dans une perspective béhavioriste, les recherches
accordent plus d'importance aux « facteurs externes à
l'individu ». B. F. Skinner (cité
par J. Lecomte, 1998a,
p.171), l'un des représentants de cette théorie considère
l'apprentissage comme : « Une modification du
comportement consécutive à un conditionnement». Dans le
but d'observer le comportement, les études menées en laboratoire
limitaient l'apprentissage à « un simple
conditionnement. » Dans un contexte scolaire, la pratique de Skinner
a été liée à l'utilisation des récompenses
(renforcements positifs) et des punitions (renforcements
négatifs). Selon le même auteur, quelques
éléments tels que l'échec, les encouragements ou
« les punitions corporelles ou
psychologiques » peuvent influencer la motivation de l'individu.
Dans ce cas, la conséquence représente une source d'encouragement
ou de découragement. Seuls « les stimuli
extérieurs » et les renforcements peuvent
déclencher une motivation chez l'élève. En plus du
stimulus et de la réponse, A. Bandura (1969, cité par M. Allaoua,
1998, p.12) ajoute l'observation pour désigner « les processus
qui se déroulent dans l'organisme entre la pensée et le
traitement de l'information ». Ces nouveaux comportements
permettent à A. Bandura de s'orienter vers une psychologie cognitive.
Malgré qu'il ait régné longtemps,
le béhaviorisme a été critiqué car il ne
prenait pas en considération les « représentations,
projets, motivations, etc. des sujets » (J. Lecomte,
Idem, 1998a, p.168) et négligeait les processus
mentaux. De son côté, B. F. Skinner a éloigné de sa
méthode des facteurs affectifs comme les sentiments et les
émotions qui peuvent pourtant avoir un rôle très important
dans l'apprentissage. Selon B. Hourst (2003,
p.13) le modèle béhavioriste peut diminuer « le plaisir
d'apprendre » et il écrit : «Ce système
d'apprentissage, caractéristique du modèle béhavioriste
qui favorise un apprentissage de type pavlovien, (« tu fais ça
et tu obtiens ça »), encourage les comportements
stéréotypés, renforce une forme de mémoire à
court terme, et tue le plaisir d'apprendre en réduisant la motivation
intrinsèque ». Dans ce cas, apparaît le rôle
des activités proposées, les récompenses, les
encouragements, etc.
Ce n'est qu'avec les études psychanalytiques
qu'on a commencé à parler du
« désir d'apprendre». « [..]Le
désir d'apprendre n'est jamais automatique. Une activité peut
bien occuper l'élève ; pour être
« désirable », elle doit prendre en compte ce que
nous nommons le projet d'être ou de faire de l'élève, mais
pas seulement. Sont « désirables » des situations
qui présentent de la nouveauté plutôt que l'habitude,
donnent l'occasion de faire des choix, conduisent à des questions
plutôt qu'à des réponses; des situations ou l'individu se
sent largement autonome. » (A. Giordan, [En ligne], 2005)
Dans un sens inverse au béhaviorisme, le cognitivisme
considère l'apprentissage comme « une modification
des structures mentales, en lien direct avec la mémorisation.»
(J. Lecomte, Ibid, 1998a, p.171).
L'intérêt est porté aux représentations, aux
intérêts, à la motivation et à l'attitude de
l'élève. Cette approche qui est en vogue traite
la motivation en prenant en considération la relation entre l'individu
et son environnement ce qui lui permet d'apprendre en comprenant
l'utilité de ce qu'il apprend. Les modèles sociocognitifs ont
guidé beaucoup de recherches centrées sur la motivation en
contexte scolaire ou universitaire. Ces modèles représentent un
accord entre les nativistes qui considèrent que la cognition humaine
dépend « des déterminants internes à
l'homme » et les associationnistes qui montrent que notre
environnement physique structure notre mental. A partir de cela, l'approche
sociocognitive considère que « le comportement humain est
dirigé par des facteurs internes, mais que ces derniers ont une origine
dans l'environnement. Etant donné les capacités de communication
de l'Homme, c'est surtout l'environnement social qui est
considéré. » (T. Huart, Idem,
pp.221-222)
Avec l'avènement de l'apprentissage constructiviste, la
motivation est mise en liaison avec l'élève et son environnement
en prenant comme source « les perceptions et les attentes d'un
individu. Les possibilités d'interventions pédagogiques
deviennent immédiatement plus vastes. L'enseignant peut s'appuyer sur
les besoins internes de l'élève, ses intérêts, ses
désirs et ses attentes générées par la situation
d'enseignement. Dans le même temps, il peut mettre en place des
``moyens externes de persuasion '' oraux, écrits ou
médiatisés. Pour les plus jeunes, le jeu et l'action occupent
une place ``privilégiée''. »(A. Giordan,
Idem, 1998, pp.98-99). Dans le même contexte, l'apprentissage se
fait dans l'interaction entre facteurs internes et d'autres externes. Dans la
même perspective, J. Piaget (1975, cité par L. Rieben, 1998,
p.132) montre que l'individu n'est pas un élément passif mais
qu'il « contribue activement à la construction de sa
personne et de son univers». Ce qui mène à dire que
l'individu apprend quand il est le « constructeur » de son
savoir. Selon la théorie Piagétienne,
« la motivation est considérée comme une condition
nécessaire à tout progrès dans l'acquisition des
connaissances» (L. Rieben, idem, p.143). L'intelligence selon
J. Piaget (1947, cité par M. Allaoua, Idem, p.14) «se
construit grâce au processus d'équilibration des structures
cognitives, en réponse aux sollicitations et contraintes de
l'environnement ».
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