c) Evolution de la pauvreté
Les statistiques de la pauvreté en Haïti sont
très controversées et très approximatives. Les
informations quantitatives dérivent le plus souvent soit d'extrapolation
d'enquêtes socio-économiques commanditées par des
particuliers, des ONG ou agences de coopération bilatérale
le plus souvent, dans le cadre d'implantation et/ou
d'évaluation de projets, parfois circonscrites à leurs
zones d'interventions, soit d'estimations effectuées à
partir des données lacunaires existant au niveau
11 LUNDAHL Mats, « Forces économiques et
politiques du sous-développement haïtien » Laennec HURBON, Les
transitions démocratiques. Actes du Colloques international de
Port-au-Prince, Paris, Syros, 1996, pp. 243-263. Voir aussi LUNDAHL Mats,
Peasants and Poverty : A
study of Haiti, Londres, 1979 ; The Haitian Economy,
man, land and Markets, Londres, Canberra, 1983.
12 DUPUY Alex, Haïti in the World Economy.
Class, Race, and Underdevelopment since 1700. Westview Press, Boulder,
London, 1989, pp.
99-113.
On ne saurait réduire le marché aux seuls rapports
acheteurs/vendeurs en isolant l'Etat et les acteurs sociaux. L'Etat est
impliqué dans tous
les aspects de l'économie et crée les conditions
pour les opérations et la domination de la bourgeoisie mercantile et des
agents secondaires. ...
De là, il est impossible de comprendre les
caractéristiques et mécanismes du marché haïtien
sans les localiser dans le contexte de la
prévalence du système de classe et de la domination
politique (pp. 105, 106 et 107). (Traduction libre)
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Crises, réformes économiques et pauvreté
en Haïti
14
national14. A défaut de leur fiabilité,
il est possible d'apprécier l'évolution de la pauvreté
dans le pays
en s'appuyant sur certaines données secondaires, et
des observations au microniveau à l'échelle des ménages
ou des exploitations agricoles. Certains comportements au niveau
microéconomique révèlent significativement bien les
difficultés dans lesquelles évoluent ces acteurs et
s'inscrivent dans les stratégies qu'ils déploient pour faire
face aux nouvelles contraintes qui les affectent. La disparition de certains
produits, et leur remplacement si possible, dans le panier alimentaire
substitution de certaines catégories de ménages, la vente
forcée du bétail, élément de capital, par une
exploitation agricole, etc. peuvent témoigner de leur situation
d'appauvrissement
A partir de la récente enquête Budget-Consommation
des ménages (EBCM II) réalisée en 1999/2000,
la FAFO de la Norvège a pu actualiser les chiffres sur
la pauvreté en Haïti. Elle a défini un nouveau seuil de
pauvreté pour le pays en basant leurs calculs sur la
méthode de la couverture des besoins caloriques
minima15. Les résultats ont montré qu'il y a
3.8 millions de personnes, soit environ la moitié de la
population totale, qui ne sont pas en mesure de consommer les 2.240
Kcal par jour nécessaires à une alimentation minimum
(pauvreté absolue). Sur la base de comparaison avec la
précédente enquête budget-consommation (EBCM I , 1986/87),
il est constaté un recul de la pauvreté entre ces deux
périodes, de plus de 10 point de pourcentage passant de 59%
à 48% en treize ans. Toutefois, en valeur absolu cette baisse est
peu significative vu que le nombre des pauvres est plus élevé
aujourd'hui qu'en 1987. En terme de répartition
géographique, le milieu rural reste le plus touché. Les
premiers résultats de l'enquête sur les conditions de vie en
Haïti, conduite par l'Institut haïtien de statistique et
d'informatique (IHSI) et la FAFO indiquent que la majorité des
pauvres se trouve en milieu rural : 57% des ménages en milieu urbain
sont pauvres et 38 % le sont extrêmement contre respectivement 82,5% et
64% en milieu rural.16
Cette amélioration, quoique relative, est
loin d'être le résultat de l'efficacité des
politiques économiques mises en place quand on sait par
exemple que le PIB en rythme annuel a considérablement
décliné - au rythme de 5% l'an entre 1985 et 1995- et que
l'industrie exportatrice a pratiquement disparu au cours de la décennie
90. Ainsi les facteurs à la base de l'amélioration sont
d'origine externe. Elle est donc essentiellement due aux transferts,
privés et publics, provenant de bailleurs bilatéraux et
multilatéraux, et de la diaspora haïtienne Cette
amélioration demeure donc extrêmement fragile dans la mesure
que ces transferts sont pour le moins instables. En plus, ils
13 WORLD BANK, Haïti: The challenges of
poverty reduction, August, 1998.
14 L'absence de situation de référence
rend difficile toute appréciation objective des efforts entrepris pour
ameliorer les conditions de vie. Haiti ne figure pas dans la base de
données sur la pauvreté de Chen et Ravallion utilisées par
la banque mondiale ni celle de Deininger et
Squire portant sur les inégalités
(www.worldbank.org/research/growth/dddeisqu.htm).
De récentes enquêtes à couverture nationales
- Budget/consommation des ménages, conditions de vie, recensement de la
population - en cours ou en stade finalisation, devraient sous peu actualiser
et compléter les bases de données existantes.
15 Determination of a poverty line in Haiti :
http://www.fafo.no/ais/other/haiti/poverty/index.htm
16 Cf. : La pauvreté des ménages :
milieu rural et urbain,
http://www.haitipressnetwork.com/news.cfm?articleID=3747 consulté
le 27 février
2002
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Crises, réformes économiques et pauvreté
en Haïti
15
contribuent à rendre le pays beaucoup plus
dépendant de l'extérieur à travers ces transferts,
lesquels constituent la première source de financement de son
développement.
Parallèlement, d'autres chercheurs sont d'avis que la
pauvreté a significativement augmenté en Haïti durant ces
vingt dernières années.17
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