8 - Les initiatives prometteuses
Unitaid, des médicaments pour tous. Le 1er juillet
2006, la France a été le premier pays à mettre en place
une «contribution internationale de solidarité» sur les
billets d'avion. Son produit alimente Unitaid, un mécanisme
destiné à faciliter l'accès aux médicaments pour
les populations des pays les plus pauvres. Pour assurer un financement durable
des programmes de santé publique, la France et le Brésil,
rejoints par le Royaume-Uni, la Norvège et le Chili, ont pris
l'initiative de créer une facilité internationale d'achats de
médicaments, Unitaid. L'objectif est de fournir aux pays en
développement, à des coûts bien plus faibles que dans les
nations développées, des moyens de lutte contre le sida, la
tuberculose et le paludisme dans les rég ions les plus pauvres. Ce
programme repose, pour l'essentiel, sur un mode de financement innovant, stable
et prévisible : une contribution de solidarité sur les billets
d'avion, que la plupart des pays participant à Unitaid se sont
engagés à mettre en oeuvre. Une contribution variable selon la
destination
En France, elle s'applique à tous les vols au
départ des aéroports français, mais elle varie selon la
destination et la classe de voyage. Ainsi, pour les vols nationaux et
européens, les passagers paient 1 € en classe Economique et 10
€ en Première ou en classe Affaires. Pour les long-courriers, ils
s'acquittent d'un supplément de 4 € en classe Economique et de 40
€ en Première ou en Affaires. Outre les membres fondateurs,
Madagascar, Maurice, Chypre, la Corée du Sud, l'Espagne ou la Pologne
ont déjà rejoint le projet. Et, à ce jour, 24 autres pays
ont déjà engagé les procédures pour contribuer
à ce fonds de solidarité.
Grâce à ce soutien international, le budget
d'Unitaid devrait dépasser 300 millions d'euros dès 2007, et
continuer à progresser très régulièrement par la
suite. Selon Bruxelles, il devrait générer 560 millions d'euros
par an. Les premières actions sur le terrain Unitaid, qui s'appuie sur
l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a décidé de se
concentrer dans un premier temps sur les traitements destinés aux plus
jeunes. A l'heure actuelle, peu de médicaments sont accessibles aux
enfants malades du SIDA. Selon les sept organisations formant le mouvement
mondial pour l'enfance, cette absence de soins signifie que la plupart d'entre
eux sont condamnés à mourir avant l'âge de 5 ans. Une
série d'interventions prioritaires ont déjà
été identifiées : des formulations pédiatriques
contre le sida (pour traiter 100 000 enfants en 2007) et la tuberculose (pour
en soigner 150 000 en 2007) ; des antirétroviraux de deuxième
génération pour aider les patients infectés par le sida
qui ont développé des résistances aux
thérapeutiques de base ; de nouvelles formes de médicaments
contre le paludisme à base d'artémisinine ; des traitements
contre la tuberculose multi et ultra résistante.
Cette initiative Unitaid a déjà permis
d'engager 50 millions de dollars pour les antirétroviraux
pédiatriques et 55 millions de dollars pour les antirétroviraux
de seconde ligne dans les pays du Sud.
Ce dispositif doit être la première étape
vers une fiscalité internationale. Mais il faut rester vigilant sur
plusieurs points. Les Etats européens doivent poursuivre leurs efforts
pour porter leur aide publique au développement à 0,7 % de leur
richesse nationale (PNB), comme ils s'y sont engagés - sans
intégrer cette nouvelle contribution dans leurs calculs. Par ailleurs,
l'ONU évalue à 50 milliards de dollars les financements
nécessaires pour éradiquer la grande pauvreté. Avec cete
taxe européenne, on est encore loin du compte...
Des modèles de délivrance des
antirétroviraux sont indispensables aujourd'hui pour mettre des malades
sous traitement à grande échelle et pour imaginer des
réponses politiques plus globales. Pour l'instant ce sont
essentiellement des cliniciens qui ont démarré des programmes de
traitement en se souciant de la relation médecin patient.
En mars 2002, un Groupement d'intérêt public
(GIP) est créé à l'initiative de Bernard Kouchner par les
ministères français chargés de la Santé et de la
Coopération afin de piloter l'initiative Esther. Il est doté d'un
budget de 16 millions d'euros pour 3 ans.
Le réseau ESTHER "Ensemble pour une Solidarité
Thérapeutique Hospitalière En Réseau" (Esther) en Europe a
été constitué en avril 2002 par un engagement commun de
quatre pays (Espagne, France, Italie et Luxembourg). Son assise
européenne a été renforcée en 2004 par l'inclusion
de 4 pays supplémentaires : Allemagne, Autriche, Belgique et Portugal.
La Grèce a rejoint en septembre 2006 le réseau Esther. Ce
programme a reçu le soutien de Kofi Ahnan, secrétaire
général de l'Organisation des Nations Unies. L'organisation
Mondiale de la santé et l'ONUSIDA y sont associées.
Le noyau européen initial (dont la France) a
développé des projets dans 30 pays situés en Afrique
Subsaharienne, Afrique du Nord, Amérique Centrale et du Sud et Asie du
Sud Est. 92 jumelages hospitaliers sont répertoriés alors que les
jumelages associatifs débutent, tout particulièrement à
partir de la France. Les activités des pays européens membre
d'ESTHER sont multiples. Elles s'articulent autour de jumelages hospitaliers
puis associatifs et contribuent à une prise en charge globale et de
qualité des personnes vivant avec le VIH : formation des professionnels
(médicaux, paramédicaux, médicotechniques, sociaux...),
prévention de la transmission mère enfant (PTME) et prise en
charge des femmes et des enfants, équipements selon le niveau du
système de santé,
approvisionnement temporaire en antirétroviraux (stock
tampon pour éviter les ruptures de stock), actions d'accompagnement et
de soutien psychosocial des personnes vivant avec le VIH, développement
de partenariats multiformes intégrant la société civile.
Des activités d'appui technique et de soutien aux pays pour le
renforcement des capacités institutionnelles complètent la
démarche de façon transversale sous forme de compagnonnage.
L'initiative européenne ESTHER présente un fort
potentiel pour contribuer au passage à l'échelle en terme de
soins et de traitements des personnes vivant avec le VIH. Les pays membres en
Europe se sont engagés à lancer rapidement de nouveaux projets
dans des pays supplémentaires en Amérique Latine, en Afrique
subsaharienne et en Asie. L'Europe de l'Est et les Balkans sont
également des zones d'intervention envisagées par plusieurs pays
membres d'ESTHER en Europe. Le rôle grandissant et la reconnaissance
d'ESTHER sur la scène internationale s'illustrent par la multiplication
des demandes des pays du Sud et les partenariats établis avec des
acteurs multilatéraux tels que l'OMS (protocole d'accord) et le Fonds
Mondial (déclaration commune). L'initiative ESTHER est aujourd'hui en
capacité d'apporter une réponse d'envergure aux défis
posés par le VIH/SIDA dans les pays à ressources
limités.
Si les pays pauvres ne peuvent s'offrir les
médicaments, autant les leur fournir à un prix très bas -
et gagner ainsi un peu d'argent - plutôt que de se priver d'un
marché même ridicule en comparaison de ceux des pays riches.
Généralement les laboratoires préfèrent vendre des
médicaments plus chers à une population limitée mais
solvable, que fournir l'ensemble de la population à un prix très
bas. Dernièrement le laboratoire Sanofi a manifestement
décidé de rompre avec ce dogme et annoncé
dernièrement que son nouveau traitement contre le paludisme, ASAQ,
serait bientôt disponible en Afrique subsaharienne.
Dans son communiqué, Sanofi-Aventis rappelle que le
paludisme ampute environ 25% des revenus des ménages en Afrique et tue
3.000 enfants chaque jour. Le groupe assure que plusieurs dizaines de millions
de personnes pourraient bénéficier de son nouveau traitement
chaque année.
Le médicament a été
développé dans le cadre du projet FACT (combinaisons à
dose fixe à base d'artémisinine), géré par la
fondation DNDi (Initiative pour les médicaments contre les maladies
négligées). Sanofi-Aventis est responsable depuis 2004 du
codéveloppement, de la production industrielle, de l'enregistrement et
de la distribution à
l'échelle mondiale du médicament. Cette
nouvelle co-formulation sera moins chère que les autres combinaisons
existantes contenant des dérivés de l'artémisinine
puisqu'elle associe deux principes actifs largement connus et utilisés
aujourd'hui en monothérapie et en co-blister.
Par ailleurs, cette combinaison ne fait l'objet d'aucun
brevet. D'après les évaluations de volume faites par l'OMS pour
les prochaines années et dans le cadre de la stratégie à
prix coûtant de Sanofi-Aventis, on envisage à terme un prix cible
inférieur à 1 dollar pour l'adulte et 0,5 dollar pour l'enfant.
Cet objectif ne sera atteint que si les organisations internationales mettent
en place les aides financières en faveur des pays pour leur permettre de
conduire le changement indispensable dans le traitement du paludisme et ainsi
stabilisent les marchés de matières premières. Ce prix
diminuera ainsi très sensiblement l'impact budgétaire du
traitement de la malaria au niveau international.
Il faut toute fois nuancer la politique d'accès aux
traitements de Sanofi-Aventis, car en parallèle de cette initiative sur
le paludisme, ce groupe aux côtés du géant Abbott est
opposé au gouvernement Thaïlandais qui souhaite importer d'Inde des
génériques moins onéreux du Kaletra et du Plavix !
Le RESAPSI (Réseau Africain des Praticiens Assurant la
prise en charge médicale des personnes vivant avec le SIDA) a
été créé à Dakar (Sénégal) le
6 septembre 2003. Il regroupe des praticiens d'Afrique et d'Europe intervenant
dans la pris en charge médicale des patients africains vivant avec le
VIH/SIDA. Il est né dans un contexte ou l'accès aux soins et aux
antirétroviraux en Afrique est plus important, mais ou l'essoufflement
des schémas (limités) des premières lignes se fait
ressentir. Conjugué à la toxicité à long terme des
multithérapies, la disponibilité limité des
antirétroviraux de secondes lignes.
Il soumet des recommandations à l'attention des
membres du réseau, mais également aux gouvernements, à
l'OMS, aux bailleurs de fonds, ainsi qu'aux laboratoires pharmaceutiques. Ce
réseau est une initiative particulièrement intéressante
car elle regroupe de nombreux pays à forte endémie VIH et elle
essaie d'agir auprès des firmes pour qu'elles réduisent
significativement le prix des nouvelles molécules (Tenofovir, Abacavir,
FTC, protéases boostées, Combinaisons Fixes doses. Assurent la
disponibilité de la forme sèche du Kaletra (ou Aluvia) dans les
pays africain (Kaletra Meltrex disponible depuis 2006 dans les pays
industrialisés). Développent une formulation du Ritonavir ne
nécessitant pas une conservation réfrigérée.
Assurent l'enregistrement des médicaments VIH/SIDA auprès des
autorités pharmaceutiques et médicales des pays.
D'autre part, ce qui est important c'est que RESAPSI n'oublie
pas que le problème de l'accès aux traitements ne repose pas
exclusivement sur les compagnies pharmaceutiques. Il demande aux gouvernements
des pays membres du RESAPSI d'exonérer les médicaments,
réactifs de droits de douane et de taxes. De mettre en place un
processus d'allègement de l'enregistrement des médicaments.
D'appuyer la formation sur les bonnes pratiques et de renforcer le suivi et
l'évaluation des antirétroviraux. Assurer la disponibilité
des tests CD4. Promouvoir les tests pour la sérologie VHB et VHC, la
gratuité du suivi biologique, l'accès au diagnostic biologique
précoce du VIH chez l'enfant. Assurer la disponibilité des formes
pédiatriques. Enfin de renforcer les moyens de diagnostic et de
traitement des infections opportunistes.
Fondation
La Fondation Bill & Melinda Gates est une fondation
américaine humaniste philanthropique créée en janvier
2000. Son but est d'apporter à la population mondiale des innovations en
matière de santé et d'acquisition de connaissances. En 2006, Bill
Gates a décidé de consacrer 95 % de sa fortune à la lutte
contre les maladies et l'analphabétisme dans les pays du Sud. Sa
fondation a déjà dépensé 9,26 milliards de dollars,
en particulier pour vacciner 55 millions d'enfants. La fondation est
financée par Bill et Melinda Gates à hauteur de 28,8 milliards de
dollars par an. Ses dons annuels sont supérieurs aux dépenses de
l'Organisation mondiale de la santé.
Depuis sa création en 2002, l'initiative de Clinton a
été chargée par UNITAID de réaliser des prix
inférieurs de traitements de deuxième ligne et des
antirétroviraux à usage pédiatrique, principalement en
travaillant avec des fabricants génériques indiens - Cipla et
Matrix - pour identifier des améliorations économiques de
procédé de productions.
En pédiatrie à travers le soutien d'UNITAID en
novembre 2006, ce sont 12 000 enfants supplémentaires qui ont eu
accès à une prise en charge thérapeutique. La Fondation
Clinton a déjà obtenue quatre baisses de prix consécutives
sur les antirétroviraux en 4 ans.
En mai dernier, Clinton a pesé de tout son poids et
obtenu une réduction des prix des antirétroviraux de seconde
ligne de 25 % dans les pays à faibles revenus et de 50 % dans ceux
à revenus moyens comme la Thaïlande et le Brésil.
La Fondation Clinton commencera à acquérir ces
médicaments dès juillet 2007 et ce, grâce notamment
à la taxe sur les billets d'avions.
Bill Clinton s'en est récemment pris aux compagnies
pharmaceutiques qui refusent de mettre à disposition leurs brevets pour
permettre de fabriquer des produits génériques accessibles aux
pays du Sud. (( Aucune compagnie ne mourra jamais du prix élevé
des médicaments anti-SIDA dans les pays à revenus moyens, mais
les patients eux peuvent en mourir ». (( Je crois en la
propriété intellectuelle (...) mais cela ne doit pas
empêcher de fournir des médicaments essentiels et sauvant des vies
à ceux qui en ont besoin dans les pays à faibles et moyens
revenus.
Concrètement dès juillet 2007, un
générique de Tenofovir devrait être proposé par la
Fondation Clinton à 149 dollars par an. Gilead le propose lui à
207 dollars dans les pays à faibles revenus et 360 dollars pour les pays
aux revenus moyens. L'OMS recommande de la 3TC ou de la FTC et juge ces deux
composants interchangeables. Une fixe dose contenant du Tenofovir et de la 3TC
sera donc disponible pour un coût annuel de
179 dollars par an. De même, une fixe dose, proche de
l'original Truvada (Tenofovir + FTC) à 225 dollars. Le prix Gilead pour
les pays à faibles revenus étant de 319 dollars et 552 dollars
pour les pays aux revenus moyens. Enfin Atripla une autre fixe dose contenant
du Tenofovir + FTC et Efavirenz est disponible depuis juillet 2006 aux USA et
est attendue en Europe d'ici la fin de l'année. Un
générique Tenofovir + 3TC + Efavirenz coûtera 339 dollars
dans les pays à faibles et moyens revenus - ce qui reste
inférieur au prix pratiqué par le programme d'accès aux
traitements de Gilead pour le seul Tenofovir.
Mais ce n'est pas tout. Le Kaletra (Aluvia) sera
proposé à 695 dollars par an - un prix plus élevé
que celui qu'Abbott fixe pour les pays de l'Afrique sub-saharienne, mais
toujours sensiblement meilleur marché que 1000 dollars - coût
demandé par le groupe américain aux pays à revenus moyens
comme le Brésil ou la Thaïlande. D'autres réductions
importantes incluent les comprimés meilleurs marchés incluant AZT
+ 3TC (Combivir) : 129 dollars par an comparé aux 180 dollars
facturés l'année dernière aux pays à faibles
revenus. Abacavir (Ziagen) sera disponible pour 331 dollars par an au lieu d'un
prix moyen de 750 à 800 dollars par an actuellement. Enfin la Didanosine
(Videx) a chuté vertigineusement de 1096 dollars à 248 dollars
par an !
(( Quand nous avons entrepris ce travail au sein de notre
Fondation, il y a cinq ans, nous avons fait une promesse aux gens souffrant du
SIDA : une fois que vous serez sous traitement, nous veillerons à ce que
les médicaments arrivent ». Manifestement Bill Clinton est en passe
de tenir ses promesses.
|