2) Les conséquences de ce scandale
Les conséquences de ce scandale sont sans aucun
doute multiples : des milliers de salariés se retrouvent au
chômage, des épargnants perdent leur argent, la
crédibilité du système capitaliste est profondément
atteinte ... Mais l'importance des dysfonctionnements constatés tant au
niveau des dispositifs de gouvernance d'entreprise qu'à celui des
dispositifs d'appui - notamment auditeurs comptables et analystes financiers -
amène à s'interroger sur le système de régulation
et à envisager des réformes.
C'est pourquoi, aux Etats Unis, pays le plus
touché, les régulations comptables ont fait l'objet d'une remise
en question portant à la fois sur les méthodes - les normes US
GAPP ayant montré leurs limites - et sur les règles
déontologiques, surtout concernant la séparation des
activités relevant de la mission de contrôle des comptes et celles
relevant du conseil afin d'éviter des conflits
d'intérêts.
Les analystes financiers et leurs employeurs ont
été également rappelés à l'ordre, en
particulier sur l'autre risque majeur du conflit d'intérêt que
constitue la porosité entre l'activité de gestion des titres et
celles relevant d'opérations d'investissement - financement
menées par ces établissements. Ainsi, Merrill Lynch, banquier
d'affaires et gestionnaires de titres mis en cause par la SEC a dû
accepter de payer 100 millions de dollars et s'engager à modifier son
organisation interne.
La SEC (security exchange committee), autorité
dédiée à la régulation des marchés et
opérations financières a été l'instrument de ces
recommandations et a, elle-même été mise sur la sellette,
ses responsables n'étant pas exempts de tout reproche. D'ailleurs, son
président, Harwey Pitt a été conduit à
présenter sa démission en novembre 2002.
Les autorités politiques ont été
dans une situation comparable : d'une part, l'opinion publique attendait
d'elles qu'elles prennent des mesures exemplaires, comme certaines initiatives
et déclarations ont pu le laisser présager : création
par le congrès d'une commission d'enquête sur l'affaire Enron dont
le rapport a été remis en juillet 2002 ; déclarations
du président Bush etc. D'autre part, leurs représentants ne
semblent pas toujours les mieux placés pour agir, étant parfois
eux-mêmes mis en cause dans certaines affaires.
Finalement, c'est l'autorité judiciaire tant
au niveau du recours en responsabilité civile qu'au niveau pénal
qui est amenée à intervenir de la manière la plus
significative par l'inculpation et la condamnation d'un certain nombre de
protagonistes et par la fixation d'amendes et de dommages et
intérêts avec des montants significatifs. Ces procédures,
qui se sont multipliées au cours de l'année 2002 , vont accentuer
la tendance à la « judiciarisation de la
société » déjà très marquée
aux Etats Unis d'Amérique.
Dans cet ordre d'idées, le législateur a aussi
vigoureusement réagi avec la loi Sarbannes - Oxley. Cette loi,
promulguée en juillet 2002 est destinée à renforcer les
mesures de contrôle et à tenter de restaurer un climat de
confiance envers les comptes des sociétés cotées.
En France, il n'y a pas eu de conséquences
directes de cette affaire. Mais des conséquences indirectes il y en a
eu : le renforcement du dispositif de régulation. En effet, en 2003
est votée la « loi sur la sécurité
financière » qui concerne trois volets de la vie
financière : le renforcement des autorités de contrôle
avec notamment la création de l'Autorité des marchés
financiers
( AMF ), l'encadrement des activités de
démarchage commercial en matière financière et le
renforcement du contrôle des professions d'audit en interdisant les
activités parallèles de conseil et en créant du Haut
conseil du commissariat aux comptes.
Ainsi, nous constatons que les concepts de
gouvernance d'entreprise et de création de valeur sont aujourd'hui au
coeur de l'entreprise et par conséquent du capitalisme financier
contemporain. A cela, il faut ajouter que la gouvernance joue un rôle de
premier plan dans la création de valeur sous plusieurs angles même
s'il convient d'admettre que le monde de la gouvernance et donc de l'entreprise
a été secoué ces dernières années par des
scandales comme en témoigne l'affaire d'Enron. Mais qu'en est - il du
rôle de la finance dans la création de valeur ? Les leviers
financiers ont - ils subi un sort semblable à celui de la
gouvernance ?
C'est ce que nous verrons dans notre deuxième partie.
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