INTRODUCTION GENERALE
Face à un monde de plus en plus métissé
pour ce qui est des modes de vie, des us et coutumes des peuples, face à
la propension égoïste et naturelle des hommes à afficher
leurs identités spécifiques au détriment des
idéaux de paix qui devraient animer l'humanité, tout un chacun
devrait s'interroger. Au moment où la communauté internationale
met tout en oeuvre pour combattre tous les fléaux qui minent les
processus de paix et la stabilité du monde, il est important que
l'enseignant qui est un éducateur de profession soit aux avant-postes de
toutes les initiatives opportunes dans ce sens. Il s'agit pour lui d'avoir
toutes les capacités indispensables au développement de la
culture de la tolérance à travers la compréhension
internationale ; il s'agit aussi pour lui de communiquer ces
capacités à ses apprenants. Ces objectifs, il ne peut les
atteindre que s'il est compétent sur le plan interculturel.
Avoir des aptitudes sur le plan interculturel, c'est
connaître, mieux, c'est maîtriser non seulement les faits de
civilisation de plusieurs peuples, mais aussi et surtout leurs faits culturels,
car ce sont les seconds qui, pense Abdallah-Pretceille (1996 :28),
« favorisent la communication, c'est-à-dire
la rencontre avec l'Autre.[La] démarche descriptive [...] rest[ant]
extérieure aux individus ». Par conséquent, la
capacité à repérer le culturel dans les échanges
langagiers va au-delà de simples connaissances ethnographiques
descriptives telles que la manière de parler, la gestuelle, l'intonation
et autres signes physiques ou matériels, pour cerner la communication
dans sa profondeur. Et pour cause, reprécise Abdallah-Pretceille
(1996 : 30),
l'échange langagier ne constitue que la
partie immergée de l'iceberg et que l'enjeu de la communication se
situe bien souvent au-delà du verbal qui sert fréquemment de
rempart à d'autres significations.
Il s'agit donc pour l'enseignant d'être capable de
comprendre et d'exploiter la dimension anthropologique des échanges
langagiers, de comprendre la variation culturelle qui, au demeurant, est
interculturelle parce qu'elle implique d'importantes interrelations entre
cultures différentes. C'est cette variation interculturelle qui fonde la
signification des unités linguistiques, la compréhension et la
communication lors des échanges langagiers. C'est elle qui est donc
à la base de la communication interpersonnelle et même de la
communication entre peuples. Il s'ensuit cette conclusion d'Abdallah-Pretceille
(1996: 36) :
C'est à une véritable anthropologie du
métissage que nous appelons car le temps n'est plus aux
catalogues, aux nomenclatures mais au passage, à la
transgression des frontières linguistiques et culturelles
(cf. « parler bilingue » par rapport au
bilinguisme), à la pluralité des cheminements et
à la multiréférentialité.
Chaque individu a la possibilité d'appuyer son expression
non seulement sur le code d'appartenance mais aussi sur un ou
des codes de référence et ce de manière
d'autant plus variée que son expérience du monde sera plus
vaste.
La description des exigences psychopédagogiques
ci-dessus présentée devrait correspondre à l'enseignant
en général et à l'enseignant des langues en particulier.
C'est dire qu'un enseignant qui plus est celui de langue devrait être
compétent sur le plan multi-référentiel. Et si c'est
aisé de lui destiner cette capacité autrement appelée
compétence interculturelle, on ne saurait être catégorique
sur l'effet qu'elle pourrait avoir sur le rendement pédagogique.
Voilà qui fonde la question suivante au centre de la présente
étude : la compétence interculturelle de l'enseignant
a-t-elle un effet significatif sur son efficacité didactique tant
théorique que pratique dans un environnement sociologique de plus en
plus métissé sur le plan des modes de vie, des moeurs, des us et
coutumes, et des pratiques langagières?
Au demeurant, telle est la question fondamentale qui pose les
bases d'une étude qui se veut une approche évaluative globale de
certains supports didactiques et de la didactique du français en
francophonie. Et la démarche adoptée pour y répondre est
trilogique. Dans la première partie de l'étude, il s'agit de
poser la problématique et de procéder à la circonscription
du cadre théorique de l'étude. La deuxième partie de
l'étude intitulée cadre méthodologique est le lieu de
définition de la démarche et des procédures suivies dans
la conduite des investigations. Enfin, la troisième partie, le cadre
opératoire, correspond au lieu approprié de présentation
des résultats, de vérification des hypothèses et de
proposition de suggestions et recommandations en vue de l'amélioration
de la situation étudiée.
PREMIERE PARTIE :
PROBLEMATIQUE ET CADRE THEORIQUE
CHAPITRE I : LA PROBLEMATIQUE DE
L'ETUDE
Si définir les concepts de culture et
de compétence culturelle n'est pas aisé, définir celui de
compétence interculturelle l'est encore plus. Pourtant, en tant
qu'ensemble d'aspects intellectuels et de formes de comportements qui
caractérisent une civilisation tout en permettant de développer
le sens critique, le goût et le jugement, la culture devrait avoir un
impact sérieux sur les autres activités de la vie quotidienne et
plus précisément sur l'enseignement. Bien plus, cet impact
devrait être accentué pour ce qui est particulièrement de
l'enseignement de la langue qui en est précisément un aspect,
celui de la culture.
Par ailleurs, à cause du caractère
essentiellement évolutif de la langue, la culture qui permettrait de la
comprendre est obligatoirement multidimensionnelle, multidirectionnelle et
profonde, surtout quand il est question de traiter de la langue
française en usage dans les pays de l'Afrique francophone subsaharienne.
Dès lors, il devient indispensable pour tout enseignant de
français en général et de cette région en
particulier de percevoir le lien qui pourrait exister entre ses aptitudes non
plus seulement culturelles, mais aussi interculturelles et l'efficacité
de ses enseignements. Pour pouvoir vérifier la possibilité du
lien ci-dessus évoqué, il faut d'abord justifier le choix du
sujet en identifiant clairement le problème qu'il pose. Ce
préalable permet ensuite de déterminer les objectifs et
intérêts de l'étude et partant de circonscrire cette
dernière sur les plans thématique et spatio-temporel.
I.1. LE CHOIX DU SUJET
L'enseignement des langues en général et de la
langue française en particulier se fait habituellement à l'aide
de corpus sélectionnés dans de textes littéraires,
journalistiques et même scientifiques. Cette option est bien
spécifiée dans les instructions officielles du MINEDUC
(1994 :2) en ces termes :
S'agissant des contenus, l'accent est mis sur
l'enseignement de la langue française au second cycle, indissociable
de l'enseignement de la littérature...Ainsi, l'enseignement de la
langue vise la maîtrise par l'élève de l'outil
linguistique, tant en termes de compréhension (étude de textes)
qu'en termes d'autonomie ( production de textes). Il s'agit d'enraciner
l'apprentissage de la langue française dans le besoin d'échanges
et de communication. Des activités dynamiques et ouvertes, ayant pour
point de départ les textes, permettront aux élèves de
s'approprier la langue, de s'initier à la culture qu'elle
véhicule, de réagir, de proposer une réponse
personnelle, de réfléchir seul ou en groupe.
Pour concrétiser cette option dans leurs salles de
classe, les enseignants opèrent des choix multiples, tant dans les
oeuvres inscrites au programme que dans les journaux pour, comme le disent
encore les instructions officielles du MINEDUC (1995 :12),
« donner aux élèves une
capacité de lecture flexible et plurielle »
. L'attestent fort heureusement les exercices proposés dans
le Cahier de Département - Français langue seconde
(Spécial langue) (MINEDUC, 2000) de la Sous-section de
Français et Lettres Classiques de l'Inspection Générale de
Pédagogie. L'atteste aussi et mieux d'ailleurs le document 30 textes
pour le cours de langue (2001) qui est un corpus et davantage
un répertoire de textes au sens large, littéraires ou non, et
bien sûr en français moderne.
Avant que les méthodes d'approche textuelles ne se
diversifient et surtout avec la critique historique, les textes
littéraires étudiés en classe étaient pour la
plupart des classiques. Par conséquent, ils permettaient à
l'enseignant et à l'apprenant, au regard du caractère
homogène du niveau et de la qualité de la langue, de les
comprendre d'une part et d'être sûrs d'autre part de la
transmission et de l'acquisition de la norme linguistique, de la norme
standard, de la norme hexagonale de la langue française. Les classiques
africains permettaient aussi d'atteindre cet objectif. Et si les exigences de
la compétence interculturelle n'étaient pas totalement
oubliées, il faut reconnaître qu'elles étaient autant
exprimées et ressenties qu'elles le sont de nos jours.
Aujourd'hui, il n'est plus évident que les textes
littéraires francophones contemporains autrement appelés
nouvelles écritures africaines, essentiellement
caractérisés par la « déconstruction »
de la langue française, par ce que Nganang dans un entretien
accordé à Mvounda Etoa (2003 :8) appelle le
« décentrement » par rapport à
la métropole et qui implique une nouvelle énonciation, soient
d'une compréhension facile au point de rendre aisé l'enseignement
et l'acquisition/appropriation de cette langue. A partir d'une telle situation,
un débat diversement exprimé s'est installé au sein de la
communauté scientifique avec pour objet la qualité de langue
française enseignée et acquise dans les milieux scolaires de
l'Afrique francophone subsaharienne et même d'ailleurs.
D'aucuns parmi lesquels Zabu cité par Kesteloot
(1992 :26) faisaient du problème ci-dessus soulevé celui de
l'« indigénisation » de la langue
française. D'autres en font le sujet de numéros de revues et de
colloques. C'est ainsi que cette question est l'un des points inscrits au
programme des Etats généraux de l'enseignement du
français en Afrique subsaharienne francophone
tenus à Libreville au Gabon du 17 au 20 mars 2003. La
même préoccupation a constitué le dossier du
N°003-Volume II d'octobre 2003 de la revue Langues et
communication sous-titré « Quel français
parlons-nous ? ». Elle a également
été au centre du Colloque international des 27, 28 et 29 octobre
tenu à Yaoundé au cours de la même année 2003 sur
le thème Le français écrit et parlé en
Afrique : bilan et perspectives. Elle a été enfin le
sujet du N°159 de la revue Notre Librairie, numéro
sous-titré Langues, langages, inventions (juillet -septembre
2005), avec comme grandes articulations « les métamorphoses du
français », « inventivité de la
langue » et « dire et détours ».
Par ailleurs et en marge des problématiques de la
norme, cette question d'indigénisation du français se situe en
droite ligne des colloques organisés par l'Association Francophone
Internationale de Recherche Scientifique en Education à Rabat en 1997,
sur le thème « Education : Identité,
altération et relations interculturelles » et en 2001 au
Brésil, à Natal, sur le thème
« Hétérogénéité, culture et
éducation ». Au centre des travaux de ces colloques
étaient débattues des questions permettant de circonscrire,
au-delà des procédés et autres techniques d'expression,
l'interculturel dont la maîtrise serait indispensable pour un meilleur
enseignement/apprentissage des langues en général et de la langue
française en particulier. Voilà qui justifie clairement
l'inquiétude de la Fédération Internationale des
Professeurs de Français (
www.francparler.org/dossier/interculturel)
qui s'interroge sur la fait que jusqu'à présent la formation
à l'interculturel, socle d'un enseignement /apprentissage réussi
ne fasse pas partie des programmes de formation des enseignants.
De même, une telle inquiétude, déjà
posée par Binon et Claes (1995), est reprise par celle-ci (2003 : 5)
dans les termes suivants :
Si l'enseignement des langues étrangères
privilégie surtout la composante linguistique, il néglige souvent
les autres composantes et certainement les composantes stratégique,
paralinguistique et surtout sociolinguistique et socioculturelle. Or ces
composantes constituent avant tout la dimension interculturelle de la
compétence de communication et s'avèrent particulièrement
importantes dans un monde multiculturel et économiquement global. Une
prise de conscience des différences qui peuvent exister au niveau
culturel devient donc de plus en plus indispensable.
Telles sont les pistes qui ont orienté vers le choix du
thème Compétence interculturelle et efficacité de
l'action didactique en classe de langue. Elles guident ainsi vers la
recherche de l'importance de la maîtrise de l'interculturel pour un
enseignant de langue et sous-tendent le problème qui est formulé
au coeur de l'étude.
I.2. LA FORMULATION DU PROBLEME
Les rapports entre l'interculturel et
l'enseignement/apprentissage de la langue française constituent une
préoccupation assez sérieuse et d'actualité quand on voit
comment la langue française est envahie - tant dans les
nouvelles écritures africaines que dans les interactions
langagières quotidiennes des Camerounais- d'emprunts de l'anglais, du
pidgin-english et du camfranglais, des termes et
expressions issus des langues locales. Pour ce qui est du camfranglais,
il est un parler populaire issu du mélange de structures provenant
des langues locales du Cameroun, du français et de l'anglais. Cette
réalité linguistique multicolore, Onguéné Essono
(2003 : 57-72) l'a merveilleusement décrite dans un
article intitulé « La norme en éclats pour un
français correct au Cameroun ».
Ainsi, la lecture et la compréhension des textes
caractéristiques des nouvelles écritures africaines
exigeraient des élèves comme des enseignants une culture
riche et diversifiée, mieux des savoirs correspondant à ce que
Abdallah-Pretceille (1996 :33) appelle «
la culturalité [qui] renvoie au fait que le culture est mouvante,
fuyante, « tigrée »,
alvéolaire ». Cette culturalité devrait permettre
aux protagonistes de l'action didactique non seulement de saisir, mais aussi
d'expliquer les phénomènes linguistiques et langagiers
variés présents dans les textes. Une telle situation s'inscrit en
droite ligne d'un aspect du phénomène que Bikoi
(2003 :79) dénomme les « problèmes
liés au souci d'adaptation de l'enseignement du français aux
réalités contemporaines ». Et il s'agit ici d'une
adaptation interculturelle parce que impliquant, pour les enseignants comme
pour les apprenants, la capacité à appréhender, à
comprendre, à expliquer et à justifier les
phénomènes sémiologiques variés tant normaux que
marginaux provenant de plusieurs cultures. Cette capacité, autrement
appelée compétence interculturelle, est à la base du
problème central de la présente étude, problème
libellé ainsi qu'il suit : la compétence
interculturelle de l'enseignant en classe de langue peut-elle avoir un impact
significatif sur son efficacité didactique ? Autrement dit,
l'enseignant compétent interculturel maîtrise-t-il mieux la
didactique des langues et transmet-il mieux les savoirs lors de son
enseignement que celui qui ne l'est pas ? Ce qui implique une
préoccupation corollaire : les élèves du
premier seraient-ils être plus performants que ceux du
second ?
C'est donc cette question diversement posée qui est
abordée ici, question à laquelle l'étude tente de trouver
des réponses. Mais, au lieu de procéder par une démarche
qui prenne pour base le culturel dans son ensemble à travers les
langues, les stratégies discursives, les us et coutumes, les mets,
l'habillement, l'art, ..., ou par une démarche qui prenne pour base un
corpus disparate collecté au gré des circonstances de
communication et interactions langagières, nous voulons partir
d'extraits de textes qu'on pourrait à raison nommer corpus de
référence pour une telle interrogation. Il s'agit des extraits ou
de passages des romans africains contemporains tels que Temps de chien
de Nganang (2001) qui peut être considéré comme un texte
de référence des nouvelles écritures
africaines pour avoir été lauréat de deux
prix littéraires, à savoir le Prix francophone Marguerite
Yourcenar (2001) et le Grand prix littéraire de l'Afrique noire (2002).
Il s'agit aussi des extraits des textes comme Moi Taximan de Kuitche
Fonkou (2001), Branle-bas en noir et blanc de Mongo Beti (2000), ...,
oeuvres écrites dans le même style et le même ton.
D'emblée, les textes ci-dessus cités peuvent
être considérés comme les marques irréfutables d'une
créativité débordante. Pourtant, il faut se rendre
à l'évidence du fait qu'ils présentent des situations
où, comme le dit si bien Thomas (2002 :13), « nous
constatons que nos mots sont intraduisibles », des situations
où « nous souhaitons expliciter nos
stéréotypes pour dépasser les
préjugés », des situations qui impliquent et
exigent trois attitudes indispensables à leur compréhension,
à savoir « l'empathie », « le travail sur
les divergences et les conflits » et la volonté de
coopération ». Pour cela, leurs extraits en
particulier et ceux des nouvelles écritures africaines francophones en
général constituent non seulement des corpus ou des supports
didactiques de référence pour l'enseignement de la langue
française en contexte scolaire, mais aussi et surtout le
témoignage des mutations observables et appréciables d'une langue
et de pratiques langagières caractéristiques d'une
époque : l'époque contemporaine, la nôtre.
Voilà le contexte qui, intégrant des oeuvres configurant des
savoirs pluriels résultant, comme le dit Gourmelin-Berchoud
(1996 :52), « des interactions entre culture(s)
d'origine(s) et culture mondialisée issue de
l'Occident », suscite, suggère cette étude et en
justifie les objectifs.
I.3. LES OBJECTIFS DE L'ETUDE
L'objectif général de cette étude
est de mesurer le poids que peut avoir la compétence interculturelle de
l'enseignant sur le processus d'acquisition / appropriation de la langue par
les apprenants. Une telle entreprise permet conséquemment de mesurer
la valeur didactique des nouvelles écritures africaines
francophones, prises comme extraits ou oeuvres
complètes, en tant que supports authentiques pour les activités
d'enseignement / apprentissage de la langue française. Il s'agit donc de
partir de l'état de langue française contenue dans les extraits
de texte choisis et analysés, et des exigences de la compétence
interculturelle nécessaires à son appréhension pour
envisager et proposer, le cas échéant, quelques perspectives
didactiques.
Au regard de l'objectif général ci-dessus
formulé, les objectifs spécifiques de l'étude
consistent à voir s'il n'y a pas un lien d'une part entre la
compétence interculturelle des enseignants de langue française et
leur compétence didactique mesurée en terme de maîtrise des
démarches méthodologiques théoriques, et d'autre part
entre la même compétence interculturelle et la compétence
didactique mesurée cette fois en terme de résultats des
élèves aux évaluations de français. Ainsi, il
s'agira pratiquement :
- d'évaluer la compétence interculturelle
(linguistique, ethnolinguistique, littéraire, sociolinguistique,
ethnoculturelle, scientifique, etc.) des enseignants de français de la
province de l'Ouest du Cameroun à partir des structures linguistiques
(forme et sens) de la langue française des nouvelles écritures
africaines francophones,
- de mesurer la compétence didactique (connaissances
méthodologiques, résultats des élèves aux
évaluations) des mêmes sujets,
- d'apprécier l'impact que peut avoir la
compétence interculturelle des enseignants sur leur efficacité
dans l'action didactique en langue française,
- de justifier le rapport qui peut exister entre la
compétence interculturelle et l'efficacité de l'action didactique
en prenant appui sur les besoins langagiers des Camerounais en langue
française, en les liant aux préoccupations d'ordres d'abord
linguistique (créativité linguistique), ensuite culturel
(ancrage culturel) et enfin idéologique (problématique
post-colonialiste ),
- de proposer de nouvelles perspectives didactiques dans le
choix et l'exploitation des corpus d'étude et pourquoi pas dans
l'élaboration des contenus d'enseignement. Ce sont ces objectifs qui
justifient l'importance de cette étude et partant l'intérêt
conséquent.
I.4. L'INTERET DE L'ETUDE
Cette étude est une contribution à
l'appréciation et à la consolidation du statut
épistémologique de la langue française enseignée ou
à enseigner dans notre système éducatif en particulier et
dans la société camerounaise en général, au regard
de « l'éclatement de la norme »
(Essono Onguéné, 2003 : 57) observée dans les
interactions langagières quotidiennes et catégorisées
dans les productions littéraires. Elle est une contribution à
l'effort du système éducatif dans l'élaboration et
l'amélioration constante des contenus d'enseignement et donc des
programmes d'étude. Elle s'adresse ainsi aux enseignants et chercheurs
en didactique et évaluation, aux apprenants et aux Inspections
Générales en charge des enseignements dans les Ministères
de l'Education de Base, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle, des
Enseignements Secondaires et de l'Enseignement Supérieur. Elle constitue
au total un déblayage des pistes de recherche dans la didactique du
français à tous les niveaux du système éducatif.
Pour ce qui est des enseignants et autres chercheurs, ce
travail de recherche est comme un coup d'oeil lancé sur cette discipline
qu'est la didactique de la langue française, un autre regard qui devrait
aboutir à des innovations profitables pour ce qui est des contenus
d'enseignement et des pratiques didactiques en salle de classe. De là,
les enseignants capitaliseraient mieux leurs connaissances linguistiques,
culturelles et interculturelles pour les mettre au service des apprenants en en
tirant le plus grand plaisir pour eux-mêmes et le plus grand profit pour
l'enseignement.
Ensuite, il s'agit d'une étude qui pourrait aider
les élèves à mieux envisager l'apprentissage de la langue
française en ceci qu'elle leur permettrait d'intégrer sans
complexe les phénomènes linguistiques ou littéraires
issues de leurs propres milieux culturels ou d'autres cultures dans le
processus normal d'apprentissage et d'appropriation de la langue. A partir de
là, ils approcheraient plusieurs cultures, maîtriseraient mieux la
langue française et pourront dès lors utiliser celle-ci pour
mieux parler de celles-là.
Enfin, cette étude s'inscrit en droite ligne des
préoccupations des organisations internationales telles que l'UNESCO,
l'AFIDES, l'ADEA , l'UNICEF, l'I.I.E.P., le S.E.A, dans leur souci
permanent d'éducation tout court, d'éducation interculturelle,
d'éducation à la tolérance, de culture de la
compréhension internationale et de la coopération en vue de
l'instauration d'une paix durable à travers le monde entier. Seule la
poursuite de cet idéal de paix et la mise en oeuvre de stratégies
multiformes pour l'atteindre peut permettre à la communauté
internationale d'évoluer vers un développement durable.
I.5. LA DELIMITATION DE L'ETUDE
Pour qu'une étude se réalise à travers
une opérationnalisation aisée des paramètres
étudiés, elle doit être délimitée sur
plusieurs plans. Ici, elle le sera sur les plans thématique, spatial et
temporel.
I.5.1. La délimitation thématique
Sur le plan thématique, des précisions doivent
être faites au sujet des trois concepts que sont la compétence
interculturelle, l'efficacité de l'action didactique et l'état de
langue étudié. L'étude ne saurait prendre en compte toutes
les composantes de l'interculturel telles que circonscrites par Marmoz
(2003 :47) dans son article intitulé « La
recherche interculturelle : exploitation, pédagogie ou
co-opération ? ». Ici, le concept interculturel
portera sur le linguistique, le littéraire, l'ethnolinguistique, le
sociologique, l'ethnoculturelle, ... tels qu'ils se fondent dans le texte
romanesque. Cette option se justifie par le fait que le texte littéraire
est un véhicule privilégié des éléments de
culture. Ainsi, les investigations, tout en traitant des interactions
culturelles, de la circulation des cultures et de leurs frontières, se
limiteront aux « pratiques langagières »
écrites (Leray ; 2001 : 148).
Par ailleurs, l'état de langue étudié
(pratiques langagières), concerne les nouvelles écritures
africaines de langue française et partant la norme linguistique telle
qu'elle y est conçue et perçue dans ses grandes lignes. Il s'agit
ainsi des points sensibles de l'usage linguistique qu'il faut mettre en exergue
et au besoin théoriser afin que la didactique puisse les exploiter, les
extraits de texte ici exploités provenant du genre romanesque qui
contient généralement toutes les spécificités et
variétés de la langue écrite et orale.
Enfin, le concept « didactique » dans
efficacité de l'action didactique concerne les connaissances
méthodologiques ou pédagogiques de l'enseignant, les
interactions et échanges caractéristiques des activités
d'enseignement/apprentissage en salles de classe ainsi que les résultats
qui en découlent. Ces résultats se traduisent concrètement
par les notes obtenues par les élèves aux évaluations au
terme d'une séquence pédagogique.
I.4.2. La délimitation spatiale
Si cette étude traite de l'état de la langue
française tel qu'il est perçu dans les nouvelles
écritures africaines par l'enseignant de français, elle
concerne les enseignants de français du Cameroun en
général et particulièrement ceux de la province de l'Ouest
qui compte huit départements à savoir les Bamboutos, le
Haut-Nkam, les Hauts-Plateaux, le Koung-Khi, la Menoua, la Mifi, le Ndé
et le Noun. C'est dans la province de l'Ouest que les investigations vont
être menées pour que des généralisations soient
envisagées.
I.4.3. La délimitation temporelle
Cette étude est menée au cours de
l'année civile 2005 et les informations qu'elle contient en terme
d'effectifs d'enseignants et de résultats scolaires relèvent des
données statistiques de l'année scolaire 2004/2005 dans la
province de l'Ouest.
Tels sont les paramètres qui permettent d'une part de
poser la problématique de cette étude, et d'autre part de la
circonscrire dans l'espace et dans le temps afin de rendre non seulement la
compréhension des concepts étudiés plus facile mais aussi
et surtout les investigations plus opérationnelles.
CHAPITRE II : LE CADRE THEORIQUE DU SUJET
Toute étude a un socle sur lequel elle repose, un socle
qui constitue la base théorique de toute la démarche scientifique
mise en place. Il s'agit d'une base théorique qui permet de situer le
problème étudié au coeur du développement de la
pensée scientifique pour en fonder le cheminement exploratoire. Pour ce
qui est de la présente étude, elle prend racine dans les
problématiques que suscite la didactique des langues en
général et en particulier celle du français en Afrique
francophone subsaharienne aujourd'hui. Pour mieux en saisir la portée,
il faut procéder par la définition des concepts clés qui
le libellent, ce qui permet de cibler les travaux devant faire partie de la
revue de la littérature. Cette dernière aide à
dégager l'originalité de l'étude et à formuler les
hypothèses de recherche conséquentes.
II.1. LA DEFINITION DES CONCEPTS
Les concepts clés de l'étude sont
d'emblée les deux paramètres que le libellé du sujet
voudrait relier. Il s'agit de compétence culturelle et
efficacité de l'action didactique, concepts qui doivent être
définis par rapport à celui de langue française.
II.1.1. Le concept de compétence interculturelle
Pour définir ce concept, il faut au préalable
expliquer les termes qui le composent à savoir culture et
compétence. Au besoin, on devra même définir la
compétence culturelle pour mieux cerner la compétence
interculturelle.
a). La culture et le culturel
Le Dictionnaire actuel de l'éducation (1988)
définit la culture comme un ensemble de manières de voir,
de sentir, de percevoir, de penser, de s'exprimer, de réagir, des modes
de vie, des croyances, un ensemble de connaissances, de réalisations,
d'us et de coutumes, de traditions, d'institutions, de normes, de valeurs, de
moeurs, de loisirs et d'aspirations. C'est dire que, puisqu'elle englobe
toutes les activités de la vie humaine, la culture peut être
perçue comme la manière par laquelle nous vivons et
résolvons les problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Au total et surtout sur le plan anthropologique, la culture est l'ensemble
des traits distinctifs caractérisant le mode de vie d'un groupe humain
organisé, d'un peuple ou d'une
société.
Ainsi, la culture est un ensemble de connaissances qui
permettent de développer le sens critique, le goût et le jugement.
Ces paramètres sont eux-mêmes caractérisés par
trois éléments clés (Claes, 2003) que sont le temps,
l'espace et le contexte de communication et sont essentiellement liés
à des groupes sociaux précis.
Ces approches de définition rejoignent celle de Rocher
(1969 : 88) pour qui la culture est
un ensemble lié de manières de penser, de
sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et
partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une
manière à la fois objective et symbolique à
constituer ces personnes en une collectivité
particulière et distincte .
C'est la raison pour laquelle Taylor (1871 :1) en disait
déjà que
la culture [...] est cet ensemble complexe qui inclut la
connaissance,la croyance, l'art, la morale, le droit, la coutume et toutes
autres capacités et habitudes acquises par l'homme en tant que membre de
la société.
Parce que anthropologique, la conception de Taylor est plus
englobante que le sens restreint ou restrictif qu'Oliviéri
(1996 :9) et Morin (1969 :5) donnent à la culture. Si le
premier parle de « culture cultivée ou
majuscule », les seconds parlent de culture
« normative-aristocratisante ». Pour eux, il
s'agit précisément d'un savoir élitiste
réduit aux beaux arts et à la littérature. La
définition de Taylor déborde par ailleurs la conception
élargie qui confond la culture à la civilisation en tant que
ensemble de caractéristiques sociologiques, politiques, historiques et
autres communes aux vastes sociétés les plus
évoluées. En définitive, parce qu'elle prend en compte
les éléments des conceptions restreinte et élargie,
c'est-à-dire tout ce qui permet à l'individu de s'intégrer
et de vivre en communauté, l'approche de Taylor (Oliviéri,
1996 : 9) est
une conception globalisante, voire
holistique, qui intègre aux données
précédentes les modes de vie et de pensée, les
comportements langagiers, les rites sociaux (les manières de table au
même titre que le rapport aux médias) .[...] Dans cette
optique, le champ culturel embrasse pratiquement tout ce qui fait de l'individu
un être social.
Ainsi, la culture se ramène à un
ensemble d'aspects d'une civilisation, à un ensemble de
« règles de vie ayant acquis un caractère collectif
donc social » , à un ensemble de formes
acquises de comportements formant « un
dénominateur commun » (Rocher, 1969 :
89) entre les
membres d'une société. Elle se constitue des manières de
penser, de sentir et d'agir observables à travers des modèles de
comportement, des valeurs et des symboles et qui intègrent les
connaissances, les pensées, les sentiments, les attitudes
réelles, les manières d'être, de s'habiller,... propres
à une communauté humaine. Par conséquent, la culture, en
tant que donnée sociale et patrimoine commun,
s'adresse (...) à toute activité humaine,
qu'elle soit cognitive, affective ou conative ( c'est-à-dire qui
concerne l'agir au sens strict ) ou même sensori-motrice. Cette
expression souligne que la culture est action, qu'elle est d'abord et avant
tout vécue par des personnes (Rocher, 1969 :89).
En définitive, l'adjectif culturel concerne toutes les
activités qui particularisent les peuples. Tel que précisé
dans le Dictionnaire Larousse (2000), il concerne l'ensemble des
usages, des coutumes, des manifestations artistiques religieuses et
intellectuelles qui distinguent un groupe, une société.
Au regard de tous les sens ici donnés, le culturel tel
que appréhendé dans ce travail est largement anthropologique
parce qu'il va qualifier prioritairement le linguistique, le
sémiolinguistique, le littéraire, bref le comportement langagier
impliquant bien sûr des us et coutumes, des modes de vie. Il va
également concerner les cultures cultivées pour ce qui est des
connaissances méthodologiques ou didactiques. Et comme le comportement
langagier renvoie également à des phénomènes
appartenant à plusieurs langues et donc à plusieurs cultures, ce
culturel traduit un vécu culturel intermédiaire,
l'interculturel.
b). L'interculturel et le multiculturel
Même si fondamentalement, les deux concepts renvoient
à un contexte de civilisation pluriculturel, ils ont néanmoins
des différences réelles. En effet, contrairement au multiculturel
qui traduit la description d'une situation impliquant la reconnaissance des
différences culturelles et la co-existence d'identités
culturelles distinctes avec priorité accordée au groupe
d'appartenance, l'interculturel renvoie à une mise en relation et une
prise en considération des interactions entre des groupes, des
individus, des identités.
Le pluriculturel et le multiculturel font le constat et
additionne les différences pour déboucher sur « une
conception mosaïque de la société »
(Abdallah-Pretceille, 2004), alors que l'interculturel, globalement
caractérisé par une culture hétérogène,
complexe, diversifiée et essentiellement mouvante, implique contact et
échanges entre peuples. Il implique l'apprentissage de la rencontre avec
l'autre et non l'apprentissage de la culture de l'autre. C'est ainsi que,
comme le dit et l'explique si bien Demorgon (1989 :225),
le préfixe inter qui suggère des
interactions, des échanges, des partages, des
complémentarités, des coopérations, des
réciprocités,[...], sert à entretenir, dans le meilleur
des cas, des souhaits, des espoirs, un idéal à atteindre :
celui d'une coexistence pacifique et solidaire entre les populations.
Apparemment proche donc des concepts tels que
multiculturel, pluriculturel, transculturel,... l'interculturel implique une
réalité située à l'intersection de plusieurs
cultures. Il implique par conséquent le dialogue des cultures. C'est
pour cela que tentant de le définir, Marmoz (2001 :42) l'associe et
le renvoie précisément aux
travaux sur les cultures et leurs frontières,
[aux] lignes d'évolution de ces cultures, [à] l'importation /
exportation des biens traditionnellement marchands, [aux] idées ou [aux]
pratiques, [aux] conditions et [aux] effets également de la traduction,
qu'il s'agisse du travail habituel ainsi repéré ou de
l'écoute, de la compréhension de ce qui vient d'ailleurs
.
De ce qui précède, il découle que
l'interculturel ( Avanzini ; 2001 :17) implique que
« l'accent [soit] de plus en plus mis sur le respect
dû aux diversités culturelles » . Car,
précise Leray (2001 : 147), « la
nécessité d'une attitude interculturaliste s'impose par le
pluriculturalisme réel de notre environnement et du
type de relations existant entre les cultures »
. Mais alors, si ces postulats sont logiques sur le plan social
parce qu'ils impliquent la tolérance ou la coexistence pacifique entre
les hommes, ils présentent néanmoins des lacunes sur le plan des
activités d'enseignement/apprentissage. Ainsi, l'interculturel
impliquerait dès lors que les cultures ne soient pas seulement
respectées, mais qu'elles soient comprises et maîtrisées
pour permettre une action efficace.
c). La notion de compétence
Sur le plan juridique, la compétence est une aptitude
légalement reconnue à une autorité publique de poser tel
ou tel acte dans des conditions déterminées. Elle découle
d'une connaissance approfondie qui confère le droit de juger, d'agir ou
de décider dans le domaine indiqué.
Sur le plan linguistique et didactique, et en
référence à la grammaire générative et
transformationnelle, la compétence est une virtualité de
l'actualisation, c'est-à-dire l'intégration ou
l'intériorisation de l'ensemble des règles d'une langue devant
permettre à l'usager de former et de comprendre un nombre
indéfini de phrases « grammaticales » ou
d'énoncés dans cette langue. Il s'agit, pensent Galisson et Coste
(1976 :105), de la « connaissance implicite qu'a de sa
langue un locuteur-auditeur». Par conséquent, l'actualisation
de la compétence linguistique est la performance qui se
concrétise par la parole ou par l'écriture. Plus simplement,
précisent-ils (1976 : 106),
la mise en oeuvre de la compétence linguistique
(quand des énoncés sont effectivement produits ou compris)
constitue la performance. La compétence est sous-jacente et
nécessaire à la performance, mais, n'est pas une théorie
de la production des énoncés. La distinction de Chomsky entre
« compétence » et
« performance », recouvre en grande partie celle de
Saussure entre « langue » et
« parole », puisqu'elles opposent toutes deux le
système à son actualisation, mais (...) Saussure, surtout
sensible au caractère social de la « langue »,
envisage celle-ci comme un dépôt chez chaque locuteur (...), alors
que pour Chomsky, la « compétence » est une notion
à la fois plus abstraite et plus dynamique puisqu'elle inclut la
créativité.
En tant que aptitude de créativité et de
mobilisation permanente de savoirs fiables et stables non seulement
linguistiques, mais aussi autres conférant une autorité certaine
dans un domaine donné, la compétence tel que conclut Perrenoud
(2000 :41), « est la mise en relation
pertinente de connaissances préalables et d'un problème
». Et à ce titre, il est important -
insiste-t-il - de bien noter que
toute compétence est fondamentalement liée
à une pratique sociale d'une certaine complexité. Non pas
à un geste précis, mais à l'ensemble des gestes, des
postures, des paroles inscrits dans la pratique qui leur donne sens et
continuité [...] Il est donc normal que toute compétence
largement reconnue évoque une pratique professionnelle instituée,
émergente ou virtuelle (2000 :44).
Alors, puisque la compétence est liée aux
pratiques sociales et comme la culture au sein de laquelle se situe le
phénomène linguistique est une donnée essentiellement
collective et sociale, il serait intéressant d'associer les deux termes
pour en mesurer la portée en contexte pédagogique ou
didactique.
d). La compétence culturelle
La compétence culturelle est, d'après
Abdallah-Pretceille (1996 :32), « la connaissance des
différences culturelles (dimension ethnographique), [...] une analyse en
termes de structures et d'états ». A ce
titre, elle est une simple connaissance des faits et des
caractéristiques des cultures sans un effort de compréhension de
leur manipulation réelle en situation de communication. Mais, critiquant
cette première définition, sa génitrice pense que
« entendue comme connaissance de l'Autre, la compétence
culturelle, quelle que soit la finesse des savoirs, reste extérieure
à l'acte de communication ». D'où la
nécessité d'évoluer pour une conception plus pratique.
C'est ainsi que pour Porcher (1988 :92),
la compétence culturelle est la
capacité de percevoir les systèmes de classement à l'aide
desquels fonctionne une communauté sociale et, par
conséquent, la capacité pour un étranger
d'anticiper, dans une situation donnée, ce qui va
se passer ( c'est-à-dire aussi quels comportements il convient
d'avoir pour entretenir une relation adéquate avec les protagonistes en
situation).
Par rapport à Abdallah-Pretceille, Porcher
évolue sensiblement. Pour lui, la compétence culturelle n'est
plus statique, mais elle est envisagée en terme plutôt
évolutif, mouvant. Sa conception de la compétence culturelle
(1988 : 92) est ainsi
une approche en termes de savoir-faire,
c'est-à-dire la capacité pour un individu donné de
s'orienter dans la culture de l'Autre à partir d'une
démarche compréhensive et non plus seulement
descriptive.
Pourtant et malgré cette évolution,
l'inquiétude face aux mutations culturelles de plus en plus nombreuses
et accélérées demeure lancinante et préoccupante.
C'est la raison pour laquelle bien que l'approche de Porcher (1988) soit celle
de « la culture en acte par opposition à la
culture objet », Abdallah-Pretceille (1996) pense que la
valeur théorique d'une telle définition ne permet pas de sortir
de l'impasse au plan pédagogique. D'où la nécessité
d'envisager une approche interculturelle.
e). La compétence interculturelle
La compétence interculturelle peut être
conçue comme étant la capacité du locuteur-auditeur
à saisir, à comprendre, à expliquer et à exploiter
positivement les données pluriculturelles ou multiculturelles dans une
situation de communication donnée. Une telle définition, pense
Abdallah-Pretceille (1996 : 29), n'implique pas une simple connaissance
descriptive des cultures ou une simple connaissance des faits de civilisation,
« mais une maîtrise de la situation de communication dans
sa globalité, dans sa complexité et dans ses multiples dimensions
(linguistique, sociologique, psychologique...et culturelle) ».
La compétence interculturelle déborde la
compétence culturelle en ceci que
entre la connaissance des
différences culturelles (dimension ethnographique) et la
compréhension de la variation culturelle (dimension
anthropologique), il n'y a pas qu'une simple différence de formulation
mais le passage d'une analyse en termes de structures et d'états
à celle de processus, de situations mouvantes, complexes,
imprévisibles et aléatoires compte tenu
de l'hétérogénéisation culturelle croissante
au sein même de ce que l'on appelle traditionnellement les cultures
(Abdallah-Pretceille,1996 :32).
La compétence interculturelle devrait
dès lors permettre au locuteur-auditeur d'acquérir une
capacité de perception et d'anticipation plus complexe. Cette
capacité ne doit pas être perçue, saisie et mise en
évidence essentiellement dans des situations classiques de
communication, mais aussi lors des situations d'enseignement où les
interactions didactiques impliquent que l'enseignant communique non seulement
avec l'apprenant, mais aussi et surtout avec le texte - objet de l'enseignement
- et les données culturelles qui en constituent le tissu. En effet, il
s'agit pour le locuteur/enseignant de pouvoir réagir efficacement par
rapport aux systèmes de classement à l'aide desquels
fonctionnent, non pas une communauté, mais des communautés
sociales et de pouvoir anticiper dans les situations de communication les plus
complexes et les plus diversifiées, que ce soit par rapport au texte ou
par rapport aux capacités d'appréhension des apprenants. Et c'est
ici que la compétence interculturelle sinon déborde, du moins se
rapproche de la compétence de communication telle que définie par
Hymes.
Cité par Galisson et Coste (1976 : 106), Hymes
désigne sous l'expression de compétence
de communication la connaissance (pratique et non
nécessairement explicitée) des règles psychologiques,
culturelles et sociales qui commandent l'utilisation de la parole dans un
cadre social.(...) [Elle] suppose la maîtrise de codes et de
variantes sociolinguistiques et des critères de passage d'un code ou
d'une variante à d'autres : elle implique aussi un savoir
pragmatique quant aux conventions énonciatives qui sont d'usage
dans la communauté considérée.
Ainsi, la compréhension anthropologique des faits
culturels prend le pas sur leur connaissance ethnographique. L'étude de
faits statiques devient une analyse en termes de phénomènes qui
évoluent et d'interactions langagières entre les hommes. Il faut
donc comprendre que dans cette étude, le phénomène
culturel est à la fois langagier et linguistique. Il est langagier parce
que toute production textuelle est une communication qui vise un destinataire
prêt à écouter et à interpréter. Ce fait
langagier se veut par ailleurs social parce qu'il implique plusieurs instances
de parole. Enfin, le fait culturel est linguistique parce qu'il se transmet
par et à travers le code fait de sons et de sens qu'est la langue.
Il faudrait dès lors pouvoir distinguer dans le langage
ce qui relève de la culture sociale et ce qui relève de la
culture individuelle du locuteur, qu'il s'agisse de « culture
cultivée » ou de « culture
médiatisée ». C'est dire qu'il faudrait distinguer ce
qui relève du fond culturel collectif (us et coutumes) de ce qui
relève de la créativité ou de la fantaisie personnelle du
sujet parlant. Mais au-delà de toutes ces analyses, il faut
reconnaître avec Lê Thành Khôi (1983 :1) qu'en
société, l'interculturel est identifiable à travers
« le processus d'interaction verbal ou non verbal entre membres
de cultures différentes » .
Et Camilleri et Vinsonneau (1996 :36) de conclure
dès lors que « maintenant, c'est le contact des cultures
qui devient objet de science en tant que tel, la réflexion se polarisant
sur les phénomènes qui en résultent au plan de la
relation» . Ce contact indiscutable est fondamentalement
identifiable dans les interactions langagières verbales dont l'analyse
repose sur la connaissance implicite et explicite de la culture qui se veut
pluridimensionnelle. L'explicite rejoint dès lors la compétence
de communication, c'est-à-dire l'usage pragmatique, effectif et
efficient qui est fait des composants culturels en contexte de communication
quotidienne et pourquoi pas en contexte d'enseignement/apprentissage.
II.1.2. L'efficacité de l'action didactique
Définir
« efficacité de l'action
didactique » revient d'emblée à en saisir les
composantes, à savoir efficacité et action didactique, ce qui
permet d'en cerner les paramètres et partant d'en préciser le
sens dans son entièreté.
a). L'action didactique
La didactique correspond à l'ensemble des
méthodes, techniques, procédés et stratégies qui
définissent et facilitent l'enseignement/apprentissage dans une salle de
classe. C'est ainsi qu'on peut parler de didactique générale et
de didactique des disciplines spécifiques. A ce titre, Galissson et
Coste (1976 : 151) la définissent comme
une discipline recouvrant l'ensemble des approches
scientifiques de l'enseignement des langues et constituant un lieu de
synthèse entre les apports différents de la linguistique, de la
psychologie, de la sociologie, de la pédagogie.
Plus simplement, la didactique se ramène à la
science qui étudie les méthodes, techniques et
procédés d'enseignement/apprentissage. Et Tsafak (2001 :231)
de conclure que
la didactique est donc la discipline dont l'objet est
l'étude des différentes méthodes d'enseignement en
général et que l'on nomme didactique générale et
des méthodes d'enseignement spécifiques à chaque
matière et que l'on désigne sous le nom de didactique
spéciale.
Cette définition rejoint celle de Plaisance et Vergnaud
(1990) qui, cités par Tsafak (2001 : 232), pensent que
la didactique peut être définie comme
l'étude des processus d'apprentissage et d'enseignement relatifs
à un domaine de connaissance particulier ; d'une discipline
ou d'un métier par exemple. Elle s'appuie sur la pédagogie, la
psychologie et bien entendu le corps de savoir dont l'apprentissage est
visé. Mais elle ne s'y réduit pas.
En définitive, la didactique est une discipline
théorique et pratique qui part de l'élaboration de postulats
vérifiés et établis par leur expérimentation pour
leur application en salle de classe. Et pour ce qui est de cette étude,
elle y distingue trois champs d'action que sont la langue, la méthode et
l'enseignement, trois domaines qui fondent sûrement son
efficacité.
b). La notion d'efficacité ou d'efficience
L'efficacité ou l'efficience est le bon rendement,
c'est-à-dire le bon résultat à une épreuve,
résultat exprimé par rapport à des normes reconnues ou
à des standards définis et clairement fixés au
départ. En psychologie de l'apprentissage, en psychométrie ou en
pédagogie, l'efficacité (Galisson et Coste, 1976 : 468) se
présente comme
le rapport entre la performance observée et
la performance théorique ou les normes préalablement
fixées. Le rendement exprime la valeur qualitative et quantitative d'une
performance en fonction de critères variés dont la pertinence
dépend des tâches et des objectifs considérés.
Plusieurs critères objectifs
caractérisent la bonne performance. Il y a
d'abord le critère quantitatif qui correspond au temps mis pour
la réaliser en tant que comportement attendu. Ce temps doit être
minimum pour la tâche réalisée. Plus le temps est court et
la performance juste, plus l'apprenant est compétent. Il y a ensuite le
critère qualitatif qui correspond à l'exactitude de la
performance. C'est-à-dire qu'au cours de la réalisation de la
tâche donnée, l'apprenant doit faire le minimum de fautes ou
d'erreurs. Telles sont les qualités objectives qui devraient
caractériser les réactions, bref le comportement de
l'apprenant lors des interactions didactiques réussies.
c). L'efficience ou l'efficacité de l'action
didactique
L'efficacité de l'action didactique est le bon
résultat réalisé au cours ou au terme des activités
d'enseignement / apprentissage. Elle se mesure en terme de résultats
obtenus par les élèves et de pourcentage de réussite. Ces
résultats sont la manifestation de la réussite ou de
l'échec de l'enseignant. A ce titre, ils peuvent être
révélateurs du degré d'atteinte des objectifs
pédagogiques et partant du degré de maîtrise de la
discipline enseignée et des méthodes pédagogiques par
l'enseignant. Pour le cas d'espèce, les résultats de l'action
didactique seront mesurés à travers les performances des
élèves aux évaluations.
II.1.3. Le français en francophonie africaine
On ne peut facilement définir la
langue française en francophonie africaine qu'en partant d'une
appréhension assez globale de ce qu'est la langue par rapport à
la parole qui en constitue l'effectivité, la réalisation
concrète dans les actes de communication, mais aussi par rapport
à sa norme hexagonale.
a). La langue et la parole
Pour Saussure (Galisson et
Coste, 1976 : 306), la langue est un système spécifique de
signes articulés dont le but principal est de permettre la transmission
des messages humains. De nature sociale, poursuit-il, la langue est
partagée par une communauté. Par conséquent,
il (Benveniste, 1974 :47-49) la considère, « en
tant que système de signes exprimant les idées »
, comme étant « le plus complexe et le plus
répandu des systèmes d'expression, [...] le plus
caractéristique de tous ». S'il se
dégage des passages ci-dessus évoqués que Saussure indique
les critères qui permettent de définir la langue, il le fait
encore mieux dans la mise en relief de la traditionnelle opposition langue /
parole. Telle que résumée et présentée dans
plusieurs ouvrages, cette opposition fait de la langue l'objet de la
linguistique dont la matière réelle, mieux l'actualisation est la
parole. Il s'en dégage, comme l'ont constaté Ducrot et Todorov
(1972 : 156) que :
la langue se définit comme un code, en entendant
par là la mise en correspondance entre des « images
auditives » et des « concepts ».La parole, c'est
l'utilisation, la mise en oeuvre de ce code par les sujets
parlants.[...]
Le code linguistique consiste seulement en une multitude
de signes isolés (mots, morphèmes), dont chacun associe un son
particulier et un sens particulier.[...]
La langue est un phénomène social alors que
la parole est individuelle.
A partir de ces définitions, on peut dégager
celle de la langue française.
b). Le français standard : la norme hexagonale
de la langue
La langue française est la langue
nationale et officielle de la France. Elle est ainsi le code de communication
commun à la communauté française. Il s'agit d'un code fait
de sons particuliers associés à des sens particuliers
qu'utilisent les Français pour communiquer. C'est ici qu'on parle du
français comme langue maternelle (des Français) avec sa norme
hexagonale caractéristique, comme le précise Minyono Nkodo
(2003 :37), d' « une langue homogène obéissant
aux exigences métropolitaines »,une norme
issue de la langue latine. En tant que norme standard,
Onguéné Essono (2003 : 57) la définit comme
étant
la prescription linguistique [...] une convention
établie par une autorité institutionnelle, pour uniformiser et
harmoniser les usages et les utilisations des activités discursives de
la société qui accepte de s'y conformer .Dans tous les milieux,
on s'accommode de la norme.
Cette norme standard est aussi celle qu'utilisent les
Français pour communiquer avec d'autres peuples, même si
au-delà du contexte spécifiquement français, d'«
autres langues françaises » existent hors de la
France. C'est le cas au Québec qui est une province du Canada et
même en Suisse. On parle alors du français québécois
ou de Suisse. C'est également le cas de l'Afrique en
général et plus précisément celui de l'Afrique
francophone subsaharienne où la langue française se crée
de plus en plus une identité spécifique.
c). Le français en Afrique francophone
subsaharienne
Il est question ici de la langue telle qu'elle est
utilisée et parlée dans les communications quotidiennes dans les
pays francophones de l'Afrique au sud du Sahara. Il s'agit d'une langue
française qui respecte globalement la norme standard ou hexagonale
surtout dans les occasions et discours officiels, mais aussi d'une langue peu
orthodoxe, métissée ou « frelatée »
quand il faut exprimer dans leur complétude les réalités
fondamentalement africaines.
En Afrique francophone subsaharienne, la langue
française a plusieurs dénominations que reflètent ses
multiples statuts. Elle est à la fois langue officielle, langue
véhiculaire, langue vernaculaire, langue des médias, langue de
scolarisation, langue de travail, langue seconde, langue
étrangère, langue maternelle même. Tous ces statuts
impliquent des évolutions, des modifications à appréhender
par rapport au français standard et à sa norme dite
exogène.
Le français de l'Afrique francophone subsaharienne a
par conséquent ses caractéristiques et normes qui sont dites
endogènes. Ce français extrêmement
hétérogène se caractérise, comme le dit Nissim
(2001 :49-50) parlant de l'oeuvre de Kourouma, par
[des] infractions syntaxiques, la
désagrégation des structures, bref, toutes les innovations de
langue et de style, qui, seulement après coup, seront reconnues comme un
maniement exceptionnel de la langue.
Ainsi, si la langue française de Kourouma, prototype de
celle(s) de beaucoup d'Africains s'explique comme le dit Ngalasso (1985 :
13) par le fait que « à chaque niveau d'analyse
(lexical, sémantique, morphosyntaxique et discursif), on se
trouve face à une démarche résolument
volontariste de déconstruction-reconstruction des
systèmes établis », celle des autres
auteurs ou sujets-parlant peut s'expliquer par un apprentissage imparfait, la
non-maîtrise de la norme et les latitudes langagières qu'offre
l'oralité. Toutes ces raisons débouchent inéluctablement
sur la création de normes endogènes internes à
l'Afrique.
En effet, les normes endogènes sont une
réalité indéniable, une réalité bien
différente de la norme hexagonale standard, ne serait-ce que par les
effets de productivité et d'appropriation linguistiques
constatées dans les interactions communicatives quotidiennes en
société. Une telle situation, écrit Manessy
(1994 :11-12), est révélatrice du fait que
la langue importée est devenue commune (en droit
sinon en fait) à l'ensemble de la population des pays
concernés(...) elle cesse d'être un objet de compétence
individuelle pour devenir un bien de la communauté ; en d'autres
termes, elle passe du statut de savoir spécialisé à celui
d'outil langagier et se trouve dès lors incluse dans un réseau
diffus de lignes de force socioculturelles.
Ainsi, l'appropriation du français par les francophones
de l'Afrique subsaharienne est passée de sa phase
spécialisée et fonctionnelle permettant « de
satisfaire aux exigences d'une société en mutation
socioéconomique et sociopolitique »
(Manessy ;1994 :12) à une
appropriation vernaculaire intégrant outre les premières
exigences, les besoins langagiers les plus naturels de ses utilisateurs et
partant les paramètres de l'interculturel. L'évolution vers une
option interculturelle se justifie alors, comme le pense si bien Mendo Ze
(1999), par le fait que le français au fil du temps est devenu une
« langue africaine ». Et pour les tenants
de cette thèse parmi lesquels Manessy (1994 : 11), ce
français local à l'africaine ne
serait « ni sabir, ni créole, ni pidgin mais un
français régional, avec ses registres de langues, ses formes
écrites et orales, mais aussi ses néologismes, ses
emprunts ».
Voilà totalement décrit le contexte dans lequel
« le français langue africaine », le français
à l'africaine, le français africain et plus proche de nous le
français camerounais ont vu le jour. Ce sont les variétés
de cette réalité aux multiples facettes qui sont
découvertes dans les nouvelles écritures
africaines, réalité dont il faudrait envisager la
possibilité de prise en compte didactique. Il s'agit de la situer au
centre des préoccupations pédagogiques et didactiques
fondamentales dont les grands axes demeurent la prise en charge réelle
dans les curricula et les démarches méthodologiques. Une telle
démarche permettrait d'en mesurer le poids au sein de la pensée
scientifique.
II.2. LA REVUE DE LA LITTERATURE
Elle consiste à faire le point des
travaux de recherche qui se sont intéressés au rapport qui
existerait entre la compétence interculturelle et l'efficacité de
l'action didactique. Et comme une étude associant exactement ces deux
paramètres n'a pas pu être trouvée, l'essentiel du travail
dans la revue de la littérature consistera à faire le point des
méthodologies, méthodes et approches didactiques décrivant
l'enseignement des langues pour voir dans quelle mesure elles se sont
intéressées à l'interculturel.
Qu'il s'agisse de méthodes ou de
méthodologies, il est question comme le dit Puren (1988 :13) de
traiter du « discours
méthodologique, c'est-à-dire tout ce
qui traite du comment on a enseigné / on enseigne /on
doit enseigner les langues vivantes étrangères (désormais
siglées LVE) ». En effet, pour lui
(1988 : 16) comme pour nous, la méthode est définie comme
étant un « ensemble de procédés et
de techniques de classe visant à susciter chez l'élève un
comportement ou une activité déterminés» ,
tandis qu'une méthodologie, précise-t-il (1988 : 17),
est
un ensemble cohérent de procédés,
techniques et méthodes qui s'est révélé capable,
sur une certaine période historique et chez des concepteurs
différents, de générer des cours relativement originaux
par rapport aux cours antérieurs et équivalents entre eux quant
aux pratiques d'enseignement /apprentissage induites.
Ainsi, la méthode fait partie de la
méthodologie. Et c'est dire, conclut Puren que
« parmi les méthodes, les
différentes méthodologies effectuent donc des
choix, définissent des hiérarchisations, organisent des
articulations dotées d'une certaine originalité et d'une certaine
cohérence » (1988 :17). Ces ensembles de
choix constitués de méthodes spécifiques vont être
examinés à la fois sur les plans diachronique et
synchronique.
II.2.1. Les premières méthodologies
d'enseignement des langues
Les premières méthodologies d'enseignement des
langues sont pour les plus anciennes la traditionnelle, la directe, l'active et
l'audiovisuelle, chacune d'elles étant par ailleurs constituée de
méthodes spécifiques.
a). La méthodologie traditionnelle
Les caractéristiques fondamentales de
la méthodologie traditionnelle sont l'apprentissage des
règles de grammaire de la langue étrangère,
l'utilisation de la langue maternelle des apprenants
et l'étude des faits de civilisation. A cet
effet, le rôle du maîtres est de dicter les règles que les
apprenants devraient répéter et réciter jusqu'à
mémorisation complète. Pour ce qui est de l'utilisation de la
langue maternelle des apprenants, elle permettait d'une part d'expliquer les
notions et faits difficiles exprimés en langue étrangère
et d'autre part de procéder à la traduction qui devait se faire
soit en terme de thème, soit en celui de version.
Le thème est la transposition en
langue étrangère d'un texte écrit ou dit en langue
maternelle, alors que la version était la traduction
d'un texte de la langue étrangère vers la langue maternelle.
L'étude des faits de civilisation quant à elle, permettait donc
de connaître l'ensemble des caractères propres aux
sociétés ou aux peuples dont la langue était
étudiée. A ce titre, il fallait aborder les faits de civilisation
en terme de réalités formant le substrat ou la répartition
de la population en catégories active et non active, les manifestations
de cette civilisation étant vécue à travers les
comportements des membres de la collectivité, les concepts instrumentaux
dont ils se servent, leur vision du monde, bref à travers leur culture.
Au total, la méthodologie traditionnelle
s'intéressait surtout à la culture étrangère faite
de connaissances ethnographiques pures et non vécues. Par
conséquent, la critique fondamentale qui lui a été
faite consistait dans le reproche de l'enseignement des langues
étrangères en langues maternelles, la traduction
régulière d'une langue à l'autre et les explications
également données en langue maternelle. A cet effet,
l'apprenant pouvait connaître et réciter beaucoup de notions de la
langue étrangère, mais parlait difficilement ou avec des
difficultés réelles la langue même. Ce sont ces
difficultés que les autres méthodologies dont la directe vont
essayer de corriger.
b). La méthodologie directe
L'innovation apportée par la méthodologie
directe va être le rejet de l'utilisation de la langue maternelle de
l'apprenant et partant l'adoption de l'enseignement de la langue
étrangère ou seconde en langue étrangère ou
seconde, sans interférence aucune de la langue maternelle.
Ainsi, la spécificité de la méthodologie
directe relève du fait qu'elle utilise la méthode
directe, la méthode orale
et la méthode active qui
en constituent le noyau fondamental. Plus simplement
et concrètement, ces méthodes (Puren ; 1988 :18)
ne proposent plus que des exercices entièrement en
langue étrangère, limitent la partie grammaticale à des
paradigmes proposés en fin de leçons comme résumés
de ce que l'élève est censé avoir lui-même induit
à partir des textes de base, lesquels sont eux-mêmes
fabriqués sur des contenus proches de la vie quotidienne des
élèves (en commençant par la salle de classe, la cour de
récréation, l'école, la maison paternelle, le
village...).
Au regard des postulats ci-dessus énoncés, les
méthodes qui constituent la méthodologie directe ont des points
communs que sont l'utilisation intensive de la langue
étrangère et la priorité à la
langue orale. Par ailleurs, précise Puren (1988 : 16),
l'expression de méthode
directe y désignera donc tous les
procédés et techniques destinés à éviter le
recours à l'intermédiaire de la langue maternelle des
élèves, celle de méthode orale, tous ceux visant
à faire pratiquer oralement la langue étrangère en
classe.
La méthodologie directe a ainsi la
spécificité de parler de la culture étrangère en
langue étrangère et essentiellement de manière
théorique. Enfin, même si la méthode active peut
être prise en compte dans la méthodologie directe, ceci parce
qu'elle implique l'activité et la participation de l'élève
aux enseignements, il faut reconnaître qu'elle devient prioritaire au
niveau de la méthodologie active.
c). La méthodologie active
La méthodologie active,
constituée de l'ensemble des méthodes actives, doit beaucoup aux
enseignements de Piaget. Caractérisée par la mise en application
des principes et enseignements de la pédagogie et de la psychologie
modernes, elle est axée, - pour la plupart des méthodes et
approches d'enseignement des langues qui s'inspirent d'elle parmi lesquelles
les méthodes directe, orale, active, interrogative, intuitive, imitative
et répétitive -, sur le montage des réflexes
verbaux, bases de l'activité et de la participation des
élèves lors des activités d'enseignement/ apprentissage et
plus tard dans les interactions langagières en
communauté.
Par conséquent, la
méthode active qui est au centre de la méthodologie
active prône l'adaptation de l'apprentissage à l'enfant, la
pédagogie différenciée selon les aptitudes et les
caractères, l'utilisation constante de la motivation et des
activités motivantes pour intéresser et faire travailler au plus
haut point les apprenants. Au cours de l'apprentissage, les phases suivantes au
centre desquelles se trouve axée l'activité de l'apprenant sont
plus ou moins suivies : l'observation, la réflexion,
l'expérimentation, la déduction des règles à
retenir et le réinvestissement de ces règles dans des exemples
qui concernent les centres d'intérêts des apprenants.
Au total, l'apprentissage se fait par la découverte et
l'exploitation du matériel présenté, et surtout par
l'usage d'exercices qui impliquent automatiquement l'activité des sens.
Mais on peut y constater que le culturel est négligé, parce que
les réflexes cultivés concernent prioritairement les segments de
phrases constitués d'unités syntaxiques ou morphosyntaxiques. Le
caractère essentiellement grammatical des données apprises
révèle une négligence des éléments culturels
que la méthodologie audio-visuelle pourrait corriger.
d). La méthodologie audio-visuelle
La méthodologie audio-visuelle tient
son nom des auxiliaires autour desquels elle réalisera
l'intégration didactique. Centrée sur l'acquisition d'une langue
pure, homogène et monolithique, c'est-à-dire en un seul bloc, et
ceci par l'éducation de la perception auditive et de l'expression
orale, elle s'appuie sur le matériel sonore et sur l'image pour sa
mise en oeuvre psychopédagogique. Ainsi, basée sur la
compréhension et la production de phrases correctes, elle a pour
héritage les méthodes directe, orale, active, interrogative,
intuitive, imitative et répétitive qu'elle prolonge avec les
apports de la linguistique structuraliste et du behaviorisme comme
théories de référence. Elle
s'opérationnalise en deux méthodes, à savoir la
méthode audio-orale et la méthode audio-visuelle.
d.1). La méthode audio-orale
Développée aux Etats - Unis
dès 1950 par Rivers (1964) qui s'inspire des travaux de
Brooks (1960) et de Politzer
(1961), et dès 1960 en France, la méthode audio-orale
dont les théories de référence sont le distributionnalisme
postbloomfieldien et le conditionnement skinnerien est une réaction par
rapport au flou linguistique des méthodes directes. Comme c'est le cas
pour ces dernières, elle donne, précisent Galisson et Coste
(1976 : 56), « la priorité à la langue orale,
mais elle privilégie la notion de
« modèle » à imiter, dans des
exercices dits « structuraux » ». Ces
dispositions méthodologiques répondent ainsi aux
exigences de la segmentation distributionnelle de la chaîne
parlée en unités définies par leurs positions et par
leurs fonctions et à celles de l'enseignement programmé
skinnerien.
En effet, pour Skinner cité par Gaonc'h
(1987 :21),
le rôle de l'enseignement est de ménager des
contingences de renforcement susceptibles d'accroître la
probabilité d'apparition de réponses adéquates, dans un
certain contexte situationnel, sous le contrôle de renforcements
environnementaux.
Parlant toujours de cette
méthode, Williams (1990 :40) précise que :
This method emphasizes aural-oral skills. Its original
name was in fact the Aural-Oral Method. As the name implies, listening and
speaking are the primary skills. The techniques of the method rely heavily on
the use of dialogue.
The following classroom procedure illustrates the
structural aspect of the method. Lexical units are isolated for practice in
carefully controlled structures. The learning material is introduced in
dialogue form, which is then used as a basis for structural drills. Mimicry and
memorization of structural items are typical features of the method. Skills are
practised in the order of listening, speaking, reading, and writing. The
control of items is intended to minimize errors. Correct responses are
immediately reinforced.
Au total, la méthode audio-orale
stipule que le langage étant un « comportement »,
l'apprentissage de la langue consistera à pratiquer la langue sous sa
forme orale. La méthode induite doit amener l'apprenant à
produire des comportements langagiers les plus proches possible de situations
réelles, d'où l'utilisation des dialogues. De même,
l'apprentissage de la langue étant un processus mécanique de
formation d'automatismes et bien sûr d'apprentissage à faire
quelque chose et non à connaître quelque chose,
l'élève doit être conduit à produire des
réponses exactes et des comportements suivant les modèles
à lui communiqués.
d.2.). La méthode
audio-visuelle
Initiée dès les années
1950 à partir des travaux des équipes de recherche de Zagreb et
de Saint-Cloud, la méthode audio-visuelle s'appuie, sur les
considérations et principes selon lesquels le choix et la
sélection des contenus d'enseignement d'une langue sont
déterminés par les impératifs de la communication. Et la
démarche méthodologique
présentée par Galisson et Coste (1976 : 59) est la
suivante :
- présentation graduelle des divers usages
sociolinguistiques, priorité - non primauté - étant
donnée à l'oral ;
- importance accordée :
* à la situation et au contexte dans lesquels
apparaissent les formes linguistiques ;
* au locuteur et aux relations qu'il entretient avec la
situation, l'interlocuteur et son propre message ;
- établissement d'une progression fondée sur
les caractères structuraux de la langue enseignée
[...] ;
- Au plan
pédagogique :
-Refus de la traduction interlinguale (passage par la
langue maternelle)
comme moyen d'accès au sens [...] ;
-Primauté donnée à l'éducation
de la perception auditive, à une mise en situation
génératrice de comportement verbal ; à la
transposition de plus en plus libre ;
-Accent mis sur une communication véritable (dans
la présentation des dialogues, textes et documents, aussi bien que dans
les exercices et activités de classe).
- Au plan
technique :
-Utilisation de l'image comme point de départ
possible de la compréhension, comme simulacre d'une certaine
réalité culturelle ;
-Utilisation de l'enregistrement sonore comme
modèle acoustique invariant et comme réalité linguistique
étrangère qui n'est pas seulement apportée par le
maître.
-Utilisation combinée de l'image et du son comme
instrument d'une représentation audio-visuelle qui simule un acte de
communication et permet d'en produire de nouveaux.
Au total, la démarche méthodologique dans les
méthodes audio-orale et audio-visuelle était la
suivante :
- présentation du dialogue
enregistré et/ou des images,
- explication du dialogue ou des images par
séquences,
- mémorisation,
- exploitation à partir des images ou des
exercices structuraux,
- transposition avec réinvestissement des
éléments linguistiques acquis dans les phases
précédentes.
Tels sont les grands axes de la didactique des langues des
années où par leur caractère systématique, les
méthodes garantissaient l'acquisition d'une langue française
pure, homogène, correcte et étrangère avec sa norme
exogène. Et si l'acquisition mécanique d'une langue
déconnectée de toute réalité culturelle ambiante
correspond bien aux premières heures de l'apprentissage d'une langue
étrangère dans un milieu donné, il faut dire
qu'aujourd'hui, elle correspond moins à l'Afrique francophone
subsaharienne où le français est sinon presque une langue
maternelle, du moins une langue seconde.
Face donc à l'instabilité du statut du
français et au développement des théories de
référence en didactique, face à une évolution des
pratiques impliquant la sélection, la gradation et la description
linguistiques avec l'avènement des théories de
l'énonciation, de l'analyse du discours et de la pragmatique, les
méthodologies ont évolué. Ainsi, avec les apports de la
sociolinguistique, de la psycholinguistique, de la psychologie de
l'apprentissage et de la pédagogie générale, les
nouvelles orientations au centre desquelles se trouvent placés
l'apprenant et son milieu sont constituées d'une part de l'approche
communicative et d'autre part des approches et démarches
centrées sur les problématiques prioritairement interculturelles.
II.2.2. L'approche communicative
Conçue dans la lignée de l'évolution de
la didactique des langues, l'approche communicative a permis de
reconsidérer la définition des méthodologies,
méthodes et démarches dans le domaine afin de tenir compte de
l'environnement pluriel qui caractérise le monde actuel et de la culture
multiforme qui en découle. Ainsi, dans le cadre des révisions
épistémologiques, Puren (1988 : 17) écrit :
les méthodes constituent
des données relativement permanentes parce qu'elles se situent au niveau
des objectifs techniques inhérents à tout enseignement des LVE
[langues vivantes étrangères](faire accéder au sens, faire
saisir les régularités, faire répéter, faire
imiter, faire réutiliser...).
Les méthodologies en
revanche sont des formations historiques relativement différentes les
unes des autres, parce qu'elles se situent à un niveau supérieur
où sont pris en compte des éléments sujets
à des variations historiques
déterminantes tels que :
- les objectifs
généraux, parmi lesquels dans le cas de l'enseignement
scolaire, priorité peut être donnée à l'objectif
pratique, ou au contraire aux objectifs culturels et formatifs ;
- les contenus linguistiques et
culturels, où l'on peut par exemple privilégier la
langue parlée ou la langue écrite, la culture artistique ou la
culture au sens anthropologique... ;
- les théories de
référence, en particulier les descriptions linguistique
et culturelle, la psychologie de l'apprentissage, la pédagogie
générale,qui évoluent au cours de l'histoire ;
- et les situations d'enseignement :
les rythmes scolaires, le nombre d'années de cours, d'heures
d'enseignement par semaine, d'élèves par classe et
l'homogénéité de leur niveau, leur âge, leurs
besoins et leurs motivations, la formation des professeurs, etc, qui peuvent
varier considérablement d'une époque à l'autre.
Une approche profonde des éléments ci-dessus
cités montre d'une part l'importance de la maîtrise de la langue
en tant que structure ou ensemble de structures et d'autre part l'intervention
du culturel à tous les niveaux. Véhiculé dans les
apprentissages en terme d'objectifs culturels et perçu tant dans les
contenus à caractères artistique ou anthropologique que dans
les descriptions linguistiques, psychologiques et pédagogiques, le
culturel permet de relever et de cerner la dimension totale et efficiente du
langage humain.
Développée dès 1975,
l'approche communicative est une réaction contre le caractère
rigide et irréaliste de la méthodologie audiovisuelle. Trop
systématique, elle laissait peu de place à l'initiative de
l'apprenant dont le rôle était tout simplement d'acquérir
les notions qui lui étaient enseignées et par conséquent
de produire des énoncés justes et atomisés. De même,
les dialogues proposés aux apprenants étaient bien loin de la
réalité et de la communication normale, « le type
de situation présenté [étant] toujours le
même : 2 à 4 personnes qui parlent à leur tour sans
chevauchement, sans hésitation, sans reprise, sans bruits de fond, sans
ratés » (Porcher, 1981 : 25). Ce faisant,
le texte utilisé était réductif par le fait même
de l'absence du naturel qui caractérise les interactions
langagières entre les hommes, effaçant par la même occasion
leur contenu socioculturel.
* Les apports de l'approche communicative
La spécificité de l'approche communicative est
ainsi d'avoir recentré la didactique des langues sur la communication.
Dès lors, l'objectif de l'enseignement linguistique devient faire
acquérir la compétence de communication,
concept créé par Dell Hymes (1972). Cité par
Bérard (1991 :17), il
définit cette compétence comme étant l'ensemble
constitué de la connaissance des normes grammaticales
(compétence linguistique) et de la
maîtrise de leurs normes d'emploi (règles
d'usage), définition que certains didacticiens trouvent trop
réductionniste.
Pour Canale et Swain (1980), cette compétence a trois
composantes à savoir la compétence grammaticale (CL), la
compétence sociolinguistique (CS) et la compétence
stratégique (CST). La compétence sociolinguistique intègre
une composante socioculturelle conçue comme étant « la
connaissance des règles sociales dans un groupe donné »
et une composante discursive qui est « la maîtrise des
différentes formes de discours ». Enfin, la compétence
stratégique est entendue comme l'ensemble des stratégies de
communication qui permettent de combler les ratés des échanges
entre interlocuteurs en restaurant le naturel qui caractérise les
interactions langagières normales.
Sophie Moirand (1982 :20) quant à elle, identifie
quatre éléments qui constituent la compétence de
communication :
· une composante
linguistique...
· une composante
discursive, c'est-à-dire la connaissance et
l'appropriation des différents types de discours et de leur organisation
en fonction des paramètres de la situation de communication dans
laquelle ils sont produits et interprétés ;
· une composante
référentielle, c'est-à-dire la
connaissance des domaines d'expérience et des objets du monde et de leur
relation ;
· une composante
socioculturelle, c'est-à-dire la connaissance et
l'appropriation des règles sociales et des normes d'interaction entre
les individus et les institutions, la connaissance de l'histoire culturelle et
des relations entre les objets sociaux.
La définition de Moirand est plus complète.
Elle reconnaît par ailleurs que la compétence
stratégique ne se réalise qu'au moment de
l'actualisation des autres compétences à travers les
phénomènes de compensation qui relèvent de
« stratégies individuelles de
communication ».
Un autre apport de l'approche communicative est
constitué des actes de parole qui
relèvent des recherches d'Austin (1970) et Searle (1972) sur
l'approche pragmatique du langage,
approche qui considère le langage comme action, comme
moyen d'action sur l'autre. Pour Austin (1970), ces actes dont la
catégorisation part de la réflexion sur les verbes
performatifs (l'énonciation réalise l'action qu'ils
expriment : je te baptise, je te déclare, ...) par
opposition aux verbes constatifs, sont :
- les actes locutoires,
caractérisés par l'articulation et la combinaison de sons, et la
liaison syntaxique des mots ;
- les actes illocutoires, actes dont
l'énonciation constitue en elle même un acte qui transforme les
rapports entre les interlocuteurs ;
- les actes perlocutoires, actes dont
l'énonciation produit des effets plus ou moins lointains sur les
interlocuteurs (convaincre, rassurer, étonner, embarrasser, contrarier,
impressionner, ...).
Pour Searle, les actes de langage peuvent
être classés en cinq grands types :
- les représentatifs (assertion,
information, description d'un état de fait, ...) ;
- les directifs (ordre, requête,
question, permission, l'obligation de l'interlocuteur de réaliser une
action future, ...) ;
- les commissifs (promesse, offre, obligation
contractée par le locuteur...,) ;
- les expressifs (félicitations,
excuses, salutations : exprimer un état psychologique) ;
- les déclaratifs (déclaration,
condamnation, baptême,...pour leur effectivité).
Le dernier apport de l'approche communicative (Moirand, 1982)
est la prise en compte des sciences du langage,
c'est-à-dire de la sociolinguistique (Labov,
1976 ; Hymes, 1964 ; Berstein, 1975), de la sémantique
(Fillmore, 1975) et de la pragmatique (Austin,
1970 ; Searle, 1972) dans l'analyse du
discours à partir de documents authentiques et à des fins
d'hétérogénéité théorique des outils
descriptifs de référence.
* Les principes
méthodologiques
Partant de l'analyse des besoins
langagiers pour définir les contenus d'enseignement,
l'approche communicative retient les principes ci-dessous
cités :
- Enseigner la compétence de
communication ( compétence linguistique ou connaissance
minimale de la langue comme système et observation des marques
linguistiques (Charaudeau, 1980 :7) ; compétence
sociolinguistique ou maîtrise des règles sociales pour une
utilisation adéquate des énoncés en situation ;
compétence discursive ou maîtrise des différents types de
discours (récit, lettre, poème,...) ; compétence
référentielle ou connaissance d'éléments de
l'environnement et enfin compétence stratégique). Charaudeau
intègre la dernière dans la compétence discursive dont
le rôle est de combler les manques au niveau des autres
compétences.
- Travailler les composantes de la compétence
de communication de manière simultanée ;
- Travailler sur le discours pour
prendre en compte plusieurs niveaux d'analyse et plusieurs composantes de la
compétence de communication ;
- Privilégier le sens dans la mise en
relation du sens et de la syntaxe ;
- Enseigner la langue dans sa dimension
sociale à travers la prise en compte de toute la richesse
des variétés qui la constituent dans son fonctionnement effectif.
Voilà les principes qui, participant d'un mouvement de
centration de l'apprentissage sur l'apprenant et
procédant par une progression cumulative (acquisition
progressive des structures avec rajout de structures les unes sur les
autres), ou en spirale (avec des avancées et des
retours sur des structures déjà présentées),
définissent la démarche méthodologique de l'approche
communicative.
* La méthodologie
Elle est constituée d'étapes
suivantes :
- La compréhension (négociation);
- L'acquisition de la pratique de la langue par la
communication, la phonétique, la grammaire, le lexique ;
- L'expression guidée ;
- L'expression libre (évaluation /
négociation).
Les deuxième et troisième étapes de cette
méthodologie pourraient permettre d'apprécier la
compétence culturelle et interculturelle des interlocuteurs et des
apprenants. Pourtant, une telle démarche ne correspondrait pas de
manière systématique à l'enseignement de la langue
française en francophonie africaine. Et c'est la raison pour laquelle
Coste (1980 :244) relève qu'
en gros, le constat sera que dans ses
développements récents, la didactique s'est
révélée plus sensible à ce que pouvait lui apporter
l'étude des actes de parole qu'au parti à tirer de l'analyse du
discours.
De ce constat, il dégage la dichotomie qui montre
que
- l'approche communicative correspond à un public
de débutants, donne la priorité à l'oral et traite
l'aspect communicatif de la langue à travers les actes de
parole ;
- Pour un public d'apprenants avancés, le travail
sera surtout centré sur l'écrit, et on aura recours à
l'analyse de discours (Bérard, 1991 : 30).
Voilà les raisons fondamentales qui orientent les
recherches en didactique des langues (linguistique appliquée d'avant)
vers les problématiques interculturelles.
II.2.3. La pédagogie interculturelle d'Abdelwaheb
Allouche
Introduisant le 30 octobre 1929 une série d'articles
sur la crise du français à Genève, Robert de Traz
(Bronckart, 1984 :6) constate, parlant du langage des enfants,
qu' « ils parlent un effroyable charabia, mêlé
d'argot genevois, d'argot parisien, de termes impropres, de termes
fabriqués par eux-mêmes ». Pour lui comme pour
Abdelwaheb Allouche (1984), les difficultés d'expression des enfants
couvent deux faits fondamentalement liés. D'une part, il s'agit du
malaise de l'enseignement du français qui doit prendre en compte une
trop grande diversité de finalités à la fois vagues et
parfois contradictoires parmi lesquelles l'acquisition de la grammaire
traditionnelle, le maintien et la reproduction d'une langue littéraire
stabilisée, le développement du raisonnement logique et
l'unification des parlers vers un seul système orthographique, et
d'autre part, le désarroi des locuteurs face à une langue
fermée sur les modèles édictés par la
société française.
Ainsi, tout en se demandant « Et si la grammaire
était inutile ? », De Traz (Bronckart, 1984 :
14) constate que « dans sa forme traditionnelle en effet,
la grammaire ne peut constituer un bon instrument au service de la
pensée, ni dans ses aspects cognitifs, ni dans ses aspects
culturels ». Et pour cause, elle animerait
« l'utopie de la langue française, une,
éternelle, idéale et donc soustraite aux lois du
changement » (Bronckart, 1984 : 9). C'est donc au
terme d'une étude menée sur les enfants d'immigrés
maghrébins à Paris et dans le but de définir une
démarche de conciliation prenant effectivement en compte les
différences culturelles des élèves étrangers qui ne
doivent plus être considérés comme des corps
étrangers souvent refoulés de la société
française que Abdelwaheb Allouche propose la pédagogie
interculturelle.
Pour poser « La problématique de
l'enseignement des langues et des cultures d'origine aux enfants
d'immigrés maghrébins : l'exemple de la banlieue
parisienne », Abdelwaheb Allouche part du constat selon lequel
pour que l'idéologie de l'égalité des
chances joue sans l'ombre d'un doute, l'école a fait comme si la
seule famille est le système scolaire et que le chronomètre s'est
mis à marcher lorsque l'enfant a porté son tablier ou a pris le
chemin de l'école. Les influences extrascolaires et l'identité
première - surtout la langue maternelle - sont mises au vestiaire car
elles sont considérées comme sources
d'interférence (1984 : 45) .
Conçue dans l'optique d'un processus qui
« essaie de prendre en considération les situations
linguistiques provoquées par la transplantation, et de valoriser les
cultures d'origine des enfants immigrés » (p. 43), la
pédagogie interculturelle remet en cause l'une des missions
fondamentales de l'école, la finalité constituée de ses
visées uniformisantes. Orientée vers « la
conciliation recherchée avec la socialisation première de
l'enfant par la réappropriation de la langue maternelle et la
valorisation identitaire» (p.46), cette
visée axe son action dans deux directions :
- l'apprentissage des langues d'origine dans le cadre d'un
cours intégré à l'enseignement habituel,
- une animation socioculturelle basée sur la
découverte ou la redécouverte des pays d'origine des
immigrés (Abdelwaheb Allouche, 1984 :44).
Telle que décrite, la pédagogie
interculturelle, parce que appliquée ou réservée
aux seuls immigrés portugais et arabes, valorise essentiellement les
langues d'origine ou maternelles qui jouent d'après l'expression de
Bouton (Abdelwaheb Allouche, 1984 : 49) le rôle de
« lieu géométrique »[...] de toute les
conduites verbales, [ permettant] de corriger les erreurs en rendant
transparentes les interférences ». A partir
de là, l'enfant peut facilement distinguer les codes à travers
une pédagogie de la différence et se corriger
immédiatement lorsqu'il y a confusion dans les codes ou des codes.
Par ailleurs, l'animation culturelle dans
l'optique de la pédagogie interculturelle n'est pas constituée
d'enseignements systématiques en salles de classe. De même, elle
n'est pas réservée essentiellement aux seuls enfants
d'immigrés. Et Abdelwaheb Allouche le précise d'ailleurs
clairement quand il indique que
contrairement à l'enseignement des langues
d'origine qui ne s'adresse qu'aux enfants des migrants, les activités
d'animation ont le mérite de valoriser les cultures différentes
aux yeux de tous les enfants. Elles consistent à leur offrir des
possibilités d'expression verbale et corporelle. Les classes
éclatent en ateliers de contes, théâtre, marionnettes. Il
ne s'agit pas d'apporter de nouvelles connaissances, mais de mieux se
connaître mutuellement par un travail de simulation
(1984 :49).
Au total, la pédagogie interculturelle d'Abdelwaheb
Allouche propose une piste de travail appréciable en ceci qu `elle
permet non seulement de rapprocher les communautés entre elles, mais
aussi et surtout en ce qu'elle crée le dialogue entre les populations
afin qu'elles s'acceptent les unes les autres. Mais il faut noter qu'elle est
réservée, peu connue et sa réussite reste encore
tributaire de la volonté des municipalités. D'où la
nécessité de prospecter en direction de la
sémio-didactique.
II.2.4. La sémio-didactique de
Gourmelin-Berchoud
Proposée dans le cadre d'une
pédagogie d'intégration culturelle pour la didactique des
langues, la sémio-didactique de Gourmelin-Berchoud
(1996 :152) se situe à contre courant des
préoccupations des tenants de l'utilisation mécanique des
méthodes d'enseignement des langues. Egalement opposée aux
préoccupations des spécialistes des démarches
pédagogiques ethno/ego-centristes naturelles, la sémio-didactique
est
une didactique qui se forge à partir de la
découverte de l'ensemble signifiant qu'est le contexte culturel et
institutionnel dans lequel elle intervient. [...] Cette sémio-didactique
se forge, ou plutôt elle est forgée par l'enseignant et ses
élèves. Plaçons-nous dans l'ici-maintenant d'une classe de
façon à faire que ce contexte soit un, ait l'unité qui lui
fait défaut de par (selon les cas) la variété des
origines des élèves ou le brouillage culturel résultant
des interactions entre culture(s) d'origine et culture mondialisée issue
de l'Occident.
Ainsi définie, la
sémio-didactique considère l'enseignant,
fortement impliqué dans la démarche méthodologique qui
n'est pas une démarche mécanique, comme un
analyste-concepteur-adaptateur dont le rôle est d'analyser la situation
d'enseignement/apprentissage, les savoirs à acquérir et les
éventuels difficultés des apprenants afin de concevoir les
contenus d'enseignement pour leur adapter les méthodes et manuels
appropriés. Le processus d'apprentissage de la langue
étrangère qui s'origine au contact de l'enseignant avec les
apprenants, leurs milieux culturels et institutionnels, devient, comme le
pensent Bautier et Hébrard (1980) cités par Gourmelin- Berchoud
(1996 : 153), « pour une part, rejouer son rapport au monde
et au langage, ré-expérimenter ses stratégies
relationnelles et cognitives originelles».
Au total, la démarche sémio-didactique
s'établit en trois phases ou temps :
- le temps de la reconnaissance des identités
respectives,
- le temps de la négociation explicite et
implicite du cadre et des positions respectives,
- le temps de l'appréciation des contraintes et
enjeux et de l'accommodation au contexte.
Le premier temps est celui qui permet de
négocier et de reconnaître les identités individuelles et
collectives décrites à travers la peinture de lieux, la
symbolisation de l'espace, de petites histoires racontées, les us et
coutumes, bref la culture dite, mimée et jouée à laquelle
on donne une ampleur plus réelle. Le deuxième
temps est celui qui permet de déterminer ou de limiter l'espace
scolaire, l'espace matériel et immatériel de la
négociation qui est un espace interculturel, et le réseau de
positions, de significations et des ressentis. Enfin, le
troisième temps est celui qui permet d'apprécier les
contraintes liées aux fractures et complexités de la
réalité sociale dans le groupe classe et à celles de
l'institution, ainsi que les enjeux socio-politico-économiques et
intellectuels personnels et collectifs de l'apprentissage. Avec l'association
réussie de ces trois temps agencées dans la singularité
de chaque classe de langue, Gourmelin-Berchoud (1996:158) pense que
« s'envole l'illusion de la classe-type et l'espoir d'une
didactique univoque », donnant ainsi
aux « interactants » langagiers la
capacité à « assumer la complexité du
vivant ».
Le fait que la sémio-didactique de
Gourmelin-Berchoud embrasse et interroge le signe dans toute sa
complexité et ceci en rapport avec les identités de toutes les
composantes du groupe classe est largement positif pour matérialiser
l'aspect sémiologique de la démarche. Pourtant, on ne saurait
afficher un triomphalisme exagéré, les raisons de cette
hésitation provenant du fait que même si les procédures
adoptées créent l'espoir d'une méthode totale, elles
rendent en même temps les leçons un peu trop abstraites. En effet,
la reconnaissance des identités ne peut en aucun cas se faire tous les
jours ou au début de toutes les leçons, et encore moins toute
l'année. Prioritairement, elle pourrait être une phase de
leçon pour débutants, mais difficilement pour des apprenants
ayant un niveau avancé, ce qui rend difficile sa
systématisation.
Par ailleurs, aucune insistance n'est faite sur les contenus
d'enseignement, ce qui rend les leçons à la fois superficielles
et autrement aléatoires. Toutes ces lacunes peuvent peut-être se
justifier par le fait que Gourmelin-Berchoud n'a dessiné que des pistes
pour une démarche à affiner et à parfaire plus tard.
Peut-être que de telles lacunes pourraient être comblées
dans la démarche plus systématique que propose Amor
Séoud.
II.2.5. La démarche interculturelle d'Amor
Séoud
Axée sur l'analyse et l'exploitation du texte
littéraire en particulier et du discours en général, la
démarche interculturelle est une réflexion que
Séoud (1997) présente dans son ouvrage intitulé Pour
une didactique du texte littéraire et qu'il partage avec plusieurs
didacticiens parmi lesquels Collès (1992) et Charaudeau (1987). Cette
démarche qu'il nomme par ailleurs pédagogie
interculturelle s'inscrit dans l'optique d'une
méthodologie éclectique dont la nécessité se
justifie par le fait que (1997:137)
le plaisir n'est pas le seul enjeu de la
reconnaissance-découverte de soi en lecture : la conscience d'une
identité aussi. C'est pourquoi il importe d'inscrire dans notre
perspective didactique, aussi bien en F.L.E. qu'en FLM, un passage par ce qui
s'appelle aujourd'hui l'interculturel. Mais on se doute bien que, en
réalité, il s'agira là rien moins que d'un passage
obligé.
La démarche interculturelle
est ainsi un passage obligé pour la didactique du texte
littéraire ou du discours à cause de la dimension
anthropologique des textes. Cette dernière constitue une voie
d'accès privilégié aux modèles culturels.
Une telle démarche concerne à la fois le fond et la forme
des textes et évoque la fonction sociale de la
littérature, fonction qui figure sa dimension
représentative des références culturelles d'une
communauté et partant son important rôle intégratif et
identitaire. Par ailleurs, Séoud pense que la complexité
des problèmes identitaires au lieu d'entamer l'intérêt
didactique qui leur est porté aujourd'hui, permet plutôt
d'établir un lien étroit entre l'école et la vie, un lien
qui se joue dans la réalité. C'est pour cette raison qu'
il faut avoir déjà conscience que
l'interculturel est un passage obligé parce qu'aussi, à y
regarder de plus près, tout rapport avec le texte est dans son essence
interculturel, en F.L.E. mais également en F.L.M, compte tenu
évidemment de la « pluralité » culturelle, de
la multiplicité des croisements culturels, caractéristiques de la
civilisation d'aujourd'hui et même, par-delà cette
pluralité et cette multiplicité (Séoud,
1997 :137).
D'aucuns pourraient ainsi croire que la
démarche interculturelle relève essentiellement de
l'actualité au regard des exigences vitales que crée en nous la
mondialisation et ses contingences. Que non ! Elle est une
nécessité millénaire, car le rapport de l'homme au texte
existe et a existé depuis l'aube des temps, dès que l'homme a
commencé à communiquer avec ses semblables. Dans ce sens
et parce qu'elle aide à cerner l'altérité,
c'est-à-dire les manières par lesquelles les interlocuteurs
expriment leurs pensées, leurs émotions, bref leur vision du
monde, l'analyse textuelle
est par définition interculturelle, puisque
même si l'on reste dans une culture de départ, elle nous invite
à rendre visible une mémoire et une identité, enfouies
sous l'éphémère identité du présent
(Bertrand , 1993 :53) .
La démarche interculturelle fait de l'Autre un
miroir pour soi et de soi un miroir pour l'Autre. En effet,
grâce à sa position d'extériorité
(Bakhtine, 1984) que Todorov (1989) traduit par
exotopie, seul l'Autre peut nous voir dans notre
totalité, seul l'Autre peut nous permettre de nous voir dans notre
totalité. De la même façon, c'est cette position qui
permet de voir l'Autre dans sa totalité. Ainsi, la culture
étrangère a besoin de la culture maternelle pour
s'élucider et vice-versa. Et Bakhtine (1984 : 140) de
préciser que
dans le domaine de la culture, l'exotopie est le moteur le
plus puissant de la compréhension. Une culture étrangère
ne se révèle dans sa complétude et dans sa profondeur
qu'au regard d'une autre culture (et elle ne se livre pas dans toute sa
plénitude car d'autres cultures viendront qui verront et comprendront
davantage encore). Un sens se révèle dans sa profondeur pour
avoir rencontré et s'être frotté à un autre sens,
à un sens étranger : entre les deux s'instaure comme un
dialogue qui a raison du caractère clos et univoque, inhérent au
sens et à la culture pris isolément.
Cette démarche théorique montre à
suffisance qu'une situation sociale de métissage culturel ou une
situation sociale multiculturelle entraîne automatiquement une
méthodologie interculturelle. Et Séoud conclut qu' «
ainsi la question, sociale, du multiculturel, entraîne la question,
pédagogique de l'interculturel» (1997 :149).
Cette méthodologie, au regard de la civilisation mondiale,
mondialisée ou transfrontalière qu `elle implique,
permet bien d'aborder les nouvelles écritures africaines quel que soit
leur degré de polyculturalité, de
multiculturalité, de métissage culturel ou de
pluralité culturelle.
Pratiquement, la pédagogie interculturelle de
Séoud a trois étapes :
- la comparaison à travers un
croisement de regards et une combinaison de possibles multipliés
à souhait,
- la distanciation ou
décentrement ou encore
décentration à travers une attitude objective
qui implique critique pour la découverte des valeurs de cultures autres,
- la compréhension empathique qui
permet de comprendre l'autre en se mettant au besoin à sa place.
Telles sont les grandes lignes de la pédagogie
interculturelle, démarche
rendue possible grâce à la confrontation,
à la comparaison avec d'autres sujets, d'autres cultures. Ainsi
l'éducation interculturelle est faite de va-et-vient entre l'autre et
soi, d'un « jeu alterné ou
cumulé d'identification ou de
distanciation », [...] , d'un jeu,
finalement,où le « je » est un autre, tout en
étant mieux que jamais soi-même
(Séoud,1997 :148).
Tout en étant définie pour enseigner la
littérature, la démarche interculturelle semble négliger
un tout petit peu le texte en lui-même, bien que Séoud parle d'une
pédagogie axée à la fois sur la forme et le fond du texte.
Comment confronter les faits sans accorder au préalable une place
à la lecture et à l'analyse formelle et profonde des
textes ? La focalisation sur la comparaison des données culturelles
qui sont pour la plupart du domaine du symbolique, avec croisements de regards,
ne peut se faire de manière objective que si elle prend appui sur les
faits de langue, ces derniers constituant sinon la voie royale, du moins un des
moyens primordiaux par lesquels la culture est véhiculée. La
découverte objective des propriétés culturelles ne saurait
d'emblée être le fruit de l'impressionnisme. De même, la
place et les aptitudes de l'enseignant ne sont pas clairement définies.
Autant de lacunes qui pourraient être corrigées par d'autres
démarches parmi lesquelles la méthodologie interculturelle de
Rittau.
II.2.6. La méthodologie interculturelle de
Rittau
Dans le cadre d'une thèse de doctorat
soutenue en sciences de langage à l'Université de Strasbourg 2,
Rittau (2001) explore les multiples manifestations de la diversité
culturelle et analyse leur impact sur l'acquisition d'une compétence
interculturelle par l'apprenant. Ce faisant, elle axe son étude sur les
contenus de l'approche culturelle de l'enseignement universitaire,
privilégiant à cet effet dix-sept rubriques appartenant au
socioculturel à savoir le repas, le vin et la bière,
l'aménagement intérieur, les rues, l'emballage, la
publicité, la voiture, la télévision, le journal, le
livre, la peinture, la musique, le symbole, la région, le paysage,
l'Europe, l'eau.
A partir d'une méthodologie
interculturelle et donc sémiologique à
angles de vue multiples, les différentes rubriques sont
analysées de trois points de vue : littéraire par
l'intermédiaire de courts extraits, visuel (représentation
photographique) et actuel à base de publications récentes et
articles pris dans les médias. Toutes les présentations sont
réalisées en double face allemande et française. Rittau a
appliqué son étude au champ franco-allemand et a ainsi le
mérite de l'avoir menée sur les trois plans
fondamentaux que sont le littéraire, le visuel et
l'actualité. C'est sûrement sur la base de tels travaux que
Marmoz a fait le point de la recherche interculturelle.
II.2.7. La recherche interculturelle d'après
Marmoz
Dans l'ouvrage L'interculturel en
questions. L'autre, la culture et l'éducation, dont il coordonne la
publication avec Derrij, ouvrage qu'ils conçoivent à la fois
comme étant une suite au Colloque de l'AFIRSE (Rabat 1997) qui portait
sur le thème « Education : Identité,
altération et relations interculturelles » et une
introduction à celui de Natal (2001) dont le thème était
« Hétérogénéité, culture et
éducation », Marmoz (2001: 41) livre sa pensée
dans un article intitulé «La recherche
interculturelle : exploitation, pédagogie ou
coopération ?».
Dans un premier temps, l'ouvrage met en exergue l'importance
de la puissance des uns et des autres et la complexité des relations
culturelles qu'on ne saurait réduire à la langue de communication
ou aux réalités pédagogiques en faisant fi de leur
dimension politique. Puis, il définit les grandes lignes de la recherche
interculturelle dont les champs de prédilection sont clairs : les
cultures et leurs frontières, leurs lignes d'évolution,
l'importation/exportation de biens marchands, les idées et pratiques de
traduction, la reconnaissance, les rencontres entre porteurs de codes
culturels, ...
Au regard de la synthèse des études
menées dans le cadre du Conseil de l'Europe en vue de définir une
citoyenneté européenne et des résultats des travaux
menés dans le cadre de la coopération interuniversitaire
France-Portugal et France-Brésil au niveau des programmes
d'échanges, Marmoz conclut que l'interculturel est un
marché, ceci à cause des principes régulateurs de
son fonctionnement. Il cite à propos Abdallah-Pretceille (1996 :26)
qui dit que « l'interculturel, c'est la circulation, le partage,
l'enrichissement par les différences » ,
c'est-à-dire un cadre d'échange caractérisé
par des rapports de force et de domination. Cette idée, Ladmirail et
Lipiansky la renforcent quand ils disent que ce marché,
« volontariste dans un monde
inégalitaire », régulé par le respect et le
droit à la différence, « définit moins un
champ comparatif [...] qu'un champ interactif, où l'on s'interroge sur
les relations qui s'instaurent entre groupes culturellement
identifiés » (1989 :10), un lieu naturel
d'échanges où le commerce, mieux la communication entre
partenaires est évidente. Et Camilleri et Vinsonneau de conclure que
« l'interculturel désigne alors une attitude
générale : veiller à ce que la différence
culturelle, partout où elle se rencontre, ouvre à la
communication au lieu de se convertir en barrière »
(1996 :78)
Ensuite, Marmoz (2001) établit dès lors que pour
que la communication, l'échange, l'interaction, la compréhension
comme fins du langage et du partage interculturel soient réels et
opérationnels, ils doivent se définir par trois pistes qui
constituent simultanément les lignes forces de l'interrogation de la
quête ou de la recherche interculturelle à savoir la
pédagogie, l'exploitation et la co-opération.
La pédagogie dans le cadre de la
recherche interculturelle est faite du désir de se former et de celui de
former l'autre, désir conçu comme un a priori pédagogique
en dehors de toute neutralisation ou péjoration évidentes de la
différence. En effet, il s'agit d'une rationalisation de
l'hétérogénéité culturelle qui, dans un
contexte de pluralisme culturel, favorise la formation et l'assimilation des
minorités à la culture dominante (Furter, 1983). Seulement,
les contradictions, les déchirements et autres réactions qui
caractérisent une société dont
l'hétéroculture est une situation de dualisme culturel
fondé sur deux sources antagonistes que sont les cultures autochtone ou
allochtone sont à déplorer. Face à cette situation et
à l'échec, des mécanismes intégrateurs en vue
d'assimiler la nouveauté comme la tentative de
« nationalisation culturelle » (Poirier, 1978) sont
développés. Bien à propos, l'africanisation des
anthroponymes et des toponymes est citée en exemple. Cette
nationalisation pourrait aussi expliquer pour une part le français
langue africaine dont une justification toute aussi culturelle ou
interculturelle est l'impossibilité pour le français de permettre
une traduction fidèle de certaines réalités africaines.
Pour ce qui est de l'exploitation de l'autre
en situation d'hétéroculture ou de métissage culturel,
elle relève du fait que l'interculturel étant un
marché, les partenaires sont à tout moment en
situation de négociation et de transaction. Par conséquent, la
connaissance de l'autre et l'altérité deviennent des
prétextes pour obtenir de lui ce qu'on n'a pas et de valoriser ce qu'on
a et qu'il n'a pas. Une telle négociation, aussi complexe qu'elle soit,
ne peut fonctionner à merveille que si certains préalables sont
remplis. Et Abdallah-Pretceille et Porcher (1996 :26) de préciser
que
la capacité de négociation suppose que
l'on considère l'Autre comme un partenaire, c'est-à-dire comme un
égal, un prestataire de services. La transaction est devenue la conduite
quotidienne ordinaire, qui va de soi.
Malheureusement, l'égalité n'étant que
pure fiction, la culture dominante prendra toujours le pas sur la culture
dominée, ce qui crée évidemment une situation
d'exploitation. Car, comme le dit si bien Demorgon,
l'idéalisme de la différence enrichissante
n'est que l'envers du réalisme de la différence qui me distingue
avantageusement de l'autre. L'envers en apparence seulement. En effet, dans
le premier cas, la différence propre à l'autre
m'intéresse, mais c'est pour me l'ajouter et me revaloriser
grâce à cet acquis. Dans le second cas, la différence
qui m'est propre me valorise contre l'autre dans la mesure où
elle est quelque chose qui lui manque. Ainsi, en fait, dans les deux cas, je
suis gagnant, c'est toujours ma supériorité qui s'affirme
(1989 :82).
Enfin, la co-opération dans le domaine
interculturel signifie que les cultures sont considérées sur le
même pied d'égalité. Par conséquent,
co-opération devient construction ensemble, travail en partenariat dans
de projets communs où les identités propres des peuples sont
respectées et sauvegardées, même si les transformations et
les mutations sont inévitables. Tels sont les grands axes de la
pensée de Marmoz qui s'intéresse à la recherche
interculturelle en général, sans insistance particulière
sur les pratiques didactiques en salle de classe. Seuls les grands projets de
coopération et d'échange interuniversitaires entre pays ont
retenu son attention. Pourtant, en guise de conclusion à l'ouvrage
collectif qui contient sa pensée qui est ci-dessus
résumée (Marmoz et Derrij, 2001), Mialaret propose une
démarche pédagogique de l'interculturel.
II.2.8. La pédagogie interculturelle de Mialaret
Dans un article titré « La
multiculturalité et l'éducation au XXIè
siècle », Mialaret (2001) part des résultats
d'analyses statistiques portant sur des élèves, enfants de
parents immigrés, pour proposer une démarche un peu plus
personnelle et réaliste de la pédagogie interculturelle qu'il
résume ainsi :
- collaboration du sujet à sa propre
éducation,
- appel à l'expérience de l'enfant
...,
- reconstruction personnelle du savoir,
- formation complète de la
personnalité,
- assurance de la cohésion à travers un
minimum de formation commune...
Par ailleurs, il définit sur le plan des grands
principes pédagogiques, les concepts de
monoculturalisme et d'assimilationnisme qui
correspondent à l'idée qu'il existe une « culture
universelle » qui serait sûrement la culture dominante. Il
définit ensuite le multiculturalisme qui correspond
à une situation où chaque groupe culturel affirme son
identité et se cramponne à sa culture qu'il croit
différente et irréductible. Dès lors, conclut Mialaret
(2001 :267), « le paysage culturel se présente, dans
ce cas, sous l'aspect d'une mosaïque de cultures aux délimitations
nettement dessinées ».
Enfin, il définit l'interculturalisme
qui correspond à la mise en évidence des
différences dans la tolérance et l'enrichissement. Aux questions
de savoir « vers quelle forme de culture
l'éducateur doit conduire ses élèves ? Et comment
élaborer, si cela est possible, une ou de nouvelles formes de
culture ? », Mialaret (2001 :269) propose
plusieurs alternatives possibles. Il peut s'agir de cultiver une
« mosaïque du
minimum », c'est-à-dire ce qui est
commun aux cultures. Il peut aussi s'agir de mettre sur pied un
« cocktail de
l'excellence ».A terme, il conclut
(2001 :271) qu' « une attitude authentiquement
interculturelle n'est pas négation mais, au contraire,
affirmation de sa propre culture dans ses relations avec les autres
cultures ».
Au regard de toutes les analyses ci-dessus faites, il faut
d'emblée louer le caractère presque encyclopédique de
l'ouvrage de Marmoz et Derrij (2001). Néanmoins, il faut
reconnaître que les rapports entre les cultures et les peuples focalisent
beaucoup plus l'attention de ses auteurs. De même, les seuls projets
initiés et évoqués sont beaucoup plus inscrits dans le
cadre des programmes d'échanges d'étudiants. Pourtant, au terme
de l'analyse des démarches, pédagogies et méthodologies
ici présentées, il serait intéressant de faire une
synthèse à retenir et à expérimenter en
situations didactiques. Si une telle tentative ne peut pas se faire en terme
d'étapes pratiques de leçon à mettre en oeuvre, elle peut
tout au moins se faire en termes de principes à adapter au gré
des situations pédagogiques.
II.2.9. Les principes de la démarche
interculturelle
Les principes de la démarche interculturelle telles que
envisagées dans la fiche de lecture de Clément (2001) sont au
nombre de quatre, à savoir se décentrer, se mettre à la
place des autres, coopérer et Comprendre comment l'autre
perçoit la réalité et comment l'autre me perçoit.
Ces principes sont ci-dessous explicités.
Se décentrer signifie jeter sur soi et
sur son groupe un regard extérieur. L'objectif est d'apprendre à
objectiver son propre système de références, à s'en
distancier (sans pour autant le récuser) et donc à admettre
l'existence d'autres perspectives.
Se mettre à la place des autres, c'est
développer des capacités empathiques : se mettre à la
place des autres, se projeter dans une autre perspective. Appréhender
une culture, c'est dépasser une vision parcellaire et ne pas la
réduire à une énumération de faits et de
caractéristiques culturels, ne pas classer, ne pas
généraliser.
Coopérer signifie dépasser
les préjugés, faire la démarche d'essayer de comprendre
l'autre.
Comprendre comment l'autre perçoit la
réalité et comment l'autre me perçoit implique
apprendre à décoder correctement les messages émis. Pour
cela, il est nécessaire de connaître un certain nombre de
données quant à la grille de comportement de son
interlocuteur.
Tels sont les principes de la démarche interculturelle
que nous vivons déjà quotidiennement, et cela le plus souvent
malgré nous, dans des interactions linguistiques, culturels ou tout
simplement humaines qui nous frustrent, nous aliènent, provoquent des
rejets ou des replis sur soi ou dan le meilleur des cas nous valorisent, mais
toujours au détriment d'un autre. Dès lors, pour tirer le
meilleur profit des contacts et échanges interculturels, il serait mieux
non seulement de les circonscrire dans leurs lieux d'incrustation, mais aussi
et surtout d'envisager leur gestion dans les milieux sociaux où ils sont
autrement récurrents tels que la classe de langue. C'est la justesse
de ce cadre qui est en effet un des lieux privilégiés
d'exploration, d'expérimentation et d'application de la démarche
interculturelle qui fonde les hypothèses sous-tendant la
présente étude.
II.3. LES HYPOTHESES DE L'ETUDE
Cette étude pose une question centrale à
laquelle répondent des hypothèses qui sont des affirmations
provisoires dont l'acceptation ou le rejet dépend de leur
vérification.
II.3.1. L'hypothèse générale
En tant que principale réponse du
chercheur à la question centrale de l'étude, l'hypothèse
générale de l'étude est libellée en ces
termes :
La compétence interculturelle de l'enseignant
a un impact significatif sur son efficacité didactique en classe de
langue.
C'est cette hypothèse
générale qui éclate en hypothèses de recherche.
II.3.2. Les hypothèses de recherche
De l'hypothèse générale de cette
étude découlent les hypothèses secondaires.
a) L'hypothèse de recherche
n°01
Plus un enseignant est compétent sur le plan
interculturel, plus il l'est aussi sur le plan de la didactique
théorique de la langue (c'est-à-dire en ce qui concerne la
maîtrise des connaissances méthodologiques).
b). L'hypothèse de recherche n°02
Plus un enseignant est compétent sur le plan
interculturel, plus il est efficace sur le plan de la didactique pratique en
classe de langue (c'est-à-dire en ce qui concerne la transmission des
connaissances en situation d'enseignement).
C'est des hypothèses de recherche que découlent
les variables de recherche.
II.4. LES VARIABLES DE RECHERCHE
Les variables de cette étude sont bien sûr de
deux ordres, à savoir la variable indépendante qui est la
compétence interculturelle et la variable dépendante qui
est l'efficacité didactique en classe de langue. Pour
une meilleure compréhension des paramètres de l'étude, les
variables doivent être présentées en termes d'indicateurs
mesurables avec des modalités claires pour la faisabilité et
l'opérationnalité des enquêtes.
II.4.1. La variable indépendante
Elle est la compétence
interculturelle de l'enseignant. Elle a trois
modalités :
- Grande compétence (plus de 06 réponses justes
sur 12) ;
- Compétence moyenne (entre 05 et 06 réponses
justes sur 12) ;
- Compétence insuffisante (moins de 05 réponses
justes sur 12).
Ces réponses correspondent à la
première partie de questions de l'instrument de recherche, celle qui
contient les questions 5 à 16 et qui mesure la richesse, le niveau, la
valeur ou la qualité de la culture de l'enseignant.
II.4.2. La variable dépendante
Elle est l'efficacité de
l'action didactique. Elle a deux formes selon qu'il s'agisse de
l'hypothèse de recherche n°01 ou de l'hypothèse de recherche
n°02.
a) La variable dépendante de l'hypothèse
de recherche n°01
Elle est l'efficacité sur le plan théorique ou
plan de la maîtrise des connaissances
méthodologiques avec trois modalités :
- Grande maîtrise (plus de 06 réponses justes sur
09) ;
- Maîtrise moyenne (entre 05 et 06 réponses
justes sur 09) ;
- Maîtrise insuffisante (moins de 05 réponses
justes sur 09).
Ces réponses correspondent à la deuxième
partie de l'instrument de recherche qui va des questions 17 à 25 et
qui permet de mesurer le niveau de culture de l'enseignant sur le plan de la
didactique théorique.
b) La variable dépendante de l'hypothèse
de recherche n°02
Elle est l'efficacité sur le plan de la
didactique pratique, l'efficience perçue dans le rendement
pédagogique mesuré en terme de résultats
scolaires. Elle a trois modalités :
- Grande efficacité (bons résultats :
pourcentages de réussite supérieurs à 46 %) ;
- Efficacité moyenne (résultats moyens :
pourcentages de réussite supérieurs à 30 % et
inférieurs ou égaux à 46 %) ;
- Efficacité insuffisante (mauvais
résultats : inférieurs ou égaux à 30 %).
Ces résultats sont obtenus à partir de la
troisième partie du questionnaire intitulée
« Les résultats des
élèves » et essentiellement constituée
de la question 26. Le découpage des données y répond
à un souci d'équilibre devant faciliter leur comparaison. Toutes
ces données sont synthétisées dans le tableau
ci-dessous.
Tableau n°01 : Synopsis des hypothèses,
variables, indicateurs et modalités
Hypothèse générale
|
Hypothèses de recherche
|
Variables
|
Indicateurs
|
Modalités
|
La compétence interculturelle de l'enseignant a
un impact significatif sur son efficacité didactique en classe de
langue
|
Plus un enseignant est compétent sur le plan
interculturel, plus il l'est aussi sur le plan de la didactique
théorique de la langue
|
Variable indépendante
Compétence interculturelle
Mesure
(12 questions :
Q 05-Q16)
|
Les performances obtenues au questionnaire de recherche
|
Grande compétence
(07 à 12 réponses justes)
|
Compétence moyenne (05 et 06
réponses justes)
|
Compétence insuffisante (00 à
04 réponses justes)
|
Variable dépendante
Efficacité en didactique
théorique
Mesure
(09 questions :
Q17-Q25)
|
Les performances obtenues au questionnaire de recherche
|
Grande maîtrise
(07 à 09 réponses justes)
|
Maîtrise
Moyenne ( 05 et 06 réponses justes)
|
Maîtrise insuffisante
(00 à 03 réponses justes)
|
Plus un enseignant est compétent sur le plan
interculturel, plus il est efficace sur le plan de la didactique pratique en
classe de langue
|
Variable indépendante
Compétence interculturelle
Mesure
(12 questions :
Q 05-Q16)
|
Les performances obtenues au questionnaire de recherche
|
Grande compétence
(09 à 12 réponses justes)
|
Compétence moyenne (05 à 08
réponses justes)
|
Compétence insuffisante (00 à
04 réponses justes)
|
Variable dépendante
Efficacité en didactique pratique
(résultats des élèves)
Mesure
(01 question : Q26)
|
Les performances obtenues en classe en fin d'année
à la dernière séquence
|
Grande efficacité
(Bons résultats : supérieurs à 46
%)
|
Efficacité moyenne
(Résultats moyens : supérieurs à 30%
et inférieurs ou égaux à 46 %)
|
Efficacité insuffisante (Mauvais
résultats :
inférieurs ou égaux à 30 %)
|
Ce sont ces hypothèses qui orientent la
définition de la démarche méthodologique adoptée
pour l'étude.
DEUXIEME PARTIE :
LE CADRE METHODOLOGIQUE
CHAPITRE III : LA METHODOLOGIE DE L'ETUDE
D'emblée, la recherche sur le rapport pouvant exister
entre la compétence interculturelle et l'efficacité de l'action
didactique en classe de langue peut être considérée comme
une étude empirique qualitative. Pourtant, après avoir
défini les paramètres qui permettent d'en mesurer les variables,
du moins pour ce qui est des indicateurs, l'étude se
révèle être une recherche empirique quantitative.
Dès lors, pour la mener sur le terrain, il faut décrire toute la
démarche qui indique le type et le modèle de recherche
adoptés, la population et l'échantillon de l'étude,
l'instrument de collecte des données, la procédure de collecte de
données et la méthode par laquelle elles seront
analysées.
III.1. LE TYPE ET LE MODELE DE RECHERCHE
Cette étude est une recherche de type
appliqué fondée sur le modèle
exploratoire. En effet, elle explore les voies de résolution
d'un problème réel en classe de langue aujourd'hui, celui de la
compétence interculturelle de l'enseignant par rapport à son
efficacité didactique. Un tel problème est bien
d'actualité au regard de
l`hétérogénéité identitaire, de
« l'hétéroculture » ( Marmoz et Derrij,
2001:49) ou métissage culturel, du multiculturalisme et
de la mondialisation qui caractérisent les textes littéraires
francophones contemporains.
III.1.1. Une recherche appliquée
Cette recherche est de type appliqué
parce qu'il ne s'agit pas d'une simple curiosité. Le chercheur ne
voudrait pas juste savoir pour savoir, mais il cherche des solutions à
un problème concret. Il s'agit de voir si la compétence
interculturelle de l'enseignant de langue française a un impact sur sa
capacité à exploiter de manière efficiente les
textes trop métissés sur le plan culturel, exploitation devant
permettre une meilleure conduite des activités
d'enseignement/apprentissage d'une part et d'autre part une meilleure
acquisition /appropriation des savoirs linguistiques et partant de la langue.
III.1.2. Le modèle exploratoire
Ce travail de recherche suit le modèle exploratoire ou
« ex-post-facto », parce que les
enseignants qui en sont les sujets n'y sont pas impliqués dans un
processus expérimental. Ils ne sont pas engagés dans une
expérimentation. Seul un questionnaire conçu en partie comme
épreuve et en partie comme grille de collecte des pourcentages de
réussite permet de mener les investigations sur le terrain, et donc de
collecter auprès des sujets retenus au sein de la population de
l'étude les informations nécessaires à la
vérification des hypothèses.
III.2. POPULATION ET ECHANTILLON DE RECHERCHE
III.2.1.La population de recherche
La population de recherche est constituée de tous les
enseignants de français exerçant dans la province de l'Ouest,
soit approximativement 410 enseignants recensés dans les secteurs public
et privé.
Tableau N° 02 : La population de
l'étude
Grade Département
|
Contractuels
(Bacheliers,...)
|
I.E.G.
|
IPEG
|
Diplômés
Ens. Sup.
|
PCEG
PENIA
|
PLEG
PENI
|
Total
|
Bamboutos
|
04
|
09
|
02
|
06
|
08
|
27
|
56
|
Haut-Nkam
|
04
|
08
|
03
|
05
|
06
|
23
|
49
|
Hauts-Plateaux
|
04
|
04
|
02
|
05
|
08
|
14
|
37
|
Koung-Khi
|
02
|
07
|
01
|
03
|
04
|
14
|
31
|
Menoua
|
01
|
12
|
04
|
10
|
17
|
41
|
85
|
Mifi
|
02
|
06
|
03
|
12
|
12
|
35
|
70
|
Ndé
|
07
|
05
|
03
|
04
|
11
|
18
|
48
|
Noun
|
04
|
04
|
03
|
04
|
03
|
16
|
34
|
Total
|
28
|
55
|
21
|
49
|
69
|
188
|
410
|
Légende :
Contractuels : il s'agit
généralement des bacheliers et autres titulaires de licences
d'enseignement exerçant dans le secteur public et n'ayant pas encore
l'ancienneté requise pour être intégré dans un
corps. On peut penser aux 1700 Diplômés de l'enseignement
supérieur qui ont été recrutés il y a de cela
quelques temps. Leur trait caractéristique est qu'ils n'ont pas
été dans une école normale. Ils sont donc proches de
ceux du privé.
I.E.G. : Instituteur de
l'Enseignement Général
IPEG : Instituteur Principal
de l'Enseignement Général
Dipômés Ens.
Sup. : Diplômés de l'Enseignement
Supérieur (Enseignants du Secondaire privé).
PCEG : Professeur des
Collèges d'Enseignement Général
PENIA : Professeur d' Ecole
Normale d'Instituteurs-Adjoints, (aujourd'hui appelé
PAENI)
PLEG : Professeur des
Lycées d'Enseignement Général
PENI : Professeur d'Ecole
Normale d'Instituteurs
Si les effectifs des enseignants sont clairement
arrêtés dans les établissements scolaires du secteur
public, ce n'est pas le cas pour le privé où les choses sont
parfois moins précises, à cause de la suspicion constante qui
règne entre les promoteurs et leurs employés pour ce qui est de
leurs droits sociaux. Il s'agit d'un aspect du problème qui concerne
prioritairement les diplômés de l'enseignement supérieur.
Néanmoins, au bout du compte, nous avons considéré les
chiffres qui nous ont été donnés.
III.2.2.L'échantillon de recherche
L'échantillon de recherche, partie de la population sur
laquelle les enquêtes ont été effectivement menées,
est constitué de 205 sujets, soit la moitié des enseignants de
français exerçant dans la province de l'Ouest. Cet
échantillon constitue en effectif les 50 % de la population. Il est
par conséquent assez représentatif des catégories
d'enseignants existant au sein de la population. Ainsi, les Contractuels, les
I.E.G., les IPEG, les professeurs diplômés de l'enseignement
supérieur (licenciés, maîtrisards, ...), les PCEG/PENIA
(PAENI) et les PLEG/PENI y sont largement représentés. Il en
est de même, pour les huit départements de la province.
Pour obtenir cet échantillon, un quota a
été défini par département, à savoir 35
sujets pour le départements ayant au moins 50 enseignants et 20 pour
ceux des départements ayant moins. Il s'est agi d'un
échantillonnage orienté, démarche que
Grawitz (2001 :535) appelle méthode de sondage par
« choix raisonné », des quotas ayant
été définis dès le départ par
département afin que la représentativité des diverses
catégories au sein de la population soit effectivement assurée.
En effet, précise-t-elle,
le choix dont il est question ne met en jeu qu'un
raisonnement empirique,sans aucune rigueur scientifique.[...] On choisira
les individus de l'échantillon de façon à ce que
celui-ci reproduise les caractéristiques de la population totale.
Afin de respecter ces exigences et dans le but d'atteindre
effectivement les quotas définis au départ, la descente dans les
centres d'examen a été d'une très grande utilité,
même si l'accès aux correcteurs n'était pas toujours
facile. Enfin, au sein des sous-échantillons que constituent les quotas
par département, le choix des sujets a été
accidentel. En effet, seule la présence de l'enseignant dans le
centre de correction des examens du secondaire justifiait qu'il soit retenu
dans l'échantillon de l'étude. Et ainsi, dès que le nombre
de questionnaires correspondant au quota défini pour un
département était atteint, le choix des sujets s'arrêtait.
Mais, le souhait constant restait d'atteindre le maximum d'enseignants
possible. Telle est la démarche qui a permis de définir
l'échantillon de l'étude qui se présente ainsi que nous le
voyons ci-dessous.
Tableau N° 03 : L'échantillon de
recherche
Grade Département
|
Contractuels
|
I.E.G.
|
IPEG
|
Diplômés
Ens. Sup.
|
PCEG
PENIA
|
PLEG
PENI
|
Total
|
1. Bamboutos
|
03
|
06
|
02
|
02
|
07
|
15
|
35
|
2. Haut-Nkam
|
02
|
02
|
03
|
02
|
02
|
09
|
20
|
3. Hauts-Plateaux
|
02
|
01
|
02
|
02
|
03
|
10
|
20
|
4. Koung-Khi
|
01
|
06
|
01
|
02
|
02
|
08
|
20
|
5. Menoua
|
01
|
06
|
04
|
02
|
06
|
16
|
35
|
6. Mifi
|
02
|
05
|
02
|
03
|
08
|
15
|
35
|
7. Ndé
|
04
|
02
|
03
|
01
|
03
|
08
|
20
|
8. Noun
|
04
|
02
|
03
|
01
|
02
|
05
|
20
|
Total
|
19
|
31
|
21
|
15
|
33
|
86
|
205
|
C'est à cet échantillon que l'instrument de
recherche a été passé.
III.3. L'INSTRUMENT DE COLLECTE DE DONNEES
La conception de l'instrument de collecte de
données dans le cadre de cette étude suit deux phases principales
dont la première est l'élaboration du questionnaire et la seconde
sa validation.
III.3.1. L'élaboration du questionnaire
Pour ce qui est de l'instrument, il consiste
en une batterie de 26 questions pour la plupart fermées
et divisées en deux grandes parties dont la première porte sur
l'identité des répondants et la seconde sur les questions
proprement dites.
A. L'identité du répondant
La première partie, à savoir l'identité
du répondant, est constituée de 04 questions fermées
concernant le sexe, le niveau académique, le niveau professionnel et
l'ancienneté des répondants dans l'exercice de la fonction
enseignante.
B. Les questions
Cette partie du questionnaire est constituée de trois
groupes de questions correspondant à des paramètres précis
recherchés. Elles sont réparties ainsi qu'il suit :
- 12 portent sur les connaissances sémiolinguistiques
du répondant avec des colorations littéraire (05, 06, 07 et 16),
socioculturelle ou anthropologique (09, 13 et 15) et linguistique (10, 11,12 et
14). Elles permettent de mesurer la compétence interculturelle des
répondants.
- 09 portent sur les connaissances méthodologiques (17,
18, 22, 24 et 25) et critiques (19, 20, 21 et 23) du répondant. Elles
permettent de mesurer la compétence des répondants en didactique
théorique.
- et 01 (26) porte sur les performances (les résultats
de) des élèves et donc sur la compétence des
répondants en didactique pratique.
Ces groupes de questions permettent ainsi d'apprécier
de manière assez précise la compétence interculturelle des
répondants ainsi que leur efficacité en didactique pratique. Par
ailleurs, sans être une évaluation systématique des
programmes scolaires, cette batterie de questions est conçue selon les
principales exigences du modèle d'évaluation des programmes
scolaires de Provus (1971) ci-dessous synthétisé (Nadeau,
1981).
Tableau N°4 : Synthèse du
modèle d'évaluation de Provus
Auteur
|
Définition
|
But
|
Insistance
majeure
|
Evaluateur
|
Types
d'évaluation
|
Construits
proposés
|
Provus
|
Comparer la perfor-mance à des
standards
|
Pour déterminer si on doit améliorer,
maintenir, ou terminer un programme éducatif
|
Identifier des écarts entre les standards en
utilisant l'approche par équipe
|
(Membre de l'équipe)
|
1. Projet
2. Installation
3. Processus
4. Produit
(5. Coût)
|
1. Concept de l'écart
2. Rétroaction et révision des objectifs
et / ou des programmes
|
NB : Les données mises entre parenthèses
sont celles qui ne correspondent pas de manière exacte aux visées
de la présente étude ou évaluation et encore moins
à sa démarche exploratoire. Par conséquent, le
questionnaire de recherche ici utilisé, en tant que instrument de
collecte de données, prend en compte les données mises en
gras.
III.3.2. La validation du questionnaire
Au départ constitué de questions ouvertes, les
réponses à la première mouture du questionnaire
distribué à une dizaine d'enseignants ont permis de cibler et de
sélectionner les réponses possibles au niveau de chaque question.
A partir de là, les questions ont été reformulées
en questions fermées et la validation de l'instrument de recherche,
après contrôle des directeurs de recherche, a consisté en
une pré-enquête qui a permis de cibler les lacunes à la
fois de forme et de fond à corriger avant la collecte définitive
des données. Cette pré-enquête a concerné 58
enseignants exerçant dans le département des Bamboutos. Elle a
permis de codifier les réponses afin de faciliter leur traitement.
Après la reformulation des questions en questions
fermées, la deuxième tâche au cours de laquelle nos
directeurs de recherche nous ont assisté et nous ont apporté bien
de conseils judicieux et des réaménagements, surtout en ce qui
concerne la disposition et la numérotation des questions, a
consisté en la codification de tout le questionnaire, ceci toujours pour
en faciliter le traitement.
III.3.3. La collecte des données
La collecte des données a eu lieu
pendant la correction des examens officiels. En effet, les centres de
correction des examens étant des lieux de regroupement d'enseignants,
les contacter devenait plus facile, même si la récupération
ne l'était pas autant. Tous les centres de correction des chefs lieux
des huit départements de la Province de l'Ouest ont été
parcourus presque toutes les semaines au cours des mois de Juin et Juillet
2005.
Au niveau de chaque centre de correction d'examens, des
personnes relais sûres ont été contactées pour
rester collecter les exemplaires de questionnaire remplis par les
répondants. Généralement, il s'agissait de responsables
peu impliqués dans les examens officiels et par conséquent plus
disponibles ou d'enseignants régulièrement présents dans
les centres d'examens sans être trop occupés.
Les enseignants étant aujourd'hui des personnes
naturellement difficiles et peu disponibles, il fallait soit être
après eux tous les jours pour leur rappeler qu'ils devaient remettre
les questionnaires remplis, soit mettre des collègues derrière
eux pour les récupérer. Seule cette témérité
a permis la récupération de 168 questionnaires plus ou moins bien
remplis sur les 205 distribués et dont le mode de traitement est
ci-dessous présenté.
III.4. METHODE DE TRAITEMENT ET D'ANALYSE DES DONNEES
III.4.1. La méthode de traitement de
données.
Pour des besoins de précision, le traitement des
données a été confié à un informaticien
statisticien. Ce dernier a soigneusement fait ce travail au moyen d'un
programme de traitement indiqué à cet effet. Il s'agit du SPSS,
c'est-à-dire le Statistical Package for Social Sciences. Pour
ce faire, les données ont d'abord été saisies de
manière brute avec un total de 168 sujets sur les 205 qui constituaient
l'échantillon de l'étude, soit un pourcentage de
récupération de 81,95 %. Ces données ont été
analysées toujours au moyen du même programme S.P.S.S.
Afin de les analyser, les données ont
été re-codifiés. Les questions ont alors subi une
nouvelle organisation permettant d'attribuer des codes chiffrés tant aux
réponses justes qu'aux réponses fausses. Il en découle
que les réponses justes sont codifiées par le chiffre 1 et
les réponses fausses par le chiffre 0 pour ce qui est des questions qui
décrivent les compétences interculturelle et didactique. Il en
découle aussi que pour les questions 5, 7, 13 à 15, 17
à 24, la réponse 3 correspond à 1 et les réponses
1, 2, 4 correspondent à 0. Par ailleurs, pour les questions 6, 8 et 16,
la réponse 4 correspond à 1 et les réponses 1, 2 et 3
à 0. De même, pour les questions 8, 9, 10 et 25, la réponse
2 correspond à 1 et les réponses 1, 3 et 4 à 0. Enfin,
pour la question 11, la réponse 1 correspond à 1 et les
réponses 2, 3 et 4 correspondent à 0.
Pour ce qui est des compétences, elles ont
été codifiées CIC pour la compétence
interculturelle (Questions n°5 à n°16) et CME pour la
compétence méthodologique ou didactique (Questions n°17
à n°25). Enfin, pour ce qui est de l'efficacité en
didactique pratique, c'est-à-dire les résultats des
élèves, le regroupement en trois groupes a été
effectué, à savoir jusqu'à 30 % pour les enseignants les
moins efficaces, de 30.01 % à 46 % pour les moyennement efficaces et
à partir de 46.01 % pour les plus compétents. Les
compétences interculturelle et méthodologique ont donc
été mesurées selon les dispositions clairement
définies. Toutes les données traitées proviennent des 168
exemplaires de questionnaire récupérés auprès
des sujets de l'échantillon. Autant de données qui devraient
être analysées au moyen d'un outil statistique approprié.
II.4.2. L'outil statistique
L'outil statistique choisi pour cette
étude est constitué d'une part des pourcentages et d'autre part
du test de khi-deux qui permet de voir si le rapport qui existe entre les
variables constituant les hypothèses est significatif,
c'est-à-dire plus simplement de vérifier le degré
d'indépendance qui existerait entre les variables explicatives
(indépendantes) et les variables expliquées (dépendantes).
La formule de calcul de ce test d'hypothèse est la suivante :
X² = (fo- fe)² / fe
X² = Khi-deux
= somme
fo = fréquence observée
fe = fréquence théorique
Sur la base des valeurs du Khi-deux calculées et lues
sur la table conventionnelle par rapport à un seuil de signification
choisi, les conclusions suivantes peuvent être tirées :
- si la valeur calculée du x² est
inférieure à sa valeur lue, alors la variable indépendante
n'a pas un effet significatif sur la variable dépendante. Par
conséquent, l'hypothèse nulle est acceptée et
l'hypothèse de recherche rejetée.
- si la valeur calculée du x² est
supérieure à sa valeur lue, alors la variable indépendante
a un effet significatif sur la variable dépendante. Par
conséquent, l'hypothèse nulle est rejetée et
l'hypothèse de recherche acceptée.
Les données collectées ont été
traitées suivant trois grilles de lecture, à savoir celle de
Pearson, le « Likelihood Ratio » et le
« Mantel-Haenszel test for linear association ». Nous avons
prioritairement opté pour celle de Pearson, la première dans
l'ordre de présentation des résultats par le SPSS. Telle est la
démarche méthodologique qui permet de synthétiser et de
présenter de manière succincte les résultats des
investigations menées sur le terrain.
TROISIEME PARTIE :
LES RESULTATS DE L'ETUDE CHAPITRE IV : LA
PRESENTATION DESCRIPTIVE DES DONNEES
Au terme du traitement et de l'analyse des données au
moyen du SPSS et lues à travers trois grilles qui donnaient sensiblement
les mêmes résultats, à savoir la grille de Pearson, le
« Likelihood Ratio » et le « Mantel-Haenszel test
for linear association », seuls 168 questionnaires ont
été récupérés sur les 205 distribués,
soit un pourcentage de récupération de 81.95 %. Il s'agit
à présent de les répartir dans des tableaux de
fréquences suivant les items qui constituaient les questions, puis de
les commenter. Mais avant la répartition et l'analyse qui seront
faites dans l'optique de la grille de Pearson, il convient de décrire
préalablement les sujets qui ont effectivement répondu au
questionnaire.
IV.1. LES CARACTERISTIQUES DES SUJETS
Les caractéristiques des sujets sont de quatre ordres,
à savoir le sexe, le niveau académique, le niveau professionnel
et l'ancienneté dans l'exercice de la profession. Chaque
caractéristique a été analysée
séparément au regard de l'effectif des sujets ayant
répondu au questionnaire.
IV.1.1. Le sexe
Pour ce qui est du sexe des
répondants, la configuration se présente telle que nous le voyons
dans le tableau ci-dessous.
Tableau n° 05 : Répartition des
répondants selon le sexe
Sexe / Fréquence
|
Effectif
|
Pourcentage
|
Masculin
|
127
|
77
|
Féminin
|
38
|
23
|
Total
|
165
|
100
|
Sur les 168 sujets qui ont effectivement répondu au
questionnaire, 03 n'ont pas donné leur sexe. Sur les 165 qui l'ont fait,
127 sont de sexe masculin et 38 de sexe féminin. La population de
l'étude est donc en majorité masculine.
IV.1.2. Le niveau académique
Pour ce qui est du niveau académique
des répondants, seul le niveau de formation académique permet de
le définir. Au regard des critères choisis, la distribution des
sujets se présente telle que nous le voyons dans le tableau
ci-dessous.
Tableau n° 06 : Répartition des
répondants selon le niveau académique
Niveau académique / Fréquence
|
Effectif
|
Pourcentage
|
Moins de la licence
|
36
|
22.8
|
Licence et plus
|
122
|
77.2
|
Total
|
158
|
100.0
|
Sur un total de 168 sujets ayant effectivement répondu
au questionnaire, 10 sujets n'ont pas donné leur niveau
académique. Sur les 158 qui l'ont fait, 36 ont moins de la licence et
122 ont au moins la licence.
IV.1.3. Le niveau professionnel
La répartition des sujets selon leur
niveau professionnel se présente ainsi que nous le voyons dans le
tableau ci-dessous.
Tableau n° 07 : Répartition des
répondants selon leur niveau professionnel
Niveau professionnel / Fréquence
|
Effectif
|
Pourcentage
|
CAPI ou équivalent
|
42
|
28.6
|
DIPES I et II ou équivalent
|
105
|
71.4
|
Total
|
147
|
100.0
|
Sur un total de 168 sujets ayant effectivement répondu
au questionnaire, 21 sujets n'ont pas donné leur niveau professionnel.
Sur les 147 qui l'ont fait, 42 ont le CAPI ou son équivalent et 105 ont
le DIPES I et II ou leur équivalent (DIPEN I / DIPEN II).
IV.1.4. L'ancienneté au service
La répartition des sujets selon leur ancienneté
au service se présente ainsi que nous le voyons dans le tableau
ci-dessous.
Tableau n° 08 : Répartition des
répondants selon l'ancienneté au service
ancienneté professionnelle / Fréquence
|
Effectif
|
Pourcentage
|
Moins de 10 ans
|
58
|
35.4
|
10 ans et plus
|
106
|
64.6
|
Total
|
164
|
100.0
|
Sur un total de 168 sujets ayant effectivement répondu
au questionnaire, 04 sujets n'ont pas donné leur ancienneté
professionnelle. Sur les 164 qui l'ont fait, 58 ont moins de 10 ans de service
et 106 ont au moins 10 ans de service, c'est-à-dire 10 ans et plus.
IV.2. LA COMPETENCE INTERCULTURELLE
La compétence interculturelle a
été mesurée à partir des 12 questions qui
constituaient la première rubrique du questionnaire, hormis les
questions sur l'identité des répondants. Les résultats
obtenus peuvent être présentés de deux manières,
à savoir d'après le nombre de réponses justes et
d'après le regroupement selon les niveaux de compétence
définis dès le départ.
IV.2.1. La répartition des sujets
d'après le nombre de réponses justes obtenues
La répartition des sujets se fait
suivant le nombre de réponses justes obtenues.
Tableau n° 09 : Répartition des sujets
d'après le nombre de réponses justes obtenues
Fréquence
Niveau de compétence ou
nombre de réponses justes
|
Effectif
|
Pourcentage
|
Pourcentage
cumulé
|
00
|
01
|
0.6
|
0.6
|
01
|
02
|
1.2
|
1.8
|
02
|
11
|
6.5
|
8.3
|
03
|
13
|
7.7
|
16.1
|
04
|
23
|
13.7
|
29.8
|
05
|
35
|
20.8
|
50.6
|
06
|
21
|
12.5
|
63.1
|
07
|
25
|
14.9
|
78.0
|
08
|
12
|
7.1
|
85.1
|
09
|
17
|
10.1
|
95.2
|
10
|
08
|
4.8
|
100.0
|
11
|
00
|
0.0
|
/
|
12
|
00
|
0.0
|
/
|
Total
|
168
|
100.0
|
100.0
|
A l'analyse du tableau n°09, on constate qu'un seul sujet
n'a absolument rien trouvé, qu'aucun sujet n'a obtenu 11 ou 12
réponses justes 03 et que les sujets sont beaucoup plus
concentrés entre 04 et 07 réponses justes.
IV.2.2. Le regroupement des sujets d'après les
niveaux de compétence
interculturelle
Les sujets ont été regroupés en trois
groupes distincts pour figurer les niveaux de compétence : les
enseignants à la compétence insuffisante, ceux qui ont une
compétence moyenne et ceux qui ont une grande compétence.
Tableau n° 10 : Regroupement des sujets
d'après les niveaux de compétence interculturelle
Fréquence
Nombre de réponses justes
ou Niveaux de compétence
|
Effectif
|
Pourcentage
|
00 à 04
(Compétence insuffisante)
|
50
|
29.8
|
05 à 06
(Compétence moyenne)
|
56
|
33.3
|
07 à 12
(Grande compétence)
|
62
|
36.9
|
Total
|
168
|
100.0
|
A l'analyse du tableau n°10, on
constate que dans le regroupement, le programme statistique a reconnu les 168
sujets. Par ailleurs, les peu compétents sont au nombre 50, soit 29.8 %,
les moyennement compétents au nombre de 56, soit 33.3 % et les
très compétents au nombre de 62, soit 36.9 %.
IV.3. LA COMPETENCE METHODOLOGIQUE
La compétence méthodologique a
été mesurée à partir des 09 questions qui
constituaient la deuxième rubrique du questionnaire, hormis les
questions sur l'identité des répondants. Les résultats
obtenus sont présentés de deux manières, à savoir
d'après le nombre de réponses justes et d'après le
regroupement selon les niveaux de compétence.
IV.3.1. La répartition des sujets
d'après le nombre de réponses justes obtenues
La répartition des sujets se fait
suivant le nombre de réponses justes obtenues par chacun d'eux. Le
regroupement statistique permet de mettre ensemble ceux qui ont le même
nombre de réponses justes.
Tableau n° 11 : Répartition des sujets
d'après le nombre de réponses justes obtenues
Fréquence
Niveau de compétence ou
Nombre de réponses justes
|
Effectif
|
Pourcentage
|
Pourcentage
cumulé
|
00
|
00
|
0.0
|
0.0
|
01
|
03
|
1.8
|
1.8
|
02
|
17
|
10.1
|
11.9
|
03
|
22
|
13.1
|
25.0
|
04
|
31
|
18.5
|
43.5
|
05
|
28
|
16.7
|
60.1
|
06
|
27
|
16.1
|
76.2
|
07
|
22
|
13.1
|
89.3
|
80
|
16
|
9.5
|
98.8
|
09
|
02
|
1.2
|
100.0
|
Total
|
168
|
100.0
|
100.0
|
A l'analyse du tableau n°11, on constate qu'aucun sujet
n'a obtenu zéro réponse juste, que trois sujets ont obtenu une
seule réponse juste, que les sujets sont beaucoup plus concentrés
entre 02 et 08 réponses justes et 02 sujets ont obtenu 09
réponses justes sur 09.
IV.3.2. Le regroupement des sujets d'après les
niveaux de maîtrise des
connaissances
méthodologiques
Les sujets ont été regroupés en trois
catégories distinctes pour figurer les niveaux de compétence
méthodologique, à savoir la grande maîtrise, la
maîtrise moyenne et la maîtrise insuffisante des connaissances. Le
programme statistique a d'ailleurs procédé à une
re-codification des données pour les équilibrer dans les
regroupements.
Tableau n° 12 : Regroupement d'après
la maîtrise des connaissances méthodologiques
Fréquence
Nombre de réponses justes ou (Niveaux de
compétence)
|
Effectif
|
Pourcentage
|
00 à 04
(Maîtrise insuffisante)
|
73
|
43.5
|
05 à 06
(Maîtrise moyenne)
|
55
|
32.7
|
07 à 09
(Grande maîtrise)
|
40
|
23.8
|
Total
|
168
|
100.0
|
A l'analyse du tableau n°12, on constate que dans le
regroupement, le programme statistique a reconnu les 168 sujets. Par ailleurs,
les peu compétents (maîtrise insuffisante) sont au nombre de 73,
soit 43.5 %, les moyennement compétents (maîtrise moyenne) au
nombre de 55, soit 32.7 % et les très compétents (grande
maîtrise) au nombre de 40, soit 23.8 %. La compétence
méthodologique correspond ainsi à la maîtrise de la
didactique théorique, par opposition à la didactique pratique qui
se mesure à travers les résultats des élèves aux
évaluations de fin d'année.
IV.4. LES RESULTATS SCOLAIRES
Les résultats des élèves qui sont
révélateurs du niveau d'acquisition des connaissances par les
élèves peuvent impliquer un certain degré
d'efficacité de l'enseignant dans la transmission des connaissances. Ces
résultats vont d'abord être décrits et
présentés de manière brute. Puis, des regroupements vont
être opérés à partir des niveaux
d'efficacité.
IV.4.1. La description des résultats
Obtenus à partir du traitement de la question 26, les
résultats des élèves correspondent aux pourcentages de
réussite obtenus par les enseignants dans une classe de leur choix
au cours de l'examen de sixième séquence de l'année
scolaire 2004/2005. Le choix de cette séquence relève du fait
qu'elle correspond à l'évaluation de fin d'année, donc
à l'évaluation sommative annuelle.
IV.4.2. Le regroupement d'après les niveaux
d'efficacité
Le regroupement se fait par rapport aux
niveaux d'efficacité. C'est dire que les enseignants qui ont les
mêmes résultats se retrouvent dans la même
catégorie.
Tableau n° 13 : Regroupement
des sujets d'après les niveaux d'efficacité
Niveaux d'efficacité / Fréquence
|
Effectif
|
Pourcentage
|
Efficacité insuffisante (Résultats
inférieurs ou égaux à 30 %)
|
57
|
34.5
|
Efficacité moyenne (Résultats supérieurs
à 30 % et égaux à 46 %)
|
50
|
30.3
|
Grande efficacité
(Résultats supérieurs à 46 %)
|
50
|
35.2
|
Total
|
165
|
100.0
|
Au regard des données du tableau
n°13, on peut constater que le programme statistique a
équilibré les effectifs des cases pour une bonne
vérification des hypothèses et une meilleure
interprétation des résultats. Néanmoins, on devrait
observer que les 64.8 % des résultats, constituant la somme des
données des deux premières cases (efficacité insuffisante
et moyenne), sont inférieurs ou égaux à 46 %. Il s'agit
des résultats des élèves de plus de la moitié des
sujets. Une telle situation donne à réfléchir d'une part
sur le niveau des élèves et d'autre part sur les rapports qui
pourraient exister entre leurs performances et la capacité des
enseignants à leur transmettre les connaissances de manière
efficace. On ne peut en avoir une idée claire qu'en procédant
à la vérification des hypothèses de recherche.
CHAPITRE V : LA VERIFICATION DES HYPOTHESES
ET L'INTERPRETATION DES RESULTATS
La vérification des hypothèses
de recherche est le processus par lequel ces dernières,
préalablement formulées au niveau du cadre théorique de
l'étude, sont confirmées ou infirmées. Ici, ces
hypothèses qui découlent de l'hypothèse
générale selon laquelle « La compétence
interculturelle de l'enseignant a un impact significatif sur son
efficacité didactique en classe de langue » vont
être vérifiées au moyen des différents calculs
statistiques faits dans le même programme statistique qui a permis de
traiter les données, à savoir le statistical package for
social sciences. A la suite de la vérification des
hypothèses, les implications des résultats vont être
dégagées, les limites et les perspectives de l'étude
relevées et des suggestions et recommandations faites dans le but de
résoudre le problème posé par l'étude et par
conséquent d'améliorer la situation étudiée.
V.1. LA VERIFICATION DES HYPOTHESES
Les deux hypothèses de recherche vont
être vérifiées au moyen d'un test d'hypothèse
approprié aux associations linéaires, à
savoir le khi-carré de Pearson. Ce dernier a été
choisi même comme la vérification a été
également faite avec le test de Mantel-Haenszel et le Likelihood ratio.
A cet effet, le seuil de signification choisi est de 0.00000 et le nombre de
degrés de liberté de 4. Voilà les paramètres qui
vont nous permettre de procéder à l'association des variables et
puis à l'interprétation des résultats obtenus au niveau de
chaque hypothèse.
V.1.1. Compétence interculturelle et
compétence méthodologique
L'hypothèse de recherche N°01 est la
suivante : Plus un enseignant est compétent sur le plan
interculturel, plus il l'est aussi sur le plan de la didactique
théorique de la langue (c'est-à-dire en ce qui concerne la
maîtrise des connaissances méthodologiques).
L'hypothèse alternative N°01est la
suivante : Il existe une relation significative entre la
compétence interculturelle de l'enseignant et sa compétence
méthodologique.
L'hypothèse nulle N°01 est la
suivante : Il n'existe pas de relation significative entre la
compétence interculturelle de l'enseignant et sa compétence
méthodologique.
La visualisation de ce rapport peut se faire à travers
un tableau de synthèse où ces données sont
associées, tableau qui permettra de procéder au calcul du
khi-carré.
Tableau N°14 : Relation entre la
compétence interculturelle de l'enseignant et sa compétence
méthodologique
Compétence méthodologique
Compétence interculturelle
|
1. Maîtrise insuffisante
|
2. Maîtrise moyenne
|
3. Grande maîtrise
|
Total
|
1. Compétence insuffisante
|
42
84.0
|
06
12.0
|
02
04.0
|
50
100.0
|
2. Compétence moyenne
|
21
37.5
|
26
46.4
|
09
16.1
|
56
100.0
|
3. Grande compétence
|
10
16.1
|
23
37.1
|
29
46.8
|
62
100.0
|
Total
|
73
43.5
|
55
32.7
|
40
23.8
|
168
100.0
|
Sur les 50 sujets de l'échantillon qui ont une
compétence interculturelle insuffisante, 02 seulement soit 4.0 % ont une
grande maîtrise des connaissances méthodologiques, 06 soit 12.0 %
en ont une maîtrise moyenne et le reste des 42 sujets, soit 84.0 % en
ont une maîtrise insuffisante.
Pour ce qui est des 56 sujets qui ont une compétence
interculturelle moyenne, 09 soit 16.1 % ont une grande maîtrise des
connaissances méthodologiques, 21 soit 37.5 % en ont une maîtrise
insuffisante alors que 26, soit 46.4 % en ont une maîtrise moyenne. Ce
dernier effectif correspond presque à la moyenne de l'ensemble des
sujets de cette catégorie, ce qui justifie la tendance
générale perçue dès le début.
Enfin, sur les 62 sujets qui ont une grande compétence
interculturelle, 10 sujets seulement, soit 16.1 % ont une maîtrise
insuffisante des connaissances méthodologiques, 23 soit 37.1 % en ont
une maîtrise moyenne tandis que 29, soit 46.8 % en ont une grande
maîtrise.
Au regard donc des données de ce tableau n°14, on
constate clairement que plus la compétence interculturelle croit, plus
la maîtrise des connaissances méthodologiques croit aussi. Le
sens des courbes, essentiellement descendante en ce qui concerne la
compétence méthodologique des sujets qui ont une
compétence interculturelle insuffisante et essentiellement ascendante
pour ceux qui ont une grande compétence interculturelle, tend encore
plus à confirmer l'hypothèse de recherche n°01. Pour
être sûr que cette relation ne relève pas du simple fait du
hasard, il faut la soumettre au test statistique du khi-carré.
Les données relatives au khi-carré de Pearson
affichées par le programme statistique dans le tableau n°14 sont
les suivantes :
X² calculé : 63.
54364
Ddl : 4
Seuil de signification : 0. 00000
X² lu : 11. 905
Au regard de ces résultats, on peut tirer les conclusions
suivantes :
X² calculé étant supérieur
à X² lu, l'hypothèse nulle est rejetée et
l'hypothèse alternative retenue, ce qui implique la confirmation de
l'hypothèse de recherche n°01.
Ainsi, plus un enseignant est compétent sur plan
interculturel, plus il l'est aussi sur le plan de la didactique
théorique, c'est-à-dire en ce qui concerne la maîtrise des
connaissances méthodologiques.
V.1.2. Interprétation des résultats de
l'hypothèse de recherche n°01
La lecture interprétative de
résultats obtenus au niveau de la première hypothèse ainsi
que sa confirmation sont assez éloquentes. La concordance entre les
croissances (courbes ascendantes) en effectif de la compétence
interculturelle et de la compétence en didactique théorique se
justifierait d'emblée par les exigences des besoins langagiers
(Richterich, 1985 :104). Ces besoins, parce qu'ils sont à la base
de tout échange linguistique et de toute communication pourraient
s'expliquer par les rapports que l'homme entretient avec la langue et partant
avec la culture, et donc par la socialisation à travers laquelle il
faut lire ou percevoir l'influence de l'un des deux facteurs que sont
l'hérédité et le milieu.
La concordance ci-dessus évoquée, en justifiant
« la nécessité de replacer l'apprentissage
individuel dans le contexte culturel global qui le renforce »
(Grawitz, 2001 : 220), s'établit en définitive sur les
exigences des théories situationnelles au
premier rang desquelles la théorie
behavioriste. En accord donc avec les besoins langagiers
identifiés pour une approche didactique systémique et
contrairement aux théories substantialistes qui
cherchent à connaître, expliquer ,
prévoir les conduites d'un individu dans chaque situation par rapport
à sa personnalité tout entière[...] personnalité
[...] composée d'éléments soumis à une
organisation,
les théories situationnelles stipulent (Allport,
1968) que « la personnalité est l'organisation dynamique
dans l'individu , des systèmes psychologiques qui déterminent ses
adaptations propres vis-à-vis du milieu » (Grawitz,
2001 :219).
Ainsi, la confirmation de l'hypothèse n°01
conforte les pédagogues et didacticiens dans l'adoption de l'approche
systémique dans leurs enseignements, car contrairement aux approches
langagière centrée sur les contenus, méthodologique
centrée sur les méthodes d'enseignement et l'enseignant,
psychologique centrée sur les processus d'apprentissage et l'apprenant,
sociopolitique centrée sur les institutions, l'approche
systémique est centrée sur les systèmes
d'enseignement/apprentissage et sur les interactions de leurs composantes
(Ritchterich, 1985 :12). Une telle conclusion permet de mieux
apprécier l'effet que la compétence interculturelle peut avoir
ou a sur les résultats de l'action didactique.
V.1.3. Compétence interculturelle et
efficacité en didactique pratique
L'hypothèse de recherche N°02 est la
suivante : Plus un enseignant est compétent sur le plan
interculturel, plus il est efficace sur le plan de la didactique pratique en
classe de langue.
L'hypothèse alternative N°02 est la
suivante : Il existe une relation significative entre la
compétence interculturelle de l'enseignant et son efficacité en
didactique pratique.
L'hypothèse nulle N°02 est la
suivante : Il n'existe pas de relation significative entre la
compétence interculturelle de l'enseignant et son efficacité en
didactique pratique.
La visualisation de ce rapport est faite dans le tableau de
synthèse ci-dessous.
Tableau N°15 : Relation entre la
compétence interculturelle de l'enseignant et son efficacité en
didactique pratique
Efficacité en didactique pratique
Compétence interculturelle
|
1. Efficacité insuffisante
|
2. Efficacité moyenne
|
3. Grande Efficacité
|
Total
|
1. Compétence insuffisante
|
38
76.0
|
07
14.0
|
05
10.0
|
50
100.0
|
2. Compétence moyenne
|
12
21.8
|
25
45.5
|
18
32.7
|
55
100.0
|
3. Grande compétence
|
07
11.7
|
18
30.0
|
35
58.3
|
60
100.0
|
Total
|
57
34.5
|
50
30.3
|
58
35.2
|
165
100.0
|
Sur les 50 sujets de l'échantillon qui ont une
compétence interculturelle insuffisante, 05 seulement, soit 10.0 % font
preuve d'une grande efficacité didactique, 07, soit 14.0 % en font
preuve d'une efficacité moyenne et le reste des 38 sujets soit 76.0 %
en font preuve d'une efficacité insuffisante.
Pour ce qui est des 55 sujets qui ont une compétence
interculturelle moyenne, les élèves de 12 soit 21.8 % ont de
mauvais résultats, les élèves de 25 soit 45.5 % ont
des résultats moyens alors que ceux de 18, soit 32.7 % en ont de bons
résultats. L'effectif des enseignants qui ont des élèves
aux résultats moyens correspond presque à la moyenne de
l'ensemble des sujets de cette catégorie.
Enfin, sur les 60 sujets qui ont une grande compétence
interculturelle, 07 sujets seulement, soit 11.7 % font montre d'une
efficacité didactique ou méthodologique insuffisante, 18, soit
30.0 % font preuve d'une efficacité moyenne tandis que 35, soit 58.3 %
font preuve d'une grande efficacité. Ainsi, plus la compétence
interculturelle est importante chez un enseignant, plus les résultats de
ses élèves croissent aussi. Mais pour être sûr que
cette relation ne relève pas du simple fait du hasard, il faut la
soumettre au test statistique du khi-carré.
Les données relatives au khi-carré de Pearson
affichées par le programme statistique dans le tableau n°15 sont
les suivantes :
X² calculé : 63.
35991
Ddl : 4
Seuil de signification : 0. 00000
X² lu : 15. 15
Au regard de ces résultats, on peut tirer les conclusions
suivantes :
X² calculé étant supérieur
à X² lu, l'hypothèse nulle est rejetée et
l'hypothèse alternative retenue, ce qui implique la confirmation de
l'hypothèse de recherche n°02 avec une marge d'erreur presque
insignifiante. Ainsi, plus un enseignant est compétent sur plan
interculturel, plus il l'est aussi sur le plan de la didactique pratique,
c'est-à-dire en ce qui concerne la transmission des connaissances en
classe de langue.
V.1.4. Interprétation des résultats de
l'hypothèse de recherche n°02
Au regard des données
compulsées par le programme statistique, toutes les trois
catégories qui constituent la distribution des sujets par rapport
à leur compétence interculturelle font preuve des trois
degrés d'efficacité didactique définis dès le
départ. Mais il faut néanmoins remarquer au terme des analyses
que le sens des courbes, essentiellement descendante en ce qui concerne
l'efficacité didactique des sujets qui ont une compétence
interculturelle insuffisante et essentiellement ascendante pour ceux qui ont
une grande compétence interculturelle, confirme encore mieux
l'hypothèse de recherche n°02.
Cette confirmation est révélatrice d'un
contexte d'enseignement/apprentissage où la culture malgré sa
diversité est unique et commune, d'un contexte où les
interlocuteurs se comprennent, d'un contexte où les utilisateurs de la
langue, « à leur façon, interrogent et
façonnent le monde au travers d'une exploration du langage dans toutes
ses dimensions et ses capacités » (Lucas et Beniamino,
2005 :50). La langue, objet d'apprentissage et outil d'enseignement,
devient le moyen par lequel les hommes et les peuples se réconcilient
avec eux-mêmes (Diop, 2005 : 93). Ancrée dans les terroirs,
la langue devient « le miroir des
réalités » (Wersey, 2005 : 81) et les mots
qui en sont les éléments constitutifs
« cristallisent un ensemble de réalités,
culturelles et/ou idéologiques. Ces mots reflètent, en effet, les
croyances et les convictions d'une communauté
linguistique » (Uwiringiyimana, 2005 :99). La confirmation
de l'hypothèse de recherche N°02 retrace les chemins ardus de
l'encrage situationnel de l'usage de la langue et partant des activités
d'enseignement/apprentissage.
En définitive, la confirmation des hypothèses
de recherche n°01 et n°02 entraîne celle de l'hypothèse
générale de l'étude autrement justifiée par ce que
Marmoz appelle à bon escient en recherche interculturelle
« un a priori
pédagogique, un désir de former et d'orienter,
en s'en donnant les moyens, dès qu'existe la mise en relation, et
l'envie d'action sur l'autre » (2001 :55). Ainsi,
la compétence interculturelle de l'enseignant a un effet
significatif sur l'efficacité de son action didactique. Telle
est la conclusion tirée en dernier ressort, conclusion qui devrait
sûrement avoir de multiples implications.
V.2. LES IMPLICATIONS DES RESULTATS
Au terme des investigations et après
l'interprétation des résultats, il faut se poser un ensemble de
questions ayant pour but de révéler les conséquences qui
découlent des résultats obtenus et partant de la confirmation des
hypothèses de l'étude. Ainsi, les résultats obtenus
ont-ils des implications qu'il faudrait relever ?
Qu'entraînent-ils ? Et ce sur quels plans ? Il s'agit de tirer
les conséquences qui se dégagent des résultats, et ceci
à plusieurs niveaux : celui des caractéristiques des
sujets, celui de la compétence interculturelle, celui de la
compétence méthodologique et enfin celui de l'efficacité
de l'action didactique, autrement perçue dans le rendement
pédagogique.
V.2.1. Au niveau des caractéristiques des
sujets
Pour ce qui est des caractéristiques
des sujets, plusieurs faits doivent être dégagés. D'abord,
le nombre d'enseignants de sexe masculin est largement supérieur
à celui des enseignants de sexe féminin. Les femmes constituent
d'ailleurs moins du tiers des hommes. Une telle situation implique la
prééminence ou la prédominance des schèmes
masculins sur les paramètres de la compétence interculturelle
transmis par les uns et acquis par les autres.
Plaider pour un équilibre entre les deux sexes dans le
cadre d'une étude impliquant non seulement le culturel mais surtout
l'interculturel serait souhaitable. Mais, on pourrait aussi croire que le grand
écart entre les deux sexes ne relève pas essentiellement de la
supériorité numérique originelle d'un groupe sur l'autre
au sein de la population et de l'échantillon de l'étude, mais
qu'elle provient peut-être de la disponibilité des hommes à
répondre plus que les femmes.
Sans aller jusqu'à croire à
l'indisponibilité ou au manque de volonté des enseignants de sexe
féminin à s'intéresser à la recherche, il faut
seulement dire que leur implication sérieuse dans le processus
d'investigation serait très profitable à l'étude. Elle
permettrait non seulement de prendre en compte leur point de vue, mais aussi et
surtout d'envisager les voies et moyens pour saisir toutes les
aspérités de leur de leur pensée sur les questions
étudiés. Une telle éventualité aurait
été très bénéfique pour une étude sur
la compétence interculturelle.
V.2.2. Au niveau de la compétence
interculturelle
Au regard des
résultats des enquêtes, la compétence
interculturelle des enseignants est moyenne, le pourcentage des sujets ayant
une compétence insuffisante étant de 50.60%. En effet, ceux des
enseignants qui ont au moins 6 (six) réponses justes constituent les
49,40 %, donc presque la moitié des sujets de la population. Et telle
qu'elle a été envisagée dans le cadre de cette
étude, la compétence interculturelle a permis de cerner les
aptitudes culturelles et interculturelles des sujets de la population de
l'étude sur des aspects essentiellement théoriques.
La démarche exploratoire axée sur l'exploitation
des textes littéraires implique prioritairement l'étude et la
saisie des prédispositions et attitudes psychologiques et
socioculturelles des sujets cibles. Pourtant, l'approfondissement de
l'étude de ces paramètres et leur débordement vers la
pratique réelle de la culture permettrait de mieux mesurer la
compétence interculturelle des sujets. Il s'agit d'aborder les aspects
réels et concrets des pratiques culturelles des populations de l'Afrique
subsaharienne. Néanmoins, pour un enseignant, la maîtrise de la
théorie devrait toujours précéder la pratique.
V.2.3. Au niveau de la compétence
méthodologique
Pour ce qui est de la compétence
méthodologique, elle est également moyenne parce que ceux des
enseignants qui ont au moins 5 (cinq) réponses justes constituent les
47,90%. D'emblée, cette compétence méthodologique suppose
une maîtrise moyenne des théories didactiques et de leur
application judicieuse en salle de classe. Mais face aux réalités
de la langue française en Afrique, avec ses contacts avec les langues et
les mentalités culturelles locales, d'autres langues
étrangères et secondes, et enfin les pidgins ambiants, la
compétence méthodologique de l'enseignant devrait déborder
la simple norme didactique pour permettre d'appréhender et d'expliquer
les particularités langagières saisies dans les discours.
En effet, les écarts linguistiques observés dans
les nouvelles écritures africaines francophones en général
et dans les romans ici particulièrement concernés au lieu
d'être considérés comme étant la création
d'une nouvelle norme appelée norme endogène, devraient être
essentiellement considérés comme étant des faits de
langue, devraient être étudiés comme tels et partant,
devraient trouver une place dans la démarche didactique en salle de
classe.
V.2.4. Au niveau des résultats des
élèves
Le constat fait au niveau des
résultats des élèves est qu'ils correspondent pour 34.50%
à un niveau d'efficacité insuffisante et pour 30.30% à un
niveau d'efficacité moyenne, ce qui fait un total de 64.80% qui ne sont
pas proches de l'excellence scolaire. Cet éloignement se justifie-t-il
essentiellement par la compétence interculturelle des enseignants ?
Celle des élèves n'est-elle pas aussi importante ? Leurs
prédispositions intellectuelles sont-ils à négliger face
à cette problématique ? Toujours est-il que l'étude
a montré que plus un enseignant est compétent sur le plan
interculturel, plus il est efficace en salle de classe. Ainsi, les
résultats de l'action éducative sont étroitement
solidaires des aptitudes des enseignants et plus celles-ci sont
affinées, plus les élèves devraient être
performants. Caillods (2004 :1) le confirme d'ailleurs quand il
écrit que « les résultats scolaires
dépendent fortement des pratiques des écoles et de celles des
enseignants [...] dans leur salle de classe ». En conclusion,
chaque enseignant devra se cultiver et amener ses élèves
à se cultiver dans tous les domaines de la vie en vue d'améliorer
le rendement scolaire.
V.3. LES LIMITES ET LES PERSPECTIVES
Au terme de tout travail de recherche, le
chercheur relève à la fois les points forts au sujet desquels il
marque sa satisfaction, et les points faibles pour lesquels il faudrait
envisager des perspectives d'amélioration. Les points faibles d'une
étude constituent les limites de l'étude qui, pour le cas
présent peuvent être situés d'une part au niveau de la
conception générale de l'étude, et d'autre part au niveau
de la conduite des enquêtes sur le terrain. Ces observations permettent
ainsi d'envisager plus clairement les modes de saisie et de mesure de la
compétence interculturelle.
V.3.1. La conception générale de
l'étude
Les limites de l'étude perçues
essentiellement au niveau de la conception générale de
l'étude comme des insuffisances qui en limitent la portée
relèvent de la considération essentiellement langagière de
l'interculturel, de la considération essentiellement littéraire
des données mesurées en terme d'interculturel dans l'instrument
de recherche et le relevé des composantes de l'interculturel dans trois
oeuvres littéraires seulement.
La notion d'interculturel dans cette étude a
été réduite essentiellement au fait langagier alors que le
culturel par essence est large, assez large même. Elle concerne à
la fois la littérature, les comportements langagiers, les us et
coutumes, les habitudes alimentaires, l'art et la religion, l'accoutrement,
l'habitat, etc. De même, la limitation du culturel au langagier a
orienté les recherches vers les oeuvres littéraires, moyen le
plus facile de les repérer et de les mesurer dans un temps très
limité. Enfin, l'exploitation des oeuvres littéraires a
été limitée à trois seulement, réduisant une
fois de plus l'étendue et la portée de l'étude.
V.3.2. La conduite des enquêtes
Pour ce qui est des investigations sur le
terrain, trois limites ont été perçues, à savoir la
difficulté pour les enseignants à percevoir la
nécessité même de la recherche, leur indisponibilité
réelle ou fausse pour répondre au questionnaire et enfin leur
susceptibilité. D'emblée, beaucoup d'enseignants ne savent pas
à quoi sert la recherche. Par conséquent, ils ne
s'intéressent pas à tout ce qui relève de ce domaine. Ce
désintérêt se manifeste concrètement par les
difficultés qu'on a à distribuer et à
récupérer l'instrument de recherche. Pour cela, ils donnent des
rendez-vous à vous pousser au découragement.
Par ailleurs, quand les enseignants ne sont pas
désintéressés et indisponibles, ils vous passent à
un interrogatoire serré pour savoir s'il n'y a pas un but caché
à votre étude, et surtout si ce n'est pas une sorte d'inspection
ou d'évaluation à laquelle ils sont soumis. Dès lors, les
rendez-vous sont aussi multipliés à l'infini à des fins de
découragement, révélant ainsi de la part des enseignants
un état d'esprit réfractaire à l'innovation
pédagogique et donc à l'amélioration de la qualité
de l'éducation.
V.3.3. Une meilleure saisie de la compétence
interculturelle
La saisie de l'interculturel à partir
des cultures dominantes par leur visibilité et en
particulier à partir de tous les phénomènes
spécifiques qui les caractérisent ou les constituent permettrait
de mieux l'apprécier à travers plusieurs modes de vie appartenant
à plusieurs peuples ou communautés humaines. Mais aussi, il
faudra tenir compte des cultures invisibles.
C'est dire qu'il faudrait pour plus
d'opérationnalité, saisir l'interculturel à partir des
éléments constitutifs des « cultures
anthropologiques » (Abdallah-Pretceille et
al ; 1996 : 27) que sont entre autres les us et coutumes, les
manières de s'habiller, les croyances, les manières de table, les
mets, l'art, la littérature. Il faudra aussi tenir compte de la
« culture
cultivée » (Oliviéri ;
1996 : 8) ou culture liée à la fois aux domaines de
connaissances nouveaux et aux valeurs humaines fondamentales et
« des cultures
médiatiques » (Banerjee et al ;
1996,70) ou cultures prises entre les exigences des diffusions internationales
et transnationales du village global et celles des cultures de
proximité. Il faudra enfin tenir compte des
« cultures managériales »
(Delamotte et al ; 1996,99) ou cultures de l'univers professionnel avec la
logique du « business is business » et des
« cultures invisibles » (Porcher
et al ; 1996, 123) ou cultures liées aux goûts
étranges, aux passions, aux tendances à
l'ésotérique, au rêve, au surnaturel et au spirituel.
Ainsi, au lieu de procéder essentiellement par
questionnaire, le chercheur devra définir dans le cadre d'une recherche
à la fois théorique et empirique, une grille qui permettra de
faire des observations qualitatives et
quantitatives sur les modes de vie des individus et des
collectivités. Ces modes de vie constitués en modèles sont
à la fois des « comportements
généralisés, standardisés et
régularisés qui servent de guide pour distinguer dans la
société ce qui est conduite admissible de ce qui ne l'est
pas » (Rocher, 1969 : 79-80). La grille
quantitative correspondrait à la tension des études
interculturelles « vers une phase
« objective » [...], leur développement »
(Ouellet, 1983 :55).
V.3.4. Une mesure plus réelle de la
compétence interculturelle
A priori, l'observation associée au
questionnaire reste le meilleur moyen de saisie de la réalité
culturelle ou interculturelle, car soit on en parle toujours un peu trop, soit
on n'en parle pas assez, soit on est incapable d'en parler. La grille
ci-dessous esquissée est une base de travail pouvant permettre
d'entrevoir à propos un début de solution.
Tableau n°16 : Esquisse d'une grille de
mesure de la culture
Degré de manifestation
Composantes culturelles
|
Constituants
|
0.
|
1.
|
2.
|
3.
|
4.
|
5.
|
Cultures anthropologiques
|
Us et coutumes
|
|
|
|
|
|
|
Croyances
|
|
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Améliorée et associée à des
questionnaires et tests préalablement conçus, cette grille peut
bien permettre de mesurer et de calibrer les faits culturels et interculturels
pour aboutir à des propositions judicieuses devant améliorer les
situations éducatives les plus variées.
V.4. LES SUGGESTIONS ET LES RECOMMANDATIONS
Les suggestions et recommandations pour
cette étude peuvent être orientées dans quatre directions
qui à terme se recoupent et complètent, pour une acquisition plus
facile de la compétence interculturelle, pour une exploitation effective
de la compétence interculturelle en classe de langue, pour une
sémio-didactique revue et corrigée et enfin pour une
compétence interculturelle au service d'une éducation de
qualité.
V.4.1. La multiplication des moyens d'acquisition de la
compétence interculturelle
Les modes de transmission et d'acquisition
de la compétence culturelle ou interculturelle sont variés au
premier rang desquels l'école à travers les humanités
d'abord et ensuite toutes les autres sciences. En dehors de ce premier moyen,
il faut envisager la multiplication d'espaces culturels et de forums où
le citoyen puisse se cultiver et s'ouvrir au monde. Au Cameroun, en dehors du
Centre Culturel Camerounais de Yaoundé, le pays n'a rien d'autre dans
les autres villes. Néanmoins, Les festivals annuels de plus en plus
développés par les peuples à l'exemple du Ngondo des
Duala, du Ngoun des Bamoun, du Ngouo ngong des Bansoa, du Mangw'art des
Bamboutos, du Menou'art dans la Menoua et autres sont autant d'initiatives
à encourager pour le développement et la promotion de la culture.
Par ailleurs, les moyens modernes de transport de la culture
tels que les média (la radio, la presse écrite, la
télévision,...), le téléphone, la
télécopie, la photocopie, l'ordinateur et son environnement,
l'internet, les mémoires flash, les lecteurs de CD et autres outils de
conservation de l'information ne devraient plus être des objets de luxe
pour les populations de l'Afrique subsaharienne. Au contraire, au lieu de les
ruiner comme c'est le cas maintenant, ces outils modernes de communication
devraient être vulgarisés et mis à la portée des
citoyens les plus démunis.
Enfin, les modes de véhicule de la culture originelle
ou traditionnelle des peuples devraient être systématisés
et sauvegardés au moyen de la promotion des recherches sur les
traditions orales, les recherches anthropologiques et sociologiques. Au lieu
d'être considérés comme étant des comportements de
primitifs ou des attitudes dépassées et essentiellement inutiles,
au lieu d'être l'objet de dénigrement et de raillerie, les us et
coutumes des Africains de l'Afrique francophone subsaharienne devraient
être valorisés afin qu'au-delà du folklore, leurs aspects
identitaires bénéfiques soient sauvegardés. A ce titre,
sans rejeter le modernisme et à l'abri de tout complexe
d'infériorité déstabilisateur et destructeur, la dimension
psychologique de la culture ne devrait plus être négligée.
En tant que socle de tout comportement religieux, elle devrait mériter
plus de considération pour la sauvegarde de l'identité des
peuples.
V.4.2. La formation des enseignants à
l'interculturel
Pour que l'acquisition et la transmission de l'interculturel
en tant savoir et démarche soient plus réelles, une place
importante doit leur être accordée dans la formation des
enseignants. Et pour cause, tel que l'exprime la Communauté mondiale des
Professeurs de français,
la formation à l'interculturel ne fait pas toujours
partie de la formation des enseignants. Pourtant, il est nécessaire que
les enseignants acquièrent eux-mêmes une compétence
interculturelle avant d'intégrer dans leurs classes cette dimension
(FIPF,
www.francparler.org/dossier/interculturel).
En clair, on ne peut enseigner que ce qu'on possède
soi-même. La formation visera à donner aux enseignants les
capacités devant leur d'amener les élèves à prendre
conscience de ce qu'est la culture, à travailler sur les clichés
et les stéréotypes, à analyser les situations
culturellement marquées, à identifier les représentations
et les préjugés dans des documents quotidiens ou encore à
établir des liens entre leur propre culture et celle de l'autre. Par
conséquent, en découvrant avec ses élèves les
enjeux de l'acquisition de la compétence interculturelle ainsi que les
grands principes de la pédagogie interculturelle, l'enseignant leur aura
non seulement enseigner la culture, mais aussi, il aura à travers
quelques pistes pédagogiques développé en eux une
conscience interculturelle.
Ainsi, face à la perte de repères identitaires,
aux exclusions multiples et au simple
« côte-à-côte multiculturel »
(Thomas, 2002 :13) qui marquent profondément les
sociétés plurielles et métissées que sont les
nôtres aujourd'hui, la culture de la conscience interculturelle aura
concrètement pour but, de promouvoir ce que Thomas (2000) appelle
« la dynamique interculturelle » en vue de
créer
la synergie de toutes les différences
pour : dépasser la peur et entrer en relation avec l'autre ;
se transformer dans la relation sans perdre son identité ;
gérer malentendus et conflits en prenant divers points de vue ;
créer des conditions nouvelles de coopération .
La formation à l'interculturel pourra suivre les axes
de l'exercice de la compétence interculturelle tels
que définis par Thomas (
www.médiation-interculturelle.com),
à savoir :
- prendre du recul par rapport à ses propres
repères qu'il faut connaître et apprécier sans les
considérer comme étant universels ;
- prendre en compte les contextes
asymétriques, car tous n'ont pas la même connaissance de
la langue de l'autre ;
- exprimer ses émotions et
« ressentis » : malaises personnels et
tensions relationnelles, « stress » acculturatif,
... ;
- gérer les stéréotypes et les
préjugés : images de soi, images de l'autre,
généralisation, catégorisation, explicitation des
stéréotypes, distinction de la personne d'avec son groupe ou son
comportement ;
- passer d'une attribution ethnocentrique à une
attribution isomorphe : être capable d'expliquer le
comportement de l'autre de la même manière que lui et les membres
de son groupe culturel l'expliquent ;
- analyser les « incidents
critiques » : nommer les incompréhensions,
tensions, violences qui se manifestent du fait de la différence
culturelle, se donner les moyens d'en parler et de les traiter ;
- acquérir une souplesse adaptative : manifester
sa capacité d'adaptation et de souplesse, sans perdre son
identité et ses convictions ;
- tolérer
l'ambiguïté : accepter plusieurs points de vue,
nommer l'absence de consensus, accepter la frustration personnelle qui en
découle, rechercher les conditions de la coopération.
A terme, l'acquisition et l'exercice de la compétence
interculturelle constituent une « démarche commune et
constructive, dans un groupe hétérogène ou d'origines
culturelles différentes, prenant en compte et mettant en synergie trois
plans » que sont :
- « l'élaboration de
l'équilibre identitaire du sujet et ses aménagements
successifs ;
- l'analyse des différences et des ressemblances
entre les personnes et les groupes en contact coopératif ou
conflictuel ;
- la « méta-communication » sur
les interactions (c'est-à-dire la possibilité d'analyser en
commun ce qui se passe dans les situations de communication), qu'il s'agisse de
gestion de malentendus et de conflits ou de création de modes de
coopération.
L'objectif de cette démarche consiste à
permettre la reconnaissance mutuelle, le dialogue et la rencontre, à
accompagner les transformations de personnes et des groupes en situation
d'acculturation, et de créer les conditions d'un agir commun.
(Thomas, 2000,
www.médiation-interculturelle.com)
Au total, la formation à l'interculturel est un
processus qui s'opère à travers les méthodes
actives, les constructions expérimentales, les moyens d'observation,
d'analyse et d'évaluation, les réflexions théoriques et
les acquis de l'expérience confrontés à d'autres
expériences. L'apprentissage de l'interculturel qui doit être
permanent sera facilité par la maîtrise des méthodes et
techniques d'analyse et de communication dont l'essence est de permettre de
situer dans l'échange, de le conduire, de permettre de prendre de la
distance et de l'analyser avec objectivité pour en tirer les meilleures
leçons.
V.4.3. La mise en oeuvre effective de la
compétence interculturelle en classe
Les Africains en général et les Camerounais en
particulier doivent veiller à la qualité et au respect de la
norme linguistique française hexagonale, même si les
spécificités de leurs cultures doivent être prises en
compte dans l'élaboration des curricula, l'adaptation des contenus,
l'application des démarches didactiques en classe de langue, dans le
processus d'enseignement/apprentissage et les pratiques didactiques
quotidiennes. Ceci implique en définitive l'ancrage culturel des
contenus d'enseignement parce que les cultures du terroir ont certainement
un impact sur l'enseignement / apprentissage de la langue française. En
effet, les divers colloques sur la norme du français parlé et
écrit en Afrique francophone subsaharienne ont épuisé
cette question, même si on y revient toujours. Et c'est à juste
titre que faisant une sorte d'évaluation générale des
assises de Yaoundé et en particulier des communications, Mbassi
(2003 :5), peut écrire :
Pour les uns, c'est l'autorité de la norme
standard, du français deVaugelas si ce n'est de Césaire ou de
Mallarmé. Ici, le bon usage n'est pas l'usage. Pour les autres, c'est
l'usage qui est bon usage. Il faut être libéral, laisser
s'épanouir la joyeuse liberté linguistique d'autant qu'elle
témoigne de l'appropriation du français et de l'affirmation de
l'exception culturelle. Il faut accepter le français dans tous ses
états.
Pourtant, l'acceptation du français dans tous ses
états ne signifie aucunement dénaturation ou rejet de la norme
standard. Et c'est pour cette raison que Mbassi (2003 :5) précise
toujours au sujet des communications des assises de Yaoundé que
aucun des intervenants enseignants ou chercheurs n'a dit
qu'il assumerait les normes endogènes, les déviances et autres
tropicalités dans ses écrits scientifiques. Aucun n'a
prononcé son exposé dans une langue française
africanisée, du moins pas de façon
délibérée. Aucun n'a dit qu'il tolèrerait des
particularités dans les copies de ses étudiants. Bien au
contraire, le raffinement de l'expression dans les communications, le propos
disert en français hexagonal ont montré la volonté
déterminée de sonner le glas du français d'Afrique.
C'était clair, au fond de chaque intervenant, il dort un cerbère
de la langue française.
Voilà qui est clair. La tolérance et l'effort de
compréhension des particularités du français parlé
en Afrique ne sont pas des raisons pour accepter une norme
débridée. Ainsi, l'emploi des particularités devrait
être une nécessité qui au lieu de dénaturer la norme
linguistique, enrichirait sinon la langue, du moins la communication en
permettant une meilleure compréhension interpersonnelle. Sinon, comment
procéder pour les réalités qui n'existent pas en
français ? Comment les désigner ? Comment en
parler ? Et Mbassi de conclure que
dans ce débat entre linguistes et grammairiens,
entre chercheurs et enseignants, tout se confondant parfois, je pense qu'il
faut relire Vaugelas,certes, mais aussi Labov et Gumperz pour tenir un discours
cohérent et sincère sur ces questions situées au coeur de
la pratique et de la didactique du français en Afrique (
2003 :5).
Il s'agit de maîtriser la grammaire normative
(Vaugelas), mais aussi la sociolinguistique (Labov et Gumperz) pour
appréhender toutes les spécificités de la langue. Si cette
double maîtrise de la langue est essentielle pour la syntaxe, elle l'est
encore plus pour le lexique. Et c'est la raison pour laquelle Rey (1993 :
8) écrit :
le lexique est au centre de [l'étude] du langage et
des langues en tant qu `objets sociaux. D'abord, les variantes locales et
sociales du lexique reflètent un ensemble pertinent de conditions
d'emploi, de situations concrètes. Ensuite, le lexique forme avec les
terminologies le point d'articulation entre langage, vision du monde et
appréhension du réel. Enfin, c'est le lexique, ensemble peu
systématique par rapport à la grammaire, qui fait l'objet des
descriptions didactiques indispensables.
L'ancrage culturel/interculturel et tous les points
soulevés en rapport avec la syntaxe et le lexique constituent ainsi
à la fois des modulateurs essentiels des activités d'enseignement
/ apprentissage, des repères et des balises pour les recherches
futures. Pour cela, il est important non seulement de maîtriser la
norme standard de la langue française, mais aussi de maîtriser les
cultures locales pour pouvoir faire une synthèse utile au niveau de la
signification textuelle. Un tel syncrétisme peut faciliter une nouvelle
mise en place de la didactique de la langue française en Afrique
subsaharienne.
V.4.4. La sémio-didactique revue
La sémio-didactique revue va puiser dans les autres
démarches didactiques pour définir une démarche globale de
l'enseignement des langues en Afrique, parce que le français n'a pas
un statut univoque en Afrique francophone subsaharienne. Bien au contraire,
elle y a à la fois le statut de langue étrangère, seconde
et maternelle, et plus. Par conséquent, en tant que synthèse des
étapes des approches communicative et autres pédagogies ou
méthodologies interculturelles et sémio-didactiques, la
sémio-didactique revue et corrigée pourrait suivre les
étapes suivantes en salle de classe :
- la découverte du corpus (groupement
de textes ou texte unique),
- l'analyse du corpus avec repérage
des particularités langagières ou discursives par rapport
à la norme linguistique standard,
- la distanciation ou le
décentrement ou encore la
décentration à travers une attitude objective
qui implique critique pour la découverte des valeurs culturelles
multiples. Cette phase permet ainsi l'explication des particularités et
valeurs culturelles à travers la reconnaissance non pas des
identités des apprenants, mais plutôt des identités
repérées et dégagées dans les corpus
étudiés,
- la compréhension empathique qui
permet de comprendre l'autre en se mettant au besoin à sa place, et
partant l'herméneutique ou l'interprétation du corpus
pour une approche de la signification textuelle.
Globalement, l'une des innovations au niveau de cette
démarche est qu'elle ne considère pas les apprenants comme des
débutants purs, ne connaissant que leurs langues maternelles. Elle
considère l'apprentissage de la langue en général,
fût-elle langue maternelle, seconde ou étrangère. De
même, elle ne tend pas à confondre un cours de langue à une
étude anthropologique avec une approche trop poussée de la
connaissance des modes de vie des individus.
Par ailleurs, dans la sémio-didactique de
Gourmelin-Berchoud (1996, 155), la négociation du temps, de l'espace
et du réseau de significations telle que indiquée dans
« le temps de la négociation explicite et implicite du
cadre et des positions respectives » se fait par rapport aux
identités des apprenants. De même, « le temps de
l'appréciation des contraintes et enjeux ...», conçue de
manière trop restreinte correspond purement à l'apprentissage
de la langue étrangère. Ici par contre, la négociation
se fait plutôt par rapport aux indices relevés dans le corpus
étudié.
Néanmoins, « l'appréciation des enjeux
intellectuels » correspond au quatrième point de notre
démarche à savoir l'herméneutique qui permet
d'interpréter les textes pour dégager leur signification. Et tout
au long de la démarche proposée ici, l'instrument
théorique à utiliser est la
sémiolinguistique et plus précisément les
théories de l'énonciation. Cet instrument
théorique permet d'étudier le temps, l'espace et les personnes
repérés dans le texte pour en dégager la signification
générale qui, au-delà de sa portée interculturelle,
devrait en définitive servir l'éducation dans ses idéaux.
V.4.5. La compétence interculturelle au service de
l'éducation
Prendre en compte la compétence interculturelle des
enseignants pour une meilleure acquisition de la langue en contexte, c'est
automatiquement inscrire la démarche didactique dans le cadre de la
théorie des besoins langagiers de la communauté, seule
démarche qui ancre l'action didactique dans le milieu, qui permet
à l'individu d'être au centre de son apprentissage et
d'éprouver le plaisir d'apprendre parce que ses besoins sont
considérés.
Conçu comme étant l'expression d'une tension ou
d'un conflit interne, le besoin est un état de manque, d'insatisfaction,
de déséquilibre qui pousse à agir en vue d'atteindre un
état de satisfaction, d'équilibre, d'apaisement. Il traduit une
tension et sa satisfaction incite l'individu à passer d'un état
de manque à un état de manque comblé. A cet effet, Le Ny
(1972 :184) précise que le besoin est un
état objectif de déséquilibre
d'un organisme par rapport à son environnement : chez les animaux
supérieurs, cet état conduit à la recherche d'un nouvel
équilibre au moyen d'une activité provoquée par une
motivation..
C'est donc du contact de l'individu et de l'environnement que
naît le besoin qui devient, comme le pensent Rousson et Boudineau
(1977 :2), « une nécessité née
de la relation d'un agent au champ social». De là, il faudrait
comprendre que l'utilisation d'un état de langue métissée
ou caractérisée par l'alternance codique, une langue qui n'est ni
pidgin, ni créole, relève du contact de l'individu avec un
environnement social où coexistent plusieurs langues plus ou moins
maîtrisées par les locuteurs.
En effet, même quand les langues
étrangères ou secondes sont maîtrisées, il faudrait
relever qu'il existe beaucoup de réalités dans la
société camerounaise que la langue française ne saurait
traduire avec exactitude, tout comme les langues locales ne sauraient exprimer
termes à termes la totalité des réalités
rencontrées dans une communauté sociale purement
française. Le locuteur, devant cette difficulté qui est en
même temps une nécessité, va privilégier la
compréhension de son message à la pureté de la langue. Et
Nuttin (1975 :91) le confirme encore dans une autre définition qui
conclut le débat en ces termes :
ainsi le besoin se définit comme une
relation « requise » entre l'individu et le monde, ou plus
précisément le besoin est cette relation en tant que requise
pour le fonctionnement (optimal) de l'individu.
Pour que la communication soit optimale entre les Camerounais
d'abord et entre les Camerounais et leurs interlocuteurs étrangers
ensuite, il y a de temps à autres l'intervention d'une
« interlangue », fruit de l'alternance nécessaire
entre la multiplicité de langues parlées en
société. Cette alternance est nécessaire en ceci qu'elle
révèle et traduit toute la complexité de la
réalité sociolinguistique multiculturelle ambiante. Elle est par
ailleurs la résultante de la conjugaison, de la synthèse des
besoins langagiers individuels qui, assemblés, permettent d'identifier
ceux de la société dans son ensemble et partant de bâtir
les objectifs et programmes de formation. Et pour cause, écrit
Richterich, « la notion de besoin [...] est indissociable de
celle d'objectif même, tant il est vrai qu'un besoin incite l'individu
à le satisfaire, donc à agir, donc à atteindre un
but » (1985 :22).
Ainsi, le besoin langagier ou de communication est à la
base de tous les discours humains, car chaque locuteur a un souci
primordial, une seule préoccupation : se faire comprendre, faire
passer son message. De même, c'est le besoin langagier qui oriente par
rapport aux exigences environnementales et communautaires quel vocabulaire et
quelle syntaxe utiliser. A terme, les besoins langagiers traduisent
l'implication discursive du sujet
parlant dans son texte et par conséquent, du culturel
et de l'interculturel qu'il incarne. Etudier l'interculturel et le prendre en
compte dans l'action didactique, c'est définir les besoins
langagiers des apprenants dont la satisfaction à travers l'atteinte
des finalités éducatives clairement formulées assure la
qualité de l'éducation.
En conclusion, connaître sa culture, connaître
celles des autres, ouvrir l'apprenant à l'univers, à la
mondialisation, telle est la finalité de la prise en compte de
l'interculturel afin que l'apprentissage linguistique au lieu d'aliéner
l'individu ou de lui voler sa pensée (Kom, 1979), lui permette
plutôt d'accéder à des niveaux de pensée et
d'éducation plus élevés. Il s'agit d'une situation assez
préoccupante pour les peuples des pays sous développés en
général et en particulier pour ceux de l'Afrique subsaharienne.
Et comme l'écrit précisément Kom (2000 :11),
l'enjeu est de taille et il faut craindre qu'au
moment où l'on scrute la contribution de chaque peuple à la
construction d'un monde global, l'Afrique n'offre que sa flexibilité,
c'est-à-dire en définitive sa soumission aux injonctions venues
d'ailleurs.
C'est le lieu de penser que l'interculturel en tant que espace
de « coopération et de marché », comme le
dirait Marmoz (2001), est le cadre idoine de construction de
personnalités fortes pour les citoyens, les peuples et les Nations tant
africains que d'ailleurs, bref pour une éducation de qualité et
l'édification de l'Homme tout court.
CONCLUSION GENERALE
Cette étude avait pour but primordial de
répondre à la question principale suivante : la
compétence interculturelle de l'enseignant en classe de langue peut-elle
avoir un impact significatif sur son efficacité didactique ?
Autrement dit, l'enseignant compétent interculturel maîtrise-t-il
mieux la didactique des langues et transmet-il mieux les savoirs lors de
son enseignement que celui qui ne l'est pas ? Autrement dit encore, les
élèves du premier sont-ils plus performants que ceux du
second ?
Au terme des enquêtes menées dans les huit
départements de la province de l'Ouest du Cameroun, les deux
hypothèses de recherche formulées sur l'impact de la
compétence interculturelle respectivement sur la maîtrise de la
didactique théorique et l'efficacité en didactique pratique ont
été confirmées au moyen du test du khi-carré. Cette
confirmation implique par conséquent celle de l'hypothèse
générale à savoir que la compétence interculturelle
de l'enseignant a un impact significatif sur son efficacité didactique.
Pourtant et malgré la satisfaction du résultat
final obtenu, il faut dire que cette étude présente quelques
limites. C'est dans ce contexte qu'il faut relever que les enquêtes sur
le terrain auraient pu être menées sur une durée plus
importante. Il faut aussi relever que l'appréhension de la
compétence interculturelle a été limitée à
ses aspects essentiellement langagiers. De même, l'appréciation
des compétences langagières a été limitée
à l'exploitation d'extraits de textes provenant de trois oeuvres
littéraires seulement. Néanmoins et au-delà de ces
lacunes, ce travail de recherche ouvre de perspectives tout à fait
explorables pour l'étude du culturel d'abord, pour celle de
l'interculturel ensuite, et enfin pour l'exploitation des rapports qui peuvent
exister entre les premiers éléments cités et la didactique
des langues.
Ainsi, cette étude recherche les voies et moyens
pouvant permettre de saisir et de maîtriser la culture de plus en plus
métissée, « tigrée »
(Abdallah-Pretceille, 1996), multicolore de l'homme d'aujourd'hui afin
d'améliorer l'enseignement / apprentissage des langues d'une part et la
compréhension interculturelle d'autre part. Elle esquisse la
définition des pistes pouvant permettre une acquisition plus facile de
la compétence interculturelle parmi lesquelles la multiplication
d'espaces culturels que sont les bibliothèques et les centres culturels
afin d'encourager la lecture et les échanges, la formation des
enseignants à l'interculturel, l'arrimage des modes et méthodes
d'enseignement / apprentissage aux exigences de la mondialisation, mais aussi
et surtout leur ancrage des milieux d'enseignement/apprentissage à la
connaissance des données anthropologiques des cultures (d'origine).
Au-delà des suggestions opportunes faites pour la
formation des enseignants à l'interculturel, ce travail de recherche
propose une démarche pédagogique pour
l'enseignement/apprentissage des langues, démarche allant dans le sens
de la synthèse améliorée des points positifs de
l'approche communicative, des pédagogies et méthodologies
interculturelles d`Abdelwaheb-Allouche (1984), de Séoud (1997), de
Rittau (2001), de Mialaret (2001), de Marmoz (2001) et de la
sémio-didactique de Gourmelin-Berchoud (1996).
Enfin, cette étude voudrait faire de l'interculturel un
instrument au service de l'éducation en ceci qu'il permet à
l'individu de s'ouvrir au monde, de se frotter aux autres et de les comprendre,
de dialoguer avec eux, bref de cultiver la tolérance, la
compréhension intertribale, interethnique, interraciale et
internationale, toutes recherchées par les Nations Unies, pour un monde
de paix et de développement. Le rapport des Africains à leurs
langues maternelles comme à leurs cultures ne devrait plus être
perçue comme étant « une relation ambiguë,
teintée de culpabilité » et le rapport entre la
langue française et les langues africaines ne devrait plus être
perçu par les uns et les autres comme étant une relation de
« rivalité, au pire, de conflit, voire de volonté
de domination du français sur les langues nationales »
(Ntchamandé (2005 : 76-77).
Au total et pour que les langues africaines sortent du maquis,
on pourrait reprendre les conclusions du rapport final de la réunion des
Experts de l'UNESCO sur la définition d'une stratégie pour la
promotion des langues africaines lors de sa 22è session ordinaire
à Addis-Abeba en 1986. En effet, il en ressort que
« l'émancipation culturelle des peuples africains et
l'accélération de leur développement économique et
social ne seront possibles que si les langues africaines sont
effectivement utilisées ». Par conséquent,
l'enseignement / apprentissage de la langue française doit
permettre non seulement de maîtriser la norme linguistique standard, mais
aussi et surtout de comprendre les violations de cette norme, distorsions
liées aux interférences des cultures d'origine ou autres dans les
communications, afin que l'apprenant soit ancré dans sa culture et
devienne vrai citoyen du monde.
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PANOFF, M. et PERRIN, M., (1973) : Dictionnaire de
l'ethnologie, Paris, Payot.
VERGEZ, A. et HUISMAN, D., (1971) : Petit dictionnaire de la
philosophie, Paris,
Nathan.
UNIVERSITE MARIEN NGOUABI
Brazzaville -Congo
CHAIRE UNESCO POUR L'AFRIQUE CENTRALE
EN SCIENCES DE L'EDUCATION
ANTENNE NATIONALE DU CAMEROUN
D.E.A. DE SCIENCES DE L'EDUCATION :
Option Evaluation et Didactique
COMPETENCE INTERCULTURELLE ET EFFICACITE DE L'ACTION
DIDACTIQUE
EN CLASSE DE LANGUE
Mémoire présenté et soutenu en vue de
l'obtention
du Diplôme d'Etudes Approfondies (D.E.A.) de
Sciences de l'éducation
Par
TEMKENG Albert Etienne
DIPEN II
D.E.A. ès Lettres (Etudes africaines).
Sous la co-direction de :
M. Félix Nicodème BIKOI
M. Gilbert TSAFAK
Maître de Conférences
Professeur
Mars 2006
LISTE DES ABREVIATIONS
ADEA : Association pour le Développement de
l'Education en Afrique,
AFIDES : Association Francophone Internationale des
Directeurs d'établissements
scolaires,
AFIRSE : Association Francophone Internationale de Recherche
Scientifique en
Education,
CAPI : Certificat d'Aptitude Pédagogique
d'Instituteurs,
C.D. : Compact Disk (Disque compact),
DIPEN II : Diplôme de Professeur de l'Enseignement
Normal, Deuxième Grade,
Diplômés Ens. Sup. : Diplômés de
l'Enseignement Supérieur (Enseignants du privé),
FIPF : Fédération Internationale des
Professeurs de Français,
I.E.G. : Instituteur de l'Enseignement
Général,
I.I.E.P. : Institut International de Planification de
l'Education,
MINEDUC : Ministère de l'Education Nationale,
IPEG : Instituteur Principal de l'Enseignement
Général,
PAENI : Professeur- Adjoint des Ecoles Normales
d'Instituteurs ( PENIA),
PCEG : Professeur des Collèges d'Enseignement
Général,
PENI : Professeur d'Ecole Normale d'Instituteurs,
PENIA : Professeur d' Ecole Normale d'Instituteurs-Adjoints,
PLEG : Professeur des Lycées d'Enseignement
Général,
Q. : (dans le tableau synoptique des variables) :
question,
S.E.A. : Système des Ecoles Associées de
l'UNESCO,
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l'Education, la
Science et la Culture,
United Nations Educational Scientific and Cultural
Organisation,
UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l'Enfance,
United Nations International Children's Emergency Funds.
SOMMAIRE
N°
|
TITRES
|
PAGE
|
|
Dédicace
|
I
|
|
Remerciements...
|
II
|
|
Résumé / Abstract
|
III
|
|
Listes des abréviations
|
IV
|
|
Liste des tableaux
|
V
|
|
Sommaire
|
VI
|
|
|
|
|
INTRODUCTION GENERALE
|
1
|
|
|
|
|
PREMIERE PARTIE : PROBLEMATIQUE ET CADRE
THEORIQUE
|
3
|
|
CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE
|
4
|
I.1.
|
Le choix du sujet
|
4
|
I.2.
|
La formulation du problème
|
6
|
I.3.
|
Les objectifs de l'étude
|
8
|
I.4.
|
L'intérêt de l'étude
|
9
|
I.5.
|
La délimitation de l'étude
|
10
|
I.5.1
|
La délimitation thématique
|
|
I.5.2.
|
La délimitation spatiale
|
|
I.5.3.
|
La délimitation temporelle
|
|
|
CHAPITRE II : LE CADRE THEORIQUE DE
L'ETUDE
|
12
|
II.1.
|
La définition des concepts
|
|
II.1.1.
|
La notion de compétence interculturelle
|
|
II.1.2.
|
L'efficacité de l'action didactique
|
|
II.1.3.
|
Le français en francophonie africaine
|
|
II.2.
|
La revue de la littérature
|
|
II.2.1.
|
Les premières méthodologies d'enseignement des
langues
|
|
II.2.2.
|
L'approche communicative
|
|
II.2.3.
|
La pédagogie interculturelle d'Abdelwaheb Allouche
|
|
II.2.4.
|
La sémio-didactique de Gourmelin-Berchoud
|
|
II.2.5.
|
La démarche interculturelle d'Amor Séoud
|
|
II.2.6.
|
La méthodologie interculturelle de Rittau
|
|
II.2.7.
|
La recherche interculturelle d'après Louis Marmoz
|
|
II.2.8.
|
La pédagogie interculturelle de Mialaret
|
|
II.2.9
|
Les principes de la démarche interculturelle
|
|
II.3.
|
Les hypothèses de l'étude
|
|
II.3.1.
|
L'hypothèse générale
|
|
II.3.2.
|
Les hypothèses de recherche
|
|
II.4.
|
Les variables de recherche
|
|
II.4.1.
|
La variable indépendante
|
|
II.4.2.
|
Les variables dépendantes
|
|
|
|
|
|
DEUXIEME PARTIE : LE CADRE
METHODOLOGIQUE
|
|
|
CHAPITRE III : LA METHODOLOGIE DE
L'ETUDE
|
|
III.1.
|
Le type et le modèle de recherche
|
|
III.1.1
|
Une recherche appliquée
|
|
III.1.2
|
Le modèle exploratoire
|
|
III.2.
|
La population et l'échantillon de
recherche
|
|
III.2.1
|
La population de recherche
|
|
III.2.2
|
L'échantillon de recherche
|
|
III.3.
|
L'instrument de collecte de données
|
|
III.3.1
|
L'élaboration du questionnaire
|
|
III.3.2
|
La validation du questionnaire
|
|
III.3.3
|
L'enquête ou la collecte des données
|
|
III.4.
|
La méthode de traitement et d'analyse des
données
|
|
III.4.1
|
La méthode de traitement des données
|
|
III.4.2
|
L'outil statistique
|
|
|
|
|
|
TROISIEME PARTIE : RESULTATS DE
L'ETUDE
|
|
|
CHAPITRE IV :
LA PRESENTATION DESCRIPTIVE DES RESULTATS
|
|
IV.1.
|
Les caractéristiques des sujets
|
|
IV.1.1
|
Le sexe
|
|
IV.1.2
|
Le niveau académique
|
|
IV.1.3
|
Le niveau professionnel
|
|
IV.1.4
|
L'ancienneté professionnelle
|
|
IV.2.
|
La compétence interculturelle
|
|
IV.2.1
|
La répartition des sujets d'après le nombre de
réponses justes obtenues
|
|
IV.2.2
|
Le regroupement des sujets d'après les niveaux de
compétence
|
|
IV.3.
|
La compétence méthodologique
|
|
IV.3.1
|
La répartition des sujets d'après le nombre de
réponses justes obtenues
|
|
IV.3.2
|
Le regroupement des sujets d'après les niveaux de
maîtrise
|
|
IV.4.
|
Les résultats scolaires
|
|
IV.4.1
|
La description des résultats
|
|
IV.4.2
|
Le regroupement des sujets d'après les niveaux
d'efficacité
|
|
IV.2.1
|
La répartition des sujets d'après le nombre de
réponses justes obtenues
|
|
IV.2.2
|
Le regroupement des sujets d'après les niveaux de
compétence
|
|
|
CHAPITRE V : LA VERIFICATION DES HYPOTHESES ET
L'INTERPRETATION DES
RESULTATS
|
|
V.1.
|
La vérification des hypothèses
|
|
V.1.1.
|
Compétence interculturelle et compétence
méthodologique
|
|
V.1.2.
|
Interprétation des résultats au niveau de la
première hypothèse
|
|
V.1.3.
|
Compétence interculturelle et efficacité en
didactique pratique
|
|
V.1.4.
|
Interprétation des résultats au niveau de la
deuxième hypothèse
|
|
V.2.
|
Les implications des résultats
|
|
V.2.1.
|
Au niveau des caractéristiques des sujets
|
|
V.2.2.
|
Au niveau de la compétence interculturelle
|
|
V.2.3.
|
Au niveau de la compétence méthodologique
|
|
V.2.4.
|
Au niveau des résultats des élèves
|
|
V.3.
|
Les limites et les perspectives
|
|
V.3.1.
|
La conception générale de l'étude
|
|
V.3.2.
|
La conduite des enquêtes
|
|
V.3.3.
|
Une meilleure saisie de la compétence interculturelle
|
|
V.3.4.
|
Une mesure plus réelle de la compétence
interculturelle
|
|
V.4.
|
Les suggestions et recommandations
|
|
V.4.1.
|
La multiplication des moyens d'acquisition de la
compétence interculturelle
|
|
V.4.2.
|
La formation des enseignants à l'interculturel
|
|
V.4.3.
|
La mise en oeuvre effective de la compétence
interculturelle en classe
|
|
V.4.4.
|
La sémio-didactique revue
|
|
V.4.5.
|
La compétence interculturelle au service de
l'éducation
|
|
|
|
|
|
CONCLUSION GENERALE
|
|
|
|
|
|
BIBLIOGRAPHIE
|
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|
ANNEXES
|
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