La Convergence Régionale dans l'Union Européenne. Le Rôle des Fonds Structurels.( Télécharger le fichier original )par François Defourny Université de Liège - Maîtrise en Sciences Economiques 2003 |
ConclusionsL'objectif initial de ce mémoire était d'appréhender l'évolution des disparités régionales dans l'Union Européenne au cours de ces dernières décennies et d'évaluer le rôle joué par la Politique européenne de Cohésion en vue de réduire celles-ci. Après avoir constaté d'importantes divergences d'opinions et de prévisions dans la littérature théorique, nous avons cherché à retracer l'évolution des disparités de PIB/ hab. au niveau régional en Europe. La compilation d'un nombre important d'études déjà réalisées sur le sujet nous a permis de dégager certaines tendances assez nettes. Ainsi, après avoir décru jusqu'au milieu des années septante, la convergence régionale a pratiquement disparu pendant une dizaine d'années pour timidement redémarrer à la fin des années quatre-vingt et progresser doucement depuis lors. Au niveau national, la situation est sensiblement différente puisque les disparités de richesse ont diminué à un rythme nettement plus soutenu depuis la seconde guerre mondiale. Cette différence de vitesse de convergence entre le niveau régional et national indique que toutes les régions sont loin de connaître le même rythme de croissance. Plus particulièrement, ce premier niveau d'analyse suggère que seule une minorité de régions défavorisées sont en train de rattraper significativement la moyenne européenne. L'examen de la convergence conditionnelle (avec country dummy variables) est venu confirmer cette première interprétation. En effet, la convergence entre régions d'un même pays est apparue plus faible que la convergence globale au niveau européen. En outre, cet écart s'est considérablement accentué depuis la fin des années quatre-vingt. Le "paradoxe de convergence divergente" est alors devenu une hypothèse majeure. Le taux de convergence absolue relativement faible au niveau régional serait le résultat d'un double mouvement : une forte convergence inter-pays emmenée par un petit nombre de régions, conjuguée, dès lors, à une sensible divergence au sein de certains pays. Autrement dit, les résultats encourageants de plusieurs pays retardataires seraient le fait de quelques régions "leaders" particulièrement dynamiques qui auraient tendance à creuser l'écart avec les autres régions de leurs pays respectifs, incapables de suivre ce rythme de croissance. Il restait alors à estimer le rôle joué par la Politique de Cohésion dans cette évolution. Nous avons constaté qu'en dépit d'une majorité de prévisions théoriques favorables, les évaluations empiriques de l'impact des Fonds Structurels sur la convergence présentaient des résultats assez mitigés. De ce débat pour le moins animé, il nous a semblé que nous pouvions néanmoins conclure à la conditionnalité de l'efficacité de la Politique de Cohésion dans son objectif de réduction des disparités. En effet, au-delà de la diversité des appréciations, la majorité des travaux tendent à s'accorder sur l'importance majeure d'une série de facteurs, souvent corrélés à l'appartenance nationale, pour obtenir un impact significativement positif des Fonds européens sur la croissance. Nous voudrions, ici, nous arrêter un instant sur le cas assez troublant du Hainaut. Sur base de ces dernières considérations, la province devrait afficher de bonnes performances, puisque la plupart des facteurs identifiés comme conditionnant l'impact des Fonds Structurels sur la croissance s'y trouvent rassemblés. Situé au coeur du continent et disposant de réseaux de transport parmi les plus denses, le Hainaut jouit également d'institutions très décentralisées. Enfin, le PIB/hab. de la Belgique, largement supérieur à la moyenne européenne ainsi que la proximité des pôles économiques flamands et d'une région lilloise en plein redécollage devraient avoir quelques effets de contagion. Pourtant, le Hainaut présente des résultats relativement médiocres tant sur la scène nationale que par rapport à la moyenne des régions bénéficiant des aides Objectif 1. Au niveau national, Monfort, Thomas & Wunsch (2000) observent un processus de divergence intra-pays se traduisant par des disparités régionales plus marquées en 2000 que quinze ans auparavant. A l'échelle européenne, alors que le PIB/hab. de la province atteignait 77% de la moyenne communautaire au moment d'accéder au statut de région Objectif 1 en 1993, il ne représentait plus que 69,1% de celle-ci en 2001. Pour la période 1995-2001, la croissance économique hennuyère a été largement inférieure aux plus mauvais résultats régionaux recensés en Grèce ou au Portugal115. "Bien que près de dix ans se soient écoulés depuis la mise en oeuvre d'une politique forte de redéploiement économique de la province, si l'on perçoit un frémissement, celui-ci reste fragile et réversible. On ne peut encore conclure à ce stade que les interventions aient infléchi significativement la trajectoire de la croissance hennuyère" (DUBLEA-CERT & SERP, 2003). Ce constat ne peut qu'interpeller et nous inviter à la prudence dans nos conclusions. Mais une analyse approfondie de ce cas particulier, qui n'est peut-être pas le seul, sortirait clairement du cadre de notre travail. L'exception hennuyère ne semble pas pour autant invalider nos observations à l'échelle européenne: l'impact de la Politique de Cohésion sur la croissance semble plus important dans 115 Commission Européenne (2004) les régions les moins défavorisées rassemblant un maximum de facteurs déterminants. C'est en effet dans les régions dotées d'institutions de qualité, plus proches du centre du continent ou de métropoles en forte croissance, que les projets cofinancés par l'Union Européenne montrent le taux de rendement social le plus élevé. Ainsi, le Nord de l'Espagne, le Sud de l'Irlande ou certains Länder Est-allemands de même que les régions de Lisbonne, d'Athènes ou de Dublin font preuve d'un dynamisme assez remarquable. Ce résultat nous semble particulièrement important car, a contrario, il suggère une relative inefficacité des Fonds Structurels là où on en a le plus besoin. Pour les décideurs publics, il s'agit en toile de fond d'un véritable dilemme entre équité et efficience ou encore entre croissance et convergence globale. Après examen, la position de la Commission par rapport à ce trade-off apparaît relativement ambiguë. D'une part, l'objectif premier de la Politique de Cohésion est la réduction des inégalités régionales, d'autre part, la Commission prétend viser l'efficience et vouloir maximiser la croissance des régions aux plus forts potentiels. A première vue, le degré élevé de redistributivité de la Politique de Cohésion aurait tendance à montrer que la Commission a, tout de même, pris le parti de l'équité plutôt que de l'efficience. En effet, plus des deux tiers du budget des Fonds Structurels sont exclusivement destinés au développement local des régions défavorisées. L'objectif de réduction des disparités régionales pousse donc la Commission à contrer le plus rapidement possible cette tendance à la polarisation. Mais, comme nous venons de le voir, cette redistribution a un véritable coût d'efficience. En effet, le taux de rentabilité des projets est souvent positivement corrélé au niveau de développement d'une région. Dans l'autre sens, un exemple frappant du souci d'efficience nous semble être la politique de transport. La structure hubs-and-spokes des réseaux de transport interrégionaux montre une nette volonté de la Commission d'optimiser le développement de ses grands centres d'activité. Les spillover effects discutés plus haut indiquent qu'en ce domaine, des investissement consentis dans les régions pauvres pour le tracé d'axes de transport peuvent in fine s'avérer surtout bénéfiques pour certains pôles de croissance. Cette difficulté d'arbitrage, somme toute assez logique, laisse penser que la Commission est confrontée à l'exercice d'équilibriste évoqué par la nouvelle géographie économique. On peut finalement se demander si la pertinence de l'intervention européenne et de ses priorités n'est pas liée au caractère permanent ou temporaire de la "convergence divergente". En ce sens, selon la persistance de la divergence intra-pays, la priorité devrait peut-être être accordée à l'équité ou à l'efficience. Deux scenarii nous paraissent pouvoir être esquissés en suivant cette piste de réflexion. Dans une première hypothèse, le phénomène de "convergence divergente" pourrait n'être que transitoire et la polarisation intra-pays, constituer les prémisses de la convergence. Dans un tel cas de figure, nous devrions assister rapidement à un effet de contagion lié, par exemple, à la congestion des principales agglomérations et/ou à l'amélioration des institutions nationales. La Politique de Cohésion dans sa forme redistributive actuelle pourrait alors ne pas être le meilleur moyen d'anticiper cette convergence significative à moyen terme. Autrement dit, davantage de considération pour la rentabilité des investissements serait probablement souhaitable. En revanche, si les disparités régionales entre régions d'un même pays devaient continuer à se creuser à long terme, ce serait le signe que les pôles de croissance disposent d'atouts excessifs et que les régions retardataires souffrent d'handicaps insurmontables par elles-mêmes. Dans un tel cas de figure, la redistribution continuerait à être indispensable à l'équilibre et à la pérennité de l'Union. A l'heure actuelle, la Commission semble pencher pour cette seconde éventualité. Mais le renforcement de la divergence intra-pays de ces dernières années indique probablement que les efforts actuels sont encore insuffisants ou trop peu efficaces pour contrebalancer une tendance spontanée à la polarisation. La perspective d'une plus grande dilution des aides européennes avec le récent élargissement n'est évidemment pas de meilleure augure, même s'il ne s'agit là que d'un des multiples paramètres conditionnant l'avenir de la construction européenne. |
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