INTRODUCTION
« Micro credit, a macro idea1 »
1. - « Micro credit, a macro idea
». Le slogan énoncé à l'occasion du
Sommet mondial du micro-crédit en février 1997 à
Washington2, explique parfaitement l'importance et la reconnaissance
du micro-crédit comme étant une nouvelle forme innovante dont
l'objectif est de permettre à des personnes exclues du système
bancaire d'accéder à un crédit afin d'entreprendre une
activité génératrice de revenus et de réduire, par
conséquent, la pauvreté. Cette reconnaissance est doublement
remarquée, d'une part, par l'adoption de l'année 2005 comme
l'Année internationale du micro-crédit et par le Sommet
global du micro-crédit en 2006 à Halifax3, et d'autre
part, par l'attribution du 13 octobre 2006 du prix Nobel de la paix au
professeur Mohamad Yunus4 et à sa banque, la
Grameen Bank. Cet engouement a suscité beaucoup de
réflexions sur la réalité de l'efficacité du
microcrédit quant au rôle qui lui est confié.
Economiquement et socialement utiles et séduisants, les débats ne
portent pas, par ailleurs, clairement sur ses aspects juridiques, de sorte
qu'on pourrait douter de la place du micro-crédit en droit positif.
Malgré cette observation, le micro-crédit, inventé par les
économistes, a pénétré implicitement dans le
domaine juridique. Cette recherche constitue donc une contribution au
débat politique législatif concernant le micro-crédit dans
un contexte comparé entre le droit français et le droit
1. Hillary ClINTON : littérairement « le
micro-crédit, une macro-idée » : V. « Le
microcrédit du tiers-monde aux Etats-Unis », in Le monde, 10 juin
1997.
2 . Ce sommet est organisé à l'initiative de M.
le professeur Yunus. Il a permis à des milliers de personnes
engagées dans leurs pays, du Sud, de l'Est et du Nord, de prendre
conscience de l'importance de leur action et de décider
d'éradiquer la pauvreté du monde au moyen de micro-crédit.
- V. Micro-credit Summit International, Février 1997, Plan of action,
Washington, p. 40.
3. Ce Sommet s'est tenu du 12 au 15 novembre 2006 à
Halifax, Nouvelle-Écosse, au Canada.
4. Professeur d'économie à l'université
Chittagong et fonctionnaire à la Banque Mondiale et au FMI. Il a fait
ses études de doctorat et son PHD aux Etats-Unis et a commencé
à enseigner l'économie à l'Université de Chittagong
en 1972. Le prix Nobel de la paix lui a été attribué et
à sa Banque, le 13 octobre 2006. Le président du comité
Nobel, Ole Danbolt Mjoes, a déclaré que « une paix
durable ne peut pas être obtenue sans qu 'une partie importante de la
population trouve les moyens de sortir de la pauvreté ». Ce
prix contribue à la reconnaissance internationale du micro-crédit
comme outil de lutte contre la pauvreté.
cambodgien.
2. - Que signifie le micro-crédit ?
A priori, bien qu'il soit mondialement connu, aucune
définition exacte du micro-crédit n'a été
unanimement adoptée. Une définition du microcrédit est
ainsi proposée : « le micro-crédit désigne un
prêt de faible montant garanti par une relation de proximité et
dont l'objet est de permettre à une ou des personnes
économiquement faible(s), normalement exclue(s) du cycle de financement
formel, de créer ou de développer sa propre activité
économique (micro-crédit professionnel) ou de réaliser un
projet personnel en vue de son insertion professionnelle et sociale
(microcrédit social) ». On peut, ensuite, se demander
d'où vient le micro-crédit ? L'historique du micro-crédit
peut être mieux conçue à la suite d'une brève
explication du dualisme du système de financement5. Ce
dualisme résulte de la constatation de l'objet du secteur financier
consistant à mettre en relation les agents à excédents de
capitaux avec les agents à besoin de capitaux6. Les banques
et le marché financier jouent parfaitement ce rôle. Selon la
logique marchande un certain nombre d'agents économiques sont exclus
de facto du système qui ne s'intéresse pas à eux.
Exclus du système de financement formel, ils recourent donc dans la
majorité des cas à un autre système de financement
coûteux7 dit « informel ». Dans ces deux
systèmes de financement, les choses ne se passaient pas de la même
façon.
3. - Le financement formel. Le
secteur formel est normalement financé par les banques. Les banques, qui
font commerce de l'argent et qui sont donc en quête de
rentabilité, peuvent parfaitement refuser le crédit en raison de
l'absence du droit au crédit. Les emprunteurs dont la situation
financière est très modeste et qui ne peuvent pas répondre
aux critères de sélection des banques, n'avaient pas
d'accès au financement. Pendant ce temps, les populations locales
manquent d'argent pour développer des activités qui sont souvent
informelles, certes, mais qui sont génératrices de revenus.
Exclues du financement
5. OULD NEMINE Ahmed, Le rôle du micro-crédit
dans le financement du développement, thèse de
l'Université de Nice, 15 décembre 2004, p. 27 et 60-80 : «
Il a été énoncé que ce dualisme de secteur est la
conséquence de la répression financière, et la
libéralisation financière est la mesure qui permet
d'éradiquer le secteur informel. Toutefois, d'autres approches (les
néo-structuralistes) concluent que l'existence en parallèle des
deux systèmes est nécessaire, d'autant plus que ces
systèmes sont plus complémentaires que concurrents ».
6 . Lettre
verninmen.net, l'actualité
micro-finance, Décembre 2006, n°53 ; Laurence SCIALOM, Economie
bancaire, Collection repère, 1999.
7. E. LITTLEFIELD et R. ROSENBERG, « Une
démarcation de plus en plus réduite entre la microfinance et
secteur financier formel », in Le Rapport moral sur l'argent dans le
monde, éd. Association d'économie financière, 2006, p.
139-149.
classique, elles sont tributaires du secteur de financement
informel.
4. - Le financement informel. Force
est de constater le rôle limité des banques. Soit elles sont peu
présentes dans les campagnes, soit elles sont peu sollicitées
parce que leurs services ne sont pas adaptés aux besoins de populations
locales. Le secteur informel facilite alors l'accès au crédit. Le
secteur informel du financement ne fonctionne pas selon les normes et les
mécanismes du secteur dit formel. A côté de l'usurier
proprement dit, on peut emprunter à la famille ou à des amis. On
peut aussi se regrouper pour se prêter et s'emprunter les uns aux autres.
Le développement du secteur informel est dû à
l'impossibilité des banques d'étendre leurs activités au
segment de la clientèle visée par le secteur informel. Il s'agit
bien d'un secteur de financement puisqu'il permet aux personnes exclues du
système bancaire classique d'avoir d'accès au crédit. Il
est informel du fait qu'il n'est pas soumis au cadre juridique du
système formel. Ce secteur informel n'existe qu'en marge du secteur
formel qu'il ne prétend pas de remplacer. Il est par ailleurs
complémentaire à ce dernier. Malgré cette constatation, on
trouve que dans des pays en voie de développement, tels que le Cambodge,
le secteur informel de financement est plus étendu que celui classique
des banques. Il a été très pratiqué parce qu'il
s'inscrit naturellement dans la vie de tous les jours.
Dans le secteur informel, les relations entre les
débiteurs et les créanciers sont des relations personnelles
résultant du lien de proximité, ce qui conditionne sa plus grande
efficacité. Comme les personnes se connaissent bien, l'information sur
la solvabilité des unes et des autres est suffisante. Il y a peu de
risque de non remboursement. Bien qu'il présente cet aspect positif, le
secteur informel de financement comporte, par ailleurs, des
inconvénients pour l'emprunteur qui doit payer des coûts de
crédit très élevés. Conscients de ce
problème, les gouvernements et les Organisation non gouvernementales
(ONG) ont mis en place des programmes de crédit rural. Mais le
résultat était décevant notamment en ce qui concerne
l'offre très limitée de crédit aux pauvres. C'est dans
cette optique que l'idée de micro-crédit a été
accueillie avec enthousiasme. Il s'agit d'une innovation importante qui a
transformé la manière d'envisager l'octroi du crédit.
5. - L'innovation du micro-crédit.
La logique financière tient les personnes démunies
à l'écart du circuit bancaire parce qu'elles sont fragiles. Les
besoins de ces populations ne sont pas couverts par le circuit classique. Cette
exclusion financière constitue un obstacle
important pour les personnes désireuses de créer
leurs activités indépendantes et donc de trouver leurs
citoyennetés économiques8. C'est
précisément cet obstacle et le souhait de faire de ces personnes
des acteurs économiques comme les autres que le micro-crédit se
propose de surmonter. Ce nouveau concept s'adresse donc aux personnes n'ayant
pas accès au système financier classique. La compréhension
du développement du concept de microcrédit réside dans son
histoire.
6. - La genèse du micro-crédit.
On a l'impression que tout a commencé en février
1997 quand s'est tenu à Washington le premier Sommet mondial du
micro-crédit, sous le patronage de l'ex-Président Bill Clinton,
qui a pour objectif d'atteindre cent millions de familles parmi les plus
pauvres de la terre d'ici 2005. En réalité, même si on ne
parle du micro-crédit que depuis ces vingt dernières
années, il s'inscrit, en revanche, dans une histoire un peu plus longue.
L'histoire de micro-crédit remonte aux années 1 8409.
Mais il fut redécouvert dans les années 1970, cent ans
après la naissance de première coopérative
d'épargne-crédit initiée par Raiffeisen. Il est donc
difficile d'en accorder la paternité au professeur Yunus.
F. W. Raiffeisen lança en 184810, en
Rhénanie, la première coopérative de crédit pour
lutter contre l'usure qui surchargeait les paysans. Contrairement aux
Monts-de-Piété11 remontant au Moyen-âge en 1462,
les coopératives d'épargne et de crédit ne sont pas des
entreprises de prêt sur gage mais de véritables
intermédiaires financiers. La première raison de cette
coopérative était la prise en compte des pratiques usuraires. Ici
comme ailleurs, les paysans empruntent, en argent ou en nature, surtout dans
les mois qui précèdent la récolte, à un
commerçant, à un prêteur professionnel, à des taux
exorbitants pouvant atteindre 50 à 100% pour une durée qui
n'importe pas mais qui est toujours courte. La coopérative avait pour
premier but d'offrir des cautions mutuelles aux banques afin que ses membres
puissent évoluer vers la collecte de l'épargne pour pouvoir
prêter directement
8.Semaine du microcrédit, Lancement du Fonds de
cohésion sociale, Mardi 5 avril 2005 :
www.cohesionsociale.gouv.fr.
9. Jaques ATTALI, « La micro-finance, aujourd'hui »,
in Le rapport moral sur l'argent dans le monde, éd. Association
d'économie financière, 2006, p. 153 ; Maria NOWAK, « Le
micro-crédit en France et en Europe », in Le rapport moral sur
l'argent dans le monde, éd. Association d'économie
financière, 2003-2004, p. 429 (cet auteur précise que le
micro-crédit tel qu'il s'est développé en Asie et en
Amérique latine, depuis les années 1970, n'est qu'une
résurgence des mêmes idées existantes et
développées par Raiffeisen au milieu du XIXème
siècle).
10 . Laurent LHERIAU, Précis de réglementation
de la micro-finance, tome I : le droit financier et la micro-finance, AFD,
2005, p. 19-22.
11. Pour une histoire des Monts-de-Piété et du
Crédit Municipal, voir le site Internet du Crédit Municipal de
Paris :
http://www.creditmunicipal.fr/.
à leurs membres. Elles furent à l'origine de toutes
les banques mutualistes d'Europe.
La conception du micro-crédit fut redécouverte
et s'est manifestée avec la création de la Grameen
Bank12, une banque rurale bénéficiant
d'un statut spécial, au Bangladesh en 1976. Après une terrible
famine, un professeur d'université, Mohamed Yunus, a l'idée
d'accorder de petits crédits13 à quelques groupes de
femmes pauvres pour les aider à développer une activité
qui leur procure un mode ste revenu. Accordé pour un an au taux de 20%,
il commence à être remboursé dès la deuxième
semaine par celle qui a emprunté ou par ses comparses, car le groupe
comprenant cinq personnes « comme les cinq doigts de la main
» avec la caution solidaire de tous les membres. Si l'une des femmes
ne remboursait pas à l'échéance, le groupe devait le faire
à sa place. Sinon, il était privé de tout autre
crédit postérieur. Lorsque le premier crédit sera
remboursé, une autre femme pourra emprunter à son tour, et ainsi
de suite. Quand toutes auront emprunté et remboursé, elles
pourront emprunter un peu plus. Cette formule est basée sur un groupe
dont les membres se connaissent bien. La méthode de Grameen Bank
s'adaptait parfaitement à la situation des zones rurales du
Bangladesh. Il montre donc que les pauvres et notamment les femmes de paysans
sans terre sont « un bon risque bancaire »,
c'est-à-dire que les pauvres, n'ayant pas d'autres alternatives, font
tout pour rembourser correctement leur crédit, si on sait s'adapter
à leurs conditions (petits crédits avec des montants progressant
régulièrement si le remboursement s'effectue
intégralement, etc.). Cette façon de faire le crédit a
été reprise aussi bien dans beaucoup de pays du Sud que dans des
pays du Nord. Le micro-crédit se développe rapidement et
constitue désormais l'une des préoccupations de la
communauté internationale qui proclame la mise en place d'un «
système financier ouvert à tous ». Il fait aussi
partie de la politique de l'Union européenne qui a, à travers la
Commission européenne, adopté des mesures politiques pour
promouvoir l'utilisation du micro-crédit en Europe à des fins
d'inclusion sociale14. En 2003, un réseau européen de
micro-finance qui regroupe à ce jour 28 institutions les plus diverses
s'intéresse particulièrement au micro-crédit.
7. - Le développement du concept du
micro-crédit : de micro-crédit à la
micro-finance.
12 . Le site officiel de la Grameen Bank (en anglais) :
www.grameen-info.org.
13 . M. YUNUS a donc décidé de prêter
« de sa poche » l'équivalent de 24 € (27 $) à un
échantillon de 42 femmes parmi les plus pauvres, à la condition
qu'elles rentrent dans un cycle économique générant un
revenu quotidien. L'expérience fût un succès puisque la
totalité des débitrices remboursèrent leur prêt
grâce à leur activité.
14 . Commission européenne, Des mesures politiques pour
promouvoir l'utilisation du micro-crédit en Europe à des fins
d'inclusion sociale, Conclusions des études politiques, 2005.
Pour beaucoup de personnes et pour le grand public en
particulier, la micro-finance se confond avec le micro-crédit. Si le
micro-crédit demeure l'instrument de base, son succès
entraîne de nouveaux besoins. C'est ici qu'entre en jeu la micro-finance.
La micro-finance recouvre, désormais une gamme de services plus large,
l'ensemble des services financiers offerts aux pauvres, aux populations mal
desservies. Auparavant, les services de microfinancement étaient
essentiellement axés sur l'octroi de prêts très modiques
(le micro-crédit) aux pauvres pour les aider à entreprendre des
activités productives. Mais au fil du temps, les services de
microfinancement se sont étendus pour couvrir un large éventail
de services financiers pour répondre aux besoins de personnes mal
desservies. Les besoins de ceux qui empruntent ne sont pas seulement un besoin
d'argent, à des conditions ou selon des modalités qui peuvent
varier sensiblement. C'est un besoin d'autres services qui sont habituellement
associés au crédit. Il en est trois qui accompagnent le
micro-crédit et qui constituent avec lui la micro-finance15.
Ce sont la micro-épargne, la microassurance16 et le transfert
de l'argent. C'est l'ensemble de ces services qui définit la
micro-finance. Elle signifie la distribution de services financiers notamment
le crédit et les épargnes aux familles pauvres, familles ayant
des revenus modestes et les petites entreprises17. Toutefois, la
micro-finance se résume pratiquement dans les pays industriels, comme en
France, à l'octroi du micro-crédit. Il s'agit d'un système
financier hybride qui combine à la fois les caractéristiques du
secteur formel et celles du secteur informel.
8. - La transposition du modèle Grameen
Bank. Grâce à son immense succès, le
modèle Grameen Bank a été imité par
plusieurs pays. Aujourd'hui, l'idée de micro-crédit est une
préoccupation internationale et s'est étendue dans d'autres pays
en Europe notamment en France. Contrairement aux pays du sud, cette adoption a
été très lente.
9. - Le contexte comparé du
micro-crédit en France et au Cambodge. Le
micro-crédit appliqué au Bangladesh a été reproduit
aussi bien en France qu'au Cambodge. Il est très important de remarquer
que reproduire la Grameen Bank ne consiste pas à reprendre
in extenso le modèle, à tenir compte des
caractéristiques du milieu et de l'adapter au contexte
15. M. LEPART, De la finance informelle à la
microfinance, éd. Archives contemporaine, AUF, 2005, p. 53.
16 . Marie CADOUX, « l'assurance au service des
microentrepreneurs », l'argus de l'assurance, n°7006, 22
décembre 2006.
17 . L'article 2 du Prakas (arrêté de la Banque
Nationale du Cambodge) n°7-01-49 Prorkor du 25 février 2002 sur
l'agrément et l'enregistrement des IMF, qui remplace le PraKas n°
700-06 Pror Kor du 11 janvier 2000 sur l'attribution de l'agrément aux
établissements de micro-finance (J.O du 15 janvier 2000, n° 2, page
66).
du pays. Il s'agit tout simplement de revenir à son
essence, à son objectif, à son formidable esprit d'initiative et
d'innovation. Le micro-crédit est importé en France dans un
contexte de chômage, d'exclusion financière, alors qu'il est
importé au Cambodge dans un contexte de pauvreté et surtout dans
le cadre du programme de développement.
10. - Le contexte du micro-crédit en
France18. Si la France est un pays fortement bancarisé,
80% des ménages français ont recours pour tout paiement
supérieur à 100 euros à des moyens de paiement, une partie
de la population, estimée à près de cinq millions
d'habitants19, reste en situation d'exclusion bancaire. Une partie
importante de la population n'a pas accès au crédit. Or,
l'accès au crédit est un moyen déterminant de la
citoyenneté économique. Le marché français de
micro-crédit est jugé sous-dimensionné par rapport aux
besoins. Désormais, le micro-crédit piétine en France. La
crise dans les banlieues de novembre 2005 a suscité l'implication du
gouvernement dans le projet d'exclusion financière. En outre, le prix
Nobel de la paix attribué au M. Yunus constitue un nouvel élan de
lutte contre l'exclusion financière.
10-1. - La dynamique française du
micro-crédit qui conjugue la mise à la disposition d'un
financement et d'un accompagnement personnalisé a déjà
prouvé son efficacité à travers des structures comme
l'Association pour le droit à l'initiative économique
(ADIE)20, France Active, France Initiative Réseau et le
Réseau Entreprendre21. En France, avant la création de
l'Association pour le droit à l'initiative économique, il n'y
avait aucune association de micro-crédit ou de lutte contre l'exclusion
financière. Au début, l'ADIE travaillait en partenariat avec les
établissements de crédit en partageant avec ces derniers les
risques du crédit à hauteur de 70%. En cas de défaillance
du débiteur, l'ADIE s'engage à racheter la part du risque
supporté par les banques. Cette forme de partenariat est toujours
encouragée du fait qu'il procure des avantages incontestables. De
nouvelles
18 . Maria NOWAK, on ne prête pas (que) aux riches,
JC Lattès, 2005, p. 142 et s.
19 . in Le monde du 10 juin 2004.
20 . L'Association pour le droit à l'initiative
économique est une association qui a été
créée suivant le modèle de la loi de 1901. Son rôle
est exercé conformément à la disposition
dérogatoire au monopole bancaire en matière d'opérations
de crédit. Il s'agit d'un principal acteur du micro-crédit,
créé en 1989 à l'initiative de madame Maria NOWAK. Elle a
accordé 6 740 crédits en 2005, en hausse de 20% mais ne
répondant qu'à environ 10% des demandes.
21 . Ces organismes sont des organismes de finance solidaire.
La finance solidaire désigne l'ensemble des dispositifs de financement
destinés à soutenir la création ou le développement
d'activités socialement utiles, à partir des instruments de
l'épargne et de l'investissement solidaires. Ces opérateurs de la
finance solidaire mettent en fait à la disposition des créateurs
des quasi-fonds propres destinés à servir de levier au
crédit bancaire. V. Sylvain ALLEMAND, La microfinance n 'est plus
une utopie !, édition Autrement, 2007, p.1 92.
formes de mécénat ont été mises en
place22. Avec l'amendement de l'article 11 de la loi bancaire de
198423, elle peut désormais emprunter pour reprêter
à ses clients directement. Cet amendement encourage le
développement du micro-crédit.
10-2. - En raison de la
montée en puissance du micro-crédit en France, le gouvernement
veut bâtir une politique publique pour lutter contre l'exclusion
financière et mobiliser les grandes banques. Le lancement du Fonds de
cohésion sociale (FCS) créé par la loi Borloo du 18
janvier 200524 à l'occasion de la Semaine du
micro-crédit montre bien cette politique. Cette loi crée une
nouvelle typologie du micro-crédit, dite de micro-crédit social.
La naissance en France du micro-crédit social, appelé par
certains, des « prêts à la consommation
sociaux25» est une avancée, modeste mais
incontestable dans la lutte contre l'exclusion financière. Toutefois, le
débat sur le surendettement des particuliers ne manque pas puisque les
particuliers, bénéficiaires de ces crédits sociaux, sont
déjà, par définition, en situation financière
très difficile26. Cette invention suppose en plus de revoir
la définition du micro-crédit. Le lancement de la Semaine du
micro-crédit en avril 2005 constitue bien une promotion du
micro-crédit en France.
11. - Le contexte du micro-crédit au
Cambodge27 . Le système bancaire cambodgien a
été réduit à néant à l'époque
des Khmers rouges (1975-1979). 90% de la population n'a pas accès au
prêt classique. Aucune banque de développement n'existait à
la sortie du régime Khmer rouge. Ainsi, dans les années 90
après les Accords de Paris en 1991, les ONG ont commencé à
proposer des services de micro-crédit aux populations démunies
des zones rurales, dans le cadre du programme de développement. La plus
importante ONG spécialisée dans le financement de
proximité est l'Association des agences de développement
économique local, mieux connue sous l'acronyme anglais
ACLEDA28, qui a été créée en 1993 avec
le soutien du PNUD (Programme des Nations Unies de
22 . Patrick SAPY, « Réseaux bancaires et
micro-crédit : vers de nouvelles formes de mécénat »,
Banque, juin 2005, p. 27-28.
23 . L'article 19 de la loi n°2001 -420 du 15 mai 2001
relative aux nouvelles régulations économiques (NRE) modifiant
l'article L.51 1-6 du Code monétaire et financier (J.O 16 mai 2001).
24 . L'article 80-III de la loi n°2005-32 du 18 janvier 2005
de Programmation pour la cohésion sociale (J.O du 19 janvier 2005,
modifié par l'article 26 de la loi n°2006-339 du 23 mars 2006 (J.O
24 mars 2006).
25. Anne MICHEL, « Naissance en France des prêts
à la consommation sociaux », in Le monde, 6 janvier 2006
26 . V. infra, n° 76-77.
27 . « Micro finance of Cambodia », National Bank of
Cambodia, 2006.
28 . Pour en savoir plus :
www.gdrc.orf/icm/country/acleda-base.html (page sur ACLEDA).
développement). Elle est devenue une banque
spécialisée en 2000. Il est à noter que le
micro-crédit mené par les ONG dans les années 90
n'était pas réglementé puisqu'il est appliqué avant
l'adoption même de la loi sur les institutions bancaires et
financières du 18 novembre 1999. Aujourd'hui, le micro-crédit est
affiché comme une priorité du gouvernement et sa
réglementation constitue une question d'actualité.
12. - Le micro-crédit doit-il être
soumis au régime du droit commun du crédit ou faut-il adopter une
réglementation spécifique ? L'ADIE ne pouvait que
fonctionner en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 511-6 du
Code monétaire et financier. Elle ne pouvait donc pas emprunter pour
prêter. Cette possibilité est reconnue par l'article 19 de la loi
NRE du 15 mai 200129 qui ajoute un alinéa 5 à
l'article L. 511-6 précité. Cette loi traduit la reconnaissance
de l'importance du micro-crédit par le législateur. Toutefois, il
n'a pas utilisé la terminologie du micro-crédit. Il en est de
même en droit cambodgien. L'article 2 du Prakas n°7-01-49 Prorkor du
25 février 2002 « sur l'agrément et l'enregistrement des
Institutions de la micro-finance (IMF) », qui dispose que « la
micro-finance signifie la distribution des services financiers notamment le
crédit et les épargnes aux familles pauvres, familles ayant des
revenus modestes et aux petites entreprises », utilise simplement le
mot « crédit ». De cette constatation on peut déduire
que le législateur n'a pas voulu adopter une règle
spécifique pour le micro-crédit. Ce dernier doit être
intégralement soumis au droit commun. Cependant, il exerce une influence
très importante dans le changement de la politique législative
surtout en matière de taux d'usure. La libéralisation des taux
d'intérêts des crédits aux entreprises individuelles
constitue une mesure typiquement du micro-crédit30. Le
législateur cambodgien comprend mal qu'il est très libéral
sur ce point. En effet, l'interrogation sur l'applicabilité du Prakas du
15 mars 1995 sur la libéralisation des taux d'intérêts pour
les banques commerciales aux opérateurs du micro-crédit permet de
comprendre que le taux d'intérêt du micro-crédit est touj
ours plafonné en droit cambodgien. Toutefois, la libéralisation
de taux d'intérêt en matière de crédit constitue un
atout principal pour les opérateurs du micro-crédit. En pratique,
le taux d'intérêt du micro-crédit est beaucoup plus
élevé que celui pratiqué par les banques classiques. On
peut donc se demander pourquoi ce taux est si élevé si l'objectif
du micro-
29 . Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles
régulations économiques (J.O n° 11 3 du 16 mai 2001 page
7776). Cet article est intégré dans l'article L. 511-6 du Code
monétaire et financier. 30. Sénat - Séance du 13 juin 2005
et l'exposé des motifs de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005
en faveur des petites et moyennes entreprises (J.O n° 179 du 3 août
2005 page 12639).
crédit est d'aider les personnes dont la situation
financière est très modeste à sortir de la pauvreté
ou du chômage. Toute la difficulté de la réglementation
consiste donc à concilier deux objectifs qui sont apparemment
contradictoires : l'objectif social et la recherche de la viabilité
financière.
13. - D'ailleurs, une réglementation
spécifique des opérateurs du micro-crédit semblait
être une voie adoptée par le législateur des deux pays.
Cette spécificité de la réglementation répond
à la question soulevée : comment créer un cadre
institutionnel et réglementaire favorable au développement du
micro-crédit ? Il s'agit, en fait, d'une dérogation à des
règles régissant la profession bancaire notamment en ce qui
concerne le capital social minimum, les autres règles prudentielles.
Cela montre que certaines spécificités sont accordées au
micro-crédit. Bien que la réglementation spécifique soit
une voie choisie par ces deux systèmes juridiques, le statut juridique
des opérateurs du microcrédit différemment encadré
par ces derniers montre leur différente perception de la notion du
micro-finance ainsi que des risques liés au micro-crédit. Il faut
reconnaître que la réglementation en droit cambodgien est à
la fois souple et flexible. Mais, les conséquences sur le comportement
des opérateurs du micro-crédit ne manquent pas. Ce changement du
comportement en raison d'une obligation de se transformer en IMF peut
être aussi bien un avantage qu'un désastre pour les
bénéficiaires du micro-crédit. En revanche, il ne serait
pas opportun ni en droit français, ni en droit cambodgien, d'imposer une
réglementation prudentielle aux associations de micro-crédit qui
ne peuvent jamais mobiliser les épargnes. Dès lors qu'elle est
mise en place, la réglementation prudentielle applicable aux banques
doit être ajustée pour répondre aux besoins du
micro-crédit. Ainsi, il est important de remarquer que certaines
règles prudentielles imposées aux établissements de
crédit ne peuvent pas être appliquées purement et
simplement aux opérateurs du micro-crédit en raison de la
pondération de risques qui sont liés au produit du
micro-crédit.
14. - Enfin, l'implication du
législateur constitue un élan important du développement
du micro-crédit. Cela n'est qu'un reflet de ses impacts positifs qui ne
doivent pas être niés. On peut, en revanche, douter de la
réalité des impacts du micro-crédit. Une
littérature très abondante s'est développée ces
dernières années. La recherche des indicateurs de
l'évaluation des impacts du micro-crédit constitue un premier
centre d'intérêt. Malgré certaines littératures
niant la réalité des effets du micro-crédit, il faut
reconnaître qu'il avait
et doit avoir un effet de levier sur la réduction de la
pauvreté et du chômage notamment par la création d'emplois
et de revenus, ce qui caractérise l'impact économique du
microcrédit. Or, cet impact économique n'est pas significatif au
Cambodge en raison du très faible montant des prêts qui ne permet
pas un investissement important et du comportement même des emprunteurs.
Il permet à des personnes normalement exclues du financement ou des
systèmes financiers d'y avoir accès. L'impact financier n'est
donc pas non plus négligeable dans un contexte où les banques
commerciales ne s'implantent pas dans les zones rurales. Le micro-crédit
peut également contribuer au renforcement de liens sociaux et au pouvoir
des femmes. Or, le débat sur la prévention de surendettement est
grand du fait que les bénéficiaires du micro-crédit sont
par hypothèse des personnes dont la situation financière est
très modeste. Ce débat est alimenté par l'innovation du
micro-crédit social, qualifié de micro-crédit à la
consommation par opposition au micro-crédit professionnel.
15. - L'énoncé du plan.
L'importance de l'étude de l'aspect juridique du
micro-crédit consiste à expliquer juridiquement de quoi il s'agit
parmi les catégories juridiques existantes de crédit. S'il n'est
pas autre chose que le prêt qui a une affectation spéciale
déterminée par la loi, comme indiqué dans les textes
légaux, le micro-crédit doit être distingué du
prêt d'honneur ou du prêt à la création d'entreprise
(PCE). Ainsi, la connaissance de la notion de micro-crédit est un
préalable indispensable avant de procéder à la recherche
des règles qui lui sont applicables. Cet énoncé permet de
conduire l'étude du micro-crédit sous deux angles qui sont
consacrés, d'une part, à l'analyse de la notion de
micro-crédit (Première Partie)
avant d'envisager, d'autre part, sa réglementation
(Seconde Partie).
Partie I :
La notion de micro-crédit
16. - Une nouvelle conception de distribution du
crédit. Le micro-crédit est une notion purement
économique. Il faut remarquer qu'aucune définition exacte du
micro-crédit n'a été donnée. En plus, il n'a pas
acquis une reconnaissance juridique. En accord avec le sens étymologique
du mot, le crédit vient de credere, croire. Il se fonde sur la
confiance dans les capacités des emprunteurs de créer de la
richesse. Mais faire acte de confiance dans l'homme et d'espoir dans l'avenir
est difficile lorsqu'on a pris l'habitude de lier les décisions de
prêt aux résultats comptables et aux garanties. Les banquiers, qui
passent leur temps à prévoir les tendances du marché,
à déplacer des millions d'euros et à inventer de nouveaux
produits, ne manquent pas d'imagination quant au micro-crédit. Mais en
raison de leur habitude d'octroi du crédit, spéculer sur la
réussite future d'un petit marchand ambulant dépasse leur
capacité. Face à la carence du marché, une nouvelle
conception - le micro-crédit - a été créée
afin de prouver que ces populations ne sont pas trop risquées si on peut
adapter des méthodes d'octroi de crédit. Les méthodes
d'octroi du micro-crédit privilégient les critères humains
qui se ratt achent moins à l'aspect patrimonial de l'emprunteur. Le
développent du micro-crédit est très rapide aussi bien en
France qu'au Cambodge. Une nouvelle31 typologie du
micro-crédit - celle du micro-crédit social ou du
micro-crédit à la consommation contrairement à la
conception classique du micro-crédit professionnel - a été
inventée en France. C'est une avancée rapide, mais incontestable
dans le contexte actuel du pays. Ce développement rapide du
micro-crédit n'est qu'un reflet des
études sur les impacts du micro-crédit
(Chapitre II). Les études sur ces impacts sont tout
aussi importantes, dans la mesure où ils permettent de comprendre le
rôle joué par le micro-crédit dans la société
contemporaine, que les études sur la typologie du micro-crédit
(Chapitre I)
31 . Toutefois, on peut se demander s'il s'agit vraiment d'une
nouvelle typologie si on remonte un petit peu à l'histoire du
Crédit municipal. Certains affirment que le crédit accordé
par le Crédit municipal de Paris selon ses méthodes
traditionnelles est celui que l'on appelle aujourd'hui le micro-crédit
social. Cette démonstration est vraie. V. infra, n° 50.
Chapitre I : La typologie du micro-crédit
17. - Le micro-crédit, notion qui n'est
pas reconnue juridiquement. Bien que le microcrédit ne
soit pas dans le langage juridique et n'ait pas explicitement gagné le
terrain juridique, à la lecture des dispositions légales, on peut
en déduire que la loi laisse une place au micro-crédit. Ce n'est
qu'à partir de l'analyse des caractéristiques du
micro-crédit qu'on peut logiquement dire que certaines dispositions du
droit français sont consacrées au micro-crédit. Ce sont
notamment les articles L. 511-6 in fine du Code monétaire et
financier et 80-III de la loi du 18 janvier 2005. Ce dernier article constitue
une innovation
majeure. Il s'agit de la création d'une nouvelle
typologie (Section II) du micro-crédit que ne
connaissaient pas les pays du Sud. Il faut rappeler que le micro-cédit a
été inventé en vue de permettre aux personnes exclues du
financement classique d'avoir accès au crédit tout en sachant que
le recours au financement informel leur est très désavantageux
puisqu'elles doivent payer des taux usuriers très élevés.
Malgré sa création, la place du secteur informel demeure
très grande. Le micro-crédit ne peut pas l'éliminer
totalement. C'est la raison pour laquelle le micro-crédit, plus
largement la micro-finance, ne peut qu'être un secteur
intermédiaire entre le secteur financier formel et le secteur
informel.
Toutes les caractéristiques (Section I)
du microcrédit reprennent donc une grande partie des
caractéristiques du financement formel, et celles du financement
informel.
Section I : Les caractéristiques du
micro-crédit
18. - Contenu de la section. Toutes
les caractéristiques du micro-crédit permettent d'expliquer les
raisons pour lesquelles les banques classiques ne s'intéressaient pas au
marché du micro-crédit. Une question essentielle qui se pose est
de savoir comment le micro-crédit peut surmonter les obstacles à
la distribution du crédit aux personnes à qui les banques
classiques n'avaient pas fait confiance. Ainsi, une étude
préliminaire sur les motifs qui conduisent à une réticence
des banques dans le marché du micro-crédit (§1)
est indispensable afin mieux comprendre les caractéristiques du
micro-crédit (§2)
§ 1. - La réticence bancaire en
matière de micro-crédit
19. - La terminologie. Bien que la France
soit un pays dont le niveau de bancarisation des populations est très
fort, un nombre important de ces populations, cinq à six millions de
personnes, soit 10% de la population, reste à l'écart du
système bancaire. Elles sont exclues de la sphère bancaire.
L'appellation d'exclusion bancaire du crédit est sujette à
caution puisqu'il n'existe pas de « droit au crédit ». Il vaut
mieux parler de l'absence ou de difficulté d'accès au
crédit bancaire32. La lutte contre cette exclusion s'inscrit
depuis des années dans la politique du gouvernement français.
Plusieurs mesures ont été adoptées notamment le droit pour
chaque individu de posséder un compte bancaire créé par la
loi Aubry de 1998 et l'instauration en 1999 d'un service bancaire de base pour
les plus démunis. Malgré ces efforts, l'accès au
crédit des ces populations n'est pas reconnu. Un doute sur la
reconnaissance du droit au crédit pourrait être émis
à la lecture de l'article L. 511-10 du Code monétaire et
financier qui fait référence au droit au crédit.
Toutefois, la formule légale n'a vocation qu'à encourager la
création des établissements de crédit à vocation
sociale. Le droit au crédit n'a pas encore et ne doit pas avoir son
existence juridique. Ainsi, les banques peuvent parfaitement refuser d'accorder
le crédit demandé par des personnes qui ne répondent pas
à leurs exigences. L'accès au crédit bancaire pour les
plus démunis demeure touj ours un obstacle essentiel.
20. - Les facteurs de la réticence
bancaire du micro-crédit. Comme les banques
perçoivent souvent le micro-crédit comme une activité
comportant un risque élevé et un faible rendement en raison de la
probabilité importante de défaillance et du coût de
traitement élevé des petits prêts, il existe une carence du
marché. Cette carence démontre que l'accès au financement
est perçu par les petites entreprises comme une contrainte majeure pour
leur création et développement. Plusieurs facteurs expliquent la
réticence des banques. Les obstacles qui caractérisent
l'imperfection du marché sont dus à l'asymétrie
d'information qui constitue une difficulté réelle pour les
banques dans la sélection de leurs clients, au coût
d'opération, au manque de garanties saisissables et à l'existence
d'un aléa moral.
32 . Emmanuel CONSTANS, « L'exclusion bancaire et
financière : outils de mesure et actions nouvelles », in Le rapport
moral sur l'argent dans le monde, éd. Association d'économie
financière, 2006, p. 364.
21. - La sélection de la
clientèle33. Le crédit fait intervenir un
facteur de temps, le décalage entre l'octroi de crédit et son
remboursement. Or, ce décalage temporel est une source
d'insécurité, de toutes les difficultés pour les
établissements de crédit. Pendant ce laps de temps, un certain
nombre d'événements peut survenir. Des risques peuvent
résulter de ce rapport de temps. En matière de crédit, il
s'agit du risque d'insolvabilité de l'emprunteur et d'immobilisation de
crédit auxquels les banques doivent faire face quotidiennement. Ainsi,
évaluer la dignité de crédit34 d'une personne
est une nécessité pour un banquier35. Cette notion
désigne la confiance qui peut être accordée à un
individu emprunteur ou demandeur de crédit. Il faut rappeler que
l'activité de distribution du crédit est une activité
commerciale. Le corollaire d'un tel trait caractéristique est la
réalisation de bénéfices. Pour pouvoir faire des
bénéfices au moyen de crédit, le banquier doit
procéder à une analyse de la dignité de crédit
avant de prendre une décision d'octroi ou de refus de crédit.
Cette analyse du risque de crédit conduit la banque à ne pas
contracter avec un emprunteur qui n'assumerait pas ses obligations de
remboursement et donc à exclure certaines catégories de personnes
jugées insolvables et trop risquées de sa sphère
commerciale. Le banquier est obligé d'être rationnel en
matière de distribution de crédit. En plus, face à une
forte concurrence, les établissements de crédit s'efforcent de
trouver des techniques qui viennent renforcer, à moindre coût,
rigoureusement la sélection des candidats à l'emprunt. Depuis
plus de 20 ans, en France comme dans le monde, est apparue une méthode
statistique qui, à partir des caractéristiques de chaque client,
établit la probabilité de sa défaillance. C'est une
méthode dite « de score ou scoring ». Le
crédit scoring est une méthode automatisée de
sélection de la clientèle généralement
fondée sur l'analyse statistique. Ce procédé permet
d'informatiser l'étude des demandes de crédit, ce qui en diminue
le coût36. Par sa forte capacité de traitement
d'informations objectives, via l'outil informatique, il permet une
sélection fine du risque de crédit. Dès lors la population
qui ne satisfait pas à cette forme de sélection se verra
automatiquement exclue du crédit. Cette technique est donc un facteur
aggravant l'exclusion financière du micro-crédit.
Il est essentiel de préciser que la méthode de
scoring est une méthode statistique qui se base sur le
traitement des informations. Elle permet une appréciation objective. Le
facteur d'appréciation humain a assez largement disparu. La prise en
compte de l'individu
33. Nicola EBER, Sélection de clientèle et
exclusion bancaire, Rev. Eco. Fin, 2000, p. 79-96.
34. Notion d'origine allemande, kredit würdugkeit.
35. A. SALGUEIRO, Les modes d 'évaluation de la
dignité de crédit d 'un emprunteur, thèse
Université d 'Auvergne, Clermont-Ferrand I, 2004.
36. Dominique MONERA, « le crédit scoring et le
risque client », Banque, 1991, p. 801.
lui-même s'efface derrière les critères
retenus. L'indisponibilité des informations est donc incompatible avec
cette méthode. Le manque d'information peut conduire facilement les
établissements de crédit à écarter un client
potentiel ou non.
22. - 1. L 'asymétrie d'informations.
Le scoring ne peut pas être effectué en
l'absence d'informations sur le client. Avant d'accorder le crédit, le
banquier a besoin de s'informer sur un client potentiel et sur son projet
d'investissement afin d'éviter d'accorder son capital à des
personnes peu sérieuses ou aux projets peu rentables. Les informations
sont disponibles sans trop de coûts pour des clients avec des
activités formelles et organisées, inscrites au registre du
commerce et des sociétés ou payant régulièrement
des impôts. En revanche, la plupart des entrepreneurs du secteur informel
ainsi que de nombreux agriculteurs dans les pays en voie de
développement ne se trouvent pas dans cette situation, et il est presque
impossible pour le banquier de s'informer sans beaucoup de frais. Cela exclut
d'office certaines catégories de population d'un accès au
crédit.
Selon la théorie de l'asymétrie d'informations,
le rationnement du crédit est forcément lié au
problème d'accès inégal à l'information tant par le
créditeur que par le débiteur. Au Cambodge où le secteur
agricole est dominant, les risques auxquels les agriculteurs doivent faire face
sont souvent très importants. Il est assez coûteux pour les
banquiers de trouver des informations qu'il lui faut pour consentir un
prêt à l'agriculteur. Le coût élevé de
l'opération est un deuxième obstacle qui est étroitement
lié au problème d'asymétrie d'informations. En effet, les
frais fixés sont les mêmes pour la banque, quel que soit le
montant du prêt demandé. Les petits prêts
représentent donc des projets peu rentables pour la banque.
23. - L'atout principal du secteur informel.
D'ailleurs, il est intéressant ici d'observer que les
opérateurs de crédits informels arrivent mieux à
contourner le problème d'informations et de risques que les acteurs
formels. L'activité des usuriers se trouve souvent dans les zones
géographiquement bien localisées où l'information sur le
client potentiel est facile à obtenir grâce à la
proximité. Il ne s'agit pas d'un banquier éloigné du
terrain, mais plutôt de quelqu'un qui vit dans le milieu, connaissant
parfaitement les clients, et devant lequel il est difficile de cacher des
informations. Ils peuvent donc évaluer les risques et fixer le taux
d'intérêt en fonction de ces risques.
On peut dire finalement que l'asymétrie d'informations
conduit souvent les
banquiers à surestimer le risque lié au
crédit. Par conséquent, les banquiers sont souvent amenés
à exiger une garantie. L'accès au financement devient alors plus
compliqué pour les créateurs n'ayant pas de garanties à
fournir.
24. - 2. L 'absence de garanties.
Les méthodes utilisées par les banquiers sont
nécessaires, mais elles demeurent insuffisantes. Sachant que le
crédit est un acte de confiance et fait intervenir un rapport de temps,
un certain nombre d'événements peuvent se produire et venir
fausser l'analyse au départ. Ainsi, les banquiers exigent souvent les
garanties de l'emprunteur, garanties qui peuvent prendre plusieurs formes. Il
est évident qu'il peut y avoir des crédits en blanc à
condition que la proximité existant entre le banquier et son client soit
déterminante pour construire la confiance. À défaut d'une
telle relation de proximité relationnelle s'alimentant de la
proximité géographique, sociale et mentale, le banquier doit
être rationnel en exigeant des garanties afin d'éviter que la
confiance ne dégénère en confiance aveugle, ne bascule
vers la crédulité. Le crédit est donc inégalitaire
puisqu'il met en balance le risque et la garantie. Plus le risque est grand,
plus les garanties doivent être importantes. Les personnes modestes
auxquelles l'octroi d'un crédit est considéré comme
risqué ne peuvent pas, par définition, offrir de garantie et se
trouvent donc exclues de l'accès au crédit. Ainsi, les
entrepreneurs informels sont défavorisés puisqu'ils n'ont souvent
pas de local fixe ou des équipements de valeurs importantes saisissables
en cas de défaillance. Sur ce point, l'usurier peut parfaitement assurer
le recouvrement de ses créances en liant le prêt à des
paiements en nature, telle que la culture de rente. Le secteur bancaire formel
aurait du mal à avoir recours à cette technique de garantie.
L'absence de garantie saisissable est donc une cause d'exclusion du
crédit. Elle peut, en plus, aggraver l'aléa moral que les
banquiers ont sur les demandeurs de crédit.
25. - L'aléa moral37. Le
problème de fond se trouve dans les conditions de l'aléa moral
qui caractérise les rapports économiques entre les agents
économiques. Les intérêts des agents économiques
pourraient ne pas être dans le même sens. Le prêteur a
intérêt à ce que le prêt soit remboursé, alors
qu'il est de l'intérêt de l'emprunteur de ne pas rembourser le
crédit dans certains cas. Cette tentation, appelée l'aléa
moral, explique la réticence du banquier à prêter de
l'argent à un entrepreneur sans garanties saisissables ou à
quelqu'un qui habite loin de la banque. L'implantation des banques peut
également constituer une
37. David LEEGE, Dans quelle mesure la microfinance et la
formation agricole peuvent-elles contribuer à la réduction de la
pauvreté dans une région défavorisée du Cambodge,
thèse université de Montpellier I, 2003.
cause d'exclusion indirecte. Il s'agit d'une sélection
indirecte, ce qui défavorise encore les populations qui habitent dans le
milieu rural.
26. - L'environnement juridique. Enfin, la
réticence bancaire du micro-crédit peut trouver également
sa cause dans l'environnement juridique existant. Pour les banquiers, un
certain nombre d'obligations leur est imposé notamment l'obligation de
respecter le ratio de solvabilité de 8%. Cette obligation est
indiscutable mais elle conduit à décourager les banquiers de
s'impliquer dans le domaine du micro-crédit. Ainsi, l'évaluation
du risque de crédit a une incidence directe sur le ratio bancaire. Plus
le risque est élevé, plus ils doivent veiller à augmenter
les fonds propres afin de respecter le ratio de solvabilité, ce qui
n'est pas sans incidence sur la rentabilité des établissements de
crédit. En plus, il faut noter que les procédures de
rétablissement personnel qui viennent d'être récemment
définies, peuvent aussi amener les banques à se montrer plus
restrictives dans la distribution de crédit en renforçant leurs
critères de sélection. On y gagnera dans la prévention et
le traitement du surendettement, mais l'accès au crédit pour les
populations à risque élevé sera encore plus difficile,
même pour celles d'entre elles qui peuvent faire preuve d'une certaine
solvabilité. En effet, l'inscription au fichier des incidents de
remboursements des crédits aux particuliers (FICP) en est
également une source. En principe, les personnes inscrites au FICP ne
sont exclues du crédit que de facto car, juridiquement, cette
inscription ne vaut pas interdiction de leur prêter et les
établissements de crédit n'ont, par ailleurs, pas d'obligation de
consulter le FICP avant d'accorder un crédit38. La
réticence de la banque en matière d'accès au crédit
tient donc aussi au risque de surendettement qui tend souvent à
être surestimé39.
27. - L'enjeu du micro-crédit.
Ces observations permettent de mieux appréhender la
situation des populations les plus défavorisées face au
crédit et à comprendre leur exclusion de tout recours à
des financements formels. Une telle exclusion liée à
l'impossibilité de satisfaire les critères de stabilité et
d'ancienneté requis de plus en plus dans le système de
sélection. Il faut noter qu'actuellement en France, moins du quart des
créateurs d'entreprise bénéficient d'un concours bancaire.
Toutefois, les populations écartées expriment les besoins qu'il
n'est pas illégitime de financer des projets valorisant la personne
humaine, favorisant le confort familial ou améliorant la vie quotidienne
et qui
38. Emmanuel CONSTAN, préc., p. 364.
39. Emanuel CONSTAN, préc., p. 370.
méritent d'être anticipés. En outre, cette
situation d'exclusion n'est pas acceptable en terme d'équité
sociale40. L'accès au crédit est une source de
production, de consommation, voire de constitution de patrimoine. A ce titre,
le problème n'est pas seulement humain, il y a aussi un enjeu
économique. Ainsi, trouver des solutions de financement pour tous ceux
qui n'y ont pas accès, et en même temps les adapter pour tenir
compte de la spécificité de leur situation doit s'inscrire
désormais comme un objectif prioritaire. Pour faire face à ce
problème et débloquer la situation d'exclusion de l'accès
au crédit, un nouveau concept de crédit - le micro-crédit
- a été créé. Il s'agit donc de comprendre les
caractéristiques de cette nouvelle conception de la distribution de
crédit. Celles-ci permettent de comprendre pourquoi le
micro-crédit peut lever les obstacles relatifs à l'accès
au crédit des personnes défavorisées, obstacles sur
lesquels les banques traditionnelles se fondent pour justifier le rejet du
crédit demandé.
§ 2. - Les caractéristiques du
micro-crédit
28. - Les caractéristiques communes.
Il existe deux modèles de micro-crédit : l'un vaut
pour les pays industrialisés et est centré sur la création
d'entreprise, avec des prêts individuels à taux
d'intérêt bas, voire bonifié par l'Etat compris entre 2000
et 15.000 euros ; l'autre, en vigueur dans les pays du Sud, met en place des
crédits de moindre montant, plus courts et plus chers, souvent
collectifs et servant la plupart de temps à financer des
activités existantes. Même si les méthodes doivent
être adaptées chaque fois au contexte local, les principes restent
toujours les mêmes. Les caractéristiques principales du
micro-crédit sont donc communes. Monsieur Jean-Michel SERVET a retenu
trois critères. Le micro-crédit est caractérisé
aussi bien par une relation de proximité, sa population cible que par le
montant du crédit. Toutefois, le droit cambodgien met l'accent
principalement sur la population cible et la destination du crédit.
À la différence du droit français, il n'a pas
plafonné le montant et la durée du micro-crédit. Il faut
comprendre que c'est la technique de proximité qui montre
l'originalité du micro-crédit.
29. - La clientèle. Le
micro-crédit est né dans la problématique de l'absence
d'accès au crédit des personnes défavorisées qui
sont normalement exclues de la sphère commerciale
40 . Michel LECOMTE, « Perspective nouvelle pour les exclus
du crédit », in Le Rapport moral sur l'argent dans le monde,
éd. Association d'économie financière, 2005, p.
419-426.
des banques classiques. Il ne s'agit donc pas de viser une
clientèle qui peut normalement avoir accès aux banques, ni celle
qui, à un moment donné, se trouve dans une situation de
détresse qui ne lui permet pas de s'engager dans des activités
économiques. Au Cambodge, et généralement dans les pays en
développement, le micro-crédit est ciblé sur «
les pauvres41 actifs », alors qu'en France, comme les
autres pays industriels, il est ciblé sur les chômeurs, les
Rmistes, qui souhaitent se réinsérer dans l'économie.
29-1. - La clientèle du micro-crédit
en droit français. L'article L.51 1-6 alinéa 5 du
Code monétaire et financier traite des « associations sans but
lucratif faisant des prêts pour la création et le
développement d'entreprises par des chômeurs ou titulaires des
minima sociaux... ». Cette disposition consacre l'utilité du
micro-crédit par le droit français. Les populations visées
par les produits de micro-crédit sont donc les
bénéficiaires des minima sociaux, les demandeurs
d'emploi42. Cette reconnaissance résulte de la constatation
suivante. La montée de chômage encourage le recours à des
micro-initiatives pour créer sa propre activité. La question du
financement des activités se pose alors. La lutte contre la
précarité économique passe de nos jours par l'octroi de
crédits à des petites entreprises en création. Il s'agit
de considérer le chômeur non plus comme « un inutile du
monde43 », mais comme une personne susceptible de
posséder un projet professionnel, projet de vie pouvant être mis
en oeuvre par la création de son entreprise. De nombreuses initiatives
à instrumenter le crédit pour lutter contre le chômage
voient le jour. Le micro-crédit vise donc à promouvoir l'esprit
d'entreprise et permet à ces clients de sortir d'une trappe
d'inactivité, conséquence de l'Etat providence. Ainsi, pour ces
personnes, le micro-crédit leur permet de retrouver sa
citoyenneté économique. Partant de cette idée,
l'ex-président de la République a récemment, lors d'une
table ronde en février 2006, souligné le rôle du
micro-crédit « qui constitue une voie prometteuse, et un instrument
essentiel pour permettre aux personnes sans emploi de prendre en main leur
destin, en se réinsérant sur le marché du travail ou en
créant leur propre activité ». Le micro-crédit fait
donc partie de la
41 . Mais comment définir la pauvreté ? Quels
sont les indicateurs de la pauvreté ? Ce point dépasse notre
connaissance. On peut tout simplement dire un mot que la pauvreté est
généralement définie par rapport aux critères de
revenus. La Banque mondiale retient le seuil de 30% de PIB.
42 . La clientèle de l'ADIE composée aux trois
quarts de chômeurs de longue durée et d'allocataires du revenu
minimum d'insertion, se distingue par une volonté de s'en sortir.
Près de 15% sont quasiment illettrés ou savent à peine
lire et écrire, mais 21% ont fait des études universitaires.
Source : Maria NOWAK, « Le micro-crédit en France et en Europe
», in Le rapport moral sur l'argent dans le monde, éd. Association
d'économie financière, 2003-2004, p. 430.
43. David VALLAT, « La finance solidaire : un champ
d'application varié », in Le Rapport moral sur l'argent dans le
monde, éd. Association d'économie financière, 1998, p.
499-519.
politique de lutte contre le chômage. Désormais,
il s'inscrit dans la politique d'insertion sociale. La clientèle
visée n'est plus simplement des porteurs de petits projets
professionnels, mais également ceux de projets personnels d'insertion
sociale. C'est une avancée de la loi Borloo du 18 janvier 2005 qui a
créé le fameux FCS. Il a été créé par
l'article 80-III de cette loi afin de « garantir, à des fins
sociales, des prêts à des personnes physiques ou morales et des
prêts à des chômeurs ou titulaires de minima sociaux
créant leur entreprise ». L'explication de cet article sera
postérieurement reprise44.
29-2. - La clientèle du micro-crédit
en droit cambodgien. Revenons à la clientèle du
micro-crédit en droit cambodgien. L'article 74 alinéa 3 de la loi
bancaire de 1999 prévoit que « les entités qui pratiquent
les opérations de banque en vue notamment de promouvoir
l'intermédiation bancaire dans les secteurs de l'agriculture, de
l'artisanat, du petit commerce et des services aux particuliers...
» Toutefois, l'article 2 du Prakas (règlement)
n°7-01-49 Prorkror du 25 février 2002 sur l'agrément et
l'enregistrement des institutions de micro-finance, pris en son application,
dispose que « la microfinance signifie la distribution des services
financiers notamment le crédit et les épargnes aux familles
pauvres, familles ayant des revenus modestes et aux petites entreprises
». Deux remarques peuvent être faites. D'abord, l'article
de base vise uniquement les particuliers, alors que le texte d'application vise
également des petites entreprises. On peut donc s'interroger sur la
légalité de ce Prakas. Mais jusqu'alors, personne n'en parlait.
Toutefois, conformément à des explications énoncées
à propos de la clientèle du micro-crédit en droit
français, il est souhaitable de retenir la disposition de ce Prarkas.
L'article 74 alinéa 3 de cette loi devra être modifiée pour
rendre légitime ce Prarkas. Ensuite, les clients du microcrédit
sont, selon ces dispositions, les pauvres. Certains contestent
l'opportunité de prêter à des pauvres qui ne
répondent pas aux critères ordinaires de solvabilité. Le
coeur du débat porte sur la capacité des plus pauvres à
rembourser leurs prêts pour éviter de nouveaux cycles de
paupérisation. C'est la raison pour laquelle des opérateurs du
micro-crédit ne s'intéressent pas aux pauvres les plus pauvres,
ce qui n'est pas sans incidence sur l'effet de levier du
micro-crédit45. Les critiques sur les clients cibles
résultent des constatations suivant lesquelles les pauvres ne peuvent
pas échapper à la pauvreté par l'emprunt et cela risque
même d'aggraver leur sort. Ce sont les services sociaux qui sont les
mieux placés pour répondre aux besoins réels de cette
population. Mais, aucun service social n'avait été
44. V. infra, n° 52.
45. V. infra, n° 70-71.
mis en place. En plus, les études montrent que le taux
de remboursement des pauvres est aussi bon ou meilleur que celui des
emprunteurs plus prospères. Les tenants de cette thèse veulent
invoquer que le niveau de revenus des bénéficiaires n'est pas une
garantie de solvabilité, ce qui rejoint l'idée des tenants de la
thèse contraire que c'est le critère de compétence qui
doit être privilégié et non pas nécessairement le
critère de pauvreté. Il faut rappeler que la clientèle du
micro-crédit est dans la majorité des femmes.
30. - La destination du crédit.
Il s'agit de crédit de dépannage ou de projet.
Originairement, le micro-crédit est accordé, dans les pays en
développement, aux pauvres qui veulent entreprendre « une
activité génératrice de revenus ». Tandis qu'en
France, les bénéficiaires du micro-crédit créent
des entreprises nouvelles, ce qui nécessite un minimum de fonds propres
et un service d'appui pour pénétrer dans un univers
particulièrement complexe. C'est la raison pour laquelle la politique de
renforcement des Fonds qui contribuent à l'octroi des fonds propres aux
créateurs d'entreprise a été renforcée. Cette
tentation va être abordée plus précisément plus loin
quand on aborde l'étude sur le micro-crédit professionnel. La
finalité du prêt est donc bien précisée par la loi.
Celle-ci constitue un critère permettant de retenir une qualification du
crédit affecté. C'est une affectation prévue par la loi.
Il s'agit de prêt ayant pour finalité de créer ou
développer une entreprise (L.51 1-6 al. 5 C. monét. fin.) ou
à des fins sociaux (art. 80-III de la loi du 18 janvier 2005). Le
micro-crédit peut donc être, soit un crédit professionnel,
soit un crédit à la consommation. Si l'on peut retenir facilement
le caractère professionnel du prêt accordé selon l'article
L. 511-6 alinéa 5 du Code monétaire et financier, quelle est la
qualification du prêt accordé conformément à
l'article 80-III qui prévoit que « garantir, à des fins
sociales, des prêts à des personnes physiques ou morales et des
prêts à des chômeurs ou titulaires de minima sociaux
créant leur entreprise » ?
30-1. - Certains pensent qu'il s'agit d'un
crédit à la consommation. Cette qualification a été
retenue pour refuser le droit à la Banque postale de distribuer le
micro-crédit social prévu par l'article 80-III. Celle-ci ne pose
pas de difficulté lorsqu'il s'agit de micro-crédit social
accordé à des personnes physiques. En revanche, on peut se
demander s'il est touj ours convenable de retenir cette qualification lorsque
le micro-crédit social est accordé à des personnes morales
qui sont en effet des associations ou sociétés financières
qui interviennent dans le domaine du micro-crédit. C'est une question
qui a été très
controversée en doctrine et en jurisprudence et
soulevée à propos de la détermination du champ
d'application du Code de la consommation. L'article 3, alinéa 3 de loi
du 10 janvier 1978, devenu l'article L. 311-3-3° du Code de la
consommation exclut du champ d'application de cette loi les prêts «
destinés à financer les besoins d'une activité
professionnelle ». Selon cette disposition, la qualification du
crédit professionnel ou à la consommation dépend de la
destination du crédit46. La jurisprudence s'est
positionnée à plusieurs reprises en faveur de cette
interprétation. La qualification est déduite du but poursuivi. Le
caractère professionnel d'une opération de crédit ne
dépend pas de la qualité de l'emprunteur mais de la destination
de cette opération47. Ainsi, le problème s'articule
autour de la question de savoir ce que recouvre une activité
professionnelle ou si l'association à but non lucratif peut exercer une
activité professionnelle48. Le débat est
controversé du fait de l'absence de définition légale de
la profession. Deux thèses s'affrontent. La première thèse
pense que l'activité professionnelle est entendue comme une
activité lucrative49, ce qui exclut en principe celle d'une
association. L'activité professionnelle suppose donc un but
intéressé c'est-à-dire une rémunération.
Certaines décisions des juges du fond ont été
prononcées en ce sens50. Une autre thèse estime que le
but lucratif ou non ne doit pas être pris en compte pour définir
une activité professionnelle51. Selon cette thèse,
l'association à but non lucratif peut parfaitement exercer une
activité professionnelle. Pour lever cette ambiguïté, la
Cour de cassation a décidé qu'une association est exclue du
bénéfice des dispositions du droit de la consommation non parce
qu'elle est personne morale, mais parce qu'elle exerce une activité
professionnelle52. Cette jurisprudence va dans le sens de la
dernière thèse. Les
46 . Civ 1er, 4 mai 1999 : CCC,
1999, comm. n° 165, obs. G. RAYMOND ; Civ 1er,
18 décembre 2001 : CCC, 2002, n° 100, obs. G.
RAYMOND ; Civ 1er, 22 mai 2002 : CCC, 2002,
comm. n° 147, obs. G. RAYMOND. 47. Yannick DAGORNE-LABBE, « La
détermination du caractère professionnel du crédit
à la consommation », Petites Affiches, 2004, n° 126,
p. 20 ; Civ 1er, 8 juillet 1997 : RD bancaire et
financier, n° 62, p. 163.
48 . Janick ROCHE-DAHAN, « Le domaine d'application des
lois Scrivener », RTD Com. 1996, n° 49, p. 20- 21.
49. En ce sens : Yves GUYON, Droit des affaires,
Economica, 12e édition, 2003, n° 72, p. 67 ;
Barthélemy MERCADAL, Droit commercial, Francis Lefebvre,
15e édition, 2006, n° 11200, p. 223 ; G. Riper et R.
Roblot, Traité de droit commercial, sous la direction de Michel
GERMIN, LGDJ, 1 8e édition, 2001, n° 118, p.1 05.
50 . CA Paris, 22 octobre 1991 : CCC, 1992, n°
63, note G. RAYMOND (à propos d'une activité politique) ; CA
Paris, 5 juillet 1991, CCC, 1992, n° 950, note G. RAYMOND.
51. En ce sens : J. CALAIS-AULOY et F. STENINMETZ, Droit
de la consommation, Dalloz, 2006, 7e édition, n°
4.
52 . Civ 1er , 23 mars 1999 : CCC, 1999, comm. 166,
obs. G. RAYMOND ; D. 2000, somm. n° 4, p. 39, note JP Pizzio.
Dans le même sens V. Civ 1er, 10 juin 1997 :
CCC, 1997, n° 157, note G. RAYMONDE « attendu, cependant,
que sont exclus des dispositions applicables en matière de crédit
à la consommation, les prêts qui sont destinés à
financier les besoins d'une activité professionnelle ; qu'en s'abstenant
de préciser en quoi consistait l'activité de l'association, la
cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son
juges du fond ne peuvent donc pas s'en tenir uniquement
à l'absence de but lucratif de l'association pour en conclure que
l'activité qu'elle exerce n'est pas de nature professionnelle. Cette
décision mérite d'être félicitée puisqu'elle
est conforme à la finalité recherchée par le droit de la
consommation. En plus, l'activité professionnelle n'a pas besoin
d'être intéressée. La question qui se pose ensuite est de
savoir à partir de quel moment, l'activité d'une association peut
être qualifiée d'activité professionnelle. La Cour de
cassation a décidé dans la même décision du 23 mars
1999 que l'association dont le statut prévoit la
rémunération de ses activités doit être
considérée comme un professionnel au regard des règles du
crédit à la consommation. Elle retient uniquement le
critère de la rémunération. On peut se demander s'il
existe d'autres critères. En effet, une profession implique seulement
une certaine organisation et une certaine expérience. Elle implique donc
une habitude.
30-2. - Cette analyse permet de
comprendre que le micro-crédit social accordé à des
personnes morales visées ne peut pas être qualifié de
crédit à la consommation. En effet, les personnes morales
prévues par l'article 80-III sont des associations ou des
sociétés financières53 qui interviennent dans
le domaine du micro-crédit. Il vise donc les personnes morales dont
l'objet est de permettre l'insertion de personnes en situation d'exclusion
financière. Selon cette disposition, le législateur
français veut développer le micro-crédit au travers du
partenariat entre les banques et ces opérateurs du micro-crédit.
Cette disposition renforce donc la volonté du législateur
inscrite dans l'article 19 de la loi NRE du 15 mai 2001 qui permet à
l'association du micro-crédit de pouvoir emprunter pour reprêter
à ses clients. Il vise donc à encourager les banques à
accorder les prêts à ces associations. Ces prêts leur
permettent de développer leur activité dans le domaine de
l'insertion des exclus financiers. Elles sont des professionnels du
micro-crédit puisque leur activité est organisée et
habituelle. En plus, elle est rémunérée par
l'intérêt du crédit. Ainsi, on peut dire avec clarté
que le micro-crédit social a une double nature juridique : un
crédit à des fins professionnels lorsqu'il est accordé
à une personne morale ou un crédit à la consommation
dès lors qu'il est accordé à une personne physique. Cet
article constitue un exemple qui montre l'importance de la qualité de
l'emprunteur dans la qualification du crédit bien qu'en droit positif
elle n'ait pas été prise en compte.
contrôle ».
53. Le Fonds France Active et La Nouvelle Economie Fraternelle et
La Caisse solidaire du Nord-Pas-deCalais sont des sociétés
financières qui exercent des activités de micro-crédit.
31. - Le montant et la durée de
crédit. Le montant constitue également l'une des
caractéristiques du micro-crédit. Il s'agit d'un crédit
d'un petit montant. Ce petit montant de crédit54 est une
cause de non implication de la banque classique. L'importance est de
déterminer ce qu'est un « petit montant ». Si dans
les pays en développement, il s'agit d'un prêt d'une vingtaine
d'euros, dans les pays industriels, le montant de prêt peut
s'élever à des milliers euros. A la différence du droit
français, le droit cambodgien n'a pas plafonné le montant du
micro-crédit qui peut être accordé. L'article 6
alinéa 5 du décret n° 2002-652 du 30 avril 2002 portant
application du 5° de l'article L.51 1-6 du Code monétaire et
financier relatif aux associations habilitées à faire certaines
opérations de prêts plafonne le montant de prêt à 6
000 euros par participant à un projet, sans pouvoir excéder 10
000 euros pour une même entreprise. En droit cambodgien, malgré
l'absence de plafond, on peut dire facilement que le montant du prêt est
petit puisqu'il est accordé à une famille pauvre, de revenu
modeste ou à une petite entreprise. Il est clair qu'au Cambodge, les
sommes prêtées sont très faibles55, à
l'image des revenus des habitants, tandis qu'en France le montant du
prêt, en pratique, de 2.500 euros, est plus élevé, mais le
rapport avec les produits intérieurs bruts (PIB) par tête de
22.000 euros est du même ordre56. En ce qui concerne le
délai du prêt, il est fixé à cinq ans maximum
(prêt de l'article L.51 1-6 al. 5 C. monét. fin) et entre deux
à quatre ans pour le prêt de l'article 80-III. Aucun délai
n'est prévu en droit cambodgien. L'absence de plafonnement du montant et
du délai ne facilite pas la distinction entre le micro-crédit et
les prêts bancaires.
Il ne fait aucun doute que le montant du crédit est
l'une des caractéristiques du micro-crédit. Toutefois, il ne
s'agit pas de critère décisif puisque personne ne pourrait
contester que les banques classiques puissent accorder des crédits,
également d'un très petit montant, à leurs clients. En
effet, ce qui fait que le micro-crédit a connu depuis des années
un succès considérable à tel point qu'on ne peut nier ou
ignorer son rôle très grand dans l'économie, ce sont des
techniques de crédit entreprises par les opérateurs du
microcrédit, techniques qui jouent plutôt sur la mentalité,
la capacité des clients, que de privilégier des critères
statistiques que pratiquaient les banques traditionnelles.
32. - Les techniques de garantie du
micro-crédit. C'est finalement sur ce point que
54. Le prêt accordé par la Grameen Bank est
mesuré d'un montant de 100 dollars en moyenne et il peut aller
jusqu'à 10 dollars. V. Jaques ATTALI, préc., p. 155.
55. Le montant de prêt accordé au groupe
d'emprunteurs par l'ACLEDA peut atteindre un plafond de 400 dollars sur une
période de 3 à 12 mois.
56. Les chiffres sont cités par Maria NOWAK dans son
manuel de « on ne prête pas que (aux) riches ».
l'étude du micro-crédit paraît plus
importante puisqu'il permet de mieux comprendre la réponse à la
question précédemment posée, question qui vise à
savoir pourquoi le microcrédit peut surmonter avec succès les
obstacles liées à la décision d'octroi de crédit.
En effet, l'opérateur de micro-crédit gère le risque de
crédit non par la pratique de sûreté réelle mais par
la création de groupe solidaire. Il s'agit d'une technique de «
crédit de groupe solidaire ». Le critère de
proximité est pris en compte pour l'évaluation de crédit.
Enfin, le succès du micro-crédit est lié à la
technique qui donne des motivations à l'emprunteur de rembourser les
crédits, ce qui montre que la probabilité de remboursement de
crédit par les clients des opérateurs du micro-crédit est
beaucoup plus grande que celle des clients de banques classiques. C'est une
technique dite de « crédit progressif ».
33. - 1. La technique de crédit de groupe
solidaire. Cette technique propose de substituer des garanties
morales à des garanties matérielles. La caractéristique
principale et la plus importante du crédit de groupe solidaire est la
caution solidaire. C'est une technique de « peer monitoring ».
Pour pouvoir emprunter, les emprunteurs doivent se constituer en groupe.
Au Bengladesh, les femmes doivent se constituer en groupe de cinq personnes,
représentatif des cinq doigts de la maine. Ce groupe solidaire
présente trois avantages incontestables.
Il s'agit, tout d'abord, de permettre de réduire le
problème de l'asymétrie d'information pour les prêteurs.
Pour remédier à ce problème d'asymétrie
d'information, le secteur bancaire exige un bon antécédent en
matière de crédit, un revenu régulier souvent avec une
clause de domiciliation de revenus et une caution ou une sûreté
réelle. Mais, ces conditions ne peuvent pas être utilisées
avec les emprunteurs visés par le micro-crédit. Ainsi, par le
biais de groupe, on parvient à surmonter les difficultés
liées à l'information puisque les membres du groupe se
connaissent bien, et souvent ils ont tendance à exclure du groupe la
personne qui ne se trouve pas dans leur milieu. Une préférence
est donnée aux gens dans la communauté57.
Ensuite, le groupe solidaire permet de réduire les
coûts d'opération en remplaçant les petits crédits
par un crédit unique à un groupe plus large. Il permet d'assurer
le suivi plus rapproché qui ne serait pas possible en cas de prêt
individuel. Ce suivi est assuré par les membres de groupe
eux-mêmes puisque la défaillance de chacun d'entre eux
entraîne
57. Hervé ERNARD, Philippe DUQUAIRE, « L'impact
des opérations de microcrédit développées par
Action Nord Sud (ANS) à Battambang, Cambodge », in Exclusion et
liens financiers/Rapport du Centre Walras 1999-2000, Economica, 1999, p.
116.
leur solidarité. En plus, ils vont perdre l'avantage de
technique de crédit progressif.
Enfin, elle permet de réduire l'obstacle de la garantie
classique pour les petits emprunteurs qui n'ont pas d'actifs et donc de leur
permettre de prendre part dans les services financiers. C'est la pression
exercée par les membres du groupe qui sert de garantie et de
mécanisme de contrôle des comportements opportunistes des membres
du groupe. On peut citer l'expérience de la Grameen Bank pour
servir de référence. Dans le crédit de groupe solidaire
pratiqué par cette dernière, l'emprunt d'un membre doit
être approuvé par les autres qui se portent solidairement caution.
Le groupe constitue une pression sociale très importante. Un emprunteur
défaillant va être interdit par exemple de participer à une
fête religieuse. C'est une forme de sanction religieuse qui se montre
efficace dans un pays où la religion est très importante. Le
crédit de groupe solidaire propose donc de substituer des garanties
morales à des garanties matérielles.
33-1. - La transposition de technique du
crédit de groupe solidaire : Le modèle du
micro-crédit. Il est à noter que ce modèle
de crédit de groupe solidaire a été importé dans
les autres pays. Au Cambodge, cette technique est pratiquée par
l'ensemble des opérateurs de micro-crédit. On peut dire
facilement que dans les pays en voies de développement, cette
méthode de solidarité de groupe est tout à fait possible.
L'ACLEDA pratique le prêt solidaire en utilisant la méthodologie
de la garantie du groupe de 3 à 10 personnes. Mais, il faut
reconnaître que le sentiment d'appartenance en milieu urbain commence
à se détériorer fortement, de sorte que la pratique de
groupe solidaire s'avère de plus en plus difficile. D'ailleurs, elle est
difficile à appliquer dans les sociétés industrielles
à cause de la dispersion de la clientèle et de la rupture des
solidarités traditionnelles. C'est la raison pour laquelle le droit
positif admet deux formes du micro-crédit : le micro-crédit
solidaire et le micro-crédit individuel. En France, la densité
des clients est faible, la solidarité avait été
irrémédiablement perdue avec l'urbanisation et il n'était
guère possible, à l'exception, selon Madame Maria NOWAK, des
communautés de femmes africaines ou des gens de voyages, qui avaient
préservé le lien social, d'utiliser la méthode de groupe.
Devant l'impossibilité de créer des groupes solidaires, l'ADIE
pratique l'approche individuelle avec la caution de l'entourage pour la
moitié au moins du montant du crédit solidaire. Cette caution
pratiquée par l'ADIE a un double rôle incontestable58.
D'une part, elle permet de vérifier que les emprunteurs sont
honorablement connus dans leur milieu et que des amis
58. Maria NOWAK, On ne prête pas (que) aux riches,
préc., p. 147.
ou voisins sont prêts, le cas échéant,
à les aider dans la réalisation de leur projet. D'autre part,
elle sert de moyen de pression en cas de non remboursement de crédit. En
effet, en cas de défaillance, les procédures de recouvrement sont
très rares puisque du fait des faibles montants des prêts,
chercher à se faire rembourser peut occasionner des coûts
équivalents à la somme due59. C'est la raison pour
laquelle l'ADIE pratique également une sorte de mutualité entre
les emprunteurs puisqu'elle prélève un montant de 5% du montant
de chaque prêt pour la mutualité des clients60. C'est
une cotisation au Fonds de solidarité de l'ADIE. Cette pratique est
également exercée par l'ACLEDA. On pourrait imaginer que cela
illustre bien la possibilité de solidarité de emprunteurs.
Toutefois, cela n'est pas une approche qui a été pratiquée
au Bengladesh. Bien que la mutualité soit possible, l'approche
exercée en France demeure touj ours une approche individuelle. Tout ceci
nous conduit à penser logiquement que l'idée du
micro-crédit est universelle, mais aucun modèle du
micro-crédit n'est universel. Le modèle du micro-crédit
doit s'adapter au contexte du pays. C'est la raison pour laquelle on peut se
prononcer clairement que reproduire la Grameen Bank ne consiste pas à
imiter le modèle, mais de pouvoir l'adapter à l'environnement
social et culturel du pays. Un exemple intéressant est le modèle
du micro-crédit en Europe. Bien que l'approche sociale et culturelle des
pays européens ne soit pas très loin l'une de l'autre, il n'y a
pas de modèle européen unique de
micro-crédit61. La seule chose qui est la même c'est la
pratique de l'accompagnement du micro-crédit.
33-2. - Les critiques de la pratique du groupe
solidaire. Malgré ces avantages considérables, la
pratique du groupe solidaire n'est pas à l'abri de toutes les
critiques62. L'idée de groupe solidaire est idéale,
mais la pratique montre que la chose n'est pas aussi simple. Dès lors
que le groupe est constitué de manière artificielle, la pression
sociale ne peut plus jouer son rôle. Les risques sont
généralement plus marqués en milieu urbain. Il faut donc
nécessairement différencier les approches selon que l'on est en
milieu urbain ou rural. C'est la pratique au Cambodge où les
opérateurs ont été amenés à adopter des
démarches différentes. En milieu urbain, il n'y a pas
suffisamment de sentiment
59. David VALLAT, « La finance solidaire : un champ
d'application varié », in Le rapport moral sur l'argent dans le
monde, éd. Association d'économie financière, 1998, p.
510.
60 . Ce montant de 5% constitue une contribution symbolique des
emprunteurs au Fonds de garantie pour les structures d'insertion par
l'économique. Ce fonds est destiné à garantir les
micro-prêts accordés.
61 . Maria NOWAK, « Le modèle européen de
micro-crédit », in Le rapport moral sur l'argent dans le monde,
éd. Association d'économie financière, 2006, p.
417-421.
62 . I. GUERIN, « Microfinance dans les pays du Sud : quelle
comptabilité entre solidarité et pérennité ?
», Rev. Eco. Fin, 2001, p. 148-149.
d'appartenance et de solidarité locale. Les
opérateurs ont du mal à impliquer les emprunteurs dans la gestion
du dispositif, ceux-ci évoluent plutôt vers une logique bancaire.
En revanche, en milieu rural, l'approche mutualiste reste pour l'instant
privilégiée. La cohésion sociale est très forte.
S'il y a place pour l'honneur et le souci de préserver la
dignité, s'appuyer sur la pression sociale est possible. Toutefois, en
l'absence de sentiment d'appartenance à une communauté, il est
difficile de s'appuyer sur cette pression sociale. C'est également
l'interprétation des notions de « solidarité » et
« de caution solidaire » qui provoque des malentendus. Il arrive que
les membres qui se portent caution comprennent mal leur rôle. Il pourrait
arriver qu'ils comprennent que le remboursement des défaillants incombe
uniquement au chef du groupe.
Malgré ces critiques, les études montrent que le
succès du micro-crédit est très grand. Pour éviter
le risque de l'absence d'appartenance à une communauté, une autre
technique qui peut également expliquer le succès du
micro-crédit est la technique de garantie de crédit qui se base
sur la proximité.
33-3. - La relation de proximité :
substitution à la garantie matérielle. Cette
technique s'inspire de celle utilisée dans le secteur du financement
informel. C'est pour cela que la formule est souple et qu'elle peut être
adaptée aux besoins. La principale caractéristique du
micro-crédit est la proximité. En pratique, l'absence de garantie
est le principal facteur qui freine l'accès des ménages pauvres
et des micro-entrepreneurs au financement par le secteur formel. La
proximité63, l'un des piliers du micro-crédit, fait
naître une confiance qui remplace le manque de garantie réelle. La
proximité est une notion qui est fondée sur les relations qui
sont déterminées par l'appartenance à un même espace
qui peut être non seulement géographique, mais aussi
éthique, religieux ou professionnel. Elle peut être définie
socialement comme la confiance, la réputation, la
crédibilité, la garantie64. On sait très bien
que la confiance est une notion même du crédit. Elle est
essentielle dans les rapports des acteurs de crédit. Elle joue
également un très grand rôle dans le rapport entre les
acteurs du micro-crédit. Elle entretient une relation dialectique avec
la proximité65.
Dans ce rapport de proximité, la personnalité de
l'emprunteur est très importante. L'évaluation du crédit
dans le système de micro-crédit est basée sur la
personnalité par
63 . Pour une étude d'ensemble : V. OULD NEMINE Ahmed,
Le rôle des micro-crédits dans le financement du
développement, thèse de l'Université de Nice, 15
décembre 2004.
64. P. HUGON, « incertitude et financement de
proximité », Communication en colloque de Lyon, décembre
1993, p. 17.
65. J-M SERVET, « le financement de proximité
», Communication au colloque de Lyon, décembre 1993.
opposition à celle dans le cadre d'activité
bancaire qui s'accompagne d'une analyse financière de demandeur et des
garanties. Cette caractéristique de proximité est
empruntée au système informel qui repose essentiellement sur la
proximité entre le prêteur et l'emprunteur. C'est une
proximité relationnelle qui est alimentée par la proximité
géographique et sociale66.
Au plan géographique, la proximité est
liée au processus de décentralisation des activités.
Chaque organisme de micro-crédit met à la disposition des clients
des agences ou des antennes locales67. L'ACLEDA a mis en place ses
agences dans toutes les provinces du pays. Ils connaissent les demandeurs et
ils peuvent donc être à l'écoute et à la disposition
des clients. C'est ce qu'a réclamé Diderot dans son Jacques Le
FATALISTE « c 'est un man que d'écoute, d'attention qui est
essentiel le plus durement comme une injustice, comme une atteinte à la
dignité68 ». C'est l'instauration d'un dialogue
avec l'emprunteur qui permettra de déterminer la cause de ses
difficultés, l'ampleur de son insolvabilité et le
caractère provisoire ou définitif de celle-ci afin de prendre les
mesures les plus rapides et les plus appropriées69. Pour les
membres du groupe solidaire, cette proximité est un critère de
choix des membres. Ils ont tendance à exclure les gens qui ne se
trouvent pas dans leur communauté. Cette relation personnelle de
voisinage des membres de groupe solidaire constitue une garantie morale
très importante.
Au plan social, la proximité renvoie à la
subjectivité des acteurs. C'est une proximité qui procède
d'une approche fondée sur des comportements d'apprentissage
défini comme le processus d'accumulation, de mémorisation. Cet
apprentissage fournit un savoir sur le milieu social et permet d'évaluer
un degré de confiance.
Au plan relationnel, la proximité est basée sur
la confiance. Celle-ci est à la fois la source et la conséquence
des relations de proximités. Cette confiance est importante. Lorsqu'un
agent de crédit d'une institution de micro-crédit prête de
l'argent à un client ou un groupe de clients sans aucune garantie
matérielle, c'est parce qu'une certaine confiance existe entre eux.
Ainsi, par exemple, l'inspection directe du milieu par les agents de
crédit et le contact personnel avec les clients permettent de
développer un espace de proximité
66 . Alain BERNARD, « Le Fataliste et le Candide :
éradiquer l'exclusion financière, une utopie réaliste ?
», In Le rapport moral sur l'argent dans le monde, éd. Association
d'économie financière, 2006, p. 4O8 ; David VALLAT, «
Très petites entreprises et exclusion bancaire en France : les
partenaires associations-banques », Rev. Eco. Fin, 2000, p.
155.
67 . En 2005, l'Adie comptait 110 antennes et 380 permanences en
France. Plus de 1000 bénévoles offrent leurs services de conseil
dans divers domaines (gestion, comptabilité, droit...).
68. Alain BERNARD, préc., p. 410.
69. Michel LECOMTE, préc., p. 420.
relationnelle. Elle permet un apprentissage sur le
comportement de l'emprunteur et sur son environnement. C'est la pratique
qu'exerce l'agent de crédit de l'ACLEDA avant la décision
d'octroi de crédit.
34. - 2. La technique du crédit
progressif. Le succès du micro-crédit est enfin
lié à la technique qui donne aux emprunteurs une motivation de
rembourser le crédit. C'est une simple procédure d'approbation et
de renouvellement de crédit. Cette caractéristique a
été considérée comme
l'élément-clé qui explique le succès du programme
du micro-crédit dans la mesure où les emprunteurs estiment qu'ils
ont intérêt à rembourser les prêts afin d'obtenir de
nouveaux crédits. C'est une technique dite « de crédit
progressif » suivant laquelle les prêts successifs plus
important sont fournis si le prêt initial a été
dûment remboursé. Le remboursement de crédit doit
être régulier. Toutefois, la pratique de crédit progressif
n'est pas toujours possible en France dans le cas de la création
d'entreprise qui exige souvent un investissement initial70.
35. - L'étude sur les
caractéristiques du micro-crédit permet de voir la situation des
bénéficiaires et le succès du micro-crédit. Bien
que le terme micro-crédit n'ait pas acquis une reconnaissance juridique,
ce dernier ne manque pas d'attirer l'attention du législateur. La place
du micro-crédit en droit peut être expliquée
précisément à travers l'étude cette fois de la
typologie du micro-crédit.
Section II : La typologie du micro-crédit
36. - Une variété du
micro-crédit. Il serait difficile d'imaginer une
différente typologie du micro-crédit puisqu'en pratique lorsqu'on
parle de micro-crédit on se réfère directement au
micro-crédit de type Grameen Bank. Toutefois, plusieurs types
de micro-crédit existent. Monsieur Yunus ne nie pas l'existence d'une
variété de micro-crédit. Il peut aller jusqu'à dire
qu'il faut bien comprendre de quel micro-crédit on parle pour pouvoir
mener un débat compréhensible71. De ce premier constat
on voit très bien qu'en pratique on a une vision très restrictive
de cette nouvelle conception de la distribution de crédit. Cette
habitude doit,
70. ADIE, Document de travail, Novembre 1999, p. 9.
71 . Muhamed YUNUS, what is microcrédit ?, Janvier
2003.
au moins en France, être changée du fait que
récemment le législateur français a adopté un
nouvel article 80-III de la loi du 18 janvier 2005, disposition
consacrée au micro-crédit social. Ainsi, la conception
restrictive du micro-crédit (§1) doit
être abandonnée au profit d'une conception plus large qui permet
d'envisager à la fois le micro-crédit professionnel et le
micro-crédit social dont l'apparition est peut-être nouvelle en
France (§2). Or, cette tendance demeure
inopérante au Cambodge où cette nouvelle typologie du
micro-crédit est très loin à l'esprit tant des
professionnels que de la BNC, autorité habilitée à
réglementer les opérateurs de la micro-finance.
§ 1. - La conception restrictive du
micro-crédit : le micro-crédit professionnel
37. - Plan. Il est ici
intéressant de tracer brièvement l'origine (A)
du micro-crédit professionnel avant d'évoquer
l'implantation de cette conception en France et au Cambodge. Cette histoire
permet de comprendre le micro-crédit mis en place dans ces deux pays. Il
faut ensuite noter que le développement du micro-crédit
professionnel est encouragé par la création de Fonds de
Cohésion sociale (B)
A. L'origine du micro-crédit professionnel
38. - La naissance du micro-crédit
professionnel. Beaucoup de personnes ont mal compris que le
micro-crédit est né, en première fois, au Bangladesh en
même temps que la Grameen Bank. En effet, le micro-crédit
est né en 1971 en Colombie à travers l'Organisation à but
non lucratif Opportunity International, et au Brésil en 1973
avec l'ONG Accion International. Il a vu ensuite le jour au Bangladesh
en 1976 et s'est rapidement étendu partout dans le monde grâce aux
effets positifs72 qui ont été engendrés par le
micro-crédit de type Grameen Bank. La méthode de
micro-crédit développée par la Grameen Bank est
originale puisque pour pouvoir emprunter les demandeurs de crédit
doivent constituer un groupe de cinq personnes qui s'épaulent dans les
remboursements. Aucune autre garantie n'est demandée. Cette
originalité permet de comprendre le discours du professeur YUNUS qui dit
que « ce n 'est pas l 'argent qui sauve, mais la confiance, la
solidarité et la fraternité ». La destination des
crédits empruntés doit obligatoirement
72 . V. infra, n° 62-75.
permettre la création d'une activité
économique génératrice de revenus et donc de permettre aux
emprunteurs de subvenir leur famille. Par exemple, un prêt peut
être accordé afin d'acheter une ou plusieurs poule(s). En vendant
les oeufs, l'emprunteur rentre dans un cycle économique et
génère ainsi des revenus, grâce auxquels il va rembourser
le prêt. Cette idée d'octroi de crédit aux pauvres,
modestes ont été rapidement transposée dans les autres
pays en développement, le Cambodge notamment, et même industriel,
c'est la cas par exemple de la France.
39. - Le micro-crédit professionnel en
France et au Cambodge. L'idée répandue en France
est que la création d'entreprise est une affaire d'élite et que
la vaste majorité des citoyens ne pense qu'à la
sécurité d'un emploi salarié appartenant, si possible,
à la fonction publique. Cette idée ignore la
réalité. En effet, la vérité est qu'il existe en
France un vrai désir de « se mettre à son
compte73 ». En plus, la montée du chômage depuis
le début des années quatre-vingt encourage le recours à
des micro-initiatives pour créer son propre emploi. Mais la question de
financement de ces activités se pose. C'est bien dans ce contexte que
l'ADIE a été créée pour promouvoir « l
'esprit d'entreprise qui est la chose du monde la mieux
partagée74 » en mettant en place le
produit de micro-crédit inspiré des expériences du
micro-crédit de la Grameen Bank.
Il s'agit du micro-crédit professionnel puisqu'il
permet, aux pauvres, aux chômeurs ou aux Rmistes de se lancer dans
l'économie ou de se retrouver leur citoyenneté économique
au moyen de la création de leur propre emploi. La finalité de
crédit doit être de créer ou de développer une
entreprise ou d'entreprendre une activité génératrice de
revenus. L'article 74 al. 3 de la loi sur les institutions bancaires et
financières prévoit que « les entités qui pratiquent
les opérations de banque en vue notamment de promouvoir
l'intermédiation bancaire dans les secteurs de l 'agriculture, de l
'artisanat, du petit commerce et des services aux particuliers... »
Il peut donc concerner divers secteurs d'activités : l'agriculture,
l'artisanat, le petit commerce et les services. Le domaine d'intervention du
micro-crédit en droit cambodgien est aussi large que celui du droit
français. L'alinéa 5 de l'article L. 511-6 du Code
monétaire et financier est ainsi compris que l'interdiction d'exercer
des opérations de crédit à titre de profession habituelle
ne s'applique pas « aux associations sans but lucratif faisant des
prêts pour la création et le
73. Maria NOWAK, « Le crédit solidaire : une voie
nouvelle vers l'association du travail et du capital », in Le rapport
moral sur l'argent dans le monde, éd. Association d'économie
financière, 1998, p. 483-487.
74. Idem. p. 484.
développement d'entreprises par des chômeurs
ou titulaires des minima sociaux sur ressources propres et sur emprunts
contractés auprès d'établissements de crédit ou des
institutions ou services mentionnés à l'article L. 518-1,
habilitées et contrôlées dans des conditions
définies par décret en Conseil d'Etat ». Il concerne
aussi bien la création que le développement d'entreprises, quel
que soit leur objet social. Il s'agit en pratique des entreprises individuelles
qui interviennent surtout dans le domaine de petits commerces et de
services75. En effet, la création de son propre emploi exige
un minimum de fonds propres et l'accès au crédit. C'est
exactement sur ce point que le micro-crédit imaginé en France est
différent de celui pratiqué dans les pays en développement
notamment le Cambodge. Le micro-crédit est accordé dans ce
dernier pays en vue d'entreprendre des activités
génératrices de revenus. Il s'agit des activités
traditionnelles qui n'exigent pas un minimum de fonds propres. Pour financer
les fonds propres ou quasi-fonds propres d'autres dispositifs ont
été mis en place : le prêt d'honneur, le prêt
à la création d'entreprise.
40. - Le micro-crédit, le prêt d'honneur
et le prêt à la création d'entreprise. En France,
l'intervention des pouvoirs publics à la création ou
développement d'entreprises par les chômeurs, les Rmistes sous
forme de fonds propres qui correspondent à une prime de démarrage
est indispensable et aurait dû être pleinement justifiée
sans qu'on puisse dire que cette intervention contrevient à la libre
concurrence. Le dispositif d'ACCRE (Aide aux Chômeurs Créateurs et
Repreneurs d'Entreprise) mise en place montait un rôle précurseur
de la France dans le domaine des fonds propres. L'ACCRE comprenait une prime et
l'exonération des charges sociales pendant un an. Cette prime a
été malheureusement supprimée en 1996 à la faveur
des économies budgétaires et sous la pression des artisans et
commerçants établis, qui considéraient qu'elle leur
créait une concurrence déloyale.
D'autres inventions des collectivités locales dans le
soutien de financement à la création d'entreprise peuvent
être revêtues sous forme de prêt d'honneur qui permet de
former un quasi-fonds propre. Ce prêt d'honneur doit être
distingué du micro-crédit qui est couramment appelé en
France le crédit solidaire. Ce dernier doit aussi être
distingué du prêt à la création d'entreprise.
Certes, ces formes de financement visent les mêmes
bénéficiaires et ont la même finalité. Toutefois,
l'une doit être clairement distinguée de l'autre. La confusion
entraîne une mauvaise compréhension du concept de
micro-crédit
75. Maria NOWAK, « Pour un droit à l'initiative
économique », in La micro-finance n'est plus une utopie !,
Autrement, 2007, p. 80.
professionnel. Il faut remarquer que l'ADIE offre à ces
clients non seulement du crédit mais un financement complet de leur
projet comprenant prêt et fonds propres ou quasi-fonds propre. Le premier
prêt, sous forme de micro-crédit, accordé par l'ADIE
constitue un capital de départ.
41. - Le micro-crédit et le prêt
d'honneur. Bien que le prêt d'honneur et le
micro-crédit soient gérés par les organismes d'insertion
notamment l'ADIE, tous les deux ne doivent pas se confondre. Un auteur, Sylvain
ALLEMAND, a écrit que le prêt d'honneur est le micro-crédit
lorsqu'il est accordé à titre gratuit. Toutefois, Madame Maria
NOWAK affirme que cela entretient une certaine confusion dans les esprits.
Selon elle, « ce n'est pas du micro-crédit au sens strict,
même si certains appellent cela ainsi76 ». Le
système de prêt d'honneur, sans intérêt et sans
garantie prise sur les biens du porteur des projets, développé
par des associations locales et octroyé au créateur d'entreprise,
constitue une réponse efficace à la constitution des quasi-fonds
propres de la future entreprise. Il s'agit d'une autre forme d'intervention
plus simple du pouvoir public, des collectivités locales. La Caisse des
Dépôts a investi, aux côtés des collectivités
territoriales, de l'Etat et des acteurs économiques, 44 millions d'euros
dans plus de 260 fonds locaux de prêts d'honneur qui, en 2003, ont
financé plus de 8000 entreprises et permis de créer 15 000
nouveaux emplois77. Il permet un effet de levier financier et
s'inscrit bien dans le développement économique local. Selon un
exemple expliqué par Monsieur Francis MAYER, pour 1 euro de prêt
d'honneur accordé, les créateurs obtiennent en moyenne 4,75 euros
de prêts bancaires78. Il doit être complémentaire
et subordonné par rapport au prêt bancaire. Il est important que
ces deux conditions soient remplies pour que le prêt d'honneur ne soit
pas en concurrence avec le prêt bancaire. Cette concurrence n'est pas
finalement avantageuse pour le créateur qui a besoin non seulement de
quasi-fonds propres, mais aussi d'accès permanent au crédit. Elle
augmente en plus inutilement les dépenses publiques si le crédit
peut être assuré par les banques. Le financement du prêt
d'honneur peut intervenir sous forme de prêt participatif dont les
intérêts et les modalités de remboursement seront
déterminés en fonction des résultats de l'entreprise. Il
s'agit en effet d'une forme hybride entre le prêt et la subvention.
76 . Sylvain ALLEMAND, préc., p. 82.
77. Francis MAYER, préc., p. 385-386.
78. Francis MAYER, préc., p. 385.
42. - Le micro-crédit et le prêt
à la création d'entreprise. Le micro-crédit
professionnel doit également être distingué d'une autre
forme de financement à la création d'entreprise qui est le
prêt à la création d'entreprise. Le dispositif du PCE a
été mis en place en 2000. Le prêt à la
création d'entreprise constitue une forme de partenariat
public-privé dans le domaine du financement. Comme le prêt
d'honneur, le prêt mis en place par la Banque du développement des
petites et moyennes entreprises (BDPME), pour lequel la Caisse des
Dépôts assume une partie du risque, est obligatoirement
accompagné d'un prêt bancaire. Il a bénéficié
à plus de 50 000 entreprises à ce jour. Il s'agit en fait d'une
forme de garantie apportée par le pouvoir public, mais c'est une
garantie sous forme d'un partage de l'encours de crédit79.
43. - Contrairement au prêt
d'honneur et au PCE, le micro-crédit peut être accordé par
l'ADIE sans qu'il soit subordonné au prêt bancaire. Mais, il peut
être aussi directement financé par les banques dans le cadre du
partenariat banques-ADIE. Ce financement direct par les banques, mais
subordonné à l'accompagnement du projet, est encouragé par
la création de Fonds de garantie dit de Fonds de cohésion
sociale. Ce dernier, ayant pour but de garantir le micro-crédit
professionnel, constitue un nouvel instrument du développement du
micro-crédit professionnel.
B. Le Fonds de cohésion sociale : Un instrument
pour le développement du micro-crédit professionnel
44. - Un exemple de fonds de garantie (le FGIF).
L'idée de micro-crédit professionnel, qui existait
à la fin des années quatre-vingt dix et menée pour la
première en France par l'ADIE, est encouragée et
développée par la loi Borloo du 18 janvier 2005 de programmation
de cohésion sociale. Le FCS a été créé par
l'article 80-III de cette loi afin de « garantir, à des fins
sociales, des prêts à des personnes physiques ou morales et
des prêts à des chômeurs ou titulaires de minima sociaux
créant leur entreprise ». En effet, pour faciliter
l'accès au crédit, plusieurs fonds de garantie ont
été constitués à cet effet pour garantir les
prêts accordés par les banques. Les fonds de garanties sont
souvent subventionnés par l'Etat, les collectives locales. Ils peuvent
être constitués dans le cadre de partenariat Banque-Organisme du
micro-crédit notamment entre les banques et l'ADIE. Il
79. Francis MAYER, préc., p. 386.
s'agit d'une forme de réduction des risques de
crédit par le montage de dispositifs de garantie. Pour mieux comprendre
le rôle des fonds de garantie, on peut évoquer à titre
d'exemple le Fonds de garantie pour la création, la reprise ou le
développement d'entreprise à l'initiative des femmes (FGIF). Il
peut être attribué à toutes les femmes qui veulent
créer, développer ou reprendre une entreprise pour la garantie
des prêts bancaires destinés à financer le besoin en fond
de roulement ou des investissement. L'entreprise doit être
créée ou reprise depuis moins de 5 ans. La responsabilité
de l'entreprise doit être assumée par la femme, candidate à
la demande de garantie de FGIF. Le FGIF garantit au maximum 70% du prêt
dont le montant maximum est de 5 000 euros. L'établissement
prêteur doit dans tous les cas assumer au moins 30% du risque.
45. - La vocation de Fonds de Cohésion
sociale. La vocation principale du FCS est de soutenir les
dispositifs de garantie préexistants qui interviennent dans l'appui aux
chômeurs créateurs d'entreprise. Il intervient comme un «
fonds de fonds80 » de garantie auprès de France
Active. Cela montre bien que l'emploi est une nouvelle priorité absolue
du gouvernement français. Il a précisé dans
l'exposé des motifs de la loi du 18 janvier 2005 que « il faut
cesser de penser que le chômage est une anomalie marginale, une exception
malheureuse. Il faut cesser de croire que la puissance publique doit seulement
en atténuer les conséquences douloureuses et attendre avec
fatalisme un retour à la normale. Cette conception
dépassée n 'aide pas à appréhender la situation
comme elle se doit ». On peut constater qu'aujourd'hui, seuls 22% des
créateurs d'entreprises ont accès au crédit bancaire, et
les fonds de garantie existants gérés par les grandes
associations d'insertion (ADIE, France Active, France Initiative réseau)
n'ont pas toujours les moyens de répondre à la demande de plus en
plus importante de prêt bancaire à la création
d'entreprise81. Le FCS82 intervient donc pour augmenter
les fonds existants afin d'augmenter leur capacité de garantir les
prêts, que ce soit pour financier la création ou reprise
d'entreprise. Il augmente les fonds gérés par France Active
Garantie83. En 2005, 1,7
80 . Michèle HARDRE-SCHILI, préc., p. 55.
81 . Marie-Anne BARBAT-LAYANI, préc., p. 382.
82 . Le Fonds de Cohésion sociale garantit les
micro-crédits accordés par les banques jusqu'à 50%. Le
Fonds est doté par l'Etat, via des crédits ouverts par les lois
de finance des années 2005 à 2009 (2005 : 4 millions, 2006 : 12
millions, 2007 à 2009 : 19 millions) (article 80-III).
83 . France Active est une association de loi de 1901 dont
l'objet est l'insertion par l'activité économique. L'association
France Active a été créée en 1988 sous
l'égide de la Fondation de France par la Caisse des Dépôts,
l'Agence Nationale pour la création d'entreprise, le Crédit
Coopératif, la Fondation MACIF et des organisations caritatives. Elle
propose des garanties d'emprunts bancaires via France Active Garantie et des
apports en fonds propres via le Fonds Commun de Placement Insertion Emploi (FCP
IE), la Société d'Investissement France Active (SIFA) et les
contrats d'apports associatifs.
millions d'euros pour le fonds de garantie pour la
création, la reprise ou le développement d'entreprise à
l'initiative des femmes et 1,1 millions d'euros pour le Fonds de garantie pour
l'insertion économique.
A côté du micro-crédit professionnel, le
Fonds de cohésion sociale a également pour vocation de garantir
de la même manière le micro-crédit social accordé
par les banques dont la naissance n'est pas forcément nouvelle en
France.
§ 2 - L'innovation du micro-crédit
social
46. - L'aspect novateur de la loi du 18 janvier 2005.
L'un des aspects novateurs de la loi de programmation de
cohésion social est qu'elle crée une nouvelle catégorie de
microcrédit dit de « micro-crédit social84
». Par opposition au micro-crédit classique qui est destiné
au financement de la création de micro-entreprise par des chômeurs
ou les Rmiste, le micro-crédit social a un objet plus vaste : il s'agit
de prêt permettant à des personnes en situation d'exclusion de
financer des projets personnels ou des achats nécessaires à leur
insertion. Vu que le micro-crédit professionnel fonctionne
déjà grâce à des dispositifs existants, c'est cette
catégorie du micro-crédit social qui attire davantage
l'attention. Cette innovation s'inspire assez largement d'une
expérimentation menée par le Secours Catholique. Le FCS est donc
un outil de lutte contre l'exclusion financière des ménages
pauvres. Une démarche novatrice du micro-crédit social
(A) n'est pas, par ailleurs, sans incidence sur les
définitions proposées par les chercheurs ou les praticiens du
micro-crédit (B).
A. Le Fonds de Cohésion sociale : une
démarche novatrice pour le micro-crédi
social
47. - Il faut reconnaître que le
micro-crédit est non seulement la réponse à un besoin
crucial de développement d'activités indépendantes, mais
il peut également contribuer à la réinsertion sociale ou
professionnelle de certaines personnes en difficulté. Aujourd'hui, les
ménages, qui ne peuvent pas recourir à des crédits
distribués par les banques ou les établissements
spécialisés en raison de la modestie de leur ressources,
expriment qu'il n'est pas illégitime de financer par crédit
certains de leurs besoins. Il existe bien des projets
84 . Marie-Anne BARBAT-LAYANI, préc., p. 383 ; Michel
LECOMTE, préc., p. 423.
valorisant la personne humaine, favorisant le confort familial
ou améliorant la vie quotidienne, qui méritent d'être
anticipés. Trouver des solutions de financement pour ces ménages
est, selon Monsieur Michel LECOMTE, socialement équitable85.
Cet auteur précise qu' « il ne faut plus avoir une mauvaise vision
sur leur capacité de remboursement des échéances de
prêt. Pour pouvoir assurer leur capacité de remboursement,
l'importance est de savoir adapter le crédit à la
spécificité de la situation de ces personnes ». L'innovation
du micro-crédit sociale exprime donc la reconnaissance par le pouvoir
public de ce rôle incontestable du micro-crédit et de la
réclamation socialement et équitablement justifiée de ces
ménages en difficulté. Il nous convient ici de tracer l'origine
(1) du microcrédit social pour savoir s'il s'agit
vraiment ou non d'une innovation de la loi de programmation de cohésion
sociale avant d'évoquer les conditions de la distribution (2)
du micro-crédit social.
1. L'origine du micro-crédit social
48. - Le micro-crédit et le crédit
social. En effet, il faut savoir que le micro-crédit social
n'est qu'une variété des crédits sociaux. Certains auteurs
parlent indistinctement de crédit social ou de micro-crédit
social. Monsieur Francis MAYER parle expressément de crédits
sociaux86, tandis que Monsieur Michel LECOMTE parle de
micro-crédit social. Selon lui, « il s'agit bien d'aboutir à
un nouveau concept de crédit s'adressant aux ménages qui
pourraient être appelé micro-crédit social par opposition
au micro-crédit que l'on connaît déjà et qui ne vise
plus à créer une activité économique87
». En revanche, Monsieur Alain BERNARD préfère parler de
prêt projet personnel88.
49. - L'expérience du Secours Catholique.
S'agissant de prêt de dépannage ou de projets permettant
de renforcer la cohésion familiale89, le micro-crédit
social consacré par la loi de programmation de cohésion sociale
s'inspire de l'expérimentation effectuée par le Secours
Catholique90. Dans l'objectif d'accompagner des personnes les plus
vulnérables pour qu'elles puissent retrouver leur propre voie de
développement dans le domaine de
85 . Michel LECOMTE, préc., p.420.
86 . Francis MAYER, préc., p. 381.
87 . Michel LECOMTE, préc., p. 423.
88 . Alain BERNARD, préc., p.415.
89. Semaine du micro-crédit, Lancement du Fonds de
Cohésion sociale, Mardi 5 avril 2005.
90. Le Secours Catholique est une association régie par
la loi du 1er juillet 1901.
l'insertion par l'économie, le Secours Catholique a mis
en place un groupe de travail composé d'experts bancaires et de
responsables de l'association afin de réfléchir à de
nouveaux moyens de lutte contre l'exclusion financière. Les conclusions
de ce groupe de travail ont été de recommander l'organisation
d'expérimentations afin d'identifier de nouveaux outils de prêt
permettant de soutenir les projets personnels des hommes et des femmes en
situation de difficulté91. Concrètement, il s'agit de
proposer des petits prêts personnels accompagnés de 500 à
2000 euros à un taux compris entre 4 et 8%, sur une durée
idéale inférieure ou égale à 24 mois, offrant une
mensualité ne dépassant pas 100 euros et consentis à des
travailleurs pauvres, des demandeurs d'emplois ou Rmistes avec ou sans revenus,
des personnes bancarisées ou non, mais sans accès au
crédit. L'accompagnement de l'emprunteur est une des conditions
nécessaires de l'octroi de ces prêts. Ces prêts sont
garantis à hauteur de 50% par le Secours Catholique qui, pour ce faire,
a créé un outil spécifique, le Fonds social de garantie.
Une partie du risque reste à la charge de la banque qui aura mis en
place le crédit.
Le micro-crédit social consacré dans le cadre de
la garantie apportée par le FCS s'inspire largement de ces
expériences menées par le Secours Catholique et s'inscrit, donc,
dans un objectif de valorisation de la situation des ménages pauvres
mais qui peuvent s'intégrer dans la vie sociale et économique
grâce au crédit. L'idée n'est pas de mettre en place une ou
des banques des pauvres, mais d'aider et d'inciter l'ensemble des banques
à s'impliquer directement dans ce nouveau domaine. Des appels à
des projets ont été lancés auprès des
établissements de crédit. Il est beaucoup trop tôt pour
dresser un bilan de ces opérations qui débutent. Des accords ont
été conclus avec des établissements de crédit
notamment le Crédit mutuel, le Crédit coopératif. Un
accord a été conclu entre l'Etat, la Caisse des
Dépôts et le Secours Catholique, afin de permettre à ce
dernier de poursuivre le pilotage d'une expérimentation d'octroi de
micro-crédit social pour définir les critères
d'évaluation et de reporting qui seront établis et
seront susceptibles, après leur validation par le Comité
d'orientation et de suivi de l'emploi des fonds du FCS (COSEF), d'être
repris pour l'ensemble des expérimentations similaires
ultérieurement engagées moyennant l'intervention du
FCS92.
50. - Le micro-crédit social est-il vraiment
nouveau en France? Un auteur a pu
91 . Alian BERNAUD, « Le Fataliste et le Candide :
éradiquer l'exclusion financière, une utopie réaliste ?
», in Le rapport moral sur l'argent dans le monde, éd. Association
d'économie financière, 2006, p.405. 92. Semaine du
micro-crédit, Lancement du Fonds de Cohésion sociale, Mardi 5
avril 2005.
nettement affirmer que le prêt sur objet
distribué par le Crédit municipal de Paris (CMP), l'un des
héritiers des Monts-de-piété italiens, est une forme
originale de micro-crédit social93. Il se distingue du
micro-crédit, que l'actualité met en avant, en ce qu'il n'est pas
uniquement destiné à permettre une création d'entreprise
ou d'emploi. Pour comprendre cette démonstration, il faut regarder le
mécanisme et l'objectif du prêt sur gage accordé par cet
établissement public administratif94.
S'agissant du mécanisme, en échange du
dépôt d'un objet, le client se voit proposer un prêt d'un
montant égal à 50%, voire 70%, de la valeur de l'objet
estimée par des commissaires-priseurs en référence au
marché des enchères publiques, pour une durée d'un an
maximum. A l'échéance, le prêt peut être
remboursé ou soldé par la mise en vente de l'objet aux
enchères publiques. Dans ce cas, la vente éteint la dette : si le
prix de vente est inférieur au montant de la dette, le CMP assume la
perte et ne réclame pas le complément au client ; dans le cas
inverse, la différence positive ou « le boni » est
restituée au client. Il s'agit bien d'un système de
micro-prêt de dépannage et non d'un système de vente.
S'agissant de son objectif, le prêt sur gage a pour
objectif de commettre l'usure. C'est sur ce point, il nous semble, qui permet
à cet auteur de dire que le CMP est un premier organisme de
micro-crédit social en France. On peut le comprendre puisque l'un des
objectifs du micro-crédit est de combattre l'usure. Le
micro-crédit repris et développé par Monsieur Muhamud
YUNUS n'est, selon Madame Maria NOWAK, qu'une résurgence de
l'idée inventée et développée par
Raiffeisen95 au milieu de XIXème siècle.
Dans l'impossibilité de recourir au prêt bancaire, les paysans
pauvres empruntent auprès de prêteurs privés, l'usurier
proprement dit, qui impose des taux d'intérêt trop
élevé. Les paysans sont souvent condamnés à vendre
leur patrimoine mobilier à des conditions défavorables. Ainsi, le
prêt sur gage constitue un mode de financement pour les populations peu
ou mal bancarisées. Il est destiné à favoriser
l'accès des particuliers au crédit. Il constitue le moyen de
lever la contrainte de liquidité sur leur patrimoine mobilier.
Si on ne peut pas contester cette idée, force est de
constater que le micro-crédit social inventé par la loi de
programmation de cohésion sociale poursuit un nouvel objectif
93. Luc MATRAY, « Prêts sur gages et banque
d'utilité sociale : l'expérience du crédit municipal de
Paris », in Le rapport moral sur l'argent dans le monde, éd.
Association d'économie financière, 2006, p. 424.
94. Le Crédit municipal de Paris se développe
autour de deux pôles : le prêt sur objet, qui représente
moins de 25% de son activité, et l'activité bancaire. Ces deux
pôles ont été, fin 2004, séparés dans deux
entités distinctes : le CMP, établissement public administratif,
a conservé le prêt sur objet, monopole légal, et CMPBanque,
société anonyme à conseil de surveillance et directoire,
sa filiale à 100%, a reçu l'apport de l'activité bancaire
de « droit commun ».
95. Maria NOWAK, « Le micro-crédit en France et en
Europe », in Le rapport moral sur l'argent dans le monde, éd.
Association d'économie financière, 2003-2004, p. 429.
bien distinct de l'idée de micro-crédit social
fondé sur l'objectif de prêt sur gage accordé par le CMP.
Il s'agit de favoriser l'insertion sociale ou professionnelle des personnes en
difficulté par voie de crédit. A l'heure actuelle, l'importance
est de savoir dans quelle mesure une personne en difficulté peut-elle
recourir au micro-crédit social.
2. Les conditions de l'octroi du micro-crédit
social
51. - Les conditions d'obtention du
micro-crédit social. Le FCS a pour double vocation de
« garantir à des fins sociales des prêts à des
personnes physiques ou morale et des prêts à des
chômeurs ou titulaires de minima sociaux créant leur
entreprise96 ». Au vu de cette disposition, deux conditions
sont posées : la première concerne la clientèle
visée et la deuxième est relative à la finalité des
prêts accordés. Toutefois, s'inspirant de l'expérience
menée par le Secours Catholique, une autre condition y est
ajoutée. Il s'agit de l'accompagnement de l'emprunteur.
52. - 1. La clientèle visée.
La loi vise aussi bien les personnes physiques que les personnes
morales. D'une part, les bénéficiaires du micro-crédit
social sont des personnes physiques exclues du système économique
et financier et qui pourraient y revenir grâce au crédit. Sont
ainsi concernés les bénéficiaires des minima sociaux, les
demandeurs d'emploi, les travailleurs pauvres, et plus
généralement, les personnes ayant une difficulté à
accéder au système bancaire. Cependant, le FCS n'a pas vocation
à garantir des crédits octroyés à des publics en
très grande détresse qui ne disposerait d'aucune capacité
de remboursement. D'autre part, elle vise les personnes morales dont l'objet
est de permettre l'insertion de personnes en situation d'exclusion. Il importe
donc peu que les bénéficiaires soient des personnes physiques ou
morales. Ce qui compte c'est la finalité de prêts qui leur sont
accordés.
53. - 2. La finalité des crédits.
Il s'agit de crédits de dépannage ou de projet. Le
crédit social pourra donc servir à couvrir des dépenses
relatives à l'acquisition ou à l'entretien d'un véhicule
nécessaire à l'accès au travail, à
l'équipement ménager, à l'accès au logement,
à des projets de cohésion familiale. Le prêt ne se fait
qu'à partir de l'énoncé et de la validation d'un projet.
L'élaboration du financement doit se faire entre le porteur de
96. L'article 80-III de la loi du 18 janvier 2005 de
programmation sur la cohésion sociale.
projet et l'accompagnateur et la banque. Ces projets peuvent
être classés en plusieurs grandes catégories : logement,
emploi et mobilité, équipement, projet de cohésion
familiale et divers (formation professionnelle, caution pour entrée dans
un nouveau logement, équipement électroménager...).
54. - Le micro-crédit social et le 1%
logement. Le problème du logement constitue l'un des objectifs
prioritaires du Plan de cohésion sociale. Le micro-crédit social
peut donc être accordé en vue de faciliter l'accès des
jeunes ou des personnes démunies au premier logement locatif. Les
prêts garantis par le FCS peuvent concerner le financement du
dépôt de garantie, les petits travaux d'amélioration du
logement, le chauffage etc. Le FCS assure donc la moitié du risque sur
les dispositifs mis en oeuvre par les opérateurs, les banques et les
compagnies d'assurances, en matière de caution locative et de garantie
impayée de loyers pour les étudiants, les apprentis ou jeunes
travailleurs. Le micro-crédit social constitue donc parmi les autres
dispositifs d'aides au logement un outil essentiel pour faciliter
l'accès au premier logement locatif. On peut donc rapprocher le
micro-crédit aux autres dispositifs notamment le Fonds solidarité
logement, le Locapass mis en oeuvre par les collecteurs du « 1%
logement97 ». Ces derniers dispositifs semblent aujourd'hui
inadaptés face à l'ampleur des problèmes
rencontrés. Le dispositif Locapass peut bénéficier
à une clientèle très large : salariés, jeunes en
recherche ou situation d'emploi, étudiants salariés, travailleurs
saisonniers. Il a connu une très forte progression depuis sa
création en 1999. Il intervient sous forme d'avance du
dépôt de garantie98 et de garantie de loyer sur une
période de 18 mois. Toutefois, il faut reconnaître qu'il est
rarement appliqué par les bailleurs privés, soit par
méconnaissance de son existence, soit parce qu'il exige conjointement
avec la garantie Locapass, une caution de personne physique, voire une
assurance de loyers et dégradation. Le 1% logement entretient donc un
objectif identique à l'un des objectifs du micro-crédit social.
En plus, en raison de l'ampleur du terme « personnes physiques ou morales
», les bénéficiaires du micro-crédit social peuvent
être aussi large que ceux du 1% logement.
55. - 3. La mise en oeuvre des prêts.
Un accompagnement individualisé de l'emprunteur
97. Patrick BAQUIN, « L'accès au logement pour les
exclus bancaires et financiers », in Le rapport moral sur l'argent dans le
monde, éd. Association d'économie financière, 2006, p.
387-390.
98. 311 000 avances et 165 000 garanties de loyers
accordées en 2004 : Source, Partick BANQUIN, préc., p. 388.
est obligatoire. Cet accompagnement est nécessaire
puisqu'il permet d'instaurer un dialogue avec l'emprunteur, de
déterminer la cause de ses difficultés, l'ampleur de son
insolvabilité et le caractère provisoire ou définitif de
celle-ci afin de prendre des mesures le plus rapidement possible99.
L'accompagnement doit être assuré en amont et en aval de la
distribution du crédit. Il peut être assuré soit par un
professionnel du secteur social, soit éventuellement par
l'établissement de crédit. Le Secours Catholique a pris en charge
cet accompagnement. L'association a pour mission d'effectuer une étude
préalable du projet de l'emprunteur et de sa capacité d'emprunt.
Elle accompagne ensuite l'emprunteur durant la vie du prêt afin de
pouvoir intervenir en cas d'incident. L'accompagnement engage moralement
auprès des banques et des demandeurs de prêts. Il peut être
pris en charge par d'autres organismes sociaux. Par exemple, les CCAS (Centres
communaux d'action sociale) ont marqué leur intérêt pour
expérimenter la démarche. Leur force réside dans une bonne
connaissance des demandeurs potentiels qu'ils côtoient
quotidiennement100. Les avantages de cet accompagnement seront
ultérieurement abordés101. Mais à qui incombe
la prise en charge réelle du coût financier de cet accompagnement
? Monsieur Michel Camdessus a rappelé que le principal obstacle au
développement du micro-crédit est l'insuffisance
d'accompagnement. Pour lever cet obstacle, le gouvernement a tout
récemment élargi le champ d'action du FCS pour lui permettre de
financer l'accompagnement des porteurs de projets, dans la loi dite «
retour à l'emploi » du 23 mars 2006102 dans son article
26 selon lequel « Ce fonds peut également prendre en charge des
dépenses d'accompagnement des bénéficiaires, liées
à la mise en oeuvre des projets financés par les prêts qu
'il garantit ». Les dépenses prises en charges par le FCS
doivent être liées au prêt garanti par ce Fonds. Enfin, cet
accompagnement permet de ne pas détourner l'objectif du FCS. Il s'agit
donc d'éviter le transfert de risques relatifs à la
clientèle existant vers le FCS.
56. - Les formes d'intervention du Fonds de
Cohésion sociale. L'intervention du Fonds se fera soit sous
forme de dotation de fonds de garantie existants, soit par engagements par
signature sur des portefeuilles de prêts. La gestion du Fonds est
confiée à la Caisse des
99. Maria NOWAK, Le rapport moral 2003-2004, préc., p.
424.
100 . Andréane FULCONIS-TIELEN, « crédit
social : Le microcrédit doit entrer dans la gamme de produits des
banques », Banque, juin 2006, n°68 1, p. 55.
101. V. infra, n° 130-134.
102 . Loi n°2006-339 du 23 mars 2006 pour le retour à
l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de
minima sociaux (J.O du 24 mars 2006).
Dépôts et de Consignations. L'action de la Caisse
des Dépôts s'articule autour des principes suivants : «
insertion dès l'origine des porteurs de projets dans une relation
bancaire, accompagnement par des réseaux associatifs
spécialisés, réduction des risques par le montage de
dispositifs de garantie, recherche d'un effet de levier, mesure de
l'efficacité103 ». Tout ceci montre la reconnaissance
rapide du micro-crédit en France. L'objectif du micro-crédit
social dépasse celui du micro-crédit pratiqué au
Bangladesh et puis importé en France et au Cambodge. On pourrait se
demander si ce nouveau dispositif peut être mis en place au Cambodge. La
question suscite moins de débat en raison de niveau de la richesse du
pays. L'Etat n'aurait pas les moyens de mettre en place ce genre de fonds de
garantie. En plus, la notion de micro-crédit social est loin de l'esprit
des praticiens sur le terrain. L'innovation du micro-crédit social avec
un objectif différent de celui du micro-crédit social
appelé par le praticien du prêt sur gage accordé par le CMP
est une avancée rapide, mais incontestable dans le contexte du pays.
Toutefois, elle pourrait avoir une incidence sur la définition du
micro-crédit.
B. L'incidence sur la définition du
micro-crédit
57. - L'absence de définition exacte du
micro-crédit. La définition du micro-crédit
n'existe pas encore ni dans le lexique financier, ni dans les dictionnaires
classiques. Il est en cours de formation104. Bien qu'il soit
mondialement connu, la définition du micro-crédit n'a pas
été unanimement donnée. Chaque programme de
micro-crédit véhicule ses propres objectifs et s'exerce dans les
contextes différents. Il ne peut donc que se prêter largement au
débat, ce qui ne facilite pas la tâche consistant à
définir le micro-crédit. Chaque chercheur et chaque institution
se sont dotés de définitions spécifiques en fonction des
objectifs de recherche105. A première vue, le
micro-crédit n'est pas autre chose que le crédit. Pourrait-il
être défini à partir de la définition du
crédit tout en tenant compte tout simplement de sa dimension
financière106 ? Mais, qu'est-ce qu'il faut entendre par
crédit ?
58. - Un auteur a pu définir le
crédit comme étant « une opération qui permet
à une
103 . Francis MAYER, « Cohésion sociale : faciliter
l'accès au crédit », in Le rapport moral sur l'argent dans
le monde, éd. Association d'économie financière, 2005, p.
381-388.
104 . CE, Microcrédit pour la petite entreprise et sa
création : combler une lacune du marché, Direction
générale entreprise, Octobre 2003.
105 . Pierre VERBEEREN, Ira LARDINOIS, Guide pratique sur le
micro-crédit : l'expérience du prêt solidaire, Septembre
2003, p. 11 (cet ouvrage peut être téléchargé
gratuitement sur le site
www.kbs-frb.be).
106 . Micro : un préf. qui, placé devant une
unité, la multiplie par 10-6 : Le Petit Larousse, 1993, p. 655.
personne d'obtenir immédiatement une prestation dont
elle paiera la valeur plus tard107 ». Il est incontestable que
le crédit constitue une avance de fonds. Mais, c'est trop large pour le
micro-crédit qui ne peut que concerner le prêt. En plus, selon
l'article L.3 13-1 du Code monétaire et financier « constitue une
opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant
à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la
disposition d'une personne ou prend, dans l'intérêt de celle-ci,
un engagement par signature tel qu'un aval, un cautionnement, ou une garantie
». Cet article ne définit pas le crédit. Il ne fait
qu'énumérer les opérations de crédits. En plus,
cette énumération ne comprend pas toutes les opérations de
crédit. Elle exclut expressément les crédits
inter-entreprises. Tout cela montre qu'il n'existe pas de définition
légale du crédit. Ainsi, on peut dire avec clarté que le
microcrédit ne peut pas être défini uniquement en fonction
de sa taille. Il faut encore prendre en considération d'autres
caractéristiques108. Toutefois, il faut reconnaître
que, bien que ces caractéristiques permettent de définir le
micro-crédit, mais la totalité du micro-crédit ne tient
pas dans ces caractéristiques puisque certaines de ces
caractéristiques ne peuvent pas être appliquées de la
même façon dans tous les pays du monde109. En tout cas,
on peut remarquer que les définitions données par les
opérateurs du micro-crédit apparaissent très restrictives,
mais elles correspondent à des objectifs véhiculés par ces
opérateurs (1). Définir le micro-crédit
à partir des caractéristiques communes devrait permettre d'y
inclure le micro-crédit social. L'apparition du micro-crédit
social en France devrait aboutir à la remise en cause de
définitions données par les opérateurs sur le terrain
(2).
1. La diversité de la définition du
micro-crédit
59. - Les définitions du micro-crédit
données par les opérateurs sur le terrain. On peut citer
quelques définitions du micro-crédit pour montrer qu'aucune
unanimité n'a été trouvée. Pour un professeur de
géographie de l'Université de Montréal « le
micro-crédit consiste à prêter de petites sommes d'argent
à des personnes extrêmement pauvres. Les sommes
prêtées doivent servir à acheter des outils de production
ou à financier les activités de production110 ».
Nous sommes d'accord sur le montant. Mais, cette définition est trop
restrictive puisque le micro-crédit ne peut être accordé,
selon cet auteur, que pour financer
107 . Jean CALAIS-AULOY, Droit de la consommation,
Dalloz, 2006, n° 327, p. 393.
108 . V. supra, n° 28-34.
109. Michel LELART, préc., p. 50.
110 . Définition citée par OULD NEMINE Ahmed.
l'activité de production. Or, le domaine d'intervention
du micro-crédit est beaucoup plus large. En plus, les
bénéficiaires du micro-crédit sont des « personnes
extrêmement pauvres ». Comment dire qu'une personne est
extrêmement pauvre ? Il y a, certes, des degrés de
pauvreté. Mais à partir de quel degré une personne
peut-elle être considérée comme extrêmement pauvre ?
Un autre auteur a pu écrire qu'« il s'agit de prêt de petit
montant d'argent à des clients considérés comme trop
risqué par les banques111 ». Définir le
micro-crédit de telle manière est simple mais largement
insuffisante. Une autre définition a été proposée
par la Fondation Roi Baudouin et proposée aujourd'hui par la Fondation
de Participation. La réflexion sur la construction de la
définition du micro-crédit est le fruit de la définition
ainsi rédigée « le micro-crédit est un outil
financier destiné aux micro-entrepreneurs présentant des lacunes
d'adaptation au marché et proposé par des partenariat
d'opérateurs, partenariat permettant de prendre en charge les dimensions
sociale, économique et financière de l 'entrepreneuriat
». Il est évident que le micro-crédit est un outil
financier puisqu'il s'agit d'un prêt. Les opérateurs visés
peuvent être aussi bien les banques que les IMF. Elle favorise les
partenariats entre les opérateurs : les banques, les acteurs sociaux. En
plus, cette définition attire beaucoup l'attention du fait qu'elle
montre que l'importance du micro-crédit ne réside pas
nécessairement et uniquement dans son aspect financier. Le
micro-crédit est une conception à deux dimensions qui conjuguent
à la fois l'aspect financier et l'aspect social. Il propose non
seulement le service financier mais aussi le service d'accompagnement
permettant de tenir compte de la proximité et de la fiabilité du
projet financé. Les avantages de cet accompagnement sont grands, et nous
allons en parler plus loin112. Mais, on peut se demander si
l'accompagnement est toujours mis en place dans tous les pays. Selon Madame
Maria NOWAK, « le micro-crédit correspond à des
prêts de faible montant destinés à des personnes à
bas revenus, généralement exclues des ban ques parce que leur
solvabilité est considérée comme insuffisante et / ou
parce que les coûts de gestion de tels prêts sont jugés trop
élevés. Ces prêts doivent leur permettre de créer ou
de développer des microentreprises ou des activités
génératrices de revenus113 ». Cette
définition est très satisfaisante puisqu'elle permet de rendre
compte toutes les caractéristiques du micro-crédit. Elle tient
compte également à la fois de micro-crédit pratiqué
dans les pays en développement et de celui
111. OULD NEMINE Ahmed, Le rôle des
micro-crédits dans le financement du développement,
thèse de l'Université de Nice, 15 décembre 2004.
112 . V. infra, n° 130-134.
113 . Définition tirée de l'article croissance et
cohésion sociale, le Microcrédit et l'Union Européenne,
issu de Finance and the common good/biens communs, automne 2006, n° 25.
dans les pays industriels. Mais, il s'agit en fait d'une
définition du micro-crédit professionnel. Or, cela correspond
à l'objectif de l'activité véhiculée par l'ADIE
dont Madame Maria NOWAK est la présidente.
Dans toutes ces définitions, on peut remarquer que les
auteurs ont mis l'accent uniquement sur les micro-entreprises. Le prêt
doit être accordé en vue de la création d'une
micro-entreprise ou d'entreprendre une activité
génératrice de revenus. Il ne faut pas parler sèchement du
micro-crédit, mais de dire expressément qu'il s'agit de
micro-crédit professionnel. Un autre auteur, Monsieur Michel LELART,
semble avoir une vision assez large du micro-crédit, mais sa
définition est plutôt une description détaillée des
caractéristiques du micro-crédit qu'une définition
à proprement parler. Il a pu ainsi rédiger « il s 'agit
d 'un petit crédit, d 'un montant peu élevé, sensiblement
inférieur au crédit qu 'une entreprise ou un ménage peut
sollicité d'une banque. Ce crédit est demandé par des
personnes qui disposent d 'un revenu relativement base ; il est le plus souvent
sollicité pour développer une activité
génératrice de revenu, qu 'il s 'agisse d 'une ancienne
activité que l'on voudrait étendre ou d'une nouvelle que l'on
voudrait créer. Enfin, l'emprunteur ne dispose d'aucune garantie
à offrir car il possède peu de chose et n 'est pas sans doute
propriétaire ni du logement qu 'il occupe, ni la terre qu 'il cultive.
La seule garantie qu 'il peut offrir est de nature sociale. Il peut constituer
un petit groupe dont tous les membres se connaissent et peuvent s 'engager
solidairement114 ». D'après la formule, « il
est le plus souvent sollicité pour développer une
activité génératrice de revenu ». Cette
définition laisse penser que l'auteur donne une place très
ouverte pour le micro-crédit social. Cependant, le groupe solidaire
n'est pas toujours aisé à mettre en place dans le contexte des
pays industriels. Il nous semble qu'il ne doit pas entrer dans la
définition du microcrédit. Il serait suffisant de dire que le
micro-crédit dispose d'une garantie de nature sociale,
c'est-à-dire par d'une relation de proximité : la
proximité entre les emprunteurs et/ou la proximité entre les
emprunteurs et le prêteur. Une autre définition dont nous nous
inspirons beaucoup est la suivante : « le micro-crédit est le
crédit qui permet à des personnes porteuses de projets, mais en
situation d'exclusion ou de quasi-exclusion par rapport aux circuits
économiques, de bénéficier de prêts d'un montant
très modeste, souvent confortés non par des garanties mais par
des cercles de solidarité115 ».
114 . Michel LELART, De la finance informelle à la
microfinance, Ed. Archives contemporaines, AUF, 2005, p. 49.
115. Jean-Claude DETILLEUX, Microcrédit et banque
solidaire, in Exclusion et liens financiers/Rapport du Centre Walras 1999-2000,
éd. Economica, 1999, p. 161-162.
60. - Deux définitions possibles du
micro-crédit. Finalement, on pourrait dire qu'il y a au moins
deux définitions du micro-crédit : l'une appliquée au pays
en voie de développement et l'autre est définie dans le contexte
des pays industriels. Certains auteurs favorisent le partenariat et
l'accompagnement de l'emprunteur et les autres ne niant pas la
nécessité de cet accompagnement préconise plutôt la
méthode originale du groupe solidaire. Nous voulons donc proposer une
définition qui nous semple assez neutre.
2. La définition du micro-crédit
proposée
61. - La définition proposée.
Bien qu'il ne soit pas possible, à l'heure actuelle, de mettre
en place le micro-crédit social au Cambodge, cela ne voudrait pas dire
qu'il serait impossible pour l'avenir. Tout dépend de la richesse du
pays et de la politique incitative du gouvernement. S'il est impossible pour
l'Etat de le faire lui-même, il ne serait pas en revanche impossible pour
les bailleurs de fonds. Ainsi, pour ouvrir une place au microcrédit
social non seulement pour le Cambodge mais pour l'ensemble des
opérateurs du micro-crédit, une définition proposée
consiste à reprendre toutes les caractéristiques communes du
micro-crédit en laissant une place assez large à la
spécificité du contexte de chaque pays.
Selon nous, « le micro-crédit désigne un
prêt de faible montant garanti par une relation de proximité et
dont l'objet est de permettre à une ou des personnes
économiquement faible(s), normalement exclue(s) du cycle de financement
formel, de créer ou de développer sa propre activité
économique ou de réaliser un projet personnel en vue de son
insertion professionnelle et sociale ». Cette définition correspond
à tous les raisonnements déjà évoqués et qui
ne méritent plus d'être repris ici. Il faut tout simplement
préciser la signification de chaque terme employé. On peut
comprendre que le bénéficiaire du micro-crédit est
normalement exclu du financement formel en raison de sa situation
économique. Mais, cela ne veut pas dire qu'elle ne serait pas
financée par le secteur formel du financement dans le cadre du
micro-crédit. Il peut s'agir de chômeur créateur
d'entreprise ou simplement des pauvres. Dire une personne économiquement
faible est plus claire que de dire les pauvres. L'appréciation de cette
situation doit être faite in abstracto par rapport au PIB par
tête. Elle doit être faite en fonction d'un critère
objectif. Normalement, cet homme ne bénéficie pas de financement
accordé par la banque. C'est
l'un des objectifs du micro-crédit qui vise à
faciliter l'accès au crédit de ce genre de personne. En plus, la
définition, ne tenant pas compte de la qualité des
prêteurs, permet de prendre en considération que les banques
peuvent parfaitement s'impliquer dans le marché du micro-crédit.
Tous les opérateurs sont concernés s'ils le souhaitent. Il s'agit
en plus d'un prêt d'un faible montant qui est garanti par une relation de
proximité. Cette proximité peut être, soit une
proximité entre les emprunteurs (groupe solidaire), soit une
proximité entre l'emprunteur et le prêteur. Cet
élément est emprunté au secteur de financement informel.
Elle laisse donc aux opérateurs de micro-crédit le choix de la
méthode la plus appropriée pour la garantie du prêt en
fonction du contexte social. Enfin, l'objet du microcrédit peut
être de réaliser une activité économique ou un
projet personnel qui permet au bénéficiaire du
micro-crédit de se réintégrer. L'activité
économique envisagée peut être de toute nature. Il peut
s'agir d'une activité agricole, artisanale, petit commerce ou de
service. La notion d'activité économique apparaît
déjà dans un certain nombre de textes de droit français,
en droit de la concurrence, en droit des entreprises en difficultés et
en droit fiscal. Les activités économiques définies par
l'article 256 A du Code général des impôts comme «
toutes activités de producteur, de commerçant ou de prestataire
de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles
des professions libérales ou assimilées. Est notamment
considérée comme une activité économique une
opération comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en
vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence ».
En somme, on ne peut pas imposer un talent à une personne. C'est
à lui de choisir lui-même l'activité qu'il peut exercer en
fonction de sa capacité, son talent. Le micro-crédit peut aussi
être accordé pour un projet personnel, mais ce projet doit
permettre à son porteur de se réintégrer
économiquement ou socialement. Enfin, le microcrédit doit
être un prêt « un micro-prêt ». Il ne peut pas
prendre d'autres formes. Si le droit cambodgien utilise seulement le terme
« crédit » pour désigner l'une des activités de
la micro-finance, le droit français utilise expressément dans
tous les cas le terme « prêt ». On pourrait se demander si le
micro-découvert ou la tolérance qui existe en pratique est un
micro-crédit. La réponse est forcément négative
puisque le micro-crédit est accordé à une ou plusieurs
personnes qui sont normalement exclues du financement par les banques
traditionnelles. Or, le micro-découvert suppose l'existence d'une
relation avec le banquier. Il est accordé par les banques à des
personnes qui en ont besoin pour faire face à des problèmes de
trésorerie et qui peuvent facilement avoir accès au crédit
bancaire. En revanche, les bénéficiaires du micro-crédit
sont des personnes exclues du financement par
les banques. Ce seul critère de
bénéficiaire suffit à montrer que le
micro-découvert n'est pas un micro-crédit. Mais on peut ajouter
un autre argument qui tient à la finalité de deux types de
financement. Le micro-crédit a forcément une destination bien
différente du micro-découvert116.
Tout cela laisse aux opérateurs du micro-crédit
le choix des méthodes en fonction des objectifs recherchés. Il
est normalement compris que le micro-crédit a pour objectif de
réduire la pauvreté ou de lutte contre le chômage par voie
d'une insertion économique. L'évaluation des impacts du
micro-crédit constitue un autre problème qui mérite
d'être développé.
116 . V. supra, n° 28-34.
Chapitre II : Les impacts du micro-crédit
62. - Le contenu du chapitre. Le
développement rapide du micro-crédit partout dans le monde est un
reflet des impacts positifs de cette nouvelle conception d'octroi de
crédit. Toutefois, les études sur les analyses des impacts du
micro-crédit restent relativement peu nombreuses. Dans ce cadre, ces
études qui visent à mesurer les impacts du micro-crédit
sont réalisées soit à la demande d'organismes de
financement, soit dans le cadre des études universitaires, ou encore
dans le but de mieux cibler l'utilité du micro-crédit. Il
n'existe pas encore d'étude globale. Malgré des
difficultés qui peuvent apparaître en raison de la
fongibilité des crédits, et des divergences de
méthodologies117, les résultats obtenus permettent de
montrer les effets positifs des programmes du micro-crédit. Les
impacts
socio-économiques et financiers (Section I)
du micro-crédit ont été mis en évidence.
Toutefois, un chercheur affirme que les espoirs qu'on fonde sur le
micro-crédit sont excessifs118. En raison de la
fongibilité de l'argent, si le micro-crédit permet non plus la
création d'une micro-entreprise, mais de faire face à des besoins
de consommation, un
débat sur l'impact de celui-ci sur le surendettement
des particuliers (Section II) peut être envisagé
du fait que les bénéficiaires de ce nouveau produit sont, par
hypothèse, financièrement modestes. L'apparition du
micro-crédit social en France alimente fortement ce débat. En
plus, il faut remarquer que certaines études montrent que le
micro-crédit ne contribue pas réellement à la
réalisation des objectifs fixés.
Section I : Les impacts socio-économiques et
financiers
63. - Distinction entre les impacts économiques
et financiers et les impacts sociaux. Le succès du
micro-crédit en France peut paraître curieux dans la mesure
où ce pays est un des
117 . Sur ce point, nous préférons ne pas nous
prononcer puisqu'il s'agit d'une question purement économique.
Cependant, nous pouvons citer brièvement les indicateurs utilisés
à cet effet. Pour mesurer ces effets, on emploie différents
indicateurs. Le plus couramment utilisé est la variation du revenu des
ménages emprunteurs. Les autres indicateurs importants sont les
variations des actifs, de la valeur nette du patrimoine et de travail
employé. Les raisons pour lesquelles on a retenu ces indicateurs sont
évidentes : objectif essentiel du micro-crédit est d'aider les
gens à échapper à la pauvreté par la
création d'emploi, des activités génératrices de
revenus. Un autre indicateur couramment utilisé est la consommation des
ménages qui est lié étroitement avec les revenus. Enfin,
on mesure aussi des indicateurs du degré d'autonomisation des femmes.
118 . Isabelle GUERIN, « Microfinance : des risques et des
potentialités », in La microfinance n 'est plus une utopie !,
préc., p. 156.
pays développés et industrialisés. Il
faut rappeler que le micro-crédit est importé en France dans un
contexte différent de celui du Cambodge. De manière
générale, on pourrait dire que le micro-crédit n'a pas
exactement la même finalité dans ces deux pays. Au Cambodge, comme
dans les pays du Sud, le but du micro-crédit est de sortir les paysans
de la misère et de la pauvreté. Tandis qu'en France, comme dans
les pays développés, il vise un public spécifique qui ne
représente pas la majorité de la population. Il a surtout pour
vocation de permettre à ces personnes, les chômeurs et les
Rmistes, de créer leur entreprise, ce qui permet de relancer l'emploi
afin d'améliorer l'économie. En plus, en fonction de la
méthodologie du crédit utilisée, le micro-crédit
produit des impacts sociaux non négligeables. L'aspect économique
et financier (§1) des impacts du micro-crédit doit
donc être traité différemment de ses impacts sociaux
(§ 2).
§ 1. - Les impacts économiques et
financiers du micro-crédit
64. - Plan. L'objet du micro-crédit
est avant tout socio-économique. C'est un outil efficace au service de
la petite production marchande. Il favorise et renforce l'exploitation
individuelle ou familiale, le recours au salariat étant limité.
Les diverses études montrent que au-delà du simple aspect
financier, les programmes de micro-crédit ont un impact positif sur le
développement économique. En effet, ils touchent des secteurs
variés notamment l'agriculture, l'artisanat, l'élevage.
Globalement, il apparaît comme un élément important de la
croissance économique.
A. L'impact financier du micro-crédit
65. - La réintégration des exclus
financiers dans le système bancaire. S'agissant d'abord de
l'impact financier du micro-crédit, ce dernier permet la fourniture des
services financiers de proximité comparables aux services bancaires
classiques aux populations pauvres. Dans un pays où l'exclusion est la
règle, on peut considérer que le micro-crédit permet de
satisfaire une fraction importante de la population. Il leur permet d'avoir
accès au crédit. En plus, avec le développement de
micro-crédit en micro-finance, d'autres services financiers notamment
l'épargne, le transfert des fonds, leur sont proposés. Beaucoup
de programmes de micro-crédit ont intégré des plans
d'épargne, soit comme condition pour obtenir le micro-crédit,
soit une obligation pendant la durée du prêt. On
peut noter qu'en France la micro-finance constitue simplement
une activité subsidiaire qui existe en marge des activités
bancaires. L'aspect financier le plus important du microcrédit est donc
de permettre aux exclus financiers d'avoir accès au crédit. Il
s'agit d'intégrer ces personnes dans le marché bancaire au moyen
du micro-crédit. On peut constater à plusieurs reprises que la
politique nouvelle est d'encourager l'intégration de ces personnes
dès le début dans le système bancaire. Il s'agit
d'encourager l'octroi du microcrédit directement par les banques sans
passer par l'intermédiaire d'un client institutionnel. En revanche, la
micro-finance joue un rôle primordial au Cambodge où les services
bancaires ne se trouvent pas dans les zones rurales. Les banques s'implantent
seulement dans les grandes villes. Cela justifie la croissance rapide de
nombres des institutions de la micro-fianance dans les zones rurales. Enfin,
l'un des objectifs du micro-crédit est de permettre la sortie des
pauvres de la dépendance financière vis-à-vis des tiers
(les usuriers, les commerçants...) en leur permettant d'accéder
à moyens financiers moins contraignants. A côté des impacts
financiers, l'impact économique est peu significatif dans le contexte du
Cambodge.
B. L'impact économique du
micro-crédit
66. - Deux points essentiels.
S'agissant ensuite de l'impact économique du
micro-crédit, deux points essentiels sont évoqués :
l'impact sur la création d'emploi, l'impact sur les revenus et, par
conséquent, sur la consommation et sur la réduction de la
pauvreté.
1. La création d'emplois
67. - L'impact significatif sur emplois.
La place importante du secteur informel et la montée du
chômage grandissant constituent des facteurs en faveur du
développement du micro-crédit. Tout d'abord, il faut
reconnaître qu'il existe en marge de l'économie « classique
», une économie souterraine composée d'une multitude de
petites activités informelles génératrices de revenus. En
effet, cette économie informelle a été créée
en majeure partie à cause du poids excessif des charges qui
pèsent sur les entreprises aussi bien quant à leur
création que durant leur existence. Ainsi, plutôt que de
créer légalement une activité et ne pas réussir
à générer des revenus convenables pour vivre, certains
préfèrent la clandestinité, ce qui ne facilite jamais les
études d'évaluation. Cette tendance
empêchait la création de nombreux emplois. Pour
favoriser la croissance, il serait important d'intégrer ces
activités dans l'économie afin de leur permettre de se
développer. Pour cela en dehors du micro-crédit, des mesures
fiscales encourageantes, l'exonération sociale pendant un certain temps,
sont indispensables. Ensuite, un autre facteur en faveur du micro-crédit
est celui du problème du chômage et de l'exclusion qui ne cesse
pas d'augmenter. En France, 5 millions de personnes sont concernées. En
2004, il y avait en France 1 084 060 allocataires du RMI, contre 998 845 fin
2003119. Ces chiffres sont importants car ils sont liés
à la croissance économique de la France. Ces chômeurs sont
à l'origine de la création de plus de 30 % des petites
entreprises. De cette constatation, l'évaluation de l'impact du
micro-crédit sur l'emploi est une tâche considérable. Les
programmes du micro-crédit sont considérés comme bien
souvent un moyen de contribuer à la réduction des
pauvretés au moyen de la création des activités
génératrices de revenus. L'impact de micro-crédit sur
l'emploi n'est donc pas négligeable. Il contribue aussi bien à la
création des emplois indépendants que des emplois
salariés. Les institutions de microcrédit qui traitent
essentiellement avec des petites et micro-entreprises, sont des sources
d'emplois, soit en permettant de rémunérer une main-d'oeuvre
familiale jusqu'alors nonpayés, soit en offrant un salaire à
leurs employés. Même s'il contribue à la création
d'une faible portion d'emplois, une multiplication des emplois
créés à l'aide de micro-crédits fait que l'impact
du micro-crédit sur l'emploi est quand même significatif. Plus de
30% d'entreprises créées dans tous les domaines confondus sont le
fait de chômeurs ou titulaires des minima sociaux. Madame Maria NOWAK a
affirmé que « l'ADIE finance et accompagne 6 000 chômeurs par
an, dans la création de leur entreprise et ce nombre croit tout les ans.
Le financement de près de 25 000 entreprises nous permet de tirer des
enseignements significatifs pour le développement du micro-crédit
dans les pays industriels120 ». En 2006121, 7570
micro-crédits ont été attribués, ce qui permet de
créer 6508 nouvelles entreprises et 7810 emplois. Il y a une croissance
de l'activité de l'ADIE de 12.3 % entre 2005 et 2006. Ainsi, la lutte
contre le chômage et la tendance en faveur de la création
d'entreprise sont intimement liés, c'est pourquoi la demande de
micro-crédit dans ce domaine est très forte. Pour Monsieur Romano
Prodi « l'attribution de micro-prêts aux chômeurs et aux
marginaux peut en faire des acteurs économiquement
indépendants,
119 Ces chiffres proviennent d'un rapport intitulé
« le micro-crédit dans le monde : un outil financier au service de
la lutte contre la pauvreté », émis par l'ADIE pendant la
semaine du micro-crédit qui s'est tenue en France du 28 mars au 01 avril
2006.
120 . Maria NOWAK, On ne prête pas (que) aux riches,
préc., p. 150.
121 Ces chiffres sont extraits d'un communiqué de presse
de l'ADIE du 26 janvier 2007.
capables de participer pleinement à une
société plus cohésive122 ». Au
Cambodge, en raison de l'ampleur des activités informelles dans les
zones rurales, il est difficile de donner des chiffres concrets. En plus, dans
ce pays, les chercheurs et acteurs s'accordent sur le fait que l'impact
économique induit par les structures de micro-crédit est un
micro-impact, tant au niveau de la communauté que de l'individu. Mais
cela ne signifie pas échec économique. Le micro-crédit a
permis à un bon nombre de bénéficiaires d'entreprendre ou
d'accroître leurs activités productives ou commerciales, et
indirectement leur bénéfices, mais cet accroissement reste faible
pour deux raisons. La première tient au fait que le montant du
crédit est faible et ne permet pas l'entreprise d'activités
capitalistiques à grande échelle. La seconde résulte d'une
simple constatation: le surplus dégagé de l'activité
financé par le micro-crédit, après remboursement, est
rarement réinvesti dans l'activité. Il est souvent alloué
principalement à la consommation, ainsi que dans une moindre mesure au
désendettement et à l'épargne par exemple sous forme
animale.
68. - Le micro-crédit et le
développement local. La création de nouveaux emplois
stimule également le développement local et allège le
fardeau de l'Etat qui doit prendre en charge ces démunis. On pourrait
difficilement imaginer l'impact du micro-crédit sur le
développement local en raison de difficulté de chiffrer
précisément les résultats obtenus. Toutefois, il est
évident qu'au Cambodge le développement local fait partie de
l'effet positif du micro-crédit. Le micro-crédit permet de
financer et de développer les activités de l'économie
locale, comme la transformation des produits agricole, la vente de produits
alimentaires, la réparation et la location des matériels, le
tourisme, les prestations de services. Ces transformations créent des
emplois nouveaux et différents tant pour les emprunteurs que pour les
autres membres de la communauté. L'achat des biens fabriqués
localement peut avoir des retombées positives sur la communauté,
surtout s'il se substitue à des biens importés. Cependant, il ne
faut pas surestimer cet aspect positif. Il améliore non seulement la
qualité de vie des populations mais il provoque également un
effet multiplicateur pour l'achat de matériaux locaux et l'utilisation
de la main d'oeuvre locale. Il rend donc possible le développement des
infrastructures locales. Le gouvernement a amélioré ce
développement pour faciliter des activités des opérateurs
du micro-crédit et améliorer les conditions de vie des habitants.
Cela constitue l'une des stratégies du gouvernement qui encourage le
développement du micro-crédit123.
122 Discours prononcé pendant la Conférence
Européenne sur le Microcrédit du 22 septembre 2004.
123 . National Bank of Cambodia, The micro finance in Cambodia,
2006.
2. L'impact sur les revenus
69. - L'accroissement de revenus. Le but
essentiel des programmes de micro-crédit est de lutter contre la
pauvreté en accroissant les revenus des emprunteurs pauvres. Il est
important de noter que les programmes de micro-crédit permettent de
diversifier leurs revenus. En effet, la possibilité de diversifier les
revenus est importante, en particulier pour les ruraux pauvres, qui sont
tributaires de l'agriculture et exposés aux variations climatiques et
aux cycles agricoles. La diversification des revenus peut provenir de
l'introduction de nouvelles activités agricoles ou de l'introduction ou
du développement d'activités non agricoles.
Ce processus peut avoir aussi des effets secondaires notamment
sur la scolarisation et la planification familiale. Toutefois, il est difficile
de déterminer avec précision les effets du micro-crédit en
raison de la fongibilité des prêts. Il faut noter qu'une partie de
microprêt sert directement à accroître la consommation. Les
effets sur la consommation peuvent être immédiats, tandis que les
autres effets ne se manifestent parfois qu'à long terme. Comme les
clients de micro-crédit sont pauvres, ils emploient souvent leurs
revenus additionnels pour améliorer leur alimentation et leur logement
et se procurer d'autres biens essentiels, ce qui montre le détournement
de la destination des fonds prêtés et donc l'échec de
programme du micro-crédit pour une partie des emprunteurs du
micro-crédit au Cambodge et le risque du surendettement124.
En plus, dans les cas des pauvres urbains et ruraux en particulier, on peut
difficilement faire la part des dépenses de consommation et des
dépenses de production, car le travail est le principal facteur de
production et celui qui ne mange pas à sa faim ne peut pas travailler
efficacement. Les études montrent donc que les effets ne seront durables
que si le micro-crédit est ciblé sur des zones où les
activités économiques sont à fort potentiel de croissance
puisque les pauvres ont tendance à employer les crédits
essentiellement pour financer leur consommation, ce qui à terme devrait
entraîner une évolution de la production et des revenus. En raison
de ces difficultés constatées, on peut se demander si le
micro-crédit est vraiment un outil de lutte contre la pauvreté.
C'est une question qui est au coeur des discussions actuelles125 sur
le rôle du micro-crédit.
124 . V. infra, n° 76-77.
125 . Une présentation complète sur toutes les
discussions relatives à l'effet de micro-crédit sur la
réduction de pauvreté : V. Norman Macisaac, Société
asiatique des partenaires, Le rôle du micro-crédit pour
réduire la pauvreté et favoriser l'égalité des
sexes, Document de travail, le 12 juin 1997 ; Adrien de TROCORNOT, « Le
micro-crédit fait-il baisser la pauvreté ? », in Le monde,
Mardi, 14 Novembre 2006.
70. - Le micro-crédit, outil de lutte contre
la pauvreté ? La plupart des études, qui ont
été faites ces dernières années sur les effets du
micro-crédit, ont mis en exergue son impact positif126 sur
les revenus, l'emploi, la productivité, la capacité
d'organisation et la formation des pauvres. Des programmes de
micro-crédit ont eu des résultats positifs, plus
précisément pour un grand nombre de pauvres et surtout pour les
femmes. Les résultats obtenus avec le micro-crédit traduisent une
mutation profonde dans le domaine du microfinancement qui va à
l'encontre de l'idée que les personnes défavorisées sur le
plan économique représentent un mauvais risque et qu'elles ne
soient pas solvables. Mais d'autres études ont contesté l'effet
de levier de la réduction de la pauvreté du micro-crédit.
Il y a une forte croissance de la micro-finance au Cambodge, en raison de
l'absence d'autres alternatives puisque les banques ne s'implantent pas dans
les zones rurales. Malgré cette croissance très
considérable, certains l'accusent d'appauvrir encore plus des
ménages par manque de capacité d'investir des prêts de
manière productive. Les institutions de micro-finance sont trop
centrées sur les simples services financiers. Une étude sur la
situation des ménages sans terre commandée en 2000 par une ONG
britannique OXFAM s'installant au Cambodge a montré que 20% des familles
avaient vendu leurs terres pour rembourser les prêts. Presque la
moitié de ces ménages ont affirmé qu'ils n'auraient pas
vendu leurs terres s'ils n'avaient pas été obligés de
rembourser les crédits127. On se demande souvent si le
crédit est vraiment une méthode appropriée à la
réduction de la pauvreté ou s'il aboutit ainsi à
accroître la vulnérabilité des populations. Toutefois,
force est de constater que les critiques n'ont pas spécifié
quelle forme de crédit était responsable de ce
phénomène (Banques, IMF ou usuriers) puisque malgré la
forte croissance de la micro-finance, le secteur informel occupe touj ours une
place importante en raison de la proximité plus forte qui existe entre
le prêteur et l'emprunteur. Pour pouvoir identifier quel crédit
est la cause de ce phénomène, il est recommandé à
la BNC de plafonner précisément le montant et la durée
maximums du micro-crédit.
71. - Le micro-crédit n'est pas en soi un
outil de réduction de la pauvreté. Se posant la
même question, Monsieur Jean-Michel SERVET128 a soulevé
un point intéressant relatif aux bénéficiaires du
micro-crédit dans les pays du Sud129. Il explique que dans
ces pays il
126 . OULD NEMINE Ahmed, préc., p. 127.
127 . David LEEGE, thèse préc., p. 344.
128 Anthropologue et économiste, fondateur du programme de
recherche sur la microfinance à l'institut français de
Pondichéry (Inde).
129. J-M SERVET, « Les limites du microcrédit
», in Alternatives économiques, Décembre 2006, n°253,
p.
existe trois types de population : une minorité
aisée, une classe moyenne regroupant les petits producteurs,
commerçants et salariés modestes, et les populations les plus
pauvres. Pour lui, le micro-crédit ne bénéficie pas aux
populations les plus pauvres, comme ce devrait être le cas, mais
plutôt à la classe moyenne qui est exclue du système
bancaire classique, et il ne s'adresse qu'exceptionnellement aux plus pauvres.
Dans le bilan tiré dans le cadre de ses recherches, monsieur J.M SERVET
a relevé que « 25% des clients en profitent vraiment car ils en ont
la capacité entrepreneuriale. 50% améliorent simplement par cet
outil la gestion du budget familial. Pour les 25% restants, la situation
s'aggrave car ils échouent130 ». De par cette
constatation, cela explique que le micro-crédit est très
faiblement implanté dans les zones rurales et ne finance que très
peu de paysans. Ainsi, les hommes et les femmes qui vivent dans la
pauvreté n'en retirent pas automatiquement des avantages. Dans certains
cas, les incidences sur les plus pauvres peuvent même être
néfastes. De nombreuses études en sont venues à la
conclusion que la plupart des emprunteurs et les emprunteuses n'obtiennent que
des gains marginaux et que par ailleurs seul un faible pourcentage
d'emprunteurs et d'emprunteuses suscite un accroissement de revenus. Les
emprunteurs et les emprunteuses les plus pauvres sont ceux qui retirent le
moins d'avantages. Il est constaté que « plus la personne qui
emprunte était riche, plus grande était l 'amélioration de
son revenu grâce au crédit ». Toutefois, les emprunteurs
qui se situaient sous le seuil de pauvreté se retrouvaient avec un
revenu inférieur à ce qu'il était avant d'adhérer
au programme. C'est donc dire que concrètement le micro-crédit
les appauvrissait. Les raisons sont qu'il se peut que les pauvres utilisent les
prêts différemment en les consacrant notamment à des biens
de consommation ou à des activités à faible risque qui
sont habituellement moins rentables, ce qui justifie l'importance du rôle
de l'accompagnement.
Il importe donc de reconnaître que le
micro-crédit ne constitue pas forcément une intervention
adéquate dans toutes les circonstances. S'il est vrai que très
peu de programmes ont vraiment aidé les plus pauvres, il y a lieu de se
demander si c'est parce que le programme est un échec ou parce que le
crédit ne constitue pas toujours l'instrument le plus convenable pour
soutenir les efforts des pauvres. Un chercheur peut jusqu'à dire que
« l 'incapacité apparente des institutions de micro-financement
de venir en aide aux pauvres n 'est peut-être pas du tout
révélatrice d'un échec, mais plutôt une
confirmation
70-71.
130 . Adrien de TRICORNOT, « Développement : Le
microcrédit fait-il baisser la pauvreté ? », in Le monde,
Mardi, 14 novembre 2006.
que le microcrédit ne constitue pas pour tous les
pauvres le moyen de s 'en sortir131 ».
Enfin, il faut souligner que cet instrument n'est pas une
panacée, et certaines études montrent qu'il ne peut pas à
lui seul prétendre éliminer la pauvreté. Il est tout
à fait évident puisqu' « on ne tombe pas dans la trappe de
la pauvreté seulement pour des raisons financières, mais aussi
liées à l'éducation, la santé, l'accès au
marché, les infrastructures, etc132 ». Le
micro-crédit ne peut donner de meilleurs résultats que lorsqu'il
est combiné à d'autres interventions. Les emprunteurs ont besoin
d'aides complémentaires sur d'autres plans notamment la formation, la
commercialisation, l'alphabétisation, la mobilisation sociale et les
autres types de services financiers. En vérité, il est difficile
de dissocier les incidences du micro-crédit de celles des autres
interventions. Le micro-crédit donne de meilleurs résultats
lorsqu'il est combiné à d'autres interventions. Il faut remarquer
que 20% des bénéficiaires du micro-crédit de l'ADIE savent
à peine lire. Les aides supplémentaires de montage du projet, de
suivi régulier du projet doivent être accomplis avec une
très grande prudence. Tout cela pour montrer que le micro-crédit
tout seul ne constitue pas un outil efficace quant à l'accomplissement
du rôle qui lui est confié. Cependant, on ne peut pas nier les
effets positifs du micro-crédit. Il permet de renforcer les liens
sociaux entre les emprunteurs. S'il est originellement un outil de
développement économique, le micro-crédit est aussi un
facteur de socialisation. Ces effets peuvent être montrés à
travers l'étude sur les impacts sociaux du micro-crédit.
§2. - Les impacts sociaux du
micro-crédit
72. - L'autonomisation des femmes. Si
certains peuvent contester le rôle du micro-crédit quant à
la question de la réduction de la pauvreté, ils ne contestent
pas, en revanche, un impact social notable des programmes du
micro-crédit qui concernent les femmes. Il s'agit de l'autonomisation
des femmes « woman empowerment ». Effectivement, un grand
nombre des institutions de micro-crédit privilégient
considérablement l'octroi de crédit aux femmes, surtout si on les
compare aux autres créanciers. Différents raisons peuvent
être invoquées. Leur taux de remboursement est plus
élevé et on considère qu'elles sont plus fiables, plus
disciplinées et plus enclines à utiliser le revenu qu'elles
contrôlent pour améliorer l'alimentation et l'éducation de
leurs enfants et que leur esprit d'entreprise est
131 . Cité par OULD NEMINE Ahmed, l'auteur de la
thèse sur le rôle du micro-crédit dans le financement du
développement.
132 . François DOLIGEZ, in Le monde précité
du 14 novembre 2006.
plus promoteur. Il se peut que certains programmes de
micro-crédit souhaitent tout simplement accroître le pouvoir
économique des femmes afin tout simplement d'assurer
l'égalité de sexes en termes d'accès aux services
financiers. En plus, l'existence de groupes de femmes a aussi une incidence
sociale évidente. Monsieur YUNUS a pu invoquer que « ces femmes
qui, avant ne sortaient jamais de chez elles, n 'avaient jamais eu d'argent
à elles et n 'osaient pas prendre la parole en public, assistent
désormais à des réunions où elles parlent
licitement, gèrent un budget et assument des responsabilités
financières, elles deviennent plus sûres
d'elles-mêmes133 ». Toutefois, les programmes de
micro-crédit géré par l'ADIE ne privilégient point
les femmes. C'est le principe d'égalité entre l'homme et femme.
Ce qui compte, c'est le talent, le projet. Le sexe de l'emprunteur n'est pas
privilégié par l'ADIE. Désormais, le nombre des
emprunteurs du micro-crédit au Cambodge augmenté à 371 000
dont 292 000 sont les femmes134.
73. - Le renforcement du lien social. Il
s'agit également d'un outil de renforcement du lien social entre les
emprunteurs. Le programme de micro-crédit permet de mobiliser les
communautés et de promouvoir la participation. La méthode
utilisée consiste à demander la participation des emprunteurs.
Les emprunteurs doivent se réunir en groupe pour pouvoir emprunter.
Cette action commune permet de renforcer le lien social entre les emprunteurs.
C'est un impact, dit par les économistes, de l'impact sur le capital
social. Ce dernier est défini par un économiste, J. Charmes,
comme étant « l 'ensemble des relations sociales de
réseaux, normes et valeurs qui conduisent à la cohésion
sociale, à la coopération et à la réalisation
d'objectifs d'intérêts communs135 ». Les
études soulignent que le micro-crédit a un impact positif sur le
« capital social ». La réunion hebdomadaire leur permet de se
rencontrer et discuter des problèmes. Elle crée ainsi des liens
de solidarités communautaires. En plus, le micro-crédit est
devenu un outil qui permet l'intégration sociale de l'emprunteur. Il
dépasse la stricte logique économique pour recentrer sur un enjeu
social important.
74. - Le micro-crédit et la
fécondité. Enfin, certaines études montrent que
les programmes de micro-crédit pourraient contribuer à
réduire le taux de fécondité. Cela n'est
133 . M. YUNUS, Vers un monde sans pauvreté,
éd. JC Lattès, 1997, p. 115.
134 . Agence française du développement, «
The key role of donor agencies in improving effectiveness,
Conférence sur la micro-finance au Cambodge »,
Université Royale de Droit et des Sciences économiques, 16
Février 2006.
135 . OULD NEMINE Ahmed, thèse préc., p. 138.
pas étonnant puisque le coût d'opportunité
de la maternité est plus élevé pour une femme
micro-entrepreneur qui réus sit que pour une femme qui n'a que des
activités domestiques ou agricoles et pour laquelle un enfant peut
constituer une source de main-d'oeuvre plus utile. Il se peut également
que l'accroissement du pouvoir économique, l'amélioration de
l'information ou la mise en place de nouveaux mécanismes d'appui aident
les femmes à avoir davantage d'influence sur les décisions de
procréation. En outre, lorsque le revenu des femmes augmentent, le taux
de mortalité infantile a tendance à diminuer, et les femmes ont
donc moins besoin ou envie d'avoir des enfants supplémentaires.
75. - Bien qu'il ait été
démontré que le micro-crédit contribue à la
création de l'emploi, des revenus, le problème de surendettement
des ménages ne manque pas. Le débat sur le surendettement des
particuliers est beaucoup plus grand en raison de l'apparition de la notion du
micro-crédit social.
Section II : le micro-crédit et le
surendettement des particuliers
76. - Le risque de surendettement moins significatif.
Un autre problème important lié au micro-crédit
est celui du surendettement. La constatation doit porter sur le fait que la
situation financière de l'emprunteur est déjà modeste. En
plus, il ne dispose pas souvent des revenus réguliers. De deux choses
l'une. Ou bien, est-il probable d'imaginer le risque de non remboursement de
crédit ? Ou bien, le micro-crédit peut-il être une cause de
surendettement ?
S'agissant du risque de non remboursement, le faible taux
d'impayé des institutions de micro-crédit (1% pour l'ACLEDA et 3%
pour l'ADIE) est le meilleur argument pour démontrer que ce risque est
bien maîtrisé. Si on le compare au taux de recouvrement des
banques, il est, en règle générale, meilleur. Toutefois,
il peut arriver que le projet financé puisse échouer, ce qui rend
difficilement le remboursement du crédit. La plupart des entreprises
créées à l'aide de micro-crédit sont en faillite au
bout de deux ans.
S'agissant du surendettement, pour pouvoir y répondre
avec précision, il faut comprendre quelles sont les causes possibles du
surendettement ? Un auteur a pu dire qu'« il ne faut pas perdre de vue que
la principale cause du surendettement est d'abord l'endettement. S'endetter,
c'est faire un pari sur l'avenir ; et comme l'on ne sait jamais de
quoi l'avenir sera fait, s'endetter, c'est, par nature,
prendre le risque du surendettement. Il est certes exact de relever que les
causes profondes du surendettement ont évolué. Le
surendettement actif résulte du fait d 'endettement, alors que le
surendettement passif est lié à la stabilité des
capacités financières des personnes endettées et l 'accent
est mis sur les accidents de vie. On peut comprendre donc désormais
que le surendettement est lié à la persistance d'un chômage
de masse et la précarité des situation professionnelles et donc
la situation patrimoniale136 ». Parmi les cas relevé
dans le rapport de la Banque de France, on peut dire que le profil du
débiteur surendetté est le suivant : des revenus modestes,
presque intégralement absorbés pour répondre à des
besoins immédiats, d'où l'absence d'épargne, le recours au
crédit comme mode normal de gestion du budget du ménage.
L'étude de la Banque de France a donc montré que le
surendettement est dû, dans 73% des cas137, à des
événements postérieurs à la souscription de
crédit (chômage, divorce, maladie, décès). Ainsi,
seul 19,6% des ménages surendettés trouve sa cause dans un «
excès de crédit ». En effet, il faut reconnaître que
le surendettement touche proportionnellement moins les plus
défavorisé puisqu'ils font l'objet de l'exclusion
financière138. On peut noter qu'en France il y a une
sous-utilisation du crédit à la consommation si on le compare aux
autres pays en Europe. Toutefois, la réglementation du surendettement
des particuliers est très contraignante. Cet arbitrage politique a pour
objectif de lutter contre le surendettement pour redonner confiance aux
emprunteurs potentiels139. On peut donc se demander si les
emprunteurs du micro-crédit sont des emprunteurs potentiels. Certes, la
réponse doit être affirmative puisque les emprunteurs de
micro-crédit professionnel sont les porteurs de projet de
création d'entreprise. En effet, même s'il a pour but de
créer l'activité économique afin de permettre à une
famille de subvenir à ses besoins, dans la réalité, les
faits sont quelques peu différents. Dans beaucoup de cas, il a
été démontré que l'argent prêté est
dépensé pour la santé, l'alimentation ou le logement. De
ce fait, aucune activité n'étant créée, cela ne
génère aucun revenu permettant de rembourser le capital du
prêt et ses intérêts ainsi que de faire vivre la famille.
Cela démontre qu'en réalité, le micro-crédit ne
permet pas d'améliorer la situation des plus pauvres. Une étude
menée en 1996 avait démontré que 55 % des emprunteuses au
Bangladesh n'arrivaient touj ours pas, au bout de huit ans d'emprunts, à
satisfaire l'alimentation de base de leur famille. Ainsi le micro-
136 . Xavier LAGARDE, « D'un surendettement à
l'autre », Petites affiches, 17 décembre 2002, n°
251, p. 4-9.
137 . Source : étude de la Banque de France de 2004
publiée en septembre 2005.
138 . Michel LECOMTE, préc., p. 422.
139 . Gérard JOUVE, « Accès au crédit
et prévention du surendettement », in Le rapport morale sur
l'argent dans le monde, éd. Association d'économie
financière, 2006, p. 373-379.
crédit peut, pour certains, conduire à des
situations de surendettement, du fait que leur crédit ne leur permet de
créer aucune source de revenus. Monsieur Jean-Michel Servet prend
l'exemple de l'Inde qui, en une décennie, a subi plus de 100 000
suicides parmi les plus démunis à cause du
surendettement140.
77. - Qu'en est-il les emprunteurs du
micro-crédit social ? Le débat sur le surendettement des
particuliers devient de plus en plus important en France en raison de
l'apparition du micro-crédit social. Une attention particulière
doit être portée aux interventions qui porteraient sur
l'acquisition de biens d'équipement courant
(électroménager ou audiovisuel) ou bien encore sur le financement
de loisirs ou de cérémonies familiales. Monsieur Michel LECOMTE a
pu constater qu' « elles doivent être appréciées dans
le cadre du projet qui les accompagne et ne pas simplement ressortir d'un
besoin de consommation141 ». Mais la décision peut
être également prise en fonction d'autres facteurs comme la
diminution des tensions au sein d'un foyer, l'amélioration de la
santé morale d'un ménage, la reconstitution de liens familiaux
etc. En effet, « il ne s'agit donc pas d'ajouter l'endettement à la
pauvreté, mais de favoriser la réalisation de projets permettant
la promotion personnelle, l'amélioration des conditions d'existence.
C'est également de montrer que les foyers défavorisés
peuvent faire preuve de responsabilité et de rigueur142
». C'est un crédit de dépannage. Il ne s'agit donc pas de
favoriser le surendettement, mais plutôt de sortir ces personnes de
surendettement qui pourrait arriver en raison de leur recours au système
de financement informel qui est beaucoup plus coûteux. On pourrait dire
qu'en fonction des objectifs recherchés par le micro-crédit,
qu'il soit professionnel ou social, le risque de surendettement n'est pas assez
grand. Mais cela ne veut pas dire qu'il n'en existe aucun. Pour ne pas
déboucher sur le surendettement, il faut adopter des critères
précis, après la phase d'expérimentation, du
micro-crédit social. Ces critères tiendront évidemment
à des caractéristiques du micro-crédit exposées
dans le chapitre précédent. Il ne s'agit pas de viser une
clientèle qui peut normalement avoir accès aux banques, ni celles
qui, à un moment donné, se trouve dans une situation de
détresse physique ou morale qui ne lui permet pas de s'endetter et de
s'engager dans des activités économiques. Enfin, une
réglementation du micro-crédit qui exige l'accompagnement des
porteurs de projets en est également une solution. En assurant un
accompagnement, le
140 . Adrien de TRICORTE, in Le monde précité, 14
novembre 2006.
141 . Michel LECOMTE, préc., p. 424. 142 . Michel LECOMTE,
préc., p. 426.
micro-crédit social limite ce risque de surendettement.
Partie II :
La réglementation du micro-crédit
78. - Difficultés de la réglementation
du micro-crédit. Le micro-crédit est une conception
fondamentale à deux dimensions143. La première est la
justice sociale qui se traduit par le choix de la population ciblée, et
la seconde est la viabilité de l'institution de micro-crédit. On
peut ainsi dire qu'il s'agit d'une combinaison entre un besoin social et une
logique de viabilité financière. Toute la difficulté et
toute la beauté du concept du micro-crédit sont de conjuguer les
deux dimensions, sociale et financière, considérées
plutôt comme contradictoires que comme réciproquement
complémentaires. Toute réglementation du micro-crédit doit
donc tenir compte de cette spécificité. S'il n'est pas anormal
que toute institution de crédit recherche la viabilité
financière, l'opérateur de micro-crédit dispose d'un
objectif particulier qui est le volet social (favoriser l'accès au
crédit) du produit de micro-crédit. Ce volet social du
micro-crédit conduit-il à l'adoption de règles
spécifiques ? En d'autres termes, le micro-crédit est-il soumis
purement et simplement au droit commun du crédit ou faut-il une
adaptation de ce dernier au produit du micro-crédit ? La
réglementation de l'opération du micro-crédit constitue
une première part importante. Mais sur ce point, l'accent est mis
spécifiquement sur la réglementation
des taux d'intérêt du micro-crédit
(Chapitre I). On saurait envisager de revoir le droit au
remboursement anticipé de crédit afin de se conformer à la
politique incitative du législateur français qui vise à
encourager l'implication directe des banques dans le domaine du
micro-crédit. Toutefois, aucune volonté politique
législative n'a voulu atténuer la protection des consommateurs
(bénéficiaires du micro-crédit social). En plus, il n'a
fait jamais l'objet de réclamation de la part des opérateurs du
micro-crédit en place. C'est la raison pour laquelle l'accent est mis
uniquement sur la réglementation des taux d'intérêt du
micro-crédit qui est une question d'actualité dans le contexte du
droit cambodgien et qui préoccupe les pouvoirs publics dans tous les
pays où s'implante le micro-crédit. En outre, il faut avoir
à l'esprit que le micro-crédit, encore plus largement la
micro-finance, est considéré désormais dans l'esprit du
législateur français comme un service subsidiaire aux banques,
tandis que le législateur cambodgien considère qu'il constitue un
service financier à part, ce qui nécessite donc une
réglementation spécifique des opérateurs du
micro-crédit. L'article 74 alinéa 3 de la loi sur les
institutions bancaires et financières144 prévoit
expressément cette tendance. Cependant, la réglementation
française des opérateurs du micro-crédit ne serait donc
qu'accessoire. La politique consistant à favoriser le partenariat
143 . Maria NOWAK, On ne prête pas (que) aux riches,
préc., p. 91.
144. La loi sur les institutions bancaires et financières
du 18 novembre 1999 accessible sur
http://
www.bigpond.com.kh/Council of Juriste/ Banque/sombkg.htm.
banques-opérateurs de micro-crédit doit
être encouragée. Cela ne veut pas dire que la
réglementation des opérateurs du
micro-crédit (Chapitre II) doit être
ignorée. En effet, cette réglementation est autant importante en
droit cambodgien qu'en droit français. En plus, en l'absence des
opérateurs du micro-crédit, il ne saurait pas y avoir de
micro-crédit puisque les banques commerciales actuelles au Cambodge ne
s'intéressent pas au microcrédit.
Chapitre I : La réglementation des taux
d'intérêt du micro-crédit
79. - L'approche de la problématique des taux
d'intérêt du micro-crédit. Le problème
d'accès au crédit des exclus bancaires pouvait être
résolu, le grand pas restant le problème de taux
d'intérêt. Ce dernier préoccupe non seulement les exclus
mais aussi les responsables politiques dans le monde. On s'aperçoit que
les taux d'intérêt pratiqués par les opérateurs du
micro-crédit sont beaucoup plus élevés que ceux
demandés par les banques classiques. Pourquoi les opérateurs du
micro-crédit, qui s'implantent au Cambodge et généralement
dans les pays en développement, imposent-ils des taux
d'intérêt aussi élevés s'ils ont pour vocation
d'aider les pauvres ? Faut-il admettre la pratique des taux
d'intérêt très élevés pour le
micro-crédit145 ? Pourquoi l'ADIE peut-elle pratiquer le taux
du marché ? Il s'agit là d'un vieux débat touj ours
d'actualité qui mérite d'être analysé
profondément dans le cadre de cette étude.
On peut remarquer que le problème de taux
d'intérêt relève des constatations suivantes. Suite aux
faillites successives qu'ont connues certaines institutions de
microcrédit, les opérateurs du micro-crédit ont pris
conscience de la nécessité de donner la priorité à
l'équilibre financier pour prétendre à des systèmes
durables. Toutefois, cette tentative conduit à éloigner peu
à peu le système de sa volonté initiale de se rapprocher
des populations défavorisées pour s'adresser à des
clientèles aisées et rentables. On assiste donc à deux
logiques difficilement conciliables: la logique de type « bancaire »
et les logiques de type « développementaliste ». La
première est celle où le souci de viabilité
financière exclut progressivement les petits clients. La seconde est
celle où le crédit est un instrument pour atteindre d'autres
objectifs146. Comment associer ces deux logiques ? Quelle est la
position du droit positif en ce qui concerne le taux d'intérêt du
micro-crédit ? L'analyse des arguments généraux favorables
ou défavorables à la libéralisation des taux
d'intérêt du micro-crédit constitue une première
étape importante (Section I) avant de traiter de la
politique législative en droit positif en matière de taux
d'intérêt du micro-crédit (Section II).
C'est sur ce point que l'on peut voir que le micro-crédit,
notion inconnue en droit, exerce, en revanche, une influence incontestable sur
le changement du droit français
145. Brigit HELMS et Xavier REILLE, « Le plafonnement des
taux d'intérêt et la microfinance : qu'en est-il à
présent ? », CGAP, Etude spéciale, n°9, septembre 2004
; CGAP, l'explication raisonnée des taux d'intérêt
utilisés pour le microcrédit, n°6.
146 . OULD NEMINE Ahmed, préc., p. 14.
en matière de taux d'usure.
Section I : La libéralisation ou la
répression du taux d'usure
80. - L'obstacle à la recherche de la
pérennité financière et institutionnelle. La
recherche de la pérennité financière et institutionnelle
conduit les opérateurs du microcrédit à appliquer des taux
d'intérêt très élevés. Toutefois, la pratique
des taux d'intérêt élevés n'est pas toujours
possible dans tous les pays. En droit cambodgien, tout le monde croyait que
l'atout principal des projets expérimentaux était de pouvoir se
développer rapidement en raison de la libéralisation des taux
d'intérêts. Toutefois, l'interrogation sur l'applicabilité
du Prakas libéralisant le taux d'intérêt des crédits
accordés par les banques commerciales aux opérateurs du
micro-crédit sera ultérieurement développée. En
revanche, le taux d'intérêt pratiqué par l'association du
micro-crédit en droit français ne pouvait pas être
très élevé pour des raisons diverses qui tiennent surtout
à la réglementation des taux d'usure qui fixe le plafond dont le
dépassement est civilement et pénalement
répréhensible147. Néanmoins, en matière
de micro-crédit, il est important de s'assurer que le taux
d'intérêt pratiqué corresponde au moins au taux du
marché pour permettre aux opérateurs du micro-crédit de
devenir financièrement viables sur la durée et donc sortir de la
nécessité d'obtenir des subvention. L'obstacle à la
pérennité des institutions du microcrédit reste alors le
taux d'usure, qui plafonnait les taux d'intérêt sur les
prêts aux entreprises individuelles et qui rend impossible la couverture
des coûts.
81. - L'objectif du plafonnement des taux
d'intérêt. Il est incontestable que le plafonnement
du taux d'intérêt a pour finalité la protection des
emprunteurs. Or, en matière de micro-crédit, on se demande si ce
plafonnement constitue un moyen efficace de protection de ces derniers. Quels
sont en effet les impacts du plafonnement des taux d'intérêt sur
la situation des pauvres, des exclus bancaires du crédit ? Il est donc
indispensable d'évoquer les impacts du plafonnement des taux
d'intérêt (§1) avant de répondre
à la question de savoir s'il faut libéraliser ou non les taux
d'intérêt du microcrédit dont les
bénéficiaires ne sont pas forcément des consommateurs
(§2).
147. La loi du 28 décembre 1966 relative à
l'usure, aux prêts d'argent et à certaines opérations de
démarchage et de publicité modifiée par la loi
n°2003-721 relative à l'initiative économique du 1er
août 2003 et puis par la loi de 2005 sur les petites et moyennes
entreprises.
§1. - Les impacts du plafonnement des taux
d'usure
82. - Trois types de taux d'intérêt.
Généralement, trois types de taux d'intérêt
peuvent être appliqués par les opérateurs du
micro-crédit conformément au contexte réglementaire du
pays dans lequel ils sont lancés. Il peut s'agir, soit de taux
d'intérêt qui correspondent aux taux du marché, soit de
taux qui sont relativement bas par rapport au taux du marché, soit enfin
de taux qui sont généralement très élevés en
comparaison avec le taux du marché. Cette dernière
hypothèse est le plus souvent pratiquée dans les pays en voie de
développement. En revanche, les deux premiers cas s'inscrivent dans le
contexte de pays dont le taux d'intérêt est très
réglementé. Il faut rappeler que la réglementation de
plafonnement des taux d'intérêt a pour objectif de protéger
les parties faibles qui n'ont pas le pouvoir de négocier le prix. La
législation sur le taux d'usure a donc pour but de protéger les
bénéficiaires du crédit contre les pratiques abusives des
prêteurs malhonnêtes. Toutefois, cette réglementation
produit des effets pervers sur la situation d'une tranche de la population qui
devrait se voir systématiquement exclue du financement accordé
par le système classique. Cela veut dire que le plafonnement du taux
d'intérêt a été instauré pratiquement au
détriment des personnes dont la situation financière est
très modeste puisqu'il conduit, d'une part, à décourager
les banques commerciales d'étendre leurs activités au
marché du micro-crédit et constitue une restriction fondamentale
d'accès de ces personnes au crédit (A),
et d'autre part, à l'absence de transparence
(B).
A. La restriction de l' accès au
micro-crédit
83. - Le taux d'usure, cause de la restriction
d'accès au crédit. En dépit de la bonne
intention que constitue la volonté de protéger les
bénéficiaires du crédit, le plafonnement des taux
d'intérêt nuit en général aux pauvres, aux exclus
bancaires car il présente un obstacle à l'extension des
activités des banques au marché du micro-crédit, à
la création de nouvelles institutions de micro-crédit, ainsi
qu'à la suivie des institutions existantes. On s'aperçoit qu'en
pratique, bien que les taux d'intérêt pratiqués par les
opérateurs du microcrédit soient très élevés
par rapport aux taux du marché, peu de IMC sont rentables et peuvent
continuer d'exercer leurs activités. La faillite des IMC a amené
les opérateurs à revoir leurs politiques pour pouvoir assurer
leur pérennité.
Il faut reconnaître que l'interdiction de fixer le taux
d'intérêt au-delà de certains
seuils réduit la satisfaction du prêteur, mais
aussi de l'emprunteur qui est prêt à payer le taux
élevé et qui se voit interdire de contracter un emprunte
usuraire, sans pour autant qu'un autre prêt, à un meilleur prix,
ne lui soit fourni. Le taux d'usure peut donc constituer une barrière
pour les banques classiques à l'entrée sur la frange de la
population risquée du marché. En effet, le prêteur est
capable de discriminer entre les emprunteurs en fonction de leur niveau de
risques. Il prête à ceux présentant peu de risques avec un
taux d'intérêt débiteur plus attractif car ceux-ci
n'accepteraient pas non plus un taux élevé. Il faut accepter que
plus le crédit est risqué, plus le taux d'intérêt
est élevé. En plus des risques du crédit accordé
aux populations dont la modestie financière est grande, le coût
d'opération est aussi élevé par rapport au montant du
prêt148. En effet, il faut segmenter le taux
d'intérêt selon le montant du crédit qui influe sur le
coût d'opération. Le crédit d'un petit montant engendre des
coûts de gestion proportionnellement aussi élevés que ceux
du crédit d'un montant élevé. Le taux d'usure constitue
donc parmi les causes que l'on a évoquées dans la première
partie149 une hypothèse qui peut expliquer la
réticence de banques classiques en matière de
micro-crédit. De par cette constatation, on peut comprendre pourquoi il
y a peu d'institutions du micro-crédit en France.
84. - Conséquence d'une telle restriction
d'accès au crédit formel. Face à la
réticence des banques classiques dans le marché de
micro-crédit, à la cessation des activités des
opérateurs du micro-crédit ou à l'absence de
création de nouvelles IMC, les clients se retrouvent privés de
l'accès au crédit, aux services financiers, ce qui les poussent
à se retourner à nouveau vers le marché informel qui est
beaucoup plus coûteux et où la protection des clients est
quasiment inexistante. Les taux d'intérêts facturés par les
prêteurs privés sont infiniment plus élevés que ceux
pratiqués par les opérateurs formels du microcrédit. Au
Cambodge, le taux d'intérêt imposé par les prêteurs
privés, les usuriers à proprement parler, est de l'ordre de 10%
par mois. En revanche, si la demande de crédit est acceptée, le
problème de l'absence de transparence est une autre chose
considérée comme une conséquence négative du taux
d'usure.
B. L'absence de transparence
85. - Le taux d'usure, cause de l'absence de
transparence. La restriction de l'accès au
148 . V. infra, n° 89.
149. V. supra, n° 19-27.
crédit n'est pas une seule et unique conséquence
de l'effet pervers de la législation sur le plafonnement des taux
d'intérêts, l'absence de transparence en est également une.
Le plafonnement des taux d'intérêt permet de réduire le
coût de crédit pour les bénéficiaires. Il permet
ainsi de diminuer leur charge financière. En revanche, il réduit
les bénéfices des prêteurs. Ceux-ci cherchent donc à
trouver des moyens pour pouvoir augmenter le coût total du crédit
notamment en imposant l'assurance du crédit, diversifiant les frais
d'opération. Ils détournent le plafonnement des taux
d'intérêts au moyen notamment de l'introduction d'une
assurance-décès liée au crédit et/ou d'autres
frais150. Cette situation serait difficilement imaginable en France
puisque un minimum de transparence semble être assurée par la
législation française sur l'exigence d'une publication du taux
effectif global (TEG) dont les assiettes sont définies par la loi.
L'article L.313-1 alinéa premier du Code de la consommation
prévoit que « Dans tous les cas, pour la détermination
du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris
comme référence, sont ajoutés aux intérêts
les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs
ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des
intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l
'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou
rémunérations correspondent à des débours
réels ». La formule est à l'origine de certaines
difficultés quant à la détermination des
éléments participant à l'assiette du TEG151.
Mais, la Cour de cassation a décidé que « le taux effectif
global inclut toutes les sommes de toute nature qui, sans constituer un
intérêt, sont nécessairement attachés au prêt
et constituent, à ce titre, une charge obligatoire pour
l'emprunteur152 ». Ainsi, les établissements de
crédit ne sont pas à l'abri de tout détournement,
d'erreur, mais surtout les clients ne sont pas efficacement
protégés par les incertitudes liées au calcul du TEG. La
caractérisation de l'usure est donc parfois
délicate153.
Cependant, cette absence de transparence est beaucoup plus
grande en droit cambodgien. Selon le droit commun, l'article 59 du
décret-loi de 1988 prévoit que « le prêt à
intérêt n 'est admis que s 'il a été accepté
dans un écrit constatant le consentement des parties. Le taux
d'intérêt est fixé à 5% par an, sauf si une
disposition légale contraire prévoit autrement154
». La loi fixe le plafond de 5% par an. Mais aucune base de calcul
n'a
150 . CGAP, L'impact du plafonnement des taux
d'intérêt sur la microfinance, Note sur la microfinance, Mai 2004,
n°18.
151. Thierry BONNEAU, Droit Bancaire, Montchrestien,
6e éd. 2005, n° 69, p. 52.
152 . Cass. crim. 10 septembre 2003, inédit.
153 . Anne-Valérie Le Fur, « Faut-il modifier la
législation sur l'usure ? », Droit bancaire et financier, in
Mélanges AEDBF-France, sous la dir. Jean-Jacque Diagre, Banque
édition, 2004, p. 190.
154 . Décret-loi n° 38/Kch du 28 octobre 1988 sur le
contrat et la responsabilité extra-contractuelle.
été prévue. Ainsi, le calcul de
l'intérêt constitue une difficulté en droit cambodgien. Ce
calcul peut avoir une influence sur le montant de l'intérêt. Pour
pallier à cette difficulté, la BNC a adopté un Prakas sur
le calcul de l'intérêt du crédit accordé par
l'institution de la micro-finance155. L'article 2 prévoit que
« le taux d'intérêt du crédit accordé
conformément à l 'article 1 de ce Prakas est calculé sur
la base du montant de crédit accordé après
déduction du montant de capital remboursé, et par
conséquent, l 'intérêt pour un crédit à
durée déterminée (semaine, mois, trimestre, année
selon le cas) doit être calculé en fonction du solde
créditeur pendant cette période ». La base de calcul
est le montant du solde créditeur. Cette méthode de calcul
signifie que le crédit accordé doit être
systématiquement un crédit amortissable. Dans le crédit
amortissable, le montant du remboursement doit comprendre à la fois le
montant du capital remboursé et le montant de l'intérêt
pour la période déjà passée. Si cet article
prévoit que le solde créditeur est le résultat de
déduction du montant de crédit accordé par le montant du
capital remboursé, cela signifie que la capitalisation de taux
d'intérêt est implicitement admise. Si la base de calcul est
précisée, l'absence de transparence demeure grande. L'emprunteur
ne peut pas savoir à l'avance le coût total d'un prêt. Les
opérateurs du micro-crédit peuvent toujours chercher des moyens
afin d'argumenter le montant total du crédit.
86. - les avantages des pratiques de taux
élevé. En revanche, la pratique des taux
d'intérêt élevés présente des avantages pour
les bénéficiaires du micro-crédit. Ils permettent de faire
face au problème d'accès au crédit et à la
transparence. En plus, ils conduisent les prêteurs informels à
réduire les taux d'intérêt imposés à leurs
clients. Il est donc souhaitable d'admettre la pratique des taux
d'intérêts élevés du micro-crédit. Mais,
cette admission doit-elle conduire à la libéralisation
complète des taux d'intérêt ou simplement à un
aménagement de la réglementation relative à l'usure
existante dans un sens plus favorable aux opérateurs du
micro-crédit tout en maintenant la prohibition du dépassement
d'un certain seuil déjà modifié? D'une autre
manière, faut-il supprimer la répression des taux d'usure pour le
micro-crédit ?
§ II. - Plaidoyer pour la libéralisation
complète des taux d'intérêt
87. - Les arguments pour la libéralisation
complète des taux d'intérêt du micro-
155. Prakas n° B- 7-01-115 prk du 14 août 2001 sur le
calcul de l'intérêt du crédit accordé par
l'institution de la micro-finance.
crédit. Plusieurs raisons peuvent
être invoquées pour expliquer le choix d'une voie vers la
libéralisation complète des taux d'intérêt du
micro-crédit. Ces raisons tiennent aussi bien aux opérateurs
qu'aux bénéficiaires du micro-crédit. À ces
raisons, il faut ajouter la constatation des inconvénients des pratiques
de taux bonifié du micro-crédit.
88. - Les inconvénients de la pratique des taux
bonifiés du micro-crédit. Il faut noter que l'ADIE ne
peut pas appliquer le taux d'intérêt élevé, puisque
le taux est bonifié et que le coût des opérations est pris
en charge par les collectivités locales et la Banque européenne
d'investissement. Certes, tous les opérateurs du micro-crédit ont
démarré leurs activités avec des subventions, publiques ou
privés, le temps de faire connaissance avec le marché,
d'expérimenter les méthodes et les conditions de crédit
les mieux adaptées, et d'atteindre un volume d'opérations
suffisant pour couvrir les coûts.
En effet, les subventions permettent de maintenir les taux
d'intérêt artificiellement relativement bas puisque le
micro-crédit accordé par les institutions du micro-crédit
subventionnées est généralement accordé à
des taux d'intérêt bonifiés. Mais cette méthode de
prêt à taux bonifié comporte des inconvénients
réels incontestables. D'une part, le taux de remboursement est
généralement faible puisque les bénéficiaires ne se
sentent pas responsables et pensent qu'il s'agit d'une forme de charité.
Il en résulte qu'ils n'ont pas besoin nécessairement de
rembourser les prêts. D'autre part, le crédit accordé au
moyen de subvention est en général du crédit ciblé.
Or, il est préférable que l'emprunteur décide
luimême ce qu'il va faire avec son prêt. Il est mieux à
même de savoir quelle activité sera la plus rentable pour assurer
le remboursement. Enfin, la pratique de taux bonifié bride la
possibilité pour les opérateurs du micro-crédit de devenir
rentables et donc indépendants de toute subvention publique. Le taux
subventionné ne profite en général qu'à un petit
nombre d'emprunteurs et seulement pendant une brève période. Les
IMC qui sont tributaires des subventions ne pourront probablement poursuivre
leurs activités que jusqu'à l'épuisement de ces
subventions. Ainsi, au lieu de monter des projets subventionnés sur une
période de temps limité, on cherche plutôt à
créer des institutions financières viables et pérennes qui
peuvent assurer l'intermédiation financière et offrir des
services de façon durables. C'est la raison pour laquelle l'autonomie
financière devient ensuite la règle de base car elle permet
d'assurer la pérennité des services financiers à la
clientèle choisie156.
156 . Maria NOWAK, On ne prête pas que) aux riches,
préc., p. 204.
89. - Les raisons tenant aux opérateurs du
micro-crédit : Le taux élevé du
micro-crédit peut être expliqué de la manière
suivante. Premièrement, il s'agit de la viabilité de
l'institution. Le taux d'intérêt doit être établi de
façon à permettre aux opérateurs du microcrédit
d'offrir des services financiers durables. Pour cette raison, le taux
d'intérêt doit permettre de couvrir le coût de
l'opération157 : le coût d'un prêt de petite
taille est proportionnellement plus élevé que celui d'un
prêt important. Le coût proportionnel d'administration
(identification et évaluation des clients, traitement des demandes de
remboursement, décaissement des prêts, collecte des remboursements
et suivi des activités en cas de non remboursement...) des
micro-prêts est élevé, car ils s'adressent à une
clientèle sans historique de crédit, ni garantie et souvent
illettrée et située dans des régions isolées. Parmi
les coûts de financement, les salaires constituent un poste important en
raison du fait que la gestion du micro-crédit est une activité
faisant appel à beaucoup de main-oeuvre. Selon l'ADIE, pour un
prêt de 2500 euros, le coût de l'opération
s'élève à 2000 euros par projet. En effet, le coût
élevé du micro-crédit n'est pas parce que les risques
inhérents sont plus grands puisque l'étude montre que le risque
de non remboursement que courent les bons programmes de micro-crédit est
souvent plus faible que celui des banques commerciales traditionnelles.
Malgré des taux d'intérêt relativement
élevés, peu d'IMC sont rentables. Cela tombe bien, la plupart des
organismes de micro-crédit sont à but non lucratif et ceci
explique cela. Deuxièmement, il permet de jouer sur la mentalité
des emprunteurs. Ces derniers sont obligés de prendre le crédit
au sérieux et ne verront plus le crédit accordé comme une
aide. Le micro-crédit n'est pas une forme de charité. Le taux
d'intérêt responsabilise les emprunteurs qui doivent rembourser le
crédit à l'échéance du terme. Toutefois, on peut
s'interroger comment des taux d'intérêt aussi élevés
peuvent-ils être abordables pour les pauvres ?
90. - Les raisons tenant aux
bénéficiaires du micro-crédit. Il faut
reconnaître que la question essentielle pour les créateurs
d'entreprise et les petits entrepreneurs existants reste l'accès au
financement, et non le taux d'intérêt. Pour les pauvres,
l'accès constant au crédit est plus important que le niveau
réel de l'intérêt. Il rembourse pour pouvoir ensuite
contracter de nouveaux emprunts. En effet, pour un micro-entrepreneur, le
coût d'un micro-prêt ne représente qu'une petite part de ses
coûts d'activité. Le surcoût n'a quasiment aucun impact sur
le compte d'exploitation de l'entreprise. En revanche, il
157 . CGAP, La course à la réglementation :
établissement de cadres juridiques pour la microfinance, étude
spéciale, n° 4 - Mais 2000, p. 7-9.
change tout pour l'IMC. Bien que l'accompagnement soit
aujourd'hui financé par l'Union européenne, l'Etat, la Caisse des
dépôts et consignations, les collectivités locales et
quelques partenaires privés, il n'en reste pas moins que la principale
difficulté pour l'ADIE reste le financement du coût de
l'accompagnement qui s'élève à environ 2.000 euros par
projet financé et qui vient couvrir les frais liés au suivi d'un
projet pendant une à deux années158. En plus, la
durée de remboursement est courte. Le taux d'usure est moins
justifié puisque, sur des prêts de faible montant et de courte
durée, la différence en valeur absolue est relativement faible
pour l'emprunteur, alors qu'elle est fondamentale pour l'équilibre
financier de l'institution. A titre d'exemple, sur un prêt de 2 500 euros
sur 18 mois, la différence est inférieure à 7 euros par
échéance, suivant que le taux est de 6% ou de 12%. Enfin, les
taux d'intérêts facturés par les prêteurs
privés sont infiniment plus élevés que ceux
pratiqués par les IMC. Le taux d'intérêt
réclamé par les usuriers est de l'ordre de 10% par mois. Le
recours au financement accordé par les opérateurs du
micro-crédit qui peuvent fixer le taux d'intérêt permettant
de couvrir tous les coût d'opération est donc absolument plus
avantageux pour le micro-entrepreneur que s'il emprunte à un usurier
proprement dit. Toutefois, la libéralisation complète du taux
d'intérêt ne veut pas dire qu'il faut ignorer la protection des
emprunteurs. En effet, l'autre moyen de protection est plus efficace que celui
du taux d'usure.
91. - L'autre moyen de protection de l'emprunteur.
Sachant que la réglementation du taux d'usure a pour but de
protéger l'emprunteur contre la pratique abusive de prêteurs qui
fixent un taux excédant le juste prix, la protection de l'emprunteur
peut être assurée par d'autre moyen tout en supprimant des effets
négatifs du plafonnement des taux d'intérêts. Le moyen
efficace est de faire en sorte que le client ait été bien
informé du coût total du financement. L'information des
emprunteurs sur le TEG semble être une protection suffisante contre les
abus. Il faut donc accepter de modifier la réglementation de l'usure.
Mais, la suppression des taux d'usure pour les entreprises individuelles ne
veut pas dire que l'institution prêteuse ne doit pas chercher à
réduire ses coûts et à baisser ses taux
d'intérêt. Il faut laisser la place au marché et donc faire
jouer la force du marché. La libéralisation complète de
taux peut entraîner des abus. Le taux excessif peut être
pratiqué par des IMC en situation de monopole. Toutefois, la concurrence
croissante est une sortie de cette situation monopolistique. La concurrence
constitue le moyen efficace de réduire à
158 . Patrick SAPY, préc., p. 28.
la fois le coût du micro-crédit et le taux
d'intérêt. Elle est le meilleur moyen d'abaisser les taux
d'intérêt. L'intensification de la concurrence pousse les
opérateurs de micro-crédit à s'efforcer de perfectionner
les stratégies de crédit, de rationaliser des processus,
d'améliorer les techniques contribuant à la réduction des
coûts et à l'amélioration de la productivité pour
pouvoir se positionner dans un marché concurrentiel qui tient
principalement au prix. L'Etat doit adopter une politique qui vise à
stimuler la concurrence entre les prestataires de micro-crédit. Pour
stimuler la concurrence, il est important qu'il existe un cadre juridique et
réglementaire adapté qui offrent à tous les
opérateurs du microcrédit les mêmes chances de
pénétrer sur le marché et d'opérer dans des
conditions de concurrence loyale. Il doit faire en sorte que les
opérateurs du micro-crédit aient une bonne connaissance de
marché du micro-crédit et que l'emprunteur puisse comparer le
coût total du micro-crédit proposé par chaque
opérateur. Cette connaissance contribue à l'amélioration
des résultats car elle force les opérateurs du
micro-crédit à se comparer avec leurs pairs et à trouver
des moyens pour améliorer leur efficacité. Le marché du
microcrédit au Cambodge illustre bien cet argument. L'importation du
micro-crédit dans ce pays est assez récente mais le marché
est très concurrentiel. Le taux pratiqué au début est de
l'ordre de 5% par mois et est diminué à hauteur de 3 à
4%.
92. - L'insuffisance de l'argument contre la pratique
des taux d'intérêt élevés. Malgré
ces arguments, certains contestent touj ours le taux élevé du
micro-crédit accordé aux pauvres. Pour permettre de comprendre
que les arguments évoqués contre le taux élevé sont
une excellence remarque mais qui ne résout pas le problème
à long terme, ils méritent d'être évoqués
ici. Face au niveau des taux d'intérêt demandés par des
opérateurs du micro-crédit, certains s'opposent à la
pratique des taux d'intérêt élevés du
micro-crédit en invoquant qu'ils ont du mal à accepter le fait
que les prêts de faible montant accordés aux pauvres soient en
général plus coûteux que les prêts commerciaux
consentis à taux normaux. Cette contestation n'est pas sans
arguments.
92-1. - D'une part, il a
été justifié que puisque les emprunteurs sont pauvres, il
n'est pas question de leur appliquer des taux plus élevés que
ceux du marché officiel, même si la distribution du petit
crédit coûte plus cher. En plus, comment les opérateurs du
microcrédit doivent-ils imposer des taux d'intérêt beaucoup
plus élevés que ceux du marché, alors qu'ils ont vocation
à sortir ces bénéficiaires de la pauvreté ? C'est
une très bonne remarque, comme l'a indiqué Madame Maria NOWAK
« il n 'est pas moral de prêter aux
pauvres à un taux plus élevé qu 'aux
riches est une phrase pleine d'excellente intention mais qui n 'engage à
rien. Elle donne une très bonne conscience, mais elle ne résout
pas le problème d'accès au crédit qui, dans une
économie de marché, a forcément un prix159
». Tout le monde sait que l'ajustement de l'offre et de la demande se
fait essentiellement à travers le prix. Si le taux
d'intérêt est soumis à un plafond légal, l'offre
officielle du crédit diminue et l'offre informelle explose à des
taux véritablement usuraire de l'ordre de 10% par mois, par semaine et
même parfois par jour. En raison de cette usure, certains porteurs de
projet sont de facto exclus du financement classique. Le manque
d'accès au crédit pénalise les petites entreprises en
création.
92-2. - D'autre part, la
rentabilité du micro-crédit permet, certes, de répondre de
façon continue aux besoins de la population. Or, elle conduit
également à la recherche de la clientèle plus rentable,
notamment plus urbaine, et donc d'accorder des prêts d'un montant moyen
plus élevé, ce qui exclurait de nouveau une tranche de la
population la plus pauvre d'un accès au financement. C'est une approche
qui semble être adoptée par les organismes de micro-crédit
au Cambodge où dans une grande partie des programmes de
micro-crédit, on ne prête pas aux très pauvres, ni
même parfois aux moyennement pauvres, car les prêteurs veulent
être sûrs que les clients sont en mesure de rembourser, ce qui
exclut beaucoup de gens. Pour être viable, le micro-crédit doit
servir uniquement « aux pauvres actifs », c'est-à-dire aux
plus pauvres des pauvres qui ont l'esprit d'entreprise. En plus, il est
à noter que, malgré le développement du concept du
micro-crédit allant jusqu'à la micro-finance, l'avenir de la
micro-finance n'est pas de rejoindre les systèmes financiers et de s'y
fondre160. Elle permet, en revanche, de réinsérer
progressivement ses bénéficiaires dans le circuit bancaire.
Cette remarque est intéressante, mais elle doit
être nuancée. Il faut noter que la clientèle desservie par
le prêteur du micro-crédit doit être toujours celle qui n'a
pas pu avoir un accès au crédit de banque classique. En plus, la
recherche de la clientèle plus rentable ne veut pas dire
forcément qu'il revient à exclure à nouveau la
clientèle peu rentable puisque l'emprunteur doit être porteur de
projet. Il est difficile d'imaginer que le micro-crédit est
accordé à des pauvres qui n'ont pas d'esprit d'entreprise. Il
faut rappeler que le programme du micro-crédit n'est pas un programme de
charité. Il aide les pauvres mais seulement les pauvres actifs qui
peuvent retrouver leur voie de développement grâce
159. Maria NOWAK, On ne prête pas que (aux) riches,
préc., p. 204.
160. La lettre
vernimmen.net, l'actualité
micro-finance, Décembre 2006.
au crédit. Le financement doit donc être
accordé au projet rentable et aider le porteur de se
réinsérer dans le circuit économique, de retrouver sa
citoyenneté économique. Le microcrédit est accordé
aux pauvres mais qui peuvent se réintégrer au moyen du
crédit. L'importance est donc de mettre l'accent sur le projet
d'insertion économique du porteur et sur sa situation d'exclusion
financière et non pas simplement sur le degré de
pauvreté.
93. - En raison de l'insuffisance de ces
arguments contre la pratique des taux d'intérêt
élevés du micro-crédit, le législateur
français, sous l'influence des opérateurs du microcrédit,
a procédé à un changement législatif en
libéralisant complètement le taux d'intérêt des
crédits accordés aux entreprises individuelles, sous
réserve de découvert en compte. Ce comportement peut être
expliqué à travers l'étude de la politique
législative de taux d'intérêt du micro-crédit.
Section II : La politique législative des taux
d'intérêt du microcrédit
94. - L'application du droit commun au
micro-crédit. Les analyses précédemment
évoquées permettent de comprendre clairement la politique
législative en matière de taux d'intérêt. Il faut
rappeler que le micro-crédit est une notion purement économique
qui n'avait pas d'acception juridique. La loi ne parle que du prêt (droit
français) ou de crédit (droit cambodgien). Ainsi, la
législation des taux d'intérêt du droit positif doit
être purement et simplement appliquée au micro-crédit.
Aucune volonté d'adopter une réglementation spéciale
propre pour ce type de financement n'a été trouvée dans
les deux systèmes juridiques. Il faut donc, en premier lieu,
s'interroger sur l'applicabilité du Prakas libéralisant le taux
d'intérêt pour les crédits accordés par les banques
commerciales aux opérateurs du micro-crédit en droit cambodgien
(§1) avant de regarder, en second lieu, une influence
décisive du micro-crédit sur le changement du droit positif
français dans ce domaine (§2).
§1. - L'inapplicabilité du Prakas du 16
mars 1995 au micro-crédit accordé par les IMF
95. - Inapplicabiité du Prakas du 16 mars 1995.
En droit cambodgien, on croyait que la fixation de taux
d'intérêt par les opérateurs du micro-crédit est
libre. La plupart des opérateurs de micro-crédit pouvaient
pratiquer dès le début des taux d'intérêt de 5% par
mois, permettant d'envisager à terme leur viabilité. Le taux
d'intérêt pouvait atteindre 60% par an. De ce fait, près de
90 ONG offrant du micro-crédit existent aujourd'hui. Aucune instance
gouvernementale, même informelle, n'a discuté ou remis en cause la
libre fixation des taux ou mis en place précocement une
réglementation contraignante. Toutefois, on peut s'interroger sur la
légitimité de cette liberté de fixation de taux
d'intérêt du micro-crédit. En droit commun, l'article 59 du
décret-loi de 1988 prévoit que « le prêt à
intérêt n 'est admis que s 'il a été accepté
dans un écrit constatant le consentement des parties. Le taux
d'intérêt est fixé à 5% par an, sauf si une
disposition contraire prévoit autrement161 ». Selon
cette disposition, le taux d'intérêt conventionnel est
plafonné à 5% par an. Les prêteurs doivent respecter le
plafond de 5% par an. En cas de non respect, une sanction civile et
pénale est prévue. Civilement, le prêteur doit imputer les
intérêts perçus en dépassement du taux légal
sur le montant du capital, et les sommes trop perçues après cette
imputation produisent les intérêts à compter de la date de
son remboursement et doivent être restituées à
l'emprunteur. En plus, le prêteur peut être condamné
pénalement. Mais quelle infraction pénale ? Aucune
précision n'a été donnée162. On pourrait
penser à la condamnation pour le délit d'usure. Toutefois, une
exception est admise. Une loi ou un texte réglementaire spécial
peut admettre un taux plus élevé. Conformément à
cette disposition, l'article 2 du Prakas du 16 mars 1995 sur la
libéralisation de la fixation de taux d'intérêt
prévoit que « toutes les ban ques commerciales ont droit de
fixer librement
l 'intérêt des dépôts et des
prêts à intérêt qu 'elles accordent163
». La liberté de fixation de l'intérêt de
prêt est uniquement réservée aux banques commerciales. Il a
été adopté avant l'adoption des Prakas réglementant
des institutions de microfinance (IMF). On peut alors s'interroger sur
l'applicabilité de ce texte au micro-crédit accordé par
les institutions de micro-finance.
161 . Décret-loi n° 38/Kch du 28 octobre 1988 sur le
contrat et la responsabilité extra-contractuelle.
162 . L'article 60 du même décret-loi de 1988.
163 . Prakas n° B - 595 - 47/PrK du 16 mars 1995 sur la
libération de la fixation de taux d'intérêt.
95-1. - A la lecture de deux
dispositions, l'article 2 du Prakas de 2002 et l'article 74 alinéa 3 de
la loi sur les institutions bancaires et financières, on saurait
confirmer cette applicabilité. L'article 2 du Prakas de 2002
définissant la micro-finance prévoit que « la micro-finance
signifie la fourniture des services financiers tels que le crédit, et
les dépôts aux familles pauvres, familles qui ont des revenus
modestes et aux petites entreprises ». Cette disposition illustre
clairement que le micro-crédit n'est pas autre chose que le
crédit en droit commun. Le micro-crédit n'est pas une
terminologie juridique prévue par le texte. Le droit positif utilise
simplement le mot « crédit » pour désigner l'une des
composantes de la micro-finance. Ainsi, toute disposition applicable au
crédit l'est également au microcrédit. En plus, l'article
74 alinéa 3 de la loi bancaire précise limitativement des
règles applicables aux institutions de micro-finance qui sont
dérogatoires à la loi bancaire. Selon cet article, « les
entités qui pratiquent les opérations de banque en vue notamment
de promouvoir l'intermédiation bancaire dans les secteurs de
l'agriculture, de l'artisanat, du petit commerce et des services aux
particuliers, pourront exercer leur activité dans des conditions
dérogatoires à la présente loi (loi sur les institutions
bancaires et financières), fixées par une réglementation
spécifique édictée par la Banque Nationale du Cambodge et
concernant : leur capital minimum, leur agrément et les modalités
pratiques de celui-ci, les règles prudentielles qui leur sont
applicables, les conditions de leur implantation ». La fixation de taux
d'intérêt n'y est pas incluse. Aucune dérogation en la
matière n'est donc possible. A part des règles
dérogatoires fixées par la BNC, les IMF sont soumises à la
loi sur les institutions bancaires et financières. Ainsi, elles sont
soumises à toutes les dispositions applicables aux banques au sens de
l'article 1 de la présente loi.
95-2. - Toutefois, cette confirmation est
renversée par la lecture des autres dispositions. Le système
bancaire du Cambodge se compose des banques commerciales, des banques
spécialisées et les IMF164. L'article 1er
de la loi sur les institutions bancaires et financières du 18
novembre 1999 prévoit que les banques sont des personnes morales
spécialement habilitées à pratiquer, à titre de
profession habituelle, des opérations de banque. L'alinéa 3 de
l'article 2 de la même loi dispose qu'une entité qui ne pratique
qu'une seule de ces trois
164. A la fin de 2005, le système bancaire du Cambodge est
composé de
- 15 banques commerciales dont 12 sont des banques locales et 3
sont des filiales des banques étrangères
- 4 banques spécialisées dont une appartient
à l'Etat
- 16 IMF agrées et 24 opérateurs du
micro-crédit enregistrées qui exercent des opérations dans
les zones rurales. (Source : National Bank of Cambodia, Micro finance of
Cambodia, 2005)
activités de base est qualifiée de banque
spécialisée. En revanche, les institutions de micro-finance
constituent une autre catégorie de banques puisqu'elles peuvent exercer,
à l'exception de la mise à la disposition de la clientèle
et le traitement des moyens de paiement en monnaie nationale ou en devises
(art. 2 al. 2 b du Prakas du 11 janvier 2000), des opérations de
banques165. Si l'article 1 er du Prakas du 16 mars 1995
limite la libre fixation de taux d'intérêt aux crédits
accordés par les banques commerciales, on peut se demander si les IMF
sont des banques commerciales. Selon le droit positif, les banques commerciales
sont les banques qui peuvent exercer pleinement toutes les opérations de
banque. Or, les IMF n'ont pas un objectif purement commercial. Leur vocation
principale est de pouvoir fournir les services financiers dans les zones
rurales. En plus, leur activité est limitativement encadrée par
la loi. Elles ne sont pas des banques commerciales au sens du Prakas de 1995.
En plus, sachant que le taux d'intérêt demandé par les IMF
est plus élevé que celui des banques commerciales,
l'autorité de tutelle cherche des mesures afin de pouvoir réduire
le taux d'intérêt demandé par les IMF. Au lieu de fixer un
plafonnement de taux d'intérêt, la BNC a adopté un Prakas
du 14 août 2001 sur le calcul de taux d'intérêt du
micro-crédit. Ce Prakas est propre, selon son article premier, aux IMF,
banques spécialisées du crédit rural et ONG et
associations assujetties à la loi sur les institutions bancaires et
financières. Il ne concerne pas les banques commerciales puisque le taux
d'intérêt est libre pour ces dernières, ce qui ne
nécessite pas de leur imposer une méthode de calcul de taux
d'intérêt. En plus, comme on a vu précédemment, la
méthode de calcul prévue par ce Prakas conduit à conclure
que le crédit accordé doit être un crédit
amortissable. Il ne serait pas possible d'imposer aux banques commerciales
uniquement cette méthode de crédit amortissable. Le Prakas de
1995 ne peut donc pas être étendu au micro-crédit.
96. - Les raisons de l'absence d'action en justice
contre la pratique de taux d'intérêt illégal.
Cette analyse du droit cambodgien sur l'applicabilité du Prakas
du 16 mars 1995 au micro-crédit permet d'avertir les professionnels du
micro-crédit sur l'illégalité de leur pratique. Si la
pratique des taux d'intérêt actuellement de l'ordre de 40,90% en
moyenne
165 . L'article 2 de la loi sur les institutions bancaires et
financières prévoit que « les opérations
constitutives de l'activité bancaire comprennent :
1. L'octroi de crédits, de toute nature, accordés
à titre onéreux au profit du public, y compris le
crédit-bail et les engagements par signature,
2. La réception de dépôts non
affectés en provenance du public,
3. la mise à la disposition de la clientèle et le
traitement des moyens de paiement en monnaie nationale ou en devises.
par an est illégale, pourquoi il n'existait pas
d'action en justice introduite par l'emprunteur afin de contester cette
pratique et de condamner civilement et pénalement le prêteur ?
Trois raisons peuvent expliquer cette situation. D'abord, c'est en raison de
l'habitude des praticiens. On croyait depuis longtemps que le Prakas de 1995
est applicable aux microcrédits, et l'autorité de tutelle ne veut
pas remettre en cause cette pratique puisqu'elle ne voulait pas que les
opérateurs se retirent du marché. Ensuite, les populations qui
habitent dans les zones rurales ont des connaissances limitées. Enfin,
la justice est difficilement accessible. On a toujours une hésitation
pour introduire une action en justice. Les frais de justices sont en pratique
largement élevés, ce qui ne permet pas aux pauvres d'y avoir
accès librement. En plus, en raison du faible montant de prêt et
donc de taux d'intérêt, le fait d'introduire une action en justice
peut générer des frais plus importants que le montant de taux
d'intérêt. Ce contexte n'existe pas en droit français qui
est changé au fur et à mesure en faveur du développement
du micro-crédit professionnel.
§2. - L'influence du micro-crédit sur le
droit français en matière de taux d'intérêt
- Plan. La suppression du taux d'usure pour favoriser le
développement du microcrédit, plus précisément du
micro-crédit professionnel est évidente. Toutefois, on peut
s'interroger sur l'opportunité de la même mesure en cas de
micro-crédit social. Le même clivage entre micro-crédit
professionnel (A) et micro-crédit social (B) est donc retrouvé
ici.
A. Le cas du micro-crédit professionnel
97. - Le champ d'application de plus en plus
réduit de la réglementation d'usure. En droit
français, la réglementation de l'usure devient désormais
une disposition exceptionnelle. Le taux d'usure a été
supprimé pour les personnes morales166 et personnes
physiques167 se livrant à activité industrielle,
commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale. Ce
changement permet d'expliquer que le législateur a pris en
considération des données de l'ordre
économique168. Selon Madame Maria
166 . L'article 32 de la loi du 1er août 2003
sur l'initiative économique.
167 . L'article 7 de la loi du 2 août 2005 en faveur des
petites et moyennes entreprises.
168 . Bernard BOULOC, « La réforme de l'usure »,
RD bancaire et financier, n° 6 - Novembre/décembre 2003,
p. 387.
NOWAK, seul 20% des créateurs d'entreprises
bénéficiait d'un prêt professionnel169. Ce
faible accès des créateurs d'entreprise à l'emprunt est
l'un des principaux obstacles à la création d'entreprise en
France. Les règles sur l'usure étaient la cause de ce faible
recours à l'emprunt car elles empêcheraient les banques de
proposer aux entreprises en création des solutions de financement
à des taux qui tiendraient compte du risque pris170. Mieux
vaudrait donc leur accorder des prêts à des taux
élevés plutôt que de les exclure de l'accès au
crédit. Ainsi, afin de faciliter le financement171 des
activités économiques nouvelles, l'article 32 de la loi du 1
er août 2003 a exclu, en principe, les personnes morales se
livrant à des activités commerciales, industrielles du champ de
l'usure. Malgré des critiques selon lesquelles il n'est pas certain que
le nouveau dispositif facilite les distributions des crédits
destinés à accompagner les projets des jeunes
entrepreneurs172, cette loi est diversement appréciée,
et cette mesure est prolongée par la loi de 2005 qui supprime l'usure
pour les entreprises individuelles.
99. - Les difficultés de l'association du
micro-crédit face à la législation relative aux taux
d'usure. L'article L. 313-3 du Code de la consommation
prévoyait que « les dispositions du présent article et
celles des articles L. 313-4 à L. 313-6 ne sont pas applicable aux
prêts accordés à une personne morale se livrant à
une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou
professionnelle non commerciale ». Le domaine d'application de ce texte
est imprécis173. On peut donc se demander si toutes les
associations, peu importe l'objectif qui les anime, n'exercent pas une
activité professionnelle, ce qui conduirait à les exclure
systématiquement du champ d'application de la législation sur
l'usure. De même, lorsqu'une association exerce occasionnellement l'une
des activités mentionnées, les prêts qui lui sont
accordés devraient échapper à la prohibition de l'usure.
Quelle était la difficulté pour les opérateurs du
micro-crédit, l'entreprise individuelle ?
On pouvait imaginer une hypothèse suivante. L'ADIE
était le client institutionnel du prêt bancaire destiné
finalement à financer le chômeur créateur d'entreprise.
Elle est
169 . Maria NOWAK, « Taux d'usure et création
d'entreprise », in La Tribune, 10 février 2003.
170 . Philipe POTIER, « Réforme du régime de
l'usure », RD bancaire et Financier, n°2 - Mars/avril 2003,
p. 113.
171 . Philipe POTIER, « Aménagement du régime
de l'usure pour les personnes morales », RD bancaire et financier,
n°2 - mars/avril 2004, p. 126.
172 . Stéphane PIEDELIEVRE, « Le
déplafonnement de certains taux d'intérêts », JCP
E 2003, n° 42, p. 1658. 173 . Anne-Valérie Le Fur, «
Faut-il modifier la législation sur l'usure ? », Droit bancaire et
financier, in Mélanges AEDBF-France, sous la dir. Jean-Jacque Diagre,
Rev. Banque édition, 2004, p. 118.
bien sûre un professionnel du micro-crédit. Il
importe peu qu'elle soit professionnelle commerciale ou non commerciale. La loi
prévoit que dès lors qu'elle est un professionnel se livrant
à une activité professionnelle non commerciale, elle ne peut plus
se prévaloir des dispositions sur l'usure. Dans ce cas, la banque
pouvait lui accorder un prêt qui n'est plus soumis à l'usure,
alors qu'elle prêtait à sa clientèle, personne physique
(entrepreneur individuelle), avec la prohibition de l'usure. Ainsi, la Banque,
exerçant une activité purement spéculative, n'est pas
assujettie au délit d'usure, alors que l'ADIE, association à but
non lucratif, doit respecter les dispositions punissant l'usure. Si dans une
hypothèse où la banque lui prête avec un taux assez
élevé qui dépasse normalement le taux usuraire, l'ADIE
doit supporter les pertes puisqu'elle ne peut pas accorder le prêt
à sa clientèle avec un taux usuraire.
Une autre difficulté que l'on a pu exposer
précédemment est que l'accès au financement est
bloqué par le taux d'usure appliqué aux entreprises
individuelles. C'est une des causes principales de la frilosité des
banques sur les petits prêts à la création
d'entreprise174. On s'est donc interrogé sur
l'opportunité de maintenir l'usure pour l'entrepreneur individuel.
Pourquoi le législateur n'a-t-il pas fait bénéficier les
entrepreneurs individuels, les commerçants, les artisans de la
suppression de l'usure ?
100. - La réforme de 2005 en faveur du
développement du micro-crédit. Pour prolonger
l'idée de faciliter l'accès aux crédits des jeunes
entrepreneurs, le législateur a accepté un nouvel assouplissement
à la prohibition de l'usure. L'article 7 de la loi qui modifie l'article
L. 3 13-3 du Code de la consommation prévoit que « les
prêts consentis aux personnes physiques agissant pour leurs besoins
professionnels ne relèvent plus de la législation sur les taux
usuraires ». Toutes les entreprises sont concernées, quelle
que soit la structure individuelle ou sociétaire adoptée. Suite
à des réformes successives, les établissements de
crédit sont prêts à accorder des financements à des
chômeurs créateurs d'entreprises à la condition de pouvoir
fixer un taux qui correspond au risque élevé. Ce nouvel
assouplissement est énoncé comme étant un outil qui
favorise la création d'entreprise et le développement du
micro-crédit175. C'est grâce à cette loi que
l'on peut expliquer facilement l'influence décisive du
micro-crédit sur le changement du droit
174 . Cécile JOLY, entretien avec Maria NOWAK « Le
micro-crédit : un gisement d'activité encore peu exploité
», Rev. Banque Magazine, Décembre 2004, n° 664, p.
13-15.
175 . Exposé des motifs de la loi du 2 août 2005
en faveur des petites et moyennes entreprises ; Dominique LEGEAIS, Usure (loi
du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises),
RTD.com,
Octobre/Décembre 2005, p. 815.
positif. En effet, au cours des débats parlementaires
sur l'adoption de ce texte, un député a critiqué que cette
mesure consistant à la suppression de la législation sur l'usure
aux prêts consentis pour leur seule activité professionnelle, aux
entrepreneurs individuels, peut être dangereuse en terme de
surendettement. En plus, l'augmentation des coûts - les charges de la
dette - pèsera aussi sur le bilan de l'entreprise et accroîtra les
risques de faillites des nouvelles entreprises. Lorsque l'on sait que la
majorité d'entre elles ne réussissent pas à passer le cap
des trois ans, on peut légitimement douter de l'efficacité d'une
telle mesure. Toutes ces critiques ne persistaient pas longtemps grâce
à l'argument du Monsieur Renaud Dutreil qui a expliqué que «
aujourd'hui nous vous proposons de franchir un pas de plus dans cette
simplification, à la demande des associations très
engagées dans le financement de l'économie sociale notamment
l'ADIE.... C'est une mesure typiquement du microcrédit. Nous
souhaitons développer ce type de financement pour des créateurs
à l'heure actuelle exclus du système bancaire176
». Le micro-crédit, qui s'incorpore dans les
dispositions applicables au crédit en général, exerce une
influence très forte sur le cadre juridique du crédit surtout en
matière de taux d'intérêt.
101. - En résumé, la
suppression du taux d'usure pour les sociétés élargies aux
entrepreneurs individuels facilite, d'une part, l'accès aux
crédits des jeunes, des chômeurs créateurs d'entreprise, et
d'autre part, le développement du micro-crédit professionnel. En
plus, elle évitera à certains entrepreneurs d'avoir recours aux
crédits à la consommation, lesquels sont plus
onéreux177, pour financer leurs besoins professionnels.
Ainsi, l'interdiction de l'usure qui est un principe longtemps incontournable
en droit bancaire est devenu une règle résiduelle. L'objectif de
la protection de l'emprunteur est passé au second plan. L'idée de
faciliter le crédit à des jeunes entreprises est
privilégiée à l'époque contemporaine. Le
législateur a pris en considération des données
économiques en admettant que l'intérêt peut être
fixé en fonction du risque pris par l'établissement de
crédit. Plus le risque est important, plus le taux doit être
élevé. Si un emprunteur dont la situation financière est
précaire veut avoir accès au crédit, il doit
également accepter d'en payer le prix élevé. En raison du
niveau élevé des taux d'intérêt, on pourrait
considérer que les opérateurs du micro-crédit sont des
« usuriers des temps modernes ». Enfin, s'il paraît
acceptable de libérer le taux d'intérêt pour le
micro-crédit accordé à des porteurs de projet
économique, qu'en est-il pour le micro-crédit social ?
176 . Séance du lundi 13 juin 2005.
177 . Bernad BOULOC, préc., p. 388.
B. Le cas du micro-crédit social
102. - Les arguments en faveurs du maintien du
taux d'usure pour le micro-crédit social. Si le
bien-fondé du principe même de prohibition de l'usure a souvent
été remise en cause s'agissant des entreprises dans la mesure
où celles-ci auraient moins besoin d'être protégées
que d'avoir accès à des financements adaptés à leur
situation, il est rarement contesté lorsqu'il concerne les particuliers.
En se fondant sur les mêmes arguments notamment le risque
élevé, le coût de l'opération et la
viabilité, la naissance du microcrédit social nous conduit
à se demander s'il faudrait supprimer l'usure pour ce dernier type de
financement. En effet, les mêmes constats résultant de la
réglementation de l'usure peuvent être retrouvés ici.
Toutefois, plusieurs raisons permettent de maintenir la législation de
l'usure pour le micro-crédit social, étant qualifié de
micro-crédit à la consommation.
102-1. - La première raison est
relative à la volonté même du législateur qui veut
encourager la distribution du micro-crédit social à un taux
d'intérêt bas afin de permettre à des personnes en
situation de difficulté de réaliser leur projet d'insertion
sociale, professionnelle, de cohésion familiale. Leur situation
financière est très modeste, mais il leur serait possible
d'emprunter à des conditions de prêt qui seront adaptées
à la spécificité de leur situation. Une hausse des seuils
actuellement fixés autoriserait sans aucun doute une distribution plus
large du crédit et permettrait de toucher des foyers d'une
solvabilité moindre que celle entrant aujourd'hui dans la cible des
établissements de crédit. Cette mesure serait alors conforme
à la politique incitative du législateur. Toutefois, les taux
élevés qui devraient être appliqués
représenteraient une charges supplémentaire pour les populations
dont les ressources financières sont déjà très
modestes. De même, un crédit trop onéreux serait ressenti
comme inacceptable par l'opinion publique comme par ces emprunteurs
eux-mêmes. Ils augmentent les dettes, ce qui risque de déboucher
sur le surendettement. Sachant que la première critique qui est
adressée au micro-crédit social est le problème du
surendettement. Le gouvernement doit donc faire en sorte que le
microcrédit social ne soit pas une cause de surendettement. C'est la
raison pour laquelle le taux d'intérêt doit être bas. Le
C0SEF a fixé le taux à 8%. Ainsi, il n'en demeure pas moins que
l'usure constitue un instrument privilégié de lutte contre le
surendettement. C'est là le principal argument invoqué pour
justifier sa prohibition. L'Etat préfère prévenir les
situations de surendettement, en fixant un taux d'usure qui
permet d'éliminer du marché les emprunteurs dont la couverture du
risque excède le taux d'usure. Il s'agit d'un moyen d'exclure les
individus dont le risque de surendettement est élevé. Ainsi, afin
de lutter efficacement contre le surendettement et de protéger les plus
faibles, la réglementation d'usure doit être maintenue.
102-2. - La deuxième raison
tient au fait que la création de FCS qui garantit jusqu'à 50% du
prêt accordé, diminue le risque de crédit. Plus le risque
est élevé, plus le taux doit être élevé. Or,
le risque du crédit accordé aux bénéficiaires du
micro-crédit social est partiellement couvert par le Fonds de garantie.
Il n'y a donc pas de raison d'imposer un taux d'intérêt
élevé.
102-3. - La troisième raison
tient à l'accompagnement obligatoire. Le coût de
l'opération est élevé par rapport au montant des
prêts qui sont accordés. Le taux d'intérêt doit
permettre de couvrir ce coût d'opération. Toutefois, cet argument
peut être facilement tenu en échec puisque l'accompagnement de
l'emprunteur diminue forcément le coût de l'opération
restant à la charge des banques. L'évaluation du projet et le
suivi de l'emprunteur après l'octroi du crédit sont pris en
charge par l'organisme d'accompagnement, les banques qui acceptent d'accorder
directement le prêt ne font que décaisser le prêt.
103. - Conclusion. A la
différence du micro-crédit professionnel, la destination du
microcrédit social n'est pas de créer ou développer une
entreprise. Il ne crée donc pas de revenus qui permet au
bénéficiaire de payer le taux élevé de
micro-crédit. En outre, il ne s'agit plus de question de la
pérennité financière ou institutionnelle de l'organisme du
micro-crédit puisqu'il est accordé directement par
l'établissement de crédit. Ainsi, la protection des
bénéficiaires du micro-crédit social, qui sont des
consommateurs, doit être touj ours au premier plan, même si
l'interdiction de l'usure est levée pour les crédits
accordés aux entreprises. Cette mesure de suppression du taux d'usure
s'inscrit dans une politique qui se préoccupe plutôt de la
création d'entreprise, des emplois que de la protection des emprunteurs
qui ne sont pas des consommateurs, car la création et la
pérennité des entreprises concourent à la croissance de
l'emploi et au dynamisme de l'économie. Renforcer le potentiel de
croissance de l'économie française afin d'augmenter le taux
d'emploi et ainsi réduire le chômage implique de
trouver la possibilité de financement qui est indispensable à la
création et au développement de l'entreprise. Elle permet
également de faciliter le développement du micro-crédit
professionnel. Le gouvernement a pris conscience des demandes des organismes de
financement de l'économie sociale. Cela traduit une volonté
d'accorder implicitement une place importante au micro-crédit dans le
droit positif, bien que la terminologie du micro-crédit ne soit pas
reconnue juridiquement. Cette tendance en droit français est moins
évidente que celle en droit cambodgien, s'agissant de la
réglementation des opérateurs du micro-crédit, cela
étant dit, puisque le micro-crédit ou plus largement la
micro-finance constitue dans l'esprit du législateur français une
activité subsidiaire des banques qui devront à terme s'impliquer
activement dans ce nouveau créneau.
Chapitre II : La réglementation des
opérateurs du micro-crédit
104. - La nécessité de la
réglementation des opérateurs du
micro-crédit178.
L'opération du micro-crédit avait été
initialement transposée au Cambodge dans les années 90 par les
ONG dans le cadre de leur programme de développement rural,
c'est-à-dire avant même l'adoption de la loi sur les institutions
bancaires et financières en 1999. Grâce à leur
succès, de nombreuses ONG qui offrent des services de
micro-crédit, et plus largement de la micro-finance, sont
présentes dans ce pays. Bien que certains puissent se demander si on n'a
pas tendance à se précipiter un peu trop dans la mise en place de
cadre réglementaire du micro-crédit179, la rapide
croissance du secteur rend de plus en plus nécessaire
l'élaboration d'une réglementation précise. L'objectif
premier de la réglementation de ces institutions est de rendre
légitime leur activité du micro-crédit. La
nécessité de la mise en place de la réglementation dans ce
secteur est également souhaitée par les grands opérateurs
en place qui veulent mobiliser les ressources commerciales, les
épargnes180 afin de pouvoir satisfaire les besoins attendus
par les populations en toute indépendance des subventions des bailleurs
de fonds. Cette volonté de mobiliser les dépôts du public
impose à l'autorité de tutelle de prendre des mesures de
supervision afin de protéger l'image du système financier du pays
et de protéger des épargnants individuels. En plus, un auteur a
pu invoquer qu'il ne faut pas sous-estimer les risques encourus par la
diversification des opérateurs de la micro-finance notamment
l'instrumentalisation de ces institutions aux fins de blanchiment d'argent ou
de financement d'activité terroriste181. Il faut donc une
réglementation précise pour les opérateurs du
micro-crédit. La question principale est de savoir comment
réglementer ces opérateurs du micro-crédit ?
105. - L'adoption d'une réglementation
spécifique pour les opérateurs du microcrédit.
Deux approches opposées de la réglementation sont
possibles182 : une approche qui
178. C. ROBERT, Regulation and supervision of microfinance: A
conceptual Framework, November 2000.
179. Anne-CLAUDE, La question de la réglementation des
IMF, BIM n° 41, 19 octobre 1999. 180. ACLEDA a voulu se transformer en
banque spécialisée afin de pouvoir mobiliser des ressources
commerciales.
181.Georges CARDON, « La micro-finance peut-elle
être un vecteur pour l'argent criminel ? », Banque,.
Novembre 2006, n° 685, p. 46-50.
182 . Dorothée PIERRET et Lyrille ROLLINDE, « Le
contexte réglementaire du micro-crédit en France », in
Exclusion et liens financiers/Rapport du Centre Walras, Economica, 2002, p.
403-407 « selon ces auteurs, la réglementation repose un clivage de
deux structures qui se distinguent. La première constitue une structure
qui vise à favoriser la médiation bancaire et donc à
impliquer davantage les banques classiques dans le
vise l'entrée dans le secteur des institutions
financières réglementées traditionnelles (les banques, les
sociétés financières, etc.) et celle
d'institutionnalisation des opérateurs du micro-crédit existants.
Dans cette dernière approche, il consiste à adopter une
réglementation spécifique les opérateurs du
micro-crédit. C'est une voie adoptée par les deux systèmes
juridiques. L'article 74 alinéa 3 de la loi bancaire cambodgienne de
1999 habilite la BNC à adopter des règles spécifiques pour
les IMF, dérogeant à la loi bancaire. De même, jusqu'en
2005, une approche d'institutionnalisation paraissait avoir été
adoptée par le législateur français. Ce constat peut
être justifié par l'adoption de l'article 1 er du
décret du 30 avril 2002 portant l'application du 5° de l'article
L.51 1-6 du Code monétaire et financier, issu de l'article 19 de la loi
NRE du 15 mai 2001. Cet article premier confie le pouvoir d'habilitation des
associations de micro-crédit à un comité placé sous
l'autorité du ministre chargé de l'économie. Par contre,
une bancarisation du micro-crédit semble désormais être une
voie choisie par le droit français. Toutefois, cette
démonstration doit être relativisée. En effet, les deux
tendances se conjuguent en France. La volonté de développer le
micro-crédit social à travers des banques et celle de maintenir
le développement du micro-crédit professionnel à travers
des dispositifs existants dans le cadre de crédit accordé par les
associations sans but lucratif, spécialement l'ADIE. En
réalité, le droit français privilégie plutôt
un partenariat entre les banques et les organismes de micro-crédit
qu'une totale bancarisation du micro-crédit. Il serait souhaitable de
mesurer la réglementation favorisant ce partenariat (Section
II). La tendance vers une réglementation spécifique
des opérateurs du micro-crédit suscite beaucoup de
difficultés qui sont liées à la spécificité
du micro-crédit. Cela veut dire qu'il y a à prendre en
considération des caractéristiques qui distinguent le
micro-crédit du crédit du secteur bancaire commercial. L'adoption
du cadre institutionnel et réglementaire des opérateurs du
micro-crédit (Section I) doit tenir compte de la
spécificité du micro-crédit. Le choix d'une
réglementation spécifique des opérateurs du
micro-crédit traduit la reconnaissance de la spécificité
du micro-crédit par les deux systèmes juridiques.
financement des micro-crédits. La seconde suppose une
reconnaissance d'un statut juridique particulier pour les structures du
micro-crédit à la lumière de la Grameen Bank »; Karin
BARLET, Microfinance et « commercialization » : de quoi parle-t-on ?,
BIM n° 74 - 13 juin 2000, p. 1 ; Laurent LHERIAU, Tome I,
précité., n° 38-41, p. 47-49 « Toutefois, selon Laurent
LHERIAU, trois approches de réglementation sont disponibles. Toutefois,
la dernière approche visant une auto-réglementation a
été écartée à l'heure actuelle ».
Section I : Le cadre institutionnel et
réglementaire des opérateurs du micro-crédit
106. - La définition des opérateurs
du micro-crédit. Le cadre institutionnel et
réglementaire des opérateurs du micro-crédit n'est pas le
même pour tous les opérateurs du micro-crédit. Cela veut
dire que tous les opérateurs du micro-crédit ne peuvent pas
être traités de la même manière. La définition
des opérateurs du micro-crédit constitue donc un préalable
indispensable. En effet, on parle couramment en pratique d'Institution de
micro-finance et non d'Institution de micro-crédit. Mais, il faut
comprendre qu'il existe deux acceptions183 de la micro-finance. Dans
les pays en voies de développement, comme le Cambodge, elle
désigne l'ensemble des services financiers. D'abord, axée
principalement sur l'offre de micro-crédit, la gamme des services
proposée par les institutions de microcrédit s'est élargie
et diversifiée vers la micro-épargne, la micro-assurance qui
couvre les risques de maladie, de décès et de catastrophes
naturelles. Il serait donc plus juste de parler d'IMF que d'IMC. En revanche,
dans les pays industriels où la bancarisation des populations est
très forte notamment en France, la micro-finance se résume
pratiquement à l'octroi du micro-crédit par les associations de
micro-crédit. Ainsi, même si l'on parle d'IMF en France, on vise
en effet seulement les associations qui offrent uniquement des produits de
micro-crédit à des personnes non-bancables bien
identifiées. Il est donc mieux de parler d'opérateur du
micro-crédit que de l'association de micro-crédit ou de
l'institution de micro-finance pour permettre de tenir compte de la
spécificité en droit français. L'IMF et l'association de
micro-crédit peuvent être également utilisés selon
le contexte dans le cadre de cette étude. Toute cela montre qu'il existe
des IMF qui ne sont pas autorisées à mobiliser les
épargnes et à offrir d'autres services financiers que le
crédit. Une réglementation prudentielle (§2)
doit être obligatoire dès lors que l'épargne est
autorisée, ce qui n'est pas un seul critère adopté par les
deux systèmes juridiques. Il est important de préciser que cette
recherche n'a pas vocation à étudier de manière
détaillée cette réglementation prudentielle. Elle vise
tout simplement à donner des raisonnements qui justifient l'adaptation
des règles prudentielles normalement applicables aux
établissements de crédit. En effet, la réglementation doit
être faite en fonction des activités exercées par les
opérateurs du micro-crédit. Il serait donc souhaitable de
privilégier la réglementation par activité, plutôt
que celle par le statut puisque les IMF peuvent prendre
183 . Laurent LHERIAU, Tome I, préc., n° 7-19, p.
19-35.
des formes diverses. Toutefois, le choix de statut juridique
(§1) est une stratégie importante du fait qu'il
permet aux opérateurs du micro-crédit de bénéficier
d'avantages divers.
§1. - Le statut juridique des opérateurs du
micro-crédit
107. - Une approche différente de la
réglementation relative au statut juridique des opérateurs du
micro-crédit dans les deux systèmes juridiques. Les
opérateurs du microcrédit ont de statuts ou des formes de
reconnaissance diverses184 : les mutuels, les coopératives,
les ONG, les associations etc. Le choix de statut juridique est encadré
par loi. Quels sont les statuts juridiques des opérateurs du
micro-crédit admis par ces deux systèmes juridiques ?
Bien qu'ils adoptent tous les deux une réglementation
spécifique, le statut juridique des opérateurs du
micro-crédit dans les deux droits n'est pas le même185.
L'un prône l'unique statut juridique d'association de la loi de 1901, et
l'autre préfère admettre une grande souplesse du choix des formes
juridiques. Ce choix de politique législative de forme juridique des
opérateurs du micro-crédit suscite deux remarques. La
première concerne une différente perception de la notion de la
micro-finance par ces deux droits, et la seconde montre la stratégie du
choix de forme juridique qui peut offrir des avantages non négligeables.
Cela nous conduit à étudier le statut juridique des
opérateurs du microcrédit en droit cambodgien (A)
différemment de celui en droit français
(B).
A. Le statut juridique des opérateurs du
micro-crédit en droit cambodgien
108. - Une distinction entre les IMF supervisées
et les IMF reconnues. En droit cambodgien, la loi articule de
manière pragmatique la réglementation bancaire et des textes
184 . Jaques ATTALI, préc., p. 154.
185 . Laurent LHERIAU, Tome I, préc., n° 43-88, p.
50-92 : Selon cet auteur, il existe quatre catégories des pays du monde
qui réglementent différemment les statuts juridiques des IMF. Ces
pays peuvent être regroupés en quatre groupes. Le premier groupe
adopte une approche mutualiste et décentralisée des
réglementations intégrées des coopératives
d'épargne et de crédit. Les pays du premier groupe se sont
concentrés sur le développement de réseaux financiers
mutualistes. Le deuxième groupe retient une approche sectorielle de
l'activité de micro-finance. Dans ce groupe, les pays conçoivent
la micro-finance comme un secteur à part entière et ont
élaboré une réglementation ayant vocation à
englober l'ensemble des IMF, mutualistes ou non. Le troisième groupe
dont fait parti le Cambodge adopte une approche mixte articulant loi bancaire
et réglementation dérogatoire. Enfin, le dernier groupe
préconise une approche de réglementation qui considère la
micro-finance comme une activité bancaire résiduelle. Ce groupe 4
limite la micro-finance à des associations de micro-crédit
spécialisées. La France adopte cette dernière approche.
spécifiques des IMF dérogatoires à la loi
bancaire. La réglementation des IMF est confiée à la BNC
qui adopte des règles sous forme de Prakas « règlement
». La BNC a pris la responsabilité de la supervision du secteur au
travers son Bureau de supervision des systèmes bancaires
décentralisées (BSSBD), créé en 1997 au sein du
département de la supervision bancaire. Le BSSBD a contribué
activement à la mise en place d'une réglementation
spécifique aux IMF. Selon les Prakas pris par la BNC, on peut trouver
une dichotomie de statuts juridiques des IMF : les IMF supervisée qui
doivent se faire agréer auprès de la BNC et les IMF reconnues qui
doivent se faire simplement enregistrer auprès de la même
autorité. Les critères de distinction sont imposés par le
Prakas de 2002 qui vient remplacer celui de 2000. L'article 1er du
Prakas de 2000 prévoyait que « La Banque Nationale du Cambodge
est habilitée à accorder l 'agrément pour exercer des
opérations de la micro-finance à des institutions de
micro-finance, ci-après dénommées établissements,
qui remplissent les conditions posées par les dispositions de ce Prakas.
Les autres ONG, associations, entités ou établissements qui ne
remplissent pas les conditions d 'octroi de l 'agrément mais qui
continuent à offrir des services de crédit individuel ou
solidaire, doivent se faire enregistrer auprès de la Banque nationale du
Cambodge». Ainsi, toutes les IMF qui ne sont pas
agréées sont des IMF reconnues à condition qu'il y ait un
enregistrement auprès de la BNC. Malgré une bonne intention de ce
Prakas qui voulait simplifier la distinction entre les deux catégories
d'IMF, les critères d'octroi d'agrément qui
caractérisaient évidemment une telle distinction n'étaient
pas posées par les autres dispositions du même Prakas, de telle
sorte que l'on ne savait pas dans quels cas les opérateurs en place
devaient se faire agréer. En revanche, les établissements qui
devaient se faire enregistrer étaient ceux qui offrent des services de
crédit. Pour combler ce vide juridique, un nouvel Prakas de 2002 a
été pris et est venu supprimer l'article 1er du Prakas
de 2000. Ce nouvel Prakas précise expressément les cas où
les IMF doivent se faire agréer et les cas où les IMF doivent se
faire tout simplement enregistrer auprès de la BNC.
109. - Le cas où les IMF doivent se faire
agréer. Les IMF dont le niveau d'activité atteint un des
seuils déterminés par le Prakas de 2002 sont obligées de
se faire agréer. Cela veut dire que les ONG, les associations ou toutes
autres entités en place doivent se transformer en IMF
agréées dès lors que l'une des conditions imposées
est respectée. L'article 8 du Prakas prévoit que « la
demande d'agrément est une obligation pour les institutions de
micro-finance qui remplissent l'une des conditions suivantes :
1. Pour les institutions offrant des crédits
- Le portefeuille de crédit s'élève
à un montant au moins égal à 1 000 millions riels - Ou le
nombre des emprunteurs s'élève au moins à 1 000
personnes
2. Pour les institutions collectant des épargnes
- Le montant d'épargne volontaire du public
s'élève au moins à 100 millions riels - Ou le nombre des
déposants s'élève au moins à 1 000 personnes
Deux remarques peuvent être tirées de cette
disposition.
109-1. - D'abord, le droit cambodgien
subdivise les IMF supervisées en deux sous catégories distinctes
: les IMF offrant des crédits et les IMF mobilisant des épargnes.
Cette subdivision est conforme à la disposition de l'article 2 du Prakas
de 2000 prévoit que « les IMF agréées doivent exercer
les opérations de banque prévues par l'article 2 de la loi sur
les institutions bancaires et financières. Les services de crédit
et d'épargne sont autorisés s'ils ne sont pas interdits par ce
Prakas ou dans l'agrément ». Toutes les opérations de
banques peuvent être exercées par les IMF agréées.
La micro-finance est ainsi considérée dans son acception large
comme les activités de banques classiques. Toutefois, il existe une
double limite à l'exercice de leur activité. La première
limite concerne les services de crédit et d'épargnes. L'article 2
alinéa 1 prévoit que les services de crédit ou
d'épargne peuvent être autorisés s'ils ne sont pas
interdits par les dispositions de ce Prakas ou dans l'acte d'agrément.
Cette disposition paraît assez générale. Or, l'interdiction
de mobiliser les épargnes ne doit concerner que les IMF offrant les
crédits. En plus, l'interdiction aux IMF recueillant des épargnes
de faire du crédit est irréaliste puisque leur activité
principale est l'octroi des micro-crédits. En effet, il vaut mieux dire
que les IMF agréées en raison du volume de crédit peuvent
être autorisées à faire des épargnes. En effet, la
subdivision entre les IMF offrant des crédits et celles collectant des
épargnes est en elle-même irréaliste. S'il existe
évidemment des IMF qui n'offrent que des services de micro-crédit
(les ONG, les associations etc.), il est difficile d'imaginer l'existence des
IMF qui n'offrent que des services d'épargne sans activité de
crédit. Théoriquement, les IMF recueillent les épargnes et
les dépôts du public en vue d'assurer leur financement, de les
transformer en prêts. Si elles ne mobilisent pas cet argent, comment
peuvent-elles gérer de façon suffisamment rentables pour
rémunérer ces épargnes et dépôts ? Il serait
donc souhaitable de supprimer la subdivision entre les IMF offrant des
crédits et les IMF collectant des épargnes, mais de
distinguer les IMF offrant uniquement des crédits des
IMF qui offrent la totalité des services de la micro-finance dans son
acception large. Une autre limite concerne notamment l'interdiction des
opérations sur instrument financier, le négoce au comptant ou
à terme des pierres et des métaux précieux, des
matières premières ou marchandises.
109-2. - Ensuite, la BNC a retenu trois
critères : le volume du crédit, le volume des épargnes et
le nombre des déposants. Ce dernier critère est tout à
fait convenable du fait que l'un des objectifs de la réglementation
prudentielle des IMF agréées est de protéger les
déposants186. La lecture des dispositions de l'article 8 du
Prakas de 2002 nous donne l'impression que le droit cambodgien se veut
pragmatique. L'explication approfondie de ce pragmatisme sera
ultérieurement abordée à propos de l'étude sur le
champ d'application de la réglementation prudentielle. Il est simplement
nécessaire de remarquer ici que la loi n'impose l'agrément
qu'à des IMF de taille importante. Les petites IMF qui mobilisent les
épargnes ou les dépôts du public ne sont pas
obligées à demander l'agrément et donc à se
soumettre à des règles prudentielles résultant de
l'agrément. Elles peuvent continuer à exercer leur
activité à condition que le volume de l'activité ne doive
pas dépasser l'un des seuils fixés et qu'elles se fassent
enregistrer. Au regard de ces seuils, on se demande si une IMF
agréée peut être créée à partir de
rien. La loi oblige les ONG, associations ou autres entités à se
transformer si l'un des trois seuils est franchi. Cela veut dire que
l'agrément est facultatif dans les autres cas. Or, lorsqu'elles
décident de se faire agréer, elles doivent respecter les
règles imposées pour les IMF agréées notamment le
capital minimum, la forme juridique et les autres règles prudentielles.
Rien n'empêche donc qu'une IMF nouvelle puisse demander
l'agrément. En effet, cette possibilité est indirectement
prévue par l'article 5 alinéa 10 du Prakas de 2000 qui
prévoit que « si une personne morale qui demande l
'agrément est une entité déjà
créée, elle doit fournir des informations sur leur
activité ainsi que le bilan d'activité des trois dernières
années certifié par le commissaire aux comptes ».
Ainsi, une nouvelle IMF agréée peut être
effectivement créée à partir de rien, et les petites IMF
existantes peuvent continuer à exercer leur activité à
condition qu'il y ait l'enregistrement. Cette possibilité est
prévue expressément par l'article 9 du même Prakas. Les
établissements qui n'ont pas demandé l'agrément doivent
réduire le volume de leur activité à la limite
exigée pour l'obligation d'enregistrement prévue par l'article 3
du
186 . V. infra, n° 117-120.
même Prakas.
110. - Les cas où les IMF doivent se faire
enregistrer. L'article 3 du Prakas de 2002 prévoit que
« l'enregistrement est une obligation pour les opérateurs de la
micro-fiance qui sont les ONG, les associations et toutes entités,
exerçant des opérations de la micro-finance et qui remplissent
l'une des conditions suivantes :
1. Pour les établissements offrant des crédits
- le portefeuille de crédit atteint un montant d'au moins
de 100 millions riels
2. Pour les établissements mobilisant des
épargnes
- l'épargne volontaire du public atteint un montant d'au
moins de 1 million riels - ou 100 déposants ou plus »
La même remarque concernant la subdivision des IMF
agréées est retrouvée pour les IMF enregistrées, ce
qui ne mérite donc pas plus de développement. La suggestion
énoncée précédemment demeure valable pour cette
catégorie d'IMF qui sont simplement reconnues au moyen de leur
enregistrement auprès de la BNC. Le problème important est
relatif à l'évolution des dispositions du Prakas de la BNC.
L'article 1er du Prakas de 2000 prévoyait que les ONG, les
associations et les autres entités qui ne remplissent pas les conditions
pour demander l'agrément doivent se faire enregistrer. Aucun seuil
n'était pas fixé pour obliger ces institutions à demander
leur enregistrement. Cependant, des seuils minimums sont fixés par le
Prakas de 2002. Vu que l'enregistrement constitue une condition de
reconnaissance de ces opérateurs, on peut donc se demander si les
opérateurs dont le volume d'activité ne dépassent pas l'un
des seuils fixés par ce Prakas pour la demande d'enregistrement peuvent
continuer à exercer légalement leur activité.
La lecture du seul article 3 et l'évolution des
dispositions des deux Prakas permettraient de donner une réponse
affirmative. L'enregistrement est une obligation dès lors l'un des
seuils fixé est dépassé. Cela veut dire que
l'enregistrement est facultatif pour les autres opérateurs dont le
volume d'activité reste en dessous de l'un de ces seuils. C'est une
interprétation donnée par la BNC187. Les très
petites IMF peuvent exercer librement leur activité en dehors de la
réglementation et supervision de l'autorité de tutelle. Cette
tendance résulte de la constatation de coût élevé
des mesures de réglementation et supervision. Toutefois, il faut
comprendre que l'objectif premier de la mise en place de la
187 . National Bank of Cambodia, «Micro finance of
Cambodia», 2006, p. 14.
réglementation des IMF en droit cambodgien est de
rendre légitime les activités des opérateurs du
micro-crédit. Il ne serait donc plus possible de laisser les IMF qui ne
se sont pas enregistrées de continuer d'exercer leur activité
hors du cadre légal. En plus, la lecture combinée des deux
dispositions des articles 5 et 6 du même Prakas nous amène
à affirmer que ces opérateurs doivent cesser leur
activité. L'article 5 prévoit que « la Banque Nationale
du Cambodge donne un certificat d'enregistrement à un opérateur
de la micro-finance qui remplit le standard et les critères en se
munissant des documents et informations exigés. Ce certificat peut
être retiré, et l 'enregistrement est supprimé si l
'opérateur ne respecte pas les conditions imposées par la Banque
National du Cambodge». Prolongeant cette disposition,
l'article 6 prévoit que « l'opérateur de la
micro-finance dont l 'enregistrement est refusé ou supprimé par
la BNC doit cesser ses activités pendant un délai de trois mois
à compter de la notification de la décision de la Banque
Nationale du Cambodge ». Ainsi, si les opérateurs dont
l'enregistrement est refusé ou supprimé doivent mettre fin
à leur activité, il n'est pas logique de laisser les
opérateurs qui ne remplissent pas l'un des seuils imposés pour
une obligation d'enregistrement de continuer leur activité en dehors du
cadre légal. Vu le nombre déjà important des
opérateurs enregistrés, cette évolution illustre la
volonté de la BNC de réduire des coûts liés à
l'exercice de contrôle non prudentiel des très petites IMF et donc
de restreindre la création de nouvelles IMF. La BNC, sous l'influence
des bailleurs de fonds, veut renforcer le contrôle des opérateurs
de la micro-finance et pousser les IMF existantes à s'efforcer
d'améliorer la qualité de leur service.
111. - Les formes légales prévues pour
les IMF agréées. Il faut enfin rappeler que les IMF
agréées doivent exercer les opérations de banque
prévues par l'article 2 de la loi bancaire de 1999. Elles sont donc
considérées comme une catégorie de banques qui
bénéficient d'un régime dérogatoire à la loi
bancaire. Cette articulation entre la réglementation bancaire et les
textes spécifiques permet de comprendre le choix des formes juridiques
admises pour les IMF agréées. Elles doivent prendre l'une des
deux formes juridiques : la coopérative ou la société par
action. Bien qu'il existe des IMF qui prennent la forme d'une
société par action188, la forme coopérative est
la plus répandue. Le droit cambodgien laisse donc une place ouverte au
choix des formes juridiques. Toutefois, cette possibilité semble
être strictement restreinte par le droit français qui
privilégie le statut
188 . EMT est une société à
responsabilité limitée. Elle est devenue AMRET.
d'une association de la loi de 1901. Ce choix politique
législatif traduit une vision restrictive qu'a le droit français
de la notion de micro-finance. Cela peut être illustrée au travers
de l'étude du statut juridique des opérateurs du
micro-crédit en droit français.
B. Le statut juridique des opérateurs du
micro-crédit en droit français
112. - Le statut spécifique des
opérateurs du micro-crédit par rapport à la loi bancaire.
L'impulsion du micro-crédit en droit français se traduit
par l'adoption de l'article 19 de la loi du 15 mai 2001 modifiant l'article
L.51 1-6 du Code monétaire et financier. Une interrogation sur le statut
juridique des opérateurs du micro-crédit s'est faite jour
à la suite de l'adoption de cet article189. En effet, avant
cette loi, on avait le sentiment que le micro-crédit s'intégrait
dans la réglementation bancaire au travers de l'article L.5 11- 1 du
même Code qui prévoit que l'interdiction ne s'applique pas aux
« organismes sans but lucratif qui, dans le cadre de leur mission et
pour des motifs d'ordre social, accordent, sur leur ressources propres, des
prêts à conditions préférentielles à certains
de leurs ressortissants ». Le micro-crédit constitue bien une
action sociale de lutte contre le chômage et l'exclusion
financière. Toutefois, la notion de motif social du crédit semble
restrictive par rapport à la notion du micro-crédit à des
fins productives. En plus, la possibilité de prêter uniquement sur
les ressources propres restreint fortement le développement du
micro-crédit. C'est la raison pour laquelle le législateur
français préfère, selon l'article 19 de la loi du 15 mai
2001, accorder un statut spécifique à l'association de
micro-crédit. Ce choix d'un statut spécifique se traduit par la
mise en place d'une forme d'habilitation spéciale qui sera
développée ultérieurement. Il peut entraîner une
difficulté d'intégration des institutions financières
existantes dans le domaine du micro-crédit. Pour éviter cette
situation, un autre article 7 de la même loi modifiant l'article 15 de la
loi bancaire du 24 janvier 1984 a été adopté. Selon cette
disposition « pour fixer les conditions de son agrément, le
comité des établissements de crédit et des entreprises
d'investissement peut prendre en compte la spécificité de
certains établissements de crédit appartenant au secteur de l
'économie sociale et solidaire. Il apprécie notamment l
'intérêt de leur action au regard des missions
d'intérêt général relevant de lutte contre les
exclusions ou de la reconnaissance effective d'un droit au crédit
». On peut plaider que le micro-crédit, en tant
189 . Jean-Michel SERVET, « La microfinance et la lutte
contre l'exclusion financière en France », in Le rapport moral sur
l'argent dans le monde, éd. Association d'économie
financière, 2001, p. 5-12.
qu'outil privilégié de lutte contre le
chômage, l'exclusion financière, remplit une mission
d'intérêt général qui entre bien dans le champ
d'activité de cet article. Un auteur évoque que
l'opération de micro-crédit n'est pas seulement une
opération de nature financière, c'est aussi une action sociale
dont l'objectif est la réinsertion de l'emprunteur dans le circuit
économique normal190. Bien que d'autres alternatives soient
possibles, on observe que la majorité des actions du crédit
social se fait dans le cadre d'exception au monopole bancaire. Plusieurs
facteurs favorisent le choix de la forme associative par les opérateurs
du micro-crédit191.
113. - Le choix de statut d'association de la loi de
1901. Le choix du statut d'association traduit deux volontés du
législateur français : la manière du législateur de
percevoir la notion du concept de micro-finance et les raisons du choix de
statut d'association par les opérateurs du micro-crédit.
D'abord, il s'agit de la volonté du législateur
de limiter la micro-finance à des associations de micro-crédit
spécialisées. La micro-finance se résume pratiquement au
micro-crédit pour les montants, les activités que la banque
classique ne veut pas ou ne peut pas assurer. Ces associations ne peuvent
jamais collecter d'épargne du public et ne peuvent consentir que
certains crédits à certaines catégories
socioprofessionnelles restrictivement définies (art. L.51 1-6 al. 5 C.
monét. fin). Les autres services, composant la notion large de la
micro-finance, ne peuvent qu'être offerts par les banques classiques.
Cela n'est pas étonnant du fait qu'il existe un droit aux comptes et aux
services bancaires de base. L'adoption de l'article 19 de la loi du 15 mai 2001
traduit également la volonté du législateur de favoriser
l'action de l'association en place, spécialement l'ADIE. Ainsi, l'offre
du micro-crédit ne remplace pas un service bancaire mais prépare
les bénéficiaires potentiels au financement bancaire.
Ensuite, le législateur français reconnaît
la vocation sociale du micro-crédit. Il en fait d'une action sociale de
lutte contre le chômage et l'exclusion financière. Ainsi, le choix
du statut d'association permet aux opérateurs du micro-crédit de
bénéficier des divers avantages qui en résultent. Sachant
qu'en France les opérateurs du micro-crédit ne peuvent pas
fonctionner en toute indépendance sans aides publiques. Le coût
190. Maurie BENHUSILO, « Comment créer un cadre
institutionnel et réglementaire favorable au développement du
microcrédit ? », Colloque, microcrédit, microentreprise,
éd. Bercy, Paris 2001, p. 8 5-89. 191 . Cyrill FERRATON, « Les
opérations de finance solidaire et la loi du 1er juillet 1901
au contrat d'association », in Exclusion et liens financiers/Rapport du
Centre Walras 2001 sous la direction de J-M SERVET, Economica, 2001, p. 299-3
08.
d'accompagnement rend l'autonomie financière
difficilement envisageable, sinon impossible. Le statut d'association leur
permet donc de bénéficier légitimement192 des
subventions publiques de manière permanente afin de pouvoir lutter
efficacement contre la paupérisation de certaines classes sociales. En
outre, le caractère non lucratif de l'association permet de ne pas
concurrencer le secteur bancaire193. En plus, les associations
peuvent bénéficier d'un statut fiscal favorable. Si on fait une
comparaison avec le statut fiscal des sociétés de capitaux, il
semble qu'il n'existe pas de disposition fiscale spécifique aux
opérateurs constituées sous forme de sociétés de
capitaux qui sont en principe soumises au droit commun. En revanche, la
fiscalité des associations du micro-crédit peut être
considéré comme faible dans la mesure où ces
opérateurs du micro-crédit ne sont pas soumises à la TVA
(art. 261 C 1° a du CGI), ni à l'impôt sur les
bénéfices si elles ne réalisent pas d'activités
lucratives sur un secteur concurrentiel. Pour pouvoir exercer ses
activités et bénéficier de ces avantages, l'association de
micro-crédit doit être légitimement habilitée.
114. - L'habilitation de l'association de
micro-crédit. L'habilitation de l'association est
confiée à un comité placé sous l'autorité du
ministre de l'économie. La composition de ce comité est
déterminée par l'article 1 er du décret et son
arrêté d'application du 3 juillet 2002 portant nomination au
comité d'habilitation des associations sans but lucratif
mentionnées au cinquième alinéa de l'article L. 511-6 du
Code monétaire et financier194. L'habilitation sera admise
à condition que l'association remplisse les conditions imposées
par l'article 4 du décret. Ces conditions sont les suivantes :
- Une ancienneté d'au moins trois ans dans
l'activité d'accompagnement de projets financés par des
prêts d'honneur consentis par elles ou par des crédits bancaire
;
- Le traitement, à ce titre, d'un nombre minimum de
dossiers par an, fixé par arrêté du ministre chargé
de l'économie. Il est fixé à 50 par l'article premier de
l'arrêté pris en application du décret n° 2002-652 du
3 juillet 2002 relatif à l'habilitation des associations sans but
lucratif mentionnées au cinquième alinéa de l'article L.
511-6 du Code monétaire et financier195.
192 . Isabelle GUERIN, Bernd BALKENHOL, « Microfinance :
quelle intervention publique », in Le rapport moral morale sur l'argent
dans le monde, éd. Association d'économie financière,
2002, p. 397.
193 . Pour le détail ce gens de médiation et les
conséquences indésirables de concurrence entre les banques et les
opérateurs du micro-crédit. V. infra, n° 1
30-131.
194 . J.O numéro 161 du 12 juillet 2002 (NOR :
ECOT02142541).
195 . J.O numéro 161 du 12 juillet 2002 (NOR :
ECOT0214255A).
- La compétence requise appréciée par le
comité au vu, notamment, des réalisations passées, des
résultats de l'activité d'accompagnement, du taux de
remboursement des crédits et de l'aptitude à contrôler les
risques et la gestion ;
- L'adhésion à la charte de qualité du
Conseil national de la création d'entreprise et l'engagement d'adopter
les indicateurs de performance définis par le comité ;
- La signature d'une convention de garantie appropriée
des emprunts contractés par l'association. Les dirigeants de
l'association doivent posséder l'honorabilité, la
compétence et l'expérience nécessaires à l'exercice
de leurs fonctions.
Toutes ces conditions permettent de vérifier la
capacité de l'association à intervenir dans ce domaine. La
procédure de la demande d'habilitation est prévue à
l'article 3 du décret de 2002. Elle doit être faite auprès
du secrétariat du comité. La demande donne lieu à la
délivrance d'un récépissé dès la
réception de l'ensemble des documents nécessaires à
l'instruction de la demande. Le comité doit décider dans un
délai maximal de quatre mois suivant la date de délivrance du
récépissé. Le silence pendant ce délai vaut
l'acceptation. L'habilitation est valable pour trois ans196. Elle
peut être retirée pendant ce délai ou renouvelée
à son expiration.
115. - Quelle que soit la forme
juridique des opérateurs du micro-crédit, l'essentiel est que les
deux systèmes juridiques privilégient une réglementation
spécifique de ces opérateurs. Le coeur du problème est de
savoir quel est le contenu d'une telle réglementation. L'accent est mis
plutôt sur la réglementation de nature prudentielle que sur celle
non prudentielle.
§ 2. - La réglementation prudentielle des
opérateurs du micro-crédit
116. - Distinction entre la réglementation
prudentielle et non prudentielle. Il est évident que certains
grands opérateurs réalisent en général plus 75% de
l'activité du microcrédit du pays197. Toutefois, une
multitude de petites structures existe. Il serait donc impossible de
réaliser une supervision classique de ces multiples petites IMF. C'est
la raison pour laquelle la réglementation et supervision non
prudentielle, par opposition à celle prudentielle, a été
créée. La dichotomie entre les IMF agréées et les
IMF enregistrées
196 . Comme en droit cambodgien : l'article 9 du Prakas de
2000 prévoit que l'agrément est accordé pour un
délai de 3 ans.
197 . Certaines grandes IMF seulement ont des branches
d'activité dans la quasi-totalité du territoire du Cambodge.
Elles sont notamment l'EMT (crédit rural), l'ACLEDA (bien qu'elle soit
devenue une banque spécialisée, le micro-crédit demeure
une de ses principales activités).
en droit cambodgien illustre bien la volonté de la BNC
de se conformer à la doctrine internationale visant à distinguer
ces deux types de réglementation. La question qui demeure principale est
de savoir pourquoi les IMF doivent être soumises à une telle
mesure de réglementation et supervision prudentielle. Ensuite, quel
devrait être le contenu de cette réglementation prudentielle ?
Ainsi, il est envisageable d'aborder, en premier lieu, la question de la
détermination du champ d'application de la réglementation
prudentielle (A), avant de traiter, en second lieu, du contenu
des règles prudentielles qui doit être adapté à la
spécificité du micro-crédit
(B).
A. Le champ d'application de la réglementation
prudentielle des opérateurs du micro-crédit
117. - Les objectifs de la réglementation prudentielle.
Pour pouvoir dire quels sont les opérateurs du micro-crédit qui
doivent être soumis à une réglementation prudentielle, il
est nécessaire de rappeler brièvement ses objectifs.
Théoriquement, les règles prudentielles ont été
imposées aux établissements de crédit en vue d'assurer la
stabilité du système financier du pays ainsi que d'assurer la
protection des épargnants198. Elles imposent à l'autorité
monétaire de garantir la bonne santé financière des
établissements contrôlés puisque leur faillite peut
provoquer une mauvaise image de l'ensemble du système financier et, par
conséquent, un mouvement de retrait de masse. De cette constatation on
peut se demander pour quels objectifs la réglementation prudentielle des
opérateurs du micro-crédit se révèle importante.
S'il n'est pas étonnant que les mêmes objectifs
de réglementation prudentielle des établissements de
crédit puissent être spontanément abordables, il faut
reconnaître qu'en raison du volume moins important des portefeuilles des
opérateurs du micro-crédit, il ne représente pas une part
suffisamment large des actifs financiers d'un pays pour mettre en péril
le système financier dans son ensemble. Le plus souvent, l'argument
principalement évoqué est la protection des épargnants. Il
serait donc aisé de dire que la réglementation et supervision
prudentielle est nécessaire dès lors que les opérateurs en
place sont autorisés à mobiliser les épargnes. Cela veut
dire qu'il ne faut pas imposer des règles prudentielles à des
opérateurs qui ne peuvent qu'offrir des produits de micro-crédit.
Toutefois, cette pure
198 . Thierry BONNEAU, Droit bancaire, Montchrestien,
éd. 6e, n° 35, p. 30-31 ; C. GAVALDA et J.
STOUFFLET, Droit bancaire, Litec, éd. 6e,
n° 128-134, p. 85-89 ; Stéphane PIEDEKIEVRE, Droit
bancaire, Puf, éd. 1e, 2003, n° 100-105,
p. 90-95.
théorie ne correspond pas à la
réalité pratique et n'est pas une voie adoptée ni par le
droit français, ni par le droit cambodgien. La réalité est
qu'il existe peu de grands opérateurs qui sont prêtes à se
voir imposer des mesures prudentielles. L'article 8 du Prakas de 2002 impose
aux IMF existantes de se faire agréer dès lors que l'un des
seuils fixés est dépassé. Il opère une pragmatique
distinction entre les grandes et les petites IMF. Toutefois, le droit
français préfère imposer des règles prudentielles
aux associations de micro-crédit bien qu'elles ne soient pas
autorisées à mobiliser les épargnes et sans aucune
distinction au niveau de la taille. L'interaction des deux systèmes
conduit à distinguer deux situations.
1. Le cas des opérateurs du micro-crédit
opérant à la fois les activités de crédit et
d'épargne.
118. - Le pragmatisme du droit cambodgien.
Sur ce point, le droit cambodgien (Prakas de 2002) se veut très
pragmatique. En pratique, une multitude de petites IMF existent et ne sont pas
en mesure de se conformer à de telles mesures prudentielles en raison du
coût important qui y est inhérent199. En plus,
l'autorité de contrôle n'a pas de moyens humains et financiers
suffisants pour contrôler ces petites IMF qui sont normalement
très dispersées et se situent dans des zones isolées. La
réglementation conçue avec le plus grand soin n'aurait pas
vraiment d'utilité si l'on ne dispose pas de moyens effectifs pour la
faire respecter. Ainsi, vu le coût de la réglementation et
supervision prudentielle, la capacité limitée de
l'autorité de tutelle, et la multitude de ces petites IMF, la question
qui se pose est de savoir s'il faut réglementer ces petites IMF qui
mobilisent les épargnes. Une minorité de doctrine pense qu'il
faut imposer des normes prudentielles dès lors qu'il existe des risques
et des épargnants volontaires à protéger. Toutefois, cette
doctrine ne prend pas en compte la réalité pratique. En pratique,
il est difficile, pour ne pas dire impossible, de réaliser une
supervision prudentielle de cette multitude de petites IMF pour deux raisons.
D'une part, une telle supervision demande un travail excessif à
l'autorité de supervision. D'autre part, elle se heurterait probablement
à l'incapacité de ces IMF à y répondre de
façon satisfaisante. Ainsi, deux solutions alternatives sont possibles.
Ou bien, on oblige ces
199. Le contrôle des IMF est plus coûteux que le
contrôle des banques puisque ces institutions ont une base d'actifs
généralement plus limitée mais répartie entre un
nombre de comptes bien plus élevé et qu'elles sont
extrêmement décentralisées. En plus, il ne s'agit pas
seulement des coûts de l'autorité de supervision. Il est
également pour l'institution contrôlée. A titre d'exemple,
on peut citer l'expérience d'une IMF en Bolivie. Un responsable de
Bancosol, en Bolivie, estime que dans les premières années de
mise en conformité de l'institution vis-à-vis de la loi, ce
coût s'est élevé à 5% de l'encours de crédit.
Ce coût est descendu à 1% après plusieurs années.
IMF à fermer leur porte. Ou bien, on les autorise
à continuer leur activité sans subir les contraintes des
règles prudentielles. L'importance est de se demander quelles seraient
les conséquences néfastes de leur fermeture pour les
pauvres-épargnants ? En réalité, il faut reconnaître
que les pauvres peuvent épargner, et ils les font concrètement.
Toutefois, en l'absence de compte formel, ils recourent à des
épargnes traditionnelles notamment les épargnes à domicile
ou investies dans les matériels de construction ou à des
épargnes informelles telles que la tontine qui est très pratique
au Cambodge. Ces formes d'épargnes n'offrent pas de
sécurité et présentent des risques plus
élevés. La fermeture de ces IMF peut donc ne pas améliorer
la sécurité des déposant. Ainsi, si l'argument
général invoqué pour justifier la nécessité
de réglementation prudentielle est de protéger les
épargnants, il faut laisser ces petites IMF servir les pauvres
puisqu'elles protégent mieux leur épargne. Dès lors qu'un
certain seuil n'est pas franchi, une réglementation prudentielle ne doit
pas être imposée. Il suffit simplement de les assujettir à
la réglementation non prudentielle. La difficulté tient à
la détermination de ce seuil qui caractérise en effet la
distinction entre les grandes et les petites IMF. Plusieurs critères
peuvent être adoptés. Il peut s'agir notamment de critère
qui est lié au nombre des épargnants ou celui de volume du
montant des épargnes ou de ces deux critères cumulativement. Le
droit cambodgien utilise trois critères alternatifs : le critère
du nombre des déposants ou celui du volume des épargnes et le
critère du volume des crédits.
Il est cependant critiquable de retenir le critère
relatif au volume du montant de crédit accordé comme condition
imposant l'agrément puisqu'il ne faut pas soumettre les IMF, qui
n'offrent que des services de micro-crédit, à un agrément
et donc à des règles prudentielles. Il suffit des les soumettre
à des mesures non prudentielles en leur imposant de se faire
enregistrer.
2. Le cas des opérateurs du micro-crédit
offrant uniquement les produits du micro-crédit
119. - La soumission de cette catégorie
d'opérateurs du micro-crédit à une
réglementation prudentielle par les deux systèmes
juridiques. Dans ce cas, il est plus juste de parler d'Institution de
micro-crédit (IMC). Ces IMC fonctionnent uniquement avec des capitaux
provenant de bailleurs de fonds ou rarement avec des prêts commerciaux.
Dans cette hypothèse, il n'existe pas de raison qui justifie la mise en
place des règles
prudentielles. En effet, il suffit d'assujettir ces IMC
à une supervision non prudentielle. Cette supervision non prudentielle
impose à l'autorité compétente d'observer
l'évolution de cette partie du secteur en exerçant un
contrôle minimal sur l'état financier simplifié de ces
IMC200. Elles ne doivent pas être astreintes au respect de
normes prudentielles contraignantes. Il serait donc souhaitable de leur imposer
à se faire enregistrer auprès de l'autorité
compétente et de se conformer aux dispositions légales
dictées pour la catégorie des IMF enregistrées. Tel n'est
pas le cas adopté ni en droit français, ni en droit
cambodgien201 qui retient le volume de crédit comme l'un des
seuils dont le dépassement oblige les opérateurs à se
transformer en IMF agréées. L'article 7 du décret du 30
avril 2002 portant l'application du 5° de l'article L.51 1-6 du Code
monétaire et financier soumet les associations de micro-crédit
à certaines règles prudentielles dont le contenu sera
abordé ultérieurement. On peut tout simplement s'interroger sur
l'utilité de normes prudentielles pour les associations dont
l'activité se limite à l'octroi des micro-crédits à
une certaine catégorie socioprofessionnelle restrictivement
définie pour des montants et des durées
limitées202. En effet, ce choix a pour objectif exclusivement
de préserver la solvabilité des associations203. Or,
l'insolvabilité de ces associations est difficilement imaginable du fait
qu'elles sont subventionnées, qu'elles travaillent étroitement
avec les établissements de crédit partenaires et au vu des
conditions d'habilitation. Ces conditions suffissent de vérifier la
capacité de ces associations à gérer de manière
efficace leur activité. En plus, les prêts accordés doivent
bénéficier d'une garantie apportée par un fonds de
garantie ou d'un cautionnement agréé ou par un
établissement de crédit204. Donc, la faillite de ces
associations, si elle existait une, n'entraînerait que la perte pour les
fonds de garantie, les banques donc les professionnels qui sont aptes à
gérer leurs risques. Enfin, l'attribution du contrôle de ces
associations du micro-crédit au comité placé sous
l'autorité du ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, témoigne de la vision qu'a le droit de ces associations,
à savoir des structures ne présentant aucun risque pour le
système financier et l'épargne publique. A vrai dire, il n'existe
pas d'épargnants à protéger. Ainsi, aucun argument
juridique pertinent ne peut justifier une telle politique réglementaire.
D'ailleurs, dans le contexte du Cambodge où le coût de
l'opération est compensé par le niveau élevé
200 . L'article 2 du Prakas, B 7-02-47/Prk du 25 février
2002 sur l'exigence de rapport d'information pour les opérateurs de
microfinance agréés et enregistrés.
201 . V. supra, n° 108-111.
202 . V. supra, n° 28-3 1.
203 . Laurent LHERIAU, Tome II, préc., n° 46-47, p.
59-60.
204 . L'article 6 alinéa 5 du décret n°
2002-652 du 30 avril 2002.
de taux d'intérêt, le choix d'imposer aux IMF qui
ne font que des crédits de se soumettre aux règles prudentielles
produit des conséquences plutôt négatives que positives
pour les populations. En effet, dès lors qu'elles y sont
obligées, elles doivent s'efforcer à devenir plus
professionnelles et donc à améliorer la qualité de leur
service, ce qui est une bonne chose d'un côté pour les populations
pauvres. En revanche, il conduit ces opérateurs à changer leur
population cible. Pour être suffisamment rentables afin de faire face au
coût lié à la mise en conformité avec des normes
prudentielles, ils doivent cibler un nouveau créneau de populations plus
rentables, plus urbaines, ce qui conduit à exclure à nouveau les
plus pauvres qui pourront bénéficier de micro-crédit si
les opérateurs ne sont pas obligées de se transformer.
120. - À cette
catégorie d'opérateurs du micro-crédit il faut rattacher
ceux qui exigent des épargnes obligatoires comme condition d'octroi de
crédit. En pratique, les opérateurs du micro-crédit
demandent à leur emprunteur des épargnes prélevées
a priori sur une quote-part du montant de prêt (environ de 3% à
5%). Bien que ce montant soit couramment appelé « l'épargne
obligatoire », il constitue une forme de dépôt de garantie.
Il constitue une garantie du prêt accordé. Les opérateurs
de cette catégorie ne doivent pas non plus être soumises à
une réglementation et supervision prudentielle dès lors qu'elles
ne mobilisent pas ces épargnes pour le financement de leur
activité de prêt. En effet, les épargnants sont en position
débitrice la plupart du temps. Ils courent donc un risque relativement
faible en cas de faillite des opérateurs du micro-crédit. S'ils
ne peuvent pas procéder aux retraits de leur épargne, il leur
suffit d'arrêter le remboursement de prêt. Ainsi, ils peuvent se
prévenir efficacement contre la faillite des opérateurs du
micro-crédit sans intervention des pouvoirs publics205.
Cette vision un peu restrictive du champ d'application de la
réglementation prudentielle est liée à la
spécificité du micro-crédit. Cette
spécificité influe également sur le contenu des
règles prudentielles qui devront être adaptées aux
opérateurs du microcrédit. Cette adaptation peut aller dans deux
sens : plus lourde ou moins sévère selon l'objectif de chacune de
ces règles.
205 . CGAP, La course à la réglementation :
établissement de cadres juridiques pour la microfinance, Etude
spéciale, n° 4 - Mai 2000, p. 11.
B. Le contenu des règles prudentielles
adaptées aux opérateurs du micro-crédit
121. - Deux approches différentes de
l'adoption du contenu des règles prudentielles. Les deux
systèmes privilégient tous les deux la mise en place d'une
réglementation spécifique des opérateurs du
micro-crédit. Cette voie de réglementation correspond à
une autre question qui s'impose fortement. Doit-elle passer par une
modification des lois et règlements existants dans le secteur bancaire
ou faut-il proposer une législation ou réglementation
séparée, conçue spécialement comme une nouvelle
réglementation du micro-crédit ? Le droit cambodgien a choisi la
mise en place d'une réglementation par voie de dérogation
à la loi bancaire existante206. Le fait d'incorporer cette
réglementation à l'intérieur du cadre existant peut
être techniquement plus aisé d'ajuster le cadre en place. En
revanche, cette tendance n'a pas été prévue
expressément par le droit français. Ce dernier choisit
plutôt une nouvelle réglementation séparée. Cette
affirmation résulte des analyses du décret de 2002 et ses
arrêtés d'application du 3 juillet 2002. En effet, quelle que soit
la solution adoptée, le plus important problème concerne le
contenu de la réglementation. Toutefois, les conséquences d'une
interaction entre les deux voies d'adoption du contenu de la
réglementation des opérateurs du micro-crédit ne doivent
pas être négligées. Il se peut que si les règles
nouvelles apparaissent moins lourdes et plus favorables, elles peuvent inciter
un grand nombre d'institutions existantes et de nouveaux entrants à
remplir les conditions leur permettant de se définir comme
opérateurs du microcrédit agréés, ce qui pourrait
conduire évidemment à laisser un certain nombre d'institutions
sous supervisées. Malgré cette remarque, les règles
prudentielles doivent forcément s'adapter à la
spécificité du micro-crédit.
122. - Les règles prudentielles
adaptées aux micro-crédits. De manière
générale, il faut reconnaître que l'intégration dans
la réglementation bancaire ne peut pas être pure et simple. Les
opérateurs du micro-crédit doivent être traités
différemment des banques normales du fait que leurs actifs se composent
de nombreux petits prêts sans garantie. Théoriquement, le cadre
réglementaire de supervision prudentielle est basé sur l'analyse
de risque. Les risques du micro-crédit sont de même nature que
ceux des autres prêts bancaires, mais leur pondération est
différente. Ainsi, en raison de cette pondération des
206 . L'article 74 alinéa 3 de la loi bancaire de 1999.
risques liés au micro-crédit, ce dernier serait
parfois rendu impossible si les opérateurs sont obligés de
respecter les règles prudentielles normales imposées aux banques
classiques. Certaines règles devront être adaptées. Il est
maintenant question de savoir quelles sont les règles qui doivent
être adaptées aux micro-crédits. Les domaines de ces
règles concernent notamment le taux minimum de capital, le ratio
d'adéquation des fonds propres, les règles concernant les
provisions des crédits non garantis. Pour pouvoir tracer ces
règles il est nécessaire d'analyser l'éventail des
règles prudentielles imposées (2) par les deux
systèmes aux opérateurs du micro-crédit. Mais, avant
d'étudier ces règles, quelques remarques préliminaires
s'imposent (1).
1. Les remarques préliminaires
123. - Deux remarques préliminaires. Deux
remarques doivent être soumises à l'attention.
D'abord, il est important de rappeler que la
réglementation prudentielle est basée essentiellement sur les
fonds propres. L'objectif du ratio prudentiel est d'imposer le maintien du
montant minimum de fonds propres207 auxquels s'ajoutent pour les
opérateurs du micro-crédit en droit français les
ressources assimilées. Ils permettent de calculer les différents
ratios imposés par la réglementation prudentielle. C'est la
raison pour laquelle le droit prend soin de définir et de
préciser les éléments qui doivent être pris en
compte pour le calcul des fonds propres et ressources assimilées. Quels
sont les éléments des ressources assimilées et ceux
à inclure dans les fonds propres ? L'article 4 de l'arrêté
du 3 juillet 2002 précise que « les fonds propres et ressources
assimilées, mentionnés au quatrième alinéa 7 du
décret du 30 avril 2002 susvisé, englobent, outre le fonds de
réserve, les fonds propres, les cotisations et droits d 'entrée,
les subventions publiques et privées d 'investissement, les dons et legs
». Selon cette disposition, les ressources assimilées sont le
fonds de réserve, les cotisations et droits d'entrée, les
subventions publiques et privées d'investissement, les dons et legs.
Toutefois, cet arrêté n'a pas précisé les
éléments des fonds propres. On peut donc se demander si la notion
de fonds propres appliquée aux établissements de crédit
soit applicable de la même façon aux associations de
micro-crédit. Les fonds propres applicables aux établissements de
crédit comprennent principalement le capital, les
207 . C. DUFLOUX et M. KARLIN, La réglementation
prudentielle des banques : les travaux récentes du Comité Cooke,
Banque, n° 489, décembre 1988, p. 1246 et n° 490,
janvier 1989, p. 77.
réserves, les provisions
réglementaires208, le résultat d'exercice et les
écarts de réévaluation. Ils constituent des ressources
stables de l'établissement. Au vu de ces composants, on pourrait dire
que la notion de fonds propres applicable aux établissements de
crédit ne peut pas être entièrement applicable aux
associations du micro-crédit.
Ensuite, certaines règles prudentielles sont rendues
inutiles par l'encadrement des crédits : restriction quant au montant et
quant aux bénéficiaires du micro-crédit. Cette
règle concerne le ratio de division de risque qui est rendu, en droit
français, inutile par les plafonds imposés par l'article 6
alinéa 5 du décret de 2002. Toutefois, cette règle est
prévue par l'article 18 du Prakas de 2000. Ce ratio de division de
risque est fixé à 10% des fonds propres, ce qui est suffisamment
important puisque le montant du micro-crédit est faible. Bien que le
droit cambodgien n'ait pas limité le montant du micro-crédit, il
est probablement possible de dire que le montant doit être faible du fait
qu'il est accordé, soit à une famille pauvre, une famille qui a
des revenus modestes ou à une petite entreprise209.
D'ailleurs, bien qu'il existe un encadrement de crédit, le coefficient
de ressources et les encours du crédit210 est prévu.
L'article 7 in fine prévoit que « à tout moment, les
encours de crédit doivent être financés par des ressources
de durée au moins égale à celle des prêts
». D'après l'arrêté pris en son application,
l'association doit s'assurer, à tout moment, que la durée moyenne
des ressources est supérieure ou égale à la durée
moyenne des prêts accordés au titre du présent
décret. La durée moyenne du prêt est calculée en
divisant le montant total des prêts accordés,
pondérés chacun par leur durée restant à courir,
exprimés en nombre de jours, par le montant total des prêts
accordés. La durée moyenne des ressources est calculée en
divisant le montant total des ressources, pondérées chacune par
leur durée restant à courir, exprimées en nombre de jours,
par le montant total des ressources inscrites au passif du bilan de
l'association. Les fonds propres et ressources sans limite sont
considérés comme remboursables au bout de sept ans. Les
subventions publiques sont considérées comme ayant une
durée restant à courir de sept ans.
A part de ces règles, les autres règles
imposées aux établissements de crédit pourraient ne pas
être appliquées purement et simplement aux opérateurs du
micro-crédit.
208 . Stéphane PIEDELIEVRE, Droit bancaire,
préc., n° 1 01, p. 91.
209 . V. supra, n° 31.
210 . On comprend que ce coefficient correspond au coefficient
de fonds propres et de ressources permanentes applicable aux
établissements de crédit à partir de 1986 suite à
la suppression de l'encadrement de crédit (le coefficient
d'opération à moyen et long terme non réescomptable et le
coefficient de distribution des crédits à moyen et long terme).
Cette règle a pour objectif d'éviter que les emplois à
longue durée soient financés des ressources de durée plus
courte, par conséquent, d'éviter les conséquences trop
brutales de la suppression de l'encadrement du crédit et le financement
des prêts à long terme avec des ressources monétaires. V.
Stéphane PIEDELIEVRE, Droit bancaire, préc., n°
103, p. 93.
Leur adaptation est envisageable.
2. L'adaptation des règles prudentielles aux
opérateurs du micro-crédit
- L'analyse des textes juridiques applicables aux
opérateurs du micro-crédit dans les deux systèmes permet
de tracer quelles sont les règles qui ont été
ajustées pour répondre aux besoins des opérateurs du
micro-crédit.
124. - Le capital minimum. En droit
cambodgien, le capital minimum est fixé à 50 milliards de Riels,
soit 15 millions euros pour les établissements de crédit et
à 25 milliards de Riels, soit 7,5 millions euros pour les institutions
de microfinance211. Quelle observation peut-on émettre
à propos de cette réglementation moins restrictive au niveau du
capital minimum pour les IMF ? Le capital minimum peut être
considéré comme un facteur de sécurité. Mais,
certains théoriciens n'attachent pas une grande importance à
l'imposition d'un niveau minimum de capital comme facteur de
sécurité et y voient davantage un moyen de restreindre le nombre
des institutions. Il est considéré comme outil de limitation du
nombre des opérateurs agréés212. En effet, deux
alternatives sont à l'opposée à propos de la
réglementation du capital minimum des opérateurs de
micro-crédit au moment de l'adoption de ce texte. La première
consiste à dire qu'il est suffisamment important, pour des raisons
sociales, d'encourager les activités de microfinancement, et par
conséquent, d'appliquer aux opérateurs du micro-crédit des
normes moins exigeantes en matière de capital minimum. Toutefois, cette
doctrine se heurte à un problème important en pratique
soulevé par une autre doctrine. En réalité, une
réglementation moins restrictive au niveau du capital peut
entraîner une prolifération des institutions de micro-finance, ce
qui ne facilite pas la supervision prudentielle. Certaines institutions seront
donc sous supervisées. Il faut donc trouver un juste milieu. Le moyen
utilisé par le droit cambodgien consiste à fonder en partie la
décision d'octroi d'agrément sur une évaluation
qualitative de l'institution. Au regard de l'un des seuils imposés pour
obliger les ONG, associations ou autres entités à se transformer
en IMF agréées, ils conduisent à penser que
l'autorité compétente n'accorde l'agrément qu'à des
grandes IMF. Toutefois, la création d'une IMF nouvelle à partir
de rien n'est pas interdite. Le montant minimum est pourtant
211 . L'article 4 du Prakas de 2000.
212 . Richard ROSENBERG, Directives concertées pour la
microfinance, préc., p. 17-18.
suffisamment élevé pour cette IMF nouvellement
créée car les IMF sont en pratique à l'origine des ONG,
associations sans but lucratif qui ne sont pas en mesure de se procurer de
liquidité pour un tel montant puisque le capital minimum doit être
totalement libéré et un dépôt de garantie de 5% du
montant du capital dans un compte ouvert auprès de la BNC est
obligatoire213.
126. - La provision des prêts non garantis.
L'article 16 du Prakas de 2000 prévoit que « Les
établissements agréés doivent exercer leurs
activités conformément à des dispositions relatives
à la classification des crédits et à la limite des
provisions pour perte ». Le taux de provision est prévu par le
Prakas B 7-02-145/Prk du 07 juin 2002 sur la classification et la provision des
mauvaises dettes et les dettes douteuses, y compris l'intérêt
suspendu. Il est fixé en fonction du niveau de risque de recouvrement du
crédit : soit 10% pour les dettes en dessous de standard, soit 30% pour
les dettes douteuses, soit 100% pour les dettes perdues. La notion de dette
sous standard n'est pas précisée. Ce Prakas n'est pas propre aux
opérateurs de la micro-finance. Il est prévu pour les banques. On
peut se demander s'il est applicable aux opérateurs de la micro-finance.
Au travers de l'article 16 du Prakas de 2000, la règle relative à
la provision pour perte appliquée aux banques est applicable de la
même façon aux institutions de micro-finance.
En droit français, l'article 6 in fine du décret
précise que « les prêts consentis par l 'association
doivent bénéficier d 'une garantie apportée par un fonds
de garantie ou du cautionnement agréé ou par un
établissement de crédit ». Cette disposition nous
conduit à penser que la règle relative à la provision des
crédits non garantie est, tout de même comme le ratio de division
des risques, rendue inutile. Or, l'article 7 alinéa 1 er
impose une règle de provision de prêt contentieux à
la hauteur des pertes probables. En effet, une garantie apportée peut ne
qu'être partielle. C'est le cas notamment de la garantie apportée
par le FCS. Ainsi, si le prêt est garanti totalement par un cautionnement
agréé ou par établissement de crédit, l'association
n'a pas à créer ni la provision ni le fonds de réserve. En
revanche, si elle n'est que partielle, la fraction non provisionnée
donne lieu à la création de fonds de réserve. C'est la
raison pour laquelle l'alinéa suivant du même article
prévoit que « la fraction des encours de prêts non
provisionnés, qui n 'est pas couverte par les garanties
mentionnées ci-dessus, doit donner lieu à la constitution d'un
fonds de réserve ». A la lecture de ces deux alinéas de
l'article 7 du décret de 2002, on peut en déduire que le
213 . L'article 12 du Prakas de 2000.
décret impose une provision automatique des prêts
contentieux à hauteur de la perte probable. Toutefois, une nuance est
admise par la création d'un fonds de réserve qui se substitue
à la provision des prêts contentieux. Ainsi, deux alternatives
sont prévues. Ou bien l'association de micro-crédit doit
provisionner la fraction non garantie ou bien elle doit constituer un fonds de
réserves. Il semble que la constitution de fonds de réserve est
préférable pour deux raisons. D'abord, l'association de
micro-crédit compétente ne devrait pas être tenue
d'effectuer une provision automatique pour les créances douteuses pour
un pourcentage important de leur micro-crédit dès l'octroi de
ceux-ci. En effet, un suivi financier est obligatoire pendant la durée
du prêt214. C'est ce suivi financier qui constitue l'une des
conditions du succès du micro-crédit en France, plutôt que
l'utilisation de caution solidaire. En raison de ce suivi financier,
l'association peut intervenir rapidement en cas d'incident de paiement et prend
les mesures nécessaires pour faciliter le remboursement notamment en
accordant un nouveau délai de paiement. Ensuite, ce sont les
modalités de fixation de taux de fonds de réserve applicable
à la fraction non garantie qui se veulent et se montrent très
souples. Ce taux est fixé à partir du taux de défaut
observé en moyenne sur les crédits accordés par
l'association dans le passé. Il est propre à chaque association.
Il est fixé par l'article 2 de l'arrêté du 3 juillet 2002
à 30% en l'absence de données vérifiables sur le taux de
défaut statistique moyen, constaté sur les prêts
délivrés au cours des trois dernières années ; en
cas de données statistiques, il est de 1,5 fois de taux de
défaillance constaté sur l'exercice précédent. Ce
taux ne peut être ni inférieur à 10% ni supérieur
à 30%. Le comité d'habilitation des associations sans but
lucratif peut, le cas échéant, majorer ce taux en fonction de la
situation particulière de l'association concernée. Il est
fixé en fonction d'un bon historique de remboursement des prêts
accordés par l'association, c'est-à-dire qu'il est fondé
sur la performance de l'association. Cette disposition est conforme à la
recommandation internationale215.
127. - Le ratio d'adéquation des fonds
propres ou le ratio de solvabilité. Le ratio de
solvabilité vise à rapporter les risques de crédit pris
par les établissements de crédit aux fonds propres dont ils
disposent. L'article 7 alinéa 3 du décret de 2002 prévoit
que « à tout moment, le montant total des fonds propres et
ressources assimilées doit être au moins égal au produit de
la fraction des encours mentionnée à l 'alinéa
précédent (c 'est-à -dire la fraction non
provisionnée qui n 'est pas garantie) par un pourcentage fixé par
arrêté du
214 . L'article 6 alinéa 5 du décret de 2002.
215 . Richard ROSENBERG, Directives concertées pour la
microfinance, préc., p. 27.
ministre chargé de l 'économie
».Ce ratio qui est fixé par le comité Cooke à 8%
pour les établissements de crédit est mesuré à 12%
par l'article 3 de l'arrêté du 3 juillet 2002. Il est fixé
par l'article 15 du Prakas de 2000 à 20% (15% pour les banques
commerciales) du rapport entre le capital éligible et le risque
évalué. Deux remarques peuvent être faites. D'abord, ce
Prakas utilise la terminologie de ratio d'adéquation de capital. Or, le
capital ne constitue qu'un élément des fonds propres. Il s'agit
d'une mauvaise utilisation de la terminologie. La loi utilise improprement
comme synonyme le capital et les fonds propres. Le mot « fonds propres
» est utilisé à la place du mot « capital » pour
le calcul du ratio de division de risque216. Ensuite, pour quelle
raison le ratio d'adéquation des fonds propres imposé aux
opérateurs du micro-crédit est plus sévère que
celui appliqué aux établissements de crédit ? Le
portefeuille du micro-crédit est composé de prêts non
garantis ou garantis par des actifs d'un montant insuffisant pour couvrir le
solde du prêt si l'on prend en compte les coûts de recouvrement.
Les opérateurs du micro-crédit supportent donc des risques plus
importants que les banques. Or, le taux d'impayés du micro-crédit
est en général inférieur à celui des banques
commerciales, ce qui montre la performance des opérateurs du
micro-crédit. Ce ratio aurait du être moins sévère
que celui des établissements de crédit. Cependant, d'aucuns
avancent que le fait d'imposer un niveau d'adéquation des fonds propres
plus élevé pour les IMF, ou une obligation similaire
reflétant le risque spécifique du portefeuille de
micro-crédits d'une institution diversifiée, aura pour effet de
diminuer le rendement des fonds propres, rendant ainsi l'activité de
micro-crédit moins attractive.
128. - Le ratio de liquidité. Le ratio
de liquidité, qui vise à ce que les établissements de
crédit réalisent de façon normale un équilibre
entre leurs liquidités et leurs exigibilités, n'a pas besoin
d'être imposé en droit français. L'association de
micro-crédit n'a pas donc à s'assurer de la possibilité de
faire face à des retraits de fonds puisqu'il n'existe pas des
dépôts du public. Toutefois, le ratio de liquidité doit
être réglementé en droit cambodgien. En matière de
ratio de liquidité, il n'existe pas de raison qui vise à obtenir
une réglementation moins lourde que celle applicable aux banques. En
effet, les actifs des opérateurs du micro-crédit se composent des
prêts non garantis. Le risque est plus grand. Il serait donc
légitime d'imposer aux IMF de ratio de liquidité assez
élevé. L'article 16 du Prakas de 2001 impose un ratio de
liquidité qui est égal au moins à 100% (50% pour les
216. V. supra, n° 123.
banques commerciales), c'est-à-dire le rapport entre
les actifs liquides ou rapidement réalisables et le passif exigible
à court terme doit être au moins de 1 00%217. Le
même raisonnement est valable pour justifier l'absence de la
réglementation de la réserve obligatoire en droit français
puisque le montant de réserve obligatoire est calculé à
partir des dépôts. En droit cambodgien, elle est fixée
à 5% (8% pour les banques commerciales) du montant des
dépôts du public218. Le montant de la réserve
obligatoire est calculé en fonction du montant des dépôts
inscrit dans le bilan de l'établissement. Pour ce calcul, le montant de
l'épargne obligatoire, comme condition d'octroi du crédit, n'est
pas pris en compte219. La réserve obligatoire constitue un
moyen de régler ou contrôler indirectement le volume de
crédits distribués. Si le micro-crédit vise à
favoriser l'accès au crédit, il n'existe pas de raison qui
justifie l'imposition du montant de réserve obligatoire plus forte aux
opérateurs du micro-crédit. Il suffit de renforcer la
règle de ratio de liquidité.
129. - Le contrôle des règles
prudentielles. Pour pouvoir contrôler la conformité
à ces règles, deux moyens sont créés : l'obligation
de communiquer régulièrement les documents comptables à la
BNC et l'obligation de créer un contrôle interne. Ces mesures sont
prévues à l'article 5 du décret de 2002 et à
l'article 43 de la loi sur les institutions bancaires et financières.
Section II : Une réglementation favorisant le
partenariat BanqueOrganismes du micro-crédit
130. - La typologie du partenariat. On a
précédemment évoqué qu'une opération de
micro-crédit n'est pas seulement une opération de nature
financière, c'est aussi une action sociale dont l'objectif est la
réinsertion de l'emprunteur dans le circuit économique
normal220. Ce volet social ne peut pas être supporté
tout seul par les réseaux bancaires qui
217 . Le ratio de liquidité comporte en
numérateur le solde de l'institution en trésorerie et des
prêts avec échéance de moins d'un mois, et en
dénominateur les épargnes des déposants valorisées
à des pourcentages divers (entre 50 et 80% : Prakas n°B 00-38/PrK
du 9 février 2000 sur le ratio de liquidité des banques et des
IMF) en fonction de leur catégorie et de leur durée avant
échéance. Le ratio entre le numérateur et le
dénominateur doit être maintenu impérativement à
100% (article 16 du Prakas de 2000).
218 . L'article 14 du Prakas de 2000.
219 . L'article 2 du Prakas B 7-02-45 /PrK du 25 février
2002 sur le maintien de la réserve obligatoire des institutions de
microfinance.
220 . Maurie BENHUSILO, comment créer un cadre
institutionnel et réglementaire favorable au
sont en quête de rentabilité. Ainsi, la mise en
place de partenariats larges entre les opérateurs du micro-crédit
et les organismes bancaires est souhaitable. Plusieurs types de partenariats
sont disponibles en fonction du rôle plus ou moins central des organismes
de micro-crédit. Dans certains cas, ils ne s'occupent que de
l'accompagnement, et les réseaux bancaires décaissent directement
le crédit aux emprunteurs. Dans ce cas, seuls l'emprunteur et la banque
sont liés par le contrat de crédit. L'organisme du
micro-crédit est exclu du rapport de crédit. Dans d'autres cas,
ils jouent un véritable rôle d'intermédiation
financière, le lien entre la banque et les emprunteurs n'étant
ainsi qu'indirect. Dans ces deux cas, le micro-crédit a une nature de
contrat réel puisqu'il s'agit d'un prêt accordé par un
établissement de crédit ou par un professionnel. Bien qu'ils
agissent en tant qu'un vrai intermédiaire financier, il faut comprendre
que les organismes du micro-crédit offrent de services autres que le
crédit. C'est un service d'accompagnement. On a déjà vu
précédemment221 que l'exclusion du micro-crédit
est aussi liée au profil des emprunteurs qui sont, dans la
majorité des cas, des anciens chômeurs, des
bénéficiaires de minima sociaux. Leur profil professionnel est de
niveau bac et rarement plus. C'est la raison pour laquelle une mesure
d'accompagnement de ces personnes dans leur parcours professionnel est
indispensable. C'est un accompagnement du projet professionnel et du suivie de
l'activité financée. Cette mesure d'accompagnement
présente des avantages incontestables. C'est en fonction des ces
avantages que le droit positif français encourage, d'une part,
l'implication directe des banques, et d'autre part, la coopération entre
les banques et les associations du micro-crédit.
131. - Les inconvénients et avantages du
partenariat. La reconnaissance par le droit positif de mesures
favorisant ce partenariat n'est que le reflet des avantages qu'il
procure222. Tout d'abord, du fait de la proximité entre
l'organisme et l'emprunteur ou le groupe d'emprunteurs, ce type de partenariat
limite les risques de gestion. L'expérience montre que le taux de
recouvrement de prêt est largement supérieur lorsque l'organisme
de proximité intervient dans le processus d'intermédiation
financière. Ensuite, le partenariat est un moyen de partager le risque,
notamment à travers un fonds de garantie mis en place, soit par
l'organisme de proximité lui-même avec la contribution des banques
partenaires,
développement du micro-crédit ?, Colloque sur
micro-crédit, micro-entreprise, éd. Bercy, Paris, 2001, p. 85-
89.
221 . V. supra, n° 28-29.
222 . I. GUERIN, in Exclusion et liens financiers : le rapport du
centre Walras, 1999-2000, préc., p. 148.
soit par l'Etat. Dans ce dernier cas, il s'agit d'une forme de
partenariat tripartite : banques/associations/pouvoirs publics. Cette solution
présente le mérite de confier aux professionnels (les banques)
l'acte de crédit tout en s'appuyant sur les compétences des
associations pour l'accompagnement des porteurs de projets et sur les pouvoirs
publics pour la prise en charge partielle du risque au travers de dispositif de
garantie223. Ce genre de partenariat tripartite est vivement
encouragé par la création de FCS. Le partenariat entraîne
également la réduction des coûts
d'opération224. L'organisme du micro-crédit prend en
charge de la sélection préalable des emprunteurs et de leur
formation. Ce rôle évite aux banques, d'une part, d'avoir à
capter la clientèle, et d'autre part, d'avoir à rechercher
l'information fiable sur cette clientèle. En effet, l'accompagnement
constitue un coût pour les banques dès lors qu'elles l'assument
seul. Ainsi, le partenariat est une réduction de coût pour les
banques. Mais, on peut remarquer qu'il s'agit également d'une diminution
des coûts pour la clientèle, en terme de frais de
déplacement, de frais de dossiers, et de coût d'opportunité
du temps à négocier le crédit. En raison de ce partenariat
les banques commerciales peuvent tester la solvabilité de cette
clientèle qui pourrait à terme s'intégrer directement dans
le système bancaire. Il est fréquent que les emprunteurs soient
à terme capables d'accéder au système bancaire.
A côté des avantages, un inconvénient que
l'on peut relever de cette mesure de partenariat est la duplication des
tâches de gestion et les délais relativement long de
décaissement des prêts. Toutefois, cet inconvénient reste
en marge des avantages qu'elle peut procurer. En plus, l'adoption de la loi du
15 mai 2001 permettant à l'association, comme ADIE, de pouvoir emprunter
auprès des banques pour reprêter directement à ces clients
simplifie notablement le système. Un autre problème concerne la
limite de cette mesure d'accompagnement en aval du décaissement du
crédit. S'il n'existe pas précisément de limite, les
organismes de micro-crédit ne risquent-ils pas d'être
reprochés pour immixtion dans les affaires de l'emprunteur ou gestion de
fait en cas de défaillance de remboursement de crédit ? En effet,
même s'il n'existait pas de limite, cette situation pourrait être
une utopie pour deux raisons. D'abord, lorsque la banque décaisse
directement le micro-crédit à l'emprunteur, L'ADIE s'engage
à racheter le crédit en cas de défaillance de trois
échéances successives. Ensuite, l'action en remboursement en cas
de défaillance est rare puisque l'emprunteur a payé une
contribution obligatoire d'un montant
223 . Francis MAYER, préc., p. 383.
224 . Georges GLOUKOVIEZOFF, « Le microcrédit social
contre l'exclusion bancaire », in La microfinance n 'est plus une
utopie !, préc., p. 164.
de 5% du prêt au Fonds de solidarité de l'ADIE
afin d'assurer la mutualité entre les emprunteurs. En plus, l'action en
justice est rare du fait que les frais de justice pourraient être plus
élevés que le montant de dette. Ainsi, si aucune action en
remboursement de crédit n'a été introduite contre lui,
l'emprunteur n'a pas besoin d'évoquer la faute du prêteur ou de
l'ADIE. De même, cette situation ne peut pas non plus être
invoquée par le représentant des créanciers de
l'emprunteur en cas d'ouverture d'une procédure collective contre ce
dernier puisque l'accompagnement en aval du prêt ne constitue qu'un
simple suivi financier225 pour que l'ADIE puisse intervenir
rapidement en cas de difficulté rencontrée par l'emprunteur
notamment en lui accordant le délai de paiement. C'est là la
limite de la mesure d'accompagnement après la décision d'octroi
de crédit.
132. - Les banques partenaires. De
toute façon, beaucoup s'accordent à dire qu'une
coopération entre les banques et les opérateurs du
micro-crédit serait la clé du succès du
micro-crédit. À travers cette coopération, chacun des
acteurs apporterait son savoir-faire et ses connaissances afin de dispenser un
service efficace. Mais la question est de savoir de quelles banques parle-t-on.
En effet, lors du dernier Sommet Global du micro-crédit qui s'est tenu
à Halifax en septembre 2006, cette question était à
l'ordre du jour. Dans le rapport de la Campagne, Pierre-Marie Boisson,
président de Sogesol en Haïti, s'est exprimé au sujet de la
volonté des banques locales de travailler avec les IMF « les
ban ques commerciales internationales peuvent certainement aider les IMF
à profiter des marchés mondiaux et de leur énorme pool de
ressources financières, ce qui va certainement leur permettre de
réduire les coûts financiers de l 'exploitation. Malgré
cela, je crois que les succursales locales des ban ques commerciales sont mieux
préparées que les ban ques commerciales internationales à
intervenir dans le secteur de la micro-finance avec succès, car elles
sont généralement davantage en mesure d'adapter leurs
systèmes aux conditions locales, particulièrement celles du
secteur informel. Les ban ques locales des marchés émergents
souffrent souvent d'un excès de liquidité non utilisé qui
pourrait être avantageusement prêté aux microentreprises, ce
qui leur permettrait d'augmenter leurs bénéfices et de diminuer
leurs risques grâce à une diversification de leurs actifs
». L'arrivé des banques commerciales dans ce domaine pourrait
renforcer la concurrence, améliorer l'efficacité, réduire
les coûts et augmenter la couverture de services et le financement pour
desservir ceux qui ne bénéficient pas de services bancaires.
L'intervention des banques
225 . L'alinéa 5 de l'article 6 du décret de 2002
prévoit que les prêts accordés doivent faire l'objet d'un
suivi financier pendant leur durée.
commerciales est donc vivement encouragée. Pour
favoriser l'implication directe des banques commerciales, le FCS a
été mis en place dans le cadre de la loi du 18 janvier 2005 sur
la programmation de cohésion sociale. Toutefois, une attention
particulière doit être portée à l'introduction des
banques commerciales dans le micro-crédit. Elle doit être
limitée puisque les banques commerciales ne savent pas en effet comment
servir les plus pauvres. Ce serait donc un désastre si elles
décideraient de se lancer seules dans le microcrédit. C'est
pourquoi il est important de nouer le partenariat entre les banques et les
organismes de proximité. Le porteur de projet doit être
accompagné par un organisme de proximité pour pouvoir
bénéficier les prêts sociaux garantis à hauteur de
50% par le FCS. Une volonté politique favorisant le partenariat est donc
évidente. Cette coopération entre les banques et les IMF a une
autre conséquence importante. Il s'agit de ne pas permettre aux banques
qui s'intéressent au micro-crédit de concurrencer les IMF dans
l'octroi du micro-crédit. Il est souhaitable que la concurrence se
fasse, ou bien entre les banques commerciales, ou bien entre les IMF, mais non
pas entre les banques et les IMF dans la mesure où ces banques ont une
structure ayant un coût beaucoup plus élevé que celle des
IMF. Dans ce cas, lorsque les bénéfices
générés ne correspondent pas à leurs attentes, les
banques décident de s'en aller tout en ayant causé auparavant
à la performance des IMF. En effet, elles peuvent dégager des
bénéfices en raison de la réduction de coût des
opérations, de risques, qui est l'effet positif du partenariat entre les
banques et les IMF. Lorsque les banques commencent à concurrencer les
IMF, elles doivent supporter tout seules le coût des opérations,
ses risques. Les bénéfices réels pourraient ne pas
être ceux par elles attendus. L'intervention massive des banques serait
donc un aspect positif en terme de l'efficacité et de réduction
des coûts pour les bénéficiaires des emprunteurs, mais elle
serait un désastre si cette intervention se faisait spontanément
sans coopération avec les IMF. Il serait souhaitable au moins
d'externaliser le coût d'accompagnement des porteurs de projet. Seul
l'organisme de proximité peut en prendre en charge.
133. - L'exemple typique du partenariat en droit
français. Pour illustrer cette démonstration, on
peut citer à titre d'exemple, la pratique de partenariat entreprise par
l'ADIE. Plusieurs réseaux bancaires travaillent avec l'ADIE. Il s'agit
notamment du Crédit mutuel, des Banques populaires, du Crédit
agricole et plus récemment en 2006 du groupe BNP Paribas. Ce type de
partenariat a évolué dans le temps. Le premier accord a
été conclu, en 1998, avec le Crédit mutuel de Bretagne.
Cet accord consistait, pour la banque,
à prêter au créateur d'entreprise (les
décisions étant prise au sein des comités de crédit
de l'association) et à prendre en charge une partie du risque à
hauteur de 30%. L'ADIE prenait à sa charge le solde du risque (avec la
contre-garantie de l'Etat et du Fonds européen d'investissement),
l'instruction du dossier, le recouvrement et l'accompagnement du
créateur. En cas d'impayé de plus de trois
échéances, l'ADIE s'engage à racheter les risques encourus
par la banque. Selon ce schéma, la banque restait proche de son
métier traditionnel de prêteur, mettait à la disposition de
l'association des cadres pour évaluer les projets en comité. La
participation au risque très faible mais le taux de remboursement
très élevé allant jusqu'à 94% n'était pas un
obstacle financier à leur engagement. Cette forme de partenariat s'est
progressivement développée à partir du moment où
l'ADIE a été habilité à pouvoir emprunter pour
reprêter directement à ses clients.
134. - L'interrogation sur l'importation de ce
modèle de partenariat en droit cambodgien. Enfin, on peut
remarquer que cette mesure d'accompagnement est un modèle commun pour
les pays européens qui ne se trouve pas forcément dans les pays
en voie de développement. Au Cambodge, la pratique montre que les
agences de micro-crédit ne donnent pas cette mesure d'accompagnement.
Les explications sur l'utilisation de fonds prêtés doivent
être données avant l'octroi de crédit, mais rien d'autres.
Toutefois, cette situation est normale du fait que l'activité
exercée par les emprunteurs est le plus souvent des activités
traditionnelles génératrices de revenus. En plus,
l'accompagnement et le suivi de prêt se font automatiquement entre les
emprunteurs du groupe solidaire. Toutefois, en raison des avantages du
partenariat, on peut se demander si ce type de partenariat pratiqué en
droit français peut être transposé en droit cambodgien.
Cette transposition est difficilement imaginable dans la situation actuelle.
Une réflexion première sur cette transposition porte sur la
question de savoir qui va s'occuper des dépenses de cette mesure
d'accompagnement. A l'époque contemporaine, le pouvoir public est
incapable de mettre en place un fonds prenant en charge des dépenses
d'accompagnement. En plus, la réglementation actuelle privilégie
les IMF au détriment des banques commerciales. Ainsi, une politique
favorisant le partenariat entre les banques et les IMF est loin d'être
à l'esprit du gouvernement cambodgien. Mais, les bailleurs de fonds
seraient-ils aussi incapables de subventionner l'accompagnement des porteurs de
projet ? Ce serait possible s'il y a une politique claire encourageant cette me
sure.
Conclusion
135. - L'interrogation sur l'aspect nouveau du
micro-crédit. En conclusion, on peut observer que le
micro-crédit est né de la problématique de l'absence
d'accès au crédit. Ce nouveau créneau n'intéressait
pas les réseaux financiers traditionnels parce que les populations
cibles ne correspondaient pas aux profils de la clientèle
recherchée. La nouvelle conception de la distribution de crédit
suppose une sélection rigoureuse des clients et une pratique de taux
d'intérêt qui permet de couvrir le coût de
l'opération. Ce propos nous permet de nous demander ce qu 'il y a de
fondamentalement nouveau avec le micro-crédit s 'il est toujours
fondé sur l 'évaluation de la capacité du client et de la
faisabilité du projet, sur la réduction des risques et des
coûts de gestion. On peut répondre à cette question
que la différence principale par rapport au crédit classique est
qu'il est orienté sur une nouvelle cible : les pauvres (pour les pays en
voie de développement comme le Cambodge) et les exclus (dans le contexte
des pays industriels notamment la France). Il reconnaît leurs talents,
leurs besoins et leurs capacités de rembourser les crédits. Au
lieu de les éliminer par avance de la clientèle du crédit
parce que les méthodes, les critères, les garanties ne sont pas
adaptés à leur situation, l'opérateur du
micro-crédit invente des méthodes et des garanties qui leur
conviennent. La personnalité des emprunteurs est un critère
beaucoup plus important que le critère matériel. L'aspect humain
est pris en compte à la place du critère patrimonial. Le
micro-crédit n'est donc ni une utopie, ni un phénomène de
mode mais une réalité de l'économie moderne, à part
entière.
136. - La perspective du micro-crédit.
D 'ailleurs, il faut se demander quel est l 'avenir du
micro-crédit ? L'évaluation des perspectives futures du
micro-crédit dépend de trois critères variables : la
demande, le financement et l'environnement institutionnel. Notons que de plus
en plus les établissements de crédit vont investir ce
marché du micro-crédit,
non pas uniquement pour des préoccupations d'entreprise
socialement responsable, mais également parce qu'il est désormais
prouvé que ce marché peut être rentable. Il est devenu
progressivement la gamme de produits des banques. Enfin, excepté
l'adaptation des règles juridiques permettant aux opérateurs du
micro-crédit de pouvoir entreprendre leurs activités avec une
très grande facilité et une viabilité institutionnelle et
financière, il est également nécessaire d'adapter des
règles qui ont pour objectif de réduire au maximum les obstacles
administratifs et fiscaux à la création de petites entreprises.
L'esprit d'entreprise stimulé par le micro-crédit peut être
timide en raison de ces obstacles. C'est une voie empruntée par le
législateur français. La loi Dutreil du 1 er
août 2003 a adopté notamment une voie de simplification
administrative de la création d'entreprise, d'encouragement au
financement de l'initiative économique. Cette tendance est
prolongée par la loi du 2 août 2005 sur les Petites et moyennes
entreprises. Elle propose encore des simplifications administratives pour la
création d'entreprise, des faveurs comptables et fiscales. L'obstacle
relatif au taux d'usure est levé successivement par ces deux
dernières lois, ce qui permet aux banques qui veulent s'impliquer
directement dans ce nouveau marché de couvrir les coûts
d'opérations avec suffisamment de rentabilité. Le
micro-crédit, plus largement la micro-finance constituera, dans
l'avenir, un formidable marché pour les banques commerciales. Telle est
la perspective que peut nous laisser entrevoir l'évolution actuelle de
cette nouvelle conception d'octroi de crédit.
137. - Telle est également la
perspective du micro-crédit en droit cambodgien. Les grandes IMF
agréées se transforment progressivement en banques
spécialisées puis en véritables banques commerciales mais
qui continuent à privilégier leur activité de
micro-crédit. Ce serait donc une ère de marchandisation du
micro-crédit. Or, le micro-crédit ne doit pas être
amputé de son volet social. Pour éviter ce risque de
marchandisation du micro-crédit, il serait donc souhaitable que le
gouvernement cambodgien change un petit peu d'orientation en s'inspirant des
pratiques mises en place en droit français. Mais cela ne veut pas dire
qu'il doit créer un fonds de garantie des prêts, mais il doit
encourager la mise en place des organismes sociaux dont le fonctionnement
serait partiellement subventionné par les bailleurs de fonds afin
d'accompagner les emprunteurs potentiels ou obliger les opérateurs du
micro-crédit à s'occuper de cette mesure d'accompagnement comme
condition d'habilitation. Cela permettrait de parvenir à un
résultat plus satisfaisant.
ANNEXE
KINGDOM OF CAMBODIA NATION RELIGION KING
National Bank of Cambodia
B 7.91- 115 ProrKor
PRAKAS
ON THE CALCULATION OF INTEREST
RATE ON MICRO-FINANCE LOANS
The Governor of the National Bank of Cambodia
- With reference to the constitution of the Kingdom of
Cambodia
- With reference to the Royal Kram NS/RKM/ 0196/13 of January
26, 1996 promulgating the Law on Organization and Functioning of the National
Bank of Cambodia,
- With reference to the Royal Kram NS/RKM/ 1199/13 of November
18, 1999 promulgating the Law on Banking and Financial Institutions,
- With reference to the Royal Degree Chor Sor/RKT/0398/85 of
March 10, 1998 on the appointment of His Excellency Chea Chanto as Gorvernor
General of the National Bank of Cambodia,
- With reference to the Prakas No. B700- 05 Pror Kor of January
11, 2000 on Licensing of Rural Credit Specialized Banks,
- With reference to the PRAKAS No. B700- 06 Pror Kor of January
11, 2000 on Licensing of Micro-financing Institutions,
- Pursuant to the request of the General Director of the
National Bank of Cambodia
Decides as follows:
Article 1 :Royal credit specialized banks, Micro Finance
Institutions registered and licensed from the National Bank of Cambodia,
Non-governmental organizations (NGOs), associations, under the law on Banking
and Financial Institutions shall calculate interest rate to comply with the
provision of this Prakas with regard to their credit operations.
Article 2: Interest charged on any loan granted by an entity
mentioned in Article 1, must be calculated taking into account the payments of
principal already made on that loan. Consequently, interest charged on a loan
for a given period (week, month, quarter, year as the case may be) shall be
calculated on the loan outstanding balance at the end of that period.
Article 3: Loan agreement between Micro Financial Institutions
and customers shall have credit amortization table.
Article 4: Covered entities that contravene to the provisions
of this Prakas will be subject the disciplinary sanctions mentioned in Article
52 of the Law on the Banking and Financial Institutions.
Article 5: All provisions contrary to those of the Prakas are
hereby repealed.
Article 6: The General Direction, the General Secreteriat,
the General Inspection, the General Casier, all Department of the National Bank
of Cambodia and all Banking and Financial Institutions under the National Bank
of Cambodia supervisory authority shall strictly implement this Prakas.
Article 7: This Prakas shall have effect from the signing
date.
Phnom Penh, August 14, 2001 Governor Signed and sealed:
CHEA CHANTO
B 7.01- 136 Pror Kor
PRAKAS ON BANK'S CAPITAL GURRANTEE
The Governor of the National Bank of Cambodia,
- With reference to the constitution of the Kingdom of
Cambodia;
- With reference to the Royal Kram NS/RKM/0 1199/27 of January
26. 1996 promulgating the Law on the Organization and Functionning of the
National Bank of Cambodia;
- With reference to the Royal Kram NS/RKM/1 199/13 of November
18. 1999 promulgating the Law on Banking and Financial Institutions;
- With reference to the Royal Degree Chor Kor/ RKT/0398/85 of
March 10. 1998 on the appointment of His Excellency Chea Chanto as Governor of
National Bank of Cambodia;
Decides as following:
Article 1: The percentage of minimum capital that shall be
permanently deposited with the National Bank of Cambodia, as set by article 16
of the Law on Banking and Financial Institutions, amounts to 10
°/°.
Article 2: Existing deposits as of 31st December 2000
will have to be completed up to the minimum level of 5 billions Riels by
31st December 2001.
Article 3: Banks who were granted a delay to increase their
capital up to the minimum level of 51 billions Riels during the year 2001 will
make this deposit prorata the installments shareholders are committed to pay.
In case the capital increase is made out of retained earnings, the deposit will
be made as soon as shareholders authorize the capital increase.
Article 4: The deposit can be made either in Riels or in US
dollars. There shall be no possibility to change this option after the deposit
has been made. The rate of exchange used for calculation of the deposit, if
required, will be the official rates on the day funds are credited into the
account with NBC.
Article 5: Deposit in Riels will bear interest at 1/2,
six-month period of refinancing rate set by the
National Bank of Cambodia.
Deposit in USD dollars will bear interest at the annual rate
of 3/8 six-month period SIBOR. The National Bank of Cambodia will notify the
banks of the rate applicable for the relevant periods.
Article 6: The deposit can be repaid only in case of liquidation
and according to the priority order set by article 64 of the Law on Banking and
Financial Institutions.
Article 7: All provisions contrary to those of this Prakas are
hereby repealed.
Article 8: The General Direction, the General Secretariat,
the General Casier, the General Inspection, all Departments of the National
Bank of Cambodia, and all Banking and Financial Institutions under the NBC's
supervisory authority shall implement this Prakas.
Article 9: This Prakas will have effect from the signing
date.
Phnom Penh, October 15, 2001 The Governor Signed and
sealed: CHEA CHANTO
B 7.02-45 Pror Kor
PRAKAS ON THE MAINTENANCE OF RESERVE REQUIREMENT FOR
MICROFINANCE INSTITUTIONS
The Governor of the National Bank of Cambodia
- With reference to the constitution of the kingdom of
Cambodia
- With reference to the Royal Kram NS/RKM/ 0 196//27 of January
26, 1996 promulgating on the Law on the Organization and Functioning of the
National Bank of Cambodia.
- With reference to the Royal Kram NS/ RKM/1 199/13 of November
18, 1999 promulgating on the Law on Banking and Financial Institutions,
- With reference to the Royal Degree Chor Sor/RKT/03/98 of March
10, 1998 on the appointment of His Excellency Chea Chanto as Governor General
of the National Bank of Cambodia.
- With reference to the Prakas No. B 700-06 Pror Kor of January
11, 2000 on licensing of Micro-finance Institutions.
- Pursuant to the agreement of the leader meeting of the
National Bank of Cambodia on January 23, 2002.
Decides as following:
Article 1: Licensed Micro-finance Institution shall deposit 5
per cent of their deposits into an account maintained with the National Bank of
Cambodia.
Article 2: The reserve requirement on the deposit will be
calculated on the basis of deposit outstanding at the end of each month, as
reported in the institution's balance sheet and in the prescribed reporting on
the breakdown of deposits mobilized by the institutions.
For the purpose of calculating the reserve requirement,
compulsory savings, which any saving required as condition to participate in a
credit scheme, shall be excluded.
Article 3: The reserve requirement as calculated under
Article 2 shall be maintained a deposit in the institution's account with the
National Bank of Cambodia from the 15 day of the month following the end of the
month reported, until the 14th day of the next month. At the time
the new reserve requirement will be calculated and will become applicable.
Article 4: Licensed Micro-finance Institutions shall promptly
remedy any reserve deficiency as soon as they are notified of such deficiency
by the National Bank of Cambodia.
Article 5: Violation to the provisions of this Prakas may give
rise to disciplinary sanctions as set forth in Article 52 of the law on Banking
and Financial Institutions.
Article 6: All provisions contrary to this Prakas are hereby
repealed.
Article 7: The General Direction, the General Secreteriat,
the General inspection, the General Casier and all departments of the National
Bank of Cambodia supervisory authority shall strictly implement this Prakas.
Article 8: This Prakas shall have effect from the signing
date.
Phnom Penh, February 25, 2002 Governor Signed and sealed:
CHEA CHANTO
B 7.02-47 Pror Kor
PRAKAS
ON REPORTING REQUIREMENT
FOR REGISTERED NGOs AND LICENSED MICROFINANCE
INSTITUTIONS The Governor of the National Bank of Cambodia
- With reference to the Constitution of the Kingdom of
Cambodia,
- With reference to the Royal Kram NS/RKM/0196/13 of January 26,
1996 promulgating the Law on the Organization and Functioning of the National
Bank of Cambodia,
- With reference to the Royal Kram NS/RKM/ 1199/13 of November
18, 1999 promulgating the Law on Banking and Financial Institutions,
- With reference to the Royal Degree Chor Sor/RKT/0398/85 of
March 10, 1998 on the appointment of His Excellency Chea Chanto as Governor
General of the National Bank of Cambodia,
- With reference to the PRAKAS No. B 700-06 Pror Kor of January
11, 2000 on licensing of Micro-finance Institution,
- Pursuant to the agreement of the leader meeting of the
National Bank of Cambodia on January 31, 2002
Decides as following:
Article 1: Registered micro-finance operators and licensed
micro-finance institutions shall submit regular reports to the National Bank of
Cambodia with regard to their financial results, their loan portfolio, the
deposits they mobilize and their network of branches and offices.
Article 2: Every quarter, registered micro-finance operators
shall be required to prepare the following reports to be submitted the National
Bank of Cambodia within one month of the end of
each quarter:
- Statement of assets and liabilities
- Statement of profit and loss
- Breakdown of deposits by category
- Breakdown of deposits by currency
- Loan breakdown by category
- Loan breakdown by currency
- Loan classification and delinquency ratio
- Network of branches and offices.
Article 3: Every month, Licensed Micro-finance Institutions
shall be required to prepare the
following reports to be submitted to the National Bank of
Cambodia within 15 days of the end of
each month:
- Statement of assets and liabilities
- Statement of profit and loss
- Off balance sheet
- Breakdown of deposits by category
- Breakdown of deposits by currency
- Loan breakdown by category
- Loan classification, loan loss provisions and delinquency
ratio
- List of loan to related parties
- List of large exposures
- Calculation of capital adequacy ratio
- Calculation of liquidity ratio.
Article 4: At the end of each quarter, Licensed Micro-finance
Institutions shall be required to submit reports on evolutions of their
branches and offices network to the National Bank of Cambodia.
Article 5: Every year, Micro-finance Institutions shall be
required to prepare the following reports to be submitted to the National Bank
of Cambodia by the 30th of April of the following year:
- Audited financial statements
- Board of Directors' Annual Report
- Statistics of staff and salaries
- Up-dated organization chart with names and titles of
incumbents.
Article 6: All the reports shall be prepared according to the
format prescribed by the National Bank of Cambodia.
Article 7: Violation to the provisions of this Prakas may give
rise to disciplinary sanctions as set forth in Article 52 of the law on Banking
and Financial Institutions.
Article 8: All provisions contrary to this Prakas are hereby
repealed.
Article 9: The General Direction, the General Secretariat,
the General Casier, the General inspection all departments of the National Bank
of Cambodia supervisory authority shall strictly implement this Prakas.
Article 10: This Prakas shall have effect from the signing
date.
Phnom Penh, February 25, 2002 Governor Signed and sealed:
CHEA CHANTO
B 7.02-48 Pror Kor
PRAKAS
ON LIQUIDITY RATIO APPLICABLE
TO LICENSED MICROFINANCE INSTITUTIONS
The Governor of the National Bank of Cambodia
- With reference to the Constitution of the Kingdom of
Cambodia,
- With reference to the Royal Kram NS/RKM/0196/27 of January 26,
1996 promulgating the law on the Organization and Functioning of the National
Bank of Cambodia,
- With reference to the Royal Kram NS/RKM/ 1199/13 of November
18, 1999 promulgating the law on Banking and Financial Institutions,
- With reference to the Royal Degree Chor Sor/RKT/0398/85 of
March 10, 1998 on the appointment of His Excellency Chea Chanto as Governor
General of the National Bank of Cambodia,
- With reference to the PRAKAS No. B 700-06 Pror Kor of January
11, 2000 on Licensing of Micro-finance Institutions,
- Pursuant to the agreement of the leader meeting of the
National Bank of Cambodia on January 23, 2002.
Decides as following:
Article 1: Licensed Micro-finance Institutions shall at all
times maintain a liquidity ratio of at least 100°/°.
Article 2: The liquidity ratio will be calculated as follows:
- numerator: cash on hand, plus deposits with the
National Bank of Cambodia, plus deposits
with banks, minus the amount owed to the National Bank of
Cambodia and banks ( net
liquidity ), plus the portion of loans outstanding maturing in
less than one month - denominator: 25°/°of voluntary
savings, excluding compulsory savings.
Article 3: Licensed Micro-finance Institutions shall file
monthly calculations of their liquidity ratio in accordance with the reporting
format prepared by the National Bank of Cambodia.
Article 4: Violations to the provisions of this Prakas may give
rise to disciplinary sanctions as set
forth in Article 52 of the law on Banking and Financial
Institutions.
Article 5: All provisions contrary to this Prakas are hereby
repealed.
Article 6: The General Direction, the General Secretariat,
the General inspection, the General Cashier and all Departments of the National
Bank of Cambodia, and all Micro Financial Institutions under of the National
Bank of Cambodia supervisory authority shall strictly implement this Prakas.
Article 7: This Prakas shall have effect from the signing
date.
Phnom Penh, February 25, 2002 Governor Signed and sealed:
CHEA CHANTO
B 7.02-49 Pror Kor
PRAKAS
ON REGULATION AND LICENSING OF MICROFINANCE
INSTITUTIONS The Governor of the National Bank of Cambodia
- With reference to the Constitution of the Kingdom of
Cambodia,
- With reference to the Royal Kram NS/RKM/ 0 196/27 of January
26, 1996 promulgating the law on the Organization and Functioning of the
National Bank of Cambodia,
- With reference to the Royal Kram NS/RKM/ 1199/13 of November
18, 1999 promulgating the law on Banking and Financial Institutions,
- With reference to the Royal Degree Chor Sor/RKT/0398/85 of
March 10, 1998 on the appointment of His Excellency Chea Chanto as Governor
General of the National Bank of Cambodia,
- With reference to the PRAKAS No. B 700-06 Pror Kor of January
11, 2000 on Licensing of Micro-finance Institutions,
- Pursuant to the agreement of the leader meeting of the
National Bank of Cambodia on January 31, 2002
Decides as following:
Article 1: Article 1 of Prakas No B 7-00-06 Pror Kor of January
11, 2000 on Licensing Micro-finance Institution, is hereby repealed and
replaced by the present Prakas.
Micro-finance is defined as follows:
Article 2: The microfinance means «the delivery of
financial services such as loans and deposits, to the poor and low-income
households, and to micro-enterprises»
Article 3: Registration with the National Bank of Cambodia is
compulsory for the all non-government organizations (NGOs), associations and
others entities engaged in micro-finance, if
they meet one of the conditions:
a) For those engaged in credit:
- Their loan portfolio outstanding is equal to or greater than
KHR 100 millions
b) For those engaged in savings mobilization
- The savings mobilized from the general public amount to KHR 1
million or more, OR
- The number of their depositors is 100 or more.
Article 4: Registered finance operators must comply with
existing law and regulations and meet the standard and criteria set by the
National Bank of Cambodia in the term of good governance, transparency, and
competence and honest management.
Article 5: The National Bank of Cambodia shall deliver the
certificate of registration to micro finance operators that present official
request for registration, meets the set standard and criteria, and submit the
required information and documents. This certificate can be withdrawn and the
registration cancelled if the operators do not comply with conditions set by
the National Bank of Cambodia.
Article 6: Micro finance operators that is denied
registration by the National Bank of Cambodia, or whose registration is
cancelled by the National Bank of Cambodia, shall cease micro finance activity
within three months of being informed of the National Bank of Cambodia's
decision.
Article 7: Registered micro finance operators shall provide
regular reports on their activities and organization, as and when required by
the National Bank of Cambodia.
Article 8: Licensing is compulsory for all micro-finance
institutions, if they meet one of the following conditions:
a) For those engaged in credit:
- Their loan portfolio outstanding is equal to or greater than
KHR 1,000 million, OR
- They have 1,000 borrowers or more
c) For those engaged in savings saving mobilization:
- The savings mobilized from the general public amount to KHR
100 million or more, OR
- The number of their depositors is 1,000 or more.
Article 9: Micro finance institutions are subject to
compulsory licensing shall prepare an application for a license to be submitted
to the National Bank of Cambodia have until December, 31 2002. Otherwise they
will have to scale down their volume of activity and operate as a registered
micro-finance institution, as provided for in Article 3 to 7 above.
Article 10: Violations to the provisions of this Prakas may give
rise to disciplinary sanctions as set forth in Article 52 of the Law on
Banking and Financial Institutions.
Article 11: The General Direction, the General Secretariat,
the General inspection, the General Cashier and all Departments of the National
Bank of Cambodia and all Micro Financial Institutions under of the National
Bank of Cambodia supervisory authority shall strictly implement this Prakas.
Article 12: This Prakas shall have effect from the signing
date.
Phnom Penh, February 25, 2002 Governor Signed and sealed:
CHEA CHANTO
B 7.02-49 Pror Kor
PRAKAS
On
Amendment on Prakas No B 7-00-51
THE CLASSIFICATION AND PROVISIONING FOR BAD AND DOUBTFUL
DEBTS, INCLUDING INTEREST IN SUSPENSE
The Governor of the National Bank of Cambodia
- With reference to the Constitution of the Kingdom of
Cambodia,
- With reference to the Royal Kram NS/RKM/ 0 196/27 of January
26, 1996 promulgating the law on the Organization and Functioning of the
National Bank of Cambodia,
- With reference to the Royal Kram NS/RKM/ 1199/13 of November
18, 1999 promulgating the law on Banking and Financial Institutions,
- With reference to the Royal Degree Chor Sor/RKT/0202/039 of
February 16, 2002 on the reappointment of His Excellency Chea Chanto as
Governor General of the National Bank of Cambodia;
- With reference to the PRAKAS No. B 7-00-51 on the
classification and provisions for Bad and Doubtful Debts, including Interest in
Suspense;
- Pursuant to the opinion of working group of banking and
financial service with private sector on 5 February 2002.
Decides as following:
Article 1: Article 4 of Prakas No B 7-00-51 on the
classification and provisioning for bad and doubtful debts, including interest
in suspense, is amended and has the following content: The mandatory minimum
level of specific provisioning, depending on the classification concerned,
shall be the following:
- Substandard : 10 °/°, regardless of collateral value
except cash,
- Doubtful : 30 °/° , regardless of collateral value
except cash,
- Loss: 100 °/° , if the banks can prove the actual
market value of collateral on the case by case basis, acceptable to the
National Bank of Cambodia, only part of loan uncovered will be provisioned.
Article 2: The General Direction, the General Secretariat, the
General inspection, the General
Cashier and all Departments of the National Bank of Cambodia,
and all Micro Financial Institutions under of the National Bank of Cambodia's
supervisory authority shall strictly implement this Prakas.
Article 3: This Prakas shall have effect from the signing
date.
Phnom Penh, June 7, 2002 Governor Signed and sealed: CHEA
CHANTO
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micro-crédit : expérience du prêt solidaire, septembre
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Phnom Penh Post, 18 juillet 2002.
TROCORNOT (A.), Le micro-crédit fait-il baisser la
pauvreté ?, in Le monde, Mardi, 14 Novembre 2006.
La naissance en France des prêts à la consommation,
in Le monde, 6 janvier 2006.
Pour lutter contre l'exclusion, Jaque Chirac mise sur le
microcrédit, in Le monde, 4 février 2006.
La Poste sollicite de l'Etat le droit de distribuer des
microcrédits, in Le monde, 17 mai 2006.
M. Borloo au chevet de l'exclusion bancaire, in Le monde, 29 juin
2004.
Cinq millions de personnes en France sont des exclus bancaires,
in Le monde, 10 juin 2004.
IV. Les textes légaux
1. En droit français
· Code monétaire et financier : L.51 1-1, L.51 1-6
alinéa 5.
· Code général des impôts : L'article
261 C 1° A.
· Loi n°2001-420 du 15 mai 2001 relative aux
nouvelles régulations économiques (NOR:ECOX0000021L, J.O. du 16
mai 2001) : Les articles 17 et 19 de la loi du 15 mai 2001 sur La Nouvelle
régulation économique.
· Décret n° 2002-652 du 30 avril 2002
portant application du 5° de l'article L. 511-6 du Code monétaire
et financier relatif aux associations habilitées à faire
certaines opérations de prêts (NOR : ECOT0214241D, J.O. du 2 mai
2002).
· Arrêté du 3 juillet 2002 pris en
application du décret n° 2002-652 du 30 avril 2002 relatif
à l'habilitation des associations sans but lucratif
mentionnées au cinquième alinéa de
l'article L. 511-6 du Code monétaire et financier (NOR :
ECOT0214255A, J.O. Numéro 161 du
12 Juillet 2002).
· Arrêté du 3 juillet 2002 portant
nomination au comité d'habilitation des associations sans but lucratif
mentionnées au cinquième alinéa de l'article L. 511-6 du
code monétaire et financier (NOR : ECOT0214254A, J.O. Numéro 161
du 12 Juillet 2002 ).
2. En droit cambodgien
· Loi portant réglementation des banques et des
institutions financières du 19 octobre 1999.
· Prakas (règlement) n° B 00-006/PrK du 11
janvier 2000 de la Banque centrale du Cambodge sur l'agrément des
Institutions de microfinance.
· Prakas n° B 7-02-49/PrK du 25 février 2002 de
la Banque centrale du Cambodge sur la reconnaissance et l'agrément des
IMF, modifiant le Prakas du 11 janvier 2000.
· Prakas n° B 7-02-45/PrK du 25 février 2002
sur la réserve obligatoire des institutions de microfinance.
· Prakas n° B 7-02-48/PrK sur le ratio de
liquidité des institutions de microfinance.
· Prakas n° B 7-02-47/PrK sur l'exigence de rapport
d'information pour les institutions enregistrées et
agréées.
· Prakas n° B- 7-01-115 prk du 14 août 2001 sur
le calcul de l'intérêt du crédit accordé par
l'institution de la micro-finance.
· Prakas n° B - 595 - 47 PK du 16 mars 1995 sur la
libération de taux d'intérêt.
· Décret-loi n° 3 8/Kch du 28 octobre 1988 sur
le contrat et la responsabilité extracontractuelle.
VI. Les sites Internets
-
www.légisfranc.com
-
www.moc.gov.kh et
www.nbc.gov.kh (pour tous les
textes légaux en droit cambodgien)
-
www.cgap.org
-
www.afd.fr
-
www.microcréditsummit.org
-
www.MicroSave.org
-
www.grameen.com
-
www.soc.titech.ac.jp/icm/icm.html
(La bibliothèque Virtuelle du micro-crédit) -
www.globenet.org/finansil/
(L'association pour le financement solidaire)
INDEX
(Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes)
Association de micro-crédit, 10-1, 13, 30-2, 80, 89,
105,106, 113-2, 114, 119.
Assurance, 54, 85 (V. aussi Micro-assurance)
- A -
Accès au crédit, 4, 10, 19, 22, 24, 26, 27, 29, 39,
44, 45, 49, 61, 65, 79, 84, 98, 101. Accords de Paris, 11.
- B -
Accompagnement, 10-1, 33-1, 43, 49, 51, 55, 56, 59, 60, 71,
77, 90, 102-3, 113, 113- 2, 114, 134.
Banque,
- européenne d'investissement, 88.
- Commerciale, 12, 14, 78, 80, 82, 89, 94, 95 et s., 132,
134.
- du développement rural, 11.
- Grammen Bank, 1, 6, 8, 9, 33, 36, 38, 39.
- Nationale du Cambodge, 95 et s., 105.
- Mutualiste, 6.
- Spécialisée, 11, 95-2. Blanchiment de
l'argent, 104. Bon risque de crédit, 6, 83.
Acte du commerce, 21.
Activité
- commerciale, 21, 98.
- économique, 2, 29, 38, 40, 48, 61, 76, 77, 98.
- génératrice de revenus, 1, 30, 39, 59, 67,
134.
- professionnelle, 30-1, 100.
Action en justice, 96.
Affectation de crédit, 15 (V. aussi Destination du
crédit)
Agrément, 108, 109-1, 109-2, 112,118. Aléa moral,
20, 24.
Année Internationale du micro-crédit, 1.
Asymétrie d'information, 20, 22, 23, 33
- C - - D -
Caisse des dépôts et consignations (CDC), 41, 49,
90.
Capital social, 13, 73.
Capitalisation des intérêts, 85.
Caution solidaire, 6, 33-1, 33-2,126 (V. aussi Groupe
solidaire)
Citoyenneté économique, 5, 10, 29-1, 39, 92.
Clientèle du micro-crédit, 29, 51, 52.
Comité d'habilitation des associations de l'article L.51 1-6
alinéa 5 du CMF, 114. Comité d'orientation et de suivi de
l'emploi des fonds de FCS (COSEF), 102-1. Compte bancaire, 19.
Concurrence, 21, 40, 41, 91.
Concours bancaire, 27.
Consommateur, 81, 103.
Coopérative d'épargne-crédit, 6.
Crédit
- Affecté, V. Destination de crédit
- A la consommation, 30, 30-1, 30-2, 76, 101,
- Amortissable, 85, 95-2.
- Solidaire, 33-1, 40 (V. aussi Groupe solidaire)
- A des fins professionnelles, 30, 30- 2.
- Progressif, 32, 33, 34,
- Sociaux, 10-2, 48, 112.
- Municipal de Paris (CMP),
Découvert, 93.
Destination de crédit, 28, 30, 38, 53, 69, 98, 102-1,
Dépôt, 104, 109-1,
Dépôt de garantie, 54, 120, Distribution de
crédit, 16, 18, 21, 26, 27, 36, 55, 98.
Dignité du crédit, 21.
Droit au crédit, 3, 19.
- E -
Exclusion financière, 5, 9, 10, 10-1, 10-2, 21, 30-2, 46,
49, 76, 92-2, 102,
103, 112, 113.
Exclusion bancaire, 10, 112, 119. Epargne, 6, 12, 13, 29-2, 65,
67, 76,
104, 106, 109 et s., 117, 118, 120, 129.
Esprit d'entreprise, 29-1, 39, 72, 92- 2.
Etablissement de crédit, 13, 21, 26, 55.
- F -
Fichier des incidents de paiement (FICP), 26.
Finalité de prêt (V. Destination de
crédit)
Financement, 3, 10-1, 11, 14, 20, 27, 29, 33-3, 39, 40, 41,
42, 53, 77, 89, 92-2, 94, 120, 132, 136.
- le dualisme de -, 2.
- formel, 2, 3, 17, 27, 61.
- informel, 2, 4, 17, 77.
Fonds de garantie, 43, 44 et s., 102-2, 126.
- Fonds de garantie pour la création, la reprise ou le
développement d'entreprise à l'initiative des femmes (FGIF),
44.
- Fonds de garantie pour l'insertion économique, 45.
- Fonds solidarité logement, 54.
- Fonds de cohésion sociale (FCS),
10-2, 29-1, 102-2, 126, 131, 132. Forme juridique, 107, 111, 114,
(V. aussi Statut juridique des opérateurs du
microcrédit)
Fonds de roulement, 40, 44.
Fonds de réserve, 123, 126.
Fonds propres, 26, 30, 39, 40,123, 127. - quasi fonds propres,
39, 41. Fongibilité de l'argent, 62.
Groupe solidaire, 32, 33, 33-1, 33-2, 59.
- I -
Intérêt
- calcul d'-, 85, 95-2.
- capitalisation des -, 85.
- taux d'-, 23, 78 et s. Insolvabilité, 119, 33-2
(V. Risque d 'insolvabilité)
Institution du micro-crédit (IMC), 72, 76, 78, 79, 80, 83,
84, 88, 89, 106. Institution de la micro-finance (IMF), 12, 12, 95 et s., 106,
118.
- IMF agréée, 108, 109, 109-1, 109-2.
- IMF reconnue, 108, 110. Intermédiaire financier,
6.
- L -
Locapass, 54.
1% logement (V. Locapass)
Garantie, 16, 20, 23, 24, 25, 33-1, 42, 44, 89.
- morale, 33, 33-2.
- matérielle, 33, 33-2.
- technique de -, 32, 33-2.
- d'impayé de loyer, 54.
|
Marché financier, 2. Micro-assurance, 7, 106.
Micro-crédit,
- caractéristiques du -, 17, 18, 28 et s., 58.
- définition du -, 2, 10-2, 16,
|
- G - - M -
56, 57 et s., 106 et s.
- modèle du -, 28, 33-1.
- impacts du-, 14, 16, 62, 63 et s.
- nature juridique du -, 3 0-2.
- spécificité du -, 105, 116, 120,
121. Micro-découvert, 61.
Micro-épargne, 7, 106.
Micro-finance, 7, 78, 92-2, 95-1, 104, 106. Monopole bancaire,
91, 112.
- O -
Opération de banque, 39, 95-1, 95-2,109-1, 101,111.
Opération de crédit, 23, 30-1, 39, 58.
Opérateur du micro-crédit, 12, 13, 29-2, 30- 2, 31, 32, 68, 33,
78, 79, 83, 84, 88 et s., 103 et s., 110 et s.
- statut juridique des -, 13, 106, 107 et s.
- habilitation des -, 114.
- P -
Partenariat, 10-1, 30-2, 42, 43, 49, 50, 60, 78, 90, 105, 130 et
s.,
Pauvre actif, 29, 92-2.
Prêt,
- à la consommation, (V. crédit à
la consommation)
- à la création d'entreprise (PCE), 15, 39, 40,
42.
- affectation du -, (V. Destination du
crédit)
- collectif, (Vi. Crédit solidaire)
- d'honneur, 15, 39, 40, 41.
- participatif, 41.
- sur gage, 6, 50, 56. Profession, 13, 39, 95-2, (V. aussi
Activité professionnelle)
Protection des emprunteurs, 81, 91, 103.
Proximité, 2, 4, 23, 24, 28, 32, 33-3, 59, 61, 70.
Provision des crédits non garantis, 126.
- R -
Ratio bancaire, 26.
- de division des risques, 123, 127.
- de liquidité, 9, 128.
- de solvabilité, 26, 127,
- provision des crédits non garantis, 126.
Réglementation prudentielle, 13, 106, 115, 116 et s.,
(V. aussi Ration bancaire)
- champ d'application, 190-2, 116, 117 et s.
- contenu, 116, 120, 121. Réglementation
spécifique, 13, 107, 105, 107, 108, 115.
Répression financière, 80.
Réserve obligatoire, 128.
Risque de crédit, 10, 21, 32, 83, 122.
- d'immobilisation, 21.
- d'insolvabilité, 21.
- Pondération de -, 13, 122. Risque de remboursement,
4, 76, 89.
- S -
Secours Catholique, 46, 49, 51.
Semaine du micro-crédit, 10-2.
Service bancaire de base, 19, 113.
Service financier, 7, 12, 29-2, 33, 59, 65, 70, 71, 72, 78,
84, 88, 89, 95-1, 95-2, 106, 117.
Scoring, 21, 22.
Société financière, 30-1, 30-2, 105. Sommet
Global du micro-crédit, 1, 6. Solvabilité, 4, 26, 29-2, 118,
131.
Statut juridique des opérateurs du microcrédit,
106, 107 et s.
- en droit cambodgien, 107, 108 et s.
- en droit français, 107, 112. Subvention, 41, 69, 80,
88, 104, 123. Surendettement, 10-2, 14, 16, 26, 62, 63, 75, 76 et s., 100,
102-1.
Système bancaire du Cambodge, 11. Système
financier, 5, 6, 14, 92-2, 117.
- T -
Taux bonifié, 87, 88.
Taux d'intérêt, 12, 23, 50, 78, 79 et s., 135.
- libéralisation des -, 12, 79, 80, 86.
- plafonnement des -, 81, 82 et s., 85, 91, 95-2.
- taux d'usure, 12, 79, 80, 83, 91, 96.
Taux de remboursement, 29-2, 72, 88.
Taux effectif global (TEG), 85, 91. Tolérance, 61.
Tontine, 118.
Transparence, 82, 84, 85, 86. Transfert de fonds, 7, 65.
Typologie du micro-crédit, 10-2, 16, 17, 35, 36 et s.,
101, 105.
- micro-crédit social, 2, 10-2, 14, 16, 30-2, 36, 45,
46 et s., 77, 97, 105.
- micro-crédit professionnel, 2, 14, 16, 30, 36, 37 et
s., 43, 96, 97, 101, 103, 105.
- U -
Usure, 6, 12, 50, 85, 92-1, 95, 98, 99, 100, 102.
Usurier, 4, 23, 24, 50, 65, 84, 90, 101.
- V -
Viabilité financière, 12, 78, 79
TABLE DES MATIÈRE
Remerciement i
Sommaire iii
Introduction 1
Première Partie : LA NOTION DE
MICRO-CREDIT
Chapitre I : La typologie du micro-crédit
14
Section I : Les caractéristiques du micro-crédit
14
§ 1. - La réticence bancaire en matière du
micro-crédit 15
§ 2. - Les caractéristiques du micro-crédit
20
Section II : La typologie du micro-crédit 32
§ 1. - La conception restrictive du micro-crédit :
le micro-crédit professionnel 33
A. L'origine du micro-crédit professionnel 33
B. Le Fonds de cohésion sociale : l'instrument du
développement du micro-crédit
professionnel 37
§ 2. - L'innovation du micro-cédit social 39
A. Le Fonds de cohésion sociale : une démarche
novatrice du micro-crédit social--
40
1. L'origine du micro-crédit social 40
2. Les conditions de l'octroi du micro-crédit social
43
B. L'incidence sur la définition du micro-crédit
46
1. La diversité de la définition du
micro-crédit crédit 48
2. La définition du micro-crédit proposée
50
Chapitre II : Les impacts du micro-crédit
53
Section I : Les impacts socio-économique et financier du
micro-crédit 53
§ 1. - Les impacts économiques et financiers 54
A. L'impact financier du micro-crédit 54
B. L'impact économique du micro-crédit 55
1. La création d'emplois 55
2. L'impact sur les revenus 58
§ 2. - Les impacts sociaux du micro-crédit 62
Section II : Le micro-crédit et le surendettement des
particuliers 63
Seconde Partie : LA REGLEMENTATION DU
MICRO-CREDIT
Chapitre I : La réglementation des taux
d'intérêt du micro-crédit 70 Section I :
La libéralisation ou la répression des taux d'usure du
micro-crédit 71
§ 1. - Les impacts du plafonnement des taux d'usure 72
A. La restriction de l'accès au micro-crédit
72
B. L'absence de transparence 74
§ 2. - Plaidoyer pour la libéralisation des taux
d'usure du micro-crédit 76
Section II : La politique législative des taux
d'intérêt 81
§ 1. - L'inapplicabilité du Prakas du 16 mars 1995
au micro-crédit accordé par les IMF -82
§ 2. - L'influence du micro-crédit sur le droit
français en matière de taux d'intérêt 85
A. Le cas du micro-crédit professionnel 86
B. Le cas du micro-crédit social 89
Chapitre II : La réglementation des
opérateurs du micro-crédit 92 Section I : Le
cadre institutionnel et réglementaire des opérateurs du micro-
crédit 94
§ 1. - Le statut juridique des opérateurs du
micro-crédit 95
A. Le statut juridique des opérateurs du
micro-crédit en droit cambodgien ---- 96
B. Le statut juridique des opérateurs du
micro-crédit en droit français 101
§ 2. - La réglementation prudentielle des
opérateurs du micro-crédit 105
A. Le champ d'application de la réglementation
prudentielle 105
1. Le cas des opérateurs du micro-crédit
opérant à la fois les activités de crédit et
d'épargne 106
2. Le cas des opérateurs du micro-crédit
offrant uniquement les produits du micro-crédit 108
B. Le contenu des règles prudentielles adaptées aux
opérateurs du micro-crédit---- 110
1. Les remarques préliminaires 111
2. L'adaptation des règles prudentielles aux
opérateurs du micro-crédit 113
Section II : La réglementation favorisant le partenariat
Banques-Organimses du
micro-crédit 118
Conclusion 124
Annexe 126
Bibliographies 140
Indexe alphabétique 148
Table des matières 153
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