II. Un modèle incorporant l'incertitude
Le modèle développé dans cette section
est une généralisation de celui de Tom Lee et Louis Wilde, lequel
est lui-même fondé sur le modèle de Glenn Loury.
Une firme en place et un entrant potentiel vont
simultanément tenter de perfectionner une technologie permettant de
réduire le coût de production. L'incertitude technologique prend
la forme d'une relation stochastique entre le taux d'investissement et la date
éventuelle de succès.
è Le processus de découverte est
stochastique, autrement dit plus on investit plus grande est la
probabilité de succès.
Si
représente le taux d'investissement dans la R&D du monopole, et la date aléatoire
de succès de la firme en place, alors la probabilité de
succès est égal à , pour .
De la même manière, si représente le
taux d'investissement dans la R&D du challenger, et la date aléatoire
de succès de l'entrant potentiel, alors la probabilité de
succès est égale à , pour .
La date de succès espérée d'une firme
est , où est le taux de hasard
qu'on utilise dans la course au brevet.
§ Hypothèse 2 :
La fonction de hasard est deux fois
continûment différentiable, avec et pour tout . De plus,
Supposons que la nouvelle technologie est brevetable et que la
course prenne fin avec le premier succès. Le profit espéré
par la firme en place pour n'importe quelle paire de taux d'investissement est :
Le monopoleur obtient à la date, si l'entrant n'a pas
encore innové et la firme en place innove à la date. Cet
événement se produit avec une densité de
probabilité . Par contre, la firme en place obtient à la date , si la firme en place
n'a pas réussi à innover et que le challenger innove
à la date.
Finalement, le monopoleur reçoit le flux de profit et paye un flux
d'investissement
tant qu'aucune firme n'a découvert l'innovation ; cela se produit
avec la probabilité .
Le profit espéré du challenger suit le
même raisonnement.
La différence entre ces récompenses
résulte d'un flux de bénéfices de l'occupant actuel et du
fait qu'il partage le marché en cas d'innovation couronné de
succès par le challenger.
· Définition 2 :
La stratégie de la firme en place (challenger) est
d'investir un montant . La récompense attendue par le monopoleur (challenger) est .
· Définition 3 :
La fonction de meilleure réponse du monopoleur est
la fonction
définie de telle manière que, pour chaque , pour tout .
De la même manière, La fonction de meilleure
réponse du challenger est la fonction définie de telle
manière que pour chaque, pour tout .
è La fonction de meilleure réponse
dépendra uniquement des paramètres (c, R).
· Définition 4 :
La paire de taux d'investissement est un équilibre
de Nash si et . Ainsi, chaque firme
investit un montant correspondant à sa meilleure réponse en
fonction de l'investissement du concurrent.
o PROPOSITION 1
Si , alors il existe une fonction 1 de meilleure réponse
pour la firme en exercice qui satisfait les
conditions du premier ordre et du second ordre . La fonction est
continûment différentiable en et continue en
c,R. Respectivement, il existe une fonction de meilleure réponse
pour l'entrant qui
satisfait également la condition du premier et du second ordre.
De la même manière, est
continûment différentiable en et continue en c.
De plus, il existe une paire de stratégie, et , correspondant à
un équilibre de Nash, chacune d'entre elles est continue en
c,R.
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1 L'hypothèse implicite de cette proposition
stipule que la fonction de profit de la firme est initialement croissante avec
le niveau d'investissement. Sans cette hypothèse, il est possible que
la firme puisse avoir plusieurs fonctions de meilleure
réponse.
La condition du premier ordre, qui définit
implicitement la fonction de meilleure réponse, nous permet
d'écrire :
v Remarque 2 :
Dès lors que la récompense d'une firme doit
être non négative, en particulier lorsque la firme joue sa
fonction de meilleure réponse, il s'en suit que et .
o LEMME 1 :
et . Ainsi,
l'existence d'un challenger incite la firme en place à investir plus
qu'elle ne l'aurait fait dans la recherche et le développement.
è L'intensification de la concurrence encourage
la firme en place à se lancer dans une activité de
R&D.
o LEMME 2 :
Si l'innovation est drastique et , alors pour tout .
o PROPOSiTION 2 :
Si l'innovation est drastique et , à
l'équilibre de Nash, la firme en exercice investit moins dans la R&D
que le challenger puisque .
è Lorsque l'innovation est drastique, la
concurrence incite la firme en place à innover mais moins que le
challenger.
J. Reinganum conclut donc que pour une innovation suffisamment
radicale, c'est précisément l'hypothèse du certain contre
l'incertain responsable de la divergence de ses résultats et de ceux de
Gilbert et Newberry, le monopole est moins incité à innover que
l'entrant potentiel.
Pour voir l'issue de l'économie, considérons ce
qu'il arrive dans le modèle de J. Reinganum avec une innovation
drastique si la firme en place devait envisager d'investir moins. Elle aurait
donc une probabilité légèrement accrue de perdre la course
au brevet au profit du challenger, mais le monopoleur
dépenserait moins et recevrait ainsi le flux de profit plus longtemps.
L'entrant potentiel en investissant un peu moins subit une
probabilité légèrement accrue de perdre la course au
brevet au profit de la firme en place. Étant donné que le
challenger n'a pas de revenu supplémentaire, il investira plus
que le monopoleur afin d'avoir une plus grande chance d'obtenir la
récompense.
Considérons la même question avec
l'hypothèse de la certitude de l'innovation (processus
déterministe). Si l'occupant actuel investit toujours plus que le
challenger, il obtiendra le flux de revenus avec la
probabilité 1 et n'aura aucune menace de perdre la course au brevet
face à l'entrant potentiel. Si par contre, le monopoleur décidait
d'investir moins, cela n'aurait aucun impact sur leurs profits. En effet,
lorsque le processus de découverte est déterministe, la firme en
place est toujours plus prédisposée à innover que le
challenger.
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