III. Conclusion
Il semble clair que l'hypothèse de certitude dans le
processus d'innovation n'est pas inoffensif, en particulier lorsque l'on
compare les implications des politiques de ces deux modèles. Le
modèle de Gilbert et Newberry suggère qu'il faille
s'inquiéter du développement de pouvoir de monopole maintenu par
le sleeping patent. Cette étude montre que l'on doit beaucoup moins
s'inquiéter si l'on suppose que le processus d'invention est
stochastique.
Il semble raisonnable de penser que le degré de
réduction de coût et le degré d'incertitude sont
reliés. Autrement dit, des innovations plus radicales peuvent être
soumises à une incertitude plus grande. On peut ainsi réconcilier
l'étude de Gilbert et Newberry avec les observations empiriques de
Scherer, en suggérant que le modèle avec certitude est le plus
approprié pour des innovations incrémentales. Bien sûr, les
modèles discutés dans ce papier ont été
simplifiés. Pris ensemble, cette étude et celle de Gilbert et
Newberry indiquent que l'incitation à maintenir un pouvoir de monopole
apparaît plus compliquée que nous semblons le suggérer.
Boone, comme Reinganum, partage la vision d'Arrow en
démontrant que la concurrence favorise l'innovation. Boone se place dans
un cadre d'analyse différent. Il suppose que les firmes sont
asymétriques, et contrairement à Gilbert et Newberry ou encore
Reinganum, il ne considère pas le cas où il y'a une firme en
place initialement présente sur le marché. Il nous permet de
comprendre comment les firmes régissent face à la concurrence,
selon leurs comportements.
Firmes asymétriques :
Nous venons d'étudier l'impact de la concurrence sur
l'incitation à innover d'une firme en place et d'un entrant potentiel.
Il semblerait intéressant d'aller plus loin dans l'analyse, en
étudiant l'effet de la concurrence sur l'incitation à innover de
firmes asymétriques dans un marché où l'entrée se
fait simultanément, il n'y a donc pas de firme en place. Nous savons que
si les entreprises sont identiques, une concurrence plus intense conduira
à une réduction de leurs niveaux de profits.
Jan Boone présente une étude incorporant les
effets de « sélection » et d'adaptation »
de la concurrence sur le marché des produits et sur l'efficacité
des firmes. Dans son modèle, les firmes sont asymétriques, dans
le sens ou elles ont des comportements différents. Le comportement de la
firme est déterminé par son niveau d'efficacité relatif
à celui de ses concurrents. L'effet de la concurrence sur l'incitation
à innover est différent selon que la firme est plutôt
confiante, impatiente, combative, ou bien découragée.
Finalement, il démontre qu'une augmentation de la pression
concurrentielle ne peut pas inciter les entreprises à innover dans des
innovations de procédés et de produits.
Pour étudier ce cas précis, nous allons
présenter le modèle développé dans l'article
de :
Jan Boone (2000): « Competitive pressure:
the effects on investments in product and process
innovation ».
I. Introduction
Cet article analyse l'impact de la pression concurrentielle
sur des firmes asymétriques qui peuvent investir dans des innovations de
produits ou de procédés. Boone démontre qu'un
déterminant important de l'effet de la
concurrence sur l'incitation des firmes à acquérir une
innovation de produits ou de procédés est le niveau
d'efficacité productive de la firme par rapport à celui de
l'industrie, autrement dit son comportement (dans le modèle de
Boone).
Il pose (+ ; -) le cas où une augmentation de la
pression concurrentielle augmente l'incitation des firmes à innover dans
une innovation de produits, mais réduit l'incitation à innover
dans une innovation de procédés. Il est clair que quatre cas
peuvent se produire. Les quatre cas sont ordonnés par le niveau du
coût de la firme par rapport à celui de l'industrie. Si le
coût d'une firme est nul au départ et progressivement
s'élève, on obtient l'ordre suivant : (+ ; -), (+ +),
(- ; +), (- ; -). Ces quatre cas correspondent respectivement aux
comportements impatients, confiants, combatifs ou bien découragés
de la firme.
Il démontre que si une élévation de la
pression concurrentielle implique une amélioration de la
productivité de l'industrie (effet d'adaptation), elle a
également pour conséquence le fait de réduire le nombre de
variétés de biens (effet de sélection). L'effet de
« sélection » stipule que la concurrence poussera
les firmes les moins efficientes à sortir du marché. L'effet
« d'adaptation » correspond au fait que la concurrence
encourage les firmes à améliorer leurs productivités
plutôt que développer un nouveau bien.
L'intuition est la suivante, si la concurrence augmente, la
firme la moins efficiente du marché fait face à une concurrence
plus intense (effet direct), ce qui implique une réduction des
coûts de production de ses concurrents (effet indirect). Ces deux effets
réduisent le profit de cette firme ce qui induit sa sortie du
marché et par la même occasion l'arrêt de la production de
sa variété de bien.
La prochaine section définit la notion de
« pression concurrentielle ». La section III analyse
l'effet de la concurrence sur l'incitation à innover d'une simple firme,
tandis que la section IV étudie son impact sur celle de l'ensemble de
l'industrie. Enfin, nous verrons comment la littérature abonde dans le
sens de Boone à la section V avant de conclure par la section VI.
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