1.2. Problématique et justification
Considéré par le passé comme aliment de
luxe, donc consommé seulement lors des fêtes et manifestations
spéciales, le riz est progressivement entré dans les habitudes
alimentaires au Bénin où d'importantes quantités sont
importées chaque année en vue de satisfaire les besoins de
consommation. La consommation du riz par tête et par an est
estimée à 6 à 20 kilogrammes en zone rurale et à 10
à 30 kilogrammes en zone urbaine (Adégbola et al., 2003).
Selon les estimations de la FAO en 1997, la production du riz blanc (riz
décortiqué) était de 18000 tonnes au Bénin tandis
que les quantités importées s'élevaient à 56000
tonnes. D'autres estimations indiquent que ces importations ont atteint 71200
tonnes en 1999 (FAO, 1999), et 72066 tonnes en 2001 (INSAE, 2001). Ces
estimations montrent le faible taux de couverture des besoins de consommation
par la production nationale. La production du riz est donc devenue un enjeu
majeur pour l'autosuffisance alimentaire au Bénin.
La filière riz est prioritaire en termes
d'investissements et de développement à cause non seulement de la
nécessité de répondre aux objectifs de
sécurité alimentaire et d'améliorer la balance des
paiements, mais aussi pour permettre au pays de faire face à
l'accroissement continu de la demande intérieure en riz, et de valoriser
ses avantages comparatifs dans la sous région. En effet, le Bénin
dispose d'un potentiel non négligeable pour la production du riz. Selon
MAEP (2005) les ressources en eau du pays sont estimées à plus de
13 milliards de mètres cubes ; les ressources en terres irrigables
évaluées à 322 000 hectares (117 000 ha de plaines
inondables et vallées et 205 000 ha de bas-fonds) auxquelles s'ajoutent
les terres de plateau pour le riz pluvial.
Le Bénin à l'instar des autres pays de l'Afrique
de l'Ouest a consenti d'énormes ressources pour augmenter la production
nationale dans le but de couvrir la consommation intérieure et
d'exporter le riz produit localement, en vue de rapporter des devises
importantes pour la nation (Adégbola, 2005). Dans ce cadre, les mesures
de politique agricole ont porté leurs fruits puisque la production
rizicole n'a cessé de croître depuis le milieu des années
90 grâce en partie à l'augmentation des superficies et des
rendements. En effet, la production rizicole qui n'a jamais
dépassé la barre des 20000 tonnes par an jusqu'en 1995 (ONASA,
1999) a progressivement augmenté pour atteindre une
valeur de 52441 tonnes en 2000 (DPP /MDR, 2000), 64700 tonnes en 2004 et en
2005 (DPP/MAEP, 2005 ; Abiassi et Eclou, 2006 ; FAO, 2006). Cette performance
de la politique de relance de la filière riz est due à la
réalisation de micro-aménagements (Adégbola et Sodjinou,
2003) et aussi au développement et à l'introduction en milieu
rural de nouvelles variétés plus productives dont les
variétés dénommées "New Rice For Africa" (NERICA)
mise au point par le Centre du Riz pour l'Afrique (ADRAO)1.
Cependant, le riz localement produit n'est pas encore
compétitif sur le marché local même si les études de
Adégbola et al. (2004) montrent que le Bénin dispose
d'avantage comparatif à la production locale du riz. Le Bénin n'a
pas encore réussi à transformer son avantage comparatif en
avantage compétitif.
En effet, selon CCR (2004) les consommateurs béninois
choisissent leur riz principalement en fonction de la propreté, de
l'arôme et du faible taux de brisures. Ces déterminants de choix
constituent autant de critères de préférence qui tendent
à favoriser la demande du riz importé au détriment du riz
local. Aussi, une étude réalisée par l'Union
Départementale des Producteurs (UDP) Mono-Couffo en collaboration avec
le Laboratoire d'Analyse Régionale et d'Expertise Sociale (LARES) en
2003, a-t-elle permis de mettre en exergue quelques facteurs
déterminants du choix du type de riz (local ou importé) sur les
marchés de Cotonou. Cette étude a, en particulier, permis de
comprendre que :
- au niveau des commerçantes, l'achat et la vente de
riz local constituent une question d'opportunité en termes de marge
bénéficiaire, mais également de clientèle exigeante
;
- le riz local semble jouir d'une mauvaise réputation
au point que certaines commerçantes usent de stratégies propres
à elles (par exemple : utilisation d'emballage de riz importé)
pour vendre le riz local ;
- aussi bien les commerçantes que les consommateurs
évoquent la présentation du produit sur le marché, les
qualités physiques (taux d'impureté, taux de brisure), les
caractéristiques organoleptiques (arôme, goût), les
caractéristiques de cuis son (capacité de gonflement,
caractère collant) du riz local comme des facteurs limitant leur
consommation et par conséquent leur écoulement sur le
marché.
Selon Houssou (2002), Amoussou et Houssou (2003) et CCR (2004)
le riz local décortiqué comporte beaucoup de matières
étrangères et un taux de brisure très élevé
à cause de la mauvaise conduite des opérations
post-récolte notamment le séchage et l'étuvage. En
1 Voir liste des variétés NERICA en annexe1
effet, selon Houssou (2005), au Bénin la méthode
traditionnelle d'étuvage du paddy qui est jusque-là
pratiquée par les transformatrices n'est pas performante et ne favorise
pas l'obtention d'un riz de qualité meilleure. Selon Houssou (2002), la
qualité du produit final obtenu avec la méthode traditionnelle
d'étuvage reste inadaptée au goût des consommateurs, car il
a souvent une couleur un peu terne. On note aussi la présence de grains
brûlés et un taux de brisure d'environ 20%. Selon ce même
auteur, cette mauvaise qualité est souvent due, d'une part au mauvais
triage et lavage du paddy et, d'autre part, à l'inadéquation de
la précuisson (mauvaise estimation de la quantité d'eau de
cuisson), qui fait que le riz au fond de la marmite cuit plus qu'il ne faut ou
se carbonise. Ainsi donc, selon Broutin (2001) peu d'efforts sont encore
consentis par les transformateurs pour améliorer la qualité du
riz usiné localement alors que ces efforts sont nécessaires pour
concurrencer le riz importé dont la présentation et la
propreté sont de meilleure qualité.
Dès lors, le développement et l'introduction de
nouvelles techniques de traitement post-récolte notamment
d'étuvage reste une bonne option pour améliorer la qualité
du riz local et le rendre plus compétitif. C'est dans cette optique que
le dispositif amélioré d'étuvage du riz a
été conçu par l'INRAB-PTAA en 2000 puis
amélioré avec la collaboration de l'ADRAO et de Sassakawa Global
2000 en 2005 et testé en « milieu paysan » afin
d'évaluer ses performances techniques par rapport au dispositif
traditionnel d'étuvage. Le dispositif amélioré
d'étuvage est composé d'une marmite en fonte d'aluminium et d'un
bac d'étuvage (récipient en forme de seau dont le fond et le
quart inférieur du pourtour sont perforés).
Les avantages du dispositif amélioré
d'étuvage ont été étudiés par Houssou (2005)
et WARDA (2005). A l'issue des essais, le dispositif amélioré
s'est révélé plus performant que le dispositif
traditionnel d'étuvage. Le riz obtenu avec le dispositif
amélioré d'étuvage est qualitativement et quantitativement
meilleur. Le dispositif contribue à la réduction du taux de
brisure qui passe de 24% environ pour la méthode traditionnelle (MT)
à moins de 15% pour la méthode améliorée (MA).
Aussi, le rendement du riz à l'usinage s'est amélioré et
est passé d'environ 64% pour MT à plus de 70% pour MA.
Cependant, les performances techniques de l'innovation ne
suffisent pas pour justifier sa pertinence et garantir ses chances d'adoption.
Les paysans, loin d'être de simples récepteurs de technologie
doivent être considérés comme des acteurs, qui, face
à leurs conditions propres, endogènes et exogènes,
répondent avec patience aux sollicitations des " développeurs"
(Adégbidi, 1992). Ainsi, il est important de connaître les
facteurs qui interviennent dans le processus de diffusion des innovations
depuis leur développement
jusqu'à leur adoption finale : les besoins, la
structure d'intervention ou de promotion de l'innovation, le système
social et ses membres, les adoptants potentiels, l'innovation même, sa
genèse et sa promotion (Van Den Ban, 1994). Voila autant de facteurs
qu'il faudra prendre en compte pour pouvoir mieux orienter la diffusion d'une
innovation.
Le présent travail s'inscrit dans ce cadre. De
manière spécifique, cette étude s'intéresse aux
déterminants de l'adoption et de la diffusion du dispositif
amélioré d'étuvage au Centre du Bénin. Elle vise
à contribuer à la connaissance de l'organisation sociale de
l'étuvage du riz et des relations existant entre les différents
acteurs intervenant dans la promotion du riz étuvé afin d'avoir
des informations utiles et nécessaires pouvant permettre de
déterminer les stratégies de dissémination du dispositif
amélioré d'étuvage du riz à adopter dans le
milieu.
Cette étude a l'avantage de présenter de
manière qualitative, les appréciations faites par les populations
locales sur la qualité du riz étuvé avec les
méthodes améliorées d'étuvage. La pertinence de
cette étude se situe à deux niveaux. Premièrement, les
nouvelles méthodes d'étuvage qui ont déjà fait leur
preuve en expérimentation sont à leur début de diffusion
au niveau des transformatrices. Dans un second temps, en raison de l'importance
de plus en plus croissante accordée à la nouvelle méthode
d'étuvage et la demande d'information sur les stratégies de
diffusion de cette technologie, une étude sur les déterminants de
l'adoption et de la diffusion du dispositif amélioré
d'étuvage s'avère nécessaire.
1. 3. Objectifs de recherche
1.3.1. Objectif principal
L'objectif principal de cette étude est d'analyser les
facteurs qui déterminent l'adoption et la diffusion du dispositif
amélioré d'étuvage du riz.
1. 3. 2. Objectifs spécifiques
De manière spécifique, cette étude vise
à :
O1- Identifier les acteurs ou groupes d'acteurs intervenant dans
la promotion du riz étuvé et analyser les relations qu'ils
entretiennent entre eux.
O2- Analyser la perception des populations locales de la
qualité du riz étuvé avec le dispositif
amélioré d'étuvage.
O3- Analyser les perceptions des acteurs sur les atouts et les
contraintes du dispositif amélioré d'étuvage du riz.
O4- Analyser l'organisation sociale de l'étuvage du
riz
O5- Analyser les déterminants socio-institutionnels
susceptibles de favoriser ou d'entraver l'adoption du dispositif
amélioré d'étuvage.
1.4. Les questions de recherche
Les questions auxquelles notre travail se chargera de
répondre sont les suivantes.
1 : Quels sont les acteurs impliqués dans la promotion du
riz étuvé ? Quels sont les objectifs/stratégies de chaque
catégorie d'acteurs ?
2 : Les populations locales sont-elles satisfaites de la
qualité du riz étuvé avec le dispositif
amélioré ?
3 : Comment les acteurs perçoivent-ils les
caractéristiques de l'innovation ?
4 : Quel est le dispositif organisationnel mis en place pour
favoriser l'adoption de l' innovation ?
2. CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE
2.1. Cadre conceptuel
Dans cette partie nous ferons la revue des points de vues des
auteurs sur les concepts comme : l'innovation technologique, l'adoption et la
diffusion des innovations, la perception humaine, le comportement et le
changement de comportement et le concept d'organisation paysanne.
2.1.1. Innovation technologique
Plusieurs auteurs ont défini le concept innovation
technologique selon leur perception. Ainsi, selon Rogers (1983) et Van Den Ban
(1994), une innovation est une idée ou un objet perçu comme
nouveau par un individu ou un groupe social à un moment donné.
Selon Greenwald (1984), l'innovation est un concept pragmatique. Elle a trait
à l'insertion de quelque chose de nouveau dans les activités du
monde réel. Les innovations sont généralement
censées conduire à une progression et, par conséquent
à une amélioration du moins dans l'esprit de l'innovateur.
L'innovation en économie, selon Adégbidi (1992), signifie l'une
des trois choses suivantes :
- la mise en oeuvre de changement dans la production, c'est
à dire de changement dans la fonction de production ;
- l'introduction de nouveaux types de marchandises sur le
marché, c'est à dire l'application de nouvelles fonctions d'offre
;
- l'introduction de changement de procédure sur les
marchés ou l'ensemble de l'économie, c'est à dire une
réforme sociale.
Dans l'histoire de la pensée économique,
l'analyse de l'innovation, reste associée au nom de l'Autrichien
Schumpeter qui, dans ses théories du développement
économique, soutient que l'innovation est l'essence du
développement économique (Greenwald, 1984).
Si le point de vue ci-dessus exposé s'est plutôt
focalisé sur l'aspect pragmatique de l'innovation, il faut
reconnaître que c'est Adams (1982) qui fait d'abord remarquer qu'une
innovation est en fait une idée ou un objet perçu comme nouveau
par un individu. Pourtant cette perception peut exister au niveau d'un groupe
social. Partant de son point de vue, Adams (1982) suggère qu'une
innovation peut être classée en innovation technique ou en
innovation sociale. C'est dans la première catégorie qu'on classe
souvent les innovations agricoles en l'occurrence les techniques
post-récolte comme la nouvelle méthode d'étuvage du riz.
En
effet, cette innovation entraîne des modifications
techniques dans le processus d'étuvage. La pré-cuisson du riz
paddy se fait à la vapeur contrairement à celle de la
méthode traditionnelle qui se fait dans l'eau. Ainsi, l'étape de
l'égouttage après pré-cuisson n'est plus
nécessaire. Aussi, avec les méthodes améliorées
d'étuvage, le séchage du riz paddy après étuvage ne
se fait plus seulement au soleil mais également à l'ombre.
2.1.2. Adoption et diffusion des innovations
L'adoption d'une innovation est une décision permettant
la pleine utilisation d'une idée nouvelle comme seule voie favorable
pour résoudre un problème (Rogers, 1983). Cette définition
montre que l'adoption est consécutive à une prise de
décision, mais elle n'indique pas le siège de ce processus de
prise de décision. Ainsi, selon Van Den Ban et al. (1994)
l'adoption est un processus mental qui commence depuis le premier contrat de
l'individu avec l'innovation, jusqu'à l'étape de rejet ou
d'acceptation. A partir de cette définition, les chercheurs ont
conceptualisé l'adoption comme étant un processus qui se produit
dans le temps et qui consiste en la série d'actions. Roger (1983) et
Adams (1982) ont distingué cinq phases dans cette série :
- la connaissance qui est la phase d'information ;
- la phase d'intérêt où l'individu
développe une envie active à avoir plus d'information sur
l'innovation ;
- la phase d'évaluation où l'individu compare
l'innovation aux pratiques existantes et ses exigences à sa situation
actuelle ;
- la phase d'expérimentation où l'individu essaie
l'innovation à petite échelle pour voir de façon pratique
ses performances et
- la phase d'adoption où l'individu utilise de
façon continue et à grande échelle l'innovation avec
satisfaction.
Selon Rogers (1983) la diffusion est le processus par lequel
une innovation est communiquée dans le temps à travers certains
canaux parmi les membres d'un système social. C'est un type particulier
de communication dans lequel les messages concernent de nouvelles idées.
La diffusion d'une innovation dépend donc de quatre
éléments : l'innovation, les canaux de communication, le temps et
le système social.
i) L 'innovation technologique
Selon Van Den Ban (1984) la vitesse de diffusion des innovations
dépend de la manière dont elles sont perçues par les
agriculteurs. Cette vitesse ne dépend pas des
caractéristiques de l'innovation mais de la
manière dont ces caractéristiques sont perçues (Rogers,
1983). Les principales caractéristiques de l'innovation prises en compte
par Rogers (1983) repris par Van den Ban et al. (1994) sont : la
pertinence, la compatibilité, la complexité, la
divisibilité et la transparence.
1- La pertinence est perçue
par l'adoptant comme étant le niveau de profit qu'il pourra tirer d'une
innovation. Cette attitude conduit le paysan à se demander si
l'innovation apportée permet de mieux att eindre ses objectifs et
à moindre coût qu'auparavant. La pertinence s'exprime
habituellement donc en terme de profit économique, quoique les paysans
de subsistance accordent beaucoup plus d'importance à l'évitement
des risques ; c'est-à-dire que l'on comparera les avantages en cas de
réussite aux inconvénients en cas d'échec. Deux
éléments sont donc à retenir dans cette comparaison
à savoir, les valeurs attendues et, la probabilité que ces
valeurs (positives ou négatives) se produisent ; autrement dit le risque
c'est-à-dire, la certitude ou l'incertitude d'atteindre le but
visé. En conséquence, il se peut qu'une solution très
positive et dont la probabilité de réussite est relativement
grande, ne soit pas prise en considération si les effets négatifs
prévisibles en cas d'échec sont particulièrement
graves.
2- La compatibiité : c'est
la mesure dans laquelle le paysan perçoit l'innovation comme conforme
à ses objectifs de gestion tant au niveau technologique qu'au stade de
développement de son exploitation. Autrement dit, c'est le degré
par lequel une innovation est perçue comme étant en harmonie avec
les valeurs existantes (valeurs socioculturelles et croyances), les
expériences passées et les besoins des adoptants potentiels.
3- La complexité : elle
détermine jusqu'à quel point les paysans comprennent l'innovation
et pensent qu'ils peuvent s'en servir. C'est donc le degré pour lequel
une innovation est comprise comme difficile à comprendre et à
être utilisée. Les innovations comprises par la plupart des
membres du système social seront rapidement adoptées
contrairement aux innovations qui obligent à développer des
habiletés et des compréhensions nouvelles.
4- La divisibiité est la
possibilité d'expérimentation de l'innovation avant son adoption
ou rejet définitif. Si le paysan est en mesure d'essayer l'innovation
sans dépenser irrémédiablement trop d'argent, il pourrait
l'adopter plus rapidement.
5- La transparence est la mesure
dans laquelle les paysans peuvent voir les résultats d'une innovation.
S'il est facile pour quelqu'un de voir les avantages d'une innovation, il est
aussi probable qu'il l'adoptera. Par ailleurs, une fois que les avantages d'une
innovation sont perçus
par un adoptant, ce dernier, au lieu de chercher à
cacher l'innovation aux autres membres de son système social, recherche
plutôt à informer ses collègues sur le bien fondé de
l'innovation afin que soit accéléré le processus de
diffusion.
Le dispositif amélioré d'étuvage est une
innovation observable et essayable. Cependant, la pertinence, la
compatibilité de l'innovation avec les normes socioculturelles et les
croyances de l'individu, et la complexité de l'innovation
dépendent de la perception de l'individu ; et, cette perception de
l'individu sur les caractéristiques de l'innovation, influence son
adoption et donc sa diffusion.
ii) Les canaux de communication
La communication peut être définie comme
étant le processus par lequel les acteurs créent et partagent une
information avec d'autres en vue de parvenir à une compréhension
mutuelle. La diffusion n'est pas fondamentalement différente de la
communication, ce n'est qu'un type particulier de communication dans laquelle
l'information échangée concerne des idées ou technologies
nouvelles. L'efficacité du transfert d'innovation ainsi que son
résultat dépendra donc du type de canal de communication
utilisé. La détermination des canaux de communication entre les
acteurs intervenant dans la diffusion du dispositif amélioré
d'étuvage s'avère donc nécessaire.
iii) Le temps
Le temps est un concept fondamental qui n'existe pas
indépendamment des événements mais qui est un aspect de
toute activité. La dimension du temps est un facteur important
impliqué dans le processus de diffusion des innovations (Ekong, 1988).
Ainsi, selon De Sardan (1995), on distingue plusieurs catégories
d'adoptant suivant le temps :
- l'innovateur qui est le premier à adopter une nouvelle
idée dans une communauté ;
- les adeptes précoces qui saisissent rapidement
l'innovation, l'essayent et l'adoptent si la phase d'essai est concluante ;
- la majorité précoce qui n'adopte une innovation
qu'après avoir été convaincu de sa valeur ;
- la majorité tardive qui n'adopte une innovation que si
elle a été acceptée par la communauté ;
- les adeptes tardives qui se caractérisent par leur
conservatisme.
La perception qu'un acteur a de l'innovation varie selon qu'il se
trouve dans l'une ou l'autre catégorie d'adoptant. C'est le rôle
de la vulgarisation d'en avoir conscience et de
savoir comment agir sur chaque acteur afin de le susciter
à changer de comportement. Il est donc important de connaître la
situation dans laquelle se trouvent les adoptants potentiels du dispositif
amélioré d'étuvage du riz afin de savoir les
stratégies de vulgarisation de cette innovation.
iv) Le système social
Un système social est défini comme un groupe
d'éléments engagés dans la résolution d'un
problème commun pour atteindre un même but (Van Den Ban et
al., 1994). C'est la frontière à l'intérieur de
laquelle les innovations sont diffusées. Les membres ou groupes du
système social peuvent être des individus, de simples groupes, des
organisations et/ ou des sous-systèmes qui se distinguent les uns des
autres.
2.1.3. La perception humaine
Bien que nous vivions dans le même monde, nous ne
percerons pas ses manifestations de façon similaire par nos organes de
sens, nous l'interprétons différemment. La perception est le
processus par lequel nous recevons des informations et des stimuli de notre
environnement et les transformons en des actes psychologiques conscients
(Lewin, 1996). Il n'est pas possible de comprendre la psychologie complexe de
la perception humaine, mais il est possible d'apprécier pourquoi les
personnes interprètent différemment leur entourage et comment ces
différentes perceptions influencent leur comportement. Tout comportement
individuel dans n'importe quelle situation repose non pas sur une
réalité, mais sur la réalité telle que
perçue et comprise par cet individu. Mon comportement à un moment
donné est fonction de la perception que j 'ai de mon environnement et de
soi à ce moment.
Nos perceptions sont subjectives et non absolues. Ainsi,
lorsque nous entrons dans une salle de cinéma, nous ne voyons d'abord
que l'écran et la lumière du projecteur. Après quelques
minutes, nous voyons ensuite les autres spectateurs (Van Den Ban et al.,
1994). En d'autres termes, notre perception de l'obscurité dans la
salle est relative à la qualité de lumière qu'il y a
dehors.
Nos perceptions sont aussi sélectives. « A tout
moment, nos sens reçoivent une multitude de stimuli de l'environnement
autour de nous. Nous voyons des objets, nous sentons des odeurs, entendons des
bruits etc. Malgré sa capacité à traiter une importante
quantité d'information, notre système nerveux ne peut pas
être conscient de tous les stimuli à la fois » (Van Den Ban
et al., 1994). Divers facteurs physiques ou psychologiques,
incluant
les attitudes, influencent la perception. Une connaissance de
ces facteurs permet d'attirer l'attention des personnes sur les aspects sur
lesquels on aimerait qu'ils réagissent.
La perception est organisée. Nous structurons nos
expériences sensorielles vers celles qui ont un sens pour nous. Notre
perception est directive. En effet nous percevrons ce que nous espérons.
Ainsi donc, la perception varie d'un individu à un autre dans la
même situation à cause de la différence entre nos styles
cognitifs. Notre perception des choses dépend des facteurs personnels
tels que notre tolérance pour les choses ambiguës, notre
degré d'autorisation, etc. (Lewin, 1996).
La perception humaine est un mécanisme très
individuel et subjectif. De l'environnement total, seuls les aspects conscients
ou inconscients perçus par l'individu peuvent influer son comportement
(Boom et Browers, 1990).
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