La Convergence Régionale dans l'Union Européenne. Le Rôle des Fonds Structurels.( Télécharger le fichier original )par François Defourny Université de Liège - Maîtrise en Sciences Economiques 2003 |
1.1. Les études empiriques de la ?-convergence absolue (inconditionnelle)Comme nous l'avons fait pour la a-convergence, il faut considérer différemment le niveau national du niveau régional. Une nouvelle fois, comme le montrent Esteban (1994), Martin (1999b) ou encore Dall'erba & Hewings (2003), la convergence entre pays apparaît incontestable. La f3-convergence absolue est unanimement acceptée entre les Etats membres. 32 Voir par exemple Dall'erba & Le Gallo (2003, p. 9); Herz (2002) ou encore Ederveen, Gorter, de Mooi & Nahuis (2002, p. 55) 33 Voir Barro & Sala-i-Martin (1991 et 1992) Les études les plus pessimistes trouvent un taux de convergence annuel de 2% par an34. Les plus optimistes comme Solanes & Dolores (2001) vont jusqu'à 8,6% par an, ce qui paraît tout de même assez surprenant. Autre indicateur de cette convergence inter-pays, de 1960 à 2000, le PIB/hab. de l'Espagne est ainsi passé de 59% de la moyenne européenne35 à 82%. Celui du Portugal et de la Grèce est passé de près de 40 à 70% de la moyenne et le "miracle irlandais" n'est plus à présenter36. Depuis la fin des années quatre-vingt, ce rattrapage n'a cessé de se confirmer (voir Annexe 2). Entre 1994 et 2001, la croissance annuelle du PIB par habitant des quatre pays de la cohésion37 a dépassé de 1% par an la moyenne de l'Union. Bien que le dernier élargissement représente un nouveau défi en termes de convergence inter-pays, nous ne nous attarderons pas plus longtemps à ce niveau de nomenclature où le débat à propos des dernières décennies demeure relativement limité. Nous retiendrons donc simplement pour la suite, la puissance du processus de convergence entre les Etats membres. C'est au niveau régional que les différents travaux divergent davantage, du moins à première vue. Pour synthétiser le débat, nous avons rassemblé les résultats d'une petite cinquantaine d'observations de 3-convergence absolue en Europe. Une comparaison immédiate de ces résultats n'aurait eu que peu de sens étant donné la diversité des échantillons observés tant au niveau de leur taille qu'au niveau de la nomenclature utilisée. On trouve en effet des échantillons de toute taille et de toute composition allant de moins de 70 régions NUTS I38 à plus de 700 régions NUTS III39 en passant par des échantillons "reconstruits" pour lesquels les auteurs ont choisi de sélectionner des régions de différents niveaux de nomenclature. Comme l'a démontré Capron (2000), même en se cantonnant au cadre strict et restrictif de la 3-convergence absolue du PIB par habitant au niveau régional, le choix de la nomenclature a un impact décisif sur les résultats obtenus. Non seulement il obtient des vitesses de convergence différentes pour les différents types de régions, mais en plus, elles ne suivent pas nécessairement la même évolution. Certains auteurs reconnus comme Maurseth (2001) et Martin (2001) semblent pourtant négliger cet aspect du problème et proposent des comparaisons qui nous semblent un peu hasardeuses. 34 Voir parmi d'autres, Ederveen et al. (2002), p. 27. 35 Référence = EU 15 36 Barry (2003) et European Commission AMECO database 37 Pour rappel, les "pays de la cohésion" sont l'Irlande, le Portugal, la Grèce et l'Espagne. 38 Cappelen et al. (1999) 39 Capron (2000) Ne voulant comparer que ce qui est comparable, nous avons choisi de limiter notre comparaison aux deux types d'échantillons régionaux les plus observés. La plus grande famille de régressions porte sur des échantillons n'intégrant que des régions de niveau NUTS II. Les critères d'éligibilité à l'Objectif 1 portent exclusivement sur ce niveau régional40, ce qui explique sans doute l'intérêt des économistes pour cette classe de régions. Nous verrons par la suite que certains auteurs justifient un mélange de régions de type NUTS I et NUTS II pour une analyse plus pertinente. 1.2. La ?-convergence absolue au niveau NUTS II Dans le Tableau 1, nous avons compilé une dizaine de ces tests de f3-convergence absolue au niveau NUTS II. De même que pour les tableaux qui suivront, plusieurs estimations peuvent provenir d'une même étude, mais les différences d'échantillons et de périodes observées nous imposent de les présenter séparément. Les deux premières colonnes présentent les caractéristiques de l'estimation : les auteurs de l'étude dont elle est issue et l'année de publication. Malgré la sélection que nous venons d'effectuer en termes de nomenclature, d'importantes différences de taille d'échantillon subsistent. Cela s'explique surtout par l'imparfaite disponibilité des données. Ce problème se pose par exemple pour certaines régions grecques et pour plusieurs Territoires d'Outre-Mer français dont les données régionales sont souvent incomplètes. Cette carence de données semble d'ailleurs assez systématiquement corrélée au retard de développement qu'accuse une région41. D'autre part, certains auteurs choisissent arbitrairement de laisser de côté l'une ou l'autre région pour son évolution exceptionnelle relativement à l'ensemble de l'échantillon. La région de Groningen est par exemple exclue de l'échantillon par la plupart des auteurs, car, centre de l'industrie pétrolière néerlandaise, elle a connu un déclin très particulier et assez artificiel durant les années 80. L'Irlande, pour ses performances économiques hors du commun au cours de ces deux dernières décennies, est aussi régulièrement sortie de l'échantillon. On peut penser que la pertinence d'une étude est proportionnelle à la complétude de son échantillon. Mais dans le contexte européen, les disparités économiques entre régions sont telles qu'il nous 40 La nomenclature NUTS II est utilisée pour observer l'éligibilité à l'Objectif 1. Cela signifie que deux tiers des Fonds Structurels ciblent ce type de région. Les autres types d'objectifs s'adressent quant à eux à des régions de niveau NUTS III. 41 Herz (2002) paraît raisonnable d'exclure les régions les plus originales si l'objectif est de tirer quelques conclusions fiables pour la majorité des entités. Enfin, la longueur de la période étudiée varie également d'une étude à l'autre, ce qui complique sérieusement l'observation de l'évolution de la vitesse de convergence au cours du temps. Nous avons arbitrairement choisi de classer ces estimations dans l'ordre croissant de l'année médiane de leur période respective. Cela nous a semblé être le moins mauvais critère de classement chronologique. Nous sommes parfaitement conscient des limites d'une telle opération mais l'objectif n'est ici que de dégager un "trend". Tableau 1 : â-Convergence Absolue du PIB/ hab. au niveau NUTS II
Dans leurs travaux, les auteurs fournissent la valeur estimée du paramètre f3 ou du taux (ou vitesse) de convergence qui en découle. A l'aide des formules (1) et (2), nous avons calculé les valeurs manquantes de manière à pouvoir conduire une comparaison. La significativité quant à elle, lorsqu'elle est donnée, porte bien entendu sur le(s) résultat(s) original(ux) de l'auteur, coloré(s) dans le tableau43. Le relatif ordre chronologique dans lequel nous avons classé les estimations du Tableau 1 nous permet d'observer une augmentation notable du taux de convergence depuis la seconde moitié des années quatre-vingt. Cette tendance44 apparaît encore plus nettement sur le 42 Le nombre de décimales, dans les cases colorées, dépend des données fournies par l'auteur. 43 En rouge: les estimations significatives au seuil de 15%. En rose: les estimations non significatives au seuil de 15% ou dont la significativité n'a pas été précisée. 44 Sur le Graphique 2, la courbe de tendance polynomiale d'ordre deux, calculée par Excel apparaît en pointillés. Ce type de tendance, est généralement utilisé pour représenter des fluctuations de données. L'ordre de la courbe Graphique 2 où nous avons aligné les différents taux de convergence estimés du Tableau 1. On voit notamment que le retrait des résultats non significatifs au seuil de dix pour cent (en rose sur le graphique) ne modifie pas cette conclusion et que la tendance à la hausse se maintient. Selon Capron (2000), le lancement de la nouvelle politique régionale européenne en 1989 n'est certainement pas étranger à cette amélioration de la convergence. Pour notre part, il est encore trop tôt pour suggérer un quelconque lien de cause à effet. Graphique 2 : Evolution de la â-convergence absolue du PIB/ hab. au niveau NUTS II 2,5 3,5 0,5 1,5 2 3 0 1 Etudes classées chronologiquement en fonction l'année médiane de la période observée L'observation du Graphique 2 nous conduit à formuler plusieurs remarques importantes : - Il faut, avant toute chose, relativiser cette amélioration du taux de convergence des régions du niveau NUTS II, aussi significative puisse-t-elle apparaître. Elle reste en effet très modeste comparée à ce que la plupart des études évaluent au niveau national. La modestie de la convergence régionale combinée à la puissance du processus au niveau national nous amène à penser, comme pour la ý-convergence, que la convergence intrapays n'est pas vérifiée pour tous les Etats. Ederveen et al. (2002) et Barry (2003) ont largement montré ce phénomène de divergence interne que manifestent certains pays. Signalons au passage que la Commission Européenne reconnaît ce phénomène qu'elle appelle "le paradoxe de la convergence divergente"45. Si cette tendance devait se confirmer par la suite, cela accréditerait les prévisions des théories plus "pessimistes" présentées au premier chapitre. Nous y reviendrons en détails plus tard. (minimum 2) peut être déterminé par le nombre de courbures de la courbe. Nous l'avons fait apparaître sur nos différents graphiques à titre indicatif pour souligner l'évolution de long terme de la vitesse de convergence. 45 Commission Européenne (2003) - Suivant nos critères de sélection, il ne nous a été possible que de présenter des études se penchant sur les années quatre-vingt et nonante. Or, il est nécessaire de replacer cette évolution récente dans son contexte historique. S'il apparaît sur notre graphique que la vitesse de convergence régionale était extrêmement faible au début des années 80, il n'en a pas été de même au cours des décennies précédentes. Armstrong (1995) trouve une vitesse de convergence absolue au niveau NUTS II de 0,2% pour la période courant de 1981 à 1993 alors qu'elle était de 2,7% dans les années soixante et de 1,8% dans les années septante. Pour Button et Pentecost (1999), ce taux de convergence était de 1% de 1975 à 1985 pour 0,6% de 1980 à 1990. Ces évolutions antérieures suggèrent que le graphique pourrait prendre une forme convexe pour l'ensemble de la seconde moitié du vingtième siècle. Nous verrons si cette intuition est confirmée par la suite. - Suite aux vagues successives d'élargissement, les disparités régionales au sein de l'Union Européenne n'ont cessé de s'accentuer. Du fait que les différents échantillons ne suivent pas exactement l'évolution de la construction européenne, la convergence ici étudiée ne reflète qu'imparfaitement l'impact de ces vagues d'élargissement successives. Pour donner une idée de cette problématique, 50 des 211 régions (NUTS II) de l'Union (à 15 pays) avaient en 2003 un revenu par habitant inférieur à 75% de la moyenne. Cette hétérogénéité de niveaux de richesse s'est encore considérablement accentuée avec le tout récent élargissement à l'Est, puisque tous les nouveaux membres ont un niveau de revenu par habitant inférieur à ce seuil. - Enfin, en nous limitant au niveau NUTS II, nous avons contenu le débat dans des limites raisonnables. En se penchant sur les autres niveaux de désagrégation spatiale, les différences de résultats sont encore bien plus marquées. Par exemple, au niveau NUTS I, Barro et Sala-i-Martin (1995) et Capron (2000) arrivent à des résultats tout à fait contradictoires : le second rejette l'hypothèse de f3-convergence absolue quand les premiers voient sur la même période une convergence très significative. Le même type de débat est également présent au niveau NUTS III avec peut-être davantage encore de divergences dues à l'ampleur et à la variété des échantillons. Le faible nombre de travaux portant sur le niveau NUTS II rend nos observations relativement vulnérables. Pour renforcer nos intuitions, il nous faut rassembler davantage d'études. L'observation d'échantillons mixtes nous permettra peut-être de confirmer la tendance observée pour les régions NUTS II. |
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