Etude comparée de l'arbitrage international dans l'OHADA et en Suisse( Télécharger le fichier original )par Cassius Jean SOSSOU BIADJA Université de Genève - DEA 2006 |
2-. LA DISCLOSURE OU OBLIGATION D'INFORMATION DES ARBITRESL'autre particularité du droit OHADA de l'arbitrage est que, les exigences d'indépendance et d'impartialité, il faut le dire, génèrent pour les arbitres dans ce système une obligation d'information qui, à défaut, peut constituer un motif de récusation. Plusieurs lois et règlements d'arbitrage consacrent ce principe du devoir de révélation appelé disclosure selon la terminologie anglo-saxonne. L'AU.A en droit OHADA, le formule expressément dans les dispositions de l'art 7 al. 2 comme suit "si l'arbitre suppose en sa personne une cause de récusation, il doit en informer les parties, et ne peut accepter sa mission qu'avec leur accord unanime et écrit". Il en appert pour tout arbitre, qui suppose un doute peser sur son indépendance et/ou son impartialité, en vertu du principe de la bonne foi, le devoir d'information à l'adresse des parties à qui, il revient d'en apprécier la légitimité afin d'accepter la mise en branle de la procédure de récusation ou la rejeter. Du point de vue du droit et de la pratique de l'arbitrage international, l'obligation de révélation de tout élément fort susceptible de susciter la récusation d'un arbitre est, un autre principe qui est considéré comme un corollaire fondamental du régime de récusation. Même si certaines législations n'estiment pas nécessaire de faire figurer dans le corpus de texte de loi sur l'arbitrage international l'obligation de révélation, force est de constater que, la disclosure dans la pratique du droit de l'arbitrage international est, du fait même de l'existence du contrat d'arbitre, un principe clé qui ne saurait se défier de toute légitimité. La législation suisse de l'arbitrage international (LDIP) ne l'a pas prise expressément en compte. Cependant, une jurisprudence du TF a reconnu cette disclosure en ces termes : "l'arbitre a le devoir précontractuel, puis contractuel, d'informer les parties au procès des faits pouvant être tenus pour un motif de récusation, du moins lorsqu'il a des raisons de penser que ces faits ne sont pas connus des parties ou de celles d'entre elles qui pourraient s'en prévaloir" (ATF 111 la 72, 75-76). Ceci étant, il est fort utile de préciser que, l'appréciation des éléments matériels fournis par l'arbitre à l'appui de son devoir d'information, doit pouvoir se faire selon la jurisprudence française "au regard à la fois de la notoriété de la situation critiquée et de son incidence raisonnablement prévisible sur le jugement de l'arbitre". Il va s'en dire que, cette appréciation des éléments fournis par l'arbitre, doit pouvoir se faire par les parties objectivement sur la base de son impact plausible sur l'issue du procès arbitrable. En cas de non rejet des motifs évoqués par l'arbitre, le consensus matérialisé par une preuve écrite, doit être fait par les parties sur la continuation de la mission de l'arbitre. C'est tout le sens que donne l'art.7 al. 2 in fine de l'AU.A qui prévoit que, l'arbitre "ne peut accepter sa mission qu'avec leur accord unanime et écrit". L'exigence d'un écrit, dans ce cas, n'est pas fortuite car comme le pense à bon droit P. LEBOULANGER, elle "est sans doute une sage précaution, qui évitera des tentatives de récusation à des fins purement dilatoires, mais qui pourra, à l'inverse, être une source de blocage, si une des parties refuse de donner son accord"58(*). Somme toute, la finalité de la disclosure c'est d'une part, de permettre aux parties "d'exercer leur droit de récusation en toute connaissance de cause" (GAILLARD, p. 1243)59(*) et d'autre part, d'empêcher "toute contestation à un stade ultérieur de la procédure (REDFERN/HUNTER, n° 4-61, p. 204), si les parties n'exercent pas leur droit ou le font sans succès"60(*). Sur ce dernier point curieusement, le droit suisse de l'arbitrage international, en dépit de la non prise en compte dans le corpus du texte de la loi d'arbitrage de la disclosure, souligne le devoir d'information à l'adresse du tribunal arbitral de la cause de récusation "le tribunal arbitral et l'autre partie doivent être informés [...] de la cause de récusation" (art. 180 al. 2 in fine). La récusation, nous le savons, est facultative et non obligatoire pour les parties. Cependant, en vertu du principe de la bonne foi, la cause de récusation doit "être soulevée sans délai par quiconque entend s'en prévaloir" (art. 7 al. 4 AU.A). Il s'en infère qu'une partie qui entend faire usage de la faculté de récusation du tribunal arbitral, que lui accorde la loi, doit invoquer le motif de récusation aussitôt qu'elle en a eu connaissance. Le droit suisse de l'arbitrage international ne fait pas l'économie de cette règle. On peut le constater dans la formulation expresse du contenu du texte de l'art. 180 al. 2 in fine du chapitre 12 LDIP qui, oblige de tenir informé sans délai le tribunal arbitral et l'autre partie de la cause de récusation. En effet, que ce soit en droit OHADA de l'arbitrage ou en droit suisse de l'arbitrage international, la recevabilité de la demande de récusation suppose qu'elle soit soulevée sans délai par la partie qui entend s'en prévaloir. À défaut, elle emporte pour celle-ci, comme conséquence "négative", la renonciation implicite à se prévaloir de la faculté de récusation et par la même occasion, renonciation au droit de demander l'annulation de la sentence au motif de l'irrégularité dans la constitution du tribunal arbitral ou de la violation de l'ordre public international. Formulé autrement, le principe veut que, la partie qui en connaissance de cause n'introduit pas sa demande de récusation dans les délais ne puisse plus ultérieurement avoir la possibilité d'attaquer la sentence, sur la base de cette irrégularité. C'est tout le sens que veut donner à la procédure de récusation les articles 7 al. 4 AU.A et 180 al. 2 LDIP. Pour aborder dans le même sens, le respect du délai fixé pour introduire une demande de récusation est une obligation conventionnelle mise à la charge de la partie qui entend se prévaloir de la récusation. Evidemment, le défaut d'une fixation conventionnelle emporte comme conséquence, pour la partie qui entend s'en prévaloir, le devoir, en vertu du principe de la bonne foi, d'agir sans délai au risque de perdre non seulement ce droit de demander récusation mais aussi, celui de recourir ultérieurement à l'annulation de la sentence pour ce motif. En droit suisse, la doctrine et la jurisprudence en ont déduit que, même si l'art. 180 al. 2 ne fixe aucun délai "la partie qui ne réagit pas immédiatement perd son droit de faire valoir ultérieurement le motif de récusation qu'elle invoque"61(*). Sur ce point, il est fort intéressant de noter que, les législations modernes sur l'arbitrage international ne fixent généralement aucun délai pour l'introduction d'une demande de récusation. Elles se contentent de s'en remettre simplement au principe de l'autonomie qui régit l'arbitrage et donc à la fixation conventionnelle de ce délai. Enfin, l'étude comparée de la problématique de récusation dans les deux systèmes, ne saurait se faire sans le rapprochement de la maxime qui veut que nul ne se prévale de sa propre turpitude du principe de l'interdiction de venire contra factum proprium des articles 7 al. 4 AU.A et 180 al. 2 LDIP. En effet, dans sa réglementation de la procédure de récusation, la loi d'arbitrage suisse, en l'occurrence le chapitre 12 LDIP, prévoit en son art. 180 al. 2 qu'"une partie ne peut récuser un arbitre qu'elle a nommé ou qu'elle a contribué à nommer que pour une cause dont elle a eu connaissance après cette nomination". Elle met ainsi en exergue, l'application du principe de l'interdiction de venire contra factum proprium. Il s'en dégage que, toute cause de récusation révélée avant la nomination d'un arbitre emporterait comme conséquence la non remise en cause de son indépendance et/ou impartialité. Ce qui ne parait pas illogique dans la mesure où, la récusation avant nomination d'un arbitre par la partie qui l'a choisi, est une attitude contradictoire justifiant le fait que ne soit pas entendu celui qui donne pour excuse sa propre turpitude. Attitude non protégée par les lois d'arbitrage et par la pratique de l'arbitrage international. C'est aussi le sens que le législateur OHADA donne aux dispositions de l'art. 7 al. 4 AU.A, lorsqu'il formule que "la récusation d'un arbitre n'est admise que pour une cause révélée après sa nomination". Comment s'opérationnalise alors la récusation ? * 58 PHILIPPE LEBOULANGER, Présentation générale des actes sur l'arbitrage in l'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique, Bruylant, Bruxelles 2000 p. 75. * 59 G. KAUFMANN-KOHLER / A. RIGOZZI, arbitrage international droit et pratique à la lumière de la DIP, éd. Weblaw, Berne 2006, Schulthess, Zurich/Bâle/Genève 2006, p. 141. * 60 Ibidem. * 61 ATF du 9 février 1998, Bull. ASA 1998, p.634, 664 ; citant notamment PETER/FREYMOND, Basler Kommentar, n° 21 ad art.180, p. 1493. |
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