Deuxième
partie : L'ENVIRONNEMENT DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE : LES RAISONS
D'UNE SOUS REPRÉSENTATIVITÉ
Chapitre 3 :
L'environnement est-il un sujet difficile à traiter ?
3.1 L'environnement, un sujet
nouveau, complexe et transversal
Comme nous l'avons vu précédemment (figure 1),
le traitement de l'information dans la presse écrite obéit
à une certaine organisation de la rédaction qui fonctionne de
façon compartimentée avec des rubriques bien
déterminées : politique, économie, faits divers,
sports, santé, etc.... Cette nomenclature peut varier sensiblement selon
la ligne éditoriale et l'audience du journal, mais la
spécialisation des journalistes à travers des rubriques demeure
l'une des caractéristiques majeures du traitement et de la
présentation de l'information dans la presse écrite. Dans un
pareil contexte organisationnel, l'environnement qui est un concept
polysémique et transversal, fait face à une première
difficulté pour s'imposer comme une rubrique à part
entière. A cette difficulté d'insertion dans les
rédactions de presse, il faut ajouter la prise de conscience
relativement récente des préoccupations environnementales au
niveau mondial. En effet, en plus du défi de la complexité, s'est
ajouté celui de la nouveauté du concept même de
l'environnement. Le manque de formation des journalistes qui
s'intéressent à la couverture des sujets liés à
l'environnement est à prendre aussi en compte.
Aujourd'hui encore, la profession en est à se demander
s'il faut une rubrique «environnement» ou, en parler, in
fine, dans les autres rubriques chaque fois que l'occasion se
présente. D'aucuns avancent l'argument selon lequel le jargon
environnemental serait trop hermétique pour le grand public et
souhaitent laisser cette tâche aux revues et publications scientifiques
spécialisées qui s'adressent à un public plus
étroit composé d'initiés. Mais on pourrait faire le
même reproche de transdisciplinarité et d'austérité
des termes employés à l'économie qui, pourtant, trouve
facilement écho dans la couverture quotidienne de l'actualité.
3.2 Une place de choix pour
l'économie
Plus qu'une page, tous les journaux étudiés
consacrent un cahier quotidien à l'économie dans leurs parutions.
Même Le Journal de Montréal qualifié de
«tabloïd people» a fini par s'y résoudre depuis peu en
créant la rubrique «Affaires». Cette place de choix pour
l'économie s'explique surtout par l'antériorité des
préoccupations économiques sur celles environnementales. Pendant
longtemps, on a pensé que ce qui était bon pour les affaires
était bon pour la société. En effet, jusqu'à une
période très récente, la notion de développement
des pays ne se mesurait qu'à l'aune de l'économie. Cette
dernière, de façon subtile, fera son apparition dans la presse
par le développement de rubriques économiques qui adoptent
implicitement le point de vue de certains acteurs économiques y compris
l'État. Les conditions d'émergence du journalisme
économique remontent en 1945, après la seconde guerre mondiale
(Riutort, 2000). Le développement des pages financières
(résultat de luttes internes au champ journalistique) n'est pas
directement imputable à une prise de position idéologique, mais
il contribue à rendre légitime et de plus en plus
omniprésent et envahissant le point de vue des actionnaires dans le
champ journalistique. Il participe d'une sorte de financiarisation des
esprits : en s'universalisant, le point de vue de l'actionnaire devient
une opinion économique légitime (Lebaron, 2001).
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