Perspectives
Par rapport à son passé historique, son
état de décomposition auxquels s'ajoutent sa perte de
légitimité, son manque d'autorité, son incapacité
à gérer les contradictions et les conflits, il y a lieu de
s'interroger sur la capacité et la volonté de l'Etat haïtien
à assumer les nouvelles responsabilités que
lui confèrent les institutions internationales dans les
nouvelles approches et à entraîner dans son sillage les
différents acteurs concernés par le ``développement de la
pauvreté'' en Haïti
Force est d'admettre par rapport aux différentes mutations
qui se sont produites en Haïti tant sur le plan politique
qu'institutionnel, à la tournure qu'a pris la crise
politico-électorale et ses conséquences,
à l'ampleur du débat sur la
pauvreté au niveau international, que la majorité des
pauvres haïtiens devront attendre encore longtemps avant de voir leurs
conditions définitivement changées. D'autant que dans la
configuration actuelle il n'est plus question de sortir du
sous-développement ou du moins
de faire le développement - dans le sens d'une
maximisation de la capacité des individus à avoir la
qualité de vie à laquelle ils aspirent - mais d'aider les
pauvres à ne pas mourir, à maintenir la tête hors
de l'eau. Il s'agit aujourd'hui de maintenir en vie ces millions
de gens à travers le monde qui gèrent au quotidien une
misère extrême.
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Crises, réformes économiques et pauvreté
en Haïti
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Par rapport au cas haïtien, on doute de sa
réussite du fait de la perte de capacité des pauvres
à s'organiser en une force politique efficace pour orienter
effectivement les stratégies en leur faveur. Au
vu des expériences des autres pays dans ce jeu
d'élaboration des stratégies anti-pauvreté et du contenu
des politiques admises, les pauvres d'Haïti auront beaucoup de mal
à obtenir les appuis nécessaires des classes dirigeantes et des
institutions internationales promotrices, quand de tels appuis supposent une
remise en cause fondamentale de la stratégie fondée
prioritairement sur les exportations, donc, de la manière dont
l'économie nationale est connectée au système mondial.
Que peut-on, ou du moins, que doit-on espérer quand le
développement aujourd'hui (satisfaction des besoins de base) semble
être réduit à lutter contre la pauvreté ? Lutter
contre la pauvreté, c'est bien. Cependant on ne saurait trop attendre
d'une guerre qui semble avoir été déclenchée
beaucoup plus par exigence morale que par nécessité. Les
résultats de cette guerre dépendent autant de la
volonté des acteurs nationaux, de la marge de manoeuvre qu'ils disposent
pour choisir les armes appropriées parmi l'arsenal proposé -
libéralisation, privatisation effréné,
déréglementation, etc., - par le commandement basé
à Washington. Saura-t-on éradiquer la pauvreté en se
contentant d'attaquer des manifestations de surface tout en négligeant
les causes mêmes qui reproduisent le phénomène ? Si oui
les résultats ne pourront être que ce qu'on sait
déjà : ``Les mêmes causes produisent les mêmes effets
et ne produiront que les mêmes résultats''. Ne risque-t-on
pas une perversion de cette lutte en une lutte contre les pauvres
?
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