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Inondation à l'embourchure du fleuve Sénégal: hydraulique fluviale et aménagements

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par Mouhamat SECK
Ecole Inter Etats des Ingénieurs de l'Equipement Rural/ B.Faso - DESS en Hydraulique et Aménagement 2003
  

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V.5 GESTION DE LA CRUE DE L 'ANNEE 2003 : LA REALISATION DE LA BRECHE

La brèche, a été creusée dans la nuit du 3 au 4 octobre 2003, à sept kilomètres au sud de la ville de Saint-Louis à travers la Langue de Barbarie.

C'était pour éviter des inondations de Saint-Louis que les autorités avaient décidé de creuser un canal de 100 mètres de long sur quatre mètres de large à 7 Km en aval de la ville afin de permettre aux eaux du fleuve de se déverser dans la mer.

V. 5.1 CONTEXTE

L'année 2003 a été marquée par une bonne pluviométrie dans le bassin du fleuve sénégal. Cette abondance s'est manifeste au niveau du fleuve par une situation hydrologique caractérisée par une crue précoce d'une grande amplitude (fig.33).

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5 ondes de propagation en 2003 Crue précoce avec 10,22m IGN

1999 2000 2001 2002 2003

Figure 33-Côtes journalières à la station de Bakel

''Quand nous avions décidé d'ouvrir la brèche, Saint-Louis était déjà sous les eaux et il y avait quatre ondes de crues qui progressaient vers la ville'', explique le directeur régional de l'Hydraulique. L'observation de la courbe des côtes journalières (fig.34) de Saint-Louis montre effectivement la menace qui planait sur la ville. En effet la crue a atteint l'année dernière dans la ville 195cm, dépassant ainsi la valeur de la côte d'alerte qui est de 174cm. Ceci a naturellement inquiété aussi bien les populations que les autorités.

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année hydrologique

Figure 34-Côtes journalières à Saint-Louis, année hydrologique 2003-2004

V. 5.2 CONSEQUENCES DE LA BRECHE:

L'ouverture d'une embouchure à 7 Km au sud de Saint-Louis a entraîné une grande réduction de la pointe de crue 1 .95m à 1m. Ainsi l'année dernière la ville est sauvée des inondations. Malheureusement, par sa proximité cette option augmente aussi l'amplitude de la marée à Saint-Louis. De plus, la zone de Gandiole ne connaîtrait plus beaucoup d'écoulements et ne dépendra que des variations de la marée et des apports pluviométriques pour améliorer la qualité de ses eaux.

Ce canal a entraîné une évacuation plus rapide des ondes de crue. Ceci a plusieurs conséquences :

l'avant-pays, les environs de la ville, n'est plus facilement inondé ou l'est beaucoup moins qu'auparavant, et donc les infiltrations diminuent et les nappes souterraines se rechargent moins bien ;

le fond du fleuve et les berges sont plus exposés à des phénomènes d'érosion ;

dans les zones d'embouchure ou dans les zones à faible pente, la construction des digues de protection contre les inondations est nécessaire, car les pointes de crue sont plus importantes, étant entendu que les conditions de marées sont devenues plus proches.

Le risque d'inondation limité, la réduction du niveau d'eau des bas-fonds marécageux dans la zone des trois marigots et du Djeuss fait déjà l'objet de plaintes au niveau des populations. Mais dans ce cas une solution serait la réalisation de canaux de drainage et de stations de pompage. Il se produit alors obligatoirement une modification de la faune et de la flore des terres concernées.

En amont de la coupure, il peut se produire, du fait de la plus grande vitesse d'écoulement, un abaissement du niveau de l'eau, une érosion plus forte du lit en amont et dans la coupure elle même ce que justifie la profondeur actuelle de plus de 7m à la brèche.

La coupure exerce une forte influence sur la faune et la flore dans le lit d'origine. En effet, par suite de la variation du niveau des nappes, ce qui devrait faire l'objet d'un suivi, la flore sera très certainement affectée, et l'ancienne végétation des berges croissant en zones humides va disparaître de sorte qu'on ne peut exclure des conséquences sur la faune.

L'ancien bras continue de recevoir une quantité des eaux du fleuve ou des intrusions marines selon la dynamique prédominante. La qualité de l'eau est entrain de se dégrader car il y'a pas une bonne circulation ; c'est une eutrophisation qui correspond à une perturbation de l'équilibre de l'eau par suite de concentrations de matières nutritives, d'une croissance excessive des algues et d'une désoxygénation. Pour la population, dans l'ancien bras, les effets directs sont généralement positifs, protection contre les crues mais y existent de bonnes conditions de reproduction pour les insectes et vecteurs de maladies transmises par l'eau et des vecteurs. Les effets négatifs sont alors en dehors du changement d'aspect du paysage, la dégradation possible de la situation sanitaire par suite de la prolifération de vecteurs d'agents pathogènes. Des actions d'éducation et de sensibilisation, ciblées en particulier sur les femmes des villages de Doun Baba Dièye et du Gandiolais, qui sont traditionnellement chargées des questions d'eau et d'hygiène, devront donc être mises en oeuvre.

Du point de vue environnemental, la population de poissons peut augmenter fortement, ce qui s'accompagne d'un renouvellement des espèces présentes : les poissons d'eau courante disparaissent, les espèces vivant en eaux relativement calmes prolifèrent.

Elles sont nombreuses mais nous allons présenter les avis de beaucoup d'intervenants en essayant de conserver dans la mesure du possible les récits tels quels.

Selon des scientifiques de l'Université de Saint-Louis interrogés, l'ouverture de cette brèche risque d'avoir des conséquences imprévisibles sur la zone. ''La brèche va avoir un impact environnemental difficile à gérer. Elle menace directement les îlots environnants et va détruire la mangrove qui sert de refuge et de lieu de reproduction aux poissons, aux tortues et à plusieurs espèces d'oiseaux''. Selon certains, il fallait dévier les eaux du fleuve dans la zone située entre Saint-Louis et le barrage de Diama, à une vingtaine de kilomètres en amont de la ville.

Le canal suscite également de grandes inquiétudes du côté de certaines organisations non gouvernementales (ONG) dont les responsables se sont rendus à Saint-Louis à la fin du mois d'avril 2004 pour constater la situation de visu. ''L'ouverture de cette brèche permet l'arrivée frontale des vagues de l'océan, ce qui provoque une érosion mécanique de la Langue de Barbarie et entraîne une modification de la mangrove'', indique le responsable de projet au Fonds mondial pour la nature (WWF), une ONG basée en Suisse, dont le bureau pour l'Afrique de l'ouest est à Dakar.

''La brèche va perturber tous les écosystèmes du milieu. La nappe d'eau douce de la zone est en train de remonter en devenant de plus en plus salée, ce qui risque de poser de graves problèmes d'alimentation en eau des populations'', affirme le coordonnateur des projets de l' ONG 'Wetland International' au Sénégal. Des menaces pèsent également sur l'avenir de la culture maraîchère qui constitue, avec la pêche, les principales activités des populations de la zone. Mais en ce qui concerne cette intervention, nous tenons à rappeler que la zone du gandiolais a une salinité antérieure à la brèche. Cette zone est connue historiquement pour la production de sel dans les marais salants. La nappe y est naturellement salée. L'eau douce a toujours été captée de façon itinérante par les populations. Les puits captent des lentilles d'eau temporaires qui disparais sent rapidement.

''Nous sommes assis sur des charbons ardents et ne savons pas à quel saint nous vouer. Nous savons que tôt ou tard, nous serons obligés de quitter nos villages qui seront engloutis par les eaux'', se lamente un sexagénaire habitant le village de Gandiole. Parmi les conséquences négatives entraînées par la brèche, on note une perturbation des zones de pondaisons des tortues de mer, ainsi que la remontée rapide de la langue salée. A cela s'ajoutent les problèmes causés aux agriculteurs de Gandiole qui voient leurs terres affectées par la salinisation.

Les conséquences de la brèche se font déjà sentir au parc oiselier de la Langue de Barbarie. ''Depuis l'ouverture de la brèche, le site est perturbé et risque de disparaître. Déjà, les bancs de sables, qui servaient de nichoirs à certains oiseaux et tortues, sont en train de disparaître à cause des eaux'', souligne le directeur adjoint des Parcs nationaux du Sénégal.

''Ce ne sera pas facile de stabiliser cette brèche à cause de la configuration du sol du milieu. La Langue de Barbarie est constituée de sable fin qui ne résiste pas à l'assaut des vagues'', explique un géophysicien chercheur à l'Université Gaston Berger de Saint-Louis.

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