L'ACTION PAULIENNE
Garantir une obligation c'est renforcer par des
sécurités la probabilité de son recouvrement, ce qui
suppose, d'une part, que le lien d'obligation ne soit pas appelé
à connaître un dénouement instantané par
exécution immédiate, et d'autre part, que le créancier ait
quelque raison, tenant à l'importance des intérêts en jeu,
de redouter la défaillance du débiteur en admettant qu'aucun
n'est totalement insensible aux mesures susceptibles d'améliorer
l'espoir d'un règlement effectif.
Le droit des obligations inclut sous le rapport de leur
effectivité, un lot de techniques et mécanismes, légaux ou
conventionnels dont l'objectif est la défense ou la préservation
des intérêts acquis par le créancier contre son
débiteur. La partie la plus saillante de ce dispositif de protection
est, évidemment, constituée par le droit de gage
général sur les biens mobiliers et immobiliers du
débiteur.
Cependant le droit de gage général est une
garantie précaire, étendue à toute la fortune du
débiteur, mais dépourvue de toute maîtrise sur ces
éléments d'actif. Sa vertu sécurisante est
subordonnée à la consistance du patrimoine
intéressé et donc au bon vouloir et à
l'honnêteté du débiteur.
Celui-ci pourrait en cessant d'être loyal, compromettre
l'assiette du droit de gage par des initiatives ou des omissions patrimoniales
attentatoires à la sécurité des créanciers :
c'est le risque de dilapidation.
-11-
Face à un débiteur insolvable ni saisie, ni
astreinte ne seront efficaces si le débiteur n'a plus d'actif. Il est
donc nécessaire de donner au créancier des moyens d'assurer
préventivement la conservation du patrimoine.
Mais ce droit ne doit être accordé que dans des
cas exceptionnels car il serait intolérable de permettre aux
créanciers de s'immiscer dans la gestion du patrimoine de leur
débiteur lorsque celui-ci est solvable.
C'est ainsi que le tribunal de première instance de
CASABLANCA - HAY HASSANI AIN CHOCK a, le 21/3/2000 jugé, à bon
droit, qu'un débiteur ne peut être empêché de
disposer de son patrimoine sauf si son insolvabilité est
déclarée ou bien si son immeuble est grevé
d'hypothèque (1).
Cependant, l'éventualité d'un risque de
dilapidation n'est certes pas dépourvue de moyens préventifs tel
que les saisies conservatoires, les inscriptions provisoires ou encore les
réserves de propriété ; mais cette
éventualité ouvre aussi dans la théorie
générale des obligations, deux voies d'action curative tendant
à la préservation forcée de l'intégrité du
patrimoine du débiteur : ce sont l'action oblique et l'action
paulienne.
En d'autres termes, le créancier peut préserver
son gage en accomplissant des actes conservatoires, ou bien en exerçant
par la voie
____________________________________________________________________________________________________
(1) T.P.I. HAY HASSANI, AIN CHOCK - jugement n° 805 du
21/3/2000 - dossier civil n° 181/2000 - jurisprudence non publiée -
copie en annexe 1
-12-
oblique, les actions que son débiteur néglige
d'intenter ; ou encore d'attaquer par l'action paulienne les actes de son
débiteur faits en fraude de ses droits.
Il importe de souligner, de prime abord, que le
législateur marocain ne s'est pas préoccupé de
définir l'action paulienne et partant, elle n'est
réglementée par aucune disposition légale, à
l'exception de certains articles du code des obligations et contrats notamment
l'article 22 sur la simulation et l'article 1241 du code précité
sur les biens des créanciers.
En droit comparé différentes législations
maghrébines, arabes et européennes ont réglementé
l'action paulienne à travers ses conditions et ses effets.
C'est ainsi que l'article 1167 alinéa 1er du
code civil français qui constitue, après l'action oblique, le
deuxième volet de la protection des créanciers du fait du
comportement néfaste de leur débiteur, stipule
« qu'ils peuvent aussi attaquer, en leur nom personnel, les actes
faits par leur débiteur en fraude de leurs droits »
C'est donc l'action paulienne ou révocatoire que la
doctrine française n'a pas manqué de définir comme
celle tendant, pour le créancier, à voir remettre en
cause, à son égard, tout acte conclu par son débiteur, aux
fins de diminuer les chances de recouvrement de la créance.
Sur le plan Maghrébin, le législateur
algérien a réglementé l'action paulienne dans son code
civil. Ainsi, le Docteur Mohamed HASSANINE l'a défini comme une action
donnée au créancier pour le protéger contre
-13-
la fraude d'un débiteur qui diminue son patrimoine ou
remplace des biens aisément saisissables par des biens faciles à
faire échapper aux poursuites judiciaires (1).
Le droit Tunisien, pour sa part, a consacré à
l'action paulienne les dispositions énoncées à l'article
306 (nouveau) alinéa 1er du Code des Obligations et des
contrats Tunisiens : « les créanciers peuvent, en leur
nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur, en fraude de
leurs droits, sans toutefois qu'il soit dérogé aux
règles de statut personnel et successoral ».
La doctrine tunisienne a tenu à mettre en exergue trois
conditions pour que l'action en annulation puisse prospérer :
Tout d'abord il faut que la créance objet du litige,
soit arrivée à son terme.
Ensuite il faut que le contrat ou la donation, objet de
l'annulation, ait pour conséquence l'appauvrissement, voire son
insolvabilité.
Enfin, il faut que le cocontractant du débiteur ait
agit de mauvaise foi, c'est-à-dire en fraude des droits des
créanciers (2).
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN « AL WAJIZ FI NADARIAT AL-ILTIZAM »
(précis dans la doctrine de l'obligation par Dr. Mohamed HASSANINE
Professeur à l'université d'ALGER.
(2) IN « La revue des obligations et des
contrats à la lumière des changements contemporains »
1997 par Maître Mohamed SALEH AL IIYARI, ex Ministre de la justice
tunisien et Premier Président Honoraire près la Cour d'Appel de
TUNIS.
-14-
Sur le plan historique, l'action paulienne vient du droit
romain, elle était intentée par le « curator
honorum » au nom de tous les créanciers, lors de la
« venditio honorum », elle impliquait donc
l'insolvabilité du débiteur, et revêtait un
caractère pénal en ce qu'elle réprimait le délit de
« fraus créditorium », c'est-à-dire le fait
d'avoir soustrait intentionnellement ses biens aux poursuites de ses
créanciers en passant avec un tiers, un acte juridique.
Ce délit supposait la constatation de la mauvaise foi
tant du débiteur que du tiers complice, mais ultérieurement la
complicité du tiers ne fut plus exigée lorsque l'acte
était à titre gratuit.
Sa dénomination d'action paulienne lui aurait
été donnée par les compilateurs de justinien, et serait le
résultat d'un emprunt au nom du prêteur Paul (1).
La sanction de l'action paulienne était une
condamnation pécuniaire égale au montant de la valeur de la chose
soustraite aux créanciers ; condamnation qui n'était
prononcée que si les choses n'étaient pas remises en
l'état.
De ce fait l'action était
« arbitraire » elle aboutissait indirectement à la
restitution de la chose, donc à la révocation de l'acte
frauduleux, d'où son nom d'action révocatoire.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN : Droit civil, les obligations par Boris STARCK -
1986 - LITEC
-15-
Quoiqu'il en soit, on constate que la source essentielle de
l'action paulienne est jurisprudentielle. Les tribunaux ont constamment
assoupli les conditions de l'action paulienne pour en faire une protection
générale des créanciers contre les actes d'appauvrissement
de leur débiteur
Il en va pour s'en convaincre d'analyser l'ensemble des
décisions judiciaires émanants des différentes
juridictions du Royaume du Maroc, faisant application de l'action paulienne sur
la base des articles du Dahir formant code des obligations et contrats du 12
Août 1913.
Parmi ces décisions judiciaires, il importe de mettre
l'accent sur une jurisprudence récente non publiée afin
d'illustrer la place prépondérante de l'application de l'action
dans les litiges civils et commerciaux.
Il s'agit d'une caution solidaire ayant
bénéficié de plusieurs facilités bancaires. Mais,
afin de dilapider son patrimoine et provoquer son insolvabilité, elle
consent une donation au profit de son épouse et ce, en fraude des droits
des créanciers, ce qui a conduit à l'annulation de l'acte de
donation et son inopposabilité aux créanciers (1)
Par ailleurs, l'existence de l'action est une
conséquence de l'indépendance du débiteur. Celui-ci
conserve l'entière maîtrise de son patrimoine et peut donc
librement s'enrichir ou s'appauvrir.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) T.P.I. MARRAKECH jugement n° 2695 du 21/6/2000 -
dossier civil n° 244/1/2000 - jurisprudence non publiée (B. C/ TH.
) en annexe n° 2
-16-
La seule limite à cette liberté résulte
de la fraude : l'action paulienne tend à protéger le
créancier, même chirographaire contre les actes frauduleux de son
débiteur. C'est une sanction de la fraude et non de la négligence
du débiteur : une protection du droit de gage général
des créanciers, très fréquemment utilisée à
l'époque contemporaine contre tous les actes d'appauvrissement
frauduleux du débiteur telles que les donations ou les ventes à
vil prix.
De surcroît, l'action paulienne est une action
conquérante qui peut donc être utilisée en toutes
circonstances par le créancier qui subit un préjudice du fait de
l'appauvrissement frauduleux de son débiteur.
Par cette action, le créancier obtiendra que l'acte
frauduleux soit à son égard considéré comme non
avenu et en conséquence, de la remise des choses en l'état
antérieur à l'acte illicite.
Par ailleurs, l'action paulienne doit être
distinguée d'autres actions qui permettent aux créanciers de se
prémunir contre les conséquences dommageables des actes de leur
débiteur. Elle se présente comme une action spécifique qui
ne peut être assimilée notamment à l'action oblique,
à l'action en simulation, ou encore à toutes autres actions
fondées sur la fraude.
En premier lieu, l'action oblique permet au créancier
d'exercer les droits et actions de son débiteur que celui-ci a
négligé d'exercer. Elle prémunit donc le créancier
contre la négligence de son débiteur, alors que l'action
paulienne le protège contre sa fraude ; il s'agit de garantir les
créanciers
-17-
contre une déloyauté contractuelle qui ne
consiste pas dans une inaction, mais dans une action néfaste (1).
Elle est exercée, en outre, par le créancier
au nom du débiteur et profite à l'ensemble des
créanciers, sur le bien ou le droit rentrant dans le patrimoine du
débiteur alors que l'action paulienne est exercée par le
créancier en son nom personnel et ne profite qu'à celui qui l'a
intentée.
En second lieu, l'action paulienne doit être
distinguée de l'action en déclaration de simulation.
Le droit marocain a réglementé la simulation
à l'article 22 du Dahir formant code des obligations et contrats qui
stipule que « les contre lettres et autres déclarations
écrites n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et leurs
héritiers. Elles ne peuvent être opposées aux tiers, s'ils
n'en ont eu connaissance .... »
Pour sa part, la jurisprudence marocaine tend à
confondre, dans certaines décisions, l'action fondée sur la
fraude et celle fondée sur la simulation.
D'ailleurs, les créanciers exercent d'emblée une
action paulienne, sans passer par le préalable naturel de la
déclaration en simulation et le juge bienveillant accepte, tout à
la fois, de rétablir la réalité et de la
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN : Droit civil, les obligations par B. STARCK
N° 2343
-18-
sanctionner si bien que le résultat effectif d'une
telle action paulienne sera proche de celui d'une action en déclaration
de simulation suivie d'une action paulienne avec la nullité de l'acte
simulé.
Quoiqu'il en soit, l'action en déclaration de
simulation n'est qu'une variété de l'action paulienne ; en
outre c'est l'action exercée contre « le silence gardé
par le débiteur sur la consistance réelle de son patrimoine ou
sur la nature exacte de ses opérations juridiques ».
La doctrine marocaine a distingué entre simulation
absolue et simulation relative, et ce à travers les dispositions de
l'article 22 du Dahir précité. Cette dernière peut
être exprimée soit par voie de déguisement, soit par voie
de contre lettre, ou encore par voie d'interposition de personnes lorsqu'elle a
pour objet d'en déplacer les effets. (1).
La jurisprudence marocaine encore une fois a eu l'occasion de
se prononcer sur une décision traitant de l'action en déclaration
de simulation qu'elle a distingué de l'action paulienne et de l'action
oblique :
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN : « Commentaire du code des obligations
et des contrats marocains à la lumière de la doctrine et de la
jurisprudence » Tome I, par TAWFIK ABDELAZIZ & SAID FOUKHANI
(conseilleurs à la Cour Suprême) & Houssine JAAFAR (avocat)
-19-
« l'action par laquelle un créancier cherche
à faire déclarer fictive une vente d'immeuble effectuée
par son débiteur, constitue l'action en déclaration de simulation
prévue par le D.O.C. et non une action paulienne ou une action
oblique.
Cette vente ne peut être déclarée fictive
pour le seul motif que le vendeur a continué à occuper et
à exploiter l'immeuble vendu, s'il est établi qu'il était
débiteur de son acheteur précédemment à la vente et
que celle-ci est antérieure à toute poursuite exercée par
son créancier.... » (1)
De son côté, le Docteur A. SANHOURI (2) a mis
l'accent sur l'action en simulation.
Il a ainsi, défini la simulation comme un accord entre
contractants tendant à faire croire à l'existence d'une
convention (par acte apparent ou simulé) ne correspondant pas à
leur volonté véritable, exprimée par un autre acte
dénommé contre lettre.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Jugement du TPI RABAT du 28/1/1929 publié à
la Gazette des Tribunaux du Maroc, 1929 n° 356, p. 115 IN : Code
annoté des obligations et contrats par le Doyen François-Paul
BLANC, édition AL MADARISS - 1981 (article 419 n°4)
(2) Docteur d'Etat en droit, Professeur à
l'Université du Caire - EGYPTE
-20 -
Il a, en outre, relevé sa nature différente
à l'action paulienne car, cette dernière tend à
détruire une situation juridique réelle, elle est
nécessairement subordonnée à des conditions d'exercice
restrictives alors que l'action en simulation écarte simplement un acte
fictif sans existence réelle (1)
En droit comparé, la doctrine a tenté de fournir
une comparaison entre l'action paulienne et l'action en déclaration de
simulation. Elle relève qu'un débiteur peut se servir de la
simulation pour faire fraude à ses créanciers.
Dans l'action paulienne, le créancier est placé
en face d'un acte d'appauvrissement véritable, c'est le cas d'un bien
effectivement sorti du patrimoine du débiteur, le créancier
sollicite la révocation de l'acte à son égard ; alors
que dans l'action en déclaration de simulation il est en face d'un acte
fictif et demande que l'inexistence de cet acte soit constatée afin
qu'il soit reconnu qu'un bien donné est resté, en
réalité, dans le patrimoine du débiteur et partant, dans
le gage des créanciers de
« l'aliénateur ».
En dernier lieu, l'action paulienne doit être
distinguée d'autres actions fondées sur la fraude, mais qui n'ont
pas pour objet de protéger le droit de gage général des
créanciers.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN : « AL WASSIT FI CHARH AL KANOUN AL
MADANI » (précis au Droit civil annoté - preuve &
effets de l'obligation - tome 6 - par ABDERRAZAK SANHOURI
-21-
Ainsi en est-il de l'action ouverte au
bénéficiaire d'une promesse de vente, ou encore de l'action
ouverte au créancier auquel une hypothèque a été
consentie avec déclaration des inscriptions grevant, à la date de
l'acte, l'immeuble hypothéqué en vue de demander la
nullité de l'inscription prise avant la sienne par un créancier
postérieur du même débiteur, s'il est établi que
l'antériorité de l'hypothèque obtenue par ce
créancier est le résultat d'un acte frauduleux qui a eu lieu
entre lui et le débiteur pour priver le premier créancier de la
priorité de rang qui lui a été promise.
Par ailleurs, nous ne pouvons qu'être surpris et en
même temps comblé par l'extraordinaire vitalité de l'action
paulienne dans la jurisprudence marocaine.
En effet, non seulement les hypothèses dans lesquelles
il y ait recouru sont extrêmement diverses et cela d'autant plus que les
tribunaux interprètent très souplement ses conditions
d'ouverture, mais encore l'action paulienne devient une garantie de droit
commun des obligations, une voie de recours qui supplée les techniques
particulières de protection des créanciers devenus
défaillants.
Ainsi, il importe d'emprunter quelques exemples aux
décisions les plus récentes rendues par les différents
tribunaux du Royaume afin d'en démontrer l'actualité et
l'imagination des débiteurs rendant infinies les modalités de la
fraude.
-22-
A ce titre, l'inopposabilité a pu frapper la donation
immobilière qu'une caution solidaire avait consentie à son
épouse et ses descendants en fraude des droits des créanciers, et
ce après avoir cautionné auprès d'une banque la
société dont le compte courant était débiteur
(1).
Quoiqu'il en soit, la jurisprudence marocaine montre en effet,
que l'action paulienne est un complément à des actions
spéciales qui échouent. C'est une garantie du droit commun des
obligations qui peut toujours venir comporter si nécessaire une
technique spéciale de protection des créanciers qui
s'avérerait défaillante, souligne le Professeur MESTRE (2).
A cet égard, l'action paulienne se rencontre aussi dans
le cas particulier où la réduction du capital d'une
société anonyme a été effectuée
frauduleusement.
La Loi n° 17/95 (3) régissant les
sociétés anonymes permet au représentant de la masse des
obligataires et à tout créancier, dont la créance est
antérieure à la date du dépôt au greffe, de faire
opposition dans les trente jours à la réduction du capital
non motivée par des pertes, décidée par l'Assemblée
Générale.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Jugement n° 2706 du 6/7/95 - dossier n° 150/95
TPI HAY HASSANI - jurisprudence non publiée (W C/ sieur AB. & C0)
copie en annexe 3
(2) IN : Revue trimestrielle de droit civil
français 1986 page 601, note du Professeur J. MESTRE
(3) Article 212 de la loi n° 1795 du 30/9/1996 relative
aux sociétés anonymes
-23-
En droit comparé, la Cour de Cassation française
a jugé que cette protection spéciale de la loi commerciale ne
privait pas les créanciers du droit d'exercer l'action paulienne contre
la décision de réduire le capital, prise par l'Assemblée
Générale, en parfaite connaissance du préjudice qui serait
causé aux créanciers (1).
Il importe ici de souligner qu'une telle jurisprudence
s'étend à toutes les hypothèses où la protection
des créanciers est assurée par un droit particulier
d'opposition.
Par ailleurs, l'action paulienne devient une action de droit
commun qui embrasse toutes les formes de la fraude, ce qui retentit sur sa
nature juridique et conduit la doctrine dominante en droit comparé
à y voir une action en inopposabilité.
A cet égard, la qualification d'action en
inopposabilité est due à l'acte valable entre les parties mais
dépourvu d'apports à l'égard du créancier victime
de la fraude.
En droit marocain, les juges du fond qualifient improprement
l'action paulienne d'action en nullité , au lieu d'une action en
inopposabilité, mais la cour de cassation française a
considéré que les parties à l'acte ne sont pas en droit de
se prévaloir de cette erreur dépourvue d'effets à leur
égard.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Arrêt rendu par la chambre commerciale près
la cour de cassation française du 11/2/86, IN : la revue
trimestrielle de droit civil 1986, page 601.
-24-
Par ailleurs, l'action paulienne porte
généralement, soit sur des contrats à titre
onéreux, soit sur des contrats à titre gratuit.
Concernant les contrats à titre onéreux, ce sont
ceux en vertu desquels une partie s'engage envers l'autre dans un but
intéressé, car elle doit retirer du contrat un avantage
pécuniaire, alors que dans la seconde catégorie, il s'agit d'un
contrat dans lequel le débiteur s'engage envers le créancier,
sans espérer de contre partie, c'est le cas notamment de la donation.
Cette distinction permet de relever outre le caractère
intuitu personae du contrat à titre gratuit, le fait que l'action par
laquelle le créancier peut attaquer pour fraude des actes accomplis par
son débiteur est plus facile à intenter lorsqu'il s'agit d'un
contrat à titre gratuit conclu par le débiteur, que lorsqu'il
s'agit d'un contrat à titre onéreux.
En effet, dans ce dernier cas, le créancier qui entend
attaquer un contrat frauduleux conclu par son débiteur, devra prouver
à la fois la fraude du débiteur et celle de son cocontractant.
Au contraire, s'il s'agit d'un contrat à titre gratuit,
il suffit de prouver la fraude commise par le débiteur.
-25-
De ce fait, l'action paulienne en ce qu'elle suppose une faute
du débiteur, et un préjudice subi par ses créanciers, se
rapproche d'une action en responsabilité civile. Elle ne consiste pas
simplement en la mise en jeu de la responsabilité du débiteur,
dans la mesure où ses conditions et ses effets ne sont pas exactement
ceux d'une action en responsabilité.
Il ne s'agit pas non plus d'une action en nullité
relative à l'initiative des créanciers comme indiqué
précédemment, car l'acte attaqué par la voie paulienne
n'est pas anéanti « erga omnès », comme il
devrait l'être s'il était annulé.
En réalité, l'action paulienne est une action
originale qui ne saurait être ramenée à aucune autre
action. Son idée est simple : le contrat conclu est opposable aux
créanciers des parties parce qu'ils ont un droit de gage
général sur le patrimoine de leur débiteur et doivent
subir toutes les fluctuations de l'état de ce patrimoine qui
résultent des actes accomplis par le débiteur.
Elle présente donc un intérêt tout
particulier en ce qui concerne l'exception qu'elle constitue au principe de
l'opposabilité des contrats aux créanciers des parties.
-26-
Néanmoins, nous ne saurons traiter de l'action
paulienne en droit marocain sans omettre de se poser la question de savoir
pourquoi le législateur marocain n'a pas repris les dispositions
relatives à l'action paulienne en reprenant le code de Napoléon
de 1804 alors même que toutes les législations maghrébines,
voire arabes, prévoient cette action ? (1)
L'article 22 du D.O.C. stipule que « les contre
lettres ou autres déclarations écrites n'ont d'effet qu'entre les
parties contractantes et leurs héritiers. Elles ne peuvent être
opposées aux tiers s'ils n'en ont eu connaissance,.... »
De surcroît, l'article 22 précité sur la
simulation peut-il être considéré par le législateur
marocain comme suffisant pour réglementer l'action paulienne et ce, aux
côtés de l'article 1241 du même Dahir régissant le
gage général des créanciers ?
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Article 306 alinéa 1er du C.O.C.
Tunisien
Articles 191 & 192 du C.O.C. Algérien
Articles 238,239 & 240 du C.O.C. Egyptien
Articles 238 & 240 du C.O.C. Syrien
Articles 263, 265, 268 & 269 du C.O.C. Irakien
Articles 240, 242 & 245 du C.O.C. Lybien
Article 278 du C.O.C. Libanais
Article 205 du C. CIV. Sénégalais
-27 -
L'intérêt d'une telle étude sur l'action
paulienne en droit marocain s'avère d'une importance capitale car en
l'absence de législation spéciale en la matière, nous nous
efforcerons d'analyser ce genre d'action en mettant l'accent sur les efforts
louables des magistrats marocains notamment les juges du fond qui prononcent
des décisions approuvant l'action paulienne, enrichissant ainsi le
palmarès de la jurisprudence marocaine.
De plus, ce travail revêt un second intérêt
qui réside dans l'analyse d'un thème basé sur la doctrine
et la jurisprudence marocaine et comparée, ce qui permettra de
dévoiler et de commenter des décisions récentes non
publiées rendues par les différents tribunaux du Royaume sur
cette action.
D'abord, il nous est opportun de souligner que Monsieur le
Doyen François-Paul BLANC (1) a eu le mérite d'annoter le Dahir
formant code des obligations et contrats marocain et partant, à mettre
en exergue l'apport de l'action paulienne et l'appauvrissement du
débiteur à travers la publication de certaines décisions
jurisprudentielles sur la base notamment des articles 77 et 229 du Dahir
précité.
En effet, parmi les premiers jugements réglementant
l'action paulienne à la lumière de l'article 77 du D.O.C., nous
retenons le jugement du tribunal de première instance de RABAT qui admet
expressément :
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Agrégé des facultés
de droit - Doyen de l'université de Perpignan France.
-28-
« bien que l'action paulienne, telle qu'elle
résulte des dispositions de l'article 1167 du Code civil
français, ne soit pas mentionnée dans le D.O.C., on ne peut dire
qu'il n'existe, d'après ce Dahir, aucun recours pour les
créanciers contre le débiteur qui volontairement a cherché
à s'appauvrir ; en effet, les créanciers peuvent toujours
agir contre cet appauvrissement qui leur porte préjudice, en s'appuyant
sur le principe général édicté par l'article 77 du
D.O.C.
S'il s'agit d'une action tendant à faire
déclarer nulle pour simulation une donation faite par acte authentique,
cette action est ouverte aux créanciers du prétendu donateur,
même aux créanciers postérieurs à l'acte
simulé, qui ont qualité pour établir que leur gage au
moment où ils ont traité, comprenait en réalité le
bien soi-disant aliéné » (1)
Par ailleurs, la Cour d'Appel de RABAT avait rendu un
arrêt considéré de principe réglementant
également, l'action paulienne, et plus précisément
l'appauvrissement du débiteur.
Outre l'effet d'inopposabilité du contrat au
créancier saisissant, l'arrêt tend à mettre l'accent sur
l'intention de nuire aux tiers par le débiteur avec le concours de
l'acquéreur frauduleux.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Jugement du tribunal de première instance de Rabat
du 1/3/1933, G.T.M. 1933 - N° 538 - P. 119 IN : CODE ANNOTE DES
OBLIGATIONS ET DES CONTRATS par : Le Doyen François-Paul BLANC -
préface de Me. MAATI BOUABIB - édition AL MADARISS - 1981
(article 77 n° 53)
-29-
Ainsi, l'arrêt de la Cour d'Appel dispose que :
« un acte, tout en faisant loi entre les parties
contractantes, aux termes de l'article 229 du D.O.C., ne peut cependant nuire
aux tiers et peut, de ce chef, être attaqué par eux, en vertu de
l'article 77 du D.O.C.
L'intention de nuire aux tiers, en l'espèce le
créancier saisissant, peut résulter de la part du débiteur
saisi, auteur de l'acte incriminé, des circonstances de la cause,
indiquant sa volonté de frustrer le créancier du gage de sa
créance, ce avec le concours conscient de l'autre contractant, acheteur
prétendu de l'objet litigieux.
Les contrats de vente ainsi établis ne sont pas
opposables au créancier saisissant » (1).
Ensuite, il faut préciser que parmi les arrêts de
principe qui ont admis l'action paulienne par application des dispositions des
articles 22 et 1241 respectivement relatifs à la simulation et au gage
général des créanciers, et qui ont fait l'objet de
publication, nous citons l'arrêt rendu par la Cour Suprême de Rabat
le 19/10/1987. Il s'agit d'une vente simulée intervenue en fraude des
droits des créanciers, la Cour a retenu la pertinence du moyen
invoqué en soulignant que les biens du débiteur sont le gage de
ses créanciers en vertu de l'article 1241 du Dahir formant code des
obligations et contrats.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Arrêt de la Cour d'Appel de Rabat
du 24/3/1933 Recueil des arrêts de la Cour d'Appel de RABAT (R.A.C.A.R.)
tome VIII - P. 218 IN : Code annoté des obligations et des contrats
par M. Le Doyen François-Paul BLANC, préface de Me. MAATI BOUABID
- édition AL MADARISS - 1981 (article 77 n° 54)
-30-
Elle a en outre, mis en exergue la position du tiers qui subit
un préjudice par le fait de conventions passées par son
débiteur, pour disposer de ses biens en fraude des droits du
créancier, en précisant qu'il est en droit d'attaquer ces
conventions par la voie judiciaire en invoquant la simulation. (1)
Enfin, la jurisprudence marocaine a repris un principe
prépondérant de l'action paulienne, à savoir qu'il n'est
pas nécessaire d'avoir un jugement définitif pour engager la dite
action, il suffit donc de pouvoir prouver la fraude du débiteur au
détriment des droits des créanciers, afin d'obtenir
l'inopposabilité de l'acte frauduleux aux créanciers sus
indiqués.
Par conséquent, l'étude de l'action paulienne en
droit marocain nous permettra de traiter de deux volets :
les conditions d'exercice de l'action lors d'une
première partie en s'attardant sur celles relatives à l'acte
attaqué et celles relatives aux parties au litige en l'occurrence le
créancier poursuivant, le débiteur défendeur à
l'action et le tiers défendeur
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(1) Chambre sociale près la cour suprême de Rabat
- arrêt n° 529 du 19/10/1987 - affaire Ste. RM C/ KITABRI MOHAMED et
autres - IN : Revue Marocaine de Droit n° 16 P. 62 (en annexe 4)
-31-
Ce qui nous mènera à mettre en exergue lors
d'une seconde partie, les effets de l'action paulienne en soulignant d'une part
le principe fondamental de l'inopposabilité de l'acte frauduleux au
créancier poursuivant avec, bien entendu, l'apport de la jurisprudence
marocaine en la matière et la nuance qui s'en dégage (action en
inopposabilité - action en nullité) et d'autre part, la notion de
réparation du préjudice causé au créancier
poursuivant en cas d'impossibilité de rétablir l'état
antérieur et ce, en engageant simultanément avec l'action
paulienne, une action en responsabilité civile.
* *
*
-33-
Ière PARTIE - LES CONDITIONS D'EXERCICE DE L'ACTION PAULIENNE EN
DROIT MAROCAIN
|
Nous nous attarderons lors de cette première partie
à mettre en exergue les conditions relatives à l'acte
attaqué d'une part, et les conditions relatives aux parties au
litige.
A - CONDITIONS RELATIVES A L'ACTE ATTAQUE :
L'action paulienne concerne les actes.
Elle est soumise à une condition essentielle :
la fraude du débiteur (auteur de l'acte) dont l'importance a
quelque peu rejailli par rapport aux conditions relatives au demandeur à
l'action (notamment en ce qui concerne les caractères de sa
créance) et au tiers contre lequel l'action est intentée.
En droit marocain, la jurisprudence a permis de constater que
les actes unilatéraux notamment les donations entre époux et vers
la descendance, constituent, principalement, la cause d'exercice de l'action
paulienne.
Il ne faut pas omettre de souligner à toutes fins
utiles, que l'exercice de l'action paulienne n'est pas dépendant d'un
jugement définitif ou d'une action engagée au fond.
De façon générale, les conditions
relatives à l'acte attaqué impliquent deux questions
prépondérantes, à savoir : quels sont les actes
susceptibles d'être attaqués ? et quel préjudice doit
causer l'acte sus indiqué pour être attaquable ?
1 - La nature des actes susceptibles d'être
attaqués par l'action paulienne :
Le principe est que l'action paulienne est exercée
contre un acte juridique établi par le débiteur. Par exception
certains actes juridiques échappent à son emprise.
-34-
a : - Le principe :
L'action paulienne ne peut être exercée que
contre un acte juridique. La fraude suppose, en effet, une manifestation de
volonté et, de surcroît, elle ne se conçoit pas lorsqu'il
s'agit d'un fait juridique.
En droit comparé, l'article 1167 du code civil
français régissant l'action paulienne ne peut faire l'objet
d'application lorsqu'il s'agit d'obligations extra contractuelles comme celles
résultant d'un délit par exemple.
Par ailleurs, tous les actes juridiques sont, en principe,
susceptibles d'être attaqués par l'action paulienne. Il s'agit
notamment des donations ou des donations déguisées.
A cet égard, il convient de souligner l'apport de la
jurisprudence marocaine quant aux décisions traitant de la
nullité des actes juridiques tels que des donations consenties par des
débiteurs en fraude des droits des créanciers.
Ainsi, un débiteur s'était porté caution
solidaire auprès d'une banque pour assurer le parfait remboursement de
la créance en principal, intérêts, frais et accessoires et
ce, à hauteur des engagement de l'emprunteur vis à vis du
créancier.
Il a ensuite consenti un acte de donation à ses
descendants en fraude des droits du créancier afin de créer son
insolvabilité et partant, dilapider son patrimoine.
-35-
Les juges du fond ont décidé, à bon
droit, l'annulation de l'acte attaqué souscrit frauduleusement et l'ont
déclaré inopposable au créancier (1)
L'action peut, également, être intentée
contre des actes de vente conclus avec des montants fictifs. C'est le cas
notamment d'une Cour d'Appel française qui, sans inverser la charge de
la preuve, et pour caractériser la fraude paulienne commise par une
caution et partant déclarer inopposable aux créanciers la vente
de biens immobiliers consentie par celle-ci à une société
civile immobilière, a relevé, dans le cadre de l'exercice de son
pourvoir souverain d'appréciation, que le prix de vente a
été payé hors la comptabilité du notaire, que la
preuve n'est pas rapportée de ce que le titulaire ait apporté les
fonds correspondants à sa quote part de la valeur vénale des
biens acquis, et en déduit, par rapprochement avec la date de
constitution de la société et celle de la mise en liquidation
judiciaire du débiteur principal, que le prix de vente a
été payé de manière fictive par la caution à
elle-même. (2)
D'une manière générale, la doctrine
française enseigne qu'il importe peu que l'acte soit unilatéral
ou conventionnel, à titre onéreux ou gratuit, créateur,
translatif ou extinctif de droits.
Néanmoins, certains auteurs prétendent que les
actes créant des obligations échappent à l'action
paulienne au motif que le débiteur n'est pas dessaisi de la gestion de
son patrimoine en ce qui conduirait vraisemblablement à supprimer
l'action paulienne (3)
Quoiqu'il en soit, l'exercice de l'action paulienne est
limité par l'exigence de conditions strictes, nécessaires pour
éviter que les créanciers ne s'immiscent sans un motif
très sérieux dans le patrimoine de leur débiteur.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Jugement n° 12723 rendu par le
T.P.I. de CASA ANFA le 4/11/1999 dans le dossier civil n° 3863/99 -
affaire BM. C/ B.A..... jurisprudence non publiée. Copie en annexe 5
(2) Arrêt de la Première
Chambre près la Cour de Cassation française du 4 Juin 1996 -
rejet - dossier n° 93-13870 - Jurisprudence publiée - IN :
CD-ROM « Intégrale Cassation » collection Legisoft
Bulletin n° 235 - copie en annexe 6
(3) IN : Droit Civil - les obligations
par MAZEAUD & CHABAS page 1025 prg. 982.
-36-
C'est ainsi qu'un créancier n'aura aucun
intérêt pour agir lorsque le débiteur est solvable. La
solvabilité sera appréciée en tenant compte des biens du
débiteur situés sur le territoire marocain, ou sortant d'une
réalisation facile. Mais, il aura intérêt à agir si
son débiteur, bien que solvable, compromet ses sûretés en
diminuant la valeur d'un immeuble hypothéqué ou en consentant un
bail de longue durée, à titre d'exemple.
Par ailleurs, la doctrine arabe s'est pour sa part,
préoccupée de traiter de l'action paulienne en la distinguant de
l'action oblique, de l'action directe ou encore de l'action en
déclaration de simulation.
A cet égard, le Docteur Abderrazak SANHOURI (1) a mis
l'accent sur les conditions relatives à l'acte attaqué par
l'action précitée, notamment à travers l'acte
juridique.
Il précise que « lorsqu'un
débiteur remet un bien, lui appartenant, à un tiers jusqu'au
transfert de la propriété de ce bien par l'effet de la
prescription , le créancier ne peut en aucun cas intenter une
action paulienne contre cet acte matériel. Mais, il peut en revanche,
avant le délai de prescription, intervenir au nom du débiteur
pour empêcher la dite prescription et partant, récupérer le
bien à travers l'action indirecte » (2).
En droit musulman, il convient de souligner que l'acte
de donation ou de vente souscrit lors de la dernière maladie (maladie
précédant la mort) prend la qualité d'un testament et, le
créancier n'a pas à attaquer cet acte, ni même le testament
car il récupère sa créance du patrimoine du « DE
CUJUS » avant l'octroi au bénéficiaire du testament de
sa quote part (3)
____________________________________________________________________________________________________
(1) Docteur d'Etat en Droit - Professeur
à l'université du Caire - Egypte
(2) IN : « Précis dans
le droit civil annoté - les effets de l'obligation » Tome II -
page 1009 - prg. 574, par le Dr. A. SANHOURI - université du Caire -
Egypte
(3) IN : « Précis au droit civil
annoté - le Contrat » page 791 - Prg. 733 n° 6
par le Dr. A. SANHOURI - professeur à
l'université du Caire - Egypte
-37-
Ainsi, après avoir évoqué le principe
selon lequel les actes juridiques sont seuls susceptibles d'être
attaqués, et indépendamment de la question de savoir si
l'ensemble des conditions de l'action paulienne sont réunies, certains
actes constituent l'exception et échappent à son emprise en
l'occurrence notamment, les actes relatifs à des droits insaisissables
attachés à la personne ou encore le partage.
b/ Exceptions au principe :
L'action paulienne ne saurait être exercée contre
certains actes pour des raisons qui tiennent soit à leur nature, soit
à leur objet, ne correspondant pas à la logique de l'action.
Il s'agit de prime abord, des actes relatifs à des
droits exclusivement attachés à la personne, en ce sens que
lorsqu'un débiteur renonce à percevoir une indemnité pour
un dommage moral par exemple, ou bien lorsqu'il se désiste de l'action
en contrefaçon du brevet d'invention dont il est titulaire - action
qu'il a seul le droit d'exercer - , ses créanciers ne peuvent pas
attaquer cette renonciation ou ce désistement par l'action paulienne car
en cas d'annulation de l'acte souscrit par le débiteur, les
créanciers sus visés seraient dans l'impossibilité
d'exercer au nom de leur débiteur, l'action oblique afin de
récupérer leur créance. Mais cette
« immunité » dont jouit le débiteur, peut
être écartée lorsqu'il contracte, frauduleusement, un
engagement excessif à l'égard d'une victime d'un dommage
moral.
Il s'agit en second lieu, des jugements qui peuvent être
pour les parties, le moyen de frauder les droits des tiers, ce qui permet
à ces derniers, de lutter contre la fraude du débiteur non pas
par l'action paulienne, mais par la voie de recours extraordinaire en
l'occurrence : la tierce opposition.
-38-
Elle est réglementée par l'article 303 du code
de procédure civile marocain et définit comme étant
« une voie de recours qui tend à faire rétracter ou
réformer un jugement au profit d'un tiers qui l'attaque pour qu'il soit,
à nouveau, statué en fait et en droit ».
Cependant, même si un jugement ne semble pas porter
atteinte aux intérêts des tiers, puisqu'il ne produit ses effets
qu'à l'égard des parties, plusieurs situations peuvent se
présenter démontrant l'insuffisance de la règle de
l'autorité de la chose jugée, notamment suite à un acte
consenti par l'une des parties agissant en fraude des droits de ses ayants
cause, ce qui oblige les créanciers à défendre leurs
intérêts à posteriori.
En somme, la tierce opposition a pour objet de rendre
inopposable au tiers la décision attaquée par ses soins, à
la condition qu'il n'ait pas été partie au procès et que
la décision lui porte préjudice.
La doctrine égyptienne s'est, pour sa part,
préoccupée de la tierce opposition qu'elle a qualifié de
frein à l'exercice de l'action paulienne.
En effet, le Docteur A. SANHOURI souligne que « le
créancier n'attaque pas l'acte juridique contracté par son
débiteur, mais plutôt le jugement intervenu contre ce dernier,
suite à une connivence avec son adversaire afin que ledit jugement
puisse intervenir à son encontre ou bien, suite à une
négligence manifeste du créancier pour la défense et la
sauvegarde de ses intérêts.
Il va de soit qu'un tel jugement rendu à l'encontre du
débiteur, diminuera le gage général des autres
créanciers et partant, soustrait la créance du patrimoine du
débiteur »(1)
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN : « AL WASSIT FI CHARH
AL KANON AL MADANI NADARIAT A L'ILTIZAM » (précis dans le
droit civil annoté) par Dr. Abderrazak SANHOURI- tome II, page 1011,
prg. 576 (traduction personnelle)
-39-
En troisième lieu, la question du partage demeure
ambiguë et mérite une analyse comparative exhaustive entre le droit
français et le droit marocain inspiré du rite Malékite.
En droit comparé, le code civil français a
apporté une restriction au droit des créanciers d'exercer
l'action paulienne contre les partages de successions et de communautés
(1)
Cette restriction s'explique par la volonté d'assurer
la stabilité du partage et par l'existence de procédures
spéciales permettant de protéger les droits des
créanciers.
Cependant, des exceptions peuvent survenir et
déclencher l'action paulienne, c'est le cas notamment d'un partage
fictif de communauté dissimulant une donation.
Par ailleurs en droit marocain, l'absence de texte
spécifique réglementant l'action paulienne, ne nous empêche
pas de traiter ce volet relatif au partage.
En effet, le statut personnel marocain issu du rite
malékite et partant du droit musulman, permet de relever les conditions
du partage notamment entre cohéritiers et dans le cadre du régime
matrimonial qui demeurent différents du système
français.
Comme nous l'avons précédemment indiqué,
le partage de la succession en droit musulman, qui trouve sa source dans le
Saint Coran (2), intervient après le paiement des créanciers du
défunt (débiteur) d'une part, et la réalisation du
testament à hauteur de 1/3 de la succession d'autre part.
_________________________________________________________________________________
(1) Article 1167 alinéa 2 du code
civil français
(2) Sourat « AN
NISSAA » verset 11
-40-
Ainsi, les créanciers sont amenés à
réclamer le recouvrement de leur créance avant le partage de la
succession, mais peuvent être contraints à exiger des ayants
droits du défunt le reliquat de la créance si la succession ne
suffit pas à rembourser ces derniers.
Néanmoins, il nous paraît opportun de souligner
qu'un arrêt de la Cour d'Appel de Rabat a jugé, à bon
droit, qu'il y a lieu d'exercer l'action paulienne à l'encontre d'une
épouse en sa qualité de légataire et
d'héritière d'un débiteur décédé
à la suite d'une maladie ; legs consenti en fraude des droits des
créanciers.
La Cour a estimé par application des dispositions de
l'article 419 du D.O.C., que « Revêt le caractère de
libéralité déguisée et doit être
annulé comme entachée de fraude, conformément à
l'article 419 du D.O.C., la reconnaissance de dette envers son épouse
souscrite par un musulman au cours de la maladie dont il est
décédé.
En effet, en droit successoral musulman malékite, les
parts héréditaires fixées par le Coran sont intangibles.
Le cumul de la qualité d'héritier et de la qualité de
légataire est interdit. Il ne peut y avoir de legs en faveur d'un
héritier »(1)
Par ailleurs, dans le cadre du régime matrimonial, une
distinction entre les deux systèmes s'impose.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Arrêt de la Cour d'Appel de Rabat
du 19/6/1942 - R.A.C.A.R. TOME XI - P.495 - IN : CODE Annoté des
obligations et des contrats par le Doyen François-Paul BLANC,
préface Me. MAATI BOUABID article 419 n° 15 - édition AL
MADARISS 1981
-41-
En droit marocain, le principe demeure le régime de la
séparation des biens entre époux. Toutefois, ce principe
dégage quelques exceptions, à titre d'exemple, l'exigence de
l'épouse lors de la conclusion du contrat de mariage, la moitié
du patrimoine de l'époux en cas de répudiation volontaire de ce
dernier.
Il convient ici de rappeler à toutes fins utiles, que
la société civile marocaine reste, aux côtés des
problèmes culturels d'analphabétisation, attachée aux
principes traditionnels notamment en ce qui concerne le mariage et le divorce.
Néanmoins, certaines catégories sociales, voire modernes,
contournent le principe sus indiqué pour faire insérer dans le
contrat de mariage, leurs exigences réciproques et partant, lui donner
un aspect contractuel.
Par ailleurs, contrairement au droit marocain, le
régime matrimonial français est basé sur la
communauté des biens mais nous pouvons déroger du principe, par
le biais d'un notaire, qui établit dans un contrat spécifique le
partage des biens entre époux.
Quoiqu'il en soit, l'article 1167 du code civil
français constituant une garantie de droit commun au
bénéfice des créanciers, permet d'attaquer les partages
autres que de succession ou de communauté par l'action paulienne.
C'est le cas notamment du partage de société, ou
encore des « donations-partages » car le caractère
de donation l'emportant sur celui de partage dans la jurisprudence
moderne.(1)
En dernier lieu, la doctrine étrangère est
unanime quant au principe que le paiement d'une dette, en matière
civile, par un débiteur à l'un de ses créanciers ne peut,
en aucun cas, être attaqué par l'action paulienne. En effet, un
débiteur peut avantager un de ses créanciers par un paiement
intégral de la dette échue.
___________________________________________________________________
(1) A titre d'exemple : arrêt de
la Cour d'Appel de METZ du 05/11/1980 publié au JURIS DATA N° 80344
- IN : JURIS CLASSEUR CIVIL - étude du professeur Jean DEVEZE -
FASC. 39 P. 10
-42-
Par contre, l'action est recevable si le débiteur
profite du paiement d'une dette en effectuant des procédés
anormaux inspirés par la fraude aux droits des créanciers,
notamment par la cession de créance.
Néanmoins, il en est autrement en matière de
redressement ou de liquidation judiciaire des entreprises, car tous les
créanciers sont unis sur un piédestal et il leur est interdit
d'engager des poursuites individuelles.(1)
De plus l'alinéa 1er de l'article 657 du
nouveau code de commerce marocain stipule expressément que
« le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein
droit, interdiction de payer toute créance née
antérieurement au jugement d'ouverture... »
Ceci étant, la loi permet à tout
intéressé de faire déclarer inopposable à la masse
des créanciers, les paiements effectués par le débiteur en
état de cessation de paiement.
En droit comparé, la jurisprudence de la Cour de
Cassation française a confirmé dans un arrêt du 6/12/1994
que :
« la situation financière du
débiteur était obérée lors de la donation
consentie à ses enfants ..... et l'acte litigieux intervenu dans les 6
mois précédant la date de la cessation des paiements du donateur,
mis en règlement judiciaire, n'avait pour but que de soustraire à
ses créanciers, en fraude de leurs droits, un ensemble immobilier, la
Cour d'Appel n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 29,
dernier
alinéa de la loi du 13 Juillet 1967, en
déclarant la donation inopposable à la masse »
(2)
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Articles 653 et suivants du nouveau code de commerce
marocain
(2) Arrêt de la chambre commerciale près la cour
de cassation française du 6/12/1994 dossier n° 92.20.078 - rejet de
la demande - IN :collection Légisoft, CD ROM
« intégral cassation » bulletin n° 371
-43-
En conséquence, l'ensemble des exemples
précitées ne constitue pas vraisemblablement un frein à
l'exercice de l'action paulienne car, comme nous l'avons indiqué, la
fraude du débiteur en dehors des actes juridiques, permet aux
créanciers de déclencher l'action et partant, solliciter
l'inopposabilité à leur encontre.
Ceci étant, après avoir traité de la
nature juridique de l'acte attaqué par l'action paulienne, il nous
importe à présent d'analyser la notion de préjudice
causé au créancier par l'effet de l'acte frauduleux du
débiteur.
2/ Le préjudice causé au créancier par
l'appauvrissement du débiteur :
Selon l'adage procédural « pas
d'intérêt, pas d'action » les créanciers ne
peuvent attaquer que les actes qui leur cause un préjudice.
La doctrine comparée est unanime quant à la
qualification octroyée au préjudice : il doit s'agir d'un
acte d'appauvrissement ; considéré comme
préjudiciable aux créanciers lorsqu'il crée ou aggrave
l'insolvabilité du débiteur.
En effet, il faut entendre par « l'acte
d'appauvrissement » celui qui fait sortir du patrimoine du
débiteur des biens sans contrepartie suffisante.
En revanche, l'acte qui crée ou aggrave
l'insolvabilité du débiteur peut être révoqué
par le biais de l'action paulienne. Mais, le fardeau de la preuve
incombe au créancier demandeur qui peut l'établir par tous les
moyens.(1)
________________________________________________________________________________________________
(1) Sur la question la Cour de Cassation
française a estimé que « le créancier, qui n'est
pas investi de droits particuliers sur certains biens de son débiteur,
ne peut faire révoquer les actes faits par ce dernier en fraude de ses
droits que s'il établit, au jour de l'acte litigieux, son
insolvabilité, au moins apparente, outre sa conscience de causer un
préjudice au créancier en appauvrissant son
patrimoine » Arrêt de la 1ère chambre
près la Cour de Cassation du 5/12/1995, dossier n° 94-12-266,
IN : collection Legisoft, CD-ROM « Intégral
cassation » bulletin n° 443 - en annexe 7
-44-
A cet égard, la doctrine arabe n'a pas omis de mettre
l'accent sur le préjudice causé par l'acte frauduleux du
débiteur à l'encontre du créancier.
Il s'agit notamment du professeur MAMOUN EL KOUZBARI ou encore
du Docteur A. SANHOURI. Ce dernier considère « qu'un
débiteur qui sollicite un crédit pour augmenter ses obligations
et partant son appauvrissement, cause un préjudice aussi important,
à ses créanciers, que s'il aurait vendu un bien figurant dans son
patrimoine en vue de diminuer ses droits voire créer son
insolvabilité..... donc, la logique démontre qu'aussi bien
l'augmentation des obligations du débiteur que la diminution de ses
droits constituent un acte d'appauvrissement susceptible d'être
évoqué par l'action paulienne » (1)
La jurisprudence marocaine a toutefois considéré
le rejet de l'action si les biens appartenant encore au débiteur sont
suffisants pour désintéresser le créancier agissant.
C'est le cas notamment d'un arrêt confirmatif de la Cour
d'Appel de Rabat du 23/11/1999 qui considère qu'en dehors du fait que le
bien du débiteur est le gage général de ses
créanciers par application des dispositions de l'article 1241 du D.O.C.,
l'accord du débiteur à donner en hypothèque deux immeubles
distincts est une preuve de sa conviction que la réalisation de
l'hypothèque permettra le recouvrement de ses créances.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Doctrine développée par le Dr A. SANHOURI -
IN : »précis dans le droit civil annoté - les
effets de l'obligation » Tome II, page 1014, prg. 577 sur l'acte
d'appauvrissement.
-45-
Les juges du fond ont estimés qu'il n'a pas
été prouvé que le montant du legs des deux immeubles est
inférieur à la créance due au débiteur afin que
l'on puisse arguer d'un préjudice causé au créancier suite
à une dilapidation du patrimoine, notamment par la
donation »(1)
Par ailleurs, la jurisprudence marocaine assez récente,
tend à élargir la notion de préjudice en permettant
l'exercice de l'action paulienne même à l'encontre d'actes,
n'entraînant pas, par eux-mêmes, un appauvrissement du
débiteur.
Il a ainsi été jugé, à bon droit,
que la donation consentie par une caution solidaire peut être
attaquée par l'action paulienne dès lors que, accomplie dans le
but de nuire au créancier, elle a pour effet de faire échapper un
bien aux poursuites judiciaires (2).
Dans une optique similaire, un arrêt de la Cour d'Appel
de RABAT a jugé qu'un créancier ayant un intérêt
légitime a le droit d'attaquer pour fraude la vente d'un immeuble
susceptible de compromettre ses droits.
La Cour a motivé sa décision sur ce qui
suit :
« Il ressort des articles 419 et 424 du D.O.C. que
les parties en cause ou un tiers ayant un intérêt légitime,
peuvent attaquer un acte authentique ou sous seing privé pour cause de
violence, de fraude, de dol et de simulation ou d'erreur
matérielle ; la preuve peut être rapportée par
témoins, ou même à l'aide de présomptions graves,
précises et concordantes.
Un créancier ayant cause du vendeur d'un immeuble, peut
être considéré comme un tiers ayant un intérêt
légitime à attaquer la vente comme entachée de fraude et
destinée à faire échec à ses droits »
(3)
_________________________________________________________________________________________________
(1) Arrêt de la Cour d'Appel de Rabat
du 23.11.1999 dans le dossier civil n° 3320/98 (jugement au TPI du
10/12/1997 - dossier n° 139/97/7 copie en annexe 8) conseiller
rapporteur : BIKRI - Jurisprudence non publiée
(2) Arrêt n° 1588 du 29/5/1997 -
dossier civil n° 108/97 cour d'appel d'Agadir - jurisprudence non
publiée copie en annexe 9
(3) Arrêt de la Cour d'Appel de Rabat
du 21/12/1929 - R.A.C.A.R. - tome 5 - P. 373 - IN : Code Annoté des
Obligations et Contrats par le Doyen François-Paul BLANC éd. AL
MADARISS - 1981
-46-
En droit comparé, la doctrine Sénégalaise
a réglementé l'action paulienne aux articles 205 et suivants du
code civil en exigeant comme condition sine qua none à l'exercice de
l'action précitée, l'existence d'un
« dommage » causé à un créancier en
fraude de ses droits. La réparation de ce dernier peut
être obtenue grâce à une voie de recours extraordinaire
intentée par le créancier lésé : la tierce
opposition.(1)
Par voie de conséquence, l'exercice de l'action
paulienne repose, de manière substantielle, sur des conditions relatives
à l'acte attaqué, mais aussi sur des conditions relatives aux
parties au litige.
B - CONDITIONS RELATIVES AUX PARTIES AU
LITIGE :
L'action paulienne est, généralement,
exercée par un créancier (demandeur à l'action) contre un
débiteur (défendeur à l'action) voire même un
cocontractant de ce dernier appelé : tiers défendeur.
La particularité de l'exercice de cette action
réside dans l'exigence d'une fraude et ce,
à la différence de l'action oblique ou encore de l'action en
déclaration de simulation, bien que cette dernière puisse servir
d'instrument à la fraude.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN : « Droit des Obligations au
Sénégal » les exceptions aux conditions
d'opposabilité- page 325 par : Jean Pierre TOSI
-47-
1/ Le créancier demandeur à l'action agissant
par voie paulienne :
Pour agir par l'action paulienne, il faut avoir la
qualité de créancier (chirographaire, hypothécaire ou
privilégié).
Aussi, le demandeur à l'action doit être un
créancier ayant un intérêt, en
l'occurrence il doit se prévaloir d'une créance présentant
certains caractères substantiels.
a/ Quels sont les créanciers admis à exercer
l'action paulienne ?
Tout créancier privilégié ou
chirographaire peut agir par le biais de l'action paulienne, qu'il le soit
devenu à titre onéreux ou gratuit, l'essentiel est de pouvoir
exciper de la qualité de créancier.
Néanmoins, le débiteur auteur de la fraude, ne
peut pas agir évidemment pas plus que ses ayants cause universels
à moins d'intervenir à la procédure.
Toutefois, l'action paulienne est susceptible de transmission
par voie de subrogation à celui qui a payé le créancier
originaire.
En droit comparé, la doctrine française estime
que le créancier doit avoir un intérêt à agir.
Ainsi, un créancier chirographaire n'a pas d'intérêt
à faire révoquer la vente d'un immeuble de son débiteur
car si le passif hypothécaire est supérieur à la valeur de
l'immeuble, la somme que produira la saisie de ce dernier sera absorbée
par le créancier hypothécaire (1).
C'est dire que le créancier doit avoir un
intérêt manifeste pour agir par voie paulienne.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN : leçons de droit civil - les obligations
par Henri MAZEAUD & C0 prg. 988, p. 1027
-48-
Le professeur MIGUET considère
que « .... Si l'intérêt doit exister... au moment
de l'introduction de la demande ...., il doit soutenir cette demande pendant
tout le litige » (1)
Par ailleurs, faut-il qu'au moment où il exerce
l'action, le créancier puisse se prévaloir d'une créance
certaine, liquide et exigible ?
Selon la jurisprudence tant marocaine
qu'étrangère, l'évolution de l'action paulienne d'un
préalable à l'exécution vers une mesure conservatoire en
présence de fraude, a conduit à assouplir les exigences.
b / Les éléments de la
créance :
La doctrine française a admis qu'auparavant, l'action
n'était ouverte qu'au créancier antérieur à l'acte
attaqué ; disposant d'une créance certaine, liquide et
exigible.
Actuellement, l'action paulienne a vu ses conditions
d'exercice notamment concernant les éléments de la
créance, notablement assouplies.
En premier lieu, alors que l'exigibilité de la
créance n'est pas requise pour exercer l'action en paiement tant que le
droit est né antérieurement à l'acte incriminé, la
liquidité quant à elle, n'est exigée qu'au moment
où le tribunal statue sur l'action surtout lorsqu'elle a pour objet une
somme d'argent.
En second lieu, la jurisprudence marocaine, rapprochant
l'action paulienne d'une action conservatoire, met en exergue « un
principe certain de créance » sur la base de la doctrine
française.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN :« Immutabilité
et évolution du litige », L.G.D.J. 1977, préface
HEBRAUD, P. 318, par professeur MIGUET.
-49-
A cet égard, la Cour d'Appel d'Agadir a, dans son
arrêt confirmatif, considéré que la créance devient
certaine dès la conclusion de l'acte de cautionnement et non au moment
où le jugement acquiert l'autorité de la chose jugée,
dès lors qu'il s'agit d'une donation fictive consentie par une caution
solidaire en fraude des droits des créanciers (1)
En droit comparé, la jurisprudence française a
considéré au même titre que la décision
précitée, que l'obligation de la caution née le jour de
son engagement, de sorte que le créancier qui exerce l'action paulienne
contre un acte de la caution a un principe certain de créance dès
cette date (2)
Néanmoins, il importe de préciser que l'acte de
caution sus visé fut critiqué par de nombreuses décisions
jurisprudentielles étrangères car l'obligation de
règlement de la caution même solidaire, n'est certaine que lorsque
la dette principale est exigible.
Quoiqu'il en soit, en pratique, il suffit que le
créancier ait, au moment de l'acte, un principe de créance,
même si elle n'est pas encore certaine, ou liquide ou exigible, et
même si elle n'est pas encore reconnue « il n'est pas
nécessaire, pour que l'action paulienne puisse être
exercée, que la créance dont se prévaut le demandeur ait
été ni certaine ni exigible au moment de l'acte argué de
fraude, et il suffit que le principe de la créance ait
existé » (3).
Ainsi, le principe précité nous permet de
s'accorder à considérer, au nom des principes
généraux du droit, qu'un créancier doit pouvoir obtenir le
secours de la justice afin de déjouer, voire faire échec, aux
actes frauduleux de son débiteur.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Arrêt confirmatif n° 2910 du
4/10/1999 dans le dossier civil n° 871/98 rendu par la cour d'appel
d'Agadir - affaire WKF C/ FBA (Ste. E.) - Jurisprudence non publiée
copie en annexe 10
(2) Arrêt de la 1ère
chambre près la cour de cassation française du 13/1/1993.
IN : collection Legisoft - CD ROM « Intégral
cassation » année 1993 - bulletin n° 5. - annexe 11
(3) Arrêt de la chambre commerciale
près la cour de cassation française du 25/3/1991 n° 119 -
IN : Droit civil - les obligations par : Alain BENABENT - collection
MONTCHRETIEN - page 423.
-50-
En dernier lieu, l'antériorité de la
créance par rapport à l'acte frauduleux est exigée car ce
dernier ne peut, en aucun cas, nuire aux créanciers dont le droit est
né postérieurement à cet acte puisqu'au moment où
les parties au litige ont traité leur transaction, le bien
aliéné par le débiteur ne faisait plus partie de son
patrimoine et partant, le créancier ne peut invoquer aucun
préjudice subi, à moins qu'il puisse prouver l'existence d'une
fraude anticipée visant à porter un dommage au créancier
futur.
Par ailleurs, le principe selon lequel la créance doit
être antérieure à l'acte frauduleux, est constant en
jurisprudence marocaine.
Il en va pour s'en convaincre, de citer à titre
indicatif, sans toutefois prétendre à l'exhaustivité, une
décision jurisprudentielle marocaine annulant l'acte de donation
simulé de deux immeubles et de parts sociales constituant le capital
d'une société à responsabilité limité,
consenti par une caution personnelle et solidaire en fraude des droits des
créanciers, et dont la créance est antérieure à
l'acte frauduleux de dessaisissement des deux immeubles outre le défaut
d'établissement du montant des actions transférées.
C'est donc, à bon droit, que les juges du fond ont
ordonné la réinscription des parts constituant le capital de la
société « A.D. » au nom de la caution
personnelle et solidaire et ce, au registre du commerce de la dite
société (1)
Toutefois, il appartient au créancier demandeur
à l'action de prouver l'antériorité de la créance
et ce par tous les moyens légaux : dés lors, il devra
produire un titre ayant date certaine.
A cet égard, la Cour d'Appel n'avait pas retenu la
fraude du débiteur ayant établi une reconnaissance de dette
auprès d'un bénéficiaire solvable, de surcroît la
demande du créancier en rescision de la donation
considérée déguisée a été
rejetée. La Cour a jugé que : « il n'est pas
établi qu'une reconnaissance de
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Tribunal de première instance de Mohammedia -
jugement du 1/6/1998 - dossier civil n° 1141/97 - affaire Ste. C. c/ Sieur
B.M. & STE. A.D. - jurisprudence non publiée copie en annexe 12 non
traduite
-51-
dette constitue une donation déguisée lorsque
son bénéficiaire a eu les fonds nécessaires pour consentir
le prêt d'argent et que l'auteur de la reconnaissance a eu la
possibilité d'utiliser les fonds prêtés qui ne se
retrouvent pas dans sa succession (1)
Par conséquent, force est de constater que, outre
l'antériorité de la créance par rapport à l'acte
frauduleux, la réunion des autres éléments demeure
facultative à l'exercice de l'action paulienne ce qui empêche la
lenteur de la procédure et partant, la bonne marche de la justice.
Ceci étant, dans le cadre de l'exercice de l'action par
les parties au litige, le débiteur dont les actes sont attaqués
par voie paulienne, doit être insolvable et avoir agit
frauduleusement.
2/ Le débiteur défendeur à
l'action :
Jadis, le droit Romain considérait que les actes
passés par le débiteur, même lorsqu'ils causent un
préjudice au créancier, ne sont susceptibles d'être
critiqués par lui que s'ils ont été accomplis en fraude de
ses droits. Cette condition s'expliquait par le caractère
pénal de l'action.
En effet, elle demeure, à notre sens, pleinement
justifiée car l'action paulienne constitue une immixtion grave dans les
affaires du débiteur, et lèse considérablement les
intérêts du tiers qui traite avec lui.
En droit marocain, la jurisprudence exige la fraude du
débiteur en toute hypothèse, en usant des formules
différentes pour qualifier l'action paulienne.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Arrêt de la Cour d'Appel de Rabat du 31/1/1958 -
R.A.C., Tome 9 P. 396 - IN : Code Annoté des Obligations et
Contrats par le Doyen François-Paul BLANC - AL MADARISS 1981
-52-
Plusieurs arrêts ne manquent pas de relever la
volonté et la conscience de causer un préjudice au
créancier, l'organisation de l'insolvabilité, ou encore la
volonté de soustraire tout ou partie du patrimoine aux poursuites des
créanciers.
Ainsi, de nombreuses décisions jurisprudentielles
affirment que « la fraude résulte de la seule connaissance
qu'a le débiteur du préjudice causé au créancier
par l'acte litigieux ».
Il en va pour s'en convaincre de souligner la
définition de la fraude telle que stipulée dans un arrêt de
la Cour d'Appel d'Agadir :
« la fraude se définit comme étant la
conscience du débiteur que cet acte augmente son insolvabilité ou
y contribue.
Ainsi, dans les contrats à titre onéreux, il
importe que l'intention de nuire devrait être relevée lorsque le
débiteur remplace un bien aisément saisissable par une valeur
facile à dissimuler, alors qu'ici il s'agit d'un acte à titre
gratuit, la simple connaissance du préjudice causé
suffit » (1)
Selon cette jurisprudence marocaine, la fraude paulienne est
simplement un état d'esprit : elle n'implique pas forcément
le dessein prémédité de nuire.
En conséquence, la formulation différente des
arrêts (les uns se référant à l'intention de nuire,
les autres se contentant de la conscience qu'a le débiteur du tort qu'il
cause à ses créanciers) ne traduit aucunement deux conceptions
opposées de la fraude, dans la mesure où comme toute fraude elle
implique un élément psychologique, car le débiteur agit
contre les droits des créanciers.
Par ailleurs, les juges du fond apprécient
souverainement les circonstances d'où le demandeur prétend
déduire la fraude.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Arrêt de la Cour d'Appel d'Agadir n° 1588 du
29/5/1997 - dossier civil n° 108/97 - Jurisprudence non publiée
(aff. W.C/ M.B.A.) voir annexe 9 - non traduite
-53-
La jurisprudence sanctionne des actes qui se bornent à
modifier la consistance du patrimoine sans entraîner d'appauvrissement du
débiteur. C'est le cas notamment où l'on fait échapper un
bien à des poursuites en le remplaçant par des valeurs faciles
à dissimuler.
Quoiqu'il en soit, la jurisprudence de la Cour de Cassation
française a cassé un arrêt d'appel ayant rejeté
l'action paulienne, sous l'attendu du principe suivant « la fraude
paulienne n'implique pas nécessairement l'intention de nuire, elle
résulte de la seule connaissance que le débiteur et son
cocontractant à titre onéreux ont du préjudice
causé aux créanciers par l'acte litigieux... » (1)
Par ailleurs, il nous importe de souligner que la doctrine
arabe (2) a traité des conditions relatives au débiteur pour
l'exercice de l'action paulienne. Elle a notamment, mis l'accent sur deux
conditions essentielles en l'occurrence l'insolvabilité et la fraude du
débiteur.
En effet, l'auteur affirme que « ...parmi les
conditions de l'action paulienne, il faut que le débiteur soit
insolvable, incapable de recouvrir sa dette envers le créancier.
Le débiteur peut-être solvable avant la
conclusion de l'acte attaqué, auquel cas il faudra prouver que ce
dernier a rendu le débiteur insolvable, ou bien il l'a été
avant la conclusion dudit acte ce qui a augmenté son
insolvabilité »
D'autre part, la Cour d'Appel du Caire a apporté une
restriction quant à la preuve de la fraude paulienne en ce sens que les
ayants cause du débiteur ne sont liés à aucune condition
de l'action paulienne de quelque nature qu'elle soit, et de surcroît ne
peuvent céder un bien appartenant à la succession qu'après
le recouvrement de toutes les créances.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Arrêt de la Cour de Cassation française,
1ère chambre du 29/10/1985 IN :CD ROM commercial -
collection Legisoft - année 1985 - annexe 13
(2) Docteur A. SANHOURI - Supra
-54-
Ainsi, le tiers acquéreur de l'ayant droit ne saurait
exercer même après l'enregistrement de la vente,
l'inopposabilité de l'exercice de l'action paulienne au créancier
(1)
Enfin, pour qu'une fraude puisse être retenue, il faudra
que celui qui s'en prévaut de rapporter la preuve par tous les moyens
susceptibles d'engager la responsabilité du débiteur, même
à partir de faits postérieurs à l'acte attaqué.
La doctrine occidentale relève que la charge de la
preuve incombe généralement, au demandeur à l'action
paulienne. La tâche de ce dernier est facilitée par le jeu de la
présomption qui lui permet de n'établir que la connaissance par
le débiteur du préjudice causé.
Concrètement, la preuve de la connaissance du
préjudice et celle de l'intention de nuire s'évincent notamment
à travers la modicité du prix de vente.
Il en va pour s'en convaincre de citer à titre
d'exemple l'arrêt de la première chambre près la cour de
cassation française qui a relevé que :
« sans inverser la charge de la preuve une cour
d'appel, pour caractériser, dans l'exercice de son pouvoir souverain
d'appréciation, la fraude paulienne commise par une caution et
déclarée en conséquence inopposable aux créanciers
la vente de biens immobiliers consentie par celle-ci à une
société,
relève que le prix de vente a été
payé hors la comptabilité du notaire, que la preuve n'est pas
rapportée de ce que le titulaire des... parts de cette
société constituée avec la caution ait apporté les
fonds correspondant à sa quote-part de la valeur vénale des biens
acquis, et en déduit, par rapprochement avec la date de constitution de
la société et celle de la mise en liquidation judiciaire du
débiteur principal, que le prix de vente a été
payé de manière fictive par la caution à
elle-même » (2)
_________________________________________________________________________________
(1) Cour d'appel du Caire Egypte du 6/4/1941- IN : revue
« AL MOUHAMAT » n° 46 P. 94
(2) Arrêt de la première chambre près la
cour de cassation française du 4/6/1996 n° 93-13870 - IN -CD ROM
« INTEGRAL CASSATION » collection Legisoft Bulletin n°
235 copie (voir annexe 6)
-55-
La jurisprudence égyptienne a, pour sa part, mis en
relief l'importance de la preuve en matière de fraude paulienne.
C'est le cas notamment d'un arrêt rendu par la Cour
Suprême d'Egypte duquel il résulte qu'un débiteur,
après avoir été condamné au paiement d'une
créance, vend un immeuble dont il est propriétaire.
Aussitôt après, son épouse acquiert un terrain et s'est
fait construire un immeuble.
La Cour a, ainsi, retenu que les faits recueillis
étaient suffisants pour prouver que le dit terrain a été
acheté et construit avec l'argent du débiteur, mais au nom de
l'épouse afin d'échapper aux poursuites judiciaires et partant,
au paiement de la créance (1).
Néanmoins, l'élément fréquemment
retenu par la jurisprudence marocaine est la date de l'acte attaqué.
C'est le cas notamment des actes passés après le
dépôt d'un rapport d'expertise défavorable ou encore les
actes passés immédiatement après l'engagement d'une
caution.
Au Maroc comme dans d'autre pays de l'exagone, les
établissements financiers exigent des garanties tant personnelles que
réelles pour octroyer des crédits bancaires. Parmi ces garanties,
nous comptons le cautionnement qui peut être défini comme un
procédé en vertu duquel une personne s'engage à garantir
l'exécution d'un contrat par l'une des parties
(généralement l'emprunteur) au profit de l'autre.
Ainsi, lorsque la caution accepte d'exécuter
elle-même le contrat, dans le cas où le débiteur principal
ne remplirait pas son engagement, elle est appelée
« caution personnelle et solidaire », lorsque la
caution, au lieu de s'engager à exécuter personnellement, offre
en garantie une hypothèque, à titre d'exemple : sur un
immeuble lui appartenant, elle est dite « caution
réelle »
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Arrêt de la Cour Suprême
d'Egypte du 10/03/1915 - jurisprudence publiée à la revue
« CHARA'II » tome 2 n° 230 P. 217
-56-
De ce fait, il nous est opportun de souligner ici, que
l'engagement de la caution se retrouve dans la plupart des jurisprudences
évoquées en matière d'action paulienne, dans la mesure
où l'acte attaqué pour fraude paulienne est établi par la
personne ayant porté son cautionnement à la
société : débitrice principale.
De nombreux arrêts font état d'une
appréciation souveraine de la fraude par les juges du fond, notamment
lorsque celle-ci intervient après l'engagement d'une caution.
Parmi ces arrêts, nous citons une jurisprudence
marocaine non publiée de la cour d'appel de Casablanca du 6/1/1998 ayant
infirmé le jugement de première instance.
Il s'agit d'une caution solidaire ayant établi un
contrat de participation à une société crée avec
ses enfants mineurs, déclarés juridiquement incapables de
s'engager, et ce, en fraude des droits des créanciers.
La cour d'appel de Casablanca a, essentiellement, basé
ses motifs sur ce qui suit :
« Que.... La fraude concerne la dilapidation d'un
immeuble appartenant à la caution au profit d'une société
crée avec son épouse et ses enfants mineurs.
« Que la fraude est l'un des éléments
de l'action paulienne qui est intentée par le créancier afin de
préserver les biens du débiteur. De surcroît, cette action
n'est pas une action tendant à la nullité du contrat mais celle
tendant à considérer ce dernier faux, et partant le dit immeuble
fait partie intégrante du patrimoine de la caution.
« Que l'appelant, considéré tiers par
rapport à l'acte attaqué, peut prouver la création d'une
société fictive, en vertu des dispositions de l'article 448 du
Dahir formant code des obligations et des contrats, par tous les moyens
notamment les indices, quand celles-ci son déterminantes...
-57-
« Qu'il est prouvé que cette dilapidation,
objet du présent litige, est frauduleuse car elle est intervenue au
moment où le créancier s'apprêtait à engager les
poursuites judiciaires à l'encontre de son débiteur et sa
caution, et ce afin de recouvrir sa créance. De plus, cette dilapidation
s'est effectuée au profit de l'épouse et des enfants mineurs de
la caution sans prouver que ces derniers ont effectivement participé
à la création de la société en contrepartie de la
dite..... d'où la déduction qu'il s'agit d'une donation de
l'immeuble de la part de la caution.
« Que la jurisprudence a permis au créancier
lésé par des dilapidations frauduleuses du débiteur (ou sa
caution) afin d'éloigner ses biens, de manière fictive, des
poursuites judiciaires, un droit de recours contre ces agissements
fictifs : c'est le principe même de l'arrêt de la cour
suprême du 19/05/1987.., et le principe général
énoncé par l'article 1241 du D.O.C. »
« Que d'autre part, l'appelant a basé sa
demande additionnelle sur le fait que le contrat de société est
non équivoque aux dispositions de l'article 984 du D.O.C. qui permet le
contrat de société entre père et fils sous la tutelle du
père.
« Que, contrairement au jugement attaqué, la
nullité ne saurait être considérée comme relative
mais plutôt absolue. Le dernier alinéa de l'article
précité dispose expressément que l'autorisation
octroyée au père sur ses enfants mineurs ne lui donne pas la
capacité pour créer une société avec eux...., et
partant le but escompté demeure le principe de l'égalité
entre les participants à la création d'une société,
dans le cas d'espèce, il s'agit d'une nullité absolue et de plein
droit du contrat en vertu de l'article 306 du D.O.C car les enfants mineurs de
la caution sont considérés juridiquement incapables de
s'engager.
-58-
« Qu'il convient d'infirmer le jugement
attaqué, et d'annuler le contrat de participation ainsi que le contrat
de constitution de la société A. du .... Avec mention à
Monsieur le Conservateur de rayer le dit contrat, et de condamner les
intimés aux dépens ».(1)
De ce fait, si le pouvoir du juge du fond s'exerce librement
pour constater que la preuve est faite de la connaissance du préjudice
ou de l'intention de nuire, la cour suprême, cour régulatrice,
peut casser les arrêts qui exigent non seulement la preuve de la
connaissance mais encore celle de la volonté du préjudice.
Quoiqu'il en soit, l'élément intentionnel
à savoir le « consilium fraudis » doit exister chez
le débiteur, quel que soit l'acte envisagé.
Autrement dit, suffit-il que le débiteur ait en
conscience de son insolvabilité ? ou doit-on exiger qu'il ait eu
l'intention de causer un préjudice à un
créancier ?
D'une part, le débiteur peut remplacer un bien
facilement saisissable, comme nous l'avons préalablement
souligné, par un autre bien de même valeur, mais qu'il pourra
facilement dissimuler. Dans ce cas l'acte ne peut être attaqué que
si le débiteur l'aurait accompli dans le dessein de nuire à ses
créanciers, et soustraire les biens cédés à leurs
poursuites.
D'autre part, le débiteur peut donner un bien, ou le
céder, en exigeant pas une contrepartie suffisante : il diminue
volontairement son patrimoine. Ainsi, la simple connaissance de son
insolvabilité qui parfois est aggravée par l'acte, suffit
à prouver la fraude sans pour autant s'attarder sur l'intention du
débiteur de nuire à sa victime.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Arrêt infirmatif de la Cour d'Appel de Casablanca
n° 57 du 6/1/1998 (jugement du TPI Mohammedia du 18/3/1996 - dossier
n° 26/95) traduction personnelle - jurisprudence non publiée.
Annexe 14 Non traduite
-59-
En droit comparé, le Docteur A. SANHOURI soulève
la distinction entre les actes à titre onéreux et les actes
à titre gratuit, en ce sens qu'ils jouent un rôle
prépondérant dans l'exercice de l'action paulienne.
C'est ainsi que l'auteur relève quatre axes de
distinction.
En premier lieu, il affirme que les actes à titre
onéreux prennent la forme d'une donation lorsque le débiteur
cède son bien à un prix insuffisant voire dérisoire,
auquel cas la preuve de l'existence d'une fraude n'est pas exigée.
En second lieu, l'auteur considère que le prêt
sans intérêt constitue une donation, contrairement au prêt
avec intérêt qui lui, vaut compensation.
En troisième lieu, certains actes sont
considérés à titre gratuit par un des
cocontractants et à titre onéreux par l'autre
cocontractant.
C'est le cas notamment du cautionnement personnel ou
réel : il s'agit d'une donation de la part de la caution
lorsqu'elle ne perçoit pas de contrepartie ni du débiteur ni du
créancier cautionnés ; alors qu'il s'agit d'une compensation
de la part du créancier.
En tout état de cause, si un créancier de la
caution exerce l'action paulienne afin d'attaquer l'acte de la caution, acte
qui augmente les obligations de la caution personnelle et diminue celles de la
caution réelle, il lui faudra prouver à la fois la fraude de la
caution et celle du cocontractant.
En dernier lieu, et dans le cadre de la classification des
contrats, le Docteur SANHOURI met l'accent sur les actes qui ne constituent pas
de véritables donations car ils comprennent un élément
onéreux. C'est le cas notamment de ce que l'on appelle :une
donation rémunératoire.
-60-
Il s'agit, en fait, d'une donation qui ne peut être
attaquée par l'action paulienne tant que la preuve d'une fraude n'a pas
été apportée, à moins que le débiteur ne
soit contraint à cette donation pour créer un préjudice
à ses créanciers auquel cas l'exercice de l'action paulienne est
retenu avec l'option de prouver la fraude.
Aux côtés de la donation
rémunératoire, un autre exemple mérite d'être
mentionné au vu de la distinction sus visée, car il relève
une nuance entre le droit musulman et le droit français : il s'agit
de la dot.
En effet, la jurisprudence française considère
la dot comme un contrat à titre onéreux où la preuve de la
fraude du débiteur qui a présenté la dot, ainsi que celle
des deux époux, est exigée (1) alors que la doctrine
française la considère comme une donation qui nécessite
simplement la preuve de la fraude du débiteur.
Par ailleurs, en droit musulman, la dot est une sorte de
donation en vue du mariage ; c'est généralement, une somme
d'argent que le mari offre à sa future épouse pour la
consommation de celui-ci. C'est la raison pour laquelle l'épouse
obtient, de plein droit, la moitié de la dot même s'il n'y a pas
eu consommation du mariage.
Ainsi, si nous considérons la dot comme compensation
à la consommation du mariage, le créancier de l'époux doit
prouver le « consilium fraudis » de ce dernier avec
son épouse pour lui avoir octroyé une dot visiblement importante
et ce, en fraude des droits du créancier.
Contrairement à cela, les dons notamment
matériels que l'épouse peut recevoir de ses parents ou proches
pour préparer son trousseau : il s'agit d'une obligation naturelle
qui ne peut être attaquée par l'action paulienne sauf si la preuve
d'une fraude manifeste est apportée (2)
_____________________________________________________________________________________________________
(1) arrêt de la cour de cassation
française du 16/11/1910 publiée au DALLOZ 1911 - Tome I - page
511
(2) A propos de la distinction : actes
à titre onéreux & actes à titre gratuit
IN :précis de droit civil annoté - les effets de
l'obligation par A. SANHOURI - OP. SUPRA. Page 1044 - prg 594 (cf professeur
PLANIOL - tome 7 prg. 936)
-61-
Enfin, en droit maghrébin, l'article 192 alinéa
3 du code civil algérien dispose que si l'acte du débiteur est
à titre gratuit, ce dernier ne peut être opposable au
créancier même si le bénéficiaire était de
bonne foi.
La règle de non-opposabilité rentre dans le
cadre des donations absolues, en d'autres termes, le législateur
algérien a considéré que le débiteur donateur est,
en tout état de cause, de mauvaise foi abstraction faite de toute preuve
contraire (1)
Ainsi, après avoir mis en exergue les conditions
relatives au débiteur, défendeur à l'action paulienne,
notamment à travers la fraude il nous importe à présent de
traiter du tiers défendeur à l'action paulienne, celle-ci peut
être intentée soit contre le contractant du débiteur, soit
contre le sous-acquéreur et ce, lorsque le débiteur est notamment
insolvable ou n'a plus en sa seule puissance le bien ou le droit sur lequel le
créancier peut aisément exécuter son action.
3/ Le tiers défendeur à l'action : le
cocontractant fraudeur
Selon la doctrine comparée, la volonté coupable
des participants à l'acte suspect constitue la pierre angulaire de
l'action paulienne, communément connue aussi synonymie : la fraude
paulienne.
Ainsi, le droit romain exprimait cet esprit de fraude par
« OMNIA QUAE GESTA CRUNT FRAUDATIONIS CAUSA » c'est dire
que le débiteur a voulu ou su échapper à ses obligations,
ou encore que le cocontractant de ce dernier en a profité à telle
enseigne que la sanction appropriée sera constituée par
l'inopposabilité de l'acte au créancier demandeur.
_________________________________________________________________________________
(1) IN : prévis dans la règle des
obligations (AL WAJIZ FI NADARIAT AL ILTIZAM) par Dr. MOHAMED HASSANINE -
Professeur à l'université d'Alger page 284
-62-
En ce sens, le Professeur GUILLOUARD a soutenu, lors de sa
thèse, le caractère essentiellement moraliste de l'action
« ... tout en essayant de faire progresser la moralité de
l'individu ; le pouvoir social doit aussi, faisant la part des mauvais
penchants de l'homme, prendre ses mesures pour éviter cette violation
des engagements qui, en se multipliant, serait une cause de ruine
sociale... » (1)
Force est de constater que cette citation se rapproche d'une
peine civile ayant pour conséquence, entre autre, de ne sanctionner que
ceux qui ont personnellement pris part à l'acte suspect.
Remettant en cause des actes apparemment réguliers,
l'action porte une atteinte grave à la sécurité des
transactions et ne doit donc être admise que sous certaines conditions
relatives au défendeur.
Il va donc, falloir rechercher chez quelles personnes l'esprit
de fraude doit être constaté ? car le problème ne se
pose pas dans les mêmes termes selon que l'action est exercée
contre l'ayant cause directe du débiteur fraudeur à savoir son
contractant, ou bien celui auquel il a lui-même transmis ses
droits ; en l'occurrence le sous acquéreur.
a/ Quand l'action paulienne est intentée contre le
contractant du débiteur
De prime abord il nous faudra distinguer selon que l'acte
attaqué est à titre onéreux ou à titre gratuit
mettant en cause l'acquéreur direct c'est à dire le contractant
du débiteur.
1 - Le principe :
En effet, il faut agir contre celui qui a profité de
l'acte et peut seul remettre dans le gage des créanciers la valeur qui
leur a été soustraite.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Thèse de M. GUILLOUARD sous le thème
« de l'action paulienne en droit romain et en droit
français » Caen - 1868 - page II, IN :Encyclopédie
DALLOZ - Action Paulienne - Prg « 4 »
-63-
En droit romain, l'action paulienne ne pouvait être
exercée à l'origine que si le tiers qui a passé avec le
débiteur l'acte attaqué a été complice de la
fraude, c'est ce que nous appelons le « conscius
fraudis ».
En effet, il a fini par introduire une distinction capitale
concernant les tiers, ce qui a été conservé par la
jurisprudence récente notamment marocaine et occidentale.
Ainsi, lorsque l'acte frauduleux est à titre gratuit,
l'action paulienne est recevable contre l'acquéreur qu'il soit de bonne
ou mauvaise foi.
A cet égard, la preuve de la complicité du tiers
dans la fraude paulienne n'est donc pas nécessaire. Ce dernier ne
procure aucune contrepartie au patrimoine du débiteur et peut,
éventuellement, lutter pour conserver un avantage gratuit quant bien
même il ignorait l'insolvabilité du donateur.
Par ailleurs, lorsque l'acte frauduleux est à titre
onéreux, le créancier agissant contre le contractant doit prouver
qu'il a été complice de la fraude.
Les juges du fond apprécient souverainement les
éléments qui lui sont soumis en prenant en considération
les liens de parenté, d'alliance, d'amitié, ou encore la
modicité du prix.
En matière de vente par exemple, l'action paulienne ne
peut triompher contre le tiers débiteur que s'il a été
complice de la fraude, mais si ce dernier a agit de bonne foi l'acte ainsi
établi est inattaquable.
-64-
Généralement, il faut distinguer selon que le
prix de vente est dérisoire et nous nous trouvons devant une donation
déguisée, auquel cas la mauvaise foi du tiers importera
peu ; ou bien que le prix est seulement insuffisant et le contrat
considéré lésionnaire il n'en restera pas moins
onéreux.
Néanmoins, l'application de ce principe soulève
des difficultés tant au niveau de la définition de la
complicité du tiers, mais aussi au niveau de la jurisprudence.
2/ Applications jurisprudentielles
La complicité du tiers n'est pas nécessaire,
comme nous l'avons précédemment souligné, lorsque l'acte
attaqué est un acte à titre gratuit mais si l'action
prospère contre lui, il perd seulement le bénéfice d'une
libéralité.
Cette perte demeure en fait moins digne d'intérêt
que celle du créancier.
En droit comparé, de nombreuses décisions
jurisprudentielles relèvent un « concert »
frauduleux entre le débiteur et son cocontractant, ce dernier voulant
s'associer à la fraude.
Mais d'autres arrêts se contentent de relever la
connaissance de la fraude par le tiers pour conclure à sa
complicité.
Quoiqu'il en soit, la complicité de la fraude du tiers
n'étant pas directement prouvée, nous sommes en droit de
prendre en considération d'autres motifs qui ont pu inciter le tiers
à passer l'acte.
En effet, il serait impropre d'exercer l'action paulienne
contre un acte tendant à sauvegarder les intérêts
légitimes du cocontractant, notamment en matière de constitution
de sûretés au profit d'un tiers.
-65-
Par ailleurs, certains problèmes de qualification de
l'acte attaqué n'ont pas manqué de se produire, compte tenu de la
disparité du régime.
Il en va pour s'en convaincre de traiter du cautionnement
lequel peut être gratuit à l'égard du débiteur
principal mais revêt un caractère onéreux à
l'égard du créancier cocontractant et partant la preuve de la
mauvaise foi du tiers cocontractant de la caution.
Ainsi, aux côtés de l'action intentée
contre le cocontractant du débiteur celle-ci peut être
dirigée également contre le sous acquéreur.
b/ Quand l'action paulienne est intentée contre le
sous acquéreur
Il arrive que l'objet de l'acte frauduleux ait
été aliéné auquel cas l'action paulienne doit
être exercée contre le sous acquéreur.
Mais, nous sommes en droit de se poser la question de savoir
si le créancier peut diriger son action contre l'acquéreur, quoi
que celui-ci n'ait plus le bien entre les mains ? ou bien optera-t-il pour
s'adresser directement au sous acquéreur ?
La réponse à cette problématique
mérite que nous nous penchions sur la doctrine notamment
française à travers les dispositions de l'article 1167 du code
civil français.
En effet, si l'action ne pouvait prospérer contre
l'acquéreur direct en l'occurrence le cocontractant du débiteur
à titre onéreux et de bonne foi, le sous acquéreur est, en
principe, à l'abri des poursuites.
Par ailleurs, lorsque le cocontractant du débiteur est
soumis à l'action paulienne, à savoir qu'il avait acquis le bien
à titre gratuit ou il était complice de la fraude, il faut tenir
compte de la situation personnelle du sous acquéreur, en vue de savoir
si l'action peut être intentée contre lui.
-66-
A cet égard, la doctrine s'est attardée à
mettre en exergue la recherche des conditions dans lesquelles le sous
acquéreur a, lui-même, acquis le bien frauduleux.
Elle a, en outre, admis que l'action paulienne peut être
exercée contre ce dernier s'il acquiert ledit bien à titre
gratuit, ou en complicité de fraude.
Cependant, il nous importe de mettre l'accent en droit
marocain, sur la différence entre action paulienne et action en
nullité laquelle est plus rapprochée d'une action en
responsabilité fondée sur la faute personnelle par application
des dispositions du dahir formant code des obligations et contrats du 12
Août 1913.
Relever une telle différence, revêt à
notre sens, une importance considérable car elle permettra de clarifier
toute ambiguïté sans briser tout obstacle en ce sens que certains
juristes ont admis, à tort, l'idée que l'action intentée
à l'encontre de l'acquéreur direct, doit forcément
l'être à l'égard de son acquéreur.
En droit comparé, la jurisprudence n'est pas muette car
dans un arrêt de la Cour de Cassation française, celle-ci a
relevé qu'en matière de redressement ou de liquidation judiciaire
d'une société, un donataire ne pouvait avoir transmis à un
acheteur plus de droits qu'il n'avait réellement reçus mettant
ainsi en relief, les conséquences de la nullité des actes de la
période suspecte.(1)
Quoiqu'il en soit, l'action a pour but de remettre les choses
dans l'état antérieur à l'acte, mais seulement à
l'égard du créancier agissant. Mais, elle ne produit aucun effet
sur le débiteur qui reste tenu à l'égard du tiers, ni sur
les autres créanciers s'ils interviennent.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Arrêt de la cour de cassation
française du 17/12/1985 - chambre commerciale - DALLOZ 1986 - Tome I P.
101
-67-
De son côté, le créancier qui intente
l'action, bénéfice d'un privilège sur le bien qu'il fait
rentrer dans le patrimoine du débiteur, ce qui diffère de
l'action du créancier qui agit par voie oblique.
L'effet de l'action est claire dans la mesure où dans
les rapports du créancier et du tiers qui a passé avec le
débiteur l'acte attaqué, cet acte est inopposable au
créancier.
La jurisprudence marocaine considère, comme nous le
verrons lors de la seconde partie, la nullité de l'acte attaqué
au lieu de son inopposabilité au créancier demandeur à
l'action.
Après avoir traité des conditions d'exercice de
l'action paulienne, il nous importe lors de notre seconde partie, de souligner
ses effets.
-68-
I Ième Partie - LES EFFETS DE L'ACTION PAULIENNE EN DROIT
MAROCAIN
|
L'action paulienne est exercée par le créancier
en vertu d'un droit propre. Elle tend, en outre, à remettre les choses
en l'état mais seulement en tant qu'elle est une action en
inopposabilité à l'égard du créancier qui
l'intente.
Les effets de l'action paulienne s'ordonnent autour de deux
volets : d'abord il s'agit d'une action en inopposabilité
qui se traduit par l'inefficacité de l'acte frauduleux dans les rapports
du créancier demandeur et du tiers cocontractant du
débiteur ; ensuite, il y a lieu de préciser que c'est une
action individuelle qui ne profite qu'au poursuivant et qui n'a pas
d'incidence sur les autres créanciers et partant ne produit à
leur égard qu'un effet relatif.
Nous nous efforcerons, lors de cette partie, de mettre en
exergue, d'abord l'effet de l'inopposabilité de l'acte frauduleux au
poursuivant en s'attardant sur les différents rapports existants entre
les parties au litige d'une part, et l'inadéquation entre la doctrine et
la jurisprudence notamment pour l'admission de la nullité de l'acte
frauduleux d'autre part ; ce qui nous mènera à traiter
ensuite, de la réparation du préjudice causé, à
savoir comment rétablir l'état antérieur à
l'acte ? et comment intenter une action en responsabilité
civile ?
-69-
A - L'inopposabilité de l'acte frauduleux au
poursuivant :
1 - Effets à l'égard du créancier
demandeur à l'action
Il nous est opportun de relever de prime abord que la doctrine
marocaine admet l'effet de l'inopposabilité dans les relations du
créancier poursuivant et du cocontractant débiteur (1)
En effet, l'action est dirigée contre le cocontractant
et frappe l'acte qu'il a conclu avec le débiteur.
Il en découle que le créancier obtient la
révocation de l'acte frauduleux et le retour du bien ou de la valeur du
bien aliéné dans le patrimoine du débiteur.
L'action paulienne se traduit par une reconstitution de
l'actif sans que le créancier puisse obtenir, dans l'immédiat, le
paiement de sa créance.
Quoiqu'il en soit, le créancier demande la
réparation du préjudice
qu'il a subi du fait de l'acte frauduleux.
Cet acte sera donc révoqué, comme nous l'avons
précédemment souligné, et lui sera déclaré
inopposable auquel cas le créancier sus visé pourra exiger du
cocontractant soit la restitution du bien aliéné ou des valeurs
sorties du patrimoine du débiteur ce qui lui permettra d'en entreprendre
la saisie, soit le versement de dommages intérêts.(2)
En droit européen la doctrine belge reconnaît que
le droit prive certaines conventions de leurs effets externes soit de plein
droit, soit au terme d'une procédure offerte aux tiers
intéressés.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN « théorie
générale des obligations » (NADARIA AL AAMA LIL
ILTIZAM) P. 156 par Docteur TAIEB EL FSSAILI professeur à
l'université CADI AYAD - MARRAKECH
(2) IN « les effets du contrat
à l'égard des tiers » comparaison Franco Belge par J.
GHESTIN & H. SOLUS
-70-
Il en est ainsi des actes accomplis par un débiteur en
fraude des droits de ses créanciers, actes jugés
vulnérables à l'action paulienne et partant l'acte attaqué
sera inopposable et privé de ses effets externes à l'égard
du seul créancier agissant (1)
La doctrine constante n'a pas manqué de mettre en
relief l'apport des effets de l'action paulienne à savoir une action par
laquelle le créancier demande l'inopposabilité de l'acte à
l'encontre du débiteur et naturellement, à l'encontre de toute
autre personne ayant participé à cet acte.
Si le cocontractant du débiteur aliène le bien
à un sous acquéreur, il faut exercer l'action paulienne à
l'encontre de ce dernier, à travers l'appel en cause.
Ceci étant, du moment que le débiteur ne demande
que l'inopposabilité de l'acte frauduleux à son encontre, cela
signifie vraisemblablement que l'acte du débiteur n'est pas
déclaré nul et non avenu, mais demeure établi pour ce
dernier et son cocontractant. Le créancier, pour se peut, supporte
l'effet de l'acte frauduleux jusqu'au sort du litige par voie judiciaire ou
amiable.
Il a, en outre, la possibilité d'exercer l'action
paulienne tant que celle-ci n'est pas prescrite ; toutefois il peut
renoncer à sa demande mais cette renonciation doit être expresse
(2)
Par ailleurs, si la jurisprudence marocaine opère toute
confusion entre l'inopposabilité de l'acte frauduleux à
l'encontre du créancier qui intente l'action paulienne et la
nullité absolue de cet acte dans le rapport entre le débiteur et
le tiers cocontractant, la doctrine tunisienne admet l'inopposabilité de
l'acte au créancier qui l'intente (3) c'est donc une action individuelle
contrairement à l'action oblique, qui ne profite qu'au poursuivant et
n'a pas d'incidence sur les autres créanciers.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN : l'essentiel sur le droit civil
des obligations par LUC MAYAUX - P. 245 - HERMES
(2) IN « Précis dans le droit des
obligations » par Dr. A. SANHOURI - Op. Supra. P. 1055 et suiv.
(3) A contrario, les droits Syrien & Egyptien estiment
que parmi les effets de l'acte frauduleux : la nullité qui profite
à tous les créanciers, ce qui demeure logique car le contrat fait
partie intégrante du patrimoine du débiteur, et partant constitue
le gage général des créanciers.
-71-
Toutefois, le Professeur Mohamed SALAH EL IYARI a tenté
de relever la distinction entre l'action en nullité et l'action en
déclaration de simulation et l'action en inopposabilité.
A titre d'exemple, si un débiteur aliène
frauduleusement un bien figurant dans son patrimoine, à titre
onéreux et de manière fictive et ce afin de le faire
échapper aux poursuites judiciaires, les créanciers ou leurs
ayants droits qui estiment avoir été lésés par
l'acte frauduleux de leur débiteur, peuvent intenter aux
côtés de l'action en inopposabilité à leur
égard, une action en simulation contre le « concilium
fraudis » en produisant tout mode de preuve sans pour autant prouver
l'insolvabilité du débiteur ou encore la fraude commise en
connivence avec le cocontractant.(1)
Pour sa part, la jurisprudence marocaine, inspirée de
l'expérience notamment française, adopte le principe de
l'inopposabilité de l'acte frauduleux au poursuivant (créancier)
mais prononce la nullité de cet acte entre les parties, avec mention
à Monsieur le conservateur des propriétés
immobilières de rétablir l'état antérieur en
rendant le débiteur principal ou sa caution à nouveau
propriétaire du bien aliéné.
Il en va ainsi, sans toutefois prétendre à
l'exhaustivité, pour un arrêt rendu par la Cour d'Appel de
Rabat du 25 Février 1997 ayant confirmé le jugement du
tribunal de première instance : « que la demande de
l'appelant vise à annuler le jugement attaqué et par
conséquent, rejeter la demande en nullité de la donation
consentie par l'appelant concernant le titre foncier sus indiqué ;
alors que l'intimé a argué de la nullité de cet acte par
application des dispositions de l'article 22 du dahir formant code des
obligations et contrats, car cette donation a lésé le
créancier et partant lui a causé un préjudice.
(1) IN « Action paulienne en droit
Tunisien : publié à la revue des obligations et contrats
à la lumière des développements modernes année
1997 » par Maître MOHAMED SALAH EL IYARI ex Ministre de la
justice et 1er Président de la Cour d'Appel de Tunis
-72-
« Qu'au vu des pièces versées au
dossier, l'appelant a conclu un acte de donation à sa fille
appelée... correspondant au titre foncier n°... du 15/7/1992 alors
qu'il est caution personnelle et solidaire de la Société..., et
par déduction garant de sa créance envers la Banque W..., et ce
en vertu du contrat signé le ... et du protocole d'accord établi
entre les parties, à savoir la caution -appelante au présent
litige - et les autres parties au procès.
« Qu'en vertu de l'article 1241 du D.O.C., les biens
du débiteur sont le gage commun de tous ses créanciers.
« Que du moment que l'appelant a, frauduleusement,
aliéné son titre foncier sus visé alors qu'il est
débiteur de l'intimée selon sa caution personnelle, cet acte de
donation a causé un préjudice au créancier ce qui le rend
légitimement apte à demander la nullité de tout acte
susceptible de léser ses droits.
« Que cet acte est inopposable au créancier
selon les dispositions de l'article 22 du dahir précité. De
surcroît, la liberté contractuelle et la liberté de
disposition d'un propriétaire de ses biens est inopposable aux tiers
sauf ceux qui ont été lésés par le comportement du
débiteur : à savoir le créancier -
considéré comme tiers dans le rapport régissant le
débiteur et son cocontractant -) ; de ce fait, en admettant la
nullité de l'acte de donation sus visé avec mention de rayer
ledit acte du titre foncier, le jugement attaqué a légalement
justifié sa décision.
« Que la cour d'appel confirme le jugement
attaqué (1) .
Par ailleurs, la caution joue un rôle
prépondérant dans le cadre de l'exercice de l'action paulienne.
C'est dire que la jurisprudence marocaine, pour palier à tout risque de
fraude, a considéré la caution comme débiteur dès
la signature de l'acte de caution ;
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Arrêt de la Cour d'Appel de Rabat n° 1247 DU
25/2/1997 dans le dossier immobilier n° 6088/95 - jurisprudence non
publiée - copie en annexe 12 - traduction personnelle (jugement
confirmé du T.P.I. de Rabat n° 276 du 2/8/1995 - aff. WBK C/
K.A)
-73-
C'est le cas notamment d'une décision rendue par le
tribunal d'Agadir le 6 Juin 1996 :
« ... Que l'article 1241 du D.O.C. dispose que les
biens du débiteur sont le gage général des
créanciers.
« ... Qu'en vertu de la doctrine et de la
jurisprudence, il n'est pas permis au débiteur de dilapider ses
biens.... Que le défendeur est considéré
débiteur de la demanderesse dès la date de la signature de l'acte
de caution c'est-à-dire le 25/2/1983.
« Que le contrat de donation a été
établi à posteriori à savoir le 21/10/1986.
« Qu'il convient, par conséquent de prononcer
la nullité de l'acte de donation du 21/10/1986 objet du titre foncier
n° ... ordonnant Monsieur le conservateur de rayer le dit acte de
donation... » (1)
En résumé, si les décisions
jurisprudentielles non publiées évoquées dans le
présent travail, démontrent de manière effective la
confusion établie les juges du fond entre la nullité de l'acte et
son inopposabilité, elles auront, néanmoins, eu le mérite
de prouver le développement de ce genre d'action suivant ainsi
l'expérience notamment française, en dépit de l'absence
d'une réglementation spéciale de l'action paulienne sauf certains
article notamment 22, 228, et 1241 du D.O.C. précité.
2/ Effets de l'action paulienne à l'égard des
autres créanciers non parties à l'instance
En droit comparé, l'article 1167 du Code Civil
français précise explicitement que le créancier
poursuivant agit « en son nom personnel » c'est dire
qu'il s'agit d'un effet individuel qui ne profite qu'à celui qui
l'intente et partant, le bien aliéné loin de redevenir le gage
commun de tous les créanciers du « fraudator »,
comme le souligne l'article 1241 du dahir précité, n'est
destiné qu'à être appréhendé par le
créancier poursuivant.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Jugement du T.P.I. d'Agadir n° 347
du 6/6/1996 dans le dossier civil n° 700/93 - décision non
publiée, copie en annexe 16
-74-
Les autres créanciers ne peuvent se prévaloir du
jugement qui a fait droit à l'action paulienne pour faire porter leurs
poursuites sur les biens faisant l'objet de l'acte révoqué.
En revanche, il nous importe de préciser une exception
en matière de redressement ou de liquidation judiciaire (1) où
l'action est intentée par le syndic, lors de la période suspecte,
au nom de tous les créanciers, y compris ceux dont le droit est
né postérieurement à la fraude.
Force est de constater dans le cadre des effets de l'action
paulienne à l'égard des autres créanciers du
débiteur, qu'il existe une différence capitale avec l'action
oblique (2) où le créancier agit au nom de son débiteur et
au bénéfice de tous les créanciers alors qu'en paulienne,
il agit en son nom personnel et l'action intentée ne profite qu'à
lui seul bénéficiant ainsi d'un véritable privilège
à l'égard des autres créanciers.
Néanmoins, la Cour d'Appel de Rabat avait admis une
précision importante à savoir l'opposabilité des actes de
disposition du débiteur aux créanciers qui ne se sont pas
manifestés pour prouver la fraude du débiteur et partant
l'inopposabilité de l'acte à leur égard. « les
actes de disposition du débiteur étant opposables à son
ayant cause comme à lui-même, en vertu de l'article 229 du D.O.C.
l'acte de vente d'un immeuble, passé par le débiteur, et bien que
non enregistré, est opposable aux créanciers, à moins
qu'il ne soit entaché de fraude ou de mauvaise foi »(3)
_________________________________________________________________________________
(1) Loi n° 15/95 régissant le
nouveau code de commerce marocain du 3/10/1996
(2) contrairement à la loi marocaine,
l'action oblique est admise en législation française (article
1166) du code civil français)
(3) Arrêt de la Cour d'Appel de Rabat
du 29/12/1933 - G.T.M. 1934 N° 574 P. 34 - IN Code annoté des
obligations et contrats par le Doyen François-Paul BLANC
-75-
3 / Les effets de l'action paulienne à
l'égard du débiteur
Etant une action en inopposabilité et non une action en
nullité, l'action paulienne n'anéantit pas les effets de l'acte
frauduleux dans les rapports du débiteur et son cocontractant.
En effet, le débiteur reste tenu à
l'égard du tiers avec lequel il a passé l'acte attaqué.
En d'autres termes, le débiteur ne peut se
prévaloir de la révocation de l'acte car après paiement
des créanciers, le reliquat qui pourra exister appartiendra au tiers
acquéreur et non au débiteur.
Il en résulte aussi que le tiers dispose d'une action
récursoire contre le débiteur en raison du préjudice qu'il
aurait subi par la perte du droit acquis ou le versement d'une
indemnité ; ce recours risque d'être illusoire au vu de
l'insolvabilité du débiteur mais le tiers acquéreur ne
peut s'en plaindre étant par hypothèse complice de la fraude.
(1).
Nous remarquons que le fondement de cette action recensoire a
été controversée en doctrine occidentale, et le dilemme
intervient entre un recours fondé sur la subrogation car le tiers
acquéreur a payé pour autrui ou bien, au contraire, l'application
de la garantie d'éviction dans la mesure où un acheteur
évincé par le créancier a le droit d'agir en garantie
contre le vendeur pour se faire restituer le prix et obtenir les
réparations du dommage que lui a causé l'éviction.
C'est ce qui ressort d'une décision émanant du
tribunal de première instance de Sidi Slimane du 19/4/1999 où un
acheteur s'est retourné contre la caution solidaire d'une
société pour obtenir
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN « L'essentiel sur le
droit civil : les obligations » de LUC MAYAUX - P. 245 et
suivantes - collection l'HERMES
-76-
la réparation du dommage qu'il a subi, cette
dernière avait procédé à la vente d'un immeuble
frappé d'une saisie conservatoire immobilière, en fraude des
droits des créanciers pour faire échapper ses biens des
poursuites judiciaires (1).
Les effets de l'action paulienne ont une incidence,
également, sur le tiers défendeur et ses créanciers.
4 / Les effets de l'action paulienne à
l'égard du tiers défendeur et ses créanciers
Dans le cadre de l'exercice de l'action paulienne, le tiers
défendeur ne peut opposer l'acte attaqué au créancier
poursuivant. Toutefois, entre ce dernier et le tiers, l'action paulienne
équivaut à une nullité (2) car le jugement rendu sera
opéré rétroactivement.
En d'autres termes, le tiers défendeur sus visé
sera censé n'avoir jamais reçu le bien et ses propres
créanciers - notamment chirographaires - ne pourront pas se
prévaloir d'un droit de gage général, en vertu des
dispositions de l'article 1241 du dahir formant code des obligations et
contrats, sur un patrimoine où le bien n'aura jamais figuré.
Néanmoins, le créancier ayant intenté
l'action paulienne peut entrer en conflit avec les créanciers personnels
du tiers car ils entendent comprendre dans leur gage les biens figurant dans le
patrimoine du débiteur (c'est-à-dire le tiers défendeur
dans le rapport initial) et ce, par l'effet de l'acte révoqué.
Cette solution a été admise par la jurisprudence
comparée, notamment, lorsque l'action du créancier aboutit
à la restitution d'un corps certain.
_________________________________________________________________________________
(1) jugement du TPI de Sidi Slimane n°
45 du 19/4/1999 dossier civil n° 40/98 jurisprudence non publiée (
aff. W. C/ H.A.M.) copie en annexe 17
(2) A ce propos : les effets à
l'égard du tiers défendeur et de ces créanciers -
IN : droit civil - les obligations par A. WAILL & F. TERRE - Prg. 882
- op. supra précité
-77-
Par contre, lorsqu'il s'agit d'une créance liquide, ce
dernier ne peut prétendre qu'à une indemnisation
pécuniaire. (1)
Toujours est-il que, si le droit français admet
l'inopposabilité de l'acte frauduleux à l'encontre du
créancier poursuivant sans pour autant que cet effet ne profite aux
autres créanciers il leur demeure opposable. A contrario, la
doctrine Egyptienne opte pour une autre conception selon laquelle tous les
créanciers peuvent bénéficier de l'action paulienne,
même lorsqu'ils ne sont pas parties à l'instance, à
condition que leur droit ait été établi avant l'acte
attaqué afin de pouvoir exercer la dite action.
En effet, l'article 240 du nouveau code civil Egyptien dispose
que « si l'inopposabilité est prononcée, elle profite
à tous les créanciers ayant été lésés
par l'acte attaqué ».
Il en découle, selon cette même doctrine, que si
l'action du créancier poursuivant prospère, le droit consenti
frauduleusement par le débiteur devient le gage général de
tous les créanciers et partant, leur profite en même temps.
Néanmoins, si l'un de ces créanciers ayant
obtenu un jugement en matière paulienne, entame la procédure
d'exécution sur les droits appartenant au gage général de
tous les créanciers, comme nous l'avons souligné, tout autre
créancier ayant satisfait aux conditions de l'action paulienne, peut
participer à l'exécution dudit jugement et même devancer
certains créanciers dits chirographaires.
Ce qui constitue une égalité entre les
créanciers qui demeurent sur le même piédestal sans pouvoir
prétendre à l'exercice de cette action avant tel ou tel autre
créancier (2).
_________________________________________________________________________________
(1) A titre d'exemple, un bien
frauduleusement aliéné a péri par la faute de
l'acquéreur ou ayant été transmis à un sous
acquéreur de bonne foi - IN : MAZEAUD H.L. & J. - op. supra -
prg. 1007
(2) Sur la question, la législation
Portugaise admet l'égalité entre tous les créanciers et
l'action paulienne intentée par l'un d'eux demeure. Si elle
prospère, le gage général de tous les créanciers
article 1044 du code civil Portugais.
-78-
Comme nous l'avons précédemment souligné,
l'action est exercée individuellement par les créanciers - en
leur nom personnel - contre qui la fraude a été
dirigée.
Auparavant, les créanciers pouvaient agir, à la
fois contre le débiteur et contre le tiers, même s'il était
sans intérêt de poursuivre le débiteur insolvable par
définition.
En droit Marocain, l'action paulienne est dirigée
contre le tiers et également, le cas échéant, le sous
acquéreur.
Toutefois l'appel en cause du débiteur n'est pas
indispensable si nous tenons compte de son insolvabilité, mais il est
prudent de le faire afin d'éviter les difficultés qui
naîtraient du principe de la relativité de la chose jugée,
prévu par le code de procédure civile Marocain.
Cette assignation du débiteur indélicat, - car
à l'origine de la fraude aux côtés du tiers cocontractant -
lui permettra de défendre son patrimoine et éventuellement faire
échec à une demande qui aura sans aucun doute des
répercussions sur sa situation. Dans le cas contraire, si l'action n'est
dirigée qu'à l'encontre du tiers cocontractant, outre les risques
d'insolvabilité, ce dernier devra personnellement défendre son
intervention forcée.
Force est de constater également que le
débiteur, partie à l'instance, est censé
représenter ses créanciers car la modification de son
patrimoine produit corrélativement, effet sur leurs droits puisque
celui-ci est le gage général de ces derniers.
Par voie de conséquence, les autres créanciers
du débiteur devront être considérés comme partie
à l'instance et devraient entrer en concours avec le créancier
poursuivant, mais le courant doctrinal et jurisprudentiel ne l'admet
certainement pas.
En définitive, l'action paulienne a pour but de
remettre les choses en l'état, mais seulement parce qu'elle est une
action en inopposabilité à l'égard du créancier
agissant.
-79-
Le créancier demandera le rétablissement de
l'état antérieur chaque fois qu'il pourra l'obtenir ; dans
le cas contraire, il réclamera une réparation du préjudice
causé dont le caractère doit être précisé.
B - La réparation du préjudice
causé
S'il entend obtenir réparation du préjudice
qu'il a subi, le créancier de l'obligation non exécutée
peut réclamer en justice la condamnation du débiteur.
En effet, un rapport de cause est toujours requis entre la
faute du débiteur et le préjudice causé au
créancier, avec cette règle que seul le dommage direct doit
être réparé.
Toutefois, la Cour d'Appel de Rabat avait jugé à
bon droit qu'un créancier qui prétend avoir subi un dommage doit
rapporter la double preuve du préjudice subi et de la fraude du
débiteur.
Elle a affirmé que « l'action judiciaire ou
révocatoire dirigée contre un acte à titre onéreux,
ne peut réussir qu'à la double condition de preuve du
préjudice subi par le créancier et de la fraude du
débiteur et de son contractant.
Lorsque l'acte attaqué est un prêt et qu'il est
démontré que les fonds prêtés ont été
investis dans une construction devenue gage commun des créanciers,
l'action paulienne est absolument injustifiée » (1)
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Arrêt de la Cour d'Appel de Rabat du 2/4/1937
R.A.C.A.R. tome 9 P. 312 - IN : Code annoté des obligations et
contrats par le Doyen François-Paul BLANC - AL MADARISS - 1981
-80-
Mais auparavant, il faut tenter de rétablir
l'état antérieur avant d'engager une action en
responsabilité civile qui sera jointe à l'action paulienne.
1 - Rétablissement de l'état
antérieur à l'acte attaqué
En doit romain, l'action paulienne aboutissait indirectement
à la remise en l'état antérieur, vu son caractère
« arbitraire », plutôt qu'à une condamnation
pécuniaire :
Aujourd'hui, à la lumière de la jurisprudence
récente, l'effet de l'action se résume à la remise en
l'état antérieur et, ne donne pas droit à des dommages
intérêts.
C'est le cas notamment d'une décision judiciaire non
publiée ayant admis l'action paulienne intentée par un
créancier à l'encontre d'une caution solidaire.
Celle-ci a consenti un acte de donation fictif avec son
épouse en fraude des droits des créanciers.
Le tribunal, après s'être assuré de la
créance et de l'acte fictif de la caution intervenu après
l'engagement avec le créancier, a ordonné, à bon droit, la
remise en l'état antérieur, c'est-à-dire de
considérer la caution propriétaire du bien objet du titre foncier
n°.. avec mention à Monsieur le conservateur de rayer l'inscription
de l'acte de donation (1)
Néanmoins, une réserve doit être faite
lorsqu'il n'est pas possible de rétablir l'état
antérieur : le juge doit allouer au créancier un avantage
équivalent.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) Jugement du T.PI HAY HASSANI - AIN CHOCK N° 3701 du
10/12/1999 - dossier n° 1944/99 (affaire W.C/ MR. R.M. & STE. EMA.)
copie en annexe 18
-81-
Cela se justifie pleinement lorsque l'acquéreur (du
bien aliéné par le débiteur) a cédé la chose
à titre onéreux à un sous acquéreur de bonne
foi.
L'exigence de cette dernière lui évitera
d'être poursuivi pour complicité de fraude et partant,
déclaré civilement responsable du préjudice causé
au créancier.
Ce dernier aura la possibilité de diriger donc son
action, contre le premier acquéreur pour le paiement de l'indu par
application des dispositions de l'article 76 du Dahir formant code des
obligations et contrats qui stipule que « si celui qui a reçu
de bonne foi a vendu la chose, il n'est tenu qu'à restituer le prix de
vente ou à céder les actions qu'il a contre l'acheteur, s'il
était encore de bonne foi au moment de la vente.
En d'autres termes, et en appliquant à cet
acquéreur les règles générales posées par
l'article 76 précité, l'acquéreur de bonne foi ne doit que
le prix qu'il a lui-même reçu lors de la sous
aliénation ; alors que l'acquéreur de mauvaise foi sera tenu
de la valeur actuelle de la chose aliénée.
Par ailleurs, lorsque le tiers qui a acquis à titre
gratuit a revendu le bien, il devra verser seulement le montant de son
enrichissement s'il était de bonne foi.
En cas de complicité, il sera tenu de la valeur
actuelle du bien.
Quoiqu'il en soit, le créancier qui intente une action
paulienne à l'encontre d'un débiteur indélicat, vise
à préserver ses droits et intérêts en vue du
recouvrement de sa créance.
-82-
Mais, force est de constater que dans l'hypothèse
où le rétablissement de la situation antérieure est
impossible, le créancier fraudé peut intenter une action en
responsabilité civile aux côtés de l'exercice de
l'action paulienne.
2 - L'action en responsabilité civile
L'action en responsabilité civile obéit, comme
nous le verrons dans les développements qui vont suivre, aux principes
généraux de la responsabilité.
Le créancier doit justifier d'un préjudice
causé par l'acte attaqué et établir la faute du
défendeur.
En effet, la réparation de ce préjudice ne peut
être demandée qu'au débiteur et aux acquéreurs ou
sous acquéreurs complices de la fraude.
Néanmoins, si l'action paulienne suppose une faute du
débiteur et un préjudice subi par ses créanciers, elle se
rapproche vraisemblablement d'une action en responsabilité civile, mais
ne consiste pas simplement en la mise en jeu de celle-ci au débiteur,
dans la mesure où ses conditions et ses effets ne sont pas exactement
ceux d'une action en responsabilité (1)
De prime abord, la socialisation grandissante du droit de la
responsabilité lié à l'apparition et au
développement de mécanismes de garantie collective a-t-elle
contribuée à distendre plus ou moins les liens attachant la
réparation des dommages à l'existence de responsabilités
individuelles déterminées.
_____________________________________________________________________________________________________
(1) IN : Traité de droit civil - les effets du
contrat à l'égard des tiers par CHRISTIAN LARROUMET - Action
paulienne & Fraude n° 763
-83-
En effet, réparer un dommage c'est faire en sorte qu'il
n'ait pas existé et de surcroît
« rétablir » différemment la situation
antérieure.
Force est pourtant de constater qu'un tel effacement est loin
d'être toujours possible, auquel cas dans certaines situations, la
réparation se traduit par la compensation du dommage.
A s'en tenir à cette réparation proprement dite,
nous sommes alors portés à considérer que le juge
bénéficie d'une appréciation souveraine pour ordonner une
réparation en nature ou une réparation en équivalant
à savoir les dommages et intérêts.
L'objet de l'obligation inexécutée par le
débiteur (défendeur) à travers l'aliénation du bien
n'est pas indifférent au mécanisme de l'évaluation si
celui-ci est, en effet, inspiré en général par un principe
de réparation intégrale, l'évaluation des dommages et
intérêts relève d'un régime spécifique qui
fait place au forfait (1).
En principe, le montant des dommages sus visés
alloués par le juge doit couvrir l'intégralité du
préjudice subi par le créancier sans pour autant le
dépasser, c'est là une règle essentielle qui s'applique en
matière de responsabilité civile.
Pour sa part, le professeur GENEVIEVE VINEY (2) a pu mettre en
exergue l'apport de cette action en responsabilité en analysant le
caractère prépondérant de la réparation du dommage
ou sa compensation.
Elle affirme que : » incontestablement,
l'idée dominante dans tous les systèmes juridiques consiste
à assurer à la personne lésée les
réparations de son dommage. Cette place essentielle de l'idée de
réparation ou de compensation demandée au débiteur et aux
acquéreurs ou sous acquéreurs complices de la fraude,
s'accompagne d'ailleurs
_________________________________________________________________________________
(1) IN : Droit Civil - Les Obligations
par A. WEIL & F. TERRE - Ed. DALLOZ - Prg 780 et suivant.
(2) Professeur à l'Université
de PARIS I (Panthéon - Sorbonne)
-84-
D'une prééminence de fait, sinon de droit de
l'indemnisation pécuniaire » (1)
Cette caractéristique essentielle apparaît
clairement dans le texte que le Dahir format Code des obligations et contrats
du 12/8/1913 a consacré aux effets.
Cependant, nous pouvons remarquer que l'article 78 du D.O.C.
fait allusion à la finalité réparatrice de la dette du
responsable : » chacun est responsable du dommage moral ou
matériel qu'il a causé non seulement par son fait, mais par sa
faute, lorsqu'il est établi que cette faite en est la cause
directe » (2)
Ceci étant, nous sommes en mesure d'affirmer que
l'action en responsabilité civile apparaît comme une institution
orientée vers la réparation des dommages, celle-ci étant
assurée normalement par le paiement au créancier d'une
indemnité correspondant, en principe, à la
« perte » qu'il a subi ou au « gain »
dont il a été privé.
La portée de cette règle est clairement
exprimée par de nombreux arrêts qui affirment
que « le propre de la responsabilité est de
rétablir aussi exactement que possible, l'équilibre
détruit par le dommage et de replacer le créancier dans la
situation où il serait trouvé si l'acte dommageable n'avait pas
eu lieu » (3)
_________________________________________________________________________________
(1) IN : Traité de Droit Civil -
effets de la responsabilité - par G. VINEZ - op. Supra - édition
L.G.D.J. - 1988
(2) En droit comparé, l'article 1382
du Code civil français évoque la réparation du
préjudice « tout fait quelconque de l'homme qui cause à
autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé de le
réparer »
(3) Arrêt de la Cour de Cassation
française - chambre civile - du 4/2/1982 - IN : semaine juridique
1982 - tome II - 19894 - note du professeur J.F. BARBIERI
-85-
De surcroît, les juges déduisent que les dommages
intérêts doivent être évalués de façon
à compenser intégralement tous les préjudices
résultant du fait don le débiteur, la caution ou son
acquéreur, répondent sans toutefois procurer l'enrichissement au
créancier.
Autrement dit, la somme due au titre de dommages et
intérêts doit correspondre rigoureusement à la perte
causée par le fait dommageable.
Le responsable de mauvaise foi devra réparer
« tout le dommage » mais « rien que le
dommage ».
Par ailleurs, en droit comparé notamment marocain et
égyptien, la notion de réparation du préjudice et celle de
l'exigence de dommages et intérêts, suscitent un
intérêt considérable.
Entre autre la doctrine Marocaine admet que le
créancier ayant subi un préjudice causé par l'acte du
débiteur, puisse exiger, aux côtés de
l'inopposabilité de ce dernier à son égard, des dommages
intérêts selon les règles générales de
droit.
De son côté, le Docteur ABDERRAZAK SANHOURI n'a
pas omis de traiter de la réparation du préjudice à
travers l'action en responsabilité civile jointe à l'action
paulienne.
L'auteur admet, explicitement, la preuve faite par le
créancier que le débiteur a aliéné un bien
donné en cautionnement d'un emprunt l'empêchant ainsi de recourir
sa créance à temps, ce qui lui a causé un préjudice
manifeste supérieur aux intérêts légaux ou
conventionnels qui lui reviennent de plein droit.
En effet, le créancier est en droit d'exiger des
dommages intérêts compensatoires supplémentaires
versés par le « consilium fraudis ».
-86-
Il y a lieu, également, de verser des
intérêts complémentaires en cas de mauvaise foi, avec
application, bien évidemment, des règles générales
de responsabilité délictuelle et non les règles
spécifiques à l'action paulienne.
De plus, et à titre d'exemple significatif, il
résulte de l'application des règles générales de
responsabilité que si un bien péri entre les mains d'un
acquéreur ou un donataire de mauvaise foi, chacun d'eux devra
répondre de sa propre responsabilité, surtout s'il est
prouvé que ledit bien n'aurait certainement pas pu périr s'il
était resté entre les mains du créancier.
A contrario, si un bien périt chez le donataire de
bonne foi, le créancier ne peut prétendre à des dommages
intérêts même en cas de faute du débiteur ou du
donataire, car il s'agira d'un bien périssable n'empêchant pas le
créancier de le récupérer par la voie paulienne.
D'autre part, le créancier demandeur à l'action
ne saurait bénéficier de l'inopposabilité de l'acte
attaqué sans délai de prescription.
En effet, nous prenons en considération le fait que ce
dernier n'est pas partie à l'acte querellé, l'application de la
prescription de droit commun semble adéquate soit 15 ans par application
des dispositions de l'article 387 du Dahir formant code des obligations et
contrats.
Néanmoins, ce délai nous paraît trop long
et constitue une menace qui pèsera sur le tiers acquéreur pendant
longtemps avec cette crainte que la preuve de la fraude ne
dépérisse.
L'application du délai de droit commun commencera
à courir à compter du jour de l'acte attaqué.
Ceci étant, nous pouvons dire que, si en pratique,
l'exercice de l'action paulienne au Maroc connaît un essor remarquable,
notamment à travers les nombreuses jurisprudences ayant admis ces
mesures de protection, la doctrine marocaine, en revanche, est très
timide ce qui nous laisse croire que l'absence de texte spécifique
réglementant de manière expresse l'action paulienne engendre des
répercussions sur le travail doctrinal.
-87-
En définitive, pour une meilleure protection des
intérêts des tiers, le législateur Marocain est tenu de
réglementer l'action paulienne « telle qu'elle est
distinguée de l'action en déclaration de simulation article 22 du
D.O.C. » car le fardeau de la preuve de la fraude du débiteur
demeure difficile à apporter surtout par le créancier poursuivant
considéré tiers à l'acte attaqué.
* *
*
D E D I C A C E
Je dédie ce travail avec tout mon estime à
BASSAMAT, pour m'avoir inculqué les valeurs de la vie, pour m'avoir
encouragé à l'affronter, pour avoir été à
mes côtés dans les moments difficiles et pour m'avoir soutenu
toutes ces années.
Je dédie également ce travail, avec mes
sincères salutations :
- A ma famille,
- A tous mes amis (es)
- A tous ceux qui ont contribués
à la réalisation de ce travail
REMERCIEMENTS
Je tiens à adresser,
également, mes sincères remerciements :
- Au Cabinet Maîtres ASMAA LARAQUI -
BASSAMAT FASSI-FIHRI et ROKIA KETTANI, Avocats au barreau de CASABLANCA
- A MAHMOUD HASSEN, Professeur à la
faculté de droit de TUNIS
- A Maître SAID ADIL LAMTIRI, Avocat
au barreau de CASABLANCA
- A Mr. MANSOURI, Directeur de la fondation
AL SAOUD de CASABLANCA
Pour leur contribution remarquable sur un thème
considéré d'une grande importance car il se développe au
carrefour du droit des affaires, du droit civil et du droit commercial :
L'ACTION PAULIENNE.
Je désire encore une fois leur exprimer mes
respectueuses salutations et ma haute considération.
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier vivement Monsieur le Doyen
François-Paul BLANC qui m'a fait l'honneur de bien vouloir accepter
d'orienter ce travail.
Son aide m'a été précieuse, notamment
grâce à ses recommandations et sa sensibilité
particulière à tous les travaux liés au droit marocain.
Mes sincères remerciements vont également
à Monsieur le Professeur SALAH BOUKNANI qui a assuré avec
beaucoup de soins les séminaires d'études. Ses orientations dans
la réalisation de ce travail ont été pertinentes.
Enfin, je profite de cette occasion pour remercier Messieurs
les Professeurs DEGAGE et CABANNIS pour leurs éminentes interventions
dans le cadre du D.E.A. de l'Université de PERPIGNAN.
BIBLIOGRAPHIE
I - MANUELS ET TRAITES :
* EN LANGUE ARABE :
1 - Théorie générale des obligations -
Tome 1
Par : Dr. Taïeb EL FSSAILI
Edition : EL BADI'I - 1996
2 - Précis au Droit Civil Annoté - Effets des
Obligations
Par : Dr. Abderrazak SANHOURI - Tome 6
Edition : DAR IHYA'A ATOURAT AL ARABI - LIBAN
3 - Précis sur la théorie des obligations en
droit algérien
Par : Mr. Mohamed HASSANINE
Université d'Alger - 1982
* EN LANGUE FRANCAISE :
1 - Traité de Droit Civil - les Effets de la
Responsabilité
Par : Mme Geneviève VINEY - L.G.D.J. -
1988
2 - Traité de Droit Civil - Les Obligations
Par : Mr. Christian LARROUMET - L.G.D.J.
3 - Droit Civil - Les Obligations
Par : Mr. Alain BENABENT - MONCHRETIEN 1991
4 - Droit Commercial et Bancaire Marocain
Par : Mr. Didier R. MARTIN - AL MADARISS - 1999
5 - Droit Civil : Les Obligations
Par : MM. A. WEILL & F. TERRE - DALLOZ -
1976
6 - Droit Civil : Les Obligations
Par : Mr. Boris STARCK - LITEC - 1976
7 - Leçons de Droit Civil - Les Obligations - Tome II
- Volume 1
Par : MM. Henri, Léon et Jean MAZEAUD MONCHRETIEN
- 1978
8 - Immutabilité et Evolution des Litiges
Par : Mr. MIGUET - L.G.D.J. - 1977
Préface : HEBRAUD
9 - Théorie Générale des Obligations en
Droit Privé Economique
Par : Mr. René SAVATIER - DALLOZ - 1987
10 - Droit Civil les Obligations : les
effets du contrat à l'égard des tiers -
Comparaison Franco - Belge
Par MM. Jean GHESTIN et Henri SOLUS - HERMES - 1986
11 - L'essentiel sur le Droit Civil :
Les Obligations
Par : Mr. Luc MAYAUX - HERMES - 1982
12 - Droit des Obligations au Sénégal
Par : Mr. Jean - Pierre TOSI - 1984
II - ARTICLES ET REVUES :
1 - La Revue Marocaine de Droit
Par : Mrs. Jean Paul RAZON et Azzedine KETTANI
Année 1985 - 1988
2 - La Revue Tunisienne des Obligations et Contrats à
la lumière des
Changements Contemporains - 1997
Par : Mohamed SALEH EL IYARI
3 - La Revue Egyptienne de Doctrine et de Jurisprudence -
Tome II -
Année 1945
4 - Les Revues « AL MOUHAMAT » - 1960 et
la Revue « CHARA'II »
5 - La Revue trimestrielle de droit civil
III - LES ENCYCLOPEDIES :
1 - JURIS-CLASSEUR CIVIL -« Action
Paulienne »
Etude de Mr. Pierre Yves GAUTIER
2 - JURIS-CLASSEUR CIVIL - Article 1167 du Code Civil
Français
(contrats et obligations)
Par : Mr. Jean DEVEZE - Mme Corinne SAINT-ALARY
HOUIN
3 - JURIS-CLASSEUR « Banque -
Crédit »
Tome II - Fascicule 780
Etude sur « Les garanties
intrinsèques du régime des obligations »
Par : Mr. Didier R. MARTIN
Editions Techniques - 1998
4 - Encyclopédie DALLOZ - REPERTOIRE DE DROIT CIVIL
sous la
direction de Pierre RAYNAUD et JL. AUBERT 1996- Tome
1
IV - LES TEXTES DE LOIS ET LA
LEGISLATION
ETRANGERE
1 - Dahir formant code annoté des obligations et
contrats Marocain
(D.O.C.) 12 Août 1913
Par : le Doyen François - Paul BLANC
Edition : AL MADARISS - 1981
2 - Dahir formant code annoté des Obligations et
Contrats Marocain
(à la lumière de la doctrine et de la
jurisprudence) 1992/1993
Par : Me. Hassan EL FOUKHANI avocat au barreau du
CAIRE
3 - Code de Procédures Civiles Marocain - 1974
4 - Loi n° 15/95 relative au nouveau code de commerce
Marocain
5 - Législation Française en matière
d'Action Paulienne :
Code Civil Français
6 - Les législations comparées :
- Algérienne
- Egyptienne
- Portugaise
- Sénégalaise
- Syrienne
- Tunisienne
V - JURISPRUDENCES :
A / Jurisprudences publiées :
1 - CD - ROM « INTEGRALE CASSATION »
version 1998
Arrêts de la Cour de Cassation
Française
Collection LEGISOFT - 4 bis rue de l'Assomption 75116-
PARIS
2 - Gazette des Tribunaux du Maroc
B/ Jurisprudences non publiées :
1 - Décisions rendues par les différents
tribunaux du Maroc,
rassemblées auprès d'un cabinet d'avocat
spécialisé en droit des
affaires notamment en droit bancaire.
INTRODUCTION
Ière PARTIE :
Les Conditions d'exercice de l'Action Paulienne en
Droit Marocain
IIème PARTIE :
Les effets de l'Action Paulienne en Droit
Marocain
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
Université de Perpignan
Faculté de droit et des sciences
économiques
MEMOIRE DE FIN D'ETUDES
POUR L'OBTENTION DU DIPLOME
DES ETUDES APPROFONDIES
EN DROIT DES SOCIETES
SOUS LE THEME :
L'ACTION PAULIENNE EN DROIT MAROCAIN
Présenté et soutenu
Le
16 Novembre 2000
-----------------------------------
Par
Mr. Youssef FASSI FIHRI
Sous la direction de Mrs
Le Doyen François-Paul BLANC
Le professeur Salah BOUKNANI
Année universitaire 1999 - 2000
INTRODUCTION
I ère PARTIE : LES CONDITIONS
D'EXERCICE DE L'ACTION PAULIENNE EN DROIT MAROCAIN
A - Conditions relatives à l'acte
attaqué :
1 - La nature des actes susceptibles d'être
attaqués par l'action paulienne :
a) - Principe : (selon jurisprudence
marocaine)
b) - Exceptions : (6)
2 - Le préjudice causé au
créancier par l'appauvrissement du
débiteur :
a) - Quant aux créanciers
hypothécaires
b) - Quant aux créanciers
chirographaires
B - Conditions relatives aux parties au
litige :
1 - Le créancier demandeur à l'action
agissant par voie paulienne :
a) - Quels sont les créanciers admis à
exercer l'action paulienne ? (doctrine arabe et
française)
b) - Les éléments de la créance
2 - Le débiteur défendeur à
l'action (jurisprudence non publiée) :
* La fraude du débiteur :
.. Définition de la fraude
.. Exigence d'une fraude paulienne
.. Preuve de la fraude (« CONSILIUM
FRAUDIS »)
* L'appauvrissement proprement dit du
débiteur
3 - Le tiers défendeur à
l'action :
a) - Quand l'action paulienne est intentée
contre le contractant du débiteur : (Jurisprudence non
publiée à l'appui)
1 - Principe
2 - Applications jurisprudentielles
b) - Quand l'action paulienne est intentée
contre le sous-acquéreur (jurisprudence marocaine à
l'appui)
II ème PARTIE : LES EFFETS DE L'ACTION
PAULIENNE EN DROIT MAROCAIN :
A - L'inopposabilité de l'acte frauduleux
au poursuivant :
1°/ Effets de l'action paulienne à
l'égard du créancier demandeur à l'action
2°/ Effets de l'action paulienne à
l'égard des autres créanciers non partie à
l'instance
3°/ Effets de l'action paulienne à
l'égard du débiteur
4°/ Effets de l'action paulienne à
l'égard du tiers défendeur et ses
créanciers
B - La réparation du préjudice
causé :
1°/ Rétablissement de l'état
antérieur à l'acte attaqué
2°/ Action en responsabilité
civile
RESUME DU MEMOIRE DE FIN D'ETUDES POUR L'OBTENTION DU D.E.A. EN DROIT DES
SOCIETES
L'ACTION PAULIENNE EN DROIT MAROCAIN
Par Youssef FASSI-FIHRI
|
Les différentes législations ont toujours
réglementé ou posé les principes destinés à
garantir la sécurité des transactions et plus
précisément la protection du créancier contre
l'insolvabilité de son débiteur.
Au principe du droit de gage général posé
par le Code Civil, ces législations ont prévu, pour
prévenir le risque d'un défaut de paiement, des
sûretés destinées à permettre au créancier
une action prioritaire sur les biens de son débiteur.
Ainsi, l'objectif recherché est l'augmentation des
chances d'un paiement à l'échéance.
Or, il peut arriver que le créancier ne
bénéficie d'aucune sûreté, se contentant de son
droit de gage général mais que son débiteur organise
sciemment et frauduleusement son insolvabilité.
Si le Code Napoléon a constitué l'une des
sources du Dahir formant Code des Obligations et Contrats du 12/8/1913, il est
étonnant de relever que le législateur marocain n'a pas
prévu d'action spécifique en faveur du créancier, pour
attaquer les actes consentis par son débiteur en fraude de ses droits,
c'est-à-dire, la possibilité de les attaquer par la voie de
l'action paulienne.
Devant ce silence la jurisprudence a eu depuis de nombreuses
années à se fonder sur un certain nombre de disposition du D.O.C.
pour pouvoir prononcer à la requête des créanciers,
l'annulation de tels actes.
Si dans les premières décisions rendues les
juges marocains se sont fondés sur le principe de la
responsabilité civile délictuelle (Article 77 du D.O.C.), les
décisions ultérieures ont considéré qu'il y avait
lieu de faire application des dispositions de l'article 22 du même code,
réglementant la simulation et celle de l'article 1241 posant le principe
du droit de gage général pour aboutir à l'annulation des
actes consentis par le débiteur en fraude des droits du
créancier.
2
Cette construction purement jurisprudentielle pose
néanmoins un certain nombre de difficultés dont les plus
importantes sont les suivantes :
- A l'inverse de ce qui est admis dans d'autres
législations, le juge marocain faisant droit à la demande du
créancier prononce non seulement l'inopposabilité de l'acte mais
également son annulation.
- Par ailleurs les difficultés se posent
également sur la question de savoir si seuls les actes de disposition
à titre gratuit peuvent être attaqués par la voie de
l'action paulienne ou si cette action ne peut être intentée
qu'à l'encontre d'un acte de disposition à titre onéreux
(cf. la position récente adoptée par le tribunal d'Ain Chock Hay
Hassani).
- Par ailleurs, certaines juridictions ont
considéré que si le créancier dispose de
sûretés réelles, il ne peut attaquer les actes fait au
préjudice de ses droits et ce, au mépris du principe du droit de
gage général et alors même que la charge de la preuve de
l'absence d'insolvabilité pèse sur le débiteur.
- Dans le même sens, la qualité du
débiteur est appréciée de façon divergente par les
différentes juridictions du Royaume.
- En effet, si certaines ont posé le principe selon
lequel la caution devait être présumée débitrice
dès la signature de l'acte de cautionnement -suivant en cela la doctrine
et la jurisprudence française- certaines décisions ont
considéré que le créancier ne pouvait agir par la voie de
l'action paulienne que si l'acte attaqué a été conclu
postérieurement à l'obtention d'une décision
définitive condamnant le débiteur. (cf. tribunal de
1ère instance de Marrakech - affaire THONIEL).
- Dans le même ordre, si l'existence d'une fraude doit
être établie par le créancier, les tribunaux
considèrent qu'il s'agit d'un élément matériel
pouvant être prouvé par tous moyens et notamment la qualité
du cocontractant, la date de l'acte, la nature de l'acte, la modicité du
prix etc...
En outre, si la décision rendue dans le cadre de
l'action paulienne a pour effet de rendre inopposable l'acte attaqué sur
le plan pratique, certaines difficultés peuvent apparaître .
C'est le cas notamment lorsque le créancier
bénéficie d'une décision d'annulation d'un acte portant
sur un bien immobilier.
Lors de la notification de cette décision au
conservateur de la propriété foncière, il peut
s'avérer que l'acquéreur « fictif » a entre
temps consenti une sûreté réelle sur ce même bien.
Le créancier sera alors tenu de déposer une
nouvelle requête en annulation de cet acte de garantie.
3
La Cour Suprême marocaine ayant, à notre
connaissance rendu très peu de décision dans cette
matière, il y aura lieu d'attendre son intervention en vue d'uniformiser
les différentes règles sus visées ou, purement et
simplement voir le législateur intervenir dans ce domaine.
A un moment où l'économie marocaine doit
encourager l'investisseur en mettant tout en oeuvre pour garantir la
sécurité des transactions, le droit positif ne peut se permettre
de rester silencieux .
* * *
* *
*
LISTE ALPHABETIQUE DES ABREVIATIONS
C.P.C. : Code de Procédure Civile
CD ROM : « Compact Disc- Read Only
Memory »
D.O.C. : Dahir formant Code des Obligations et Contrats
Ed. : Edition
FASC. : Fascicule
G.T.M. : Gazette des Tribunaux du Maroc
Obs. : Observations
Op. Supra : Ouvrage Précité
P. : Page
Prg. : Paragraphe
R.A.C.A.R : Recueil des arrêts de la Cour d'Appel
de Rabat
R.M.D. : Revue Marocaine de Droit
Suiv. : Suivants
T. : Tome
Université de Perpignan
Faculté de droit et des sciences
économiques
Centre d'Etude et de Recherches Juridiques sur les
Espaces Méditerranéen et Africain francophone
( C.E.R.J.E.M.A.F. - U.P.R.E.S. - E.A. 1942
)
LE CREDIT DOCUMENTAIRE CONFIRME
Mémoire pour l'obtention du D.E.S.
En
Droit comparé des pays d'Afrique
francophone
Présenté et soutenu
Le
16 Novembre 2000
-----------------------------------
Par
Mr. Youssef FASSI FIHRI
Sous la direction de Mrs
Le Doyen François-Paul BLANC
Le professeur Salah BOUKNANI
Année universitaire 1999 - 2000
COMMENTAIRE D'ARRÊT
INTRODUCTION :
La nature du commerce bancaire tend de plus en plus à
passer par delà les frontières étatiques. Ainsi, les
banques organisent les paiement et les garanties des opérations sur les
marchandises ou les services, à la demande de leur clientèle
importatrice ou exportatrice.
L'étude des conditions particulières du commerce
international a permis de constater que plusieurs facteurs militaient en faveur
de l'utilisation du crédit documentaire.
Au Maroc, le crédit documentaire commence à
occuper une place importante dans les transactions internationales de sorte que
son caractère irrévocable rend l'engagement de la banque
confirmatrice définitif qui, déclarée responsable, doit
répondre du paiement notamment par décision judiciaire comme le
montre l'arrêt rendu par la 4ème chambre civile
près la Cour Suprême de Rabat le 10/3/99.
Dans cette affaire, la société FRIGO SAID (la
défenderesse) a conclu avec la société SEPHACOMAR ESPANA
un contrat de vente en vue duquel elle a exporté à cette
dernière deux quantités de poissons dont la valeur de la
première est de 10.960.500 Pesetas espagnoles et la seconde est de
8.000.000 de Pesetas espagnoles.
A cet effet, la société importatrice a ouvert un
crédit documentaire irrévocable auprès de la banque
extérieure d'Espagne . Ce dernier a été
confirmé par la demanderesse au pourvoi qui a avisé
l'exportatrice de l'ouverture dudit crédit.
Ainsi, l'exportatrice (la Société FRIGO SAID)
après avoir exécuté l'ensemble de ses obligations envers
l'importatrice (SEPHACOMAR ESPANA), a été avisée par
WAFABANK de l'annulation du crédit documentaire au motif que le
règlement se fera directement auprès de l'importatrice.
La société FRIGO SAID a sollicité la
condamnation de la banque confirmatrice au règlement de la somme de
1.300.000 DH représentant la valeur du poisson congelé.
Le tribunal de Première Instance de SAFI a rendu un
jugement le 28/2/1996 dans le dossier n° 161/95 condamnant la
débitrice au règlement de la contre valeur de la somme de
10.960.500 Pesetas espagnoles et a déclaré les autres demandes
irrecevables.
La Cour d'Appel de SAFI a confirmé cette
décision en fondant son arrêt sur l'argumentation
suivante :
-2-
L'appelante (WAFABANK) est la banque confirmatrice du
crédit au Maroc, ce qui rend cette dernière solidairement
responsable avec la banque extérieure d'Espagne. La Cour a
également considéré que le visa apposé par la
banque confirmatrice sur la lettre du 3/10/1994 conforme à la
réception des documents dans les délais. La banque se devait de
soulever les réserves dans les documents dans les délais de
validité du crédit , cependant sous peine d'être
solidairement tenu du règlement .
La requête aux fins de pourvoi se fonde sur l'article 28
du Code de Procédure Civile régissant la compétence
territoriale, et les articles 230,234,895 et 921 du D.O.C. et 341 et 345 du
C.P.C.
Le problème posé est celui de savoir si une
banque confirmatrice d'un crédit documentaire peut être
solidairement tenue du paiement pour n'avoir pas soulevé de
réserves émises sur les documents dans les délais, alors
même qu'elle soutient avoir agit en qualité
d'intermédiaire ?
La quatrième Chambre Civile près la Cour
Suprême répond par l'affirmative en mettant l'accent sur le fait
que le demandeur au pourvoi est une banque confirmatrice d'un crédit
documentaire irrévocable et non une banque notificatrice.
De ce fait, elle a considéré que le respect des
règles du crédit documentaire impose à la banque
confirmatrice d'examiner les documents dès leur réception,
nonobstant le respect des instructions de sa cliente, dans un délai
raisonnable, sous peine de ne pouvoir invoquer leur non conformité, et
de les adresser à la banque émettrice.
Par son arrêt du 10 Mars1999, la Cour Suprême
rejeta le pourvoi formulé par la banque.
1ère PARTIE : LES ARGUMENTS DES PARTIES
AU LITIGE
A travers cette partie, nous essayons de mettre l'accent sur
les différents arguments avancés par les parties au litige devant
les juges de fond en premier lieu, et les moyens invoqués par le
demandeur au pourvoi devant la Cour Suprême en second lieu.
A/ Les arguments avancés par les parties au litige
devant les juges du fond :
La société FRIGO SAID a introduit une action
devant le Tribunal de Première Instance de SAFI, tendant à la
condamnation de WAFABANK au paiement de la somme de 1.300.000
représentant la valeur du poisson congelé objet de deux
exportations et subsidiaires une expertise pour évaluer le
préjudice subit.
-3-
Que celle-ci soutient avoir conclu un contrat vente avec la
Société Espagnole au vue duquel elle devait exporter deux
livraisons de poissons .
Que l'importatrice a ouvert un crédit documentaire
irrévocable et confirmé auprès de la banque Espagnole.
La demanderesse ajoute que le crédit documentaire est
une opération par laquelle une banque reçoit les instructions de
ses clients importateurs dans le cadre de relations commerciales
internationales, offre à son vendeur une garantie de paiement et
à l'acheteur une garantie de recevoir sa marchandise.
Qu'en l'espèce FRIGO SAID a été
avisé de l'ouverture de ce crédit, de ses conditions et du fait
qu'il était en outre confirmé par une banque Marocaine qui l'a
avisé de l'ouverture du crédit.
Que la demanderesse après avoir exécuté
l'ensemble de ses obligations, que l'acheteur a été avisé
par la banque Marocaine de l'annulation du crédit documentaire au motif
que le prix serait réglé directement par l'acheteur.
WAFABANK défenderesse a répliqué sur le
fond du litige que le crédit documentaire portait sur la somme de
10.960.500 Pesetas a été émis par la banque espagnole le
3/10/94.
Que WAFABANK n'a reçu de la Ste FRIGO SAIL les
documents relatifs à ce crédit documentaire que le 3/10/94
c'est-à-dire le dernier jour de validation du crédit.
Cette même lettre comporte en outre des instructions
précises émanant de FRIGO SAID enjoignant à WAFABANK
d'adresser les documents en l'état, ce qu'elle a fait, alors qu'ils
n'étaient pas conformes au Swift du 26/9/94 comportant les conditions du
crédit documentaire.
WAFABANK a donc adressé les documents en l'état
à la banque Espagnole et a ordonné d'enlever de leurs
réserves.
La banque Espagnole lui a répondu le 24/10/94 en
évoquant l'absence de conformité des documents.
Le 13/1/95 WAFABANK a reçue de la banque
extérieure d'Espagne les documents sans paiement.
WAFABANK a dès lors considéré que la
confirmation supposait la réception de documents conformes, en
application de l'article 9 des règles et usances du crédit
documentaire.
Qu'en l'occurrence elle a exécuté les
instructions de la demanderesse en adressant les documents reçus en
l'état alors qu'ils n'étaient pas conformes.
-4-
WAFABANK soutient en outre avoir agit en qualité de
mandataire qui a exécuté les instructions de son client en
adressant les documents en l'état alors qu'ils n'étaient pas
conformes.
Le Tribunal de Première Instance de SAFI a rendu un
jugement le 28/2/1996 condamnant la défenderesse WAFABANK au
règlement de la contre valeur de la somme de 10.960.500 Pesetas
espagnoles fondant sa décision, principalement, sur la force du
crédit documentaire irrévocable et confirmé par la
défenderesse et rejetant les autres demandes notamment le
règlement du second crédit documentaire ouvert pour 8.000.000 de
Pesetas espagnoles au motif que la demanderesse n'a pas produit la lettre de
crédit documentaire pour apprécier le délai de
validité.
WAFABANK a interjeté appel de cette décision en
reprochant à l'arrêt attaqué d'avoir méconnu qu'elle
s'était contenté d'exécuter les instructions de sa cliente
et qu'en réalité la faute incombait à cette
dernière qui avait présenté des documents non
conformes.
L'intimée a sollicité le rejet de l'appel.
La Cour d'Appel de SAFI a rendu un arrêt par lequel elle
a confirmé le jugement de première instance dans toutes ses
dispositions au motif que l'appelante ayant reçu les documents dans les
délais, sans formuler de réserve, est tenue solidairement au
paiement.
B/ Les arguments avancés devant la Cour
Suprême :
WAFABANK, demandeur au pourvoi, fait grief à
l'arrêt attaqué d'avoir violé les dispositions des articles
895 du D.O.C. et qui met à la charge du mandataire l'obligation
d'accepter strictement la mission qui lui a été confiée
sans sortir du cadre de sa mission.
En effet, la lettre du 3/10/1994 émanant de la
défenderesse au pourvoi par laquelle cette dernière lui a remis
les documents comportait des instructions écrites, claires lui intimant
d'adresser les documents en urgence et dans l'état où il les a
reçus, sans avoir à les examiner.
Ces instructions portaient sur les documents prouvant
incontestablement que le demandeur au pourvoi a agit en tant que banque
intermédiaire exécutant son obligation dans le cadre du contrat
de mandat.
Par ailleurs, le demandeur au pourvoi invoque le défaut
de conformité des documents à la lettre de crédit
comportant ainsi que plusieurs réserves reconnues par la
défenderesse, qui constituent une violation de son engagement en
qualité de vendeur et bénéficiaire du crédit
documentaire.
-5-
Que l'arrêt attaqué n'a pas répondu
à ce point de sorte que cela équivaut à un défaut
de notification.
Le demandeur au pourvoi invoque également la violation
des dispositions de l'article 9 du règlement 500 du C.C.I. car les
documents présentés par cette dernière sont non seulement
non conformes mais comportaient des instructions précises que la banque
était tenue de respecter, de sorte que la défenderesse ne saurait
reprocher le refus de la banque espagnole d'avoir refusé le paiement
pour non conformité aux conditions de vente.
Le demandeur au pourvoi souligne également la
reconnaissance écrite émanant de la défenderesse, de sa
faute par une télécopie du 22/2/1995 ce qui constitue un aveu en
matière civile conformément aux dispositions des articles 405,
407 et 416 du D.O.C.
Le demander au pourvoi invoque outre la violation de l'article
345 du D.O.C., le manque de motif et l'absence de base légale de
l'arrêt attaqué.
A cet égard le demandeur fait grief à
l'arrêt attaqué de n'avoir pas répondu au moyen tiré
de la non conformité des documents relatifs au transport de la
marchandise (C.M.R.) alors que ce contrat reste soumis aux conditions du
contrat de transport international de marchandises sur route signé
à Genève le 19/5/1956 devant comporter un certain nombre de
mentions obligatoires et ce, en dépit de toute clause contraire.
Enfin, WAFABANK soutient avoir agit en qualité de
mandataire et que la Cour d'Appel n'a pas répondu à ce moyen
également.
3 ème Partie : APPRECIATION DE LA POSITION
DE
LA COUR SUPRËME
La Cour Suprême est la plus haute juridiction du
Royaume, unique, et sédentaire, que le législateur a placé
au sommet de la hiérarchie judiciaire pour apprécier, en partant
des faits souverainement constatés par les juges du fond, la
légalité des jugements et arrêts rendus en dernier ressort
par les cours et tribunaux, et casser les décisions dont les
dispositions sont entachées d'une violation de la règle de
droit.
En droit comparé, on parle de « Cour
régulatrice du droit », ayant pour mission essentielle
d'assurer l'unité du droit national, notamment par l'unité de la
jurisprudence, et de réaliser ainsi l'égalité effective
entre les justiciables devant la loi ; Elle ne peut en aucun cas
connaître du fond des litiges, mais, a l'obligation, lorsqu'elle casse
l'arrêt qui lui est déféré, de renvoyer la cause et
les parties devant une juridiction de fond de même ordre et de même
degré que celle ayant rendu l'arrêt cassé, et ce pour qu'il
soit fait droit.
-6-
Dans cette affaire, la Cour Suprême a rejeté le
pourvoi en cassation introduit par WAFABANK ,en rappelant :
- le rôle d'une banque
confirmatrice d'un crédit documentaire
irrévocable
- le respect des règles et usances du
crédit documentaire impose l'examen des
documents
dès leur réception, dans un délai
raisonnable.
- L'émission de réserves hors délai
de validité du crédit est écartée de sorte que la
banque confirmatrice est tenu solidairement au paiement
au même titre que la
banque émettrice .
- Les obligations de la banque confirmatrice
en rappelant la distinction entre la notion de banque confirmatrice et de
banque notificatrice d'une part, et les obligations d'une banque confirmatrice
d'autre part.
1/ Distinction entre banque confirmatrice
et banque notificatrice :
La Cour Suprême a fait une distinction entre une banque
confirmatrice et une banque notificatrice d'un crédit documentaire
irrévocable.
Elle a constaté qu'il s'agit, dans le cas
d'espèce, d'une banque confirmatrice d'un crédit documentaire
irrévocable, qui a reçu les documents relatifs au crédit
dans les délais et n'a émis aucune réserve les
concernant.
En effet, une banque confirmatrice joue un rôle actif
dans l'opération de crédit car elle a l'obligation d'examiner les
documents qui lui ont été remis par le
bénéficiaire, et ce dans un délai déterminé,
faute de ne pouvoir invoquer leur non conformité avant de les
transmettre à la banque émettrice.
La doctrine s'est préoccupée, pour sa part, de
cette distinction et a associé le rôle du banquier notificateur
à la théorie du mandat car il reçoit effectivement le
mandat de la banque émettrice d'accepter des documents conformes et, le
plus souvent, de procéder au règlement de la lettre de
crédit mais ne contracte aucun engagement de paiement envers le
bénéficiaire.
Le demandeur au pourvoi avait, en ce sens, argué de sa
qualité de banque intermédiaire et de mandataire ayant
exécuté les instructions de sa cliente, mais tant les juges de
fond que la Cour Suprême n'ont tenu compte de ce moyen.
Par ailleurs, une banque confirmatrice est une banque tierce
qui intervient aux côtés de la banque émettrice en prenant
un engagement identique mais autonome par rapport à celui souscrit par
la banque émettrice.
La banque située dans le pays du vendeur prend alors un
engagement personnel et irrévocable en faveur du
bénéficiaire.
-7-
Cette forme de crédit fournit à ce dernier une
double promesse irrévocable de paiement émanant de deux
banques.
Ainsi, la jurisprudence marocaine a adopté la
même position que la doctrine à savoir l'engagement personnel et
irrévocable d'une banque confirmatrice envers le
bénéficiaire et, partant, c'est à bon droit que la Cour
Suprême a tenu solidairement responsable du paiement WAFABANK
considérée banque confirmatrice ayant un engagement personnel
envers le défendeur au pourvoi en l'occurrence la société
FRIGO SAID.
2/ Les obligations d'une banque
confirmatrice d'un crédit documentaire
irrévocable
Il est important de préciser qu'une
banque confirmatrice doit exécuter, dans le cadre du crédit
documentaire irrévocable, ses obligations notamment par l'examen
rigoureux des documents qui lui sont remis par le bénéficiaire
mais aussi par le respect du délai de validité du crédit
pour adresser les dits documents à la banque émettrice.
Toutefois, il faut souligner que si la banque confirmatrice
n'exécute pas ses obligations, sa responsabilité est
engagée et sera tenue de réparer le préjudice
causé.
La Cour Suprême confirmant la décision des juges
de fond, a mis l'accent sur le respect des règles et usances du
crédit documentaire qui imposent à la banque confirmatrice
d'examiner les documents dès leur réception dans un
délai raisonnable avant de les adresser à la banque
émettrice.
En effet, l'examen des documents est une obligation
substantielle qui pèse sur la banque confirmatrice d'un crédit
documentaire de sorte qu'elle devra vérifier si les documents
répondent rigoureusement aux conditions de la lettre de crédit et
par conséquent aux exigences de l'acheteur.
La Cour Suprême n'a pas pris soin de rappeler, à
travers son arrêt objet du présent commentaire, que l'article 15
des règles et usances consacre formellement le devoir de
vérification des documents pesant sur la banque chargée de
réaliser un crédit documentaire « les banques
doivent examiner tous les documents avec un soin raisonnable pour s'assurer
qu'ils présentent l'apparence de conformité avec les conditions
de crédit »
En droit comparé, la jurisprudence a de son
côté, à de multiples reprises, affirmé et
sanctionné l'obligation bancaire de contrôle de la
régularité des documents.
-8-
En effet, la chambre Commerciale de la Cour de Cassation
Française a dans son arrêt du 13/7/1954 affirmé
l'obligation de la banque confirmatrice d'examiner et de contrôler la
régularité des documents.
Cette même obligation de vérification a
été soulevée par la Cour de Cassation Libanaise dans son
arrêt du 26/5/1971 ( cité à la semaine juridique 1972 -
Tome II n° 17126 note de J. STOUFFLET).
Cependant, si cette vérification n'a qu'un objet
limité il faut du moins que la banque se montre extrêmement
stricte dans l'exécution de sa tâche.
La banque serait donc, en faute d'accepter des documents non
conformes aux termes du crédit.
Quoiqu'il en soit, l'obligation de vérification des
documents n'est pas suffisante pour écarter la responsabilité de
la banque confirmatrice car, encore faut-il qu'elle adresse les dits documents
dans les délais de validité du crédit.
La Cour Suprême a considéré que la banque
confirmatrice en l'occurrence WAFABANK n'a pas remis les documents du
crédit dans les délais, estimant qu'entre la réception des
documents le 3/10/1994 et l'émission des réserves le 24/10/1994,
21 jours se sont écoulés et partant il ne s'agit pas d'un
délai raisonnable ;
En effet, la banque confirmatrice dispose d'un délai
pour examiner les documents et décider s'il y a lieu d'en contester la
conformité, notamment par la levée des réserves avant de
les adresser à la banque émettrice ; en cas
d'irrégularité, elle est tenu d'en aviser rapidement le
bénéficiaire.
Dans la doctrine française, la notion de
« délai raisonnable » évoquée
par la Cour Suprême, n'a pu à l'heure actuelle être
définie malgré plusieurs questionnaires adressés par la
commission bancaire à tous les pays du monde.
En tout état de cause, le « délai
raisonnable » pour examiner les documents droit être le
plus bref possible afin que le bénéficiaire sache à quoi
s'en tenir et que ses droits sur les marchandises soient
préservés.
Selon Maître Dominique DOISE, la notion de -
Délai raisonnable - et l'obligation de restitution de documents sont
liés « au formalisme de rejet » des
documents ; ces obligations s'expliquent par le souci d'accorder au
bénéficiaire la possibilité de rectifier les
irrégularités.
Ainsi, le non respect du formalisme du rejet des documents
irréguliers est sévèrement sanctionné et la partie
qui négligera ces obligations sera réputée avoir
levé les documents conformes au crédit et « ne
pourra faire valoir la non conformité du paiement... »
-9-
Par conséquent, le manquement aux obligations
précitées par une banque confirmatrice d'un crédit
documentaire irrévocable implique sa responsabilité et devra
dès lors répondre du paiement sans pouvoir invoquer un quelconque
moyen pour échapper à la réparation du
préjudice.
En conséquence, la Cour Suprême a rejeté
à bon droit, la requête aux fins de pourvoi introduite par la
banque après avoir répondu aux moyens invoqués et
apprécié l'inviolation d'aucune disposition légale.
D'une manière générale il convient de
préciser que la jurisprudence marocaine est particulièrement
sévère quant à la responsabilité du banquier en
matière de crédit documentaire.
Il en va pour s'en convaincre, de citer à titre
d'exemple une jurisprudence non publiée : l'affaire WAFABANK contre
Ste JAWDAT TRADIND dans laquelle la banque a été condamnée
au paiement du montant du crédit documentaire par le Tribunal de
Première Instance de Casablanca Anfa alors que l'acheteur a
sollicité l'intervention du Président du T.P.I. en
référé pour effectuer une saisie arrêt entre les
mains de cette banque, l'empêchant ainsi de verser les fonds au
bénéficiaire.
La question qui mérite d'être posée alors
est de connaître la position délicate de la banque qui devra soit
se soumettre aux règles et usances du crédit documentaire, soit
au contraire se soumettre à une décision judiciaire
l'empêchant d'exécuter le contrat de crédit (Jugement
n° 3516 du 22/7/1998 dans le dossier commercial 1993/97 par le Tribunal de
Première Instance de Casa Anfa - jurisprudence non publiée).
La doctrine marocaine s'est pour sa part souciée de la
question, à travers le commentaire de Maître Mohamed MALJAOUI, sur
l'intervention du juge des référés ordonnant une saisie
arrêt entre les mains de la banque en cas de fraude visible sur
marchandises objet d'un crédit documentaire.
Il a en outre mis l'accent sur les conditions de crédit
documentaire et les règles et usances qui l'entourent, invitant les
juges à être plus vigilants avant d'ordonner la dite saisie
(commentaire de Maître MALJAOUI sur l'ordonnance n° 1523/139 du
3/12/1997 TPI Ain Sebaa parue à l'actualité juridique n° 13
- Février 1999)
-10-
CONCLUSION
Au Maroc, le contentieux relatif au
crédit documentaire demeure réduit eu égard à la
quantité d'opérations exécutées.
Généralement les banques négocient sans
avoir recours aux procès et les tribunaux interviennent souvent sur
saisine de petites et moyennes entreprises peu habituées aux
opérations commerciales internationales.
Le mécanisme du crédit documentaire se situe au
carrefour juridique des évolutions du commerce et des techniques.
Il assure l'interface entre le droit bancaire, le droit des
transports, le droit des assurances et le droit de la vente.
Néanmoins, l'émergence des systèmes
d'échange de données informatisées entraînera,
probablement, la transmission des informations (documents) et la prise des
engagements sans support papier ni signature manuscrite.
Selon mon point de vue, je peux dire d'une façon
imagée que les tendances actuelles du commerce international, notamment
dans les pays occidentaux risquent d'entraîner une fragilisation de
l'opération de crédit documentaire, à moins que la Chambre
de Commerce Internationale et les banques n'y remédient, notamment par
la création d'un moyen de paiement et de garantie nouveau correspondant
aux évolutions du commerce international.
Les banques joueront un rôle substantiel dans cette
élaboration qui est inéluctable.
Enfin, il m'appartient de soulever un dernier constat qui
concerne cette évolution. Envisager l'ouverture d'un crédit
documentaire irrévocable sur un support électronique conduire
vraisemblablement à une rupture avec le passé car le coeur de
l'opération, à savoir les vérifications des documents avec
une appréciation raisonnable, sera entièrement automatique et ne
dépendra plus de la diligence d'une banque confirmatrice.
S O M M A I R E
CREDIT DOCUMENTAIRE :
Banque confirmatrice
Obligation de formuler les réserves dès
réception des documents
Réserves tardives
Responsabilité solidaire avec banque
émettrice.
La banque confirmatrice d'un crédit documentaire
irrévocable ne saurait être considérée comme un
simple mandataire et, est tenue de soulever la non conformité des
documents dès leur réception et, en tous cas, dans un
délai raisonnable même si le bénéficiaire lui
ordonne leur transmission en l'état.
Cette banque tenue solidairement avec la banque
émettrice, engage sa responsabilité à défaut de
paiement du montant du crédit dès lors que les réserves
ont été formulées tardivement.
SOMMAIRE
INTRODUCTION : 1
- 1ère Partie : Les
arguments des parties au litige : 3
A/ Les arguments avancés par les
parties
Au litige devant les juges du fond
3
B/ Les arguments avancés devant la
5
Cour Suprême
- II ème Partie : Appréciation
de la position de 6 Cour
Suprême :
A/ Distinction entre banque confirmatrice
6
Et banque notificatrice
B/ Les obligations d'une banque
confirmatrice 7
D'un crédit documentaire
irrévocable
CONCLUSION 11
MATIERE : DROIT GENERAL / DROIT DES
AFFAIRES
MATIERES D'INTERVENTION
I - DROIT GENERAL
- Droit civil
. Obligations :
. Les contrats : nommés -
translatifs - synalagmatiques...
. Responsabilité civile (Dahir format
code des obligations et contrats)
. Contrats de vente - Baux - Gérance
etc...
- Droit pénal :
. Application de la loi pénale dans
le temps et dans l'espace
. La grâce, l'amnistie
. La tentative
. La légitime défense etc....
II - DROIT DES AFFAIRES
- Droit commercial (nouveau code de
commerce) :
. Le commerçant : qualité
et activité commerciale
. Fonds de commerce : création et nantissement
. Les entreprises en difficulté : redressement et
liquidation judiciaire
- Droit des sociétés :
. Société anonyme, Loi
17/95
. Société à responsabilité
limitée, Loi 5/96
. Société en nom collectif, Loi 5/96
. Société anonyme simplifiée, Loi 5/96
- Droit bancaire :
. Opérations de banque
. Les opérations de crédit
. Le crédit documentaire
. Le cautionnement bancaire
. La responsabilité professionnelle du banquier
. Le recouvrement des créances bancaires (cas
pratique)
- Effets de commerce :
. Chèques : émission,
endossement, sanctions
. Billet à ordre
. Lettre de change
- Droit pénal des affaires :
. Abus de confiance et escroquerie
. Détournement de fonds
. Chèques sans provision
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier vivement Monsieur le professeur
Ahmed MIKOU qui m'a fait l'honneur de bien vouloir accepter d'encadrer ce
travail.
Son aide m'a été précieuse, notamment
grâce à ses recommandations et sa sensibilité
particulière à tous les travaux liés au droit Marocain de
la concurrence déloyale.
Mes sincères remerciements vont également
à Monsieur le Professeur Mahmoud HASSEN dont les recommandations pour la
réalisation de ce travail m'ont été d'un grand apport.
Enfin, je désire remercier le cabinet :
M°ASMAA LARAQUI - BASSAMAT FASSI FIHRI et ROKIA KETTANI pour sa
contribution remarquable en guise de réalisation de ce
mémoire.
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