C. La ?-convergence
Une autre façon d'estimer la convergence est de
chercher une relation, sur un ensemble de régions ou de pays, entre le
taux de croissance actuel et leur niveau de richesse initial respectif. Une
relation négative signifiera que plus un pays est "en retard au
départ", plus son taux de croissance sera élevé et vice
versa. En d'autres mots, une relation négative entre le taux de
croissance et le niveau de développement initial indique que les pays
pauvres manifestent des signes de rattrapage économique.
30 Ederveen et al. (2002, p. 30.) Les observations portaient
sur des périodes variables entre 1977 et 1996. En outre, l'Irlande, le
Danemark et le Luxembourg n'ont pas été étudiés car
ces pays sont considérés comme étant constitués
d'une seule région.
31 Le terme "cohésion" fait référence aux
Fonds de Cohésion dont bénéficient ces quatre pays
à cause de leur niveau de revenu par tête particulièrement
bas durant l'essentiel de la période d'après-guerre.
Cette relation négative, qu'on a coutume d'appeler
"f3-convergence", est étroitement liée au modèle de
croissance néoclassique de Solow (1956) présenté au
premier chapitre. Pour rappel, en présence de rendements
d'échelle constants et de rendements décroissants du capital,
Solow prédit un taux de croissance économique positivement
corrélé à la distance qui sépare une région
de son niveau stationnaire. En d'autres termes, chaque région
croît d'autant plus vite qu'elle est initialement retardataire. Mais au
sein même de ce concept de f3- convergence, il nous faut encore
distinguer la convergence absolue (ou inconditionnelle) de la convergence
conditionnelle dont nous allons parler successivement dans un instant.
Comme pour la a-convergence, il nous a semblé plus
opportun de tenter une revue de la littérature pour dégager les
grandes tendances et en tirer les principaux enseignements plutôt que de
conduire nous-même une régression originale dont la portée
et la pertinence risquaient d'être fort limitées. Après un
dépouillement approfondi de la littérature existante, nous
pensons pouvoir présenter ici la grande majorité des
études empiriques utilisant ces techniques.
1. La ?-convergence absolue (inconditionnelle)
Dans le modèle de croissance néoclassique de
Solow, des économies considérées comme structurellement
identiques, ayant le même accès à la technologie, un taux
d'investissement et un taux de croissance de la population active identiques,
évolueront à long terme vers un seul état stationnaire
commun. L'hypothèse de convergence devrait alors se vérifier :
les pays pauvres devraient bénéficier d'une croissance
économique moyenne supérieure à celle des pays riches. La
f3-convergence absolue décrit ce comportement de retour à une
moyenne unique.
Il y aura donc f3-convergence absolue entre une année
initiale t-n et une année t, lorsque l'on obtient un paramètre f3
significativement négatif pour la régression du taux de
croissance du PIB par tête d'un ensemble de i régions sur leur
niveau initial de richesse par habitant
respectifXi , t - n :
log(X )log(X))/n log Xu
i , t i , t n i , t n i , t
- = á + â+
- - (1)
On conclura à une convergence d'autant plus rapide, vers
un même niveau de revenu, que le paramètre f3 sera
significativement négatif. représente le terme d'erreur et
intègre les chocs
ui , t
aléatoires qui peuvent survenir entre t-n et t.
Il faut cependant se garder de confondre le paramètre
f3 et la vitesse de convergence proprement dite. Certains articles emploient
parfois abusivement le terme de taux (ou vitesse) de convergence pour
désigner le paramètre f332 . Nous tâcherons
d'éviter cette confusion car s'il existe évidemment une
importante corrélation entre les deux concepts, l'équation (1)
n'est qu'une version simplifiée de l'équation
généralement utilisée pour mesurer la vitesse de
convergence33. Cette dernière, dérivée de
l'équation (1), peut être calculée pour une période
n par :
b=-[log(1-n â )]/n (2)
où b est la vitesse (ou taux ) de convergence annuelle. En
sens inverse, on peut évidemment très facilement retrouver le
paramètre f3 : (1e-bn ) / n
â=--
Soulignons enfin que la f3-convergence absolue estimée
peut être tout à fait différente des résultats
obtenus en observant l'évolution des disparités régionales
au cours du temps (a-convergence). La f3-convergence est en effet une condition
nécessaire de la a-convergence, mais l'inverse n'est pas vrai. Quah
(1993), Hénin & Le Pen (1995) ont démontré que la
présence de chocs aléatoires (intégré dans
l'équation par le terme d'erreur ) propres à
ui , t
chaque région peut limiter la réduction de la
dispersion (a-convergence) sans pour autant affecter le processus de retour
à une moyenne (f3-convergence). Par conséquent, il est tout
à fait possible de rencontrer de la f3-convergence sans qu'il y ait pour
autant a-convergence.
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