Première partie :
LES FONDEMENTS THEORIQUES DU LIEN ENTRE CAPITAL
PUBLIC ET PRODUCTIVITE
La perception du rôle des dépenses publiques
comme facteur de croissance économique a remarquablement
évolué au cours de cette dernière décennie.
L'investissement public en infrastructures est davantage
appréhendé comme un facteur d'amélioration des
performances productives et de l'investissement du secteur
privé. Ce changement est dû en particulier aux travaux d'Aschauer
(1989) et au nouveau modèle de croissance de long terme de Barro
(1990).
Si l'analyse néoclassique de la croissance postule des
rendements constants sur tous les facteurs, nous verrons qu'il est possible de
n'avoir des rendements constants que sur les facteurs privés, ce qui
confère au capital public un statut d'externalité propre aux
biens publics. Les nouveaux modèles de croissance joueront sur
cette possibilité, de même que sur le rendement des facteurs
accumulables, pour faire apparaître une croissance endogène
auto-entretenue et non plus exogène comme dans le modèle
néoclassique.
Le premier modèle de croissance endogène faisant du
capital public le moteur de la croissance est qualifié aujourd'hui
d'approche primale. Contrairement à l'approche duale qui
présente la formalisation micro-économique du lien entre
croissance et infrastructures passant par une dualité entre fonction de
production et fonction de coût, l'approche primale permet
d'élargir la perception du rôle productif des infrastructures dans
la perspective d'un modèle de croissance (ou formalisation
macro-économique).
Dans ce qui suit, nous présenterons d'abord le
modèle de croissance économique traditionnel de Solow-Swam
(chapitre I), ensuite le nouveau modèle de croissance endogène
avec capital public de Barro (chapitre II).
Chapitre 1 : DE LA CROISSANCE NEOCLASSIQUE A
LA CROISSANCE ENDOGENE
Dans les années quarante, deux économistes se
réclamant de Keynes, Roy Harrod et Everett Domar proposèrent des
modèles de croissance. Leur principale contribution fut que,
laissé à lui même le système ne peut assurer la
croissance avec plein emploi et ceci essentiellement en raison de la mauvaise
coordination des décisions de ceux qui, d'un côté
épargnent et de ceux qui, de l'autre investissent. Le message sous
jacent à ces modèles est que l'État doit intervenir pour
corriger le défaut de coordination des décisions des agents
individuels. A la vision pessimiste donnée par les modèles
Keynésiens d'après guerre a succédé, au milieu des
années 50, la présentation plus optimiste de Solow qui suppose
résolu le problème de coordination, et qui postule en particulier
le plein emploi permanent. Le modèle de Solow, point de départ de
presque toutes les analyses de la croissance, nécessite pour bien
appréhender l'impact de l'investissement en infrastructure une
connaissance approfondie. L'objet de ce chapitre est consacré à
l'analyse du modèle de croissance traditionnel utilisé par les
économistes, celui de Solow et les enseignements du modèle AK de
Rebelo (1991).
I - LE MODÈLE NÉOCLASSIQUE DE SOLOW-SWAM
Le modèle de Solow-Swam comporte deux sources de
croissance : une source « endogène »,
l'accumulation du capital et une source « exogène »,
la quantité de travail disponible. L'accumulation du capital est
déterminée par le modèle mais tel n'est pas le cas du
travail disponible. De cette approche néoclassique en raison des
caractéristiques de la fonction de production macroéconomique
qu'elle postule, c'est la parfaite flexibilité des prix des facteurs qui
rend possible le mouvement de substitution entre le travail et le
capital ; il résulte une croissance de long terme harmonieuse car
régulière. L'attrait et la place centrale que le modèle de
Solow continue d'occuper dans les théories de la croissance tiennent
à la simplicité et à la robustesse des hypothèses
qui le fondent et à sa capacité à expliquer
« beaucoup » à partir de « peu »
d'éléments. La sous-section ci-dessous se propose
d'étudier les enseignements de ce modèle de base et d'en
ressortir ses limites.
A. Les enseignements du modèle
Nous examinerons comment l'économie décrite
ci-dessus évolue dans le temps. L'économie est gouvernée
par l'évolution du seul facteur capital. Celle du travail étant
exogène.
a. Dynamique du modèle.
La dynamique du modèle repose essentiellement sur la
dynamique du facteur capital décrite par l'équation:
or
(1.1).
L'accumulation du capitalde l'écart entre
l'investissement la dépréciation du capital
, où le taux de dépréciation du capital.
L'investissement est ce qui reste de la production une fois ôtée
la consommation. Puisque le taux d'épargne s est constant,
c'est une fonction constante de la production. Or celle-ci est telle que le
rendement marginal du capital est une fonction décroissante du
capital : plus le niveau de capital installé est
élevé, plus sa rentabilité marginale est faible. Ainsi
quand il y'a peu de capital dans l'économie, la partie de la production
qui est investie permet d'accroître fortement le capital. A la limite
lorsque la quantité de capital est infinie, sa productivité
marginale devient nulle. Ainsi le seul facteur de production qui se modifie
étant le capital et son accumulation réduisant son
efficacité au cours du temps, la productivité va diminuer. Il
existe donc une valeur du stock de capital telle que l'augmentation d'une
unité de l'investissement induit un accroissement de la production
épargnée plus fiable que l'investissement de point mort7(*). A cette
valeur limite, l'accumulation s'arrête. Les équations
précédentes décrivent ces différentes
situations :
. Soit
. (1.2)
est le capital par tête et n le taux de
croissance de la population. A l'état régulier8(*) (équilibre de long terme)
on a:
.
Où la valeur du capital par tête
d'équilibre constante. A ce niveau de capital, l'investissement permet
de renouveler le stock de capital. L'équilibre est stable : quand
l'économie se trouve à ce niveau d'équilibre du capital,
elle y reste. Le seul taux de croissance de capital par tête que peut
posséder une telle économie est nul. A cet équilibre,
toutes les variables par tête sont constantes et les variables en niveau
croissent toutes au même taux exogène (n) égal au taux de
croissance de la population. Il en est de même des prix, taux
d'intérêt (r) et taux de salaire (w).
(1.3)
* 7 Investissement de point
mort : volume de capital permettant de maintenir le capital par tête
à son niveau actuel
* 8 Situation où
toutes les variables en niveau (quantités, prix) croissent à taux
constants.
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