MEMOIRE DE FIN D'ETUDES
pour l'obtention du diplôme de
MASTER
en management
Option management général
Présenté et soutenu publiquement le 22 Juillet
2006 par
HAMADACHE Karim
hhsk81@gmail.com
THEME :
LE KNOWLEDGE MANAGEMENT (KM) : FONDEMENTS ET GESTION DE
PROJET.
Contribution à l'élaboration d'un projet KM
au Centre de Recherche et de
Développement (CRD) du Groupe SAIDAL
Devant le jury composé de :
M. BOUDJEMA Rachid Docteur en économie
Président du jury
M. BAKALEM Mohamed Docteur en productique
Examinateur
M. BOUYAHIAOUI Nasser Ph.D Finance
Encadreur
Juillet 2006
Préparé à
L'Institut Supérieur de Gestion et de
Planification
Rue Hadj Messaoud Nourredine, BP 179, Bordj El Kiffan,
Alger
Résumé
Le présent travail se veut un
exposé aussi fidèle que possible d'une aventure
intellectuelle et humaine, ce n'est pas une reconstitution après
coup qui donnerait l'apparence d'une linéarité fausse à
une démarche faite d'allers-retours permanents et d'ajustements
fréquents, moyennant l'occultation de certains détails sur nos
motivations réelles et nos objectifs initiaux.
Le point de départ est un intérêt
personnel, emprunt de scepticisme, pour le domaine du Knowledge Management.
Il nous faillait donc approfondir l'examen des notions
fondamentales du domaine. C'est l'objet de la première partie
qui expose les facteurs d'émergence de ce concept et tente
d'appréhender certaines notions de base. L'apparition du KM
comme concept et pratique managériaux, apparaît comme une
réponse aux changements économiques, technologiques et
organisationnels survenus au début des années 90.
L'exposé de ces facteurs fait ressortir l'importance du
renversement paradigmatique en stratégie qui substitua à une
vision basée sur l'analyse
du secteur, une vision basée sur les ressources
et compétences de l'entreprise et par là même permis et
accompagna l'apparition des nouvelles formes organisationnelles en
réseaux. Nous avons ensuite mis l'accent sur les notions de
connaissances et de KM et essayé de montrer la complexité de
l'approche en abordant deux dimensions souvent négligées
dans la littérature, que sont les dimensions cognitive et sociale du
KM.
Une fois les fondements conceptuels examinés,
nous avons abordé la mise en oeuvre des systèmes de gestion des
connaissances à travers les outils et méthodes d'une part et la
méthodologie de gestion des projets KM d'autre part. Ce travail
coïncide avec le début
du stage sur le terrain, il faillait donc s'assurer de
l'apport des outils et des méthodes retenus ainsi que de
l'applicabilité de la démarche. Cela explique les choix
opérés qui nous ont conduit à retenir trois familles
d'outils et de méthodes qui sont : le retour
d'expérience, la modélisation des connaissances et les outils
supports, et la méthodologie proposée par le Guide
Européen des Bonnes Pratiques en KM comme lignes directrices pour mener
notre projet.
Dans la troisième partie nous exposons ce que
nous avons accompli comme travail au Centre de Recherche et de
Développement du Groupe SAIDAL. La faible marge d'intervention
dont nous disposions, une contrainte de temps ainsi que les limites
d'exploration de la méthode de travail ne nous en pas permis d'initier
un projet KM au sein de cette unité. Néanmoins, notre travail a
permis de faire un diagnostic du système d'information actuel et du mode
de gestion des compétences, ce qui a débouché sur une
série de recommandations montrant l'intérêt d'une
démarche KM et les modalités pratiques de sa mise en
oeuvre.
Sur le plan des perspectives de recherche, les
méthodes actuelles d'évaluation des connaissances nous
semblent peu opératoires sur le terrain. Nous envisageons de
contribuer à l'élaboration d'une méthode
orientée vers l'Homme et facile à mettre en oeuvre dans des
contextes différents. Une autre voie qui nous semble
intéressante, chercherait à concevoir une méthode d'aide
à l'innovation basée sur les connaissances,
en approfondissant les bases théoriques
relevant de la philosophie des sciences et des sciences cognitives tout
en ayant une finalité pratique.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE 6
PREMIERE PARTIE: LES FONDEMENTS CONCEPTUELS
8
Chapitre I : les facteurs d'émergence du Knowledge
Management 9
Introduction 9
I. Les facteurs environnementaux 10
1. La mondialisation 10
1.1. Approche d'une définition 10
1.2. Caractéristiques essentielles 10
1.2.1. Le marché mondial 10
1.2.2. La complexité 11
1.2.3. L'incertitude 11
1.3. Implications 11
1.3.1. Implications du marché mondial 11
1.2.2. Implications de la complexité 12
1.2.3. Implications de l'incertitude 15
2. Le développement rapide des technologies de
l'information et de la communication ___ 16
2.1. Caractéristiques 16
2.3.1. La connectivité 17
2.2.2. La personnalisation 17
2.2.3. L'interactivité 17
2.2.4. La variété des signaux 17
2.2. Le compromis entre richesse et connectivité
17
2.3. Les effets potentiels 18
2.3.1. Les effets potentiels sur l'organisation 18
2.2.2. Les effets potentiels sur les avantages compétitifs
20
II. Les facteurs organisationnels 21
1. L'approche basée sur les ressources 21
1.1. Historique 21
1.2. Les notions importantes 22
1.2.1. Les ressources 22
1.2.2. Les compétences 23
1.2.3. Les compétences clefs 23
1.3. Les connaissances et les compétences comme actifs
stratégiques 24
2. Les nouvelles formes organisationnelles 24
2.1. Caractéristiques 24
2.2. Les avantages stratégiques des structures
transactionnelles 25
2.2.1. Spécialisation et accumulation des
compétences 25
2.2.2. Plus forte capacité
d'innovation______________________________________ 25
Conclusion 27
2
Chapitre II : Les notions de base 28
Introduction 28
I. La connaissance 29
1. Les définitions de la connaissance 29
1.1. Typologie des définitions de la connaissance
29
1.2. Les différentes catégories de connaissances
30
1.3. Les modes de conversion des connaissances : la spirale du
savoir 32
1.4. La notion de compétence 33
II. Le Knowledge Management 34
1. Approche d'une définition 34
1.1. Notes sur la définition du KM 34
1.2. Le KM comme une nouvelle approche 37
2. Les enjeux du Knowledge management 37
2.1. L'optimisation des processus 37
2.2. L'aide à la décision en environnement complexe
38
2.3. La valorisation du capital compétences
38
2.4. L'innovation 38
3. La dimension cognitive du KM 38
3.1. Intérêt de l'approche 38
3.2. Les applications possibles 39
3.2.1. Se connaître soi-même 43
3.2.2. Bâtir et manager les équipes 43
4. Les communautés professionnelles 43
3.1. Introduction aux communautés professionnelles
43
3.2. Typologie des communautés professionnelles
43
3.3. Les communautés de pratique (CoP) 44
3.3.1. Importance 44
3.3.2. Quelques difficultés majeures à gérer
les CoP 45
Conclusion 46
DEUXIEME PARTIE : LES PROJETS KNOWLEDGE MANAGEMENT
47
Chapitre III : Outils et méthodes pour le
Knowledge Management 48
Introduction 48
I. Le retour d'expérience 49
1. Généralités 49
1.1. Qu'est ce que le retour d'expérience ?
49
1.2. Objectifs d'un retour d'expérience 49
1.3. Mise en place d'un retour d'expérience
49
2. Exemples 50
2.1. La mémoire à base de cas 50
2.2. L'US Army After Action Review (AAR) 51
2.3. La méthode REX du Commissariat à l'Energie
Atomique (CEA) 52
3
2.3.1. L'objectif du REX 52
2.3.2. Les sources d'expérience et leur manipulation
52
2.4. La méthode MEREX de Renault 53
2.4.1. Les fiches d'expérience MEREX 54
2.4.2. Les acteurs 54
2.4.3. Le rôle de la réunion de capitalisation
55
II. Méthodes pour la modélisation des
connaissances 55
1. Définition et objectifs 55
1.1. Qu'est-ce que la modélisation des systèmes de
connaissances ? 55
1.2. Objectifs 56
2. Exemples 56
2.1. La méthode MKSM du Commissariat à l'Energie
Atomique (CEA) 56
2.1.1. Les objectifs de la méthode MKSM 56
2.1.2. Les fondements de la méthode MKSM 57
2.1.3. La conduite d'un projet MKSM 59
2.2. La méthode KALAM de POLIA Consulting 59
2.2.1. Principe 59
2.2.2. Contexte d'application 59
2.2.3. Mise en oeuvre 60
III. Les outils support 63
1. Présentation 63
1.1. L'offre du marché 63
1.2. Le schéma général d'articulation des
outils support 63
2. Exemples 64
2.1. Le Portail 64
2.2. Le travail collaboratif 64
2.3. La recherche d'information 65
2.4. La gestion documentaire 65
2.5. L'expertise 66
Conclusion 67
Chapitre IV : La gestion des projets Knowledge Management
68
Introduction 68
I. Pourquoi un projet KM ? 69
1. La nécessité de gérer la démarche
KM 69
1.1. Un projet de construction d'un système sociotechnique
69
1.2. La problématique de la construction des
systèmes de gestion des connaissances __ 69
2. Une démarche de conduite du changement 71
2.1. La transition du système actuel vers le
système futur 71
2.1. Application des principes de management du changement
à la gestion des projets
KM 71
II. Les différentes phases d'un projet KM 72
1. Le schéma général d'un projet KM
72
2. Préparation 72
4
3. Diagnostic 73
4. Développement 74
5. Implémentation 75
6. Evaluation/pérennisation 78
III. Acteurs et facteurs de criticité 78
1. Les acteurs du projet KM 78
1.1. Le Chief Knowledge Officer (CKO) 78
1.2. Le Knowledge Manager 80
1.3. Cas des projets Intranet 80
1.3.1. Les instances décisionnaires 80
2. Les facteurs de criticité 83
2.1. Les principaux freins à l'implémentation des
outils KM 83
2.2. Les erreurs à éviter 83
Conclusion 85
TROISIEME PARTIE : Application au CRD
86
Chapitre V : Application de la méthodologie de
gestion de projets KM au processus de
«Conception et de Développement de
Médicaments Génériques» au Centre de
Recherche
et de Développement (CRD) du Groupe SAIDAL
87
Introduction 87
I. Considérations générales 88
1. Méthodologie de travail 88
1.1. L'observation critique 88
1.2. Le questionnaire écrit 88
2. Contexte 89
2.1. Le Groupe SAIDAL 89
2.2. Le CRD 89
2.3. Le processus de «Conception et de
Développement des Médicaments Génériques»
90
2.3.1. Caractérisation du processus 90
2.3.2. Mode de management 91
2.3.3. La coordination des projets 92
2.3.4. Le système de management de la qualité
92
2.4. La gestion des ressources humaine et de la formation
92
II. La démarche KM 93
1. La phase de préparation 93
1.1. Alignement du projet sur la stratégie de l'entreprise
93
1.2. Stratégie de codification ou de personnalisation
94
1.2.1. Réutilisation du travail d'un projet à un
autre 94
1.2.2. Catégorie de connaissances utilisées pour le
travail et la résolution des problèmes
98
2. La phase de diagnostic 101
2.1. Les problèmes majeurs du système d'information
actuel 101
2.1.1. Les problèmes de gestion documentaire
101
5
2.1.2. Les problèmes de gestion des tâches
107
2.1.3. Les problèmes liés à la communication
interne 108
2.2. Repérage des connaissances indispensables au
processus 111
3. La phase de développement 111
3.1. Les outils supports 111
3.2. Les méthodes de retour d'expérience
112
3.3. Les méthodes de modélisation des connaissances
113
4. La phase d'implémentation 113
5. La phase d'évaluation/pérennisation
113
6. Notes sur la gestion des compétences et les
communautés de pratique 113
Conclusion 117
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
118
ANNEXES 119
LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX
125
BIBLIOGRAPHIE 126
6
INTRODUCTION GENERALE
Ce travail a pour intitulé «Le Knowledge
Management (KM) : fondements et gestion de projet. Contribution à
l'élaboration d'un projet KM au Centre de Recherche et de
Développement (CRD) du Groupe SAIDAL».
Comment se construit l'objet de la présente
recherche ? Quels sont les présupposés
épistémologiques qui guident notre travail ? Quelle
méthodologie est envisagée relativement à
la problématique esquissée ? Quel plan, enfin,
avons-nous adopté pour réaliser ce travail ?
Construction de l'objet de recherche
Le point de départ est un intérêt
personnel pour le domaine du KM. Cet intérêt se justifie
notamment par :
Un nombre important de publications qui
dénote de l'intérêt croissant pour ce domaine. La
composition qualitative de ces publications est variée, elle
regroupe à titre d'exemples : les livres (manuels
académiques pour étudiants, livres spécialisés
pour praticiens...etc.), les articles de revues managériales et
économiques (mais aussi
de revues dédiées à l'informatique,
à la psychologie...etc.), les revues spécialisées
dans le KM, les publications dans les forums de discutions physiques et
électroniques, les rapports de comités de travail ou de cabinets
de conseil sans oublier les thèses et
les mémoires de recherche universitaire ;
Un nombre tout aussi important de démarches pratiques
initiées dans des entreprises
de grande envergure et des PME mais aussi dans des
organisations comme les universités, les instituts de
recherche, les ONG, les institutions internationales
(comme La Banque Mondiale) ou encore les Systèmes
Productifs Locaux
(Technopoles, Pépinières d'entreprises...etc.).
Ces projets ont donné des résultats plus
ou moins satisfaisants mais en somme encourageants.
Ils ont permis en tout cas de mieux formaliser la démarche de
gestion des projets KM et de mieux structurer les systèmes de
gestion des connaissances ;
Enfin, un grand nombre d'outils et de méthodes pour
la gestion des connaissances ont été élaborés et
éprouvés.
Ces considérations nous ont conduit à nous
interroger sur la pertinence d'élaborer une démarche KM dans
une unité au sein d'une entreprise algérienne.
L'étape suivante a consisté à soumettre une
proposition de recherche à la responsable du
Système de Management de la Qualité au sein du
Centre de Recherche et de Développement
(CRD) du groupe SAIDAL. Cette proposition consistait en
un thème général, un design provisoire et une
méthodologie sommaire.
Il a été convenu que l'objectif de ce
travail sera de contribuer à l'élaboration d'un projet KM pour
le processus «Conception et Développement de
Médicaments Génériques» au Centre de Recherche
et de Développement (CRD) du Groupe SAIDAL.
7
Les fondements épistémologiques de la
recherche
Notre démarche emprunte ses éléments
aux paradigmes interprétatif et constructiviste, nous nous dotons
ainsi d'une position épistémologique
aménagée1 . Ce positionnement se justifie par
des contraintes pragmatiques. Seul l'objectif final nous guidera
dans la construction de l'objet de notre recherche.
L'objet émane ainsi d'une immersion dans le
phénomène que l'on souhaite étudier à savoir
le système de gestion des connaissances utilisées et
générées dans le processus
«Conception et Développement de
Médicaments Génériques». C'est par cette
immersion dans le contexte du phénomène, que l'on pourra
développer une compréhension de l'intérieur,
et notamment appréhender les problématiques,
les motivations et les interprétations des personnes y
participant. Quelle est la nature des connaissances utilisées et
générées dans les projets de développement de
médicaments génériques ? Quelles représentations
se font les acteurs de ces connaissances ? Quelles sont les
motivations des acteurs à créer, réutiliser,
transmettre ...etc. ces connaissances ?
L'objet précis de la recherche s'élabore au fur
et à mesure que cette compréhension se développe. Dans
cette perspective, l'objet se constituera dans sa forme
définitive de façon quasi concomitante avec l'aboutissement de
la recherche.
Méthodologie de la recherche
Ce travail s'inscrit dans le courant de la «recherche
action». C'est une étude qui vise à contribuer à
l'élaboration d'une démarche pour la gestion des
connaissances. Comme méthode de production de données, nous
avons choisi d'utiliser l'observation critique et l'administration d'un
questionnaire écrit. L'analyse des données sera faite de
manière qualitative et devra donner un éclairage sur le
système d'information actuel et les principaux problèmes qu'il
rencontre.
Plan de travail
Le présent travail s'articule comme suite :
La première partie abordera les
fondements conceptuels, elle est divisée en deux chapitres :
le chapitre I, sera consacré aux facteurs
d'émergence du KM, alors que le chapitre II, examinera les
notions de bases.
La deuxième partie traitera des projets
KM en deux chapitre : le chapitre III consacré aux outils et
méthodes, et le chapitre IV consacré à la gestion des
projets KM.
La troisième partie exposera notre
travail sur le terrain, elle abordera dans le chapitre V
notre démarche pour l'application de la
méthodologie de gestion de projets KM au processus
de «Conception et de Développement de
Médicaments Génériques» au Centre de
Recherche
et de Développement (CRD) du Groupe SAIDAL.
1 Girod-Séville M. et Perret V.,
Fondement épistémologiques de la recherche, in
Méthodes de recherche en management, Dir. de
Thiétard R-A., Dunod, Paris, pp.13-33, 2004.
8
PREMIERE PARTIE
LES FONDEMENTS CONCEPTUELS
9
Chapitre I : Les facteurs d'émergence du KM
Introduction
Ce premier chapitre traitera des facteurs
d'émergence du KM. Nous essayerons d'expliquer l'apparition du
KM comme concept et pratique, à la lumière des
changements économiques, technologiques et organisationnels
survenus au début des années 90.
Pour rendre l'exposé de ces facteurs plus
facile, nous avons choisi de traiter des facteurs environnementaux et
organisationnels séparément. Bien que la distinction entre
l'organisation et son environnement ne soit plus pertinente,
compte tenu de la malléabilité des frontières
entre les deux, elle reste cependant intéressante sur le plan
pédagogique pour traiter succinctement des implications de chaque
facteur sur le phénomène étudié.
Il importe aussi de remarquer que ces facteurs
s'influencent mutuellement de manière complexe. Cela rend
l'explication de certains phénomènes en terme de causalité
linéaires impossible.
Nous exposerons donc les facteurs environnementaux
qui sont la mondialisation
(I.1) et le développement rapide des
technologies de l'information et de la communication (I.2), puis les facteurs
organisationnels qui sont l'approche basée sur les ressources (II.1) et
l'apparition de nouvelles formes organisationnelles (II.2).
10
En 1997, à l'occasion du 75ème
anniversaire de la Harvard Business Review, les
éditeurs avaient choisi de donner la parole à cinq des plus
influents penseurs en management1 pour parler des problèmes
et challenges des dirigeants en ce début de siècle.
On pouvait lire dans la présentation, faite par les
éditeurs, de ces contributions : «ce qui est peut être le
plus intéressant à propos de leurs commentaires, c'est comment
chaque penseur, à
sa manière, a identifié les challenges
comme étant moins techniques ou rationnels que culturels :
Comment gérer [lead] les organisations qui créent
et enrichissent le savoir ? Comment savoir quand laisser nos machines de
coté et compter sur l'instinct et le jugement ? Comment vivre dans un
monde où les compagnies n'ont jamais une visibilité croissante ?
Et comment maintenir, en tant qu'individus et organisations, notre
habilité à apprendre ? Le défi permanent que les
dirigeants doivent relever n'est pas la technologie, mais comme le
suggèrent leurs observations collectives, le management humain - et
humanitaire»2 .
Voici une tentative de cerner les tendances essentielles de ce
qui est qualifié de Société du
Savoir et de son économie.
I. Les facteurs environnementaux
1. La mondialisation
1.1. Approche d'une
définition3
«La mondialisation est un processus non linéaire
d'uniformisation, d'homogénéisation,
de standardisation planétaire des actes de produire, de
consommer et de répartir».
«Dans une formulation moins savante, le contexte
mondialisé d'aujourd'hui rend compte
de l'importance du degré de contagion internationale des
principes mouvants de l'économie libérale».
1.2. Caractéristiques
essentielles4
1.2.1. Le marché mondial
La mondialisation du marché signifie, qu'en
principe, tout acteur économique peut exercer son activité
à n'importe quel endroit de la planète dans les
mêmes conditions. Si l'établissement d'un tel marché
n'est pas encore accompli, il n'existe aucune certitude non plus sur sa
fatalité. Néanmoins, quelques tendances sont assez
caractéristiques :
La constitution de grands ensembles régionaux (UE,
ALENA ...etc.) ;
L'accroissement du volume des échanges commerciaux
internationaux ;
1 Il s'agit de : Peter F. Drucker, Esther
Dyson, Charles Handy, Paul Saffo et Peter M. Senge.
2 Drucker P F., Dyson E., Handy C,
Saffo P et Senge P M., Looking Ahead: Implications of
the Present, Harvard Business Review, Boston, Septembre-Octobre, 1997,
p.18.
3 Adapté de : Boudjema R.,
La mondialisation : concept et réalité. Les
Cahiers du CREAD, Alger, n°61, 3ème
trimestre 2002, pp.49-69.
4 Adapté de Boudjema R.,
Cours de stratégie à l'international, document
de lecture, ISGP, Alger, 2006.
11
L'apparition d'acteurs agissants à un nivaux global,
échappant ainsi au contrôle des
Etats. Ce sont les firmes transnationales, les institutions
financières internationales et
la mafia internationale ;
Le développement des moyens de communication et de
transport.
Pour les entreprises, cela signifie que le marché
mondial est érigé en moteur de la croissance durable.
Remarque 1 : les conditions du
marché dépassent le cadre d'une législation des
affaires, le marché mondial suppose surtout une
homogénéisation des manières d'être et de
consommer.
Remarque 2 : la standardisation
brutale imposée par le processus de mondialisation soulève des
résistances caractérisées par la résurgence des
nationalismes et des régionalismes ainsi que par
l'apparition de nouveaux types de communautés réclamant le
droit à la différence
(alter mondialistes, gays...etc.)
Remarque 3 : ces courants qui
s'opposent à l'hégémonie du standard, alimentent
encore plus la mondialisation.
1.2.2. La complexité
Caractérisée par le nombre élevé
de produits, de segments de marché, de technologies, de canaux de
distribution et de communication et d'acteurs économiques.
La relation qu'entretiennent ces éléments est aussi complexe
puisqu'elle n'est ni causale ni unique. L'une des conséquences de ce
phénomène est le raccourcissement du cycle de vie du produit avec
introduction rapide de nouveaux produits et obsolescence
accélérée des anciens.
1.2.3. L'incertitude
C'est l'impossibilité de prévoir les changements
qui se produisent dans l'environnement ainsi que les résultats des
actions de l'entreprise dans celui-ci. De plus en plus, l'incertitude porte sur
le court terme _si ce n'est sur le présent. L'entreprise ne peut plus
prétendre à une intelligence suffisante des situations de gestion
ou à une connaissance entière de l'information indispensable. Du
même coup, la planification stratégique perd de sa
substance dans un environnement incertain.
1.3. Implications
1.3.1. Implications du marché mondial
Pour une firme qui doit coordonner ses activités
au niveau mondial, un système d'information performant est
nécessaire. Il doit répondre notamment à ces challenges
:
Assurer la communication entre des filiales
géographiquement dispersées afin de créer une
synergie pour pouvoir profiter des économies d'échelle,
produire à moindre coût et conquérir des parts de
marché ;
Etre à l'écoute des différents
acteurs : clients, fournisseurs, autorités locales, ONG...etc.
;
Répondre aux impératifs de veille
technologique, concurrentielle et commerciale.
12
Si ces impératifs semblent plus puissants pour
des firmes globales, les entreprises agissant localement ne sont pas
dispensées de telles préoccupations. Elles ne peuvent
faire l'économie d'une vision globale de leur environnement qui passe
par la mise en place d'un système d'intelligence économique.
1.3.2. Implications de la complexité
Pour répondre au raccourcissement du cycle de vie des
produits et afin d'introduire de nouveaux produits plus rapidement les
entreprises performantes ont recours à deux stratégies :
a. L'innovation :
La R&D est considérée comme le lieu
par excellence de production de l'innovation. Selon le courant de
l'information processing view, la R&D a pour fonction de
transformer les données de la technologie et du marché en
nouveaux produits et nouvelles connaissances5 . Les
connaissances sont au coeur des activités de R&D, elles en
constituent les «entrées» et les
«sorties»6 . La dimension cognitive de ces
activités est fondamentale et elles ont pu, à ce titre,
être caractérisées en tant qu'activités de
«traitement cognitif»7 . Pour certains auteurs, la
R&D
peut être considérée comme un système
d'apprentissage8 . De façon plus générale,
Rothwell R. définit l'innovation comme un «processus d'accumulation
de savoir-faire»9 .
Le nombre des technologies parmi lesquelles une
entreprise doit faire un choix a augmenté
considérablement. Les bases technologiques pour une
industrie changent rapidement et de manière
imprévisible. Dans beaucoup d'industries le spectre des
technologies à prendre en compte pour un produit donné est de
plus en plus large. Aucune compagnie aujourd'hui ne peut faire de la
recherche dans toutes les disciplines pertinentes comme l'avait fait IBM
et AT&T dans les années 1970 et au début des années
1980.
Au même moment, les sources des nouvelles
technologies ont proliférées. Toute compagnie doit rester
à l'écoute de ces sources et toutes les compagnies
doivent contrôler constamment les endroits d'où pourrait venir la
prochaine révolution technologique.
Le jeu compétitif a changé : l'avantage va souvent
aux entreprises qui savent choisir entre
un nombre important d'options technologiques et pas
nécessairement à celles qui les créent10 .
5 Tushman M L. et Moore P.,
Readings in the management of innovation, Ballinger publishing
company, 1988,
Moenaert R K. et Souder W E., An analysis of
the use of extrafunctional information by R&D and marketing personal:
review and model, Journal of Product Innovation Management, 1991,
cités par Simoni G., Capitaliser
les connaissances générées dans les
projets R&D, document de travail, LEST-CNRS, UMR 6123, p.3,
disponible sur Internet.
6 Simoni G., ibid.,
p.4.
7 Zhang T., Facteurs
déterminants de la performance des projets de recherche et
développement : Un modèle intégrateur et un
système à base de connaissances. Thèse de
doctorat en sciences de gestion, Programme
doctoral IAE/ESSEC, sous la direction de Tarondeau J. C.,
1994, cité par Simoni G., ibid.,
p.4.
8 Carlsson B., Kean P. et Martin
J., R&D organizations as learning systems, Sloan
Management Review,
1976, pp.1-16, cité par Simoni G.,
ibid., p.4.
9 Rothwell R., Industrial
Innovation: Success, Strategy, Trends, In Dogson M. et
Rothwell R. (ed.), The handbook of industrial innovation,
1994, cité par Simoni G., ibid., p.4.
10 Adapté de Iansiti M. et West
J., Technology Integration: Turning Great Research into
Great Products,
Harvard Business Review, Boston, May-June 1997, pp.69-79.
13
b. La flexibilité :
La flexibilité se veut une réponse à
la complexité et à l'incertitude. Elle concerne les
structures organisationnelles et les processus de développement de
nouveaux produits. C'est
ce deuxième point qui sera abordé
maintenant, le premier fera l'objet d'un long développement
dans la section consacrée aux nouvelles formes organisationnelles.
L'environnement actuel confronte le processus de
développement des nouveaux produits
à des challenges sans précédents dans
l'histoire récente. Les besoins du marché que le produit doit
satisfaire et les technologies qu'il doit utiliser peuvent changer radicalement
alors même que le produit est en phase de développement.
Un processus de développement flexible permet d'incorporer
rapidement et à moindre coût les changements de la
demande et de la technologie dans le design jusqu'au moment le plus tardif
avant le lancement du produit.
Dans l'approche traditionnelle, le futur produit est
conçu, développé et transféré à
la production selon des phases bien articulées et séquentielles.
Typiquement, le processus débute par la détermination des
besoins du client et le choix de la technologie, les
spécifications détaillées sont arrêtées et
approuvées. A ce moment l'attention se tourne vers la transposition
industrielle et les modifications se réduisent au minimum.
Au contraire, dans un processus flexible, tout engagement ferme
sur les caractéristiques
du produit est retardé au maximum. Les phases de
conception et de transposition se chevauchent au lieu de se suivrent. Ce
qui permet d'intégrer les nouvelles données du marché
et de la technologie et opérer des changements
moins coûteux11 . (Voir figure 1 : Deux approches pour le
développement des produits).
11 Adapté de Iansiti M. et MacCormack
A., Developing Products on Internet Time, Harvard Business
Review, September-October 1997, pp 109-117.
14
Figure 1: Deux approches pour le développement des
produits
Approche Traditionnelle
Début du projet Arrêt de la conception
Introduction sur le marché
Conception
Transposition
Temps de conception Temps de réponse
Lead time total
Approche Flexible
Début du projet Arrêt de la conception
Introduction sur le marché
Conception
Transposition
Temps de conception Temps de réponse
Lead time total
La rapidité est un concept subtil dans ce
modèle. Le lead time total _le temps pour atteindre les objectifs
du projet_ est clairement important mais les temps de conception et
de réponse sont importants en eux-mêmes.
Le temps de conception est la fenêtre d'opportunité pour
inclure de nouvelles informations et optimiser l'adéquation entre
la technologie et son application. Le temps de réponse est le
temps où cette fenêtre est fermée, l'architecture du
produit est arrêtée et le projet est incapable de
réagir aux nouvelles informations. Bien que le lead time soit
approximativement le même dans les deux processus, l'approche flexible a
un temps de réponse plus court et elle est préférable dans
un environnement changeant.
Source: Iansiti M. et MacCormack A.,
Developing Products on Internet Time, Harvard Business
Review, September-October 1997, p 110.
15
1.3.3. Implications de l'incertitude
Nous soutenons que l'incertitude qui caractérise
l'action d'une entreprise dans son environnement est due à son
incapacité d'élaborer une représentation adéquate
d'elle-même et
de cet environnement, représentation qui
rendrait compte des relations de causalité qu'entretiennent
les différents éléments du système
entreprise-environnement.
Le développement des représentations de
l'entreprise dans la science économique a conduit progressivement
à la considérée comme une machine de traitement de
l'information12 . «Ainsi s'est développée
l'image implicite d'une organisation dotée d'un corps physique (la
structure) dans lequel circuleraient, en y subissant divers traitements, des
flux d'information multiples et changeants»13 . Le
fonctionnement optimum de cette machine suppose qu'elle crée une
représentation fidèle de son environnement en respectant
les conditions économiques du marché, c'est-à-dire un
traitement rapide, voir instantanée du plus grand nombre d'informations.
Cette double description en termes physique et informationnel n'est pas sans
rapport avec la conception du problème du rapport du corps et de
l'esprit et de
la solution qu'on en donne. Nous verrons que c'est la
prévalence des solutions matérialistes qui constitue le fondement
philosophique de cette représentation.
«La conception informationnelle de l'entreprise
envisage le traitement de l'information comme un processus ascendant :
les éléments d'information disponibles sont collectés
et assemblés de manière à produire du
sens»14 . On trouve des éléments explicites
de cette conception dans le «modèle du système humain de
traitement de l'information» de Newell A.
et Simon H.15 , le «processus de prise
de décision» de Simon H.16 ou encore le
«modèle économique de gestion de l'information» de
Reix R.17 Cette conception ascendante du processus
informationnel est en rapport direct avec les thèses
computo-représentationnelles
qui ont prévalu en psychologie cognitive et en
intelligence artificielle (IA) symbolique. Pour s'en convaincre, rappelons que
Simon H., prix Nobel d'économie, est l'un des fondateurs de ces deux
disciplines.
Une nouvelle approche cognitive de l'entreprise s'est
développée depuis quelques années. Cette approche se
propose d'expliquer le rapport entre la «réalité
extérieure» et la «réalité
intérieure» de l'entreprise. Les bases de ce nouveau
paradigme se trouvent dans les développements récents en
sciences cognitives et qui se traduisent par le passage :
D'une solution matérialiste du problème
du rapport du corps et de l'esprit à une solution
fonctionnaliste largement admise ;
D'une vision computo-représentationnelle de
la pensée humaine à une vision connectionniste.
12 Voir sur ce point Le Moigne
J-L., Les systèmes de décision dans les
organisations, PUF, Paris, 1974, reprenant les travaux de
Galbraith J., Organization Design. An information
processing view. Sloan working
paper, Cambridge, Mass. M.I.T, 1969, cité par
Dupuy Y., Kalika M., Marmuse E. et Trahand J., Les
systèmes
de gestion, Vuibert, Paris, 1989.
13 Laroche H., L'entreprise
close : une approche cognitive, in Dedans, Dehors,
Coordonné par Besson P.,
Vuibert, Paris, 1997, p.171.
14 Laroche H., ibid.,
p.174.
15 Newell A. et Simon H.,
Human Problem Solving, Printice-Hall, Englewood Cliffs, NJ, 1972,
reproduit par
Reix R., Systèmes d'information et
management des organisations, Vuibert, Paris, 4ème
édition, 2004, p.23.
16 Simon H., Administration et
processus de décision, Economica, Paris, 1983, reproduit par
Reix R., ibid., p.13.
17 Reix R., ibid., p.32.
16
D'une IA symbolique à une IA connectionniste18
.
Selon la conception de l'école cognitive,
l'esprit impose une interprétation de l'environnement, il
construit son univers. Cette construction se fait selon des structures
mentales dites schémas, terme le plus utilisé en psychologie ou
encore cartes, terme utilisé par Weick K E.19 . Huff
opère une distinction entre cartes cognitives qui identifient les
facteurs essentiels pour le dirigeant et celles qui indiquent les rapports
entre ces facteurs20 .
Cette construction est aussi sociale. L'hypothèse
sous-jacente est que personne dans l'entreprise ne «voit»
l'environnement, c'est l'organisation qui le construit à
partir d'informations riches et ambiguës. On trouve un bon exemple dans
les travaux de El Sawy O
A. et Pauchant T C.21
Pour la stratégie de l'entreprise, les implications
sont nombreuses. Nous proposons quelques points ci-dessous22
:
Abandonner la règle selon laquelle
l'organisation devrait s'adapter à son environnement. Dans un
secteur donné, le dirigeant ne peut se contenter de s'adapter aux
tendances : ce sont ses actes qui font la tendance ;
Repenser les contraintes, les menaces et les occasions
;
Envisager différemment le rôle de la
stratégie comme acte d'imagination et de création ;
Créer le contexte. En répondant à
des questions tels que : qui sommes-nous ? Sur quoi mettons-nous l'accent
? Que faisons-nous ? Que ne faisons nous pas ?
Favoriser des réalités multiples par de
nouvelles interprétations de faits connus ;
Tester et expérimenter.
2. Le développement rapide des technologies de
l'information et de la communication
(TIC)
2.1. Caractéristiques23
L'énorme impact des TIC sur la Société
moderne est incontestable. Mais il est intéressant
de constater avec Solow R. que l'on voit l'informatique
partout aujourd'hui, sauf dans les statistiques de
productivité24 . Il importe donc de cerner les
propriétés distinctives des TIC afin
de comprendre leur apport potentiel.
18 Pour une introduction à ces questions,
voir par exemple : Andler D., Introduction aux sciences
cognitives, Gallimard, Paris, 1992 et 2004.
19 Weick K E., Cartographic
Myths in Organisations, in Huff A S. (dir.), Mapping
Strategic Thought, Wiley, NY, 1990, pp1-10, cité par
Mintzberg H., Alstrand B. et Lampel J., Safari en pays
stratégie. L'exploration des
grands courants de la pensée stratégique,
Village Mondial, Paris, 1999, p.169.
20 Huff A S. (dir.), opus
cité, dans Mintzberg H., Alstrand B. et Lampel J.,
ibid., p.170.
21 El Sawy O A. et Pauchant T C.,
Triggers, Templates, and Twitches in the Tracking of Emerging of
Strategic
Issues, Strategic Management Journal, n° 9,
September-October 1988, pp. 455-474, rapporté par Mintzberg H.,
Alstrand B. et Lampel J., ibid., p.177.
22 Adapté de Smiricich L. et Stubbart
C., Strategic Management in an Enacted World, Academy of
Management
Review, 10, 4, 1985, pp 724-736, adapté par
Mintzberg H., Alstrand B. et Lampel J., ibid.,
p.180.
23 Adapté de Evans P B. et Wurster T
S., Strategy and the New Economics of Information, Harvard
Business
Review, Sept-Oct 1997, p.73.
24 Cité par Prax J-Y., Le
manuel du Knowledge Management, Dunod, Paris, 2003, p.7.
17
2.1.1. La connectivité
Il s'agit du nombre d'éléments d'un
réseau d'information. Les TIC permettent d'augmenter
considérablement ce nombre.
2.1.2. La personnalisation
C'est le degré d'adaptation du message à la
cible. Il est possible avec les TIC de personnaliser le message à
un coût faible.
2.1.3. L'interactivité
C'est la possibilité d'interaction entre les
éléments du réseau d'information. On peut grâce
aux TIC faire interagir un nombre important d'éléments
de manière synchrone ou asynchrone.
2.1.4. La variété des signaux
On peut grâce aux TIC transmettre une grande
variété de signaux par un même canal en un temps
réduit.
2.2. Le compromis entre richesse et
connectivité25
Les trois derniers critères définissent la
richesse d'une situation d'information. Elle est d'autant plus riche
qu'elle est personnalisée, interactive et permet la transmission d'un
grand nombre d'information à la fois.
Dans l'économie traditionnelle, la
difficulté consiste à résoudre le compromis entre
richesse et connectivité. Plus un message est riche moins il
peut atteindre de cibles. La situation la plus riche est certainement le
dialogue, mais c'est la situation qui implique le plus petit nombre
d'éléments. Un message publicitaire sur une chaîne de
télévision atteint un grand nombre de personnes mais sa
richesse en informations est très faible. (Voir figure 2 : La
traditionnelle économie de l'information).
25 Adapté de Evans P B. et Wurster T
S., ibid., p.37.
18
Figure 2: La traditionnelle économie de
l'information
Richesse
(personnalisation, interactivité, variété
des signaux)
Compromis traditionnel
Connectivité
Source: Evans P B. et Wurster T S., Strategy
and the New Economics of Information, Harvard Business
Review, Sept-Oct 1997, p. 74.
L'émergence de nouveaux standards techniques dans le
domaine des télécommunications
et la dérégularisation du secteur ont permis une
connectivité sans précédant entre des zones
géographiquement très éloignées mais surtout avec
une richesse d'information qui ne diminue
en rien cette connectivité.
2.3. Les effets potentiels
Nous parlons ici d'effets potentiels car l'usage d'une
technologie déterminée ne produit pas automatiquement les
mêmes effets quelle que soit l'organisation qui l'utilise et les
conditions d'utilisation.
2.3.1. Les effets potentiels sur
l'organisation26
a. Participation au processus de
décision
Le nombre de participants au processus de
décision et leur variété (rang hiérarchique,
clients, fournisseurs...etc.) se trouvent augmentés grâce à
une meilleure communication. Cet effet sera plus ou moins important selon que
la technologie sera capable ou non de transmettre une information d'un niveau
de richesse adapté aux besoins de l'utilisateur.
b. Intelligence des problèmes
L'identification des problèmes avec rapidité
et précision est améliorée avec le nombre
élevé de données récoltées, leur
rapidité de traitement et une meilleure communication. Au même
moment l'éventail des solutions connues devient plus large.
26 Adapté de Reix R.,
ibid., pp.84-90.
19
c. Rapidité et qualité des
décisions
Ces deux effets résultent notamment d'une meilleure
intelligence des problèmes ce qui réduit l'incertitude sur
l'action.
d. Nature et utilisation de la mémoire
organisationnelle
L'énorme capacité de stockage qu'offrent les
technologies, la possibilité de structurer les données
(indexation, arborescence...etc.) et la facilité d'interrogation
parfois même en langage naturel, améliorent la qualité de
la mémoire organisationnelle et en facilite l'accès.
e. Morphologie de la structure
Avec l'introduction des TIC, on observe une
diminution du nombre de niveaux hiérarchiques. Ce qui s'explique
par :
Les possibilités de coordination accrues par la
facilité de communication et de traitement ;
Les possibilités accrues de communication directe
entre niveaux hiérarchiques ce qui supprime le rôle des niveaux
intermédiaires ;
La spécialisation et l'enrichissement des
tâches qui permettent une plus grande autonomie vis-à-vis de
la hiérarchie.
f. Degré de
centralisation-décentralisation
Paradoxalement, l'utilisation des TIC plaide en faveur de
l'une comme de l'autre de ces solutions. Il n'y a pas de déterminisme
technologique sur ce point, mais le management doit savoir tirer profit de
cet avantage en cadrant l'utilisation des TIC avec les avantages
compétitifs que procure chaque mode d'organisation.
En permettant aux cadres de niveau supérieur
d'obtenir plus vite et de manière plus précise des
informations sur les problèmes locaux, en les assistant à traiter
plus vite et mieux
de grandes quantités d'information, les TIC autorisent le
transfert de décisions aux niveaux hiérarchiques
supérieurs.
Par ailleurs, une meilleure communication permet aux
cadres de niveaux inférieurs de mieux comprendre le contexte
général de la prise de décision.
g. Coordination, formalisation et
standardisation
La coordination par supervision directe et ajustement mutuel est
améliorée grâce à une meilleure communication
verticale et horizontale.
La formalisation des procédures et la standardisation
des formats des données répondent à des impératifs
techniques des outils technologiques et notamment des logiciels. Cependant, le
progrès technique tend à rendre plus convivial et plus souple
l'usage de ces technologies, cet effet formalisateur pourrait donc être
amené à diminuer.
20
h. Spécialisation des tâches
D'une manière générale, le recours aux
TIC modifie l'éventail des spécialisations dans l'organisation
en faisant apparaître de nouvelles tâches et en
éliminant, souvent par automatisation, d'autres.
i. Enrichissement des tâches et
contrôle
L'effet d'enrichissement des tâches s'explique par
les possibilités de diagnostic des logiciels et les
différentes formes d'assistances offertes par ceux-ci (CAO,
PAO...etc.). Le sentiment d'un contrôle exercé par la
hiérarchie résulte des possibilités accrues de
surveillance et de la traçabilité quasi parfaite des
informations.
j. La relation au métier
Les outils technologiques deviennent un intermédiaire
entre le travailleur et la tâche qu'il exécute. Dans ce cas, la
capacité de traiter des données abstraites devient
déterminante.
2.3.2. Les effets potentiels sur les avantages
compétitifs27
a. Fragmentation de la chaîne de valeur
La fragmentation de la chaîne de valeur en plusieurs
segments ayants chacun sa propre source d'avantage compétitif. Les
possibilités de reconfiguration deviennent plus nombreuses par la suite
ce qui crée plusieurs chaînes interconnectées.
b. Des économies d'échelle sur la
connectivité
La connectivité accrue dans un réseau
crée des économies d'échelle importantes. Il ne sert
à rien d'avoir un téléphone si on est le seul
à l'avoir, par contre plus le nombre d'utilisateur augmente plus
le coût d'accès diminue.
Ce phénomène crée souvent une
situation de monopole pour l'élément du réseau qui
capte le plus grand nombre de connections. D'où l'importance
d'imposer un standard qui oblige les autres à se conformer, cela
passe souvent par la rapidité d'accès au marché.
c. De nouvelles opportunités pour des
activités dématérialisées
Beaucoup d'activités
dématérialisées ont pu voir le jour et
proliférer à la faveur des possibilités de
communication et de stockage offertes par les TIC. On peut citer pour
exemple
les livres électroniques.
d. De nouvelles stratégies pour l'image de
marque
Parce que l'image de marque reflète la
chaîne de valeur d'une entreprise, sa reconfiguration
entraîne un changement des propriétés perçues par
les clients. Une banque qui
27 Adapté de Evans P B. et Wurster T
S., ibid., pp.71-82.
21
se focalise sur le paiement électronique ne peut plus
faire valoir la qualité de l'accueil comme image de marque mais devra
privilégier les arguments de sécurité et de
rapidité.
e. De nouvelles opportunités pour des parties
tierces
Des parties tierces qui ne fabriquent aucun produit ni ne
délivrent de service à la base, peuvent trouver de nouvelles
opportunités. C'est le cas des moteurs de recherche avec le
succès qu'on leur connaît.
f. Le pouvoir de négociation peut
changer
Cet effet résulte de l'incapacité à
monopoliser l'information. Même si ce n'est pas toujours le cas,
on observe souvent un renversement dans la capacité à
monopoliser l'information. Dans le cas des plates-formes d'achat
électroniques, ce sont les clients, de part leur nombre réduit
qui font jouer la concurrence entre des fournisseurs nombreux qui
manquent d'informations. Au contraire, sur les portails
spécialisés, les fournisseurs contrôlent l'information que
les millions de clients ne peuvent avoir.
g. Diminution du coût de changement pour le
client
Pour une grande part due à la standardisation et à
l'échange informatisé des données. Ce qui oblige les
entreprises à trouver de nouvelles manières de fidéliser
les clients.
II. Les facteurs organisationnels
1. L'approche basée sur les ressources
1.1. Historique
Différents auteurs s'accordent à faire
remonter l'origine de la théorie aux travaux de Penrose E.28
. Son questionnement de départ consistait à se demander
comment des firmes qui exercent des activités similaires au sein d'un
même environnement peuvent être différentes du point de vue
de leurs performances. Selon elle, les entreprises sont «dotées de
beaucoup plus d'attributs que ceux possédés par la firme
néo-classique, et la pertinence de ces attributs n'est
pas adéquatement représentée par les courbes
de coûts et revenus»29 .
Si toutes les entreprises avaient les mêmes
ressources alors elles développeraient et créeraient les
mêmes produits et services. La compétition ne se baserait alors
plus que sur le prix. Les entreprises auraient sensiblement les mêmes
performances, profits, investissements
et problèmes30 . L'entreprise est alors
envisagée comme une large série de ressources qui font
sa singularité. C'est l'énorme étendue de
ces ressources qui explique la différence entre les performances des
firmes.
28 Voir par exemple : Chauvet V.,
Les facteurs de l'émergence du knowledge management
: changements environnementaux, technologiques et organisationnels,
CEROG-IAE d'Aix-en-Provence, w.p. n° 626, Janvier
2002, p.5, disponible sur Internet. Simoni G.,
ibid., p.1. Mintzberg H., Alstrand B. et Lampel
J., ibid., p.280.
29 Penrose E., The theory of
growth of the firm, New York, John Wiley, 1959, cité par
Simoni G., ibid., p.1.
30 Chauvet V., ibid.,
p.5.
22
Wernerfelt B.31 développe la théorie
basée sur les ressources, mais ses idées n'ont pas eu
un grand écho à cause de la conception dominante en
stratégie qui se basait sur l'analyse de l'environnement. L'essor de
l'approche advient avec les travaux de Prahalad K. et Hamel G.
1.2. Les notions importantes
La théorie en elle-même n'est pas un ensemble
homogène de notions interdépendantes. Il convient plutôt
de parler d'un courant de pensée qui regroupe plusieurs travaux
qui se caractérisent essentiellement par l'insistance sur les
ressources internes de l'entreprise32 . Pour
les besoins de cet exposé, nous traiterons des notions les
plus importantes élaborées par ce courant.
1.2.1. Les ressources
Pour Barney J., les ressources d'une entreprise sont
«les actifs, capacités, processus organisationnels,
informations, connaissances...etc., contrôlés par l'entreprise
et qui lui permettent de concevoir et mettre en oeuvre ses
stratégies»33 . «Ce qui unit ces ressources en
un système unique, c'est un réseau
d'interprétations partagées. C'est cela qui maintient,
renouvelle et modèle les ressources»34 .
Plusieurs typologies des ressources de l'entreprise ont
été proposées. Nous avons retenu celle proposée
par Puthod D. et Thévenard C. parce qu'elle nous semble
particulièrement intéressante pour la gestion de ces
ressources.
Tableau 1: Une typologie des ressources de
l'entreprise
|
Nature des ressources
|
Tangibles
|
Intangibles
|
Séparabilité de l'organisation
|
Ressources séparables
|
Ressources physiques (terrains, équipements, machines).
|
Compétences individuelles.
|
Ressources dépendantes de
l'organisation
|
Ressources financières.
|
Réputation, marques, brevets, licences, réseau de
relations, culture d'entreprise, informations, savoir- faire technologique.
|
Source : Puthod D. et Thévenard C.,
L'avantage concurrentiel fondé sur les ressources : une illustration
avec
le groupe Salomon, Gestion 2000, n°3, Mai-Juin
1999, pp.135- 154.
31 Wernerfelt B., A
resource-based view of the firm, Strategic Management Journal, n° 5,
1984, pp. 171-180, cité par Mintzberg H., Alstrand B. et Lampel
J., ibid., p. 280-281.
32 Mintzberg H., Alstrand B. et Lampel
J. traitent séparément de la théorie
basée sur les ressources et des travaux de Prahalad et Hamel. Voir
leur note p.281, opus cité.
33 Barney J., Firm resources
and sustained competitive advantage, Journal of Management, vol. 17,
n° 1, 1991, pp. 99-120, cité par Mintzberg H., Alstrand B.
et Lampel J., ibid., p.282.
34 Mintzberg H., Alstrand B. et Lampel
J., ibid., p.282.
23
1.2.2. Les compétences35
La compétence constitue la capacité de
l'entreprise à favoriser l'utilisation et la transformation
des ressources en fonction d'objectifs prédéfinis, pour maintenir
et améliorer
sa position concurrentielle36 . Il est difficile
d'expliciter la relation exacte entre ressources et compétences.
«Cependant, on trouve chez plusieurs auteurs un consensus sur
l'idée que les compétences proviennent de la combinaison de
plusieurs ressources»37 .
1.2.3. Les compétences clefs (compétences
de base) [core competences]
Les compétences clés sont définies
comme résultant de «l'apprentissage collectif de
l'organisation, spécialement de la façon dont sont
coordonnées différentes compétences de production et
dont sont intégrées de multiples courants
technologiques»38 . Cela exige
«communication, participation et une forte
volonté de travailler en dépassant les frontières
organisationnelles. Les compétences sont l'adhésif qui
attache ensemble les activités existantes. C'est aussi le moteur
pour le développement de nouvelles activités»39
.
Comment une entreprise identifie-t-elle ses
compétences de base ? Plusieurs méthodes d'évaluation
ont été décrites. Pour Barney J. une compétence
clé doit être : évaluable, rare, inimitable et non
substituable40 . Puthod D. et Thévenard C. ne posent pas
comme condition l'évaluabilité mais rajoutent aux trois autres
critères la pertinence et la non transférabilité41
. Prahalad C K. et Fahey L. proposent trois ensembles de
questions mettant en lumière les caractéristiques des
compétences clés :
1. La compétence est-elle une source
significative de différenciation concurrentielle ?
Génère-t-elle des bénéfices et une valeur distincts
pour les clients ? Les compétences
de base se manifestent aux clients sous la forme des
produits de l'entreprise et de leurs attributs.
2. La compétence déborde-t-elle de
son seul secteur d'activité ? Couvre-t-elle un ensemble
d'activités, actuelles et nouvelles ? Une compétence de base
devrait donner accès à plusieurs marchés.
3. La compétence est-elle difficile à imiter
? Est-il difficile à des tiers d'apprendre ce que fait l'entreprise et
comment elle le fait42 .
35 Il s'agit d'aborder ce concept sous l'angle de
la stratégie, en GRH ce concept est activé différemment.
Voir
sur ce point : Cadin L., Faut-il sortir la
GRH de ses frontières ?, in Dedans, Dehors,
Coordonné par Besson P.,
Vuibert, Paris, 1997, p.72.
36 Chauvet V., ibid.
37 Simoni G., ibid., p.2,
elle cite : Tarondeau J.C., Le management des
savoirs, PUF, Collection Que sais-je ?,
1998. Puthod D., Un modèle
d'exploitation des compétences dans le contexte de l'organisation et de
la décision,
7ème Conférence de l'Association de Management
Stratégique, 27-28 Mai 1998. Wright R W., Van Wijk G. et Bouty
I., Les principes du management des ressources fondées sur
le savoir, Revue Française de Gestion, Sept- Oct 1995, pp.70-75.
Mack M., L'organisation apprenante comme système de
transformation de la connaissance
en valeur, Revue Française de Gestion, Sept-Oct
1995, pp.43-48.
38 Prahalad C K. et Hamel G.,
The core competence of the corporation, Harvard Business
Review, May-June
1990, pp.79-91, cité par Mintzberg H., Alstrand B.
et Lampel J., ibid., p.225.
39 Prahalad C K. et Hamel G.,
opus cité, cité par Mintzberg H.,
Alstrand B. et Lampel J., ibid., p.225.
40 Barney J., opus
cité, cité par Mintzberg H., Alstrand B. et Lampel
J., ibid., p.282.
41 Source : Puthod D. et Thévenard
C., L'avantage concurrentiel fondé sur les ressources : une
illustration avec le groupe Salomon, Gestion 2000, n°3, Mai-Juin
1999, pp.135-154.
42 Prahalad C K. et Fahey L.,
Une stratégie pour la croissance : le rôle des
compétences de base dans
l'entreprise, in Fahey L. et Randall R.
(dir.), les paramètres essentiels de la
gestion stratégique, MBA Séries, Nouveaux Horizons et Maxima
Laurent du Mesnil Editeur, Paris, 1997, pp.370-371. Titre original : The
portable MBA in Strategy, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par WRP
Translations, 1994, (c) by John Wiley & Sons, Inc,
24
1.3. Les connaissances et les compétences comme
actifs stratégiques
Le nouveau paradigme en stratégie voit l'entreprise comme
un portefeuille de ressources
et de compétences plutôt que comme un
portefeuille d'activités. Les ressources et compétences
de l'entreprise constituent un actif stratégique qu'il faut
gérer pour réaliser et maintenir un avantage
compétitif. En confrontant les ressources humaines aux
critères qui définissent les compétences clés,
on observe qu'elles constituent un actif stratégique par
excellence. Quinn J B. considère le capital intellectuel comme
de nouvelles ressources déterminantes43 et en cite les
plus importantes44 :
Banques de données sur les processus et les
consommateurs ;
Systèmes de conception et d'innovation ;
Systèmes et habitudes de gestion ;
Logistique et réseaux d'information ;
Réseaux de contacts spécialisés et
accès aux nouveaux acteurs ;
Systèmes de réponse organisationnelle rapide
;
Système de motivation et culture
d'entreprise.
2. Les nouvelles formes organisationnelles
2.1. Caractéristiques
L'approche basée sur les ressources et les
compétences semble renverser la logique de l'analyse stratégique
dominée jusqu'au début des années 1990 par
l'approche porterienne45 basée sur l'analyse du secteur et
la détermination des Facteurs Clefs de Succès (FCS). Dès
lors, émerge une nouvelle théorie de la structure
résultant de la dialectique avec ce nouveau paradigme
stratégique46 .
En effet, pour maintenir et développer ses
compétences et ressources distinctives, l'entreprise doit se
recentrer sur ses activités coeur de métier et s'appuyer sur des
partenaires externes pour les autres activités. Le but est de
créer une chaîne dont le maillon le plus faible reste performant
puisque la valeur de la chaîne dépend de lui. Cette
nouvelle stratégie de délégation et de mise en
réseau est dite stratégie d'externalisation ou
d'impartition. Les nouvelles structures qui naissent de ces
stratégies (ou si l'on préfère, qui font
naître ses stratégies) sont dites «structures en
réseau» ou «structures transactionnelles»47
.
43 Quinn J B., Bâtir une
organisation intelligente : optimiser les ressources, les services et la
technologie, in
Fahey L. et Randall R. (dir.), ibid.,
p.318.
44 Quinn J B., ibid.,
p.321.
45 Porter M., Choix
stratégiques et concurrence : techniques d'analyse des secteurs et de la
concurrences dans l'industrie, Economica, Paris, 1982, titre original
: Competitive Strategy: Techniques for Analysing Industries and
Competitors, The Free Press, NY, 1980, L'avantage concurrentiel,
InterEditions, Paris, 1986, titre original:
Competitive Advantage, The Free Press, NY, 1985.
46 La relation stratégie structure est
abordée dans Chandler A D., Stratégie et
structure, éd. d'Organisation, Paris, 1972, titre original :
Strategy and Structure, MIT Press, Cambridge, 1962.
47 Fréry F., La
chaîne et le réseau, in Dedans, Dehors,
Coordonné par Besson P., Vuibert, Paris, 1997, p.34.
25
2.2. Les avantages stratégiques des structures
transactionnelles48
Sans aborder tous les avantages recherchés par les
entreprises qui adoptent la structure transactionnelle, nous nous
focaliserons sur ceux qui sont en relation avec la maîtrise des
connaissances et des compétences.
2.2.1. Spécialisation et accumulation des
compétences
La spécialisation sur certaines compétences
et l'externalisation des autres assurent une acquisition et une
valorisation des compétences que l'on a conservées en
interne. En se spécialisant sur certaines activités,
l'entreprise augmente la taille de la base de connaissances correspondant aux
compétences qu'elle a maintenues en interne, et donc
accélèrent l'accumulation des heuristiques qui lui sont
nécessaires. L'accumulation de ce savoir permet une progression plus
rapide sur la courbe d'expérience qui se traduit par la diminution
des coûts de production et l'amélioration de la qualité.
L'amélioration des performances due à la
spécialisation, touche tous les maillons de la chaîne de valeur ce
qui accroît la sa performance globale. Un sous-traitant qui se
spécialise dans une activité et qui progresse le long de
sa courbe d'expérience, permet à terme au donneur d'ordre
d'améliorer la profitabilité de l'activité
externalisée par rapport à son maintient en interne.
2.2.2. Plus forte capacité
d'innovation
L'activité d'innovation a toujours
été paradoxale au sein d'une structure mue par les
impératifs de productivité. En effet, le développement
d'innovations, notamment celles dites radicales, requiert une structure libre
d'entraves réglementaires et budgétaires, mais soumise
à
de fortes contraintes d'efficacité.
L'adoption d'une structure en réseau permet à
une organisation bureaucratique de sous- traiter l'innovation à une
cellule organique (cas du PC chez IBM) et à l'inverse, une
organisation innovante peut faire fabriquer ses nouveautés par des
sous-traitants soumis à des critères de rentabilité (cas
de la NASA, NIKE, Benetton ou Dell).
Pour une entreprise de grande taille, l'externalisation de
l'entité chargée de l'innovation présente trois avantages
majeurs :
La structure innovante n'est pas freinée par les
procédures et les habitudes acquises par la structure productive. La
mise en cause des technologies sur lesquelles cette dernière a
fondé son succès sera d'autant plus aisée, et la
tentation de prolonger artificiellement l'existant plutôt que de le
remplacer sera limitée ;
Le lien avec les clients habituels est
rompu, ce qui permet d'identifier des consommateurs nouveaux. Lors de
l'apparition des micro-ordinateurs, IBM a consulté ses clients,
responsables informatiques des plus grandes entreprises mondiales, sur
l'intérêt de développer ce type de machines. Tous
ont répondu qu'elles n'avaient aucun intérêt pour eux,
ce qui était à l'époque parfaitement exact. En revanche,
Apple
48 Adapté de Fréry F.,
ibid., pp.29-33.
26
ou Commodore, qui n'étaient pas attachés
à cette frange de clients prestigieux, ont reçu de leur
marché un message tout à fait différent ;
Une technologie nouvelle s'adresse souvent à un
marché nouveau, qui par définition assure au départ des
volumes de ventes peu important, suffisant pour rentabiliser une petite
structure mais trop faible pour couvrir les frais de structure d'une
grande entreprise.
27
Conclusion
L'ensemble des facteurs que nous venons
d'analyser a conduit à une nouvelle représentation de
l'organisation qui met l'accent sur le capital intellectuel et rend
nécessaire l'élaboration de nouvelles manières pour le
gérer.
Il est intéressant de constater que le
facteur le plus important dans cette nouvelle approche est un changement
de perspective sur le plan conceptuel en stratégie, qui est resté
inaperçu pendant longtemps. Sans doute la mondialisation
du marché et l'évolution rapide des TIC ont permis une plus
grande visibilité de ce phénomène et son enracinement
dans la pratique du management stratégique avec l'accroissement
du nombre d'entreprises en réseau agissant au niveau global.
Il nous faut cependant nuancer notre propos en signalant
que ces facteurs n'ont pas
eu comme seule conséquence l'émergence
du nouveau concept managérial qu'est le KM. Les implications de ces
changements dépassent de loin le seul cadre que nous avons
retenu. L'argumentation élaborée ne doit pas nous pousser
à prendre pour acquise la nécessité d'émergence
du KM à travers ces quelques facteurs seulement, ce qui à terme
nous rendrait aveugles à d'autres évolutions.
Concevoir la connaissance comme un nouveau capital
pour l'entreprise impose de repenser les manières de gérer. Mais
avant de penser à la manière d'appréhender cette nouvelle
ressource, il importe de savoir ce qu'elle est. Déterminer la
nature de la connaissance pour mieux élaborer les moyens de sa gestion
est un préalable nécessaire pour un réoutillage conceptuel
et pratique adéquat.
28
Chapitre II : Les notions de base
Introduction
L'objet de ce présent chapitre est de
traiter des notions de base du KM. Nous essayerons d'expliciter les
principales notions connexes au KM pour une meilleure
compréhension des enjeux des démarches de gestion des
connaissances.
Nous aborderons l'objet du KM qui s'avérera
être difficile à circonscrire. De cette première analyse
émergera le premier concept important qu'est «la
connaissance». Ensuite les différentes notions relatives à
la pratique du KM seront abordées.
Il convient de signaler que le KM est un
champ de recherche foisonnant et éclaté entre des
disciplines qui n'ont a priori rien en commun. Vouloir tout
exposer est utopique, sans parler de l'inutilité d'un travail qui
s'attellerait à énumérer des concepts
et des pratiques sans prendre en compte une
finalité pratique bien déterminée. C'est pour cela que
nous nous limiterons aux notions les plus opératoires et les plus aptes
à éclairer la pratique managériale
quotidienne.
Nous exposerons dans un premier temps les
éléments relatifs à la connaissance en nous limitant aux
définitions de la connaissance (I.1). Dans un deuxième
temps nous aborderons les notions relatives au KM en commençant par une
approche de définition
(II.1), puis par les enjeux du KM (II.2),
ensuite nous aborderons deux dimensions importantes qui sont la dimension
cognitive (II.3) et la dimension sociale à travers une approche des
communautés professionnelles (II.4).
29
Pour illustrer l'ambiguïté que pose le concept
du Knowledge Management (KM) pour les acteurs de l'entreprise, Prax J-Y.
écrivait :
«Lorsqu'on explique ce qu'est le Knowledge
Management dans les conférences ou séminaires, on
entend parfois une réaction violente : «mais, nous, cela
fait depuis toujours qu'on en fait, on ne l'appelait simplement pas comme
cela !»»1
Prusak L. répondait à ces septiques (selon son
terme) dont il jugeait la position comme n'étant pas non naturelle,
ainsi :
«Je voudrais leur dire que le KM, comme tout système
de pensée qui a de la valeur, est en même temps ancien et nouveau
et sa combinaison de nouvelles idées avec des idées que
«tous
le monde connaît depuis toujours» doit rassurer
les praticiens plus que ça ne doit les
déstabiliser»2 .
Pour y voir plus clair, on ne peut faire l'économie d'un
examen approfondi des notions mises
en jeu dans l'approche KM. C'est l'objet de ce présent
chapitre.
I. La connaissance
1. Les définitions de la connaissance
Quel est l'objet de la gestion des connaissances ? On serait
tenté de répondre que c'est les connaissances, évidemment.
Cela n'est pas si évident. L'analyse de la littérature fait
ressortir une multitude d'objets se rattachant aux concepts de Knowledge
Management : connaissance, connaissances, savoir, compétences,
informations, capital intellectuel...etc.
Nous pensons pour notre part qu'il s'agit d'une
confusion inhérente aux premières tentatives de structurer
un champ de recherche éclaté. La constitution d'un
vocabulaire commun a permis d'atténuer les divergences au profit
d'une acception des connaissances comme objet du KM. En
contrepartie, le débat s'est déplacé vers la
définition des connaissances.
Nous essayerons dans ce qui suit d'examiner cette notion et les
notions connexes pour y voir plus clair dans ce débat.
1.1. Typologie des définitions de la
connaissance
Plusieurs typologies des définitions des
connaissances ont été proposées. Alavi M. et Leidner
D E. relèvent dans la littérature six
perspectives pour la définition des connaissances3
:
1 Prax J-Y., Le manuel du
Knowledge Management, Dunod, Paris, 2003, p.21.
2 Prusak L., Where did
Knowledge Management come from?, IBM Systems Journal, vol. 40, n°4,
2001, p.1002, http://www.research.ibm.com/journal/sj/404/tocpdf.html
3 Alavi M. et Leidner D.E.,
Knowledge Management and Knowledge Management Systems : conceptual
foundations and research issues, MIS Quarterly, vol.25, n°1,
p.107-136, Mars 2001, cité par Dudezert A.,
La
valeur des connaissances en entreprise : recherche sur la
conception de méthodes opératoires d'évaluation des
connaissances en organisation, Thèse de doctorat en science de
gestion, Ecole Centrale, Paris, 2003, pp.160-
161, dirigée par Bocquet J C.
30
La vue hiérarchique : les connaissances
comme éléments situés par rapport aux données
et aux informations. La connaissance est alors positionnée dans une
optique hiérarchique allant de la donnée (fait brut),
à la connaissance (information à forte valeur ajoutée
et interprétée) en passant par l'information (donnée
traitée) ;
La connaissance vue comme un état d'esprit : La
connaissance est définie comme un état d'esprit qui permet de
comprendre et de connaître ;
La connaissance vue comme un objet : la connaissance
peut être manipulée et stockée ;
La connaissance vue comme un processus d'application d'une
expertise acquise ;
La connaissance vue comme une condition d'accès
à l'information : elle est ce qui permet de comprendre et
d'accéder à l'information ;
La connaissance vue comme la capacité d'un individu
à influencer l'action.
Il est clair que chaque perspective de
définition implique une méthodologie différente pour
aborder la question de la gestion des connaissances. La première
implication se retrouve dans la division des connaissances en catégories
distinctes.
1.2. Les différentes catégories de
connaissances
Les distinctions majeures généralement admises sont
de deux ordres4 :
Il existe des connaissances explicites et
des connaissances tacites. Les connaissances explicites
renvoient à ce que nous pouvons énoncer et communiquer, tandis
que les connaissances tacites sont ce que nous connaissons sans avoir
conscience de le connaître5 . Grundstein M. reprend la
même distinction avec un vocabulaire différent, pour lui
«les connaissances de l'entreprise se présentent en deux
grandes catégories
(...) : les connaissances explicites et
formalisées qui constituent ce que l'on peut appeler «les
savoirs de l'entreprise» et les connaissances tacites
explicitables ou non qui constituent ce que l'on peut appeler «les
savoir-faire de l'entreprise»». (Voir figure 3 :
les deux catégories des connaissances de l'entreprise) ;
4 Simoni G., Capitaliser les
connaissances générées dans les projets R&D,
document de travail, LEST-CNRS, UMR 6123, p.7, disponible sur Internet.
5 Polanyi M., The Tacit
Dimension, Doubleday, Garden City, NY, 1966, cité par
Simoni G., ibid., p.7.
31
Figure 3: Les deux catégories de connaissances de
l'entreprise
Connaissances
de l'entreprise
Savoir de l'entreprise
Eléments tangibles
Savoir-faire de l'entreprise
Eléments intangibles
Connaissances explicites,
formalisées, spécialisées
Connaissances tacites,
explicitables ou non, adaptatives
Données, procédures, modèles,
algorithmes, plans...
Connaissance des contextes
décisionnels, talents, habileté...
Hétérogènes, incomplètes ou
redondantes, fortement marquées par les circonstances de
leur création, n'expriment pas le non-dit de ceux qui les ont
formalisé
Acquises par la pratique,
souvent transmises par apprentissage collectif implicite ou
selon une logique maître- apprenti
Réparties Localisées
Représentatives de l'expérience et de la culture de
l'entreprise. Emmagasinées dans les archives,
les armoires, les systèmes informatisés et les
têtes des personnes. Encapsulées dans les procédés,
les produits et les services. Caractérisent les capacités
d'études, de réalisation, de vente, de support
des produits et des services. Constituent et produisent la valeur
ajoutée de ses processus
organisationnels et de production.
Source : Grundstein M., GAMETH : un
cadre directeur pour repérer les connaissances cruciales
de
l'entreprise, MG Conseil, rapport de recherche
réf : RR090202.doc, 2002, p.5, disponible sur internet.
Il existe des connaissances déclaratives
et des connaissances procédurales. Les
connaissances déclaratives «donnent des informations sur
les objets (réels ou hypothétiques) du monde» ; les
connaissances procédurales «donnent des indications
sur les procédures et les conditions d'utilisation de ces
procédures»6 . (Voir figure 4 : Les
caractéristiques distinctives des connaissances déclaratives et
procédurales)
6 Weil-Barais A., L'homme
cognitif, Puf, Paris, 1994, cité par Simoni G.,
ibid., p.7.
32
Figure 4 : Les caractéristiques distinctives des
connaissances déclaratives et
procédurales
Connaissances déclaratives
|
Connaissances procédurales
|
Savoir "quoi"
|
Savoir "comment"
|
Indépendantes des actions susceptibles de les mettre en
jeu
|
Inscrites dans l'action
|
Décontextualisées et statiques
|
Dépendantes de leur contexte et constituant un savoir plus
opérationnel
|
exemple : les connaissances scientifiques
|
exemple : savoir conduire
|
Source : Simoni G., Capitaliser les
connaissances générées dans les projets R&D,
document de travail, LEST-
CNRS, UMR 6123, p.7, disponible sur Internet.
Dans la littérature, la distinction le plus
fréquemment utilisée est celle entre connaissances
tacites et connaissances explicites. Nonaka I. et Takeuchi H.
assimilent les deux distinctions (tacite/explicite,
procédural/déclaratif), comme rendant compte d'une même
réalité7 . Nous retiendrons donc cette
distinction comme cadre d'analyse dans le présent travail.
1.3. Les modes de conversion des connaissances : la
spirale du savoir
Pour Simoni G., la théorie de Nonaka I. et
Takeuchi H. est enracinée dans les deux éléments
suivants8 :
«La pierre angulaire de notre
épistémologie se trouve dans la distinction entre
connaissances tacites et connaissances explicites» ;
«La connaissance est créée par l'interaction
entre connaissance tacite et explicite». Un autre élément
nous semble aussi d'une importance capital :
«L'activité primordiale d'une entreprise
créatrice de savoir est de rendre le savoir individuel accessible
aux autres»9 .
De ces trois considérations découlent quatre
schémas de base pour la création du savoir
en entreprise10 :
1. La socialisation (de tacite à tacite)
est définie comme «un processus de partage
d'expériences créant de ce fait des connaissances tacites
telles que les modèles mentaux partagés et les aptitudes
techniques» ;
7 Nonaka I., Takeuchi H.,
La connaissance créatrice. La dynamique de
l'entreprise apprenante, De Boeck
Université, 1997, cité par Simoni
G., ibid., p.8.
8 Nonaka I., Takeuchi H., opus
cité, in Simoni G., ibid.,
p.8.
9 Nonaka I., L'entreprise
créatrice de savoir, Harvard Business Review : Le
Knowledge Management, Ed. d'Organisation, Paris, 1999, p.41,
première publication Novembre-Décembre 1991.
10 Nonaka I., Takeuchi H., opus
cité, in Simoni G., ibid.,
pp.8-9.
33
2. L'extériorisation (de tacite
à explicite) est définie comme «un
processus d'articulation des connaissances tacites en concepts explicites.
C'est un processus qui est la quintessence de la création de
connaissances parce que la connaissance tacite devient explicite sous
la forme de métaphores, analogies, concepts, hypothèses ou
modèles» ;
3. La combinaison (d'explicite à explicite)
est définie comme «un processus de
systématisation de concepts en un système de connaissances»
;
4. L'intériorisation (d'explicite à
tacite) est définie comme «un processus d'incorporation de
la connaissance explicite en connaissance tacite».
Malgré son aspect théorique, susceptible de
provoquer les réticences des manager, ce cadre nous semble
extrêmement fécond sur deux plans :
Il montre les multiples interactions possibles et
replace la communication de connaissances explicites, qui occupe une
place de choix dans le fonctionnement des entreprises, dans un cadre plus
général où elle est plutôt marginale. Pour Nonaka
I.,
«La grande force de la démarche japonaise c'est
d'avoir compris que la création des nouveaux savoirs n'est pas juste
une question de «traitement de l'information» objective. Elle
dépend également de la capacité à capter les
points de vue, les intuitions et les pressentiments tacites et
éminemment subjectifs des salariés pris individuellement et
à les mettre à la disposition de l'ensemble de
l'entreprise pour qu'elle les teste et les utilise. Au coeur du
processus, se trouvent l'engagement personnel et le sens de
l'identité de l'entreprise et de sa mission chez les
salariés»11 .
Il permet de faire une typologie des outils et technologies
pour le KM. Ce cadre est particulièrement pertinent puise qu'il met en
évidence la façon dont chaque outil ou technologie permet de
créer et de partager les connaissances.12
1.4. La notion de
compétence13
Une première observation conduit à
différencier la notion de compétence de la notion de
savoir-faire. En effet, parler des savoirs et des savoir-faire utilisés
et produits par l'entreprise
ne préjuge pas de la façon dont ces
connaissances sont mises en oeuvre au quotidien, dans des situations
opérationnelles soumises à des contraintes techniques,
économiques et psychosociologiques. De ce point de vue, on peut
évoquer la notion de compétence comme la capacité des
personnes à mettre en oeuvre les savoirs et les savoir-faire
constitutifs des connaissances de l'entreprise dans des conditions de
travail et des contraintes données : le poste de travail, un
rôle déterminé, une mission spécifique. Ainsi
la compétence se réalise dans l'action : c'est un
processus qui, au-delà des savoirs et des savoir-faire, fait
appel aux comportements des personnes, à leur savoir être,
à leurs attitudes éthiques.
La deuxième observation porte sur les connaissances
individuelles. Si l'on considère les
«savoir-faire de l'entreprise», on peut penser qu'ils
reposent strictement sur des connaissances
11 Nonaka I., ibid.,
p.39.
12 Voir sur ce point: Marwick A D.,
Knowledge management technology, IBM Systems Journal, vol.
40, n°4,
2001, pp.814-830.
13 D'après Grundstein
M., GAMETH : un cadre directeur pour repérer les
connaissances cruciales de l'entreprise, MG Conseil, rapport de
recherche réf : RR090202.doc, 2002, p.5, disponible sur Internet
34
individuelles. Néanmoins, certaines connaissances
individuelles ont une dimension collective qui se traduit par des
compétences et des logiques d'action spécifiques de
l'entreprise.
II. Le Knowledge Management
1. Approche d'une définition
1.1. Notes sur la définition du KM
Il est d'usage, pour comprendre un phénomène
quelconque, d'en chercher la définition chez ceux qui ont en la plus
grande connaissance pratique ou théorique. Nous nous sommes
livrés à cet exercice et nous exposons ici quelques notes sur la
définition du KM. D'abord, nous remarquons l'absence d'une
définition communément admise par les «experts»
qui écrivent sous ce titre. Ceci peut-être
interprété comme un manque de maturité de la discipline
qui ne s'est pas encore érigée en domaine
indépendant. Le KM reçoit l'essentiel de sa substance
d'autres disciplines plus fortement ancrées dans une tradition de
recherche et mieux encadrées institutionnellement (Voir tableau 2 :
Activité interdisciplinaire du KM, 1996-
2001). D'ailleurs, nombre de publications, bien que
relevant du domaine, apparaissent sous des rubriques comme apprentissage
organisationnel, mémoire organisationnelle ou management du
savoir-faire [expertise management]14 , alors que
certains auteurs refusent encore le vocable de KM15 .
14 Thomas J C., Kellogg W A. et Erickson
T., (2001), The knowledge management puzzle: Human and social factors
in knowledge management, IBM Systems Journal, vol. 40, n°4, 2001,
p.863.
http://www.research.ibm.com/journal/sj/404/thomas.pdf
15 Bath S. rapporte que
certains des pionniers du domaine refusent ce vocable. Voir:
Bath S., Defining
Knowledge Management, 19 Juin 2002.
http://www.destinationKM.com/articles/default.asp?ArticleID=949
Reix R. pour sa part signal
l'ambiguïté du terme. Voir : Reix R.,
Systèmes d'information et management des
organisations, Vuibert, Paris, 4ème édition,
2004, p.304 et 306.
35
Tableau 2: Activité interdisciplinaire du KM,
1996-2001
Discipline
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
Computer Science
|
35.7%
|
43.1%
|
42.0%
|
38.8%
|
28.7%
|
36.2%
|
Business
|
21.4%
|
16.9%
|
32.4%
|
25.6%
|
18.0%
|
20.7%
|
Management
|
42.9%
|
7.7%
|
5.3%
|
12.8%
|
13.2%
|
17.2%
|
Information Science & Library Science
|
|
15.4%
|
10.6%
|
7.9%
|
16.9%
|
14.2%
|
Engineering
|
|
10.8%
|
4.3%
|
8.6%
|
13.6%
|
7.7%
|
Psychology
|
|
6.2%
|
5.3%
|
1.7%
|
1.8%
|
1.5%
|
Multidisciplinary Sciences
|
|
|
|
2.0%
|
4.0%
|
|
Energy & Fuels
|
|
|
|
0.7%
|
3.7%
|
0.7%
|
Social Sciences
|
|
|
|
|
|
1.7%
|
Operations Research & Mgt. Science
|
|
|
|
1.0%
|
|
|
Planning & Development
|
|
|
|
1.0%
|
|
|
Total:
|
14
|
65
|
207
|
407
|
272
|
401
|
Largeur interdisciplinaire:
|
3
|
6
|
6
|
10
|
8
|
8
|
L'activité interdisciplinaire indique l'exportation
et l'intégration de théories et de méthodes entre
disciplines. Les noms des périodiques sources d'articles sur le
KM sont classés par ordre décroissant puis on leur
assigne un ISI Subject Category Code. Le code ISI a été
opérationnalisé par ISI, il est supposé être un
indicateur de disciplines. Cette étude suppose
un seuil de trois et plus, c'est-à-dire que trois
articles sources ou plus doivent apparaître dans
un périodique assigné à ISI pour
être pris en compte.
Source: Ponzi L. et Koenig M., Knowledge
management: another management fad? Information Research, 8(1), paper
n°145. 24 September 2002.
http://www.InformationR.net/ir/8-1/paper145.html
|
Ensuite, et pour étayer la première
observation, l'hétérogénéité des
approches utilisées.
Par objet d'étude, qu'il soit, défini en terme
d'apprentissage, de capital intellectuel, d'actif des connaissances,
d'intelligence, de perspicacité ou de sagesse16 . Par
les méthodes et outils comme ceux de la collaboration, les annuaires
d'experts ou du transfert des connaissances17 .
Par les manipulations possibles sur l'objet
d'étude: acquisition, stockage, organisation et communication18
, avec des variations dans la division des
opérations et dans leur dénomination19 . Enfin,
par les objectifs, dont on peut distinguer les approches qui se
focalisent sur le but de la démarche en elle-même comme la
création de la Valeur à travers les connaissances20
ou l'innovation21 et les approches qui tiennent compte du KM
comme outil
16 Amidon D M., Innovation
et management des connaissances, Ed. d'Organisation, Paris, 2002,
Traduit de l'américain par Mercier-Laurent E. et Gruz G., Titre
original: Innovation Strategy for the Knowledge Economy.
The Ken Awakening, (c) D. M. Amidon, 1997.
17 Dueck G., Views of
knowledge are human views, IBM Systems Journal, vol. 40,
n°4, 2001, p.885.
http://www.research.ibm.com/journal/sj/404/dueck.pdf
18 Mack R., Ravin Y. et Byrd R J.,
Knowledge portals and the emerging digital knowledge workplace, IBM
Systems Journal, vol. 40, n°4, 2001.
http://www.research.ibm.com/journal/sj/404/mack.pdf
19 Voir par exemple: Davenport T H. et
Prusak I., Working Knowledge: How Organizations Manage
What
They Know, Harvard Business School Press, Boston,
1998. Huang K-T., Capitalizing on intellectual
assets, IBM Systems Journal, vol. 37, n°4, 1998.
http://www.research.ibm.com/journal/sj37-4.html
Skyrme D., KM Basics, (c) David Skyrme
Associates, 2003. http://www.skyrme.com/ressource/kmbasics.htm
20 Davenport T H. et Prusak I.,
ibid.
21 Amidon D M., ibid.
36
de management évoquant le reflet de la
stratégie compétitive22 ou le
développement, la croissance, l'anticipation et l'adaptation au
changement23 .
Signalons que les combinaisons entre ces approches sont
nombreuses et que les auteurs
en usent sans retenue.
Enfin, la complexité des dimensions à
prendre en compte. Dimension sociale, mettant l'accent sur la
construction de communautés de pratique, sur les liens entre
les individus partageant la connaissance ou sur la culture de
l'entreprise, l'approche se base sur l'apprentissage et la
communication comme moyen de renforcement des liens sociaux. Dimension
organisationnelle jouant sur les procédures propres à
assurer une manipulation optimale de la connaissance, l'approche se veut un
épuisement maximal du potentiel cognitif organisationnel afin de
créer la valeur économique la plus grande. Dimension
technologique avec sa panoplie de «solutions» comme les banques de
données, les portails de connaissance... etc. les adeptes de cette
approche se veulent les mécènes de la technologie et sont friands
de ses dernières trouvailles. Enfin, une dimension psychologique qui
intègre la personnalité de l'utilisateur comme facteur important
dans toute démarche de KM préconisant ainsi un arsenal
de tests psychotechniques afin de comprendre le point de vue de
l'utilisateur, cette approche
se veut un salut de l'homme oublié par le management au
profit de la connaissance24 .
Là aussi les combinaisons sont nombreuses et la
tendance est à l'intégration naïve des
différentes dimensions, mais souvent c'est une seule qui fait graviter
les autres autours d'elle dans des orbites plus ou moins
éloignées. Cela s'explique par la biographie des auteurs, leur
parcours scientifique et professionnel, leur «idéologie
scientifique25 », leurs valeurs et a priori. Ajoutant
que l'omission pure et simple d'une dimension n'est pas rare et
qu'elle peut s'expliquer par les mêmes raisons susmentionnées.
La science est une activité humaine qui, comme telle,
se caractérise par une finalité. La science commence
avec des problèmes spécifiques et vise à les
résoudre. Comme le signalait Fourez G., «les «sciences
engagées» partent des questions posées dans l'existence
quotidienne pour construire autour d'elles une sorte d'îlot de
rationalité, c'est-à-dire une représentation
théorique qui empruntera ses éléments de savoir partout
où elle en trouvera de pertinents»26 .
Ceci nous éclairera sur l'interdisciplinarité du
KM. En un sens, de la connaissance, toute discipline à quelque chose
à dire mais chacune selon son point de vue et le résultat ne sera
pas une vision synoptique d'une «super science», mais
un compromis mouvant issue des négociations entre des visions et
des intérêts différents, dans un contexte et selon
un objectif. Chaque approche construira son objet, la
connaissance reste une notion générique activée par chaque
discipline différemment. Pour l'informatique, l'intelligence
émotionnelle n'est pas un objet d'étude puisqu'elle ne peut la
saisir par ses outils conceptuels - encore moins pratiques - alors que pour
la psychologie c'est un objet pertinent. A partir de là, sont
définies les différentes opérations de manipulation
de l'objet. Les émotions ne sont pas, à strictement
parler, communicables, la connaissance tacite n'est pas stockée de
la même manière que la
22 Hansen T M., Nohira N. et Tierney T.,
What's your strategy for managing knowledge, Harvard
Business
Review, March-April 1999, p.106-116.
23 Huang K-T., ibid.
24 Ce paragraphe suit de près l'article de
Dueck G., ibid.
25 Concept introduit par Canguilhem
G., Etudes d'histoire et de philosophie des sciences
_concernant les vivants et la vie, 7ème édition
augmentée, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1994.
26 Fourez G., La construction
des sciences, 3ème éd., De Boeck-Larcier, Bruxelles, 1996,
p.108.
37
connaissance explicite. Il en résulte à la
fin les outils qui traduisent tout ce cheminement. Mais
cette linéarité apparente est trompeuse, le processus
est fait d'allers-retours et d'ajustements mutuels permanents.
1.2. Le KM comme une nouvelle approche
Définir, c'est faire le choix d'une
délimitation spécifique du champ de recherche mais surtout
d'un positionnement au sein de la communauté scientifique. Cette
délimitation est presque obligatoire au niveau individuel mais
au niveau de la communauté, elle devient exclusive. Il faut
donc se garder de donner une définition trop restrictive du
KM. Certains auteurs l'ont compris en voulant fédérer une
communauté hétérogène autours d'une ambition
commune ou d'une notion fédératrice. Pour s'en convaincre,
rappelons ce qu'écrivit Sartre J-P. lorsqu'on lui demanda de traiter du
sujet de «la situation de l'existentialisme en 1957»: «Je n'aime
pas parler de l'existentialisme. Le propre d'une recherche, c'est de rester
indéfinie. La nommer et la définir, c'est boucler la boucle: que
reste-t-il ? Un mode fini et déjà périmé de la
culture, quelque chose comme une marque de savon, en d'autres
termes une idée»27 .
Pour Prax J-Y, c'est précisément sa
pluridisciplinarité qui confère au KM tout son
intérêt.
La confusion provient du fait que nous n'avons pas
affaire, avec le KM à un produit, une méthode, un outil,
qui aurait un périmètre fonctionnel facilement
définissable ; mais que nous avons affaire à une approche, une
ambition un cap. C'est pourquoi il est plus facile de
définir
le KM par ses finalités que par ses fonctions. Ou
plutôt que «plus facile», nous devrions dire plus
consensuel. Une fois que les acteurs se sont mis d'accord sur les
finalités, alors on peut facilement se mettre tous ensemble au travail
pour définir comment on va s'y prendre, et là le projet KM
prendra vite la tournure d'une somme de projets concrets, de méthodes,
d'outils,
de dispositifs...etc.28
2. Les enjeux du KM
Nous parlons ici d'enjeux plutôt que d'objectifs. Dans une
démarche de KM, connaître préalablement les enjeux en
présence est primordial. Il s'agit de donner une vision de ce que
le projet veut réaliser. Car toutes les démarches
de KM n'ont pas les mêmes enjeux et il peut sembler parfois que les
actions entreprises soient contradictoires. C'est le cas par exemple de
la capitalisation et de l'innovation. Or un acteur qui ne sait
pas exactement quoi attendre d'un
tel projet est vite désorienté.
Il est possible de distinguer quatre segments qui
présentent le terrain d'intervention privilégié pour un
projet de KM29 .
2.1. L'optimisation des processus
L'enjeu pour l'entreprise dans ce cas est l'amélioration
de la productivité, en optimisant
les coûts, les délais et la qualité de ses
processus les plus importants et les plus répétitifs, ce qui peut
se faire à travers certaines actions comme :
27 Sartre J-P., Question de
méthode, in Critique de la raison dialectique, nrf,
Gallimard, Paris. 1960.
28 Je remercie Mr Prax J-Y. pour
son commentaire : Réponse à l'article «Notes sur la
définition du KM» de
Karim Hamadache,
http://www.kmactu.com/article.php?sid=355
29 Le développement qui suit est
adapté de : Prax J-Y., ibid., pp.147-211.
38
Eviter de refaire ce qui a déjà
été fait ;
Eviter de refaire les erreurs déjà commises
;
Transférer l'expérience acquise d'un projet
à un autre et d'une équipe à une autre ;
Améliorer le flux d'informations qui accompagnent les
flux de production ;
Faciliter l'accès à la connaissance utile
à la fonction ou à la tâche ;
Capitaliser et diffuser les règles et standards
métiers.
2.2. L'aide à la décision en environnement
complexe
En favorisant l'échange d'idées au sein de
l'entreprise, l'intelligence des problèmes s'accroît. Une
meilleure écoute du client grâce au Customer Relationship
Management (CRM)
et de meilleures relations avec les fournisseurs
améliorent la qualité de la décision. Les
démarches de veille technologique, concurrentielle et
commerciale et d'intelligence économique sont aussi à
inscrire dans cette optique.
2.3. La valorisation du capital
compétences
Les démarches à ce niveau visent à :
Identifier les expertises cruciales dans un domaine
;
Eviter la perte d'un savoir-faire due au départ d'un
salarier ;
Faciliter l'intégration des nouveaux embauchés
;
Monter des équipes projets en identifiant les
compétences adéquates ;
Gérer les compétences en fonction des
orientations stratégiques de l'entreprise et de leur
évolution.
2.4. L'innovation
L'innovation est le domaine qui exige le plus une
gestion efficace des connaissances puisqu'elles sont au coeur de ce
processus.
3. La dimension cognitive du KM
3.1. Intérêt de l'approche
L'utilisation des tests de personnalité dans les milieux
professionnels est de plus en plus répondue et elle répond
à plusieurs finalités. Quel pourrait en être
l'intérêt dans la perspective
du KM ?
Les progrès de la psychologie ont permis de comprendre que
les gens ne pensent pas tous
de la même façon : «ils peuvent avoir
une tournure d'esprit analytique ou intuitif, conceptuelle ou
expérimentale, collective ou individualiste, logique ou
éthique»30 . Ce sont des
préférences cognitives qui caractérisent
«les dissemblances entre individus dans les domaines suivants :
perception et assimilation de l'information, prise de
30 Leonard D. et Straus S.,
Comment tirer parie de toute la matière grise de votre firme ?,
in Harvard Business
Review : Le Knowledge Management, Ed. d'Organisation,
Paris, 1999, p.146. Première publication dans HBR : Juillet-Août
1997.
39
décisions, résolution de problèmes et
relations avec autrui. Il s'agit dans ce cas de
préférences (à ne pas confondre avec des capacités
ou des compétences)»31 .
La représentation du système de gestion
des connaissances par un individu se retrouve étroitement liée
à ses préférences cognitives. Par exemple, un individu
porté sur l'abstraction cherchera à récolter le maximum
d'informations à propos d'une situation, à comprendre son
contexte général avant d'agir. Alors qu'un autre plus
porté sur l'expérience, essayera de rapporter la nouvelle
situation à une autre qu'il a déjà vécue et
privilégiera l'action pour en apprendre plus. Dans le premier cas, le
système de gestion des connaissances adéquat du point
de vue de cette personne sera plutôt une base de
données riche en rapports, livres et articles de presse. Dans le
second cas, le «bon» système de gestion des
connaissances sera plutôt une base de retour d'expérience avec
des cas réels et des solutions clairement décrites et
prêtes à l'emploi.
3.2. Les applications possibles
Dans l'entreprise, à quelque niveau que ce soit
; Equipe projet, groupe de travail, département...etc. ces
différents profils sont représentés. La
cohabitation de ces différentes visions du monde est souvent
la source de blocages et de conflits. Un bon management doit savoir
tirer profit de cette diversité pour accroître la
créativité et l'intelligibilité des problèmes.
Pour cela, il faut d'abord prendre conscience de
l'existence de telles divergences cognitives puis les évaluer.
Des tests éprouvés (Voir : Identification des modes de
pensée : le Myers Briggs Type Indicator®
MBTI) et utilisés par des millions de gens32
permettent à chacun de comprendre ses
préférences cognitives et celles des autres. Plusieurs
bénéfices peuvent être obtenus à travers
l'utilisation de ces tests.
Encadré 1 : Identification des modes de
pensée : le Myers Briggs Type Indicator®
(MBTI)
Le Myers-Briggs Type Indicator (MBTI®) est
l'instrument de typologie des personnalités le plus utilisé au
monde. Conçu par Isabel Myers et sa mère, Katherine Cook
Briggs, il s'inspire des travaux de C. G. Jung. Les deux femmes
l'ont mis au point au cours de la Seconde Guerre mondiale en partant de
l'hypothèse que la compréhension des préférences
sous-jacentes à la personnalité pourrait aider ceux qui entraient
pour la première fois dans
la population active à trouver l'emploi qui leur
convenait le mieux. L'instrument se conforme aux normes de test
consacrées, et on estimait en 1994 qu'il avait été
appliqué à plus de 2,5 millions de personnes de par le monde. Le
MBTI est très utilisé dans le monde
de l'entreprise, dans le domaine de la psychologie, dans la
pédagogie et dans l'orientation professionnelle.
Le MBTI® se sert de quatre paires
d'attributs pour créer une matrice de seize types de
personnalité :
31 Leonard D. et Straus S.,
ibid., p.147.
32 Dueck G., ibid.,
p.886.
40
Extraversion contre
Introversion. La première paire considère le
sens dans lequel on préfère tourner son attention. Ces
descripteurs recherchent la source de l'énergie mentale de
l'individu : l'Extraverti E tire son énergie d'autrui,
tandis que l'Introverti
I la tire de lui-même.
Chacun trouve débilitantes les conditions de fonctionnement
préférées de l'autre ;
Sensation contre
Intuition. La deuxième paire identifie la
manière dont on absorbe des informations. Le Sensoriel S
recueille des données par les cinq sens, alors que
l'Intuitif N passe par des formes de perception moins directes
comme des tendances générales, des relations ou des
pressentiments. Si, par exemple, on interroge les membres d'un groupe de
S sur un tableau, ils pourraient faire remarquer les traits de
pinceau utilisés ou la cicatrice sur la joue gauche du sujet,
alors que ceux d'un groupe de N déduiraient
plutôt du regard inquiet du sujet qu'il avait vécu à une
épo- que difficile ou qu'il avait subi une dépression ;
Réflexion contre
Sentiment. La troisième paire se rapporte
à la manière dont on prend une décision après
avoir recueilli des informations. L'Affectif F se sert de son
intelligence émotionnelle pour prendre des décisions
fondées sur ses valeurs, sur ses convictions en matière de bien
et de mai. Le Penseur T quant à lui, fait plutôt
appel à
la logique et à des critères
prétendument objectifs qui tournent autour de sa conception du
vrai et du faux ;
Jugement contre
Perception. La quatrième paire concerne
l'orientation de la personne vers le monde extérieur. L'individu
porté à faire des Jugements J
éprouve
un fort besoin de clore les débats. Il tire
rapidement des conclusions à partir de l'information disponible
et passe aussitôt à autre chose. L'individu tourné
vers la Perception P préfère ne pas s'engager
irrévocablement. Avant de décider, il attend d'avoir réuni
la quantité d'informations qui lui semble suffisante. Le J
ne peut vivre sans certitudes, alors que le P adore
l'ambiguïté.
La matrice présentée ici donne une description plus
détaillée des personnalités identifiées par le
MBTI.
41
|
|
Les intuitifs (N)
|
|
|
Sentiment (F)
|
Réflexion (T)
|
|
|
INFJ
Il réussit grâce à sa
persévérance,
à son originalité et à son désire de
faire le nécessaire ou tout ce
qu'on lui demande.
Consciencieux, d'une force tranquille, il est mû par le
souci d'autrui. Il est estimé pour la fermeté de ses
principes.
|
INTJ
Plutôt original, il est d'un grand
dynamisme dans la réalisation de ses idées et de
ses objectifs. Sceptique, critique, indépendant,
déterminé, il fait souvent preuve d'obstination.
|
|
INFP
Il s'intéresse au savoir, aux idées,
au langage et à ses propres projets autonomes. Il a
tendance
à trop entreprendre et à réussir
malgré tout à y faire face. Bien que sympathique
il est souvent trop plongé dans ses pensées.
|
INTP
Calme, réservé, il entretient des
rapports impersonnels. Attiré par des sujets
théoriques ou scientifiques, il s'intéresse surtout aux
idées et n'affectionne guère
les menus propos ou les conversations mondaines. Ses
centres d'intérêts sont clairement
définis.
|
|
|
ENFP
D'un enthousiasme chaleureux, plein de vivacité,
ingénieux, imaginatif, il réussit dans
pratiquement tout domaine qui l'intéresse. Il est prompt
à fournir une solution ou à donner de
l'aide.
|
ENTP
Vif, ingénieux, il a des compétences dans beaucoup
de
domaines. Il lui arrive de défendre
un point de vue ou son contraire pour s'amuser. Il trouve des
solutions astucieuses à des problèmes difficiles, mais il a
tendance à négliger des tâches plus banales.
|
|
ENFJ
Réceptif, responsable, il se soucie
réellement des idées et des désirs
d'autrui. Sociable, très apprécié,
il est sensible aux louanges
comme aux critiques.
|
ENTJ
Franc, chaleureux, résolu, c'est un
meneur d'hommes. Il réussit généralement
dans toute activité demandant des raisonnements et une bonne
maîtrise de la parole. Il peut se montrer catégorique sur
des questions qu'il ne connaît pas forcément
très bien.
|
42
|
|
Les sensoriels (S)
|
|
|
Réflexion (T)
|
Sentiment (F)
|
|
|
ISTJ
Sérieux, calme, il réussit en se
concentrant et en faisant les choses à fond. Pragmatique,
ordonné, terre à terre, logique, réaliste et digne de
confiance, il assume des responsabilités.
|
ISFJ
Calme, sympathique, responsable,
consciencieux, il travaille avec dévouement pour faire
face à ses obligations. Scrupuleux et précis, il fait tout
à fond. Il est fidèle et attentionné.
|
|
ISTP
C'est l'observateur neutre, calme, réservé,
analytique. Il s'intéresse
plutôt aux principes généraux et au
fonctionnement des objets
mécaniques. Il a parfois des traits
d'humour originaux.
|
ISFP
Effacé, discrètement chaleureux,
sensible, prévenant, modeste au
sujet de ses capacités. Il fuit les désaccords.
Disciple fidèle, il prend souvent avec sérénité
les
tâches à accomplir.
|
|
|
ESTP
Terre à terre, il ne connaît ni l'inquiétude
ni la précipitation et profite de la vie telle qu'elle se
présente. Il peut se montrer brusque et insensible. Il se
trouve mieux face à des objets réels qui
se laissent démonter ou
assembler.
|
ESFP
Expansif, facile à vivre, arrangeant, sympathique, il
fait
profiter les autres de son plaisir, il
aime le sport et la fabrication d'objets. Il a moins de mal
à se souvenir de faits qu'à maîtriser des
théories.
|
|
ESTJ
Pragmatique, réaliste, terre à terre, il a des
dispositions pour
les affaires ou la mécanique. Il ne s'intéresse pas
aux sujets dont il
ne voit pas l'utilité. Il aime à
organiser et à diriger des activités.
|
ESFJ
Chaleureux, volubile, très apprécié,
consciencieux, c'est le
parfait collaborateur. Il a besoin d'harmonie et donne le mieux
de
lui-même quand on l'encourage. Il
montre peu d'intérêt pour la pensée abstraite
ou des questions techniques.
|
Source : Leonard D. et Straus S., Comment
tirer parie de toute la matière grise de votre firme ?, in
Harvard
Business Review : Le Knowledge Management, Ed.
d'Organisation, Paris, 1999, pp.172-173.
43
3.2.1. Se connaître soi-même
Se connaître soi-même, c'est être
capable d'expliquer son comportement dans un contexte donné. Cela
revient à évaluer ses forces et faiblesses par rapport
à des situations déjà vécues ou probables.
D'ailleurs, le MBTI est le test de choix pour
l'orientation professionnelle. Cette évaluation reste sans
intérêt si elle ne s'accompagne pas d'une remise en cause
perpétuelle de ses actions. Même si les
préférences cognitives sont profondément
enracinées en nous dès l'enfance, nous pouvons
apprendre à élargir notre gamme de représentations et de
comportements. En se posant
la question : qu'aurait fait une personne cognitivement
différente dans telle situation ? On apprend à aborder les
problèmes selon des points de vues différents.
3.2.2. Bâtir et manager les
équipes
Les bons managers sont ceux qui savent enrichir leurs
équipes sur le plan cognitif
et les gérer à fin de produire une friction
créatrice33 . Avec la complexité croissante des
situations de gestion, différents points de vue éclairent
différentes facettes d'un même problème. Le mouvement de
confrontation de ces visions conduit à des représentations
nouvelles non contenues dans les idées initiales.
Connaître les préférences cognitives des
autres, c'est aussi mieux communiquer avec eux. Au lieu de s'enfermer dans
un schéma de représentation unique, en déplorant
le manque de compréhension des autres ou carrément
leur stupidité, chercher à adapter
le message au mode de pensée de l'autre, c'est
déjà s'assurer son attention. Quelqu'un qui développe de
longs discours devant des financiers habitués aux chiffres et
aux graphismes aura toutes les peines du monde à les convaincre. De
même, une personne qui cherche à expliquer un
phénomène complexe, aux amateurs de théories
élégantes, à l'aide d'organigrammes et de
flèches qui vont de tous les sens, n'a guère plus de
chances d'y parvenir.
3. Les communautés professionnelles
3.1. Introduction aux communautés
professionnelles
Une importance croissante est accordée à la
dimension sociale du KM, qui a conduit à considérer les
communautés professionnelles «comme des «lieux»
privilégiés d'intelligence collective, d'innovation, de
création de valeur»34 . La communauté est
un groupe dont les membres s'influencent mutuellement à travers leurs
comportements et leurs représentations.
La communauté professionnelle ne se limite pas aux
frontières physiques d'une entreprise ou d'un département. Sa
constitution n'obéit pas qu'aux critères utilitaires mais
une forte dimension instinctive (sentiment d'appartenance,
paternalisme...etc.) permet la constitution et
le développement de la communauté.
3.2. Typologie des communautés
professionnelles
33 Terme élaboré par Leonard
D. et Straus S., ibid., p.144.
34 Prax J-Y., ibid.,
p.95.
44
Prax J-Y. propose une typologie des communautés
professionnelles en distinguant quatre types35 :
La communauté d'intérêt : elle se
réunit autour d'idées (groupe de discussion), croyances
(mouvance religieuse) ou causes communes (association caritative), parfois
c'est simplement une proximité propice à l'échange :
géographique (association de quartier) ou thématique (anciens
élèves d'un même établissement). Ces
communautés sont parfois implicites (on peut y appartenir sans en
être conscient) et constituent des réseaux de pouvoir important
notamment en monopolisation l'information à son sein. Lorsque le but de
cette communauté est clairement de détenir le pouvoir, ça
devient un lobby qui exerce une influence considérable au niveau
stratégique à toutes les sphères ;
La communauté de pratique [Community of
practice (CoP)] : elle est structurée presque
exclusivement sur l'échange du savoir et du savoir-faire. Les
CoP en médecine sont connues pour leur
performance et elles constituent un cadre incontournable pour les
praticiens afin de maintenir leur niveau de compétence dans
un domaine très spécialisée et en
mutation perpétuelle. La CoP est informelle et
le seul critère d'adhésion est l'apport de compétences
pour la communauté ;
Le groupe projet : il est centré sur la
tâche à réaliser. Un flux de connaissances important
circule entre les membres du groupe, mais souvent il n'est pas utilisé
parce qu'on se focalise sur le produit à livrer et sur le court terme
;
Le staff permanent : il est dominé par le statut. Il
atteint son efficacité optimale dans
un environnement stable et prédictible.
3.3. Les communautés de pratique
3.3.1. Importance
Comme nous l'avons vu, les CoP sont un
lieu d'apprentissage et d'échange du savoir. Pour certains auteurs, la
constitution des CoP est un facteur clé de
succès des systèmes de gestion des connaissances36 .
La relation entre performance organisationnelle et constitution
de communautés de pratique a été
étudiée par Lesser E L. et Storck J. dont nous citons les
principales conclusions37 :
Accélérer la progression des nouveaux
embauchés sur leur courbe d'apprentissage : les CoP
permettent aux nouveaux arrivants d'apprendre rapidement grâce
aux orientations des collègues et la présence d'une base de
données riche. Elles permettent aussi d'appréhender le large
contexte du travail routinier de tous les jours et de comprendre par
conséquent l'articulation du travail individuel dans le contexte
général.
35 Prax J-Y., ibid.,
pp.100-102.
36 Bourdon I., Vitari C. et
Ravarini A., Les facteurs clés de succès
des Systèmes de Gestion des
Connaissances : proposition d'un modèle
explicatif, article disponible sur : http://www.kmactu.com
37 Lesser E L. et Storck J.,
Communities of practice and organizational performance, IBM
Systems Journal, vol. 40, n°4, 2001, pp.836-840.
45
Répondre plus rapidement aux attentes et
aux requêtes des consommateurs : grâce à la
capacité d'identifier rapidement les détenteurs d'une
compétence particulière, l'individu peut repérer
facilement la personne la plus apte à résoudre un problème
particulier d'un client et recevoir des conseils de sa part. Souvent
une personne de la CoP a déjà eu
à répondre à une demande similaire et
l'expérience acquise peut-être facilement
transférée.
Réduire le travail refait et «la
réinvention de la roue» : la capacité de localiser,
accéder et appliquer le savoir existant dans de nouvelles situations est
un important résultat de la constitution des CoP. La
présence de documents facilement utilisables dans la base de
données est un facteur important, mais plus que ça, c'est la
capacité
de repérer le rédacteur du document et d'entrer en
contact avec lui qui améliore la performance de l'organisation.
Augmenter la capacité à innover :
les CoP offrent des forums où une
variété de points de vue sur un même sujet peuvent
se confronter ce qui fait ressortir de nouvelles idées. La
stimulation qu'offre les forums à développer de nouvelles
idées et
à les défendre devant les collègues est une
magnifique occasion de pousser sa propre réflexion jusqu'au bout,
jusqu'à de nouvelles idées.
3.3.2. Quelques difficultés majeures à
gérer les CoP38
Nous citons quelques points essentiels qui peuvent
détourner les CoP dangereusement de leur vocation et
les transformer en danger pour l'entreprise :
L'appropriation d'un domaine par une minorité qui exclue
les autres ;
La CoP ne se préoccupe que
d'elle-même et oublie qu'elle doit diffuser un savoir aux
opérationnels et rester à l'écoute des clients ;
La CoP se marginalise dans ses positions et
elle n'est plus prise en considération ;
Les querelles stériles entre experts ;
La clôture cognitive de la communauté sur
elle-même qui l'empêche de voir certaines évidences ;
Le nivellement des plus brillants par la masse moyenne qui
freine leur créativité ;
La dépendance vis-à-vis d'un leader qui la rend
vulnérable ;
La CoP devient un enjeu de pouvoir ;
La focalisation sur le nombre de publications et de
consultations au détriment de la résolution des problèmes
;
La focalisation sur les résultats à court
terme ce qui conduit à des contributions de médiocre
qualité et à un volume énorme de documents inutiles.
38 Adapté de Prax J-Y.,
ibid., pp.425-428.
46
Conclusion
L'exposé des principales notions relatives
au KM nous a mené à remarquer la complexité de la
problématique et à considérer le KM comme une approche
nouvelle en train de se structurer autours de quelques thèmes
majeurs. Nous pensons qu'un mouvement de convergence vers ce qui pourrait
constituer un paradigme commun est amorcé, il se révèle
dans l'élaboration d'un vocabulaire commun et la formalisation de
quelques pratiques du domaine.
La multidisciplinarité du KM est une formidable
occasion de repenser les pratiques managériales actuelles en mettant de
plus en plus la dimension humaine au centre des préoccupations. C'est
aussi un handicap car l'intégration des différentes
dimensions nécessite du temps et se fait souvent au détriment
d'une étude poussée des contributions potentielles de chaque
approche.
La diversité des enjeux du KM rend
indispensable la clarification par l'organisation des objectifs visés
à travers la démarche de gestion des connaissances.
Connaître les attentes des acteurs pour apporter une
réponse adéquate est aussi un préalable
nécessaire. C'est pour cela que la démarche KM doit être
planifiée et gérée de manière efficace. Le mode
de management de projet semble alors l'outil de choix pour une
transition harmonieuse vers l'entreprise apprenante.
47
DEUXIEME PARTIE
LES PROJETS KNOWLEDGE MANAGEMENT
48
Chapitre III : Outils et méthodes pour le
Knowledge Management
Introduction
Nous allons exposer dans ce chapitre, de manière
brève, quelques outils et méthodes dédiés à
la gestion des connaissances.
Le choix des outils et méthodes à
retenir obéit à l'apport potentiel qu'ils peuvent donner
dans le cadre de notre problématique de recherche. Ce ne sont donc pas
les plus cités ou les plus utilisés mais ceux qui nous semble
avoir le plus d'impact compte tenu des problèmes repérés
durant la phase de diagnostic.
Un grand nombre de méthodes et d'outils sont
décrits dans la littérature et à travers
le marketing des offreurs technologiques. Leur examen
se révèle être une tâche difficile d'autant plus
qu'on a pas toujours une description exacte des utilisations potentielles et
des contextes d'application. Ce que nous exposant ci-dessous n'est qu'un
échantillon de
ce qui existe sur le marché.
Notre choix s'est porté sur trois types
d'outils et de méthodes : ceux pour le retour d'expérience, ceux
pour la modélisation des connaissances et enfin ceux que nous avons
regroupé sous le terme d'outils support. Cette typologie est
très répondue dans la littérature mais elle n'est pas
la seule, cependant elle présente un intérêt certain dans
le cadre de notre travail puisqu'elle en rend l'exposé plus
facile.
Nous commencerons par exposer les méthodes de
retour d'expérience en abordant
les généralités de l'approche
(I.1) pour donner ensuite quelques exemples (I.2), puis ce sont les
méthodes de modélisation des connaissances qui seront
étudiées en commençant par la définition et les
objectifs (II.1) pour s'acheminer vers quelques exemples (II.2), enfin
nous regrouperons un ensembles d'outils sous l'appellation d'outils supports
pour
les exposer en débutant par une
présentation (III.1) et en allant vers les exemples (III.2).
49
La littérature du KM décrit un grand
nombre d'outils et de méthodes pour la gestion des
connaissances. L'usage qu'on peut faire de ces outils et méthodes varie
considérablement et même les typologies proposées
n'arrivent pas à donner une représentation adéquate
des utilisations potentielles.
Le choix d'un outil ou d'une méthode se fait
souvent sous la pression des offreurs de solutions technologiques et avec
les conseils _pas toujours avisés_ des cabinets d'experts.
La difficulté de faire un choix découle
souvent de l'incapacité à exprimer un besoin correctement
par rapport aux solutions offertes dont on ne connaît pas
forcément toutes les fonctionnalités. C'est pour cela que le
choix doit alterner des phases d'écoute et de pédagogie pour
arriver à une compréhension claire de la situation de
décision.
I. Le retour d'expérience
1. Généralités1
1.1. Qu'est ce que le retour d'expérience
?
Le retour d'expérience peut être défini
très brièvement comme un processus composé de
méthodes et de procédures pour tirer des enseignements
des activités passées. Le retour d'expérience permet
d'identifier les méthodes qui conduisent au succès,
d'évaluer le chemin parcouru, de mesurer l'efficacité de son
action, d'accéder à la capitalisation d'expérience en
favorisant le développement et le partage des bonnes pratiques.
Pour progresser, toute personne a besoin de discerner ses savoir-faire,
d'évaluer ses compétences afin de les renforcer. Le retour
d'expérience se fait alors au niveau individuel, au niveau de
l'équipe et au niveau de l'organisation.
1.2. Objectifs d'un retour
d'expérience
L'objectif affiché est donc une collecte et une
analyse d'informations avec comme objectif final d'apprendre. Le
retour d'expérience est une méthode d'apprentissage. Les mots
clefs d'un retour d'expérience sont : analyser, tirer des
enseignements, apprendre. Mais le retour d'expérience n'atteint
son plein potentiel dès lors que les notions de capitalisation
et partage ne sont pas pleinement intégrées dans le
retour d'expérience.
1.3. Mise en place d'un retour
d'expérience
Trois niveaux d'analyse sont à considérer lors de
la mise en place d'un retour d'expérience :
Au plan individuel, il relève principalement de la
volonté personnelle de le mettre en place. Il résulte d'une
attitude volontariste marquée par la décision de consacrer le
temps nécessaire à évaluer ses actions et celles de
l'équipe. Concrètement, le temps est structuré en
intégrant des pauses dans l'action quotidienne, hebdomadaire
ou
mensuelle, pour évaluer et réorganiser les
activités.
1 Adapté de : Van Wassenhove
W., Définition et opérationnalisation d'une
Organisation Apprenante (O.A.) à l'aide du retour
d'expérience, Thèse de Doctorat, ENGREF, Paris, sous
la direction de Wybo J-L., 2004.
pp.108-110.
50
Pour l'équipe, c'est la décision de
consacrer le temps nécessaire qui marque l'intérêt
porté au retour d'expérience. De la même manière
qu'en individuel, des pauses dans l'action, sous forme de réunions
à rythmes réguliers doivent être organisées
pour évaluer et améliorer les résultats et les
méthodes de travail qui donnent en retour un recul et une vision globale
sur l'action.
Pour l'organisation, le retour d'expérience est
organisé autour de toutes les instances
de pilotage d'activité, dont les buts sont de faire
le point d'avancement des opérations, d'examiner les difficultés
rencontrées et de décider des modifications de fonctionnement de
l'organisation. La revue de direction de l'assurance qualité en
est
le cas le plus connu, mais on peut y associer les
revues de projets et les comités d'opérations.
2. Exemples
2.1. La mémoire à base de
cas2
Le raisonnement à partir de cas peut être
utile pour la construction d'une mémoire collective. En effet,
chaque organisation dispose d'un ensemble d'expériences
antérieures
(succès ou échecs) qui peuvent être
représentés explicitement dans un même formalisme afin
de les comparer. Chaque expérience pourra alors être
décrite dans un cas. Cependant, s'il est souhaitable que l'organisme se
remémore ses échecs antérieurs afin d'éviter de les
reproduire,
les problèmes humains et organisationnels
rendent souvent difficile et peu réaliste l'explicitation des
erreurs passées de l'organisation3 .
Une mémoire à base des cas est
intéressante pour éviter les difficultés de
modélisation du savoir-faire en se concentrant sur l'acquisition
des cas et également pour permettre une évolution continue
de la mémoire d'entreprise grâce à l'ajout progressif de
nouveaux cas. Le raisonnement à partir de cas vise à trouver,
pour un problème présent, une solution construite
en réutilisant une solution mémorisée d'un
problème similaire au problème actuel. Le raisonnement à
partir de cas repose sur un cycle :
Rechercher dans la base de cas un problème similaire
au problème actuel ;
Adapter la solution trouvée du problème
antérieur au cas présent ;
Mémoriser éventuellement le problème
présent et sa solution sous forme d'un nouveau cas dans la base
de cas.
Moussavi M. propose un système à base de cas
comprenant :
Une bibliothèque de cas
comprenant des cas concrets de développement de
projets. A cette bibliothèque est associée un
vocabulaire d'indexation qui capture les caractéristiques
importantes des cas de développement et les distingue les uns
des autres ;
Une base de connaissances
contenant des connaissances générales du
domaine. Cette base de connaissances permet au système de fournir
des avis prescriptifs sur les
2 Adapté de : Van Wassenhove
W., ibid., pp.118-119.
3 Dieng R., Corby O., Giboin A., Golebiowska
J., Matta N et Ribière M., Méthodes et outils pour
la gestion des connaissances. Dunod, 2000, cité par Van
Wassenhove W., ibid., pp.118.
51
méthodes à utiliser dans telles ou telles
conditions ;
Une interface utilisateur d'évaluation de
situation, qui dérive les caractéristiques les
plus significatives avant de tenter de retrouver un cas utile. Par rapport aux
systèmes
de recherche d'information classiques ou par rapport
aux moteurs de recherche du web, ce composant est capable d'utiliser le
vocabulaire sémantique relatif à un projet, pour aider
l'utilisateur à formuler une requête4 .
2.2. L'US Army After Action Review
(AAR)5
Le retour d'expérience est dans le domaine
militaire une méthode d'apprentissage très importante et
l'armée américaine est l'une des rares organisations qui ait
institutionnalisé ses retours d'expérience et plus
particulièrement à un niveau d'équipe. Les retours
d'expérience sont désormais des procédures
standardisées6 . Ces revues d'après action sont
structurées autour de quatre questions :
Qu'est ce qu'on a voulu faire ? (What did we set out to
do?)
Qu'est ce qui s'est passé ? (What actually happened
?)
Pourquoi cela s'est il passé ainsi ? (Why did it
happen ?)
Qu'est ce qu'on va faire la prochaine fois ? (What are we
going to do next time?)
La méthode propose une liste de directives pour
conduire ce retour d'expérience dans l'équipe après
une action :
Planifier les AAR peu après une action.
Faire des retours d'expériences une routine
(après chaque action).
Collecter des données objectives.
Utiliser des personnes neutres et entraînées
pour mener le débat.
Mettre en place des règles du jeu claires :
franchise, ouverture, confidentialité.
Procéder de façon systématique : les
quatre questions.
Impliquer tous les participants dans les
discussions.
Sonder pour des rapports fondamentaux de cause
à effet, éviter de critiquer des comportements
individuels.
Identifier des actions à favoriser et des erreurs
à éviter.
Il existe également dans l'armée
américaine et canadienne un centre de retour
d'expérience qui s'appelle : Center for Army Lessons
Learned (CALL). Ce centre rassemble et analyse des
données d'une variété de sources courantes et historiques
et produit des leçons, des apprentissages, des enseignements et
des données pour les officiers, les personnels et les
étudiants militaires. Ces données sont disponibles sous
différents supports, y compris un site web. Le centre canadien
définit sa mission ainsi : «Notre mission est de rassembler
et d'analyser les expériences canadiennes et alliées en
matière d'opérations et d'instruction en vue de les
disséminer sous forme de leçons dans le but d'améliorer la
capacité opérationnelle de l'Armée7 ».
4 Moussavi M., A
case-based approach to Knowledge Management. Proc. Of the AAAI'99
workshop on
«Exploring Synergies of Knowledge Management and Case-based
Reasoning», July 1999, Orlando, AAAI Press
Technical Report WS-99-10, cité par: Van
Wassenhove W., ibid., pp.119.
5 Adapté de Van Wassenhove
W., ibid., pp.115-116.
6 Garvin D.A., Learning in
Action. Harvard Business School Press, 2000, cité par: Van
Wassenhove W., ibid.,
pp.115.
7 http://www.armyapp.dnd.ca/allc/main/asp
cité par: Van Wassenhove W., ibid., pp.116.
52
®
2.3. La méthode REX
du Commissariat à l'Energie Atomique
(CEA)8
La méthode REX9 a
été développée par le CEA à la direction des
Réacteurs Nucléaires pour capitaliser le retour
d'expérience sur le démarrage de Super Phénix. De cet
objectif est née une méthode et un logiciel. Le retour
d'expérience se présente comme une description
structurée, sous forme de «fiches
d'expériences». Ces fiches sont rédigées
à partir d'interviews des personnes qui ont vécu
ces expériences. Elles sont ensuite mises à
disposition dans un outil informatique avec un système de recherche par
mots clés, agrémenté d'un graphe de concepts
construits, qui permet de naviguer dans les concepts du domaine pour
mieux formuler sa requête10 . L'outil REX est
diffusé par la société Euriware et utilise actuellement
la technologie Intranet. Plusieurs organisations utilisent l'application
: CEA
(projet ACCORE), DCN/Toulon, EDF, RATP, SNCF.
®
2.3.1. L'objectif du REX
L'objectif d'une application REX est de
mettre en place l'organisation et les outils
permettant la maîtrise du cycle de retour
d'expérience. Dans la méthode REX il s'agit de
deux processus, l'un destiné à capter l'expérience,
l'autre destiné à fournir à bon escient, les
éléments d'expérience.
2.3.2. Les sources d'expérience et leur
manipulation
Il existe différentes sources d'expérience.
L'étude, pour la méthode REX, des documents
et des bases de données contenant de l'expérience
conduit à deux observations11 :
L'expérience doit être exprimée sous
forme d'éléments d'expérience décrits de
manière atomique ;
Chaque élément de l'expérience doit
respecter une forme de base stable :
1. Un en-tête décrivant le
contexte ;
2. Un texte relativement court,
typiquement de la taille d'un paragraphe, c'est à dire rarement plus
d'une page. Il est composé de trois parties : la
première partie, toujours présente décrit
objectivement les faits (description d'une anomalie ou d'un accident par
exemple) ; la deuxième partie est constituée de commentaires
ou
de remarques de l'observateur ; la
troisième partie (facultative) est une recommandation,
véritable proposition pour faire évoluer le savoir-faire.
La présence de cette dernière partie suppose que
l'élément d'expérience ait déjà fait l'objet
d'un processus de réflexion ;
3. Des références.
Pour répondre aux spécifications fonctionnelles
générales décrites, la méthode
REX
8 Adapté de Van Wassenhove
W., ibid., pp.120-123.
9 Malvache P., Eichenbaum C., Prieur
P., La maîtrise du retour d'expérience avec la
méthode REX. Performances humaines et Techniques. N°
69, Mars-Avril, 1994, p.6-13, cité par : Van Wassenhove
W.,
ibid., pp.120.
10 Ermine J.L., Les
systèmes de connaissances. Ed Hermès, Paris 1996,
cité par : Van Wassenhove W., ibid.,
pp.120.
11 Malvache P., Eichenbaum C., Prieur P.,
opus cité, in Van Wassenhove W.,
ibid., pp.121.
53
propose une série de procédures pour
constituer les Eléments d'Expérience (EEx)
et une série de procédures pour structurer le domaine
de l'expérience mémorisée appelé :
Mémoire
de l'Expérience (MemEx).
L'application de ces procédures conduit à la
réalisation d'un système informatique qui peut être
interrogé en langage libre et qui affiche les EEx
retrouvés sous forme d'un dossier d'informations
ordonnées par pertinence décroissante. Chaque
élément de ce dossier peut être examiné en
même temps que la documentation associée, disponible sous
n'importe quel système de stockage.
La constitution des EEx est un point
clé dans la gestion de l'expérience par la méthode
REX. Il s'agit de la matérialisation de
l'expérience, qu'elle qu'en soit l'origine. Ce sont les plus petites
unités de connaissance manipulées par REX,
et elles déterminent la finesse de résolution d'une
application. Tout en pouvant être de types différents, en fonction
des finalités
de l'application, ces unités
élémentaires se présentent toutes sous la même
forme décrite précédemment : en-tête, texte court,
références.
Les différentes sources d'expérience sont
prises en compte dans la procédure de constitution :
l'information peut être contenue dans un ou plusieurs manuels
utilisés dans l'entreprise, et qui représentent un
savoir-faire reconnu et clairement structuré, ceci peut
correspondre à des réglementations, un code de calcul, un
document technique de référence,
un ensemble de standards, des procédures...etc.
La méthode REX va considérer chaque
paragraphe important comme un EEx. De façon
similaire on fera intervenir une correspondance
enregistrement/EEx lors de l'intégration de bases
textuelles existantes.
L'information peut être constituée de
l'expérience accumulée par l'entreprise tout au long
de son activité, qu'elle s'efforce de formaliser et
d'organiser. Ce peut être typiquement des notes ou formulaires
établis pour mémoriser les tenants et les aboutissants des
activités (fiches d'expérimentation, fiches d'écart,
notes de retour d'expérience, jurisprudences, procédures
exceptionnelles...etc.) ; les faits sont déjà
présentés sous une forme réutilisable
ultérieurement, pour permettre un raisonnement par analogie.
L'information peut correspondre à l'expérience
accumulée par les individus tout au long
de leur activité dans l'entreprise ; la nature de
l'information est proche de celle du type précédent, mais
elle n'est pas formulée de la même manière : dans le
meilleur des cas elle a
été relevée dans des carnets, dans
le pire des cas elle ne se trouve que dans la tête des
individus. La méthode de REX propose alors une
technique d'interview pour construire des EEx à partir
des connaissances et du savoir-faire des individus.
2.4. La méthode MEREX de
Renault12
La méthode de Mise En
Règle de l'EXpérience
(MEREX), est une méthode de capitali- sation de
l'expérience mise au point par Corbel J-C en 199513 ,
à la suite d'un benchmark avec l'Aérospatiale, pour
l'amélioration des processus de l'ingénierie des véhicules
de Renault.
Ce qui a poussé Renault à mettre au point un
système de capitalisation de l'expérience, c'est la constatation
d'erreurs récurrentes pendant les phases de conception ; ces erreurs
étaient principalement dues à la non application d'un
savoir-faire, pourtant maîtrisé dans la maison, qui engendrent des
surcoûts considérables.
12 Adapté de : Prax J-Y.,
Le manuel du Knowledge Management, Dunod, Paris, 2003,
pp.242-249.
13 Corbel J.C.,
Méthodologie de retour d'expérience :
démarche MEREX de RENAULT, chapitre 4 dans
Fouet
J.M., Connaissance et savoir-faire en
entreprise, intégration et capitalisation. Hermès, Paris,
1997.
54
MEREX s'est donné pour
maîtres mots la simplicité et la réponse aux
attentes des utilisateurs : il y a en effet un risque bureaucratique à
vouloir tout capitaliser ; le principe de MEREX est de partir
des attentes des «clients» afin d'extraire les connaissances
requises, en respectant quatre principes de base :
Chaque expérience est limitée à une
fiche A4 ;
Les détails sont capitalisés ;
On se limite à des faits simples et précis
;
La méthode est utilisable par tous.
L'objectif est de capitaliser des standards de solutions
produits et process, régulièrement remis à jour en
fonction des problèmes rencontrés, des bonnes pratiques
mondiales et des innovations.
2.4.1. Les fiches d'expérience MEREX
En une page, les fiches doivent apporter une réponse
concrète et rapide à un problème. Les rubriques
principales sont :
Le titre, signifiant car il sert ultérieurement
à la réalisation des check-lists ;
Un énoncé en une quinzaine de lignes ou
un croquis, opérationnel (non théorique), applicable et
validé ;
Le jalon, qui indique les dates ou points de repères
auxquels ce savoir-faire doit être éventuellement
intégré dans le process ;
Le contexte qui précise le champ d'application de la
solution proposée (ou à l'inverse ses limites) ;
La solution de retouche qui propose une solution
opérationnelle et éventuellement une deuxième solution, en
cas d'échec de la première.
Trois rubriques complémentaires témoignent de la
validité et la valeur de la fiche :
Les conséquences du non-respect indiquent les
enjeux économiques (coût, délai, qualité)
liés à la solution ;
Le support pour vérifier la règle,
explique comment la solution a été trouvée
(prototype, laboratoire, essai... etc.) ;
Les éléments de validation apportent des
preuves de l'efficacité de la solution
(expériences réussies, paramètres
physiques, exemples de pratiques de la concurrence... etc.).
Enfin, la fiche respecte les règles de rédaction
des démarches ISO 900l, avec l'indication :
Des sources ;
Des informations complémentaires ;
Du nom des acteurs ayant participé à son
élaboration (rédigé par, validé par,
géré par, exploité par).
2.4.2. Les acteurs
La rédaction de ces fiches implique la participation de
trois principaux acteurs :
55
Les rédacteurs, qui sont des opérationnels
de chaque métier (chefs d'équipes) et non des experts. La
rédaction des fiches est en principe laissée à
l'initiative personnelle ; toutefois, Renault a mis au point une
procédure institutionnalisée de réunions de
résolution de problèmes, au cours desquelles les invités
sont incités à capitaliser ; la rédaction est dès
lors plutôt une démarche concertée et collective.
Les validateurs, qui appartiennent au réseau des 70
experts métiers de Renault ; une fiche peut être validée si
elle fait l'objet d'un consensus d'au moins 3 experts.
Les gestionnaires, qui ont la charge de l'administration
de la base MEREX, métier par métier.
Aujourd'hui, une vingtaine de gestionnaires veille à la cohérence
et à la mise à jour des fiches, au respect du nombre limite de
100 fiches, et à la diffusion de ces fiches aux chefs de projet et
à toute personne intéressée (soit un potentiel
d'environ 5 000 utilisateurs). Le gestionnaire est un véritable
père technique dans son domaine, un animateur de la
transversalité. Il recherche en permanence l'addition des
compétences détenues dans l'entreprise et chez les fournisseurs,
puis rend visible ce savoir-faire collectif sous forme de solutions
produit/process, pour «faire bon du premier coup».
2.4.3. Le rôle de la réunion de
capitalisation
On note l'importance de la réunion de capitalisation :
un technicien est invité à exposer son idée, sa
suggestion, sa résolution d'un problème aux autres ; ceux-ci
challengent son idée par un feu nourri de questions, ce qui enrichit
considérablement le sujet et en même temps lui confère un
premier niveau de validation. En même temps, si l'idée tient la
route, son porteur
en tire une vraie reconnaissance : celle de ses pairs et de
son chef. Une fois l'idée validée, alors on peut rédiger,
collectivement, la fiche de capitalisation, et sa rédaction n'en est
que meilleure.
II. Les méthodes de modélisation des
systèmes de connaissance
1. Définition et objectifs
1.1. Qu'est-ce que la modélisation des
systèmes de connaissance ?
La modélisation est une abstraction qui permet de
réduire la complexité d'un système réel
en se focalisant sur certains aspects, en fonction de certains
objectifs. Elle devrait en outre, permettre de manipuler les objets et
interpréter les résultats de la manipulation.
La modélisation des système de connaissance,
encore dite ingénierie des connaissances, revient à construire un
modèle abstrait du système pour réduire la
complexité des éléments qui le composent et rendre compte
des relations entre eux. La finalité est de permettre une utilisation
plus facile des éléments de connaissances ainsi construits et
leur partage entre tous dans un même formalisme.
1.2. Objectifs
Toutes les méthodologies disponibles aujourd'hui sur
le marché ont pour but commun d'assister le professionnel
détenant un savoir-faire plus ou moins tacite à le formaliser
sous
56
une forme explicite, donc plus facilement diffusable,
réutilisable et apte à être enrichi par les autres
experts.
Les connaissances ainsi formalisées sous
forme de modules de connaissances interdépendants dans un
système, constituent une mémoire gérée
par une interface informatique qui permet de :
Trouver rapidement et facilement le module de connaissance
par une requête ;
Naviguer facilement dans le domaine des connaissances
relatives à la requête ;
Obtenir une réponse validée et
théorisée, c'est-à-dire générique et
extrapolable à une classe de problèmes ;
Obtenir une réponse sous forme de règle ou
procédure prête à l'emploi.
2. Exemples
2.1. La méthode MKSM du Commissariat à
l'Energie Atomique (CEA)14
La Méthode MKSM (Method for Knowledge
System Management) a été élaborée au sein
du «Groupe Gestion des Connaissances» de la
Direction de l'Information Scientifique et Technique (DIST) du CEA. Cette
méthode est appliquée dans de nombreuses unités du CEA,
organisme grand "producteur de connaissances", sur des domaines
très divers allant des sciences de la vie aux technologies
nucléaires, civiles et militaires. Elle a été
également utilisée sur des projets en collaboration avec des
partenaires divers comme EDF, COFINOGA
ou des PME.
2.1.1. Objectifs de la méthode
La méthode MKSM, tout au long de son
évolution, a constamment gardé comme cadre
fédérateur un certain nombre d'objectifs principaux :
Développer des fondements théoriques
importants et solides. On ne peut pas aborder sérieusement les
problèmes de la connaissance en ignorant la masse immense de
travaux, dans des disciplines nombreuses et diverses, qui ont été
menés sur ce sujet ;
Fournir un ensemble de méthodes et d'outils
directement appropriables par des utilisateurs «néophytes»,
avec un minimum d'effort et de connaissances spécialisées
;
Etre une «méthodologie brève».
Une méthode de gestion des connaissances ne peut être viable
à grande échelle que si elle ne nécessite pas des efforts
prolongés pour être assimilée et mise en oeuvre. Elle ne
doit pas non plus devenir l'apanage d'une caste possédant son propre
langage et ses propres règles. L'expérience a souvent
montré la stérilité de cette attitude. Elle doit donc
donner rapidement des résultats tangibles et évaluables par
l'ensemble des acteurs, sans préjuger du temps nécessaire
à la réalisation d'une application opérationnelle de
qualité ;
14 Adapté de Ermine J-L., Chaillot
M., Bigeon P., Charreton B. et Malavieille D., MKSM :
Méthode pour la gestion des connaissances, Ingénierie des
systèmes d'information, AFCET, Hermès, 1996, Vol. 4, n° 4,
pp.541-
575.
57
Viser un large choix d'applications, car la
gestion des connaissances recoupe un grand nombre d'autres projets :
Assurance qualité, Business Process Reengineering, gestion des
documents, systèmes d'information, systèmes experts,
workflow ou groupware, formation...etc. En fait, MKSM est
une approche (de type systémique) qui devrait permettre de
décider d'un schéma d'orientation de gestion des
connaissances,
en considérant toutes les applications possibles
à partir des connaissances disponibles
et identifiées ;
Se baser sur des expériences concrètes
et variées. MKSM bénéficie du
retour d'expérience du groupe «Gestion des connaissances» de
la DIST qui mène différents projets dans toutes les
directions opérationnelles du CEA, donc dans des domaines
très diversifiés ;
Permettre une évaluation à terme d'un retour
d'investissement possible. Trop souvent,
la gestion des connaissances est vue comme un
«mal nécessaire», similaire à un archivage, qui
coûte, et qui rapporte peu. La gestion des connaissances est au
contraire un phénomène dynamique qui peut amplifier
certaines forces vives dans l'organisation, ce qui peut parfois se calculer
en terme de rentabilité, parfois à très court
terme.
Quelques exemples de projets où la méthode a
été employée :
Capitalisation de connaissances d'experts partant à
la retraite, avec sur certains cas
la validation que la connaissance recueillie se
transmettait aisément à de jeunes embauchés, sans
aucun recours au compagnonnage.
Recueil des connaissances sur un grand projet de R&D
(300 personnes pendant dix ans), afin de livrer à terme à
l'opérateur industriel les connaissances accumulées en même
temps que le prototype industriel.
Explicitation des savoir-faire de laboratoires en vue
d'actions d'assurance qualité, notamment des demandes
d'accréditation.
Réalisation d'un hypermédia à vocation
pédagogique pour transmettre aux opérateurs
de centrales la connaissance fondamentale soutenant les
procédures de sécurité qu'ils utilisent.
Réalisation d'interfaces «intelligentes»
pour de très grosses bases documentaires.
2.1.2. Les fondements de la méthode
MKSM
Les fondements théoriques de la méthode sont la
«Théorie du Système Général»15
et le
«Macroscope»16 . Trois concepts fondamentaux
soutiennent la méthode17 :
15 Le Moigne J-L., La
théorie du système général, théorie de la
modélisation, PUF, Paris, 1990.
16 Rosnay J., Le
macroscope, Seuil, Paris, 1957.
17 Prax J-Y., ibid.,
p.267.
58
L'objet à connaître n'est qu'une partie au
sein d'un plus grand tout, il doit d'abord être perçu dans sa
relation fonctionnelle avec son environnement, sans se soucier, dans un
premier temps, d'établir une image fidèle et exhaustive
de sa structure interne, dont l'existence et l'unicité ne
seront jamais tenues pour acquises définitivement ;
L'objet doit être connu en cherchant à le
concevoir, non à l'analyser, ce qui revient
à le présenter comme objet signifiant et
fonctionnel ;
Le système d'information doit être
approché comme un modèle systémique de
l'organisation, le système d'information constitue un niveau
intermédiaire organisant la correspondance entre un système de
décision et un système opérant.
La méthode MKSM propose
d'élaborer un macroscope pour aborder et maîtriser le
système de gestion des connaissances. Celui-ci est abordé selon
deux niveaux d'analyse :
Il est considéré comme un système de
signes qui peut être abordé selon trois points de vue :
1. Un point de vue syntaxique : comme
référent ou signe (la manifestation) ;
2. Un point de vue sémantique : comme
signifié (la désignation) ;
3. Un point de vue pragmatique : comme signifiant (le
sens).
Il est considéré comme un système
général qui peut être abordé selon trois points de
vue :
1. Un point de vue ontologique : qui considère le
système dans sa structure ;
2. Un point de vue phénoménologique :
qui considère le système dans sa fonction ;
3. Un point de vue génétique : qui
considère le système dans son évolution.
Le macroscope de la connaissance est donc un outil
méthodologique qui permet de définir et d'aborder la
connaissance sous l'aspect syntaxique, sémantique et pragmatique, avec
pour chaque aspect trois visions différentes et complémentaires.
Il reste à faire les postulats qui permettent d'interpréter et
d'adapter ce macroscope à la problématique de la connaissance.
Le premier postulat est que l'aspect syntaxique de la
connaissance concerne l'information. L'information concerne la partie
visible, la mise en forme de la connaissance, au même titre que
l'orthographe ou la grammaire concernent la partie visible du langage. C'est
donc le point
de vue qui s'occupe de la forme sous laquelle se traduit la
connaissance, du code qu'elle utilise pour prendre forme.
Le second postulat est que l'aspect
sémantique de la connaissance concerne la signification
de l'information, qui est bien évidemment distincte de sa forme, de
même que dans le langage, le sens d'une phrase ne dépend pas (ou
pas uniquement) de sa syntaxe. Il ne suffit pas d'accumuler des
données sur une connaissance, encore faut-il y adjoindre d'une
manière ou d'une autre, le sens de ces données pour obtenir
quelque chose un tant soit peu pertinent. L'accumulation d'information (au sens
brut), ne fait pas plus de la connaissance que l'accumulation de briques ne
fait un mur ! C'est donc ce point de vue qui s'occupe du fond par rapport
à la forme de la connaissance, de la structure qu'elle utilise pour
prendre sens.
59
Le troisième postulat est que l'aspect
pragmatique de la connaissance concerne le contexte dans lequel
le sens dont on vient de parler se met en place, et qui influe fortement sur
cette composante. Une connaissance n'existe pas seulement parce qu'elle a une
forme et une signification donnée, mais, aussi parce que cette forme et
cette signification sont donné dans
un milieu qui lui donne sa richesse et sa pertinence. C'est donc
ce point de vue qui s'occupe du système, de l'environnement que la
connaissance utilise pour se mettre en contexte.
2.1.3. La conduite d'un projet MKSM
La méthode MKSM procède par une
série de modélisations de plus en plus fines, avec notamment :
La phase de cadrage, qui cherche à
définir les domaines strictement utiles à modéliser,
les acteurs devant intervenir dans le processus (comité de pilotage,
comité
de projet et comité technique) ;
La phase de modélisation, qui s'emploie à
questionner les différentes ressources, tant humaines (expert,
technicien) que non humaines (documentation, bases de données... etc.);
Les résultats des entretiens sont consignés dans un «livre
des connaissances du domaine» ;
Le schéma d'orientation de la gestion des
connaissances, dont l'objet est de fournir un véritable outil d'aide
à la décision sur un domaine de connaissance. Le
schéma d'orientation se construit essentiellement à deux niveaux
:
1. stratégique : définition des objectifs,
priorisation des objectifs, positionnement stratégique (enjeux externes
et internes) ;
2. tactique : recensement des projets possibles et
étude de risque.
®
2.2. La méthode KALAM
de POLIA Consulting18
2.2.1. Principe
La différence entre KALAM
(Knowledge And Learning in Action Mapping), et les autres
méthodes de modélisation des connaissances (KADS, MKSM) c'est que
l'Homme est mis au coeur du dispositif. Ce n'est pas tant la
représentation analytique du processus ou des ontologies qui est
mise en avant, mais c'est la dimension participative, et donc la
capacité de réappropriation de la méthode par les acteurs
eux-mêmes qui est centrale.
2.2.2. Contexte d'application
La méthode KALAM a été
mise au point par Prax J-Y. (POLIA Consulting). C'est une méthode de
repérage des connaissances et compétences appliquées
aux processus. Une entreprise risque de ne plus maîtriser ses propres
processus coeur de métier ou support à la suite de :
Mobilité ou départ de personnes
détenant des compétences et savoir-faire clés ;
Démobilisation à la suite d'un arrêt des
opérations ou de la fin d'un projet ;
18 Adapté de Prax J-Y.,
ibid., p.273-281.
60
Externalisation.
La méthode a été utilisée par
plusieurs entreprises dont COGEMA -PECHINEY - SOCIETE GENERALE - ENTENIAL
- P.A. TECHNOLOGIES - ALTADIS - SCHINDLER - CIDR.
2.2.3. Mise en oeuvre de la méthode
La mise en oeuvre de la méthode procède selon les
étapes suivantes.
a. Qualification d'un processus critique
Choisir un processus particulièrement important dans
l'activité de la compagnie ou de la division étudiée
(coeur de métier). Réunir les acteurs intervenant dans ce
processus et dessiner
le logigramme du processus de manière
participative.
Sur le dessin, doit figurer l'enchaînement des
tâches ou activités dans le temps, avec des boucles
conditionnelles, depuis l'événement déclencheur
(demande, incident) jusqu'à la réalisation du produit ou de la
prestation finale. Prendre soin également de préciser à
quelle division ou département sont affectées les personnes en
charge de ces tâches (transversalité de l'approche par
processus).
b. Description des flux d'information
Ce qui revient à poser, pour chaque tâche, les
questions suivantes :
De quelle information a-t-on besoin ?
Qui la donne ?
Qui la reçoit ?
Sous quelle forme ?
A quelle fréquence ?
...etc.
Les documents peuvent être répartis en deux
catégories :
Les documents «fixes» : par exemple les fiches
produits ou fiches d'application, des fiches sécurité,
réglementation, environnement... etc. c'est-à-dire non
liés à l'instance
en cours, mais nécessaires à l'exécution
de la tâche ;
Les documents suivant l'instance en cours de
traitement : concevoir la structure générique de ce document
qui circule le long du processus. L'idéal est de tendre, pour une
instance donnée, vers un document numérique unique qui
s'enrichisse au fur et à mesure des interventions (capitalisation et
traçabilité). Il sert de check-list aux intervenants,
garantit que les personnes n'oublient pas de documenter les points
essentiels.
Un gisement important de productivité
réside dans l'interface entre les actions : au moment où
un acteur veut effectuer sa tâche, il s'aperçoit qu'il lui manque
les données et se trouve obligé d'attendre, chercher de l'aide ou
rappeler le client au téléphone.
61
c. Décrire-le qui fait quoi
Il ne s'agit pas d'organigramme de fonctions, car bien souvent
les titres ne donnent aucun renseignement sur les activités, il s'agit
de trouver la bonne personne effectivement en charge
de telle activité, à tel endroit.
Deux éléments sont à décrire : la
fonction affectée à la tâche, et la personne
affectée à la fonction. La différence est notable :
Le lien entre la fonction (par exemple «acheteur»)
et la tâche (par exemple «passer une commande au fournisseur»)
est relativement pérenne ;
Le lien entre la personne (Karim Ameur) et la fonction
(«acheteur») est moins pérenne
et c'est un lien N à N, c'est-à-dire que Karim
Ameur peut cumuler plusieurs fonctions
et que dans la fonction «acheteur», on peut avoir
simultanément plusieurs personnes.
d. Indice de criticité et de
vulnérabilité
Cet exercice consiste à affecter à chaque
tâche un indice de criticité,
c'est-à-dire de quantifier l'importance de la tâche au
sein du processus. En cas de défaillance (ou d'oubli) se trouve-t-on
dans une situation de crise, bloquante, importante ou une situation à
laquelle on pourra remédier ultérieurement ?
Puis, en tenant compte du qui fait quoi
décrit précédemment, on va calculer la
vulnérabilité de l'entreprise ou
de la division par rapport aux compétences disponibles. Exemple de
vulnérabilité forte :
Telle tâche fait appel à une expertise unique,
très difficile à remplacer, et notre staff
ne comporte plus qu'une personne à ce poste,
âgée de 58 ans ;
Telle installation a été confiée
à un sous-traitant depuis de nombreuses années et il est
le seul à connaître les plans et à
pouvoir faire la maintenance.
Exemple de vulnérabilité faible :
Compétence relativement «banale» pour
lesquelles les personnes en charge sont remplaçables ;
Compétence suffisamment maîtrisée pour
être externalisée.
On comprendra que cette mesure d'indice de
criticité/vulnérabilité est centrale dans cette
méthode : c'est en quelque sorte la mesure du «coût de
remplacement de la connaissance», c'est elle qui va justifier
l'investissement à consentir pour «remplacer» la connaissance
en cas
de perte (départ de l'expert). Cet investissement peut
aller de la simple documentation d'un process jusqu'à une
véritable politique de recrutement et formation initiale ou continue.
e. Cartographie de compétences
génériques à la fonction
La question à poser est : «Quelles sont les
compétences génériques nécessaires à la
personne pour qu'elle soit efficace (professionnelle) dans sa fonction ?».
A ce stade, on vise des compétences de base (background
métier, formation universitaire, continue... etc.) et
62
l'expérience acquise sur le terrain, permettant
d'être autonome dans l'exercice d'une fonction donnée.
A partir d'un croisement entre la situation de
criticité/vulnérabilité et les compétences
génériques disponibles (ou en voie de disparition), le manager
est maintenant doté d'une grille relativement objective lui
permettant de décider des investissements importants et à
long terme en matière de :
Formation professionnelle, tutorat, compagnonnage ;
Politique de recrutement ;
Externalisation/internationalisation ;
Dans certains macro processus majeurs : fusions/acquisitions
d'entreprises.
f. Cartographie des connaissances spécifiques
à la tâche
La question à se poser est : «Quelles sont les
connaissances nécessaires à un agent pour être efficace
dans sa tâche» ?
Durant la phase d'identification des flux
informationnels, les documents cartographiés sont ceux qui suivent
l'instance au cours de son déroulement ; cela n'est pas suffisant, il
faut également cartographier l'ensemble des informations de
référence (fiches techniques, plans et cartes,
procédures, normes, standards...etc.) s'appliquant dans le
contexte de la tâche, mais non liées à l'instance.
C'est en priorité sur ce domaine de
documentation que devra porter l'effort de capitalisation.
Plutôt que de chercher à rendre explicite la compétence
générique acquise par l'expérience, beaucoup
d'entreprises devraient commencer par s'assurer que l'ensemble des
documents spécifiques (plans, cartes, normes, standards), sont
accessibles, à jour et valides.
Prax J-Y. rapporte avoir rencontré plusieurs cas
où l'entreprise était vulnérable par rapport à
certains agents tout simplement parce que ces derniers étaient les seuls
à savoir où
se trouvait certains documents essentiels (dans leurs armoires en
l'occurrence...).
g. Support technologique
Concevoir une plate-forme technologique (Intranet, GED,
workflow), qui permet un accès
en ligne à l'ensemble de ces informations.
h. Support organisationnel
L'intérêt d'une démarche basée sur
le processus est de progressivement réintégrer l'acte de
capitalisation dans le processus d'action pour obtenir une mise à jour
permanente. En effet, la capitalisation après coup est perçue
comme une tâche supplémentaire, sans valeur ajoutée,
sans motivation et soumise à des arbitrages difficiles. L'idée
est donc d'intégrer les actions de capitalisation (indexation,
documentation...etc.) dans la tâche elle-même. C'est à
l'outil de gérer ensuite les informations et de les agréger en
une «mémoire collective».
63
i. Support managérial
L'approche processus peut devenir un véritable outil de
management par les compétences
et une analyse a posteriori de la performance peut
permettre le reengineering du processus, c'est-à-dire son
amélioration. La méthode KALAM se veut être une
méthode d'animation d'équipe par les processus et les
compétences. Elle vise à concilier en une seule
démarche cohérente :
Le management par processus (démarche Qualité
Totale) ;
L'optimisation de la performance par
amélioration des interfaces entre les tâches/acteurs
;
L'accès au qui fait quoi ;
L'analyse de la
«criticité/vulnérabilité» des tâches
;
Une politique de gestion prévisionnelle des
compétences et des emplois ;
La capitalisation des connaissances ;
L'optimisation du processus.
III. Les outils support19
1. Présentation
1.1. L'offre du marché
La mise en oeuvre de la gestion des connaissances au travers de
la mise en place d'outils logiciels est un point de passage quasi
obligé. De nombreux outils logiciels se revendiquant de
la gestion des connaissances sont apparus sur le
marché. Ces outils ne couvrent néanmoins que l'approche
orientée information de la gestion des connaissances. C'est pour
cela que nous parlons ici d'outils support ou génériques car leur
utilisation n'est pas spécifique aux systèmes
de gestion des connaissances. Il s'agit
généralement d'outils relatifs au travail collaboratif
(groupware) ou à la gestion documentaire.
1.2. Le schéma général
d'articulation des outils support
Les outils de gestion des connaissances s'organisent sur la
base d'un réseau (intranet ou Internet) et autour d'un Portail. Les
outils de gestion des connaissances se placent entre les utilisateurs et les
différentes sources d'informations. L'environnement se décompose
selon les différentes fonctionnalités qu'il propose. Il est
possible de regrouper sommairement ces fonctionnalités selon les
cinq problématiques majeures qu'elles essaient de résoudre
: le Portail, le travail collaboratif, la recherche d'information,
l'expertise, la gestion documentaire
(Voir figure 5 : Le schéma général
d'articulation des outils support).
19 D'après Tixier B.,
La problématique de la gestion des connaissances. Le
cas d'une entreprise de développement informatique bancaire,
IRI, Nantes, rapport de recherche n° 01.9, 2001, pp.33-36.
64
Figure 5 : Le schéma général
d'articulation des outils support
Source : Tixier B., La problématique
de la gestion des connaissances. Le cas d'une entreprise de
développement informatique bancaire, IRI, Nantes, rapport de
recherche n° 01.9, 2001.
2. Exemples
2.1. Le Portail
Le Portail représente l'interface entre l'utilisateur
et les différents outils. Il permet de fédérer
l'ensemble des fonctionnalités du système de gestion des
connaissances mis en place.
En effet, il rassemble en un même point,
attractif graphiquement et ergonomiquement, un ensemble d'informations
provenant de sources internes ou externes à l'organisation et
un accès aux différents outils. Le portail peut être
indépendant ou bien déjà intégré
à un ensemble d'autres outils ; d'un point de vue pratique, il
est important de prendre en considération la facilité avec
laquelle il est possible d'adjoindre d'autres outils au Portail.
Un portail peut être plus où moins
sophistiqué, certains intègrent notamment des
fonctionnalités de profiling, ils peuvent alors s'adapter, sur
le fond ou la forme, aux différents utilisateurs. L'organisation des
menus ou le type des informations qu'ils proposent peuvent par exemple
s'adapter au type d'utilisateur (selon sa fonction dans l'entreprise) ou bien
à ses goûts (exemple avec un système d'abonnement à
des sources d'information).
2.2. Le travail collaboratif
Le travail collaboratif recouvre l'ensemble des outils
permettant aux collaborateurs de
65
communiquer entre eux, principalement :
La messagerie : qui permet la composition et
l'envoi de messages ou de fichiers de manière asynchrone ou
instantanée, à un ou plusieurs correspondants ;
Les forums : qui structurent les
échanges d'opinions ou d'interrogations sur un ou plusieurs
sujets. Chaque contribution est accessible à l'ensemble des participants
;
L'agenda qui permet aux collaborateurs
de maintenir leur emploi du temps et éventuellement de le
partager avec d'autres (agenda collectif). L'agenda offre la
possibilité de consulter la disponibilité des
collaborateurs, il simplifie fortement la synchronisation des emplois du
temps (par exemple pour organiser des réunions) ;
La visioconférence qui permet de
réaliser des réunions à distance de façon rapide et
peu coûteuse.
Par ailleurs, le travail collaboratif permet d'organiser le
travail, par des outils tels que :
Le workflow gère les
processus de travail où chaque personne contribue à la
réalisation d'un travail commun, de manière séquentielle,
parallèle ou conditionnelle. L'outil de workflow prend en
compte les données intrinsèques aux processus (acteurs
et opérations). Il permet ensuite de gérer
l'enchaînement des opérations réalisables par les acteurs.
Ce type de fonctionnalité demande, le plus souvent, à être
adapté de façon
spécifique aux processus et aux tâches existantes
dans l'entreprise ;
La gestion de projet a pour but de
faire collaborer un ensemble de personnes engagées dans un travail
en commun ou chacun joue un rôle particulier. Elle permet à
un employé de se synchroniser avec ses
collègues pour optimiser, au mieux, l'avancement des travaux.
2.3. La recherche d'information
La recherche d'information est la principale voie pour
l'appropriation de nouvelles connaissances par les utilisateurs. Trois types
d'outils peuvent être distingués:
Le moteur de recherche met en oeuvre
dans des environnements techniques variés
(base de données documentaires, fichiers...etc.)
des fonctions de recherche. Les modes de recherche les plus classiques
sont les recherches booléennes et par mots clés. Il existe
des modes de recherche plus avancés comme la recherche statique
(prise
en compte des occurrences des mots et des relations entre les
mots) et la recherche par concept (utilisation d'ontologie relative à
des domaines, ce qui peut s'apparenter à de
la recherche sémantique) ;
La veille permet une analyse des
sources d'information variées et la réception des
informations correspondant à un profil déterminé
au préalable. Elle simplifie principalement le suivi de
l'évolution des informations ;
La cartographie fournit une vue de
synthèse sur l'ensemble des documents en analysant automatiquement
leur contenu. Elle facilite l'accès aux documents grâce à
une classification de ceux-ci. La cartographie est très liée au
domaine de recherche du Data mining.
2.4. La gestion documentaire
La gestion documentaire se donne pour objectif la gestion de
l'ensemble des documents dans les différentes étapes
éditorial (acquisition, création, diffusion, archivage). Il
s'agit de la
66
voie privilégiée pour la démarche
de capitalisation des connaissances. La gestion documentaire
permet d'indexer et de classifier des sources documentaires internes
ou externes, c'est elle également qui se charge de
gérer des thésaurus nécessaires à la
classification.
2.5. L'expertise
L'expertise est un type de fonctionnalité
dédié à la gestion organisationnelle des ressources
principalement humaines. Elle comporte notamment les fonctionnalités de
gestion des compétences, de gestion des groupes d'experts et de gestion
des moyens techniques :
La gestion des compétences doit
fournir le moyen d'identifier et de visualiser les compétences
des collaborateurs, pour en gérer l'évolution en termes de
mobilité, de formation, de recrutement et déterminer
l'évolution des compétences nécessaires ;
La gestion des groupes d'experts permet
l'identification d'experts et la description
de leurs domaines de compétences au sein d'une
organisation ;
La gestion des moyens techniques se charge de
gérer les ressources matérielles de l'entreprise (machines,
locaux...etc.).
67
Conclusion
Le choix des méthodes et outils pour la
gestion des connaissances est une étape cruciale qui doit faire
l'objet d'un soin particulier. La problématique réside
dans l'adéquation des utilisations offertes avec les besoins de
l'organisation.
Pour paraphraser Prax J-Y., nous dirons que c'est le
besoin qui crée l'outil qui à son tour recrée le
besoin. Les utilisateurs qui découvrent un nouvel outil
découvrent en même temps de nouveaux besoins qu'ils n'arrivaient
pas à exprimer, d'où l'adaptation continuelle et mutuelle des uns
aux autres. Le plus important reste l'appropriation par
les utilisateurs des méthodes et outils
pour ne pas se retrouver dans la situation fréquente de
technologies de pointes sous utilisées ou carrément
détruites par la mauvaise utilisation ou la dégradation
volontaire.
Il convient donc de bien comprendre les
utilisations de chaque méthode en en examinant les principes de
base. Il est important aussi de bien connaître le contexte
d'application et les limites de chaque outil car il n'existe pas
d'outil universel aux applications illimitées.
Les méthodes et outils décrits
précédemment devront plus servir de modèles pour faire
réfléchir que de solutions prêtes à l'emploi.
L'adaptation à l'environnement (au sens large) de l'entreprise est un
facteur déterminant dans le succès d'une
méthode.
68
Chapitre IV : Les projets Knowledge Management
Introduction
Nous essayerons dans le présent chapitre
d'aborder la problématique de la gestion des projets KM en terme
généraux, c'est-à-dire en offrant une perspective globale
de la démarche et des lignes directrices pour sa conduite.
Pour une approche qui se veut la plus
complète possible, nous avons choisi de commencer par l'examen
de la question du pourquoi du projet KM. Ensuite, les
différentes phases du projet sont décrites selon la
structure du Guide Européen des Bonnes Pratiques de Knowledge
Management. Enfin, nous terminerons par donner quelques remarques sur les
acteurs et les facteurs de criticité d'un projet KM.
Le choix du Guide Européen est
motivé par son aspect générique qui permet d'aborder
des situations fort différentes. Sa structure simple permet une
compréhension plus facile. Le Guide se compose de cinq parties
distinctes issues des cinq groupes de travail composés d'experts
internationaux renommés.
La première section abordera les raisons
d'un projet KM à travers deux angles d'attaque : la
nécessité de gérer la démarche KM (I.1) et le
projet KM comme démarche
de conduite du changement (I.2). Une deuxième
section sera consacrée à la description des différentes
phases d'un projet KM, elle se déroulera en exposant le schéma
général
de la démarche (II.1), puis chacune des
étapes qui sont : la préparation (II.2), le diagnostic
(II.3), le développement (II.4), l'implémentation (II.5) et
l'évaluation (II.6). Nous finirons ce chapitre par quelques
notes sur les acteurs (III.1) et les facteurs de criticité
(III.2).
69
Dans de nombreuses entreprises, le développement des
systèmes de gestion des connaissances
a été subit plutôt que conduit.
Réalisés souvent dans l'urgence, ces systèmes
répondent à des objectifs immédiats et locaux. La
cohérence interne des initiatives et leur adéquation avec la
stratégie de l'entreprise sont rarement pris en compte. Ces deux
phénomènes sont exacerbés par la pression de l'offre
technologique et sa diversité qui ont poussé les entreprises
à se ruer sur la dernière trouvaille mise sur le
marché.
Une gestion stratégique des démarches KM doit
être entreprise suivant deux axes majeurs :
La finalité de la démarche. Quels sont
les besoins à satisfaire ? Qui sont les acteurs concernés ?
L'organisation de la démarche. Quels sont
les choix technologiques, humains et organisationnels à effectuer ?
Selon quelles phases se développera la démarche ?
I. Pourquoi un projet KM ?
1. La nécessité de gérer la
démarche KM
1.1. Un projet de construction d'un système
sociotechnique
Le but ultime d'une démarche KM est la
construction d'un système qui s'intègre parfaitement au
travail quotidien des acteurs. Les tâches liées à ce
système, comme le retour d'expérience par exemple, doivent
devenir des tâches à part entière du fonctionnement
de l'entreprise. Mais avant qu'un tel niveau d'intégration culturelle ne
soit atteint, la démarche KM doit être vue comme un processus de
changement organisationnel très complexe de part
les différents aspects qu'il intègre et des acteurs
qui y contribuent.
1.2. La problématique de la construction des
systèmes de gestion des connaissances
Pour aborder la problématique de la
construction des systèmes de gestion des connaissances, il
faut disposer d'un cadre général qui rende compte de la
complexité de ces systèmes sociotechniques. Nous retenons le
cadre de la problématique de construction des systèmes
d'information proposé par Reix R. (Voir figure 6: Problématique
de la gestion des systèmes de connaissances).
70
Figure 7: Problématique de la gestion des
systèmes de connaissances
Quelles technologies ?
DES OBJECTIFS ET
DES RESSOURCES
Des connaissances de contexte
Quelles
représentations ?
UN PROCESSUS DE CONSTRUCTION
Des connaissances
sur le problème
Quelle
organisation ?
Trois perspectives à intégrer
UN SYSTEME DE GESTION DES CONNAISSANCES EN
FONCTIONNEMEN
Des connaissances
méthodologiques et technologiques
Trois types d'expertise à combiner
Source : adapté de Reix R.,
Systèmes d'information et management des
organisations, Vuibert, Paris, 4ème
édition, 2004, p. 327.
Le processus de construction d'un système de gestion des
connaissances prend en compte comme données d'entée les objectifs
à atteindre et les ressources disponibles. La finalité est
un système en fonctionnement dans un contexte
organisationnel donné, ce système doit être sans cesse
évalué et adapté. La démarche de construction doit
intégrer trois perspectives :
Informationnelle, qui concerne la forme et le contenu des
représentations ;
Organisationnelle, qui concerne la structure et les
procédures de gestion ;
Technologique, qui concerne les moyens matériels
à mettre en place.
Les connaissances indispensables pour la conduite de la
démarche concernent trois domaines :
Le problème à résoudre, en
caractérisant le domaine actuel et futur d'utilisation du système
;
Le contexte du problème, en particulier les
caractéristiques de l'organisation comme
la culture, la taille, l'age...etc. ;
La méthodologie indispensable, un corpus de
connaissances sur la gestion des projets
KM est disponible et permet de structurer la
démarche.
71
2. Une démarche de conduite du changement
2.1. La transition du système actuel vers le
système futur
Aussi archaïque et non géré qu'il
puisse être, un système de représentation des
connaissances existe toujours dans une entrepris. Il se confond
souvent avec les routines organisationnelles et est profondément
enraciné dans la culture d'entreprise.
Un projet KM est une démarche qui vise à conduire
la transition vers le nouveau système
à concevoir en structurant la
réalité à venir. C'est donc une démarche de
conduite du changement qui fait appel aux enseignements de ce champ
de recherche très important en management.
2.2. Application des principes du management du
changement à la gestion des projets
KM
En nous appuyons sur les principes du management du
changement1 , nous proposons quelques principes pour la gestion
des projets KM
1. Prendre en considération le coté
humain : beaucoup de dirigeants mettent l'accent sur le volet
technologique et oublient de s'adresser aux acteurs dont dépend
finalement l'utilisation de l'outil.
2. Commencer par le haut de la
hiérarchie : la direction générale doit
apporter un soutient inconditionnel à la démarche et montrer
qu'elle est la première à adopter les changements
nécessaires.
3. Inclure tous les acteurs : ce qui permet de
définir les besoins à tous les niveaux et l'adhésion aux
décisions prisent en concertation avec tout le monde.
4. Donner une vision claire des objectifs :
tous les projets de KM n'ont pas la même finalité,
d'où l'importance d'expliciter les buts poursuivis en donnant une vision
claire
de l'organisation future et de son fonctionnement.
5. Faire que les acteurs s'approprient le projet :
en offrant aux gens la possibilité de développer leurs
idées et de les expérimenter, de choisir selon leurs
besoins et capacités.
6. Communiquer efficacement : la
communication doit se faire à tous les niveaux et viser à
créer une vision partagée de l'environnement du travail à
réaliser.
7. Comprendre l'aspect culturel : la
culture d'une entreprise peut être un frein ou un
accélérateur pour les projets KM. Créer une culture
de partage et de soif de connaissance, en valorisant les contributeurs
permet de relever les défis du KM.
8. Se préparer à l'inattendu :
aucune planification ne peut tout prévoir, il importe donc
de se préparer à des événements
inattendus qui font forcément changer les plans.
1 Nous nous référons à
Jones J., Aguirre D. et Calderone M., 10 principles for
change management. tools and techniques to help companies transform
quickly, Strategy + Business Magazine, Booz Allen and Hamilton, 2004,
disponible sur Internet.
72
9. Parler aux gens individuellement :
bien que la démarche soit globale, rien
n'empêche d'écouter les avis de certaines personnes en
privé, ce qui permet surtout de convaincre ceux qui ont des
réticences dues à des causes personnelles.
II. Les différentes phases d'un projet KM
1. Le schéma général d'un projet
KM2
Le schéma général adopté s'appuie sur
la structure des normes existante en management
de projet, notamment la norme ISO 10 006. Il n'est pas
possible de séparer de manière très distincte les
différentes phases mais il faut garder à l'esprit
l'importance de l'identification des enjeux de chaque phase.
Le schéma général d'un projet KM se
présente ainsi :
Phase A / préparation : définir la
vision, la mission, la stratégie et les buts de la
démarche, les objectifs opérationnels doivent aussi être
précisés.
Phase B / diagnostic : il concerne l'état actuel des
connaissances et de leurs flux.
Phase C / développement : les besoins doivent
être définis, les solutions alternatives évaluées et
les éléments clés des méthodes et outils
dégagés.
Phase D / implémentation : couvre
l'implémentation des solutions retenues et la formation.
Phase D / évaluation/pérennisation : une
évaluation du projet doit être mise en oeuvre
et les résultats doivent être mesurés. La
finalité est d'intégrer les résultats de mesure
à l'amélioration continue du
système.
2. Préparation
L'alignement des projets KM sur la stratégie de
l'entreprise a fait l'objet de plusieurs études3 . Il
incombe à la direction de définir la vision, la mission, la
stratégie et les buts de la démarche KM. Cette étape doit
se faire en impliquant les acteurs du terrain à qui se destine
finalement le projet.
Pour entreprendre une démarche KM il convient de
répondre à certaines questions qui constituent un fil
conducteur pour l'ensemble de la démarche :
Pourquoi la démarche est-elle importante pour
la compétitivité de l'entreprise ? C'est le rôle de
la déclaration de politique KM qui définie les missions
de la démarche ;
Que cherche l'entreprise à obtenir à travers
cette initiative ? Il s'agit de donner une vision de l'entreprise apprenante
à atteindre ;
Comment atteindre ce stade ? C'est la stratégie et
les procédures à suivre pendant la démarche.
2 Nous nous basons sur la norme européenne :
CWA 14924-3, European Guide to good Practice in
Knowledge
Management, Part 3: SME Implementation,
Mars 2004. Elle offre des points de repère intéressants quoique
sa logique de construction obéit au paradigme positiviste et qu'elle
soit à forte teinte onglo-saxonne.
3 Don't le travail de Hansen T M., Nohira N.
et Tierney T., What's your strategy for managing knowledge,
Harvard Business Review, March-April 1999, p.106-116
73
Quels objectifs opérationnels poursuivre ? En
termes mesurables comme par exemple la réduction du délai
de développement des produits nouveaux de 20 %.
Pour cette phase, plusieurs approches sont proposées,
nous retiendrons celle qui se base sur l'alignement de la démarche sur
la stratégie générique de l'entreprise. Selon ce
modèle, l'entreprise part du domaine qui constitue ses
compétences de base pour améliorer le rendement de ses
processus.
Hansen T M., Nohira N. et Tierney T. identifient deux
stratégies pour la gestion des connaissances qu'ils nomment :
Codification et personnalisation. «Dans certaines
compagnies, la stratégie est centrée sur l'ordinateur. Les
connaissances sont soigneusement codifiées et stockées dans des
bases de données, où tout le monde peut y accéder et
l'utiliser facilement. Nous appelons cela la stratégie de
codification. Dans d'autres compagnies, les connaissances sont
étroitement reliées à la personne qui les développe
et elles sont partagées à travers le contact direct de personne
à personne. Le rôle principal de l'ordinateur dans ce cas
est de faciliter la communication des connaissances, non de les
stocker. Nous appelons cela la stratégie de personnalisation»4
. Les auteurs insistent sur le choix de la stratégie : il ne faut
ni
les chevaucher ni se tromper dans son choix.
Ils proposent ensuite une série de questions qui peuvent
aider dans ce choix5 :
Offrons-nous des produits standardisés
ou personnalisés ? Les entreprises qui offrent
des produits standardisés peuvent compter sur la
réutilisation du savoir disponible dans les bases de données.
Celles qui offrent des produits personnalisés font face à des
demandes variées et doivent créer des solutions nouvelles
à travers l'échange d'idées entre experts.
Offrons-nous des produits innovants ou matures ?
Les secteurs avec des produits matures
bénéficient de la réutilisation de modèles
antérieurs. Pour innover, les gens ont besoin de partager des
informations subtiles qui se perdent souvent dans les informations
codifiées dans les bases de données.
Nos travailleurs se basent-ils sur un savoir
explicite ou tacite pour résoudre les problèmes ?
Vu l'incapacité des bases de données
à stocker les connaissances tacites, ce critère de choix est
évident.
Cette étape revêt une grande importance du fait
notamment que c'est à ce moment que l'équipe projet est mise
sur pieds. Le rôle du chef de projet est primordial puisqu'il
lui incombe de coordonner les efforts d'une équipe pluridisciplinaire.
La constitution de l'équipe doit refléter la complexité de
la démarche KM. Au-delà des acteurs directement concernés,
d'autres sont souvent appelés à participer venant des
structures Informatiques, Ressources Humaines ou Marketing, sans oublier les
consultants.
3. Diagnostic
Faire un état des lieux est indispensable pour
repérer les domaines exacts d'intervention, c'est-à-dire les
problèmes concrets auxquels le projet KM peut apporter une
réponse. Il
4 Hansen T M., Nohira N. et Tierney T.,
ibid., p. 107.
5 Adapté de : Hansen T M., Nohira N.
et Tierney T., ibid., p. 115.
74
permet, en outre, de repérer les initiatives
déjà menées même si elles ne sont pas
coordonnées
et qu'elles ne s'inscrivent pas dans une vision de KM telle
qu'elle est connue actuellement. Mais plus important encore, le diagnostic
doit déboucher sur une vision claire du système
d'information actuel à travers l'évaluation de ses forces et
faiblesses. Des questions d'ordre général peuvent être
examinées :
Quels sont les problèmes majeurs que pose
notre système d'information actuel pour les stockages et les flux
d'informations ?
Où se localisent les connaissances indispensables
à nos processus ? Sous quelle forme ? Qui la détient ?
Que font nos concurrents ?
Un nombre important d'outils se réclament du diagnostic
des connaissances. La norme européenne les classes en trois
catégories :
Les outils de diagnostic qui nécessitent un
petit effort dans une rencontre de travail ;
Les outils de Knowledge Audits qui se concentrent
sur la connaissance en elle- même et donnent une base utile
pour sa structuration en vue d'utilisations
différentes ;
Les outils de KM audit qui utilisent des
méthodes quantitatives et des questionnaires structurés en
vue de faire une étude complète de l'organisation. Ces outils se
basent surtout sur l'étude de la culture de l'entreprise.
Le diagnostic des connaissances revêt une importance
capitale pour les projets KM. En effet peut-on imaginer une gestion qui
porterait sur des objets non référencés ? Une entreprise
peut ignorer une compétence qui est à la base d'un
processus important et ne s'en rendre compte qu'à l'occasion du
départ d'un employé.
Malheureusement, les outils existants manquent
d'efficacité, soit parce que leur utilisation est trop
délicate soit qu'ils s'adaptent mal à des contextes
variés. Le plus important
est de bien choisir l'objet sur lequel portera
l'évaluation, la connaissance elle-même, le système de
gestion des connaissances ou l'organisation. Le choix n'est pas
fortuit, il doit s'aligner sur les objectifs de la démarche.
4. Développement
Cette étape correspond à la
définition des choix technologiques et organisationnels à
faire. Le choix technologique n'est pas facile à faire avec la
multiplication de l'offre et l'obsolescence rapide des solutions.
Au-delà de cette difficulté, le problème majeur consiste
à demander aux gens d'exprimer un besoin, souvent latent,
auquel ils n'imaginent pas l'existence d'une solution technologique.
Le consultant lui est dans la situation inverse puisqu'il ne peut pas
imaginer toutes les solutions que l'outil peut offrir. Il convient
donc d'alterner la pédagogie et l'écoute client pour arriver
à un choix adéquat.
Le choix de l'organisation à adopter n'est pas facile
non plus. On connaît l'impact des TIC sur les organisations, les
mouvements de réorganisation qu'elles ont provoqués et la
disparition de plusieurs métiers. L'adoption de méthodes et
d'outils pour le KM a un impact très fort sur la définition des
rôles et les jeux de pouvoir.
75
Afin d'aider au développement des outils KM, la
norme européenne propose quelques questions :
Avons-nous des outils qui pourraient être
adaptés ou développés ?
Que pouvons-nous acheter de la part des offreurs externes
?
Y a-t-il des solutions alternatives ?
Avons-nous besoin d'une aide extérieure ?
Quels sont les coûts respectifs ?
La norme européenne propose de répartir les outils
et méthodes en cinq catégories :
Identification des connaissances ;
Création des connaissances ;
Stockage des connaissances ;
Partage des connaissances ;
Utilisation des connaissances.
5. Implémentation
Bien que cette phase soit décrite maintenant, en
réalité, elle commence bien avant et elle accompagne le projet
tout au long de sa maturation. Le taux d'implémentation de la solution
s'accroît au fur et à mesure que le design final se
dessine. Souvent, c'est un petit groupe d'enthousiastes qui commence
à expérimenter l'outil KM. La démonstration de bons
résultats pousse les autres à essayer et à adopter la
solution.
Cette phase comprend plusieurs actions qui sont
décrites dans la norme européenne comme suite :
a. Prendre en compte les résultats du
diagnostic et les compétences nécessaires à
l'implémentation
En fonction des résultats du diagnostic, vu la
culture de l'entreprise et les exigences culturelles de la solution KM
retenue, un changement des mentalités et des comportements
s'avère souvent nécessaire. Il faut à ce stade trouver des
leaders d'opinion qui jouent le rôle
de catalyseurs et de facilitateurs. L'appropriation
individuelle de la démarche KM par chacun des acteurs permet une
implémentation rapide et efficace des solutions retenues. Cela passe
aussi par une implication des utilisateurs dans les choix futurs dès les
premières étapes.
b. Préparer un plan de communication
interne
L'importance de la communication dans les
démarches de changement a été mise en
évidence par plusieurs travaux. Un bon plan de communication
dans une démarche KM s'attellera à expliciter les flux
d'informations et les personnes responsables de chaque noeud d'information. En
effet, il est primordial que chacun connaisse son rôle dans le
système de gestion des connaissances : De qui dépends-je pour
avoir l'information ? Qui dépend de moi ? Quelles sont les informations
que je peux partager avec les autres ? En expliquant les rôles de chacun,
le plan de communication évite ce qu'on pourrait
appeler des «brèches informationnelles» dues au manque
d'une visibilité sur le processus globale de gestion des
connaissances.
76
Sur ce point, quelques actions à mener peuvent être
décrites :
Tenir des manifestations sociales avec les
membres des départements, de l'organisation ou d'autres
partenaires ;
Tenir des réunions de coordination entre
différents départements et avec la direction ;
Prévoir des actions de coaching et de mentoring
;
Réaliser des entretiens informels avec les
différents membres de l'équipe ;
Organiser des séminaires de sensibilisation et
d'information ;
Communiquer clairement sur l'état d'avancement du
projet : objectifs réalisés/prévus, difficultés
rencontrées, satisfaction estimée des acteurs...etc.
c. Définir les fonctions et les
responsabilités personnelles et de groupe
Les membres de l'équipe projet sont choisis selon leurs
compétences et leurs aptitudes à réaliser certaines
tâches. Ces tâches doivent être bien définies et
comprises par tous. La norme européenne identifie cinq rôles et
leurs attribuent les tâches suivantes :
Le chef de projet :
Coordonner le projet KM.
Aligner les missions du projet sur la vision
stratégique de l'organisation.
Etablir les objectifs de l'implémentation du
projet.
Le coordinateur technique :
Implémenter la technologie nécessaire au
projet KM.
Rechercher les solutions technologiques les plus
adéquates pour surmonter les barrières.
Intégrer le système KM avec le reste des
systèmes de l'entreprise.
Le Knowledge Manager :
Animer la participation des employés au
projet.
Rester en contact avec les employés pour les aider
à exprimer leurs connaissances.
Pérenniser le système en maintenant la
motivation à l'utilisation et en récoltant les retours
d'information pour l'amélioration.
Le modérateur :
Coordonner la qualité et la quantité des
contributions.
Modérer les bases de données et s'assurer
qu'elles sont en conformité avec les besoins
de l'organisation et son éthique.
Le Knowledge Broker:
S'assurer de l'alimentation du système par des
contributions pertinentes venant de l'intérieur et de
l'extérieur de l'organisation.
d. Elaborer un plan d'action
Le plan d'action exprime les différentes
étapes du projet en terme de coûts, de
réorganisation des processus et responsabilités.
L'allocation des ressources à chaque phase doit être
planifiée d'avance. Comme nous l'avons déjà
signalé, l'implémentation des projets
77
KM nécessite souvent une réorganisation du
travail avec apparition de nouveaux postes et de nouvelles tâches. Il
faut donc prendre en compte ces changements en s'assurant de la
disponibilité des personnes compétentes pour chaque poste et en
évaluant la charge horaire supplémentaire induite par les
nouvelles tâches.
e. Sélectionner les outils à utiliser et
ceux évalués précédemment
Les outils qui ont été utilisés et
évalués précédemment, feront l'objet d'une
sélection définitive en fonction des résultats obtenus.
Certains outils à utilisation locale ne peuvent pas être
généralisés, il faut donc penser à en
choisir d'autres pour une utilisation plus large ou bien
intégrer les systèmes existants dans un système
global, d'où l'importance de la compatibilité ente eux des
outils à choisir.
D'autres outils sont trop spécifiques à un
contexte particulier, ils nécessitent souvent une adaptation pour une
utilisation dans un autre contexte géographiquement ou fonctionnellement
différent. La contrainte culturelle est souvent à la
base de ce genre d'adaptations.
f. Apprentissage et formation
Souvent négligée, cette dimension est
très critique pour la réussite du projet. La formation constitue
un bon facteur de motivation et elle permet une appropriation rapide
et une utilisation efficiente des outils mis en place. Mais souvent
une formation de piètre qualité provoque un rejet de la part
des participants et une baisse de la motivation. La formation doit être
efficace et consacrer une grande partie à la résolution de
problèmes concrets.
Dans les entreprises japonaises, l'introduction des outils de
la qualité avait fait l'objet de formations intensives sur des cas
réelles. La direction s'assurait de la maîtrise des
méthodes par tout le monde et de leur application
systématique.
L'apprentissage se fait graduellement et il est
favorisé par la propagation de l'utilisation des outils.
L'employé qui n'utilise pas le système se retrouve peu
à peu isolé et contraint d'apprendre. Les échanges
informels, le coaching et le mentoring favorisent l'apprentissage.
g. Implémentation pilote, simulation et
prototypage
Dans la majorité des cas, il est difficile de concevoir
une solution finale préalablement. On peut avoir recours à trois
techniques :
L'implémentation pilote : un groupe pilote
reçoit l'outil et l'utilise pendant une durée relativement longue
pour pouvoir tirer des enseignements sur la façon de
généraliser son utilisation ;
La simulation : il s'agit d'offrir à l'utilisateur un
aperçu des fonctionnalités des outils dans un environnement
virtuel ;
Le prototypage : «une solution imparfaite et
incomplète est confiée à l'utilisateur ; celui-ci,
à partir d'essais, comprend mieux ce dont il a besoin et
formule des demandes d'amélioration»6 .
6 Reix R., ibid.,
p.333.
78
6. Evaluation/pérennisation
La pérennité du système de gestion des
connaissances dépend de son intégration avec les processus de
travail de l'organisation. L'évaluation du succès d'un projet KM
peut se référer à certains critères comme7
:
L'augmentation du volume des connaissances et de leur
utilisation ;
Le nombre de personnes adhérant à l'initiative
;
L'émergence d'une culture KM dans l'organisation
;
Le retour sur investissement du projet lui-même
et pour les autres activités de l'entreprise.
III. Acteurs et facteurs de criticité
1. Les acteurs de la démarche KM8
La démarche KM crée de nouveaux
métiers et de nouvelles tâches. Ce qui exige de nouvelles
compétences de la part des acteurs. Au-delà de la
dénomination des postes, qui varie selon la littérature,
nous allons examiner les aptitudes et les rôles des
participants. L'accès à ces deux niveaux d'analyse, permet
de prétendre à la construction d'une équipe
efficace.
1.1. Le Chief Knowledge Officer (CKO)
L'apparition de ce nouveau poste reflète la
dimension stratégique des démarches KM. Elle est avant tout,
l'affaire de la direction qui doit donner une vision de l'avenir et aligner les
structures et les outils sur la stratégie de l'entreprise.
Une étude publiée par Earl M. et Scott I.9
, réalisée entre 1997 et 1999 sur 20 CKO en
Amérique du Nord et en Europe, révèle des
traits communs de personnalité :
Ils sont dynamiques, enthousiastes et prompts à
communiquer leur enthousiasme autour d'eux ;
Ils sont curieux ;
Ils pensent apprendre tout en évoluant dans leur
nouvelle mission ;
Ils ont une conviction forte des bénéfices que
la démarche Knowledge Management peut apporter ;
Ils ont de grandes ambitions pour leur compagnie ;
Ils sont flexibles dans leurs attitudes professionnelles
;
Ils ne sont pas obsédés par les produits de la
technologie, sans néanmoins en sous- estimer l'importance ;
7 Davenport T H. et Prusak I.,
Working Knowledge: How Organizations Manage What They Know,
Harvard
Business School Press, Boston, 2000, in norme CWA
14924-3, p.32.
8 Adapté de Prax J-Y.,
ibid., pp.359-371.
9 Earl M. et Scott I., What is
Chief Knowledge Officer?, Sloan Management Review, hiver 1999, cité
par Prax
J-Y., ibid., p.360.
79
Ils se considèrent comme les architectes
d'un nouvel environnement social, de nouveaux processus professionnels
et du développement de nouvelles initiatives organisationnelles
;
Ils ont typiquement entre 40 et 50 ans et ont une bonne
expérience du changement des hommes et des organisations.
Les auteurs ont noté qu'une carrière
professionnelle riche et variée, ainsi qu'une très bonne
connaissance de l'organisation et du métier de leur
société étaient des atouts décisifs.
Pour définir le CKO idéal, les auteurs
proposent un profil basé sur quatre qualités principales
:
Un CKO entrepreneur : Le CKO
doit être motivé par l'idée de créer quelque chose
de nouveau et de le développer ; il ne doit pas se soucier
des risques qu'il encoure à prendre un job nouveau et incertain. Les
CKO sont des visionnaires en ce sens qu'ils voient l'image globale tout en
ayant la capacité de la traduire en résultats tangibles.
Ils sont enfin capables de conduire un projet à
travers les aléas, les résistances les inerties et les
oppositions ;
Un CKO consultant : Le CKO doit
être capable d'écouter les idées nouvelles et les vues
différentes, stimuler des discussions et nourrir le
développement des flux de connaissances. Son aptitude à
gérer les relations entre des personnes de différents bords est
un atout important. Le CKO n'a pas de réel pouvoir
opérationnel ou hiérarchique, il doit donc opérer par la
persuasion, le consensus, l'explicitation et l'exemplarité. Enfin il
doit avoir une vision très précise du modèle professionnel
de l'entreprise et pouvoir distinguer les compétences clés
qui peuvent apporter de la valeur ;
Un CKO technologue : Le CKO
doit avoir une connaissance assez affirmée des technologies mises
en oeuvre à travers l'organisation. Il devra travailler
étroitement avec la direction des Systèmes d'Information.
Idéalement, il aura auparavant été impliqué
dans la mise en place de systèmes comme l'Intranet ou un groupware. Sa
connaissance n'est pas technique, mais il s'approprie complètement les
usages qui peuvent être faits des différentes technologies, et
peut ainsi en juger les bénéfices et évaluer les obstacles
;
Un CKO environnementaliste :
Cette qualification nouvelle se réfère
à l'aptitude à créer l'environnement professionnel qui
facilite le dialogue, à la fois à travers des réunions
formelles et par des rencontres de couloirs ou de cafétéria. Le
CKO doit rechercher les événements et les processus qui
génèrent des contacts entre les individus. Cela passe par
l'urbanisme des locaux, par la mise en place de centre de documentation et
de formation, voire par des voyages d'études. Le terme
environnementaliste se réfère également à
l'ingénierie sociale, c'est-à-dire la capacité
à amener différentes communautés, normalement
séparées par leur métier, leur position
hiérarchique ou leur situation géographique, à
coopérer. Tout cela ne pourra s'opérer avec succès
que si le CKO sait convaincre le management intermédiaire
et le former.
80
1.2. Le Knowledge Manager
Au niveau du département, la coordination
du processus global de création des connaissances incombe au
Knowledge Manager. Il alterne des périodes d'écoute des attentes
des acteurs et d'appuie aux projets en cours. Il a pour mission principale
d'expliciter la vision
de l'entreprise dans le domaine du KM et de la transformer en
actions sur le terrain. Il met en place aussi les standards d'évaluation
et de justification des projets retenus.
Idéalement, il devrait avoir les qualités suivantes
:
Capacité d'articuler une vision pour donner du sens
à l'action ;
Découvreur de talents ;
Habilité à interagir avec les membres
des équipes projet et de solliciter leur motivation et leur
adhésion ;
Une vision systémique du processus global de gestion
des connaissances.
1.3. Cas des projets Intranet
Comment faire pour que l'Intranet soit un support pour le KM ? La
problématique se résume dans la difficulté de concilier
deux tendances antagonistes :
La première «libérale» qui
consiste à laisser la production des informations sur l'Intranet
à la seule initiative des personnes, le résultat
est un ensemble inexploitable de contributions incohérentes
;
La deuxième «dictatoriale» qui consiste
à faire de l'Intranet un média uniforme, de communication
descendante au service de la direction et qui n'intéresse
personne.
Pour mener à bien la démarche de mise en place d'un
Intranet, il convient d'impliquer les instances décisionnaires
adéquates et de réunir les compétences indispensables.
1.3.1. Les instances décisionnaires
Un projet doit être conduit par quatre instances
principales10 :
Les instances stratégiques
(producteur ou maîtrise d'ouvrage), qui
décident des grands axes du projet : cible, délai, budget, et
veillent à leur respect ;
Les instances opérationnelles
(réalisateur ou maîtrise d'oeuvre), qui
définissent le moyen d'arriver à la cible ;
Les consultants qui orientent,
font gagner du temps et éviter des pièges, grâce à
la mutualisation de leurs expériences extérieures ;
Le chef de projet qui coordonne
l'ensemble de ces acteurs.
a. L'équipe de production
C'est l'instance de décision stratégique qui se
situe au niveau de la Direction Générale et dont le
représentant est le CKO. Elle se charge de réunir un
comité de pilotage ou de maîtrise d'oeuvre. Ce comité
réunira quelques représentants des métiers (unités
utilisatrices) et des
10 Prax J-Y utilise ici un vocabulaire tiré
du domaine cinématographique (producteur, réalisateur...etc. dont
le professionnalisme dans la production d'oeuvres artistiques, mettant en
scène des acteurs, n'est plus à démontrer.
81
fonctions concernées (RH, finance, R&D...
etc.), le chef de projet, le responsable informatique.
b. L'équipe projet
Elle est animée par le chef de projet et regroupe
l'ensemble des compétences nécessaires
au bon déroulement du projet : acteurs des politiques
stratégiques, représentant des métiers, informaticiens. Le
rôle de l'équipe projet est de :
Mettre en oeuvre les orientations fixées par le
comité de pilotage dans les meilleures conditions possibles
(qualité, respect des délais et budgets...etc) ;
Mettre en place et suivre des groupes de travail autour de
différents sujets concernant
le Portail ;
Créer un groupe technique en charge de la
résolution des problèmes d'interconnexion
et de sécurité ;
Créer des groupes utilisateurs chargés de
travailler sur les usages validés par le comité de
pilotage ;
Définir la charte graphique appliquée sur le
Portail, veiller à la qualité de la page d'accueil et à
l'ergonomie de navigation au sein du Portail.
Le chef de projet Portail va être le «chef
d'orchestre» : il va animer et coordonner les travaux, s'assurer,
en collaboration avec le coordinateur informatique, que les questions
techniques trouvent les bonnes solutions, que les contenus auront une valeur
ajoutée effective.
Il doit être identifié et reconnu par tous les
acteurs du projet. Il sera désigné par le comité de
pilotage et devra bénéficier, tout au long du projet, du soutien
de la Direction Générale.
Il doit posséder les qualités de :
Négociation ;
Communication ;
Organisation, planification ;
Initiative, coordination, animation.
II doit disposer d'une bonne connaissance des services de
l'entreprise et de leurs missions.
Si on ne lui demande pas d'être un
spécialiste des systèmes d'information, il est toutefois
indispensable qu'il ait une forte sensibilité aux TIC pour
pouvoir comprendre les enjeux techniques (sécurité,
interconnexion de réseaux) liés à la mise en place d'un
portail Intranet.
c. L'équipe de réalisation
Elle prend en charge l'animation du site, la réalisation
technique et la fonction éditoriale.
1. L'animateur de services multimédia
(webmaster)
Il regroupe et accompagne une équipe de
contributeurs de domaines, qui sont des représentants d'une
entité ou des porteurs d'une thématique transverse (RH,
communication, international...etc.). La compétence technique est
celle qui met en oeuvre les pages HTML, l'administration des serveurs
et des accès, l'ouverture des forums, le développement
des applications. Un groupe de travail technique, animé par le
coordinateur technique, réunira les correspondants et responsables
informatiques des services qui pourront ainsi envisager
82
ensemble les questions de connexion à Internet, de
sécurité, d'hébergement, de maintenance...etc.
2. Le coordinateur informatique Portail
Le coordinateur informatique Portail sera chargé des
tâches suivantes :
Etre le réfèrent technique pour le chef de
projet ;
Conduire les discussions avec les services concernés
pour les choix techniques sur
la base de la solution préconisée par la
direction informatique ;
S'assurer que toutes les dimensions techniques
(sécurité, hébergement...) sont correctement
intégrées dans le projet ;
Rédiger le cahier des charges pour
l'hébergement ;
Piloter et coordonner la mise en oeuvre des moyens
techniques associés au Portail.
3. L'équipe éditoriale
L'équipe éditoriale est en charge de faire vivre
l'Intranet au quotidien ; dynamique et plaisante, elle est centrée sur
l'actualité, la nouveauté, tant au niveau des activités et
de la vie de l'entreprise, qu'au niveau de l'Intranet lui-même. Elle
s'assure de l'actualisation des rubriques et elle gère les liaisons avec
les usagers (FAQ, réponses...etc.).
4. Les fournisseurs d'informations
Ils sont responsables de la qualité et de la
validité des informations qu'ils publient et qui doivent se mettre en
conformité avec la charte qui est publiée par l'équipe de
réalisation et relayée par les responsables de thèmes.
Les groupes de travail thématiques
Des groupes thématiques (sujets transverses RH, gestion,
juridique, management...etc.)
ne font pas de travail éditorial mais interviennent
plutôt sur la constitution de sites référentiels sur leurs
domaines respectifs par un travail de collecte de documents de
référence et d'animation de forums de discussion. Ils sont
garants de la qualité du contenu de leur domaine :
rédaction des pages, validité des informations...etc.
Ils définissent le cahier des charges fonctionnel pour le
développement de services et de contenus adaptés aux attentes
des utilisateurs. On peut imaginer qu'ils sont animés par
des
«responsables de thèmes».
Le responsable de thème
En général, le responsable de thème
ou de domaine cumule ses fonctions liées au dispositif Knowledge
Management avec des activités plus traditionnelles de management
opérationnel ou d'expertise métier : c'est un expert ou un chef
de projet confirmé. Il est en quelque sorte garant du contenu :
Il identifie les actions, les productions, les
expériences, les dossiers thématiques au sein de son
équipe en vue de les publier ;
Il sensibilise et forme les acteurs, internes ou externes
;
83
Il est en relation avec le responsable du
réseau documentaire pour organiser la collecte et faire respecter
les procédures ;
Il propose la politique d'achat d'ouvrages, de publications
;
Il organise la fonction veille : analyse des secteurs
sensibles, en forte évolution ;
Il s'assure de la cohérence rédactionnelle
(complétude, fiabilité, mise à jour...etc.) et
de la qualité de l'indexation (descripteurs,
thésaurus...etc.) ; il peut à cet effet diffuser une charte
rédactionnelle.
2. Les Facteurs de criticité
2.1. Les principaux freins à
l'implémentation des outils KM11
Nous nous référons à trois études sur
l'état de l'art en KM :
Une étude mondiale d'IDC intitulée : US and
Worldwide Knowledge Management
Market Forecast and Analysis 2000-2005;
Une étude US et Europe de l'Ouest effectuée par
KPMG Consulting en 2000 sur 423
entreprises ;
Une enquête française menée en 2000
conjointement par Arthur Andersen, Valoris et
Trivium, avec 750 entreprises interrogées et seulement 72
réponses.
Les principaux freins cités sont :
La faible compréhension des concepts et des
bénéfices du KM, souvent due à une mauvaise
communication ;
Le manque de temps : les nouvelles activités
engendrées par le nouveau système ne bénéficient
pas d'allocation de temps supplémentaire ;
Manque de soutient et de conviction de la direction
générale ;
Le bénéfice personnel de l'utilisateur n'est
pas perçu ;
Manque d'intégration aux pratiques quotidiennes
;
Multiplication des projets en cours ;
Incapacité de mesurer le retour sur investissement
;
Les problèmes techniques ;
Problèmes de changement de la culture de
l'entreprise.
2.2. Les erreurs à éviter
Fahey L. et Prusak L. citent une liste d'erreurs à ne pas
commettre12 :
Ne pas avoir une compréhension claire et
partagée du concept de «connaissance» ;
Mettre l'accent sur les stocks de savoir au détriment
des flux ;
Considérer la connaissance comme un objet
gérable indépendamment des Hommes ;
Ne pas réaliser que le premier objectif du KM
est de créer un sens partagé de l'environnement de travail
;
11 Adapté de Prax J-Y.,
ibid., pp.26-29.
12 Fahey L. et Prusak L., source
non citée, in Prax J-Y., ibid., p.139.
84
Ne pas accorder d'attention à la dimension tacite de
la connaissance ;
Instaurer une différence entre les gens du savoir et
les gens d'action ;
Brider le raisonnement et la pensée ;
Se focaliser sur le passé et le présent non
sur le futur ;
Ne pas reconnaître l'importance de
l'expérimentation ;
Substituer l'interface technologique au contact humain
;
Chercher à quantifier la connaissance.
85
Conclusion
Nous avons vu la nécessité de
gérer la démarche KM et de la considérer comme une
démarche de gestion du changement. Ceci permet en particulier
d'éviter l'implémentation de solutions technologiques à
tout va sans prendre en considération les attentes des utilisateurs et
les bouleversements induits par l'introduction de ces outils.
Nous signalons aussi l'importance des
projets de percé, de part leur aspect pédagogique et
la motivation qu'ils permettent par la démontrabilité de
résultats concrets.
La démarche doit permettre in fine aux
utilisateurs de s'approprier le système mis
en place et de l'intégrer aux pratiques
quotidiennes de travail. L'amélioration continue
du système doit se faire sur la base d'une
évaluation objective et participative de tous.
La gestion de la démarche KM induit souvent des
changements organisationnels qui
se concrétisent dans l'apparition de nouvelles
fonctions et un enrichissement des tâches pour certains travailleurs. Ces
nouveaux métiers du KM restent très peu structurés et ne
font pas encore l'objet de descriptions intéressantes dans la
littérature. Cependant, nous avons pu exposer certaines
compétences indispensables aux Knowledge Workers selon
l'expression de Drucker P F., ces compétences sont plutôt de
l'ordre du relationnel que
du technique, ce qui confirme que le changement en court
est un changement culturel.
86
TROISIEME PARTIE
APPLICATION AU CRD
87
Chapitre V : Application de la méthodologie de
gestion de projets KM au processus de
«Conception et de Développement de
Médicaments Génériques» au Centre de Recherche
et de Développement (CRD) du Groupe SAIDAL.
Introduction
Le présent chapitre sera consacré
à l'application de la méthodologie de gestion de projets KM,
notamment à travers les recommandations du Guide Européen des
Bonnes Pratiques KM, au Centre de Recherche et de Développement
(CRD) du Groupe SAIDAL.
Nous divisons la présentation de ce
chapitre en deux parties dont la première abordera les
considérations générales du terrain
étudié et la seconde exposera notre travail d'application
de la méthodologie de gestion des projets KM au processus
de
«Conception et de Développement de
Médicaments Génériques».
Le but du projet est l'optimisation du
processus «Conception et Développement de
Médicaments Génériques» à travers
l'amélioration des indicateurs de performance majeurs que sont le
délai, le coût et la qualité. Il s'agit avant tout de
démontrer qu'une démarche KM peut avoir un impact majeur sur ce
processus à travers l'identification des domaines précis des
interventions possibles par des projets de percée et les
améliorations potentielles qu'une telle démarche peut
apporter.
La faible capacité d'intervention dont nous
disposons sur le terrain ne nous a pas permis d'initier un projet de
percée concret, chose qui aurait pu être d'un grand
intérêt pour nous et le CRD. C'est pour cela que nous limitons
notre contribution à l'évaluation
de l'état actuel pour déboucher sur
des recommandations applicables avec l'existence d'une volonté
ferme d'amélioration. Cette volonté ne pourra être
que le fruit d'une compréhension poussée des enjeux du KM
au plus haut niveau du Groupe et la propagation de cette culture au
niveaux opérationnels.
Nous aborderons dans une première partie
les considérations générales liées au terrain,
en exposant la méthodologie de travail (I.1) et le contexte de
l'étude (I.2), dans la seconde partie nous traiterons de notre
travail d'application de la démarche KM, suivant le schéma
du Guide Européen qui s'articule en cinq phases à
savoir la préparation du projet (II.1), le diagnostic (II.2), le
développement (II.3), l'implémentation (II.4) et
l'évaluation (II.5). Nous terminerons cette deuxième partie
avec quelques notes sur la gestion des compétences et l'apport
des communautés de pratique au CRD (II.6).
88
I. Considérations générales
1. Méthodologie de travail
La méthodologie générale se base sur deux
axes :
1. l'observation critique du terrain ;
2. le questionnaire écrit.
1.1. L'observation critique
C'est une démarche systémique qui vise
à comprendre le fonctionnement général du CRD. Elle
a consisté en une visite guidée par un chef de projet
dans chacun des quatre laboratoires : Chimie analytique, Pharmacie
galénique, Toxico-pharmacologie et Microbiologie (Voir Annexe 1 :
Organisation du CRD).
L'analyse des documents (Manuel Qualité, Cartographie
des processus...etc.) a permis de comprendre les processus de
réalisations et les processus supports ainsi que la situation
du processus «Conception et Développement de
Médicaments Génériques» dans son cadre
général.
Les entretiens préliminaires et l'observation
du travail quotidien ont permis de comprendre la circulation des
documents et l'utilisation des connaissances sur le poste de travail.
Un diagnostic préliminaire du système d'information a pu
être établi et les principaux problèmes soulevés.
1.2. Le questionnaire écrit
Un questionnaire a été élaboré avec
l'aide de la responsable du Système de Management
de la Qualité pour approfondir l'analyse
préliminaire. Il a été remodelé sous les conseils
d'un chef de projet pour nous assurer qu'il est compréhensible (Voir
Annexe 2 : Questionnaire).
La population ciblée est le groupe des chefs de projets.
Ils sont au nombre de 35 et gèrent actuellement 76 projets en cours de
développement pour l'exercice 2005-2006.
Pour plusieurs raisons (départ en congé, non
disponibilité sur le site...etc.) nous n'avons pas pu administrer le
questionnaire à tous les chefs de projets. Les seuls disponibles sont au
nombre de 14 et ils ont tous répondu.
La représentativité de l'échantillon est
donc de : 40%.
Il existe des non réponses à certaines
questions.
89
2. Contexte
2.1. Le Groupe SAIDAL
Le Groupe Industriel SAIDAL a
été créé en 1998. Il est issu de l'Entreprise
Nationale de Production Pharmaceutique SAIDAL
créée en 1987, à la faveur de la
restructuration de la Pharmacie Centrale Algérienne
(PCA) créée en 1975 et qui détenait
le monopole de l'importation, de la distribution et de la production
des médicaments et des produits pharmaceutiques.
L'activité du Groupe consiste à concevoir,
produire et commercialiser des médicaments génériques
dans un environnement fortement concurrentiel. Pour ce faire, il doit
élargir et moderniser la gamme de ses produits en y intégrant
des médicaments génériques récents, à forme
d'administration moderne et répondant au profil national de
morbidité et aux mutations
du marché national et international.
Le groupe est structuré en filiales :
Trois filiales de production : Biotic, Antibiotical et Pharmal
;
Trois unités de commercialisation réparties
géographiquement sur l'Est, le Centre et l'Ouest ;
Un Centre de Recherche et de Développement
(CRD).
2.2. Le CRD
Créé en Juillet 1999. Il est issu de l'Unité
de Recherche en Médicaments et Techniques
Pharmaceutiques (URMTP) créée en 1987 de la
transformation du Laboratoire de Recherche
et de Développement de la PCA. Les
missions du CRD sont1 :
Elaboration de la politique et développement
des axes de recherche dans le domaine des sciences médicales et
innovation pharmaceutique ;
Participation à l'élaboration de la politique
de développement des médicaments
SAIDAL ;
Conception et développement industriel des
médicaments génériques SAIDAL ;
Assistance technique aux filiales de production ;
Réunion des moyens matériels et techniques et
valorisation des ressources humaines
lui permettant d'assurer une veille technologique
et une démarche prospective au profit du Groupe ;
Collecte, traitement et capitalisation de
l'information scientifique et technique, assurer sa conservation et sa
diffusion ;
Formation et recyclage du personnel technique
et scientifique du Groupe ;
Prestation de contrôle qualité ;
Promotion, valorisation et diffusion des travaux
techniques et scientifiques et des résultats de la recherche
;
Prospection et étude permettant d'établir
des alliances et/ou des partenariats stratégiques et
profitables.
1 D'après : Présentation du
CRD, document interne.
90
2.3. Le processus de «Conception et de
Développement des Médicaments
Génériques»
La cartographie des processus2 identifie quatre
processus de réalisation :
Conception et Développement des Médicaments
Génériques ;
Recherche ;
Développement technologique des extraits
végétaux ;
Prestation d'analyses.
Le processus de Conception et de Développement
des Médicaments Génériques est le processus le plus
important et il mobilise la majeure partie des ressources
financières et humaines du CRD (Voir Annexe 3 :
Cartographie des processus).
2.3.1. Caractérisation du processus
Les médicaments génériques sont des
médicaments dont la molécule n'est plus protégée
par le brevet d'invention, on dit qu'elle tombe dans le domaine public. Cette
molécule peut être copiée par n'importe quel
laboratoire et commercialisée sous un nouveau nom
commercial.
Bien que la formule qualitative du médicament soit
connue et décrite dans les Codex
(Vidal par exemple), il reste à
déterminer la formule quantitative et l'adapter à
l'environnement de travail de l'entreprise (au sens large :
équipements, matières premières disponible, process
maîtrisés, qualification du personnel...etc.). C'est la
réalisation de ce processus qui est dite «Conception et
Développement des Médicaments Génériques».
Le processus peut-être décrit comme suite :
1. Données d'entrée :
Données techniques sur la molécule et les
excipients ;
Données sur le marché ;
Données sur l'outil de production et les process de
production ;
Données économiques ;
Données sur les compétences disponibles en
interne et les possibilités de partenariat.
2. Opérations effectuées :
Tests pour déterminer la formule quantitative.
3. Données de sortie :
Document technique de réalisation industrielle
(vendu à la filiale de production) ;
Résultats des tests (sur le Carnet de Paillasse), PV de
réunions, rapports des phases intermédiaires...etc. à
archiver ;
Connaissances et compétences acquises.
2 Manuel Qualité, document
interne.
91
Comme nous l'avons signalé au premier chapitre, les
connaissances et les compétences constituent les entrées
et les sorties du processus, leur gestion est une
nécessité.
2.3.2. Mode de management
Le mode de management utilisé pour le processus de
«Conception et de Développement des Médicaments
Génériques» est le management de projet. Le processus se
décompose en plusieurs phases et implique une équipe projet dont
la composition est la suivante :
Le chef de projet : il coordonne la
réalisation du projet. De formation scientifique
(Pharmacien, biologiste, chimiste...etc.), il a une
grande connaissance technique du domaine. Deux années
d'expérience à SAIDAL sont indispensables pour occuper ce poste
mais cette règle n'est pas toujours applicable. Un chef de
projet peut gérer plusieurs projets à la fois ;
Les chefs de produits laboratoire : un chef
de produit par laboratoire assure la réalisation de la phase
des tests qui lui incombe. Le chef de produit est dans la
majorité des cas un chef de projet : il assure la phase qui se
déroule au niveau de son laboratoire et coordonne les autres phases
avec les autres chefs de produits qui dépendent de lui,
lui-même étant dépendant d'un autre chef de projet
pour un autre médicament ;
Le chef de produit du Département Marketing et
Information Médicale : il assure la coordination avec le chef de
projet en remontant les données du marché ;
Le chef de produit Filiale de production : il
assure la coordination avec le chef de projet en remontant les
données sur la disponibilité des équipements et des
matières premières ;
Les opérationnels : ils assurent
l'exécution des opérations sous la supervision du chef
de projet.
Le rôle du chef de projet est primordial, il
nécessite à la fois de bonnes connaissances managériales
et une spécialisation poussée dans le domaine scientifique. Le
problème majeur pour les chefs de projets est de maintenir leurs
connaissances à jour compte tenu des avancées rapides en sciences
médicales et de la multiplication des sources d'innovation.
Par ailleurs, l'ensemble des chefs de projets,
où du moins quelques sous-ensembles, présentent a
priori les caractéristiques d'une communauté de
pratique, puisqu'ils ont tout intérêt à partager un
savoir commun et utile à tous.
Le mode de management par projet offre la particularité
d'une répétition des tâches et par conséquent des
erreurs potentielles, de la redondance de certains problèmes et la
possibilité de capitaliser les connaissances acquises sur un projet pour
les réutiliser sur un autre projet.
2.3.3. La coordination des projets
La coordination de l'ensemble des projets se fait par la
Cellule de Coordination des projets de Développement des
Médicaments génériques (CCDM). Elle
s'occupe notamment
92
de choisir les chefs de projets selon leur
expérience dans le domaine et leurs compétences
particulières.
2.3.4. Le système de management de la
qualité
Le CRD est certifié ISO 9001/version 2000, il doit
également répondre aux normes en vigueur dans les laboratoires
qui sont dites Bonnes Pratiques de Laboratoire (BPL).
2.4. La gestion des ressources humaine et de la
formation
La GRH doit relever plusieurs défis
relatifs à la gestion des compétences, notamment :
Assurer une formation en adéquation avec la
stratégie de l'entreprise et ses besoins actuels et futurs ;
Recruter les compétences nécessaires pour faire
face aux nouvelles exigences ;
Assurer le transfert du savoir critique détenue en
interne par un nombre restreint de personnes aux autres et sa conservation sous
forme explicite.
93
II. La démarche KM
1. La phase de préparation
1.1. Alignement du projet sur la stratégie de
l'entreprise
Le Balanced Scorecard, qui est l'outil de planification
stratégique du Groupe SAIDAL, définit les missions du CRD pour
les deux prochaines années notamment :
Accroître la capacité d'innovation du Groupe
;
Accroître la compétitivité du Groupe
;
Développer les compétences dans le
domaine de la recherche et développement et l'innovation
pharmaceutique3 .
Comme nous l'avons vu au second chapitre, ces trois
missions correspondent à trois segments du KM
à savoir :
L'innovation : qui exige la combinaison des
connaissances actuelles pour en créer de nouvelles ;
L'optimisation des processus : améliorer
les performances du processus de
«Conception et de Développement des
Médicaments Génériques» sur les critères de
coût, qualité, délai ce qui est primordial pour la
compétitivité du Groupe ;
Valorisation des compétences : gérer
les compétences en fonction des orientations stratégiques du
groupe.
La Déclaration de Politique KM doit
présenter explicitement ces missions et expliquer dans quelle mesure
la démarche est importante pour l'entreprise. Il incombe
à la direction générale d'élaborer cette
déclaration après concertation avec les principaux responsables
voir avec des consultants dans le domaine.
Une vision plus claire de l'organisation
à construire à travers cette démarche doit
être définie. Cette vision se basera sur les enjeux du KM pour
l'entreprise qui sont pour chaque mission :
1. Optimisation des processus :
Eviter de refaire ce qui a déjà
été fait ;
Eviter de refaire les erreurs déjà commises
;
Transférer l'expérience acquise d'un
projet à un autre et d'une équipe à une autre
;
Améliorer les flux d'informations qui accompagnent
les flux de production ;
Faciliter l'accès à la connaissance utile
à la fonction ou à la tâche ;
Capitaliser et diffuser les règles et standards
métiers.
2. Valorisation des compétences :
Identifier les expertises cruciales dans un domaine
;
Eviter la perte d'un savoir-faire due au départ d'un
salarié ;
3 Balanced Scorecard, document interne.
94
Faciliter l'intégration des nouveaux embauchés
;
Monter des équipes projets en identifiant les
compétences adéquates ;
Gérer les compétences en fonction des
orientations stratégiques de l'entreprise et de leur
évolution.
3. Innover :
Organiser une veille technologique collaborative ;
Capitaliser les connaissances dans une base de
données unique et facile d'utilisation ;
Accroître les échanges entre les
experts dans un même domaine et dans des domaines différents
;
Accroître les échanges avec le monde
de la recherche académique.
1.2. Stratégie de codification ou de
personnalisation
Nous essayerons d'apporter une contribution au choix
de la stratégie KM. Nous aborderons la question selon deux axes :
Peut-on réutiliser une partie du travail
réalisé sur un projet dans un autre projet ?
Les chefs de projets utilisent-ils des connaissances tacites ou
explicites pour réaliser leur travail et résoudre leurs
problèmes ?
1.2.1. Réutilisation du travail d'un projet
à un autre
La question 3 du questionnaire donne la
distribution des réponses suivante :
Constat d'un travail refait dans un projet alors qu'il a
déjà
été fait dans un autre projet
10
5
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Souvent
|
Rarement
|
Jamais
|
Total
|
4
|
1
|
9
|
29% des chefs de projets interrogés ont constaté
qu'il y avait Souvent un travail refait sur
un projet alors qu'il a déjà été fait
sur un autre projet. Le fait que 64% des chefs de projets interrogés
n'aient Jamais constater ce phénomène n'exclu pas
forcément son existence.
Pour approfondir l'analyse nous avons
interprété les résultats en fonction du nombre
d'années d'expérience au CRD et du nombre d'années
d'expérience comme chef de projets.
95
Constat d'un travail refait dans un projet alors qu'il a
déjà
été fait sur un autre projet en fonction du
nombre d'années d'expérince au CRD
100%
50%
0%
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
[0 à 3[ ans
|
[3 à 5[ ans
|
[5 à 8] ans
|
Jamais
|
2
|
5
|
2
|
Rarement
|
0
|
0
|
1
|
Souvent
|
2
|
0
|
2
|
Le fait d'avoir passé plus d'années au CRD,
n'explique pas le fait de constater plus
Souvent qu'un travail ait été refait.
Constat d'un travail refait dans un projet alors qu'il a
déjà
été fait sur un autre projet en fonction du
nombre d'années d'expérince au CRD
100%
50%
0%
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
[0 à 3[ ans
|
[3 à 5[ ans
|
[5 à 8] ans
|
Jamais
|
2
|
5
|
2
|
Rarement
|
0
|
0
|
1
|
Souvent
|
2
|
0
|
2
|
De même, le fait d'avoir été chef de projets
depuis plus longtemps n'explique pas le fait
de constater plus Souvent un travail refait. Il
semblerait même qu'occuper le poste de chef de projet depuis plus
longtemps fasse perdre la faculté de constater ce
phénomène, mais les données en notre possession ne
permettent pas d'affirmer cette hypothèse.
Nous pensons que le fait de constater qu'un travail soit refait
sur un projet alors qu'il a déjà été fait sur un
autre dépend plus de critères subjectifs comme la
curiosité intellectuelle et
le sens de l'observation.
Dans le cadre de notre travail, le plus important est que
la réponse à cette question nous donne une indication sur le
fait qu'il existe une partie du travail réalisé sur un
projet qui peut-être réutilisée sur un autre projet, ce
qui plaide en faveur d'une stratégie de codification.
96
Pour approfondir l'analyse, nous examinons la distribution des
réponses à la question 2 :
Consultation des projets antérieurs pour la
réutilisation
d'une partie du travail fait dans un nouveau
projet
15
10
5
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Souvent
|
Rarement
|
Jamais
|
Total
|
2
|
2
|
10
|
72% des chefs de projets interrogés ne consultent
jamais les projets antérieurs pour
réutiliser une partie du travail fait dans un nouveau
projet, alors que 14% le font rarement et
14% le font souvent.
En analysant les mêmes résultats par rapport au
nombre d'années passées au CRD et au nombre d'années comme
chef de projets on obtient la distribution des résultats suivante :
Consultation des projets antérieurs pour la
réutilisation
d'une partie du travail fait en fonction du nombre
d'années d'expérience au CRD
100%
50%
0%
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
[0 à 3[ ans
|
[3 à 5[ ans
|
[5 à 8] ans
|
Jamais
|
4
|
5
|
1
|
Rarement
|
0
|
0
|
2
|
Souvent
|
0
|
0
|
2
|
Nous remarquons que la réutilisation d'une partie du
travail fait sur un projet antérieur
dans un nouveau projet augmente avec le nombre d'années
d'expérience au CRD.
97
Consultation des projets antérieurs pour la
réutilisation
d'une partie du travail fait en fonction du nombre
d'années au poste de chef de projets
100%
50%
0%
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
[0 à 1,5[ ans
|
[1,5 à 2] ans
|
[2 à 7] ans
|
Jamais
|
4
|
3
|
3
|
Rarement
|
0
|
0
|
2
|
Souvent
|
0
|
1
|
1
|
De même, nous remarquons que la réutilisation d'une
partie du travail fait sur un projet
antérieur dans un nouveau projet augmente
globalement (que ça deviennent systématique,
c'est-à-dire Souvent ou moins fréquent,
c'est-à-dire Rarement) avec le nombre d'années
d'expérience au poste de chef de projets.
Les raisons qui poussent les chefs de projets à ne pas
réutiliser une partie du travail fait sur un projet antérieur
dans un nouveau projet sont :
Ra isons de la non ré utilisa tion d'une pa
rtie du tra va il fa it sur un
proje t da ns un nouve a u proje t
non répons e
autre
on a pas accès aux
docum ents
on a jam ais es s ayé
aucune partie du travail
n'es t réutilis able
0 1 2 3 4 5
Le pourcentage élevé de non répondants (40%)
ne permet pas une interprétation viable
des résultats mais il reflète à
notre sens le fait que ceux qui ne consultent pas les projets
antérieurs ne se sont jamais poser la question de l'intérêt
de le faire, ce qui est en concordance avec la réponse «on a
jamais essayé» avec 30% d'occurrence.
98
Les éléments issus de l'analyse
précédente sont révélateurs d'un grave
dysfonctionnement. En effet, le fait que certains chefs de projets seulement
réutilisent une partie du travail fait sur des projets antérieurs
dans de nouveaux projets peut être interprété comme suite
:
Soit que certains chefs de projets font un travail
qu'ils pourraient éviter de refaire,
ce qui allonge la durée du projet et
augmente son coût ;
Soit que certains chefs de projets
réutilisent une partie du travail antérieur qui ne doit
pas être réutilisée, ce qui est
préjudiciable à la qualité du
projet et potentiellement très dangereux.
La réponse à cette question est importante
puisqu'elle influe fortement sur le choix de la stratégie KM
à adopter.
Recommandations :
La question doit être débattue en
réunion en présence de tous les chefs de projets pour voir s'il y
a une possibilité de réutiliser une partie du travail fait sur un
projet dans un autre ; si oui, laquelle ? dans quelles
conditions ? quelles sont les précautions à prendre ? et
quels sont les moyens pour faciliter ce travail ?
1.2.2. Catégorie de connaissances utilisée
pour le travail et la résolution des problèmes
L'interprétation de la question 6 se fait
en comptabilisant l'occurrence d'une réponse à chaque fois
qu'elle apparaît dans les trois premières positions :
Les connaissances utilisées dans le travail des
chefs de projets
autre
savoir-faire personnel qui n'est sur aucun support
discussions avec les collègues
notes personnelles
les documents issus des projets antérieurs
livres
articles de revues scientifiques
docments techniques de référence
modes opératoires, procédures,,,
0 2 4 6 8 10
La prépondérance des connaissances explicites,
codifiées dans différents documents
semble nette. Les connaissances tacites sous forme d'un
«savoir faire qui n'est sur aucun support», auquel on
peut ajouter les «notes personnelles» qui sont une forme
intermédiaire puisque dans la majorité des cas elles ne sont
interprétables que par leur auteur, mais aussi
99
une grande part des «discussions avec les
collègues» qui sont une forme de socialisation
(transfert de connaissances tacites à tacite), ces
catégories de connaissances tacites restent marginales.
Pour approfondir l'analyse, nous examinons la distribution des
réponses à la question 9,
là encore, nous comptabilisons l'occurrence d'une
réponse à chaque fois qu'elle apparaît dans les trois
premières positions :
Les sources des connaissances indisponsables au
poste
autre
la formation continue
l'expérience acquise sur le terrain
les collègues
recherche personnelle
Service veille technologique
Service documentation
0 5 10 15
Nous considérons que la «recherche
personnelle» se base essentiellement sur les
documents écrits. De même, les services
«veille technologique» et «documentation»
offrent presque exclusivement des connaissances explicites. Ces trois
sources représentent 69% des réponses.
L'«expérience acquise sur le terrain» est
perçue par son détenteur comme quelque chose qui ne peut pas
être explicité, elle recueille 21% des réponses. La
«formation continue»
et les «collègues» sont deux sources
à la fois de connaissances tacites et explicites.
Un dernier élément de réponse nous est
donné par la distribution des réponses à la
question 16 (nous n'avons pris en
considération que la réponse prioritaire) :
100
Mode de résolution des
problèmes
autre
vous convoquez une
réunion
vous faites appel à un
collègue
vous cherchez par vous-
même
0 2 4 6 8 10 12
Le mode de résolution des problèmes dominant est la
recherche personnelle (79%) qui se
base sur la documentation. Les réunions qui sont un moyen
de socialisation et d'échange de savoir tacite sont moins
utilisées (21%).
Il semble très difficile de trancher
sur cette question même si l'analyse du questionnaire,
l'observation sur le terrain et les entretiens préliminaires font
pencher le choix vers une stratégie de
codification.
L'analyse doit encore être approfondit, elle devra
déterminer :
Quelles sont les connaissances qui doivent
être codifiées sous une forme qui permette leur
réutilisation par tous ?
Quelles sont les connaissances tacites utilisées
? peuvent-elles être transcrites ou
se transmettent-elles par socialisation ?
Le but est de déterminer quelle
stratégie privilégier. Mais comme le signalait Hansen T M.,
Nohira N. et Tierney T. il s'agit de faire une stratégie des 20/80.
Toute stratégie de codification doit être supportée en
partie par une stratégie de personnalisation qui permette de retrouver
les auteurs des documents, d'échanger des points de vues avant la
rédaction et d'avoir un consensus sur ce qui peut être
codifié ou pas.
Ne pas chercher automatiquement à tout codifier ;
pour plusieurs raisons :
Souvent, quand on demande à un expert de
transcrire son savoir, il énonce des règles qu'il ne suit pas en
réalité, ou bien qui soient évidentes et qu'il a
appris
en débutant ;
101
La multiplication des échanges de
document sans bâtir des liens entre les personnes : les gens
balancent alors des documents en fichiers joints pour prouver leur
contribution et clamer si problème il y a qu'ils ont
envoyé le document preuve à l'appui ;
Certaine connaissances tacites sont banales dans
une entreprise et tout le monde les maîtrisent.
Inversement, certaines connaissances bien
maîtrisées dans l'entreprise et qui sont à
la base d'une compétence clé, peuvent
être formalisées sous différents supports par un groupe
d'experts qui a la volonté de le faire.
2. La phase de diagnostic
La contribution à cette phase se fera en apportant
des éléments de réponse à deux questions
importantes :
Quels sont les problèmes majeurs que pose
notre système d'information actuel pour les stockages et les flux
d'informations ?
Où se localisent les connaissances indispensables
à nos processus ? Sous quelle forme ? Qui la détient ?
2.1. Les problèmes majeurs du système
d'information actuel
L'étape d'observation et des entretiens
préliminaires a permis de repérer certains
problèmes majeurs au niveau du système d'information que
nous avons essayé d'analyser plus profondément à
travers le questionnaire.
Trois problèmes font l'objet de ce diagnostic :
1. La gestion documentaire.
2. La gestion des tâches.
3. La communication interne.
2.1.1. Les problèmes de gestion
documentaire
a. Documentation relative aux problèmes
rencontrés et aux solutions trouvées
L'examen des réponses à la question 1A
donne la répartition suivante :
102
Repport de la solution trouvée à un
problème sur un
document spécifique
43% des chefs de projets disent ne pas transcrire une solution
trouvée lors d'une réunion
de résolution de problème sur un document
spécifique. La perte d'un tel savoir et le travail refait qui est
engendré sont considérables.
Pour les chefs de projets qui transcrivent la solution
trouvée sur un document spécifique,
ce document est le PV de réunion.
La possibilité d'accès à ce document
par les autres chefs de projets est l'objet de la
question 1B ; qui donne la répartition
des réponses suivante :
Possibilité pour les autres chefs de projets
d'accèder au
document
6
4
2
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
oui
|
non
|
non réponse
|
Total
|
2
|
5
|
1
|
63% des chefs de projets disent que les PV de réunions ne
peuvent pas être consultés par
les autres chefs de projets. Nos observations ont
révélé que les PV de réunions comme les autres
documents inhérents aux projets sont entreposés dans des
armoires, chaque chef de projets détient la clé des
documents inhérents à ses propres projets. La consultation
de ces documents confidentiels fait l'objet d'une procédure
qui exige une autorisation de la CCDM. Nous avions
déjà constaté le manque d'intérêt pour la
consultation des projets antérieurs, cela semble se confirmer par cette
question.
La question 1C vise à établir la
façon dont les solutions sont décrites par rapport
à la possibilité de les réutiliser dans des situations
similaires :
103
Description de la solution trouvée sous une forme
qui
permette sa réutilisation dans une situation
similaire
4
2
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
oui
|
non
|
non réponse
|
Total
|
2
|
3
|
3
|
Nous pensons que les non réponses
révèlent le manque de souci concernant la
formalisation de la solution pour qu'elle puisse être
réutilisée, ce qui revient à la transcrire sous une
forme quelconque. La prédominance du «non» et
des «non réponses» avec 75% d'occurrence, nous
amène à croire que les solutions trouvées ne sont pas
formalisées sous une forme qui permette leur réutilisation dans
des situations similaires. Le fait que certains chefs
de projets (25%) trouvent que les solutions peuvent être
réutilisées nous indique qu'il existe une possibilité de
décrire les solutions trouvées sous une forme qui permette leur
réutilisation dans des situations similaires.
L'interprétation de la question 1C permet
d'expliquer ce dysfonctionnement :
Existance d'un moyen pour répértorier les
solutions
trouvées
8
6
4
2
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
oui
|
non
|
non réponse
|
Total
|
1
|
6
|
1
|
Une seule personne sur les huit qui transcrivent les
solutions trouvées sur les PV de
réunions et sur l'ensemble des chefs de projets
interrogés utilise un document pour répertorier les solutions
trouvées ; «problèmes rencontrés et solutions
apportées».
Le fait que les solutions trouvées ne soient pas
formalisées de manière à être
réutilisées
ne pousse pas à les répertorier pour les
retrouver facilement, en même temps, le fait de ne pas répertorier
les solutions apportées ne favorisent pas leur formalisation
sous une forme réutilisable.
104
Recommandations :
Inciter les chefs de projets à
transcrire systématiquement les problèmes rencontrés
et éventuellement les solutions apportées, par
eux-mêmes, par un membre de l'équipe ou lors d'une
réunion, sur un document spécifique ;
Formaliser la solution de manière à ce
qu'elle soit facilement réutilisable dans une situation similaire
;
Signaler l'importance des moyens et du temps
consacrés à ce problème pour motiver la
réutilisation de la solution ;
Répertorier les problèmes
rencontrés et les solutions apportées de façon
à les retrouver facilement ;
Permettre l'accès à ce document
à toutes les personnes intéressés.
b. Documentation relative aux erreurs
commises
L'examen des réponses à la question 4
donne la répartition suivante :
Existence d'un moyen pour signaler les
erreurs
8
6
4
2
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
oui
|
non
|
non réponse
|
Total
|
5
|
7
|
2
|
Nous considérons les «non
réponses» comme une preuve de la non utilisation
d'un
moyen déterminé pour signaler les erreurs
commises, ce qui nous importe ici. Donc le pourcentage de ceux qui
n'utilisent pas de moyen particulier pour signaler les erreurs commises
est de 64%.
Les cinq répondants par «oui»,
citent des moyens différents pour signaler les erreurs commises
:
|
Réponses
|
Chef de projets 1
|
Cahier de suivi
|
Chef de projets 2
|
Communication
|
Chef de projets 3
|
Registre de paillasse + informer le chef de département
|
Chef de projets 4
|
Courrier
|
Chef de projets 5
|
Non réponse
|
105
L'utilisation de moyens multiples pour signaler les erreurs
survenues, ne permet pas de
les rendre visibles à tout le monde pour éviter de
commettre les mêmes erreurs à chaque fois. Pour approfondir
l'analyse, nous examinons la distribution des réponses à la
question 5 :
Constat d'une erreur refaite sur un projet alors qu'elle
a déjà été faite sur un autre
10
5
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Souvent
|
Rarement
|
Jamais
|
non réponse
|
Total
|
3
|
1
|
9
|
1
|
64% des chefs de projets n'ont jamais constaté une
erreur récurrente sur un nouveau
projet alors qu'elle a déjà été
commise sur un autre. Cela n'exclu nullement la présence de ce
phénomène du moment que :
les erreurs ne sont pas systématiquement
répertoriées ce qui ne permet pas de les comparer aux
erreurs déjà commises ;
signaler une erreur est psychologiquement difficile ce
qui fait que certaines erreurs restent inconnues des autres.
Le fait que 22% des chefs de projets aient
déjà constaté «Souvent» la
récurrence de certaines erreurs plaide en faveur de l'existence de ce
phénomène.
Recommandations :
Inciter les chefs de projets à signaler
systématiquement les erreurs commises par eux-mêmes et par les
membres de leurs équipes sur un document spécifique unifié
;
Permettre l'accès à ce document
à toutes les personnes intéressés ;
Signaler les erreurs de manière visible sur
les appareils ;
Envisager la possibilité d'un système
anti-erreur de type Poka Yoké ;
Signaler les conséquences de l'erreur en
terme de coût et de jours de travail perdus pour motiver les gens
à éviter de refaire la même erreur ;
c. Problèmes liés à la circulation
des documents
L'examen des réponses à la question 8
donne la répartition suivante :
106
Fréquence des retards dus à la non
disponibilité des
documents
15
10
5
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Souvent
|
Rarement
|
Jamais
|
Total
|
12
|
2
|
0
|
86% des chefs de projets interrogés affirment
qu'ils sont «Souvent» retardés dans leur
travail parce que le document qu'il leur faut n'est
pas disponible. Ce qui démontre une mauvaise circulation des
documents de travail et leur indisponibilité sur le poste au moment
qu'il faut.
La question 7 offre un éclairage
intéressant sur ce dysfonctionnement :
Distribution des informations nécessaires au
travail dans
plusieurs documents
15
10
5
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
oui
|
non
|
Total
|
10
|
4
|
71% des chefs de projets trouvent que les informations
nécessaires au travail sur un poste
sont trop dispersées dans différents
documents ce qui explique en partie la difficulté à
retrouver l'information nécessaire. Nous verrons plus loin que les
problèmes de communication interne jouent aussi un rôle dans ce
dysfonctionnement.
Rappelons que la perte de temps dans la recherche
d'un document induit une perte de productivité qui peut
être très importante. Mais au-delà de la perte de
temps, c'est la frustration induite et la démotivation des
travailleurs qui sont plus préjudiciables.
Recommandations :
Pour les documents «fixes»
:
1. s'assurer de leur disponibilité sur
le poste en nombre suffisant pour les utilisateurs ;
2. s'assurer qu'ils sont mis à jour et
lisibles ;
107
3. réduire leur nombre le plus possible et
uniformiser leur présentation.
Pour les documents «circulants»
:
1. concevoir une structure
générique pour un document qui circule le long d'un
processus ;
2. tendre vers un document unique qui
s'enrichisse au fur et à mesure des interventions, il sert de
check-list aux intervenants et garantit que les personnes n'oublient pas
de documenter les points essentiels.
3. fixer une durée pour le traitement
du dossier sur chaque poste et avertir des dépassements de
délais.
2.1.2. Les problèmes de gestion des
tâches
Il s'agit surtout du problème du qui fait quoi
?
L'examen des réponses à la question 8
donne la répartition suivante :
Réalisation de tâches qui ne soient pas
décrites dans la
fiche de poste
15
10
5
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
oui
|
non
|
Total
|
12
|
2
|
86% des chefs de projets interrogés trouvent qu'ils
exécutent des tâches qui ne sont pas
décrites dans la fiche de poste. La fiche de poste est
un outil qui aide à décrire le qui fait quoi, sans
être très rigide. Mais quand les tâches ne sont pas
clairement définies cela conduit à un dysfonctionnement comme le
révèle l'analyse des réponses à la question
11 :
Constat qu'une tâche n'a pas été
réalisée parce que
chaque personne croyait que l'autre s'en
occuperait
8
6
4
2
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Souvent
|
Rarement
|
Jamais
|
Total
|
4
|
4
|
6
|
108
42% des chefs de projets n'ont jamais constaté
un travail non fait parce que chaque personne croyait que l'autre s'en
occuperait. Mais ce constat est fait «Souvent» par 29% des
chefs de projets et «Rarement» par 29% d'entre eux.
Ce constat pose le problème de la relation d'une
personne à la tâche. Pour une tâche qui peut être
réalisée par plusieurs personnes, comment coordonner le
travail pour qu'il soit réalisé à temps.
Nous avons aussi constaté qu'il arrive que plusieurs
personnes fassent le même travail en même temps et se retrouvent
obligées de choisir lequel retenir et lequel ne pas utiliser.
Recommandations :
Réactualiser les fiches de postes plus
souvent et les mettre à la disposition des personnes ;
Améliorer la communication interne
par différents canaux : réunions, messagerie
électronique, hiérarchie...etc.
2.1.3. Les problèmes liés à la
communication interne
Les questions 12 et 13 sont
analysées simultanément :
Retard du à la non transmission d'une information
de la
part d'une personne ignorant la dépendance
vis-à-vis d'elle
15
10
5
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Souvent
|
Rarement
|
Jamais
|
Total
|
10
|
2
|
2
|
Retard du à la non transmission d'une information
à une
personne dépendante de nous par ignorance de cette
dépendance
8
6
4
2
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Souvent
|
Rarement
|
Jamais
|
non réponse
|
Total
|
4
|
2
|
6
|
2
|
109
71% des chefs de projets interrogés disent
qu'ils ont «Souvent» été retardés
dans leur travail parce que la personne qui devait leur remettre l'information
nécessaire ne l'avait pas faite par ignorance de cette
dépendance. Le cas contraire est moins fréquent, mais sans aller
jusqu'à douter de la foi des répondants, nous pensons qu'ils
n'ont aucun moyen de le savoir s'ils ne reçoivent pas de
réclamation, ce qui fait que plusieurs retards passent inaperçus
à leurs yeux.
Ce phénomène est très
révélateur d'une mauvaise circulation des documents comme nous
l'avons déjà vu. Il reflète surtout la mauvaise
communication au sein du CRD.
Nous avons essayé d'analyser la communication entre les
chefs de projets à travers les deux questions 14 et
15. La distribution des réponses pour la
question 14 est comme suite :
Nombre de chef de projets avec qui vous entretenez
des
contacts réguliers et étroits
non réponse
6
5
4
3
2
1
0 1 2 3 4 5
L'interprétation de cette question nous renseigne sur
l'existence d'un petit noyau autour
de chaque chef de projets qui nous semble insuffisant pour
favoriser les échanges et créer une communauté plus
solide.
Pour mieux approfondir l'analyse nous examinons la
répartition des réponses à la
question 15 :
110
Connaissance des compétences particulières
des autres chefs de projets
Aucune connaissance sur leurs compétences
Compétence pointue dans un domaine particulier
Expérience antérieure
Formation complémentaire
Formation de base
0 2 4 6 8
La connaissance des compétences pointues d'une personne
dans un domaine particulier et
de sa formation complémentaire, renseignent sur des
échanges professionnels fréquents. Ces deux catégories
sont très faiblement représentées ce qui nous
mène à croire que la communauté des chefs de
projets n'échange pas souvent des conseils et des bonnes pratiques dans
leur domaine.
La question 17 est complémentaire de
l'analyse de la communication interne :
Lorsque vous faites appel à un collègue,
c'est en fonction de:
autre
le premier collègue que vous trouvez
la personne la plus disponible
en fonction d'affinités personnelles
vous êtes certain que c'est la personne la plus
compétente dans le domaine
0 5 10 15
111
Il nous semble qu'il y ait une réelle volonté de
contacter la personne la plus compétente dans le domaine, mais
l'absence d'informations sur les compétences des gens peut mener
souvent à croire que la personne est vraiment la plus
compétente alors qu'il y a plus compétent qu'elle.
Nous pensons qu'il y a des insuffisances dans la communication
interne au CRD qui se révèlent par une mauvaise transmission
de l'information et l'ignorance de l'apport que les autres peuvent
donner.
Recommandations :
Nous pensons qu'il est possible de
favoriser les échanges et de permettre l'émergence des
communautés de pratiques au sein du groupe des chefs de projets. Nous
reviendrons plus loin sur les outils qui peuvent y contribuer.
2.2. Repérage des connaissances indispensables au
processus
Nous avons déjà essayé à travers
les questions 8 et 9 de déterminer les catégories des
connaissances indispensables aux chefs de projets. Cette étape est
primordiale et elle nécessite
de répertorier tous les documents et leurs sources, de
quelle manières sont-ils transmis...etc.
Les connaissances tacites sont plus difficiles à
repérer et il n'est pas aisé de déterminer qui les
détient et comment elles se transmettent.
Recommandations :
Répertorier les documents de travail et
déterminer leur mode de circulation ;
Faire comprendre aux gens ce qu'est la
connaissance tacite et son rôle dans la création du savoir
;
Favoriser les réunions et les
rencontres qui sont la place d'échange de connaissances
tacites.
3. La phase de développement
Notre contribution à cette phase consiste aider
à l'évaluation des apports potentiels de certains outils, en
nous basons essentiellement sur les résultats de la phase de
diagnostic.
3.1. Les outils supports
Comme nous l'avions déjà signalé au
chapitre III, la mise en oeuvre d'un système de gestion des
connaissances passe obligatoirement par la mise en place d'une
infrastructure informatique et de l'outil logiciel qui l'accompagne.
Les différents postes de travail au CRD ne sont pas
connectés en réseau, pour le dire de manière plus simple
l'intranet n'existe pas. Nous voyons souvent les gens se déplacer pour
acheminer des fichiers sur disquette ou flash disc, ce qui pose un
problème de traçabilité
112
important et donc ne satisfait pas aux exigences de l'assurance
qualité sous les deux systèmes
ISO et BPL.
Au-delà de ce constat, l'apport des outils support est
important compte tenu du résultat du diagnostic précédant.
Nous pouvons le résumer en quelques points :
Le Portail permet de rassembler un grand nombre
de sources d'informations sur une même interface, il réduit ainsi
le temps de recherche et améliore la circulation des documents
;
Les outils de travail collaboratif aident à
coordonner les activités sur un projet en évitant
:
1. que plusieurs personnes fassent le même
travail dans l'ignorance que les autres le font aussi ;
2. qu'un travail ne soit pas fait parce que
chacun croyait qu'un autre s'en occuperait ;
3. qu'un processus séquentiel soit
retardé parce qu'une personne à oublié de transmettre un
document ;
4. que les ressources d'un projet soient
allouées de manière à surcharger certaines
tâches et appauvrir d'autres.
Les outils de recherche d'information permettent
l'appropriation par l'utilisateur
de nouvelles connaissances indispensables à
son travail ;
Les outils de gestion documentaire
permettent une meilleure traçabilité des documents depuis
leur création jusqu'à leur dernière mise à jour en
passant par les différentes consultations ;
Les outils de gestion de l'expertise
permettent de repérer les compétences de l'entreprise pour
mieux les gérer et faciliter l'accès à la bonne personne
quand il
le faut.
3.2. Les méthodes de retour
d'expérience
Vu la récurrence des problèmes
rencontrés et des erreurs commises et la nécessité
d'apprendre au fur et à mesure des projets menés, les
méthodes de retour d'expérience décrite
au chapitre III nous sembles d'un grand
intérêt pour le processus de «Conception et de
Développement de Médicaments
Génériques». Nous exposons brièvement les
apports potentiels :
La mémoire à base de cas permet
de retenir les enseignements des évènements passés
sans avoir à trop formaliser la description ;
Une méthode de type REX permet de
structurer des connaissances plus pointues et souvent abstraites de
façon à pouvoir les utiliser directement dans un contexte
particulier ;
La méthode MEREX peut inspirer une
démarche de constitution de fiches d'expérience sur un
domaine particulier pour empêcher la redondance des erreurs
;
113
3.3. Les méthodes de modélisation des
connaissances
Les méthodes de modélisation des connaissances sont
des méthodes plus lourdes à mettre
en oeuvre, elles concernent une étape plus avancée
de la gestion des connaissances qui vise à capitaliser un savoir
éclaté et tacite pour faciliter son utilisation et favoriser
l'innovation.
4. La phase d'implémentation
Notre contribution à cette phase se limite aux
orientations abordées au chapitre III, nous résumons
brièvement l'ensemble des points importants :
Organiser des séminaires de sensibilisation
et d'information ;
Définir les responsabilités et les
rôles ;
Communiquer clairement sur l'état
d'avancement du projet : objectifs réalisés/prévus,
difficultés rencontrées, satisfaction estimée des
acteurs...etc. ;
Former les travailleurs sur les méthodes et
outils à utiliser ;
Prendre en compte les effets de la démarche
de changement et de la réorganisation.
5. La phase d'évaluation/pérennisation
Le système de gestion des connaissances doit
s'intégrer aux activités quotidiennes des travailleurs et ne
pas constituer une sorte de tâche inutile qu'on fait lorsqu'on a le
temps. Pour cela, les bénéfices doivent être
démontrables rapidement sur les plans individuel et collectif.
Des incitations à contribuer au système doivent
être mises en place. L'idéal serait que la contribution au
système devienne un critère d'évaluation lors de
l'entretient d'évaluation individuel, qui est en projet au sein du
Groupe SAIDAL.
L'évaluation ne doit pas prendre en compte
seulement les critères quantitatifs, ce qui conduit souvent
à une pollution informationnelle par des documents inutiles et
redondants. La qualité des contributions doit pouvoir être
évaluée par les collègues et les experts. Les fiches
d'expérience par exemple peuvent faire l'objet de réunions
avant leur rédaction et la fréquence de leur consultation
reste un indicateur de leur pertinence.
6. Notes sur la gestion des compétences et les
communautés de pratique
L'entretien avec le chargé d'étude
chargé de la formation, complété par certaines
questions aux chefs de projets a permis de cerner la stratégie de
gestion des compétences au CRD.
La gestion des compétences n'est pas encore atteinte, il
convient de parler d'une gestion des qualifications et des habilitations qui se
base sur trois documents :
114
1. La fiche de qualification :
elle contient les informations relative à la formation de
base de la personne, le niveau requis pour occuper le poste et les tâches
qu'elle est habiliter à faire ;
2. La fiche d'habilitation : elle
recense toutes les tâches qu'une personne est habilitée
à effectuer et le moyen par lequel elle a
été habilité à la faire (par
expérience, diplôme ou formation), certaines habilitations sont
limitées dans le temps ;
3. La fiche de formation : elle
retrace toutes les formations effectuées par une personne depuis
son arrivée au CRD.
Des bilans annuels sur les formations, le recrutement...etc. sont
réalisés.
Nous avons remarqué que l'élaboration de ces
documents obéit à une logique de gestion administrative,
c'est-à-dire pour justifier le budget alloué et procéder
à des promotions, non pour gérer de manière
prévisionnelle les formations et les compétences :
Les fiches individuelles de qualification et d'habilitation ne
sont pas rassemblées dans
un référentiel unique qui permette de savoir
quelles compétences sont rares et rendent l'entreprise
vulnérable, quelles nouvelles compétences ont été
acquises par le centre et sont elles en adéquation avec les objectifs
futurs du Groupe. La réponse à la question
20 révèle particulièrement
ce constat :
Existence de compétences particulières
rares qui risque
d'être perdues avec le départ de la
personne
15
10
5
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
oui
|
non
|
Total
|
14
|
0
|
Les fiches de formations ne sont pas consultées par les
chefs de projets pour repérer
les personnes ayants des connaissances qui peuvent leur
être utiles ;
La formation bien qu'obéissant à une Note
d'Orientation de la Formation issue de la direction et aux cahiers des charges
des laboratoires, n'est pas en adéquation avec les orientations
stratégiques du Groupe, selon l'analyse des réponses à la
question 19 :
115
Adéquation de la formation de s che fs de proje ts
av e c le s
obje ctifs futurs de l'e ntre prise
10
5
0
|
Fortement
|
Moyennement
|
Faiblement
|
Pas du tout
|
non réponse
|
Total
|
1
|
1
|
1
|
8
|
3
|
Pour essayer de comprendre comment le CRD développe ses
compétences ; en interne ou
par le recrutement externe, nous avons posé les
questions 18 et 20. La distribution des
réponses à ses deux questions est la suivante :
enrichissement de l'entreprise par des compétences
nouvelles au
fur et à mesure qu'elle développe des
projets
6
4
2
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Fortement
|
Moyennement
|
Faiblement
|
Pas du tout
|
Total
|
4
|
1
|
4
|
5
|
Les nouveaux recrutés sont-ils porteurs de
nouvelles compétences
que l'entreprise n'avait pas?
8
6
4
2
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Fortement
|
Moyennement
|
Faiblement
|
Pas du tout
|
non réponse
|
Total
|
0
|
0
|
3
|
5
|
6
|
116
Il nous semble que selon l'interprétation des chefs de
projets, l'entreprise ne recrute pas des compétences nouvelles pour
développer ses nouveaux projets, elle tente plutôt
d'accroître
la maîtrise en interne de ses compétences bien
qu'elle n'y réussisse qu'imparfaitement.
Nous avons remarqué que la politique de
recrutement se base sur le recrutement des jeunes et leur promotion avec
des formations internes et l'expérience acquise sur le terrain. Le
développement de nouveaux projets se fait surtout en
partenariat en comptant sur l'hypothétique transfert de
technologie.
Recommandations :
Recruter les meilleurs à la sortie
des universités en graduation et poste graduation
;
Favoriser l'apport des chercheurs universitaires
en offrant la possibilité de travailler sur des thèses
intéressantes pour le CRD ;
Favoriser les échanges avec le
monde académique et industriel par des séminaires et
des publications scientifiques de qualité ;
Pousser les gens porteurs de compétences
rares à faire des présentations auxquels un maximum de
personnes peut assister et poser des questions, enregistrer les
séances et distribuer le support ;
Faire des enregistrements des experts au travail
sur des appareil sensibles ou sur des procédés qu'ils sont seuls
à maîtriser et les diffuser.
117
Conclusion
Nous pensons qu'il existe pour le Groupe SAIDAL,
à travers l'activité du CRD, une réelle opportunité
et un véritable intérêt à initier une
démarche KM. Les orientations stratégiques du Groupe et du CRD
correspondent aux segments du KM identifiés et les challenges que doit
relever le CRD sont de la nature de ceux qui ont donnés naissance
à plusieurs démarches KM dans le monde.
Notre tentative de déterminer la
stratégie KM à adopter n'a pas débouché sur une
réponse satisfaisante. Cette question devra être
traitée avec beaucoup d'attention et devra faire l'objet d'un
consensus au sein des travailleurs concernés.
Les principaux domaines d'intervention susceptibles de
donner lieu à des projets de percée que nous avons
esquissé devront faire l'objet d'une priorisation consensuelle
pour choisir les actions les plus appropriées. D'autres voies devront
être explorées pour repérer d'éventuels domaines
d'intervention.
La méthodologie de travail qui s'est
basée sur l'observation critique et le questionnaire
écrit a rapidement montré ses limites. En effet, un
phénomène aussi complexe que la gestion des connaissances
se laisse difficilement appréhender par ces outils. Nous
préconisant de pousser l'investigation avec des entretiens individuels
basés sur les items identifiés et des entretiens collectifs
où les principaux sujets de divergence seront débattus. L'examen
par les spécialistes du domaine des documents scientifiques
de travail les plus importants, dont l'accès ne
nous a pas été permis pour des raisons de confidentialité,
devra permettre de répondre aux questions de
réutilisabilité des résultats et des connaissances
capitalisées durant les projets.
Un travail de lobbying au près de la
direction permettra d'expliquer les enjeux d'une telle démarche. Le
but est de vendre à la direction cette initiative parce que son
engagement est primordial dans le succès du projet.
La sensibilisation des chefs de projets au potentiel
énorme de connaissances qu'ils sont en train de gérer
permettra de faire émerger des projets intéressants
puisqu'ils émaneraient des personnes les plus impliquées dans la
gestion des connaissances et les plus expertes dans leurs
spécialités. Ceci a pour vertu aussi, de motiver l'utilisation du
système par les chefs de projets puisque l'initiative viendrait
d'eux et la conception répondrait à leurs besoins.
118
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
L'élaboration du présent travail fut une
expérience très enrichissante. Elle nous a permis d'aborder un
domaine nouveau de manière à en avoir une vue globale
qui facilita la compréhension des enjeux de la démarche sur un
terrain expérimental.
Si au départ, le concept de KM nous a parut être
une mode managériale dont la littérature était
vouée à rejoindre celle des autres courants
dépassés, très vite cette idée s'est
dissipée à la faveur de l'idée que le KM constitue une
réponse à de réelles préoccupations
managériales soulevées par des changements multiples. L'examen
des antécédents théoriques et pratiques
de ce concept à la fois nouveau et ancien, nous
a permis de mieux en saisir les assises conceptuelles et le contexte de
son émergence.
Cela dit, le concept reste complexe et le champ de recherche
éclaté. Les programmes de recherche en cours sont très
divers et n'offrent pas tout le temps une visibilité suffisante des
objectifs poursuivis. La très forte teinte marketing de la
littérature actuelle complique encore plus la situation ce qui rend le
choix d'une orientation de recherche future difficile et risqué.
Peut-être le plus grand mérite de la
démarche entreprise sur le terrain, fut de révéler la
difficulté de faire un diagnostic de l'état actuel d'un
système de gestion des connaissances. Bien qu'un nombre important
d'outils et de méthodes pour le diagnostic, l'évaluation ou le
repérage des connaissances soit décrit, il nous semble que cette
étape cruciale obéit encore à des heuristiques non encore
formalisées.
Différents auteurs ont déjà fait ce
constat et le travail en cours est important. Nous espérons
pouvoir y contribuer dans un avenir proche si l'occasion nous ait
donnée. Nous n'imaginons évidemment pas un outil de type scanner
que n'importe qu'elle personne munie d'un minimum de bagage pourrait
utiliser dans n'importe qu'elle circonstances. Plutôt une
méthode plus humaine mais rapide et adaptable à un grand nombre
de situations.
119
ANNEXES
120
Annexe 1 : Organigramme du CRD
DIRECTEUR
Assistants: Hygiène et Sécurité
Communication Analyse et Synthèse
Investissement
Organisation et informatique
Relations extérieures
Responsable
Système
Management
Responsable chargé de la veille
technologique
Assistant chargé des
Activités Scientifiques et
Techniques
Responsable chargé de la coordination des projets
de recherche
Responsable chargé de la coordination des
projets de développement
Assistant chargé de la
coordination du Développement et des Affaires
Règlementaires
Laboratoire galénique
Laboratoire analytique
Laboratoire pharmacotoxicologie
Laboratoire microbiologie
Laboratoire substances naturelles
Structure affaires règlementaires
Structure
documentation et information scientifique
Maintenance
Technico-
commercial
Prestation
Approvisionnement Gestion des
stocks
Ressources humaines
Gestion des
ressources humaaines
Formation
Développement des ressources humaines
Relation hiérarchique
Relation fonctionnel
Finances
Comptabilité
Prévisions
financières
Budget
Moyens
généraux
121
Annexe 2 : Questionnaire
Nombre d'années d'expérience au CRD : ... Nombre
d'années au poste de chef de projet : ... Nombre de projets
gérés : ...
Age : 20-25 26-35 36-45 46 et plus
Homme Femme
1. Lors d'une réunion pour la
résolution d'un problème :
A. la solution trouvée est-elle
rapportée dans un document précis ? oui non
SI oui : Lequel ...
B. le document peut-il être
consulté par tous les chefs de projets ? oui non
C. la solution trouvée est-elle
décrite sous une forme qui permette sa réutilisation dans une
situation similaire ? oui non
D. existe-il un moyen pour répertorier
les solutions trouvées et les repérer facilement pour être
réutilisées ? oui non
SI oui : Lequel ...
2. Au cours d'un projet de développement,
vous est-il arrivé de consulter un projet antérieur pour tirer
une partie du travail fait et la réutiliser dans le nouveau projet ?
Souvent rarement jamais
Si jamais, parce que :
aucune partie du travail n'est réutilisable
on n'a jamais essayé
on n'a pas accès aux documents
autre : ...
3. Vous est-il arrivé de constater qu'un
travail ait été refait dans un projet alors qu'il a
déjà été fait sur un projet similaire ? Souvent
rarement jamais
4. Y a-t-il un moyen pour signaler les
erreurs (erreur de manipulation, utilisation d'un
équipement,...etc.) pour éviter qu'elles ne se reproduisent ?
oui non
Lequel...
5. Vous est-il arrivé de constater qu'une
erreur vient d'être faite alors qu'elle a déjà
été faite dans un autre projet ? Souvent rarement
jamais
6. Quel genre de connaissances utilisez
vous pour votre travail ? Classez-les par ordre croissant d'importance :
1
modes opératoires, procédures,...
documents techniques de référence :
pharmacopée, normes...
articles de revues scientifiques (papier, web, CD
Rom,...)
livres
les documents issus des projets antérieurs
notes personnelles
discussion avec des collègues
savoir-faire personnel, expérience personnelle qui
n'est sur aucun support
autre :
122
7. Trouvez-vous que les informations
nécessaires au travail sur votre poste sont trop
dispersées dans différents documents ? oui non
8. Vous est-il arrivé d'être
retardé dans votre travail parce que le document qu'il vous faut
n'était pas disponible ? Souvent rarement jamais
9. Quelles sont vos sources de connaissances
pour la réalisation de votre travail ? Classez-les par ordre croissant
d'importance : 1
service documentation
service veille technologique
recherche personnelle
les collègues
l'expérience acquise sur le terrain
la formation continue (séminaire, formation de
courte duré,...)
autre : ...
10. Y a-t-il des tâches qui vous incombent
qui ne sont pas définies dans la fiche de poste ?
oui non
11. Pour une tâche qui
peut-être réalisée par plusieurs personnes, vous
est-il arrivé de constater qu'elle n'a pas été
réalisée parce que chacun croyait que l'autre s'en occuperait ?
Souvent rarement jamais
12. Vous est-il arrivé d'être
retardé dans votre travail parce que la personne qui doit vous
remettre l'information ne l'a pas faite (elle-même ignorant que vous
dépendiez d'elle) ?
Souvent rarement jamais
13. Vous est-il arrivé d'être dans
le cas contraire ? Souvent rarement jamais
14. Avec combien de chef de projets
entretenez-vous des contacts étroits et réguliers ? Nombre
:...
15. Connaissez-vous les compétences des
autres chefs de projets ?
formation de base
formations complémentaires
expérience antérieure
compétences pointues dans un domaine particulier
aucune connaissance sur leurs compétences
16. Lorsque vous rencontrez un problème
particulier, (par ordre d'importance croissante) :
vous cherchez par vous-même
vous faites appel à un collègue
vous convoquez une réunion
autre :
123
17. Lorsque vous faites appel à un
collègue, c'est en fonction de :
vous êtes sûr que c'est la personne la plus
compétente dans le domaine
des affinités personnelles
la personne la plus disponible
le premier collègue que vous trouvez
autres :
18. Trouvez-vous que l'entreprise
s'enrichisse avec des compétences nouvelles au fur et à
mesure qu'elle développe des projets ?
Fortement Moyennement Faiblement
Pas du tout
19. La formation pour les chefs de projets
est-elle en adéquation avec les objectifs futurs de l'entreprise (par
exemple une formation sur les nouvelles voies d'administration
que l'entreprise veut développer est-elle disponible) ?
Fortement Moyennement Faiblement
Pas du tout
20. Les nouveaux recrutés sont-ils
porteurs de nouvelles compétences que l'entreprise n'avait pas ?
Fortement Moyennement Faiblement
Pas du tout
21. Y a-t-il des compétences
particulières détenues par un nombre restreint de personnes
(une
ou deux) qui risque d'être perdues avec le départ de
la personne ? oui non
124
Annexe 3 : Cartographie des processus
Exigences : Règlementaires et
légales
Siège et Conseil Scientifique Filiales et Clients
externes
Satisfaction aux
exigences : Règlementaires et
légales
Siège et Conseil
Scientifique Filiales et Clients externes
126
LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX
Liste des figures
Figure 1 : Deux approches pour le développement des
produits 14
Figure 2 : La traditionnelle économie de l'information
18
Figure 3 : Les deux catégories de connaissances de
l'entreprise 31
Figure 4 : Les caractéristiques distinctives des
connaissances déclaratives et procédurales _ 32
Figure 5 : Le schéma général d'articulation
des outils supports 64
Liste des tableaux
Tableau 3: Une typologie des ressources de l'entreprise
22
Tableau 4: Activité interdisciplinaire du KM, 1996-2000
35
Liste des encadrés
Encadré 1 : Identification des modes de pensée : le
Myers Briggs Type Indicator® 39
127
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Les références mentionnées par une
étoile n'ont pas été directement consultées.
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