CONCLUSION GENERALE
Au terme de cette longue réflexion avec Eric Weil, il
convient de noter que l'Etat est une notion diversement perçue par les
hommes. En tant que communauté historique organisée, l'Etat est
capable de prendre des décisions. Il s'agit de décisions portant
sur ses actions, son fonctionnement, bref, des décisions qui engagent
son devenir ou sa destinée. L'Etat est le produit et l'invention de la
rationalité de l'homme, car l'homme, voyant qu'il ne sera toujours assez
fort pour être toujours le maître, a eu l'idée d'une telle
institution pour garantir sa sécurité personnelle et celle de ses
biens. En d'autres termes, l'Etat n'est pas né par un coup de baguette
magique. Il est le fruit d'un long processus, qui s'est
révélé finalement prometteur et a atteint ses buts. Dans
ce cadre du processus, il apparaît clairement qu'avant de parvenir
à ce que nous appelons de nos jours Etat, l'homme est passé par
d'autres organisations intermédiaires qui sont entre autres la famille,
la tribu, de la morale à la communauté, de la
société à l'Etat proprement dit. Etant instauré,
l'Etat comme nouvelle organisation politique et rationnelle de la
communauté historique s'est donné pour tâche d'assumer un
certain nombre de rôles ou fonctions et ce pour les intérêts
généraux et particuliers de la communauté historique. Ces
rôles sont d'une part, la défense du territoire et des
intérêts généraux et vitaux de la communauté
particulière contre les dangers qui la menacent soit de
l'intérieur, soit de l'extérieur, la garantie de la paix et de la
sécurité de l'individu, etc.
Pour finir, je dirai que l'Etat tout en étant le fruit
d'une longue organisation, est un processus dynamique qui évolue dans le
temps et dans l'espace. Parler de l'Etat, c'est parler d'un tout complexe qui
implique divers paramètres. L'Etat ne se réduit pas seulement au
gouvernement. L'Etat, c'est tout le monde. Donc, l'Etat est plus que nous
pensions, et c'est sans lui, règnerait un perpétuel état
de nature, un état qui pourrait être caractérisé par
la vengeance, la guerre de tous contre tous, où l'homme serait un loup
pour l'homme. Contrairement à d'aucuns qui considèrent l'Etat
comme un mal, comme une institution détestable qui prive l'homme de ses
droits naturels, je dirai plutôt que l'Etat est un moindre mal. Il est un
moindre mal, parce qu'il est institué par le consentement de tous qui
confient leurs droits à une autorité alors qu' en retour cette
dernière a pour tâche de sauvegarder leurs droits dans le cadre
d'institutions justes et légitimes. Ces institutions, pour que leur
justice et leur légitimité acquièrent la confiance des
contractants, doivent, dans l'exercice de leurs tâches, être
impartiales pour ne pas créer des frustrations qui constituent une
menace pour l'existence même de l'Etat.
L'Etat démocratique est cette organisation historique
de la communauté où le gouvernement se considère, et est
considéré par les citoyens comme tenu à l'observation de
certaines règles légales limitant sa liberté d'action et
comme requérant l'intervention obligatoire d'autres institutions
définissant les conditions de validité des actes gouvernementaux.
En d'autres termes, dans l'Etat démocratique, la loi règle et
limite la liberté d'action du gouvernement. Il n'est cependant pas un
système politique né ex nihilo. Il est un système qui tire
son origine des vieilles autocraties. Sa devise est centrée sur le
respect des lois et règlements en vigueur. Car dans la
démocratie, nul ne peut prétendre être au dessus de la loi.
Du gouvernement jusqu'aux simples citoyens, tous sont tenus au respect et
à l'application de la loi fondamentale. De par ses
caractéristiques propres, la démocratie est un système
politique qualifié de moindre mal. Comme tout système de valeurs,
la démocratie se constitue dans une opposition à un mal qu'il
refuse et qu'il tente par conséquent de repousser. Il s'agit bien
entendu de l'arbitraire, du pouvoir despotique, de la dépendance
à l'égard des caprices ou les volontés obscures des
puissances en place. La démocratie veut, de par ses principes, redonner
à l'homme sa dignité, une dignité longtemps bafouée
par les régimes autocratiques. Les conséquences de la
démocratie sont la liberté d'opinions, de parole, de
pensée, de religion, la libre entreprise, la stabilité politique
fondée sur des élections régulières, libres et
transparentes. Le souci majeur de l'Etat démocratique, c'est de
favoriser l'esprit créateur en chaque individu et de respecter ses
droits naturels ainsi que la recherche, la bonne gestion et la distribution
équitable du Bien commun. Mais à côté de ce souci,
demeurent d'innombrables difficultés auxquelles la démocratie est
appelée à faire face et à se corriger si elle veut
assurer durablement son existence.
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