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La liberté fiscale sur Internet

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par Romain-Jean Pichardie
Université de Rouen - Master Droit des Affaires et Fiscalité 2006
  

Disponible en mode multipage

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Année universitaire 2005-2006 Université de Rouen

Master droit 2ème année
Mention droit de l'entreprise
Spécialité droit des affaires et fiscalité

La liberté fiscale sur Internet

Romain-Jean Pichardie Sous la direction de Monsieur Jean-Yves Botté

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier Monsieur Jean-Yves Botté, Maître de Conférence à l'Université de Rouen, dont le souffle enthousiaste anime ces pages, qui, en me donnant des conseils judicieux et pleins de discernement, m'a grandement facilité la tâche.

Titre I. Le cadre technique et juridique d'Internet

Chapitre 1. Une technologie ennemie de la fiscalité

Section 1. Le caractère non probant de la domiciliation affichée

1. Les adresses Internet nationales

a. L'attribution des adresses .fr

b. La résolution des conflits d'adresses .fr

2. Les adresses génériques

a. La procédure d'enregistrement d'une adresse

b. Les conflits liés aux noms de domaine génériques

Section 2. la localisation de l'activité sur le réseau

1. L'identification de l'ordinateur

2. L'identification de l'utilisateur

a. L'enregistrement des adresses IP

b. Les conséquences de l'appropriation d'une adresse web

Section 3. Les outils d'investigation propres à l'administration

1. Les outils de l'administration douanière

a. Pour les biens matériels

b. Pour les biens immatériels

2. Les outils de l'administration fiscale

Chapitre 2. L'adaptation des règles fiscales aux spécificités d'Internet

Section 1. Entre zone franche internationale et fiscalisation internationale

1. Le «Framework for global electronic commerce»

2. le développement considérable de l'activité économique sur Internet

Section 2. L'adaptation progressive du droit fiscal français au commerce électronique

1. Les règles de l'UE applicables en matière de TVA

a. Pour les prestations de services

b. Pour les livraisons de biens

2. Les spécificités du droit français

a. l'imposition des bénéfices

b. L'imposition des revenus tirés d'Internet

Titre 2. Le choix de la localisation déclarée:

une souplesse technique avantageuse ?

Chapitre 1. Les intermédiaires en création de sociétés sur Internet

Section 1. La création d'une société à l'étranger

1. Une immatriculation existant juridiquement

2. L'exemple d'un agent du Delaware

Section 2. Des services et conseils annexes à la création de société

1. Les services financiers proposés

2. Que faire des bénéfices réalisés ?

Chapitre 2. La difficile justification de l'exil juridique et fiscal

Section 1. Le risque d'escroquerie par l'intermédiaire

1. La nature des risques

2. L'exemple du Melchizedek

Section 2. Rigidité et attraits de la législation française

1. Une législation contraignante

a. Le droit français de la consommation

b. L'interdiction de certaines activités

 
 

2. Les attraits insoupçonnés de la fiscalité française

INTRODUCTION

Le réseau Internet a été créé, à l'origine, afin de permettre la communication de données scientifiques entre les centres de recherche coopérant à travers le monde.

Il repose sur le protocole réseau TCP/IP1(*), mis au point en 1973. Ce protocole a la particularité de faire communiquer entre eux des serveurs et des postes informatiques utilisant des langages informatiques différents. Il utilise une sorte de langage universel, exploitable par tout système informatique. Dès lors, des ordinateurs utilisant des systèmes d'exploitation différents peuvent communiquer par Internet. Ce réseau permet une liaison quasi-illimitée entre les ordinateurs de tous les pays.

Lors de sa connexion à Internet, un ordinateur se voit affecter une adresse IP2(*). Celle-ci est formée de quatre groupes de trois chiffres séparés par des points3(*). Cette adresse permet de l'identifier sur le réseau, en tant qu'expéditeur et destinataire de données. Ce système peut être comparé à celui des adresses postales, dans lequel, de la même façon, le courrier est acheminé à travers le monde pour être livré à l'adresse souhaitée.

Internet a un caractère déconcentré et redondant. D'une part, aucun serveur central ne commande son fonctionnement. Au contraire, une multitude de serveurs, à travers le monde, se partagent la gestion technique du réseau. De ce fait, aucun État ne détient le pouvoir de contrôler le réseau des réseaux. Ainsi, Internet ne peut pas être mis hors service par la volonté d'un seul État. Le seul contrôle exercé par les États est relatif aux contenus accessibles depuis leurs territoires.

Dans ce domaine, le contrôle n'est que relatif. L'affaire Yahoo, en mai 2000, l'a démontré. En effet, cette société a été condamnée le 25 mai 2000, à rendre indisponible en France les liens qu'elle proposait vers des sites de vente d'objets nazis. Mais ceci est techniquement infaisable, car des centaines de sites proposent de tels objets. La fermeture de l'un d'entre eux n'éteint pas l'accès à ce marché. Le même problème se pose pour les médicaments. Les sites étrangers ne sont soumis qu'à la réglementation de leur pays. Il est inutile de fermer un site, car d'autres se créent dans les jours qui suivent, pour le remplacer. Le fait que le gouvernement chinois dénonce « l'opium électronique du peuple »4(*) est symptomatique de la difficulté pour les États à contrôler les contenus Internet.

Par ailleurs, le système est dit redondant, car les interconnexions forment une sorte de toile d'araignée, ce qui explique l'appellation « web ». Ainsi, par exemple, pour relier Paris à Marseille, les informations peuvent emprunter plusieurs trajets, sur Internet. On peut, pour le comprendre, se reporter à l'annexe 1. C'est pourquoi certains soutiennent que la structure a une origine militaire, et non civile. Ainsi, ce réseau aurait été conçu pour rester opérationnel même si une partie des connexions était détruite. Mais la construction progressive, et relativement inorganisée, des interconnexions, peut également l'expliquer. En effet, chaque fournisseur d'accès à Internet a greffé sur l'infrastructure publique initialement existante son propre réseau de fibres optiques.

Ce type de réseau, très souple, peut être étendu à l'infini. Surtout, grâce à cette structure, le réseau peut continuer à fonctionner même s'il est partiellement endommagé. Aucune panne générale n'a encore eu lieu.

Le système définit automatiquement les voies à emprunter pour acheminer les données. Celle-ci sont découpées par le poste expéditeur afin d'être transmises sous la forme de « paquets ». L'ordinateur destinataire les assemble ensuite pour reconstituer les données initialement transmises. Cette transmission est rendue possible par l'affectation des adresses IP. L'expéditeur et le destinataire ayant chacun la leur. Le réseau gère de lui-même la réexpédition par l'émetteur des  paquets qui se sont égarés sur le réseau. Ainsi, en cas d'erreur, seuls les paquets manquants ou défectueux sont réexpédiés, et non l'ensemble du fichier.

L'accès du public au réseau Internet a commencé au début des années 90. A cette époque, les contenus étaient en très grande majorité gratuits, et constitués de façon communautaire. Il s'agissait avant tout d'un outil de partage de données inspiré par les thèses anarchistes.

Internet a rapidement donné lieu à des contestations juridiques, du fait de l'apparente liberté qui y régnait. Du fait de son caractère transfrontalier, un problème de compétence territoriale s'est posé.

Les premières difficultés juridiques sont apparues à partir de 1993. Les tribunaux français et étrangers ont alors été saisis d'affaires de violation de propriété intellectuelle, d'atteinte à la vie privée ou au droit à l'image, ou de diffamation. Aucun texte ne régissant spécifiquement Internet, la jurisprudence s'est développée au cas par cas.

En particulier, les noms de domaines, appelés aussi « adresses Internet » ont donné lieu à une très importante jurisprudence. Leur affectation étant libre, un certain nombre de personnes en avaient acheté pour les revendre par la suite en réalisant une plus-value. Cette source de conflits a été tarie par la mise en place d'un système d'arbitrage en ligne, sous l'égide de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle.

Mais cet espace de liberté et de gratuité s'est restreint à partir de 1997, car les entreprises commerciales ont très rapidement compris l'intérêt de cet outil. Tout d'abord, d'un point de vue publicitaire, puis d'un point de vue commercial. Or, le commerce a besoin d'un climat de confiance. A défaut d'assurer un certain niveau de sécurité, les clients se seraient détournés de ce nouveau média.

Pour des raisons concurrentielles, la fiscalisation d'Internet est devenue indispensable. Les États ne peuvent en outre se priver de recettes aussi importantes. Mais l'évolution technique, et les spécificités d'Internet doivent être prises en compte afin de ne pas entraver son développement. Pour l'instant, il n'a pas été possible, contrairement à la volonté des États-Unis, de mettre en place une fiscalité unifiée. Ainsi, les fiscalités nationales s'appliquent à Internet.

Avec Internet, on assiste à une dématérialisation des opérations, car elles sont conclues de façon électronique. Le vendeur et l'acheteur ne sont pas physiquement en contact, et peuvent être distants de plusieurs milliers de kilomètres. Ceci n'est pas nouveau en soi, car la vente par correspondance existait bien avant Internet.

Pour être soumis aux règles fiscales françaises, il suffit d'être implanté géographiquement en France, au sens de l'article 209 du code général des impôts.

Mais il convient de distinguer entre les ventes de biens et les prestations de services. Pour les secondes, l'opération est totalement immatérielle. Ceci est innovant. D'ailleurs, depuis le 1er juillet 2003, des règles spécifiques existent en matière de TVA. C'est par exemple le cas d'un site de jeu en ligne. L'opération, au cas où elle est dissimulée, est très difficile à déceler. Un contrôle efficace est techniquement impossible. On ne peut appréhender qu'une fraction de l'activité économique. Les volumes d'activité, et le nombre d'opérateurs, sont tels, que le décompte des opérations est impossible. De plus, toutes les langues sont pratiquées sur Internet, sans que l'on sache si la nationalité du site correspond juridiquement. Les investigations doivent donc prendre en compte cette diversité linguistique.

Dans le cas d'une vente de bien, en revanche, l'opération est conclue électroniquement, mais a des conséquence matérielles. Ainsi, un livre commandé est payé sur Internet, mais livré physiquement à l'acheteur. On peut donc plus facilement localiser la transaction. Le contrat de vente est un contrat de vente à distance soumis aux articles L 121-16 et suivants du code de la consommation.

Les sites Internet sont hébergés par des serveurs, reliés au réseau, qui mettent les données visibles sur le site Internet à la disposition des internautes, et enregistrent les commandes, pour les sites à caractère marchand. Un serveur n'est pas plus encombrant qu'un ordinateur de bureau. De ce fait, la localisation géographique d'un serveur est techniquement libre pour le commerçant en ligne. Sa faible taille permet de le placer n'importe où, sachant, de plus, que l'on peut manipuler le serveur à distance. Il est ainsi techniquement possible d'installer un serveur à Gibraltar, hébergeant un site de casino en ligne, et d'administrer le site depuis la France. Du positionnement dépend la loi applicable à l'activité. On peut en conséquence se soumettre à la loi que l'on souhaite, et en particulier, à la fiscalité que l'on considère comme étant la plus avantageuse pour son activité. Toutefois, l'administration fiscale est libre de requalifier l'opération, afin de la soumettre au droit fiscal français, si la nationalité étrangère du site est fictive.

Ainsi, en ce qui concerne les impôts et taxes français, ils s'appliquent, sous certaines réserves, aux activités Internet, comme à toute autre activité économique. La TVA est due, sur les livraisons de biens et certaines prestations de services par voie électronique. Les importations de pays tiers à l'Union Européenne font en principe l'objet du paiement des droits de douane, et la TVA est dûe en principe. Les bénéfices réalisés par les sociétés commerciales sont soumis à l'impôt sur les sociétés. Pour les personnes physiques, les revenus tirés d'Internet sont soumis à l'impôt sur le revenu, comme bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux, ou revenus de valeurs mobilières, en cas de spéculation boursière en ligne.

Il est en conséquence tentant, pour certaines personnes, de ne pas déclarer leur activité à l'administration fiscale française, afin de se soustraire au paiement de l'impôt. Mais ceci, en plus de l'intention frauduleuse, exige la plus grande discrétion, sous peine de voir l'activité décelée, et imposée.

Il y a deux cas de figures : soit l'activité est purement et simplement dissimulée, soit elle est prétendument exercée à l'étranger. Dans le second cas, des sociétés étrangères spécialisées proposent leur aide pour réaliser cet exil juridique et fiscal

Mais pour les personnes ayant une activité économique sur Internet, se pose le problème de la mise à disposition des bénéfices dégagés par l'activité. Il convient de détailler les moyens et le moment du passage des bénéfices du monde virtuel au monde réel. C'est la finalité de toute activité lucrative sur Internet, mais c'est aussi l'opération qui risque le plus de la révéler à l'administration fiscale.

Mais les bénéfices ne sont pas toujours utilisés de façon monétaire. Par souci de discrétion, on peut préférer utiliser l'argent pour faire des achats. Par exemple, avec les systèmes d'argent virtuel comme Paypal, filiale de Ebay, on peut avoir des revenus et les réutiliser pour faire des achats sans laisser aucune trace d'opération bancaire.

Dans le cadre d'une activité plus importante, il est également possible d'acheter des bateaux ou des voitures, immatriculés dans le pays de domiciliation du site. Encore une fois, des sites spécialisés proposent leur aide pour réaliser de telles opérations.

Mais à l'inverse, dans le cadre d'activités criminelles ou frauduleuses, l'activité sur Internet peut être simulée pour blanchir de l'argent. Ainsi, des ventes fictives de biens ou de services peuvent être réalisées. Dans ce cas, le caractère fictif des opérations est également très difficile à déceler, et à prouver.

Outre le caractère international d'Internet, c'est surtout la multiplicité des acteurs économiques qui rend son contrôle si complexe. Des sociétés aux noms et aux nationalités différentes peuvent être dirigées par une même personne. Il est donc extrêmement aisé de dissimuler son activité. Toutefois, cette dissimulation n'est pas sans risque, car elle peut se retourner contre son auteur, occasionnant un préjudice hors de proportions avec l'économie fiscale espérée.

Après avoir étudié l'environnement technique et juridique d'Internet, nous verrons dans quelles limites l'anonymat et la dissimulation peuvent être avantageux.

Titre I. Le cadre technique et juridique d'Internet

Le caractère transnational d'Internet permet de soumettre un site Internet au cadre juridique que l'on souhaite.

Chapitre 1. Une technologie ennemie de la fiscalité

L'activité sur Internet est dématérialisée, et peu réglementée. De plus, il est possible d'intervenir sur un serveur informatique à distance. La localisation de l'opérateur est donc très malaisée. Mais les opérations réalisées laissent cependant toujours une empreinte informatique.

Section 1. Le caractère non probant de la domiciliation affichée

Pour un néophyte, le seul moyen d'identifier à première vue un site est de regarder son adresse Internet. Celle-ci peut être par exemple www.pasteur-institute.com. Dans cet exemple, on peut penser qu'il s'agit de la branche américaine de l'Institut Pasteur. Pourtant, le nom du site, ainsi que son suffixe, ne présument en rien de la réelle identité du gestionnaire du site, ni de son activité. On distingue d'une part les suffixes nationaux, comme « .fr », et d'autre part, les suffixes génériques, comme par exemple « .com ».

1. Les adresses Internet nationales

Les adresses nationales se terminent par un suffixe de deux lettres. Chaque pays s'est vu attribuer un suffixe propre. Pour la France, l'on a la forme « www.nomcommercial.fr ».

Les adresses web portant un code pays ne sont pas obligatoirement représentatives du pays d'origine du site. Les règles d'attribution varient selon les pays, et sont parfois peu contraignantes. Ainsi, les îles Tuvalu, qui ont le code pays .tv vendent les adresses cher, mais sans contrôle. Certaines sociétés font appel à des adresses nationales mensongères dans un but de valorisation de l'activité, ou dans un but frauduleux. On ne peut jamais se fier à l'adresse apparente. La notion de territoire fiscal virtuel, un temps développée, n'a aucun sens. De plus, le nom enregistré dans un pays peut ensuite être exploité depuis n'importe quel autre pays. Fiscalement, le code pays n'a donc aucune signification. Il ne s'agit pas d'un critère de rattachement des opérations à un État.

a. L'attribution des adresses .fr

L'attribution et la gestion des adresses est gérée par les pays concernés : en France, l'AFNIC a ce rôle. Il s'agit de l'Association Française pour le Nommage Internet en Coopération5(*). C'est une association sans but lucratif créée à l'initiative de l'État, en 1998.

Certains pays encadrent strictement l'attribution des adresses, afin de restreindre les fraudes. En France, avant le 11 mai 2004, il fallait remplir trois conditions pour obtenir une adresse en .fr. Ces exigences étaient destinées à faire de l'Internet un espace de confiance, dans lequel tous les titulaires d'adresses en .fr étaient identifiés de façon certaine.

Les trois critères étaient les suivants :

· La territorialité : apporter la preuve d'un lien juridique avec la France

· L'identification certaine du déposant du nom, enregistré sur une base de données publiques : greffe de tribunal de commerce, INSEE ou INPI.

· Le droit au nom : le déposant devait avait des droits sur le nom de domaine demandé. Une société ne pouvait pas enregistrer un nom ne figurant pas sur son Kbis.

L'ouverture du .fr le 11 mai 2004 a conduit à l'abandon du troisième critère. Il n'est donc plus obligatoire de détenir des droits sur l'adresse que l'on souhaite déposer. Les deux critères cumulatifs de territorialité et d'identification subsistent cependant. De plus, le déposant doit s'assurer qu'il ne porte pas atteinte aux droits des tiers, préalablement au dépôt du nom de domaine.

En ce qui concerne ce second critère d'identification, le contrôle est à présent postérieur à l'enregistrement. La personne physique ou morale formulant la demande indique son identité à l'AFNIC. Celle-ci s'assure alors que cette personne est identifiable sur les bases de données en ligne des greffes des tribunaux de commerce, de l'INPI6(*), ou de l'INSEE. Cette identification valide la demande d'enregistrement d'une adresse. Ce système automatisé permet de s'assurer a posteriori, que le déposant existe juridiquement en France.

Une société étrangère souhaitant déposer une adresse en .fr doit répondre à l'exigence de territorialité. Pour cela, elle doit, soit disposer d'un bureau de représentation en France muni d'un numéro SIREN, soit détenir une marque enregistrée à l'INPI.

b. La résolution des conflits d'adresses .fr

En cas de litige entre plusieurs parties au sujet d'un nom de domaine, les PARL, Procédures Alternatives de Résolution des Litiges, existent. En formulant sa demande d'enregistrement, le déposant adhère à la charte de nommage, et se soumet par là même à ces procédures.

Il s'agit de résoudre les litiges de manière amiable, avec l'aide d'un médiateur, par discussion entre les parties. Des experts peuvent également être désignés. A l'issue de la procédure, le nom litigieux est conservé par son détenteur initial, transféré au plaignant, ou supprimé. Les parties ont la possibilité de faire appel de cet arbitrage devant les tribunaux compétents.

Deux procédures existent. La première est une recommandation en ligne, par un « tiers aviseur » désigné par le Centre de Médiation et d'Arbitrage de Paris (CMAP). Cette procédure est très rapide (environ 16 jours), et peu onéreuse. Il s'agit de parvenir à un protocole transactionnel. En général, la partie obtenant l'usage du nom est tenue d'indemniser l'autre partie. Les litiges sont fréquents lors de fusion-acquisition, et dans les relations franchiseur-franchisé. Les recommandations du CMAP ne sont pas publiées, et restent donc confidentielles.

La seconde procédure relève de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI, ou WIPO en anglais). Une décision technique contraignante est rendue, à laquelle le titulaire du nom de domaine doit se soumettre. Le litige peut cependant, pendant un délai de 20 jours après la réception de la décision par l'AFNIC, être porté devant le tribunal compétent. Passé ce délai, la décision est exécutée. Le nom est alors conservé, transféré, ou supprimé.

Depuis le 20 juin 2006, les particuliers peuvent également faire enregistrer leur nom de domaine. On peut, à ce sujet, utilement consulter le site faites-vous-un-nom.fr. Une procédure spécifique de médiation a été mise en place, du fait du très grand nombre de demandes, et de litiges potentiels. Le Forum des droits de l'Internet est chargé du règlement extrajudiciaire des conflits portant sur des noms de domaine .fr déposés par des particuliers. Deux types de conflits sont possibles : entre deux particuliers, ou entre une entreprise et un particulier. La médiation est gratuite, et se fait en ligne, sur le site www.mediateurdunet.fr.

2. Les adresses génériques

Les adresses génériques principales sont .com, .org, .net.7(*) Il y a une totale liberté pour leur obtention, selon le principe « first arrived first served basis » (premier arrivé, premier servi). Aucune règle de territorialité ne s'applique.

b. La procédure d'enregistrement d'une adresse

Un très grand nombre de bureaux d'enregistrement (dits registrars) existe sur Internet. Après avoir vérifié si le nom de domaine n'est pas déjà enregistré, le site prestataire propose de procéder à l'enregistrement. Lors de l'enregistrement, un formulaire électronique doit être rempli par le déposant.

L'abonnement est annuel, au minimum. Entre autres informations, il est obligatoire de fournir une adresse e-mail de contact. Toutes les informations relatives au nom de domaine sont envoyées à cette adresse. Par exemple, le délai de renouvellement est envoyé, afin de ne pas perdre le bénéfice du nom. En cas de litige relatif au nom, cette même adresse est utilisée.

Autre élément indispensable, l'adresse IP du serveur sur lequel les données du site sont enregistrées doit être communiquée. La relation entre le nom du site (l'adresse web) et l'adresse IP est alors intégrée aux serveurs DNS, pour qu'ils puissent localiser l'emplacement du serveur, et donc des données lors d'une connexion au site.

Enfin, le déposant doit payer pour son nom de domaine. Le prix est assez bas : environ 10 $ pour jouir d'un nom de domaine pendant un an. La réservation du nom n'intervient que lors de la confirmation du paiement.

Ces procédures d'abonnement sont totalement automatisées. Les informations ne sont nullement vérifiées. Seuls le paiement, et l'adresse e-mail de contact doivent être valides. Il est tout à fait possible de donner des informations fantaisistes.

b. Les conflits liés aux noms de domaine génériques

Du fait de la totale liberté dans l'attribution des adresses, les informations affichées ne peuvent être vérifiées. Ainsi, la langue utilisée sur le site n'est pas toujours un indice. Un site en anglais peut parfaitement être hébergé et administré depuis le Venezuela.

L'on peut ainsi rencontrer des mensonges grossiers sur le site concernant sa nationalité ou son activité. De plus, des sites sont parfois créés dans un but purement frauduleux. Dans ce cas, le site est destiné a recueillir des coordonnées bancaires, grâce à l'apparence d'un site marchand.

Mais plus que la fraude, le problème des utilisations de noms de domaine abusives se pose. Des personnes utilisent des noms similaires pour détourner la clientèle, ou dans un but frauduleux. Ceci est souvent pratiqué par les sites pornographiques pour attirer de la clientèle sur leur site.

Ainsi, par exemple, le site france2.com n'a rien de commun avec le site de France Télévision france2.fr. C'est un site pornographique, administré par un coréen, depuis la Corée. De telles pratiques sont rendues possibles, en général, par la négligence des sociétés. En effet, il est indispensable de réserver les noms de domaine dont on pense avoir un jour besoin le plus tôt possible. Dans le cas contraire, des personnes déposent le nom dans le but de le revendre par la suite, ou afin d'attirer de la clientèle.

Il existe une procédure en ligne de règlement des conflits, sous l'égide de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, depuis 1999. La procédure est appelée UDRP (Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy8(*), réglementation uniforme de résolution des conflits relatifs aux noms de domaines). Elle est issue des travaux de l'OMPI, de juillet 1998 à juin 1999. Le délai est d'environ soixante jours, Elle est semblable à la procédure française, qu'elle a inspirée. Mais cette procédure pose un problème juridique, car la Cour d'appel de Paris a refusé de qualifier une décision UDRP de sentence arbitrale (CA Paris, 1ère ch. sect. C, 17 juin 2004) : « Considérant que le recours en annulation à l'encontre d'une décision qui n'est pas une sentence est irrecevable ».

Section 2. la localisation de l'activité sur le réseau

Les ordinateurs et les personnes qui les utilisent laissent une trace lors de chaque connexion à Internet. Leur connexion au réseau est enregistrée pour chaque opération effectuée. L'anonymat n'est pas possible, sauf à employer de très lourds moyens techniques pour dissimuler sa connexion.

1. L'identification de l'ordinateur

L'adresse IP (pour Internet Protocol) est le moyen d'identification des ordinateurs connectés à Internet. C'est une série de quatre groupes de trois chiffres compris entre 0 et 255 (1 octet) séparés par des points9(*). Le système actuel, dit v4 est progressivement remplacé par l'IP v6, qui permet un plus grand nombre d'adresses. Pour émettre et recevoir des données, c'est cette adresse qui est utilisée. Le système attribue une adresse IP à chaque ordinateur lors de sa connexion à Internet.

Il y a une répartition géographique des domaines d'adresses IP. En effet, sur l'Internet, l'organisme IANA (Internet Assigned Numbers/Naming Authority) est chargé de la distribution des adresses IP au niveau mondial. Cet organisme distribue les adresses IP aux fournisseurs d'accès à Internet.

En ce qui concerne un poste faisant partie d'un réseau d'entreprise, on retrouve les mêmes principes de traçabilité par l'adresse IP. Cependant, l'ensemble du réseau informatique de l'entreprise n'apparaît sur Internet que comme un ordinateur unique, et donc une adresse IP unique. C'est le serveur central de la société qui affecte des sous-adresses IP à chaque poste informatique du réseau de l'entreprise.

Différents services proposent la localisation d'une adresse IP. Ils peuvent être utilisés par exemple pour identifier le pays où un serveur est implanté ou pour localiser l'expéditeur d'un e-mail.

Pour localiser un site, les programmes proposant la fonctionnalité traceroute permettent de suivre le trajet effectué par les données sur Internet. On peut par exemple trouver ce service à l'adresse http://support.icx.fr/reseaux/outils.php On peut grâce à cette fonctionnalité, à partir d'une adresse Web ou d'une adresse IP, déterminer la localisation géographique du serveur avec une certaine précision.

L'outil "Norton Internet Security" de la société Symantec contient une fonction dénommée "Visual Tracking", permettant d'afficher graphiquement l'origine supposée d'une attaque. Cet outil développé par la société Visualware est accessible en ligne par l'URL:

"http://visualtracking.symantec.com/vt_main.asp?langid=fr&go=AAA.BBB.CCC.DDD", où le dernier paramètre représente l'adresse IP recherchée. L'interface graphique est plus agréable. De plus, ce système automatise la recherche de toutes les informations relatives à cette adresse. En cliquant sur « détails », on obtient le nom du fournisseur d'accès à Internet.

La société Geobytes propose quand à elle une gamme d'outils basés sur une méthode de localisation géographique entièrement différente. Des indications géographiques sont fournies directement pas des internautes, puis corrélées avec leurs adresses IP. D'après la société Geobytes, cette technique permettrait de localiser 98 % des adresses. Le pays serait correct dans 97 % des cas, et la ville à 50 Km près dans 75 % des cas. Une version gratuite de l'outil "IP Address Locator" est disponible en ligne : http://www.geobytes.com/IpLocator.htm Les résultats sont d'une extrême précision. L'outil fournit un ensemble d'informations géographiques : pays, région, ville, latitude, longitude, villes les plus proches, carte du pays... Le pourcentage de certitude sur les résultats est également affiché.

2. L'identification de l'utilisateur

En France, il existe deux moyens d'identifier une personne. Le premier découle du caractère nominatif des abonnements à Internet. Le second n'est disponible que pour les personnes ayant acheté un nom de domaine.

a. L'enregistrement des adresses IP

En France, les particuliers ont en général accès à Internet en souscrivant un contrat d'abonnement avec un fournisseur d'accès à Internet, dit « FAI ». Ceux-ci ont l'obligation de conserver certaines informations de connexion, dont l'historique des adresses IP attribuées à chaque connexion. Cette obligation découle de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique. Celle-ci a été modifiée par la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006, relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

Cette obligation de conservation des données de connexion est étendue aux «personnes qui offrent à leurs clients, dans un cadre public, ou à des visiteurs une connexion en ligne, tels les hôtels, les compagnies aériennes... », et aux « fournisseurs d'accès à des réseaux de communications électroniques accessibles via une borne WIFI » que ce soit à titre payant ou non.

Le décret 2006-358 du 24 mars 2006 relatif à la « conservation des données relatives au trafic » est venu préciser l'étendue de l'obligation de conservation des données. Des arrêtés doivent venir compléter le décret. Différents régimes existent, selon le but poursuivi. Globalement, les données suivantes sont conservées :

· Les informations permettant d'identifier l'utilisateur ;

· Les données relatives aux équipements terminaux de communication utilisés ;

· Les caractéristiques techniques ainsi que la date, l'horaire et la durée de chaque communication ;

· Les données relatives aux services complémentaires demandés ou utilisés et leurs fournisseurs ;

· Les données permettant d'identifier le ou les destinataires de la communication ;

· Les données permettant d'identifier l'origine et la localisation de la communication.

Or, comme cela a été vu plus haut, toute opération sur Internet provoque l'enregistrement de l'adresse IP de l'ordinateur. Par exemple, lors de toute commande de biens ou de services, ou de toute consultation de site, et même de l'envoi d'un e-mail, l'adresse IP est enregistrée.

Ainsi, pour les opérations Internet réalisées depuis la France, il est possible, à partir d'une adresse IP, de retrouver l'identité de la personne ayant souscrit l'abonnement à Internet, ou ayant eu accès à Internet. Cette possibilité est réservée aux services de Police et de Gendarmerie pour identifier les auteurs d'infractions sur Internet, ou à titre préventif.

Ainsi, l'anonymat sur Internet n'est qu'une fiction, à moins d'avoir recours à des systèmes de cryptage très sophistiqués.

b. Les conséquences de l'appropriation d'une adresse web

Les adresses web sont la propriété d'une personne physique ou morale. La base de données des adresses enregistrées whois.org contient les coordonnées de la personne ayant enregistré l'adresse. Le site www.allwhois.com est plus complet, car il permet les recherches pour toutes les adresses nationales et génériques.

La valeur économique des adresses incite la personne déposant une adresse à la déposer en son nom propre, avec la plus grande franchise. De plus, peu de gens savent que les données qu'ils communiquent sont destinées à être publiées. On retrouve de nombreux éléments dans la fiche. Ainsi, les coordonnées complètes de la personne enregistrant l'adresse, ainsi que celles de deux contacts administratif et technique sont disponibles. De plus, la fiche donne l'adresse IP du serveur, ce qui permet d'obtenir un indice supplémentaire sur la nationalité du site. L'annexe 2 présente une requête whois.

De ce fait, à partir de l'adresse d'un site Internet, on peut obtenir la nationalité réelle du site, ainsi que les coordonnées complètes de l'administrateur. Pour les adresses en .fr, l'identité est en principe vérifiée, et on peut donc à coup sûr remonter à l'administrateur réel du site.

Mais pour les adresses génériques, même si les informations ne sont pas vérifiées lors de l'enregistrement, leur exactitude est relativement grande, comme nous l'avons vu plus haut. Ainsi, par exemple, en faisant une recherche sur okmuniberunde.com, qui est une pharmacie en ligne, on découvre que l'adresse a été enregistrée par un résident chinois, nommé Dima Li, de Shanghai. Pourtant, sur le site, qui est en anglais, seule une boîte postale dans les îles vierges britanniques est donnée en guise de contact. Mais «En 2001, les faux médicaments ont été reconnus responsables de 192 000 morts en Chine. Le gouvernement chinois a fermé 1 300 usines et enquêté dans 480 000 cas, impliquant des produits d'une valeur estimée à 57 millions de dollars», affirment les auteurs d'un récent article de la revue médicale britannique The Lancet10(*). Il est donc permis de supposer que les médicaments vendus sur ce site ne sont au mieux que des placebo.

Section 3. Les outils d'investigation propres à l'administration

Pour le contrôle de l'activité économique sur Internet, les douanes et l'administration fiscale sont compétents.

1. Les outils de l'administration douanière

Depuis le 1er juillet 1968, l'Union douanière communautaire a supprimé les droits de douanes entre les pays de l'Union. A la même date, un tarif douanier commun a été institué pour les importations en provenance de pays tiers, pour éviter les détournements de trafic.

a. Pour les biens matériels

Si le commerçant et le client sont établis dans l'Union Européenne, aucun droit de douane n'est dû, conformément au droit communautaire. Cependant, une déclaration d'échange de biens (DEB) doit être remplie, afin d'établir les statistiques du commerce extérieur, pour les échanges intracommunautaires d'une entreprise de l'Union à une entreprise d'un autre pays de l'Union. La DEB permet en outre de vérifier le respect des règles fiscales concernant la TVA.

Si les biens proviennent d'un pays tiers, les droits de douane sont dûs lors du passage physique de la frontière, selon l'espèce tarifaire qui leur est applicable. Les droits sont également éventuellement dûs lors de l'exportation vers des pays tiers.

Les techniques de contrôle des douanes sont applicables seulement pour la vente de biens qui sont physiquement livrés en France. Un contrôle systématique n'est pas possible. L'expéditeur déclare la nature, l'origine et la valeur des biens importés. Cette déclaration définit le montant des droits de douane à payer. Malheureusement, les contrôles sont aléatoires, et peu fréquents. Ainsi, chez Chronopost, environ deux à trois colis postaux sur cent sont contrôlés par les douaniers, pour les envois provenant de pays tiers.

Toutefois, les systèmes informatisés des douanes permettent, en cas de constatation de fraude, d'assurer le contrôle systématique de tous les futurs colis provenant du même expéditeur. De plus, la combinaison de certains éléments de fait entraîne une plus grande fréquence de contrôle. On parle alors de « ciblage ».

Mais dans le cas d'un contrôle mettant en lumière le non-paiement des droits de douane ou de la TVA il y a des difficultés pour remonter à l'expéditeur. En effet, les factures des produits achetés à l'étranger sur Internet comportent en général le nom de plusieurs sociétés, dans différents pays. De plus, le nom de l'expéditeur est en général modifié, pour ne pas attirer les voleurs dans les centres de traitement du courier.

b. Pour les biens immatériels

Les droits de douane ne sont pas appliqués aux livraisons de biens dématérialisés, comme par exemple des téléchargements payants.

Ceux-ci sont assimilés, en France et dans l'Union Européenne, à des prestations de services, sur lesquels les droits de douane ne sont pas exigibles. Pourtant, les États-Unis considèrent ces opérations portant sur des virtual goods11(*) comme des livraisons de biens virtuels.

La difficulté technique est dûe au fait que ces biens traversent bel et bien les frontières de la communauté, mais par le biais des réseaux de télécommunication.

Une déclaration commune des États-Unis et de l'Union Européenne est intervenue le 9 décembre 1997. Elle exonère les biens immatériels de droits de douane. De ce fait, les douanes n'interviennent pas dans le contrôle des livraisons de biens immatériels.

2. Les outils de l'administration fiscale

Les contribuables sont tenus de déclarer de façon sincère et exacte la matière imposable, afin de déterminer l'assiette de l'impôt. Le contrôle fiscal est destiné à s'assurer du respect de ces obligations.

La multiplicité des acteurs économiques sur Internet pose un problème. Il est matériellement impossible, pour l'administration, de contrôler les sites marchands de façon systématique, même en se limitant à ceux en français. De plus, dans le cas de sites implantés à l'étranger, la coopération internationale n'est pas toujours possible.

L'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) a pour but de vérifier la sincérité et l'exactitude de la déclaration d'ensemble des revenus. Dans l'exercice de cette mission, le vérificateur compétent demande la communication des relevés de comptes à la personne vérifiée ainsi qu'aux établissements bancaires12(*). Mais des revenus tirés d'Internet peuvent être absents de ceux-ci.

Dans le cas où un contribuable s'est vu verser des revenus par une société étrangère, ceux-ci peuvent être visibles sur les relevés de compte. Mais si les revenus sont versés sur un compte bancaire à l'étranger, il est plus difficile de les déceler. Toutefois, en dressant la balance de trésorerie, il est parfois possible de mettre en évidence des incohérences.

 Par ailleurs, l'article L16 B du livre des procédures fiscales prévoit les perquisitions. L'autorité judiciaire peut autoriser les agents de l'administration des impôts à « effectuer des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents (...) sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. »

Dans le domaine de la monnaie électronique, Paypal, filiale d'Ebay, est le leader mondial. PayPal (Europe) Ltd. est autorisé et réglementé par le Financial Services Authority (FSA) du Royaume-Uni en tant qu'institution émettrice de monnaie électronique. Ce système fonctionne comme un compte bancaire. Il est d'ailleurs obligatoire d'avoir un compte bancaire pour créer un compte Paypal, car un numéro de carte bancaire est utilisé pour prélever 1,50 euros lors de la création du compte. Un code chiffré apparaît alors sur le relevé de banque du client, et permet de valider le compte. Seul ce prélèvement sur le compte peut éveiller les soupçons de l'administration fiscale.

Le client ouvre son compte, puis le crédite lui même, s'il est acheteur, ou grâce à des objets ou des services vendus sur Internet. Pour payer, ses clients doivent connaître le nom d'utilisateur, qui est l'adresse e-mail du vendeur. La gestion du compte se fait exclusivement par Internet. Les opérations réalisées sont conservées en mémoire pendant deux mois sur le site paypal.fr , mais peuvent être effacées par le titulaire du compte.

Pour utiliser l'argent disponible sur le compte Paypal, on peut, soit réutiliser les sommes, soit procéder à un virement bancaire. Si les sommes sont seulement réutilisées, les revenus tirés d'Internet n'apparaissent nulle part. Compte-tenu de l'immense variété des objets et des services payables par Paypal, il est facile de dépenser l'argent gagné.

Mais si la personne le souhaite, elle peut procéder à un virement bancaire depuis Paypal vers son compte bancaire. Il est possible de virer l'argent sur tout compte bancaire, dans le pays de son choix. Si la personne effectue le virement sur son compte en France, les sommes vont apparaître sur son relevé de compte. Mais si le virement est fait à l'étranger, l'opération est dissimulée.

Chapitre 2. L'adaptation des règles fiscales aux spécificités d'Internet

Malgré la tentation, pour certains pays, d'imposer une zone franche, l'activité sur Internet est trop importante, en volume, pour échapper à la fiscalité. D'ailleurs, la France n'a jamais envisagé de faire échapper le réseau à son droit fiscal national.

Section 1. Entre zone franche internationale et fiscalisation internationale

1. Le «Framework for global electronic commerce»

Au départ, Internet était un outil communautaire gratuit. initialement destiné à la recherche et au partage de données scientifiques, le réseau était majoritairement non marchand. La question de la fiscalité n'était donc pas posée.

Mais dès 1997, La maison Blanche, devant l'apparition de sites marchands, a tenté d'imposer ses choix juridiques et fiscaux pour l'Internet. Ainsi, le FGEC, Framework for Global Electronic Commerce 13(*) a été publié le 1er juillet 1997.

Ce texte est un document unilatéral signé par le président des États-Unis, Bill Clinton. C'est une déclaration destinée à influencer les gouvernements étrangers dans l'élaboration des législations nationales propres à ce média nouveau. Elle est également destinée à influencer les États américains fédérés, afin qu'il n'entravent pas le développement d'Internet.

Ce texte énonce cinq principes :

· Le secteur privé doit mener l'évolution du réseau.

· Les gouvernements doivent éviter les restrictions illégitimes au commerce électronique.

· Lorsque l'implication des gouvernements est nécessaire, son but doit être d'encourager et d'assurer un environnement légal prévisible, minimaliste, et simple pour le commerce électronique.

· Les gouvernements doivent reconnaître les qualités uniques de l'Internet.

· Le commerce électronique par Internet doit être facilité de façon globale.

Ce texte présente l'Internet comme une opportunité pour les entrepreneurs, du fait du faible capital social nécessaire à l'exercice d'une activité. Il met en avant la nouveauté que constitue l'accès immédiat à une clientèle quasi-illimitée. Qualifiant Internet de révolutionnaire, le texte insiste sur la nécessité d'adopter une législation la moins contraignante possible. La non-imposition de toutes les activités est demandée.

Les seules législations tolérées sont relatives à la protection de la propriété intellectuelle et à la prévention de la fraude.

Dans le quatrième point, il est même suggéré que toute législation existante interférant avec le commerce électronique doit être révisée, ou abrogée. Il est en faveur d'une auto-régulation totale par les commerçants et les clients.

Le FGEC incite à une absence totale d'imposition. Les États-Unis étaient alors en faveur d'une vaste zone-franche, aussi bien pour les ventes de biens que pour les prestations de services. Toutefois, en cas d'échec de la création d'une telle zone-franche, le texte prévoyait le cadre fiscal qu'il souhaitait. Il prônait une fiscalité égalitaire, simple, transparente, et compatible avec la fiscalité américaine.

Les États-Unis semblent ici s'être inquiétés du risque de paralysie du commerce électronique. Cependant, les États-Unis ayant une place prédominante dans l'Internet, ceci était avant tout destiné à conférer un avantage concurrentiel décisif aux entreprises américaines.

Parallèlement à cette proposition de zone franche, une taxe au bit à caractère humanitaire a été envisagée en 1994, par Arthur Cordelle, puis rejetée. L'avantage de cette taxe était que son montant ne pouvait être ni dissimulé, ni discutable. En effet, le transfert de données en lui même était imposé.

Une taxe à la vente a également été proposée par Madame Falque-Pierrotin en 1997, mais n'a reçu aucun écho, du fait de la complexité de sa mise en oeuvre.

2. le développement considérable de l'activité économique sur Internet

Les plus gros distributeurs et médias sont aujourd'hui présents sur Internet. C'est par exemple le cas de Carrefour, du groupe Casino, de la FNAC et du journal Le Monde.

L'avantage principal d'Internet est que les coûts sont extrêmement faibles par rapport à la distribution classique. En outre, on obtient, à partir d'un établissement unique, une présence mondiale. Les réseaux de distribution deviennent inutiles, alors que dans le même temps, la clientèle est démultipliée. En quelques années, des sociétés se sont assurées des parts de marché considérables.

En France, l'année 2005, avec une croissance supérieure à 40%, a généré un chiffre d'affaires de plus de 10 milliards d'euros, services financiers inclus. A titre d'exemple, RueDuCommerce a été créée en 1999 avec pour objet la distribution de produits informatiques et électroniques grand public par l'intermédiaire de son site Internet. Au 30 juin 2006, rueducommerce.com a enregistré un chiffre d'affaires sur le premier trimestre de son exercice (avril 2006 à juin 2006) de 54.8 millions d'euros, contre 42.8 millions d'euros l'année dernière sur la même période, en progression de 27.9%.

Par ailleurs, le Conseil des ventes, l'autorité de régulation des 360 maisons d'enchères en France et 539 commissaires-priseurs, a calculé qu'EBay a vendu en 2005 pour 53 millions d'euros de biens culturels, ce qui en fait virtuellement la 9e SVV (société de ventes volontaires) de France. Le conseil considère que 60 % des vendeurs de ces biens ont acquis un caractère professionnel et demande donc qu'un statut de courtier en ligne soit instauré.

Si Internet était une zone franche, ceci créerait une distorsion de concurrence et une importante évasion fiscale. Il y a donc eu l'obligation pour les Etats de fiscaliser l'Internet, sous peine de perdre d'importantes recettes fiscales.

Section 2. L'adaptation progressive du droit fiscal français au commerce électronique

1. Les règles de l'UE applicables en matière de TVA

Il convient de distinguer, selon l'activité exercée, car les règles ne sont pas les mêmes pour les prestations de services et les ventes de biens

a. Pour les prestations de services

Avant 2003, le lieu d'imposition à la taxe à la valeur ajoutée des services fournis par voie électronique était celui où le prestataire avait le siège de son activité, ou un établissement stable.

Avant cette date, les opérateurs extra communautaires pouvaient donc fournir des services sans être assujettis à la TVA, car ils n'avaient ni le siège de leur activité, ni établissement stable dans l'Union. Ceci créait une distorsion de concurrence, car, dans le même temps, les sites marchands communautaires étaient assujettis à la TVA. Cette distorsion a disparu.

Depuis l'adoption de la directive n° 2002/38/CE du 7 mai 2002 par le Conseil de l'Union européenne, les services électroniques sont imposables à la TVA au lieu de consommation, pour les opérateurs établis hors de l'Union Européenne. Le texte est également applicable aux services de radiodiffusion et de télévision. Le taux normal, soit 19,6%, est appliqué.

Dans le même temps, les prestataires de services établis dans l'UE ne sont plus tenus d'appliquer la TVA européenne sur les services vendus en-dehors de l'UE.

Cette directive a été transposée en droit français. On en retrouve les principales dispositions aux articles 259 B, 259 C et 259 D du code général des impôts. Le bulletin officiel des impôts, n° 149, en date du 8 septembre 2003, est venu préciser son application.

À compter du 1er juillet 2003, la TVA du lieu de consommation est applicable aux opérateurs établis hors de L'Union européenne fournisseurs de « services électroniques »  ou de « services fournis par voie électronique ».

Ce régime spécifique est appliqué à trois conditions :

· l'opérateur n'est ni établi, ni tenu d'être identifié dans la communauté

· le client est un consommateur final non assujetti à la TVA

· la livraison est entièrement dématérialisée, et ne donne lieu à aucun envoi matériel. Le service doit être impossible à assurer en l'absence de réseau informatique.

Un registre suffisamment détaillé des opérations doit être tenu et conservé pendant dix ans à compter du 31 décembre de l'année de l'opération. Ceci pour permettre l'exercice d'un contrôle par l'État de consommation. Doivent apparaître dans ce registre le nom, le prénom, et l'adresse postale et électronique des clients, le détail des transactions, ainsi que les détails relatifs au paiements.

La déclaration de TVA est trimestrielle, pour les sites étrangers. Le paiement doit intervenir en même temps, par virement bancaire en euros sur le compte de la recette des non-résidents ouvert à la banque de France. Ceci confirme le caractère immatériel de la procédure.

Cependant, cette règle pose un problème dans son application. La procédure de déclaration et de paiement de la TVA est entièrement électronique. Le vendeur doit s'immatriculer de lui-même sur le site Internet de l'administration fiscale d'un pays membre de son choix, et payer ensuite la TVA à cet État14(*). Cette démarche est réalisée exclusivement en ligne.

De ce fait, la tentation peut être grande, pour les prestataires de services dépassant de peu le montant de la franchise de TVA, comme par exemple un éditeur de logiciel, de ne pas l'appliquer. De même, le prestataire étranger peut sincèrement ignorer que la TVA est dûe.

En pratique, seuls les très gros opérateurs peuvent y être contraints. Ainsi, Ebay facture la TVA a ses clients, pour les frais de parution d'annonce et en cas de vente. Toutefois, la facture est émise par Ebay International, société suisse immatriculée à Berne (annexe 5). Pourtant, une filiale d'Ebay existe en droit français, EBAY FRANCE (RCS Paris B 432 778 108 ). Mais cette société française a pour activité : « Traitement de données ». Ainsi, les profits réalisés par Ebay du fait des clients français sont imposés en Suisse, et non en France.

b. Pour les livraisons de biens

Contrairement aux opérations totalement électroniques, dites on-line, les livraisons de biens commandés par Internet sont dites off-line, ou commerce électronique indirect.

En ce qui concerne la TVA sur les opérations entraînant la livraison de biens matériels, il n'y a pas de difficulté particulière. On applique la 6e directive du Conseil, du 17 mai 1977, n° 77/388/CEE, transposée en droit interne.

C'est ce qui ressort de la réponse ministérielle « de Chazeaux » du 3 novembre 1997. Interrogé le 28 juillet 1997 par Olivier de Chazeaux, le ministre de l'économie et des finances a indiqué que « le régime de TVA applicable aux opérations portant sur des biens commandés via Internet résulte des règles de territorialité arrêtées par la 6e directive et transposées en droit interne ».

La livraison d'un bien meuble corporel commandé électroniquement est soumise aux règles habituelles de territorialité en matière de TVA, de la même façon que toute autre forme de vente à distance.

2. Les spécificités du droit français

a. l'imposition des bénéfices

Les profits réalisés sur Internet par des entreprises sont, selon leur forme sociale, imposables au titre de l'impôt sur les sociétés, ou comme BIC.

En l'absence de convention fiscale, l'article 209-I du CGI prévoit pour l'impôt sur les sociétés. que les « ...bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés ...en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. »

Le lieu d'exploitation détermine l'imposition des bénéfices. Les sociétés étrangères sont soumises à l'impôt sur les sociétés français pour leur activité réalisée en France. Les sociétés françaises ne sont en revanche pas imposables pour les bénéfices réalisés dans une entreprise à l'étranger.

La réponse du Ministre de l'Economie à M. Jean Valleix15(*) est venue préciser en 1980 la notion d'exploitation en France ou hors de France. « par entreprise exploitée en France, il convient d'entendre entreprise exerçant habituellement une activité en France qui peut s'exercer dans le cadre d'un établissement autonome ou bien, en l'absence d'établissement, par l'intermédiaire de représentants dépourvus de personnalité professionnelle distincte ou bien encore résulter de la réalisation d'opérations formant un cycle commercial complet ».

Pour le Ministère des Finances16(*), un serveur ne pouvait constituer un établissement stable, en l'absence d'un personnel pour le faire fonctionner. Une implantation physique par une présence humaine était exigée. Mais depuis17(*), si la présence humaine est toujours exigée en principe, elle peut être écartée si « les fonctions typiques liées à une vente ...sont effectuées de manière complètement automatisée par l'équipement informatique là où il est installé » . Il faut donc apporter la preuve à l'administration fiscale que l'activité exercée, et le type de matériel employé pour le fonctionnement du site ne requièrent aucune intervention humaine.

b. L'imposition des revenus tirés d'Internet

Pour les personnes physiques, les revenus tirés d'Internet sont imposables aux conditions de droit commun. Ils sont soumis à l'impôt sur le revenu, comme bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux, ou revenus de valeurs mobilières.

Seuls sont exonérés, sauf circonstances exceptionnelles, les gains réalisés à l'occasion de la participation, même habituelle, à des jeux de hasard.

Pourtant, les internautes prétendent ignorer que les revenus qu'ils peuvent tirer doivent être portés sur leur déclaration annuelle de revenus 2042. Ils ont en général le sentiment que ces gains ne peuvent être mis à jour par l'administration fiscale. De plus, ils considèrent que les sommes sont trop faibles pour devoir être déclarées.

Dans le cas d'une personne vendant des objets sur Ebay, le problème est de savoir à partir de quand elle devient fiscalement imposable au titre de l'impôt sur le revenu. Il faut que les opérations aient un caractère habituel, et confèrent la qualité de commerçant. Mais cette difficulté n'est pas propre à Internet. Ainsi, il est utile de préciser que les employés des usines automobiles qui achètent et revendent quatre véhicules dans l'année ne sont pas considérés par l'administration fiscale comme des commerçants.

Toutefois, le 12 janvier 2006, un homme a été condamné par le tribunal correctionnel de Mulhouse, pour l'infraction d'exécution d'un travail dissimulé, et pour l'infraction de non tenue du registre par un revendeur d'objets mobiliers. Le jugement indique « qu'il est en outre établi que Marc W. a vendu sur un site internet plus de 470 objets en deux ans. L'historique des trois derniers mois de ventes indique un montant de 6917,05 €. » Trois critères sont associés par le tribunal pour déduire le caractère professionnel : la fréquence des achats revente, la durée d'activité, et le volume global des ventes.

Il avait soit-disant été mis en demeure par sa femme de vendre une collection d'outils anciens. En réalité, il achetait des objets pour les revendre. Compte-tenu de l'importance des ventes, les revenus tirés d'Ebay étaient importants. Pourtant, il se considérait comme un particulier, et non comme un professionnel. Il n'avait pas non plus déclaré ces sommes à l'administration fiscale au titre de ses revenus.

D'autre part, la TVA est applicable, au dessus de 76.300 euros de chiffre d'affaires au cours de l'année civile, comme pour toute activité d'achat revente. Toutefois, rares sont les vendeurs atteignant ce plafond.

Titre 2. Le choix de la localisation déclarée:

une souplesse technique avantageuse ?

Chapitre 1. Les intermédiaires en création de sociétés sur Internet

Il suffit de taper « société offshore » ou « société Delaware » dans un moteur de recherche sur Internet comme Google pour voir l'étendue de l'offre dans le domaine de la création et domiciliation de société à l'étranger. Par exemple, pour « delaware société », on obtient 968.000 réponses. Mais ces prestataires ne se contentent pas de proposer la création d'une société (section 1). Ils proposent pour la plupart des solutions d'évasion fiscale globale (section 2).

Section 1. La création d'une société à l'étranger

Sous réserve que le prestataire de création de société existe réellement, le recours à une telle société permet la création d'une entité juridique à l'étranger (1). Nous verrons, en guise d'illustration, les services proposés par un prestataire spécifique du Delaware (2).

1. Une immatriculation existant juridiquement

La majorité des sites proposant une immatriculation sont en anglais. Systématiquement, les textes sont précédés de la mise en garde suivante : « Les informations suivantes ne sont données qu'à titre indicatif. Nous ne fournissons aucun conseil fiscal ni juridique. Les personnes désirant un tel conseil doivent contacter un avocat diplômé dans l'État où la création d'une société est envisagée. » Ces sociétés informent les clients, auxquels il appartient ensuite de faire un choix éclairé.

Pourtant, les sites regorgent d'informations juridiques et pratiques sur l'évasion fiscale. S'il est possible, en cherchant bien, de trouver un prestataire dans tous les pays du monde, nous nous limiterons cependant ici aux sociétés américaines.

En particulier, seront étudiés les États de Californie, Nevada, Wyoming et Delaware. En effet, les sites traitant des paradis fiscaux ne semblent pas sérieux. Ils semblent plus relever de l'escroquerie que de la création de société.

D'ailleurs, les agents américains, pour dissuader les clients de créer une société dans un paradis fiscal, insistent sur le fait que les futurs clients et fournisseurs seront séduits par une société américaine.

Ces intermédiaires agissent comme des mandataires pour déposer dans les greffes locaux les statuts des sociétés. Ceux-ci sont appelés, en anglais «articles of organization » ou « corporate charter ». A titre d'exemple, en Californie, les filing fees, frais de dépôt et d'enregistrement des statuts auprès du secrétaire d'État s'élèvent à 70 $. Toutefois, au lieu de créer une société, il est possible d'acquérir une aged company, c'est à dire une coquille vide préexistante.

Le recours à ces agents est obligatoire, pour les non-résidents. Ils sont appelés « registered agent » (agent agréé) ou « agent for service of process » (mandataire pour l'acte de signification) selon l'État.

Un agent est une personne physique résidant dans l'État, ou une personne morale enregistrée comme agent auprès du secrétaire d'État. Cet agent est le représentant légal de la société. Il joue le rôle d'intermédiaire. Il la représente auprès de l'administration, et auprès des tiers en cas de poursuites contre la société. Des frais annuels sont perçus par l'agent pour cette mission. Ces frais, de 100 $ au minimum, s'ajoutent aux frais initiaux de création de la société.

L'opération de création est totalement électronique, pour le client. Le paiement est fait en ligne, puis l'équivalent local du « K bis », appelé apostille, est transmis par la poste. Un EIN, Employer Identification Number18(*), ainsi qu'un federal tax identification number sont attribués à la société.

La création d'une société entraîne la délocalisation fictive de l'activité à l'étranger. En option pour 100 $ environ, on peut bénéficier d'une domiciliation postale. Les clients correspondent alors vers une adresse aux États-Unis, et il est possible de faire expédier son courrier, et donc ses factures, depuis les États-Unis. A ce sujet, il est intéressant de préciser qu'un agent, appelé Axefirm Inc se targue d'avoir un partenaire à Nantes pour réexpédier le courrier reçu par ses clients. En apparence, et juridiquement, l'activité est alors exercée depuis le territoire américain. Fiscalement, elle relève du droit de l'État d'enregistrement.

Aux États-Unis, deux formes sociales principales sont proposées : la LLC (limited liability company)19(*) et la C-Corporation. Les règles de création et de fonctionnement varient d'un État à l'autre. Pour ces deux formes sociales, on peut adopter la forme closed (fermée) qui soumet les transferts de titres à l'unanimité des votes des associés. Autrement, la société est open et les transferts de titres sont libres.

La LLC est la forme la plus simple. Elle a été introduite au Wyoming en 1977, et existe à présent dans tous les États américains. Il n'y a aucun formalisme pour sa gestion : pas d'assemblée générale, ni de rapport de gestion. La LLC est par défaut fiscalement transparente. Les profits et les pertes sont directement imposés entre les mains des détenteurs de parts, dans les proportions fixées par eux dans les statuts. Les plus ou moins-values réalisées par la société sont également imposées au niveau des associés. De ce fait, chaque associé est imposé en fonction des règles fiscales du pays où il réside. Cependant, un droit annuel fixe de 200 $ doit être versé par la société. C'est la seule obligation fiscale. Toutefois, il est possible d'exercer une option afin que les bénéfices soient taxés directement au niveau de la société.

La C-corporation, quand à elle, est une société par actions. Elle peut faire appel public à l'épargne, en émettant des actions ou des obligations. Les dividendes éventuels sont répartis selon le nombre et le type d'actions détenues. Il faut ici rappeler qu'aux États-Unis comme en Angleterre, on peut créer différentes classes d'actions. Un conseil d'administration est élu par l'assemblée générale des actionnaires, et choisit les directeurs. Selon les États, les bénéfices de la société sont imposés à un taux de maximum de 39%.20(*)

Les détenteurs de parts et les directeurs sont anonymes, dans le Delaware par exemple. Toutefois, dans les États ou l'identité des associés est publiée, comme par exemple le Wyoming, les agents proposent les services d'un « homme de paille ». Sous le nom de nominee21(*), cette personne physique est alors juridiquement le directeur de la société. Seul son nom est publié et non ceux des associés et directeurs de fait. Les prix varient selon le degré d'anonymat désiré, et donc selon l'implication de cette personne. Cependant, un contrat est signé avec le nominee afin de le protéger en le faisant échapper à toute responsabilité.

2. L'exemple d'un agent du Delaware

«Delaware Business Incorporators Inc.» est un agent agréé qui propose ses services sur Internet. Son adresse est www.DBIGlobal.com. Cette société a été créée en 1986, par son Président actuel, Douglas R. Murray.

Si cette société est spécialisée en création de sociétés au Delaware, elle peut créer des sociétés dans les cinquante États américains. Elle propose aussi des coquilles vides. Elle se charge en outre de la domiciliation postale, téléphonique, et de télécopie. Enfin, elle propose l'immatriculation de bateaux et d'avions.

Cette société a édité un ouvrage, le Delaware Incorporation Handbook, dont la dernière et 10e édition date de 2004. Cet ouvrage d'une quarantaine de pages contient toutes les informations nécessaires pour celui qui souhaite s'immatriculer dans cet État. On y apprend qu'une société sur trois de la bourse de New York est immatriculée au Delaware. C'est par exemple le cas de la société du Pont de Nemours et Co.

Les deux principales raisons de l'attractivité de cet État sont l'anonymat et sa fiscalité. Il faut ajouter à cela une très grande souplesse. Les statuts d'une société peuvent mentionner comme objet : « s'engager dans tout acte ou activité légaux, partout dans le monde, dans les seules limites édictées par le droit général des société du Delaware. » Par ailleurs, le formalisme est minime : les assemblées générales d'associés peuvent avoir lieu sous toute forme. Leur enregistrement est comme nous allons le voir faiblement taxé : 25 $.

Au Delaware, pour les sociétés, l'impôt de franchise fiscale est lié non aux résultats mais aux nombres de titres représentatifs du capital. L'impôt est plafonné à hauteur de 165.000 $.

Montant de l'impôt sur les sociétés au Delaware

moins de 3.000 actions

35 $

Entre 3.001 et 5.000 actions

62,50 $

Entre 5.001 et 10.000 actions

112,50 $

Au delà, par tranche additionnelle de 10.000 actions

55 $

A ceci s'ajoutent 25 $ de frais de dépôt des comptes, ce qui fait un total de 60 $ au minimum, et de 165.025 $ au maximum. Il n'y a donc qu'un très faible impôt sur les bénéfices réalisés par les sociétés immatriculées au Delaware. De plus, il n'y a pas de « sales tax », taxe à la vente dûe par le consommateur final, ni de TVA. De plus, l'État du Delaware ne prélève pas d'impôts locaux, ni de droits de succession. Enfin, l'impôt sur le revenu du Delaware n'est pas dû par les actionnaires non résidents.

Toutefois, il faut lire le manuel avec une très grande attention, pour remarquer que l'impôt fédéral sur les sociétés est dû, pour les C-Corporations. En effet, aux États-Unis, les États fédérés et l'État fédéral prélèvent chacun leurs propres impôts. Ainsi, l'impôt fédéral sur les sociétés est de 34% jusqu'à 10.000.000 de dollars, et de 35 % au delà. De ce fait, l'intérêt fiscal du Delaware est nul. Seul l'anonymat est avantageux.

Section 2. Des services et conseils annexes à la création de société

En plus du service de création de société et de domiciliation, ces intermédiaires proposent également des services financiers (1), ainsi que du conseil et des services en fraude fiscale, en particulier pour rapatrier les bénéfices réalisés (2).

1. Les services financiers proposés

Ces services sont plus difficiles à obtenir que la simple immatriculation d'une société. Les intermédiaires en création de sociétés insistent sur ces difficultés, et incitent à n'ouvrir un compte aux États-Unis que si c'est indispensable.

À l'évidence, de nombreux sites proposant un compte bancaire sont administrés par des escrocs. La plus grande prudence s'impose.

Voici les services bancaires proposés par Axefirm Inc, au Delaware

Pays du compte

Espagne

Caraïbes

États-Unis

Monnaie

Euro

Multi-devises

dollars

Moyens de paiement

Chéquier

et carte bancaire

Carte bancaire

Chéquier

et carte bancaire

Délai d'ouverture du compte

3 à 4 semaines

3 à 4 semaines

« procédure beaucoup plus longue et compliquée »

Consultation du compte par Internet

oui

Oui

oui

Les documents nécessaires pour ouvrir un compte bancaire sont les suivants :

· le certificate of incorporation, certificat d'enregistrement de la société, avec la date et le numéro de l'enregistrement

· une résolution bancaire désignant la personne responsable du compte

· une copie couleur du passeport de cette personne

· Pour la banque américaine seulement : EIN, Employer Identification Number22(*), équivalent du SIRET

Les services bancaires proposés sur Internet sont le plus souvent liés à des banques d'Europe de l'est ou d'Espagne. Mais il est difficile d'avoir des informations préalables sur les banques partenaires des créateurs de sociétés.

Sur l'un des sites, la banque est « IC Bank Co. Ltd. ». Le siège de cet établissement est situé à Budapest en Hongrie. Le site de la banque a l'apparence de la régularité. Toutefois, certains éléments semblent curieux. La banque n'a que six agences en Hongrie, mais onze filiales à l'étranger, dans des pays comme l'Albanie, le Ghana, le Mozambique, la Tanzanie, et le Sierra Leone. Les clients éventuels apprécieront d'eux mêmes l'honorabilité apparente de cette banque.

2.Que faire des bénéfices réalisés ?

Il y a deux solutions: récupérer l'argent directement, ou acquérir des biens grâce aux bénéfices réalisés. Ces biens peuvent être enregistrés à l'étranger, au nom de la société, donc introuvables pour l'administration. Il peut s'agir de l'achat et de l'immatriculation de bateaux ou de voitures. Les incorporators proposent de se charger de telles opérations.

Les incorporators conseillent leurs clients sur les façons d'utiliser l'argent accumulé sur les comptes bancaires de la société. Certains, comme wyomingcompany.com donnent des conseils basiques et dangereux. Ainsi, cette société invite à prendre des vacances en ayant pris le soin de faire acheter un appartement à Hawaii par la société, qui paye aussi les frais du séjour. Autre solution proposée : faire payer l'éducation de ses enfants directement par la société. Mais ces propositions constituent un abus de biens sociaux grossier. D'autres expliquent dans le détail comment rapporter de l'argent liquide depuis un paradis fiscal en évitant d'être remarqué. Des stratégies de colis postaux sont aussi proposées.

Sur le site offshoresimple.com, les conseils sont plus professionnels. Pour une somme faible, il est conseillé de retirer du liquide, ou de faire des achats dans son pays de résidence avec une carte de débit de la société. L'avantage est que seul le nom de la société apparaît, et non celui du bénéficiaire. Toutefois, il y a un risque d'être filmé ou reconnu lors du retrait ou de l'achat, et identifié. Idéalement, les cartes de crédits doivent être utilisées dans un pays autre que son pays de résidence.

Pour les sommes plus importantes, c'est-à-dire à partir de 200.000 $, le « back to back loan » est proposé. Il s'agit de deux emprunts simultanés et réciproques entre deux banques de nationalités étrangères, dans des devises différentes. Le client dépose une somme dans une banque étrangère, là où son activité est domiciliée, et emprunte le même montant diminué des frais dans son pays de résidence. Cet emprunt est remboursé par la banque étrangère. L'un des avantages est que les intérêts sont fiscalement déductibles, sous certaines conditions, s'il s'agit d'un achat immobilier. Par ailleurs, le bien en question, s'il sert de sûreté réelle pour l'emprunt, est alors insaisissable par les autres créanciers.

Chapitre 2. La difficile justification de l'exil juridique et fiscal

Section 1. Le risque d'escroquerie par l'intermédiaire

Il existe une multitude de raisons d'être méfiant, lors de l'exil d'un site, car les escrocs se pullulent. Il convient d'étudier plus précisément l'un d'entre eux.

1. La nature des risques

Il est inutile de préciser que la plupart des intermédiaires sont purement fictifs. Il ne s'agit, pour les créateurs de ces sites, que de profiter de la crédulité du public. En effet, un certain nombre d'opérateurs sur Internet sont des escrocs, qui diversifient leurs manoeuvres.

Ils sont même parfois originaires d'États totalement virtuels, sortis de leur imagination. Toutefois, les noms de ces États sont splendides : La République des îles Howland et Baker, Le Royaume de l'Atoll EnenKio, Le Dominion du Melchizedek, Le Royaume de Polynésie...

Ces services sont parfois proposés par le biais du SPAM, courriers publicitaires envoyés en masse. L'on reçoit ainsi des propositions d'investissements à 30% l'an net d'impôts garantis.

Une autre escroquerie courante est connue par la police sous le nom d'arnaque nigériane. Un grand nombre de personnes en Suisse en ont été victimes, à tel point que la police de Genève a rédigé une note à ce sujet.

La victime reçoit un courrier prétendument émis par la veuve ou l'enfant d'un haut dignitaire africain ou asiatique déchu. Cette personne a besoin d'aide pour faire sortir entre 10 et 15 millions de dollars de son pays. Elle se dit prête à rétribuer l'aide de sa victime à hauteur de 10% de la somme globale. Il faut seulement communiquer ses coordonnées bancaires pour que les fonds soient transférés. Mais des frais doivent être réglés préalablement...

Malheureusement, il y a une quasi-impossibilité à exercer un recours contre les escrocs. D'une part, les victimes ne souhaitent pas ébruiter l'affaire. Ainsi, un célèbre présentateur de la télévision française, dont l'émission est réservée aux champions a récemment dû regretter que son nom soit abondamment publié à la suite d'une telle affaire.

Mais surtout, ces escrocs agissent depuis des pays étrangers, avec lesquels la coopération policière est difficile. Enfin, il prennent en général le soin de se connecter à Internet depuis des lieux publics, comme par exemple des cafés Internet, afin de ne pas être identifiables.

En ce qui concerne plus précisément la création d'une société offshore, la victime, dans le meilleur des cas, paye pour un service qu'elle ne reçoit jamais. Par exemple, elle paye pour créer la Durand & Dupont Company dans le Montana, mais son intermédiaire se contente d'encaisser la somme. Au maximum, la perte s'élève à 1000$. Il est peu probable que la victime dépose plainte.

En revanche, l'escroquerie peut être considérable si elle est temporisée. L'escroc, dans ce cas, prétend avoir créé la société, ou bien la créé réellement, puis laisse les profits s'accumuler sur un compte bancaire supposé être celui de la société, mais sur lequel il a procuration. Le montant du détournement des bénéfices accumulés peut alors être considérable. C'est la situation la plus risquée.

Dans une relation dématérialisée, il est difficile de faire confiance à des partenaires inconnus. Ainsi, le choix de dissimuler des revenus à l'administration fiscale peut se révéler désastreux.

2. L'exemple du Melchizedek

Le Dominion de Melchizedek, (ou Melchizedech, ou Melchizedec) est un État souverain, d'après le site www.melchizedek.com. On peut d'ailleurs voir sur le site la copie d'un soi-disant fax de l'État belge (annexe 3). Ce pays est prétendument inspiré par les principes de la bible de Melchizedek. Les saintes écritures hébraïques et chrétiennes sont évoquées pour justifier la souveraineté éternelle de ce pays. Le site évoque des acquisitions de terrains au cours des années 90, qui ont permis sa création. Le territoire se compose de cinq archipels du Pacifique sud situées près de Fidji: Solkope, Karitane, Malpelo, Clipperton et les îles Taongi.

C'est une zone franche, avec une législation bancaire souple, mais assurant le plus grand secret. Son gouvernement est divisé en trois branches : l'exécutif, le législatif, et le judiciaire. Suivent la description des langues officielles et les noms des dignitaires locaux. Puis différents traités sont signalés, bien qu'ils aient tous été signés avec des États imaginaires.

L'ensemble du site insiste sur le rôle indispensable du Melchizedek dans la lutte mondiale contre la malnutrition et le développement des droits de l'homme. Il propose en parallèle des passeports, des comptes bancaires, la création de sociétés, ainsi que des permis de conduire.

Pour contacter le gouvernement, un numéro de téléphone satellite est indiqué. Malheureusement, la seule adresse est celle de l'ambassade du Melchizedek en Californie. Le pays reste donc introuvable sur un atlas.

L'on peut chercher par qui l'adresse web a été déposée, grâce à whois.org. Il s'agit de M. David Korem, domicilié en Californie. Le dépôt initial remonte au 28 août 1996. Ceci confirme le fait que les escrocs, quand ils déposent un nom de domaine, remplissent le formulaire correctement, car cette identité est totalement correcte.

D'après le journal Asia Times Online23(*), cette nation virtuelle a été créée par cet homme, déjà condamné à un emprisonnement dans un pénitencier de l'État de Washington pour escroquerie. Il a édité des passeports, et est parvenu à entrer sur le territoire des îles Fidji avec ces passeports, en compagnie de sa femme. Il est ainsi parvenu à obtenir un début de reconnaissance consulaire de son Etat. En janvier 1999, il a officiellement demandé à Singapour et à la Malaisie si ses citoyens avaient besoin de visas. Ces deux pays lui ont répondu de façon officielle, dans une forme diplomatique.

En novembre 1999, trois personnes ont été arrêtées aux Philippines, pour avoir vendu pour 1.000.000 $ de passeports du Melchizedek à 3.500 $ pièce. Lesdits passeports étaient présentés comme des documents officiels permettant l'entrée dans la plupart des pays du monde, sans visa. De ce fait, les victimes étaient en majorité des migrants souhaitant travailler à l'étranger. Par ailleurs, des opérations effectuées par des banques immatriculées au Melchizedek ont été découvertes, servant à blanchir de l'argent, et à frauder des investisseurs. Pourtant, le site est toujours accessible aujourd'hui.

Section 2. Rigidité et attraits de la législation française

On peut en théorie domicilier son activité de prestation de services ou de vente de biens à l'étranger, alors que le client et le fournisseur sont tous les deux situés en France. L'opération est ainsi conclue, de façon entièrement électronique, entre un client français et une société étrangère. Mais en dehors de la fiscalité, en quoi l'extradition est attirante ? Car aussi attractive qu'elle soit, elle fait perdre le bénéfice des régimes fiscaux de faveur français.

1. Une législation contraignante

En dehors de la fiscalité, l'extradition du site Internet permet le choix de la législation à laquelle l'activité est soumise. Car en France, la loi est très contraignante dans ce domaine. Ainsi, il n'est possible de bénéficier des douceurs de la fiscalité française qu'en se soumettant au droit de la consommation.

a. Le droit français de la consommation

En France, la loi pour la confiance dans l'économie numérique, dite loi LEN, du 21 juin 2004 est le texte principal de la vente en ligne. Elle transpose en partie des textes communautaires, et complète la directive du 8 juin 2000 et l'ordonnance du 23 août 2001. La loi LEN veut responsabiliser les pratiques des marchands et des fournisseurs. De ce fait, elle est particulièrement protectrice des internautes.

L'article 14 définit la notion de commerce électronique. C'est « l'activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens et de services (...) y compris lorsqu'ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent. » Ainsi, il est extrêmement simple de voir son activité soumise à la LEN.

La loi LEN du 21 juin 2004, dans son article 15 a créé une « responsabilité globale » du marchand en ligne. Celle-ci couvre l'ensemble de la vente, de la passation de la commande jusqu'à la fourniture de biens ou la prestation de services. Il ne peut s'en dégager qu'en prouvant la faute du consommateur, ou le fait imprévisible et insurmontable d'un tiers, ou la force majeure.

Par ailleurs, il existe un «droit de rétractation». Ainsi, le client peut exiger de renvoyer la marchandise et d'être remboursé intégralement, à l'exception des frais de port pour renvoyer le colis au vendeur, pendant un délai de sept jours sans indication de motif et sans qu'aucune pénalité ne puisse lui être imposée.

Selon l'article L. 121-20-3 du Code de la consommation, le vendeur est tenu de rembourser sans délai et au plus tard dans les trente jours suivant la date à laquelle le droit a été exercé. Au-delà, la somme dûe est de plein droit productive d'intérêts au taux légal en vigueur et le vendeur s'expose à des sanctions pénales.

Le délai de 7 jours peut être porté à trois mois si le vendeur ne communique pas les informations mentionnées à l'article L. 121-19 du Code de la consommation. Il s'agit notamment des coordonnées du professionnel, du prix TTC, des frais de livraison, des modalités d'exercice du droit de rétractation ou encore des informations relatives au service après-vente.

Ces règles sont applicables dans les relations avec tout vendeur établi sur le territoire européen. Par ailleurs, l'acheteur peut saisir le tribunal de son domicile si le commerçant l'a sollicité préalablement à l'achat ou si son site a été conçu pour toucher le marché français. Enfin, l'article L. 121-20-6 du Code de la consommation répute non écrite toute clause attributive de compétence juridictionnelle.

La motivation de l'exil juridique n'est donc pas nécessairement purement fiscale.

b. L'interdiction de certaines activités

 

La loi du 21 mai 1836 fixe le principe de l'interdiction de toute opération, offerte au public, faisant naître l'espérance d'un gain et reposant sur le hasard. Néanmoins, les textes ont prévu des exceptions s'appliquant à deux types de sites : les sites de loteries ou de paris gratuits et certains sites de paris payants.

Les sites de loteries ou de paris gratuits relèvent de l'article L. 121-36 du Code de la consommation Article L121-36 : «Les opérations publicitaires réalisées par voie d'écrit qui tendent à faire naître l'espérance d'un gain attribué à chacun des participants, quelles que soient les modalités de tirage au sort, ne peuvent être pratiquées que si elles n'imposent aux participants aucune contrepartie financière ni dépense sous quelque forme que ce soit. » L'exigence de gratuité oblige le site à informer les joueurs des modalités de remboursement des frais engagés pour participer, comme par exemple les frais de connexion. L'organisation de telles opérations est libre.

Les sites de paris payants sont pour leur part interdits en France. Mais deux exceptions existent. D'une part, la loi du 31 mai 1933 (art. 136) permet à la Française des jeux de proposer des jeux de hasard sur le territoire français. Ainsi, dès 2001, elle a mis en place un site permettant de jouer aux loto et à ses divers autres jeux de hasard. Ce site lui a rapporté 68 millions d'euros en 2005.

D'autre part, la loi du 16 avril 1930 (art. 186) attribue le monopole de l'organisation des paris sur les courses de chevaux au PMU. Depuis 1964, le PMU est également compétent pour prendre des paris sur les courses de chevaux se déroulant à l'étranger. Depuis novembre 2003, un site Internet existe. Les gains ont cru de 75% en 2005, et s'élèvent à 250 millions d'euros.

Enfin, les casinos, bénéficient d'une dérogation par la loi du 12 juillet 1983 interdisant les jeux de hasard, sous réserve du respect d'une procédure réglementée qui les soumet à approbation du Ministère de l'Intérieur.

En dehors de ces situations, l'interdiction française s'applique à tous les sites de paris, mêmes ceux installés à l'étranger. En cas d'infraction, l'exploitant de ces sites s'expose à une condamnation pénale (peines d'emprisonnement et amendes). Le parieur risque pour sa part une condamnation pour complicité.

Pourtant, en vertu de la jurisprudence de la CJCE et notamment de l'arrêt Gambelli (2003), les États membres de la Communauté européenne ne peuvent restreindre l'offre transfrontalière de services de jeux d'argent que s'ils établissent qu'ils ont une politique de canalisation du jeu cohérente et systématique. Ainsi, en vertu de la jurisprudence communautaire, un État membre ne saurait légalement interdire l'offre de jeux sur son territoire en évoquant des motifs liés à la protection des consommateurs ou à la protection de la société en général, tout en menant en même temps à travers ses propres monopoles un politique active de développement du jeu. Or la France n'a pas à l'heure actuelle une politique de jeu cohérente et systématique.

En outre, si le Ministère de l'Intérieur, via les Renseignements Généraux, surveille de près les établissements « en dur », il s'avoue impuissant face aux cybercasinos24(*). C'est pourquoi le groupe Partouche demande que soit mis fin au monopole de l'État, et menace même d'ouvrir son propre casino virtuel à l'étranger, en se fondant sur l'arrêt Gambelli.

2. Les attraits insoupçonnés de la fiscalité française

Le serveur informatique est peu encombrant. Il y a donc une grande souplesse pour son positionnement sur le territoire. La seule limite est celle de la possibilité d'un accès à

Internet. Dès lors, toutes les exonérations sont à étudier, dont celles de re-dynamisation rurale. Il est possible, cumulativement au bénéfice d'un régime fiscal de faveur, que les locaux et entrepôts soient moins chers, car éloignés des grandes villes.

Il convient ici de prendre l'exemple des Zones Franches Urbaines (ZFU): elles permettent entre autres choses une exonération d'impôt sur les sociétés de 100% sur 60 mois, dans la limite de 61.000 euros exonérés par période de 12 mois.

Six conditions doivent être remplies :

· exercer une activité industrielle, commerciale, non commerciale ou artisanale et avoir un chiffre d'affaire à l'exportation qui n'excède pas 15%.

· être imposable au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non commerciaux (BNC) ou encore être soumis à l'impôt sur les sociétés (IS).

· avoir au minimum un établissement situé en ZFU.

· avoir un effectif, tous établissements confondus, ne dépassant pas 50 salariés équivalents temps-plein (c'est-à-dire que deux personnes travaillants à mi-temps seront comptabilisées comme un seul salarié) au moment de la délimitation de la zone ou de l'implantation de l'entreprise.

· recruter (ou avoir des salariés déjà employés au moment de la mise en place de la zone) en CDI ou CDD de 12 mois au minimum, à temps complet ou à temps partiel.

· un cinquième des salariés doit résider dans la ZFU.

Toutes ces conditions peuvent être remplies dans le cadre de l'administration d'un site Internet. Les exonérations offertes sont multiples : impôt sur les bénéfices, taxe professionnelle, taxe foncière sur les propriétés bâties ainsi que certaines charges patronales. Les exonérations sont totales pendant 5 ans, et partielles au delà.

Mais de toutes les façons, les effets de mode rendent l'activité inintéressante assez rapidement, par perte d'attrait ou trop grande concurrence. En général, la création de sites marchands est faite dans un but spéculatif. Le site est créé et développé dans le but d'être cédé ultérieurement. La concentration commerciale est très importante, et les plus gros intervenants, comme Google, n'hésitent pas à acquérir les start-up prometteuses.

Ainsi, il est permis de considérer que, dans la mesure où l'activité exercée est légale en France, il est avantageux d'y être domicilié. L'attrait est juridique, et plus spécifiquement, fiscal. Même s'il est possible, grâce à Internet, de dissimuler des bénéfices à l'administration, cette éventualité est à écarter, car aussi désavantageuse qu'immorale.

Annexes

1. Carte du réseau français du fournisseur d'accès à Internet « Free »

2. Fiche de données obtenue par whois.org sur l'adresse univ-rouen.fr

3. Fax de reconnaissance du Melchizedek par l'État belge

4. Formulaire de création de société de Delaware business incorporators Inc

5. Facture d'Ebay International

Lexique

Adresse électronique

Aussi appelée « e-mail ». Se présente sous la forme « pseudonyme@domaine.com ». Permet l'échange de texte entre différents utilisateurs. Des fichiers électroniques peuvent être joints au message. La transmission du message est instantanée.

Adresse IP

Adresse formée de quatre groupe de trois chiffres séparés par des points. IP signifie protocole internet. Adresse unique attribuée lors de la connexion. Elle peut être dynamique (différente à chaque connexion) ou fixe. Permet d'identifier les postes informatiques connectés à Internet, en tant qu'expéditeurs et destinataires de données.

Adresse web

Adresse permettant d'accéder à un site Internet, en la tapant dans un navigateur. Se présente sous la forme www.domaine.com

AFNIC

Il s'agit de l'Association Française pour le Nommage Internet en Coopération. C'est une association sans but lucratif créée à l'initiative de l'État, en 1998. Elle est le centre d'information et de gestion des noms de domaine .fr et .re (île de la Réunion).

DNS

Domain Name Server, serveur de noms d'accès. Serveurs servant à faire le lien entre une adresse Internet sous la forme www.abcdef.com et l'adresse IP du serveur hébergeant le site. Pour les adresses en « .fr », l'AFNIC est chargée de gérer ces serveurs. On parle de résolution des noms de domaine en adresses IP.

Ebay

Site de vente aux enchères d'objets sur Internet. A la particularité d'être international. Un acheteur de tout pays peut enchérir sur un objet mis en vente dans tout autre pays. Certains pays, comme la France, interdisent la vente de certains objets.

FAI

Fournisseur d'accès à Internet. Société commerciale proposant un service d'accès à Internet aux particuliers et aux entreprises, depuis leur domicile. Les principaux sont Orange (France Télécom), Free, Alice et Neuf.

HTML

Langage informatique propres aux pages web. C'était à l'origine le seul langage, permettant d'afficher seulement du texte et des images. Signifie Hyper Text Markup Language, c'est à dire langage de balisage hypertexte. Permet de naviguer entre des pages. Des langages plus sophistiqués, comme Java, ou Flash, coexistent.

HTTP

Hyper Text Transfer Protocol. Protocole de transfert de pages hypertexte. Protocole et service TCP/IP utilisé pour transféré les pages web au travers d'Internet.

Internet

Réseau informatique mondial dont l'accès est libre, et à l'élaboration duquel chaque utilisateur peut participer. Permet l'interconnexion de tous les ordinateurs qui y sont connectés. Propose des services de toutes sortes : information, commerce, communication, ...

Logiciel libre

Programme informatique développé de façon ouverte, c'est à dire que tous les utilisateurs peuvent avoir accès à la structure du programme, et proposer des améliorations.

Navigateur

Logiciel permettant l'affichage sur un ordinateur des pages Internet. Les plus diffusés sont Internet explorer, de Microsoft, et Firefox, logiciel libre.

Nom de domaine

Synonyme d'adresse internet

Paypal

Système d'argent virtuel permettant le payement sécurisé. Filiale d'Ebay. Un compte Paypal est créé, crédité par l'acheteur, puis débité par le vendeur. Ce dernier n'a donc pas accès aux coordonnées bancaires du client.

Réseau

Ensemble d'ordinateurs et de périphériques reliés entre eux par fils ou ondes radio afin de pouvoir échanger des données

Serveur

Système informatique destiné à stocker des données, et à les mettre à la disposition des postes clients qui se connectent à lui. L'accès aux données peut être libre, ou soumis à une authentification par mot de passe.

Site Internet

Ensemble de documents électroniques destinés à s'afficher sur un navigateur. Les données sont stockées sur un serveur, et téléchargées par l'ordinateur client lors de la consultation du site.

TCP/IP

Transmission Control Protocol / Internet Protocol. Protocole réseau permettant à différents réseaux interconnectés d'échanger des données. Basé sur l'attribution d'adresses IP, comprenant le fractionnement des paquets, ainsi que le contrôle des erreurs de transmission.

URL

Universal Resource Locator. Localisateur universel de ressources

Wifi

Diminutif de « wireless fidelity », soit « fidélité sans fil ». Système de réseau informatique sans fil conforme à la norme 802.11. Permet de relier des ordinateurs et des périphériques entre eux par ondes radios. Il existe différents standards. Du plus lent au plus rapide, il y a le wifi A, B, G, et I.

Bibliographie

Ouvrages généraux, articles et thèses

· Olivier de Mattos et Nicolas Bousseau, Fiscalité du Commerce électronique, Jurisclasseur, Fascicule 4850

· Mémento pratique Francis Lefebvre, Fiscal, éditions Francis Lefebvre, 2006

· La procédure de règlement en ligne des conflits relatifs aux noms de domaine, Philippe Gilliéron, CEDIDAC, Lausanne, 2002

· Le règlement extrajudiciaire des litiges relatifs aux noms de domaine, Alexandre Cruquenaire, Bruylant Bruxelles, 2002

· TVA sur les services électroniques : nouvelle donne, L. Bensoussan, les nouvelles fiscales, n°874, 15 juillet 2002, p. 30

· Un an d'application de la législation "informatique et libertés", Pierre LECLERCQ, Communication Commerce électronique n° 6, Juin 2006, 6

· La fiscalité confrontée à Internet, L. Julie, Petites affiches, 23 janvier 2001, n]16, p. 12

· Un an de fiscalité de la communication et du commerce électronique, Olivier de MATTOS, Communication Commerce électronique n° 1, Janvier 2006, 1

· Faut-il ou non taxer le web ?, A. Bettelheim, Problèmes économiques, n°2622, 23 juin 1999, p. 1

· Delaware Incorporation handbook, 10th edition, Delaware business incorporators, inc., 2004

· Les sites internet en passé d'être pris en compte par l'administration fiscale, Gazette du Palais, 23 janvier 2003 n°23, p. 27

· La fiscalité de l'économie numérique, imposition et facturation, Gazette du Palais, 24 juillet 2003, n°205, p. 12

· Le commerce électronique, défi pour le juge, recueil Dalloz 2003, chroniques, p. 674

· TVA sur le commerce électronique : pourquoi doit-on changer les règles ?, LPA 21 février 2002, n°37, p.37

· Commerce électronique et protection du consommateur, recueil Dalloz 2002 chroniques, p. 555

· La fiscalité de l'Internet, Jocelyn Beneteau, Faculté de droit et de science politique d'Aix-Marseille

Pérodiques

· L'Express, 2 mars 2006

· Libération, éditions papier et en ligne

Sites Internet

· Afnic.fr

· Legifrance.fr

· Impots.gouv.fr

· www.droitdunet.fr

· foruminternet.org

· Juris-classeur en ligne (abonnement obligatoire)

· Juriscom.net

· Droit-technologie.org

· Ntia.doc.gov

· Asiatimes.com

· Technology.com

· Icann.org

· Wipo.org

· Itworld.com

· Offshoresimple.com

· Wyomingcompany.com

· Freebooter.com

· DBIGlobal.com

· Melchizedek.com

· Axefirm.com

* 1 TCP/IP : « Transmission Control Protocol / Internet Protocol » (protocole de contrôle des transmissions/ protocole Internet)

* 2 adresse IP, pour «  Internet Protocol » (protocole Internet)

* 3quatre octets, soit des entiers compris entre 0 et 255. par exemple : « 159.245.178.056 »

* 4 Libération du mardi 22 août 2006, page 7

* 5 site Internet de l'AFNIC : www.afnic.fr

* 6 INPI : Institut National de la Propriété Intellectuelle

* 7 liste complète des adresses génériques: .aero, .biz, .cat, .com, .coop, .edu, .gov, .info, .jobs, .mobi, .int, .mil, .museum, .name, .net, .org, .pro, et .travel

* 8 règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaines adopté le 26 août 1999 par l'ICANN

* 9 exemple d'adresse IP: 212.27.42.27

* 10 The Lancet, Infectious Diseases(maladies infectieuses), 21 août 2006

* 11 virtual goods signifie « biens virtuels»

* 12 LPF art L47, al 3

* 13 FGEC : signifie « texte-cadre pour un commerce électronique global ». Le texte est consultable en anglais à l'adresse : www.technology.gov/digeconomy/framewrk.htm

* 14 Pour la France, toute question peut être posée à l'adresse : tva.e-service@dgi.finances.gouv.fr

* 15 n° 26341 : JOAN 22 septembre 1980, page 4019

* 16 Réponse de Chazeaux, n° 15728, JOAN 26 octobre 1998, p. 5849

* 17 Réponse de Chazeaux, n° 56961, JOAN 30 juillet 2001, p. 4395

* 18 EIN : numéro d'identification d'employeur

* 19 LLC : société à responsabilité limitée

* 20 On peut à ce sujet consulter la publication 542 de l'IRS (Internal revenue service), administration fiscale américaine.

* 21 Nominee signifie en français « personne désignée »

* 22 EIN : numéro d'identification d'employeur

* 23 atimes.com, article daté du 17 février 2000

* 24 Libération, 8 avril 2006, « Avec les casinos virtuels, rien ne va plus pour Partouche »






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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo