4 Conclusion
J'ai sans doute donné, à certains d'entre vous,
le sentiment que je suis arrivée à l'ESAT comme devant une page
blanche et que j'ai par l'intermédiaire de ma plume, refonder,
rénover et restructurer un établissement spécialisé
dans l'accueil de personnes handicapées psychiques.
Cela n'est pas le cas, j'ai ajusté mon positionnement
de chef de service à une culture et à des pratiques
catégorielles qui offrent depuis plus de cinquante ans, par
l'intermédiaire de l'association et de l'ESAT, une alternative tout
à fait appropriée à l'hospitalisation. J'ai simplement,
parce que je n'avais au départ aucune connaissance d'un fonctionnement
social et économique d'un ESAT, pas plus que d'information ou de
compréhension des particularités des usagers et parce que j'avais
un vécu institutionnel important, posé un autre regard sur une
structure et des personnes confrontées à des changements
importants auxquels elles doivent s'adapter. Outre le fait d'être dans
l'obligation de répondre à un cadre réglementaire, il
était nécessaire d'amener l'ESAT à se poser la question du
sens. Les valeurs transmises par l'association et ses fondateurs doivent faire
l'objet d'une réflexion et mobiliser tous les acteurs parce que le
travail comme valeur thérapeutique, sociale et économique ne peut
à lui seul satisfaire les attentes et les besoins des usagers.
Dès lors, il me paraissait important de redéfinir un projet de
service qui trouve une place à des actions éducatives et/ou
thérapeutiques pour personnaliser le service rendu aux usagers en
contrepoint de l'activité économique assignée au besoin
institutionnel de maintenir économiquement viable un lieu d'accueil et
de travail.
Pour beaucoup d'usagers, la limite de la faisabilité et
de la pertinence de leur parcours restera l'ESAT, lieu approprié pour
finaliser un projet de travail et de vie sur un long terme. Les outils et les
méthodologies préconisés garantiront une prise en charge
de qualité et favoriseront leur participation à la vie
institutionnelle.
Pour les personnes susceptibles d'intégrer le milieu
ordinaire et pour qui l'équipe aura mis tout en oeuvre pour qu'ils
soient préparés à cela, il s'agira de déterminer la
pertinence d'un tel projet. La progression des traitements
thérapeutiques modifie les paramètres qui limitaient auparavant
l'insertion. Il y a une meilleure connaissance des maladies qui facilitent le
repérage des rechutes. Les hospitalisations sont de plus courtes
durées et les traitements s'affinent. Les conséquences directes
de ces améliorations sont que les niveaux d'étude et de
professionnalisation des personnes atteintes de handicap psychique augmentent.
Ces différents paramètres associés, aux
possibilités qu'offre la loi 2005 et au projet proposé dans le
cadre de cet écrit peuvent à terme, peuvent amener l'ESAT
à augmenter de façon significative les insertions en milieu
ordinaire de travail et permettre à des personnes qui sont depuis
longtemps sur liste d'attente de trouver une place en milieu
protégé.
Mais l'environnement en constante évolution requiert de
mesurer finement les risques que l'on fait courir à des personnes car en
dépit des avancées cruciales de la prise en charge
thérapeutique, elles ont besoin d'appuyer leur stabilisation et leur
développement sur le secteur hospitalier et médico-social. Or la
réduction importante du nombre de lits en hôpital freine les
prises en charge en cas de rechute. Il y a de plus un manque de places en
structures spécialisées dans l'accueil de personnes atteintes de
troubles psychiques, soixante cinq personnes sont en attente de place à
l'ESAT. Pourra-t-on, dans ce cas et comme le prévoit la loi 2005,
garantir un retour à un usager ne pouvant répondre aux
contraintes d'un emploi en milieu ordinaire ?
Tous ces phénomènes m'incitent, dans mon
rôle de chef de service, à une grande prudence, d'autant que
depuis la promulgation des lois 2002 et 2005, l'ensemble de la population
française est confrontée à une récession
économique qui a des répercussions sur l'emploi des
salariés des entreprises du milieu ordinaire ce qui ne va pas, à
coup sur, favoriser l'insertion de travailleurs atteints d'un handicap.
|