2 OCCASION DE RACHAT POUR L'ETAT HAITIEN ?
Haïti fait face à une pauvreté structurelle
et endémique. Cette question tire son importance par le fait qu'il
s'agit « d'un phénomène touchant la grande
majorité de la population et non d'un phénomène
résiduel »84. La priorité est donc de
définir des stratégies visant non seulement à
réduire le poids de la
84 MONTAS Rémy, op. cit., p. 7.
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pauvreté mais essentiellement à rompre avec
le cycle de l'appauvrissement continuel au niveau national et à
faire sortir le pays de l'engrenage du « piège international de la
pauvreté »85 tel conçu par
la CNUCED dans son rapport 2002 sur les pays les moins
avancés. Projet combien difficile, si les décisions
continuent d'être prises à l'insu de ceux pour lesquels
elles doivent servir et en absence d'aucun appui des dirigeants.
Il est évident que « les pauvres d'Haïti [ont
] beaucoup de mal à obtenir l'appui de leur gouvernement. Car un tel
appui suppose en effet une restructuration fondamentale des rapports
traditionnels de domination et d'exploitation qui existent entre l'Etat et le
secteur rural dès le débuts du 19ème
siècle »86. S'il parait de nos jours urgent et
indispensable pour l'Etat haïtien d'orienter le développement du
pays dans une direction irréversible, en prenant des décisions
pour fixer des objectifs cohérents sur le long terme, celles-ci ne
peuvent se faire sans l'accord de l'ensemble de la société, tel
qu'il est prescrit dans
la constitution du pays votée en 1987. Ainsi vu, toute
stratégie de politique nationale devrait à priori faire l'objet,
dans la transparence, de débats publics permettant aux plus
démunis de la société de faire entendre leurs voix. Ce
qui, dans une certaine mesure, rejoindrait les recommandations de la Banque
mondiale qui voudraient que la voix des pauvres soit entendue et prise
en compte dans la formulation des politiques. L'Etat haïtien n'a-t-il pas
une occasion de se racheter ?
A travers la nouvelle approche que promeuvent les
institutions internationales de financement, de nouvelles perspectives
semblent être offertes aux pays pauvres de (re)centrer et/ou
(re)définir les actions à mettre en oeuvre, de les
coordonner et de se munir d'un cadre cohérent. En
théorie, elle amène une certaine autonomie dans la conception
des politiques à appliquer pour diminuer la pauvreté que l'on ne
peut mesurer totalement pour l'instant. De ce fait, « la réduction
effective de la pauvreté dépendra de la manière dont
ce dispositif expérimental fonctionne dans la pratique, ou
plutôt de la manière dont l'approche DSRP, qui n'est pas
théorique mais pragmatique, peut être appliquée pour
produire les résultats escomptés »87. Dans le cas
haïtien, et peut-être dans l'ensemble des PMA, il est à
espérer que « les politiques macro-économiques telles
que la croissance, l'inflation les politiques budgétaires,
monétaires et extérieures, ainsi que des politiques
structurelles visant à accélérer la croissance, les
programmes sociaux [pourront] faire l'objet de consultations publiques
»88, tout en
85 Le piège de la pauvreté existe quand
la pauvreté a des effets qui agissent comme des causes de
pauvreté. les causes de pauvreté peuvent être
identifiées à divers niveaux d'aggregation, du micro-niveau (les
caractéristiques d'un ménage ou d'une communauté), au
niveau national
(caractéristiques d'un pays) et jusqu'au niveau mondial
(la nature de l'économie internationale et de ses structures qui
régissent les relations
internationales.
Cinq grandes interactions constituent les aspects
intérieurs du piège de la pauvreté : une
faible productivité ; un accroissement démographique rapide ;
la détérioration de l'environnement ; la faiblesse des
capacités publiques ainsi que des capacités des entreprises
;
l'instabilité et les conflits politiques. Ces facteurs
contribuent directement ou indirectement, à renforcer la pauvreté
généralisée, et celle-ci, à son tour fait que
l'épargne, l'investissement et la productivité restent
faibles.
Cf. CNUCED, Rapport 2002 sur les PMA, Nations-Unies,
Genève, New York, 2002.
86 DEWIND Josh, David KINLEY, Aide à la
migration. L'impact de l'assistance internationale à Haïti,
CIDIHCA, Montréal, 1998, p. 184.
87 CNUCED, Rapport 2002, p. XIV
88 DOURA, op. cit., p. 232.
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admettant que les choix émanant de ces
consultations peuvent aller à l'encontre des attentes des
institutions multilatérales - FMI, Banque mondiale.
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