Effet de la concurrence sur une firme
Nous allons reprendre le modèle développé
par Dasgupta et Stiglitz (1980) auquel Boone a rajouté deux
caractéristiques importantes. Premièrement, les firmes sont
asymétriques dans leurs capacités à réduire leurs
coûts de production. Deuxièmement, Boone analyse l'effet d'une
modification de la pression concurrentielle plutôt que de regarder la
corrélation entre la concentration et l'intensité de la
recherche.
Considérons un agent qui a une idée
pour introduire un nouveau bien (aussi noté ) dans le marché
et un processus d'innovation . Ce processus
correspond à l'investissement que l'agent doit faire pour
réduire le coût marginal de production de son bien à un
niveau .
Le jeu est constitué de deux périodes.
À la première période, chaque
agent décide ou non d'entrer sur le marché
avec un nouveau bien, s'il entre, combien doit-il investir pour
améliorer l'efficacité de son procédé de
production. À la seconde période, le nombre de
firme dans le marché et leurs niveaux de coût sont connaissances
communes. Les firmes produisent leurs biens et choisissent leurs
variables stratégiques (prix ou quantité)
indépendamment et simultanément.
À l'équilibre de Nash de la deuxième
période, l'agent dont le coût de production est peut obtenir la
récompense que l'on note , où représente le
nombre de firmes présente dans le marché. Ainsi, trois sources de
pression concurrentielles sont explicitement introduites comme argument de la
fonction de profit. En effet, plus faible est le coût de production des
concurrents, plus intense est la concurrence. Il en va de même pour le
nombre d'entreprises, plus il y'en a, plus la concurrence est intense. La
troisième source de pression concurrentielle est , qui mesure
l'agressivité des interactions entre les firmes.
Boone fait l'hypothèse suivante sur la fonction de
profit et le processus d'innovation :
§ Hypothèse 1 :
Les fonctions et satisfont les
propriétés suivantes :
(i) est deux fois différentiable en et satisfait , , et pour tout
Ê Ce qui suggère que la réduction des
coûts marginaux requiert un grand effort d'investissement ;
(ii) est une fonction non décroissante en et est une fonction non
croissante en ;
Ê Les agents low-i ont une meilleure idée que
les agents high-i, dans le sens où ils doivent investir moins pour
obtenir leurs innovations.
(iii) est deux fois différentiable en , , et ;
Ê Cela permet de s'assurer que la
dérivée première est une fonction continue et que la
dérivée seconde existe ;
(iv) et
pour ;
Ê Ceci suppose que la firme fait un profit plus
élevé lorsque son coût de production est plus faible que
ceux de ses concurrents;
(v) pour chaque , , , et ;
Ê Ce qui garanti la concavité de la fonction
objectif ; et
(vi) il existe une valeur telle que pour chaque
valeur de , , et , on vérifie que
.
Ê Autrement dit, l'incitation à
réduire les coûts de production n'est pas infinie, elle
s'arrête pour une valeur des coûts proche de zéro.
Focalisons nous maintenant sur la manière dont le
paramètre
affecte l'équilibre de Nash de première période,
appelé équilibre connecté.
· Définition 2 :
Pour une fonction de profit et un niveau de
concurrence
donné, l'équilibre connecté de première
période est défini par les quatre propriétés
suivantes :
(i) Le niveau de coût optimal : le niveau de
coût de
chaque agent qui
entre sur le marché, satisfait ;
(ii) Connexion : si l'agent entre sur le
marché, alors l'agent entre
également ;
(iii) Récompense : le dernier agent, indicé
par , fait un
profit positif (ou nul) s'il entre sur le marché, ; et
(iv) La condition de libre entrée : tous les agents
feront un profit
négatif.
è En d'autres termes, à
l'équilibre connecté, chaque agent choisit le niveau de
coût qui maximise son profit moins son coût d'innovation, en
considérant le nombre de firmes actives sur le marché et leurs
coûts de production comme donnés.
Cet équilibre est dit connecté parce
que tous les agents sont actifs sur le marché. Le dernier agent qui rentre sur le
marché fait un profit non négatif, tandis que l'entrée
n'est pas profitable pour l'agent. Puisque
l'équilibre est connecté, mesure le nombre de
firmes actives dans le marché. Cette définition suppose
implicitement que les récompenses sont décroissantes en
,
le lemme suivant montre que c'est effectivement le cas.
o LEMME 1 :
est (faiblement) décroissante en .
On va considérer l'effet de la pression concurrentielle
sur l'incitation
d'une firme à investir dans une innovation de produit ou de
procédé, sachant que les décisions d'investissement des
autres firmes sont fixées. Autrement dit, on considère et pour et donné.
o Corollaire 1 :
Pour et
fixé, nous savons que :
(i) Une firme est confiante dans le cas où
et ;
(ii) Une firme est impatiente dans le cas où
et ;
(iii) Une firme est combative dans le cas où
et , et
(iv) Une firme est découragée dans le
cas où et
è Pour une firme combative ou
découragée, une élévation de la pression
concurrentielle réduit l'incitation des firmes à investir dans
une innovation de produit.
è Pour une firme confiante ou impatiente, une
telle augmentation améliore l'incitation à entreprendre une
activité de R&D dans une innovation de produit, puisque cette
augmentation leur permet d'exploiter au mieux leurs avantages de coûts.
Les firmes confiantes et impatientes ont un coût de
production plus faible que celui des firmes combatives et
découragées (définition 1), cela peut s'interpréter
comme l'effet de « sélection »
décrit par Vickers (1995).
Puisque l'incitation à innover est
réduite par l'intensité de la concurrence pour des
firmes combatives ou découragées,, cela signifie que le
pouvoir de monopole et les profits sont réduits. C'est en ce sens,
qu'Aghion et Howitt (1992) identifient l'argument
Schumpétérien.
Pour des firmes impatientes ou combatives, un surcroît
de concurrence mène à un investissement plus élevé
dans une innovation de procédé . C'est ce que l'on
nomme par effet « d'adaptation ». Les
firmes s'adaptent à la concurrence en augmentant leur
productivité.
è Aussi, les effets d'adaptation et de
sélection suggèrent qu'une élévation de la pression
concurrentielle améliore l'efficacité moyenne de
l'industrie.
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