Quel questionnement philosophique sur les conflits en Afrique ?( Télécharger le fichier original )par Emmanuel MOUTI NDONGO Grand seminaire - Fin cycle de philosophie 2006 |
CHAPITRE 2CARACTERISTIQUESDES CONFLITS AFRICAINSCette étude des types de conflits qui menacent les Etats du continent africain et leur existence, nous a fait remarquer que les différends africains même s'ils sont politiques ont aussi une nature personnelle. Il convient de voir comment ils se caractérisent dans la réalité. I.2.1. Les conflits africains sont politiquesLes Etats africains dans l'ensemble sont de création relativement récente. La plupart de ceux-ci ont moins d'un demi-siècle d'existence. Cette jeunesse les conduit inéluctablement à « une quête d'équilibre et d'harmonie »9(*). Cela étant, les Etats Africains sont exposés à une instabilité infernale. Celle-ci se manifeste par une remise en cause des règles juridiques qui ont servi à leur fondement et ont débouché sur leur constitution. C'est ainsi que certains Etats africains manifestent leur antagonisme frontalier par le désir de la modification d'une frontière connue ou la délimitation d'une frontière inexistante et imprécise. Tel fut le cas des conflits algero-marocain et camerouno-gabonais. D'autres conflits peuvent revêtir un caractère territorial lorsque le différend se manifeste par la revendication d'une fraction plus ou moins grande du territoire d'un autre Etat. Les litiges somalo-ethiopien et tchado-lybien se sont manifestés de la sorte. Les conflits africains au plan politique sont caractérisés par la contestation des autorités politiques établies à la tête de certains Etats. Cette situation se manifeste par les nombreuses guerres civiles que connaît le continent africain : le départ de Konan Bédié en décembre 1999 et la chute du régime d'Ange Félix Patassé en République centrafricaine en 2003. Cette action pernicieuse peut aussi venir d'un Etat tiers qui nie toute valeur à un système établi dans un autre Etat. Ainsi, le conflit dans ce cas est caractérisé par la recherche de l'affaiblissement et même la disparition du gouvernement contesté. I.2.2. Les conflits africains sont personnalisésLe caractère personnalisé des conflits en Afrique tient au fait que dans cette partie du globe, un seul individu concentre dans ses mains le pouvoir qu'il ne partage avec personne lorsqu'il ne l'incarne pas tout simplement. Aussi les litiges africains sont-ils personnalisés aussi bien dans leur survenance que dans leur développement. Dans leur survenance, les conflits opposent les chefs d'Etat. Ils ne touchent pas l'Etat voire la Nation comme personnes morales distinctes des personnes physiques. Ils touchent plutôt le chef d'Etat qui est la personnification de l'Etat et de la Nation. C'est ainsi qu'entre deux chefs d'Etat aux orientations politiques et idéologiques divergentes, peut naître un embrasement. Et une fois la tension créée, le conflit va rester « au sommet » puisque opposant essentiellement deux autorités politiques suprêmes et nationalités différentes ; et surtout en raison des corps intermédiaires. Ces conflits resteront davantage au sommet et atteindront rarement le niveau national car « de part et d'autre des frontières, vivent souvent les mêmes tribus parlant les mêmes langues et vivant en parfaite harmonie, confrontés aux mêmes problèmes quotidiens et ne se sentant nullement concernées par les conflits opposant les "sommets" »10(*). Même si dans sa survenance le conflit africain dépend de la volonté des chefs d'Etat, il faut aussi dire que son amplification est liée à cette même volonté. La personnalisation des différends africains dans leur aggravation ou leur atténuation tient au fait que ceux-ci n'obéissent qu'aux adversités des personnalités en présence. C'est ainsi que les conflits liés aux options idéologiques différentes de quelques chefs d'Etat suivent la courbe ascendante ou descendante de leurs humeurs. De même un changement de régime politique et donc de chef d'Etat peut faire disparaître le conflit existant. Ceci s'est illustré par les litiges qui, dans les années 60 envenimèrent fréquemment les relations entre le Ghana de NKrumah et le groupe de conseil de l'Entente (Côte d'Ivoire, Haute-Volta, Niger, Bénin, Togo). Ceux-ci cessèrent brusquement avec l'éviction du leader ghanéen du pouvoir. Et de l'autre côté, nous pouvons mentionner la dégradation brutale des relations entre l'Ouganda du président Amin et la Tanzanie du président Nyéréré suite au départ brutal du président Milton Oboté. * 9 A. ZANGA, Op. cit., p. 77. * 10 Id, p. 81. |
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