Discriminations et conflits, Contribution à l'étude de la « conscience de condition » de la population de Ngaba( Télécharger le fichier original )par Jean Pierre Mpiana Tshitenge wa Masengu Université de Kinshasa - D.E.A en sociologie 2004 |
2. HypothèseTout travail scientifique ne procède pas d'une collecte et d'une accumulation hasardeuse des données sans qu'un fil conducteur soit dégagé au préalable. Ce fil conducteur - appelé hypothèse - permet la sélection adéquate des faits dont l'entrelacement et la complexité exposent toujours le chercheur à l'errance. Dans notre hypothèse, nous avançons que les habitants de Ngaba structurent leur espace social et attribuent les positions sociales à partir des ressources (capitaux) qui procurent prestige dans un contexte de l'informalité et dont la détention atteste la triomphe sur la crise socio-économique sous laquelle ploient la quasi-totalité des congolais. Ce mode de structuration de l'espace social procède de la stratification induite par le mode de production capitaliste qui a déstructuré les anciens ordres sociaux des sociétés traditionnelles africaines, même si certains de leurs éléments subsistent. Cette nouvelle stratification s'est remodelée à la suite de la crise socio-économique dans laquelle le pays est plongé. Ces discriminations traduisent d'une part, la « conscience de condition » dans une société où l'élite a secrété un habitus de jouissance fondé sur le pouvoir perçu en termes d'espace d'enrichissement et d'amélioration de la situation matérielle ainsi que d'un lieu de la force (violence) qui désormais procure le prestige social. C'est pourquoi, dans la ville de Kinshasa, où le pouvoir de l'élite (matérialiste) tient aux biens matériels et à sa capacité d'imposer la force (violence), ces deux ressources servent de critère d'évaluation sociale. D'autre part, elles traduisent les luttes symboliques quotidiennes, individuelles ou collectives, auxquelles se livrent les agents sociaux pour la conquête du capital symbolique qui, dans le cas d'espèce, est le prestige social. Luttes saisissables dans les attitudes, les comportements, les actions, les gestes, le regard, les discours qui émaillent les relations sociales et qui sont autant de stratégies de lutte. 3. MéthodeNotre étude se veut une saisie complète des discriminations socio-économiques partant du contexte social qui les a générés et servi de cadre de leur évolution et maturation. Elle s'interdit, par conséquent, de les isoler de ce contexte qui leur donne sens et signification. Ce contexte c'est la conjoncture sociale dominée par la « désalarisation » de l'économie nationale qui a déstructuré l'édifice social issu de l'économie formelle capitaliste et, par voie de conséquence, engendré l'économie informelle qui, à son tour, s'accompagne des nouvelles formes d'inégalités sociales. Cette conjoncture a engendré des forces sociales qui sont en lutte permanente pour la conquête du prestige social. Ce sont d'une part les gens fortunés, c'est-à-dire ceux qui de par leur condition sociale peuvent accéder à toutes les commodités qu'offre la vie urbaine et d'autre part, les démunis comprenant les pauvres et les appauvris. Lutte qui tantôt s'occulte dans la détention et l'exhibition des symboles de distinction sociale, tantôt dégénère en conflits ouverts, soit par une violence langagière, gestuelle, de regard, soit par des bagarres. Dans cet antagonisme, les individus appartenant à ces deux groupes de status s'engagent dans la recherche de mécanisme d'amélioration non seulement de leur condition matérielle, mais aussi de leur image sociale. C'est dans cette perspective que la fascination des biens matériels comme symbole de distinction sociale trouve tout son sens et finit par secréter un type comportemental caractérisé par la prétention. Une telle perspective correspond aux quatre lois de la méthode dialectique, à savoir la connexion universelle des phénomènes, la lutte des contraires, la négation de la négation et le changement qualitatif par le changement quantitatif. A propos de cette méthode, Loubet Del Bayle avance qu'elle « est d'abord associée au concept de la totalité en niant l'isolement entre ensembles et leurs parties et en soulignant que la réalité sociale est faite de l'ensemble des interactions entre ses différents éléments. Elle tend ensuite à privilégier la recherche des contradictions au sein de cette réalité, en mettant en relief, derrière l'apparente unité du réel, les tensions, les oppositions, les conflits, les luttes, les contraires et les contradictoires. »3(*) Ce sont ces lois telles qu'agencées ci-haut, qui nous ont guidé dans l'analyse des résultats des enquêtes menées grâce aux techniques ci-après : * 3 LOUBET DEL BAYLE cité par KUYUNSA, B., G. et SHOMBA, K., S., Initiation aux méthodes de recherche en sciences sociales, PUZ, Kinshasa, 1995 p.123 |
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