REMERCIEMENTS
Ce mémoire incarne l'aboutissement de ce que l'on
pourrait appeler un voyage initiatique. La réalisation de ce voyage a
été rendue possible grâce au soutien d'un grand nombre de
personnes, et à celles-ci, je veux témoigner ma gratitude.
Dès l'entame, je voudrais remercier sincèrement
mon directeur de mémoire, Maître COULIBALY Ibrahim, pour ses
conseils éclairés et son expertise inestimable. Ses
précieuses remarques et sa disponibilité ont grandement
contribué à l'aboutissement de ce travail.
Ensuite, mes remerciements vont également à mes
camarades de promotion, et plus singulièrement à Marie-Colombe,
pour leur soutien moral et leurs encouragements tout au long de cette aventure
académique.
Enfin, je suis infiniment reconnaissant envers ma Mère
pour son soutien indéfectible tout au long de mes études.
À n'en point douter, elle a été ma source de motivation.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
3
Partie 1 : UNE PROTECTION EXPRESSE DES
LOGICIELS
14
Chapitre 1 : L'accès du logiciel
à la protection par le droit d'auteur
14
Section 1 : La détermination de l'objet
de protection du droit d'auteur
14
Section 2 : Le respect par le logiciel de la
condition d'originalité
21
Chapitre 2 : Les prérogatives
accordées à l'auteur du logiciel
27
Section 1 : L'attribution d'un monopole
à l'auteur du logiciel
28
Section 2 : La défense des auteurs de
logiciels par l'action en contrefaçon
35
PARTIE 2 : UNE PROTECTION PERFECTIBLE DES
LOGICIELS
44
Chapitre 1 : Les insuffisances de la
protection du logiciel par le droit d'auteur
44
Section 1 : Les limites internes du droit
d'auteur et la protection des logiciels
44
Section 2 : La mise à mal des
développeurs de logiciels par le droit d'auteur
52
Chapitre 2 : Les moyens de consolidation des
droits des auteurs de logiciels
60
Section 1 : Les moyens complémentaires
de consolidation du droit d'auteur
61
Section 2 : Les moyens supplémentaires
de protection des auteurs de logiciels
69
SIGLES ET ABREVIATIONS
ABR : Accord de Bangui instituant une organisation
africaine de la propriété intellectuelle, acte du 14
décembre 2015
ADPIC : Accord portant sur les aspects des droits de la
propriété intellectuelle qui touchent au commerce
BURIDA : Bureau ivoirien du droit d'auteur
CJUE : Cour de justice de l'Union européenne
GOTIC CI : Groupement des Opérateurs du Secteur
des Technologies de l'information et de la Communication de Côte
d'ivoire
OAPI : Organisation africaine de la
propriété intellectuelle
UEMOA : Union économique et monétaire
ouest-africaine
OMPI : Organisation mondiale de la
propriété intellectuelle
OCDE : Organisation pour la Coopération et le
Développement Economique
Loi ivoirienne sur le droit d'auteur : Loi
n°2016-555 relative au droit d'auteur et aux droits voisins publiée
au journal officiel du jeudi 20 octobre 2016
AVERTISSEMENT
L'Université des Lagunes n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire.
Celles-ci doivent être considérées comme personnelles
à leur auteur.
·
INTRODUCTION
Il ne fait plus aucun doute qu'en plus du monde physique et
sensible, il existe également un monde immatériel, informatique.
L'accès à cet univers requiert, outre les composants
matériels, un outil intangible : le logiciel. Quiconque souhaite
accéder à ce monde numérique ne saurait éluder le
recours au logiciel.
Pris comme le chemin menant à un territoire toujours
plus prisé, sa prégnance sur la société ne saurait
être remise en cause. À ce sujet, L'OCDE considère que le
logiciel est déjà le « secteur le plus important
économiquement, et qu'il est à l'économie fondée
sur le savoir ce que les secteurs de l'acier et de l'automobile étaient
à l'économie industrielle. »1(*)
« L'importance prise par les logiciels est le
reflet de la logicialisation de l'activité économique et
sociale »2(*). Par là, François HORN décrit la
combinaison de deux phénomènes : le rôle croissant des
technologies de l'information et de la communication d'une part ; et le
développement du secteur informatique de l'autre.
À l'origine, les ordinateurs étaient vendus, de
manière indissociable, avec les logiciels, ce qui limitait fortement le
piratage. Mais à partir de 1968, IBM commençait la vente autonome
de logiciels, qui devint alors un standard3(*). Cela a rendu nécessaire, puisque le logiciel
devenait un produit en lui-même, la recherche d'un moyen de
sécurisation.
L'étude que nous envisageons mener aborde l'un des
nombreux enjeux, défis que soulève l'essor des logiciels :
celui de leur protection juridique. En effet, cette question invite le regard
du juriste au vu de la part de marché que représente le
marché du logiciel, mais aussi celui de sa contrefaçon.
Selon le GOTIC CI, le chiffre d'affaires de l'industrie
ivoirienne des logiciels et des services IT estimé à environ 300
millions d'euros4(*), soit
197?008?788?810 de francs CFA. Et l'on évaluait le taux de piratage de
programmes d'ordinateur à 79%5(*). Et il est donné de constater que le taux
d'utilisation de logiciels contrefaits n'est pas en baisse.
Pour notre part, nous espérons contribuer à la
réflexion sur cette question en nous bornant toutefois au droit
privé en général. De son intitulé « La
protection des logiciels en droit ivoirien », certains vocables de
notre sujet méritent d'être précisés.
Historiquement, le mot logiciel émergeait en 1969 en
tant que traduction de l'anglais software6(*). La traduction française provient
étymologiquement du nom commun logique. « Cette
idée de logique pure se manifeste dans la forme initiale du logiciel
alors défini comme n'étant que des séries
d'instructions pour faire fonctionner une machine
calculatrice »7(*).
En langage informatique, le logiciel peut se saisir comme un
ensemble de programmes, d'instructions et de données conçus pour
effectuer des tâches spécifiques sur un ordinateur ou un
système informatique. Il forme l'âme de l'ordinateur, sans lui,
celui-ci ne serait qu'une masse de ferrailles.
Il est formé partir de programmes fonctionnant sur la
base de consignes données et se distingue donc du programme
d'ordinateur. En fait, contrairement au logiciel qui s'identifie par son aspect
fonctionnel, le programme d'ordinateur n'est qu'une suite ordonnée
d'instructions écrites dans un langage de programmation
spécifique8(*). De ce
fait, le logiciel est une notion plus large et inclusive que le programme
d'ordinateur.
Cela dit, le droit ne s'est guère embarrassé de
cette subtilité technique. C'est ainsi que les textes font
généralement référence au programme
d'ordinateur, pour parler du logiciel.
À cet égard, il y a lieu de souligner que le
droit ivoirien emploie indifféremment les termes logiciel et
programme d'ordinateur9(*), qu'il définit comme l'ensemble
d'instructions exprimées par des mots, des codes, des schémas ou
par toute autre forme pouvant, une fois incorporés dans un support
déchiffrable par une machine, faire accomplir ou faire obtenir une tache
ou un résultat particulier par un ordinateur ou par un
procédé électronique capable de faire du traitement de
l'information.
En ce qui nous concerne, attendu que ubi lex non
distinguit nec nos distinguere debemus, nous emploierons
indifféremment, pour la suite de notre étude, les vocables
logiciel et programme d'ordinateur.
Concernant la protection, du latin protectio, elle
désigne toute forme de précaution qui consiste à
prémunir une personne ou un bien contre un risque, à garantir sa
sécurité, son intégrité par des moyens tant
juridiques que matériels10(*).
Sur le plan juridique, la protection est soit privative, soit
non privative11(*). Est
privative la protection reposant sur la propriété de la chose
concernée. En fait, les avantages de la chose sont
réservés à une seule personne qui jouit d'un monopole sur
celle-ci; elle exerce un véritable droit privatif sur la chose et est
défendue contre les entreprises de quiconque12(*). Quant à la protection
non privative, c'est celle qui fait intervenir le jeu de la
responsabilité soit pénale soit civile13(*).
La question du choix du mode de protection du logiciel a
toujours fait osciller cet objet singulier entre propriété
industrielle et propriété littéraire et artistique.
Certains ont même pu considérer cette ambivalence comme une
anomalie, allant jusqu'à qualifier le logiciel de cumulard de
la propriété intellectuelle14(*).
À la vérité, cette controverse peut
s'expliquer par la nature duale du logiciel. En effet, le logiciel est un outil
pouvant se caractériser aussi bien par sa forme que par sa fonction.
L'aspect fonctionnel du logiciel, relevant d'une logique industrielle15(*), l'entraîne entre les
griffes du brevet16(*).
Par contre, sa forme, son écriture, en tant que mode d'expression d'une
personne, le programmeur informatique, le fait également basculer dans
la catégorie des oeuvres de l'esprit, ce qui devrait entraîner sa
sujétion au droit d'auteur.
La difficulté à rattacher définitivement
le programme d'ordinateur au régime soit du droit d'auteur, soit du
brevet, dénotant son particularisme, incita d'autres à
suggérer l'application d'un droit sui generis au
logiciel17(*) en
s'inspirant du droit d'auteur.
Un droit sui generis apparaît dans une situation
où une institution juridique, en raison de sa nature unique, ne peut
être classée dans aucune catégorie existante et constitue
ainsi un genre à part entière. Ainsi, une institution, un contrat
ou une situation juridique est qualifié de sui generis
lorsqu'il convient de reconnaître son unité, justifiée par
sa nature originale, et d'adopter un régime juridique approprié
et autonome.
Cependant, « le «forcing»
américain, qui fit abandonner au Japon et au Brésil leurs propres
projets de loi spécifiques, conduisit la France, puis l'Europe, à
adopter la protection par le droit d'auteur.18(*) » De plus, la mise en place d'un tel
régime se serait révélée chronophage et ardue, tout
en laissant sans protection les auteurs de programmes durant l'édiction
de ladite norme19(*). La
rapide évolution du monde numérique, rendant difficile l'attente
d'un régime sui generis, cette option fut écartée.
En outre, les pays de l'UE et les pays de l'OAPI ont choisi
d'exclure le logiciel de la liste des créations pouvant donner naissance
à un brevet. Pour preuve, l'article 6 de l'annexe 1 de l'ABR20(*) exclut expressément les
programmes informatiques de la liste des objets brevetables21(*).
« Cette exclusion a conduit la jurisprudence et
le législateur à s'orienter vers une protection au titre du droit
d'auteur.22(*) » Le droit d'auteur constituait alors
davantage une protection d'opportunité qu'un choix réellement
délibéré23(*).
Mais ce choix ne s'est point opéré sans
certaines difficultés. Il a été principalement
objecté que le logiciel n'était pas une oeuvre de l'esprit, mais
plutôt une simple méthode que la loi ne protège pas, et
qu'au surplus, la condition d'originalité ne lui était pas
applicable. L'arrêt Pachot viendra entériner le rattachement du
logiciel à la propriété littéraire et
artistique.
De telle sorte que l'état actuel du droit ne laisse
plus planer d'incertitudes quant au mode de protection du programme
d'ordinateur : tous les logiciels, quelles que soient leur nature et leurs
fonctionnalités, sont protégés par le droit d'auteur.
Par ailleurs, à côté de la protection
juridique accordée au logiciel, il est reconnu aux auteurs le droit de
recourir à des mesures techniques de protection24(*). La mesure technique de
protection se définit comme « toute technologie,
dispositif ou composant qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, est
destiné à empêcher ou à limiter, en ce qui concerne
les oeuvres ou autres objets protégés, les actes non
autorisés par le titulaire d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du
droit d'auteur prévu par la loi25(*) ». Ces procédés visent
à restreindre l'accomplissement, à l'égard du logiciel,
d'actes qui ne sont pas autorisés par l'auteur.
Cela étant, il n'en demeure pas moins que le logiciel
reste, sur le plan juridique, à titre principal, sous le joug du droit
d'auteur. Le droit d'auteur est l'ensemble des droits patrimoniaux et
extrapatrimoniaux auxquels donnent prise les oeuvres littéraires et
artistiques. Il s'agit du droit de propriété incorporelle
exclusif et opposable à tous que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit
détient sur celle-ci.
La reconnaissance aux auteurs de prérogatives sur
leurs créations vise à stimuler le développement de
l'esprit inventif, tout en leur accordant une récompense. Paul Roubier
écrit en ce sens qu'« il est évident que le
progrès est surexcité au plus haut point par les inventions ou
les créations, et, si l'on veut que celles-ci se multiplient, il faut
naturellement récompenser leurs auteurs, la récompense la plus
naturelle et la plus heureuse [étant un] monopole temporaire
d'exploitation26(*). »
Le droit d'auteur entend donc, à travers la protection
de l'intérêt individuel, assurer par ricochet le
développement social. La sécurisation juridique des
logiciels revêt une importance difficilement contestable.
Ces derniers constituent un levier de développement
non négligeable à l'ère du numérique. En fait,
« le logiciel est à l'informatique ce que l'oeuvre
audiovisuelle est au projecteur et au magnétoscope27(*) ». Non seulement
sont-ils devenus incontournables dans presque tous les secteurs : de la
finance à la santé, de la fabrication à
l'éducation ; mais en plus, ils concourent également
à la création d'emplois dans le secteur informatique.
D'ailleurs, leur valeur commerciale ne cesse de
croître. C'est pourquoi de nombreuses entreprises telles que MICROSOFT,
WAGSYSTEMS ou WHYSOFT AFRIQUE investissent dans l'édition ou la
distribution du logiciel.
La protection des programmes d'ordinateur encourage la
création de solutions logicielles adaptées aux besoins locaux,
qu'il s'agisse de solutions pour l'agriculture, la santé, la gestion,
l'éducation ou d'autres secteurs spécifiques, améliorant
ainsi les services offerts à la population et la rentabilité des
entreprises. « La contrefaçon de logiciels et de
marque est un phénomène planétaire qui impacte aussi bien
les éditeurs de logiciels, les entreprises et les économies
nationales. La concurrence déloyale que leur imposent les
contrefacteurs, entraîne des pertes considérables dont la
destruction d'emplois, des pertes de recettes fiscales, un frein à
l'innovation informatique.28(*) »
Dans un pays comme la Côte d'Ivoire où
l'industrie logicielle est encore émergeante, la protection des
logiciels contre le piratage, si elle est combinée à un plan
d'action aux niveaux des universités, pourra stimuler le
développement de ce secteur29(*).
Mais, outre ces enjeux économiques et sociaux,
l'intérêt de notre sujet peut se trouver dans la
nécessité d'approfondir l'étude de ce thème. La
jurisprudence ainsi que la doctrine, en l'état actuel, apportent peu ou
pas de précisions quant au régime de protection du logiciel. Il
est d'ailleurs donné de constater qu'il n'existe aucun mémoire
dédié à cette question. Ainsi, du point de vue
théorique, notre étude essaie de se positionner à
l'avant-garde d'un domaine encore peu exploré en droit ivoirien.
La problématique de notre sujet tient à
l'efficacité du régime de protection des programmes d'ordinateur
en droit ivoirien et se résume dans les questions suivantes : Le
régime de protection des logiciels en droit ivoirien est-il
pertinent ? Autrement dit, le droit ivoirien accorde-t-il une protection
satisfaisante aux logiciels ?
Pour élucider ces différentes questions, nous
fonderons notre analyse sur le droit positif ivoirien sans pour autant exclure,
lorsque notre sujet s'y prêtera et l'exigera, les
références de droit étranger.
En Côte d'Ivoire, la première loi relative au
droit d'auteur ne prévoyait aucune disposition spécifique
concernant le logiciel. À cette époque, la protection des
logiciels relevait principalement des dispositions de l'Annexe 7 de
l'ABR30(*).
Cette situation a évolué avec la loi de 2016
relative au droit d'auteur et aux droits voisins31(*). Cette loi permet à la
Côte d'Ivoire de se conformer aux standards internationaux. Le
législateur tente par là-même de créer les
conditions propices à l'éclosion d'un secteur du logiciel.
À l'examen, l'on peut s'apercevoir cependant que si le
programme d'ordinateur bénéficie d'une protection expresse par le
droit d'auteur, il n'en reste pas moins qu'elle ne s'étend pas à
tous ses constituants. Par ailleurs, son régime juridique, tel qu'il
résulte de la loi de 2016 sur le droit d'auteur, nous semble comporter
quelques imprécisions. Cela nous permet de postuler que le logiciel
bénéficie d'une protection expresse en droit ivoirien (Partie 1),
mais que cette dernière, étant insuffisante, mérite
d'être améliorée (Partie 2).
Partie 1 : UNE PROTECTION
EXPRESSE DES LOGICIELS
Outre qu'il est dans les deux cas question
d'écriture, il existe, en vérité, peu de ressemblance
entre un tableur Excel et les Fleurs du Mal ; le premier ne sera jamais,
au contraire du second, rattaché aux beaux-arts. Le logiciel se
démarque des oeuvres littéraires et artistiques classiques par sa
nature fonctionnelle et son aptitude à exécuter des tâches
programmées, éclipsant ainsi leur caractère narratif et
leur subjectivité. Dès lors, bien qu'étant une oeuvre de
l'esprit, sa spécificité lui rendrait ardue l'application stricte
du droit d'auteur classique. C'est pourquoi il a vite été
indispensable d'adapter la propriété littéraire et
artistique au logiciel. Cette volonté d'adaptation se ressent tant au
niveau de l'accès du logiciel au monde de la propriété
littéraire et artistique (Chapitre 1) qu'au niveau des droits reconnus
aux auteurs (Chapitre 2).
Chapitre 1 : L'accès
du logiciel à la protection par le droit d'auteur
La loi ivoirienne32(*) sur le droit d'auteur qualifie
expressément, à tort ou à raison33(*), le logiciel d'oeuvre
écrite sur laquelle peut, tout naturellement, s'exercer le droit
d'auteur. Le logiciel, comme nous le rappelions, n'est point réductible
à son écriture. De par son aspect fonctionnel, il transcende pour
ainsi dire la sphère littéraire. Alors, une question
demeure : le droit d'auteur doit-il contenir l'entièreté de
cette masse mixte ? Voilà posée la question de la
détermination de l'assiette de protection du droit d'auteur en
matière de programme d'ordinateur (Section 1). En outre, l'accès
à cette protection requiert que le logiciel soit original (Section
2).
Section 1 : La
détermination de l'objet de protection du droit d'auteur
À la vérité, il est difficile, à
partir de la définition du vocable logiciel, d'indiquer les
éléments protégés ou plus précisément
le moment où le logiciel a obtenu un degré de formalisation
suffisant pour être considéré comme oeuvre
protégeable34(*).
En effet, la technicité et le nombre d'étapes de création
rendent difficile l'appréciation du degré de réalisation
du programme d'ordinateur35(*). L'on doit alors en référer à
l'accord ADPIC qui indique que les formes d'expression du logiciel sont le code
source et le code objet.
Toutefois, en pratique, un logiciel ne se réduit pas au
code. L'on pense, par exemple, à l'interface du programme d'ordinateur.
Cette dernière n'est pas indexée par l'accord ADPIC. Mais, il ne
faut pas conclure pour autant qu'elle est non protégée. En
revanche, elle ne sera pas envisagée comme partie intégrante du
logiciel, mais plutôt comme une oeuvre indépendante de celui-ci.
En résumé, certains éléments sont
protégés en tant que forme d'expression (Paragraphe 1) du
logiciel, et que d'autres sont protégés de façon autonome
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les
éléments protégés en tant que forme d'expression du
logiciel
Le code source et le code objet constituent les formes
d'expression du programme d'ordinateur (A). Par ailleurs, l'on peut
également y adjoindre les travaux préparatoires du logiciel
(B).
A : La programmation du
logiciel
Le choix de protéger les programmes d'ordinateur par le
droit d'auteur s'explique en partie par l'expression écrite des codes
source et objet. Ces derniers sont qualifiés par l'accord sur les ADPIC
d'oeuvres littéraires au sens de la convention de Berne.
En réalité, le code source est la forme
première de l'expression du programmeur dans le logiciel36(*). C'est un fichier
informatique, non compréhensible par la machine, avec comme extension
(.c ) ou (.h )37(*). Il exprime dans un langage de programmation
informatique, compréhensible uniquement par un humain initié, les
instructions que devra suivre le programme d'ordinateur. Ainsi, est-il assez
juste de le considérer comme la base ou l'élément central
sur lequel repose le programme38(*), ou encore comme l'âme du logiciel39(*). Le code source
représente l'aboutissement d'énormément de travail et de
créativité40(*). En plus, la création d'un logiciel requiert
l'écriture de plusieurs codes source.
Mais tel quel, il n'est pas exécutable par
l'ordinateur. En effet, les machines informatiques ont leur langage
propre : le langage binaire dont l'alphabet se résume à 0 et
1. La traduction du code source en langage binaire est nécessaire pour
que l'ordinateur puisse comprendre les instructions décrites dans le
code source. Donc, il faut exprimer le code source dans un langage binaire,
c'est-à-dire formuler les instructions données au programme dans
une suite de 0 et de 1. Cette opération s'appelle la compilation du code
source et se réalise au moyen d'un logiciel spécifique : le
compilateur. Ainsi, chaque code source sera traduit en un code objet par le
compilateur. Elle débouche sur l'obtention d'un nouveau code : le
code objet qui représente donc la version compilée du code
source. Il se matérialise dans un fichier informatique avec comme
extension (.o) ou (.obj)41(*).
Bien que ces fichiers ne soient pas compréhensibles
par l'homme, ils sont néanmoins protégeables par le droit
d'auteur selon l'accord sur les ADPIC. Bien que pouvant surprendre, cette
décision n'en demeure pas moins logique puisque le code objet n'est
qu'une traduction du code source, or étant donné que ce dernier
est protégé, il serait déraisonnable d'exclure sa
traduction du champ de la propriété littéraire et
artistique.
À ce stade, le logiciel n'est pas encore parfaitement
exécutable. Une dernière étape s'avère
nécessaire : la liaison des fichiers objet. Elle permet d'obtenir
un fichier ou programme exécutable par l'ordinateur qui aura comme
extension (.exe), et sera remis à l'utilisateur. Les textes ne
prévoient pas expressément la protection du programme
exécutable par le droit d'auteur. Cependant, à l'analyse, il faut
convenir qu'il ne s'agit que d'un assemblage de codes objet, eux-mêmes
susceptibles de protection. Par conséquent, en tant qu'ensemble
homogène de codes objet, le fichier exécutable doit
également être protégé par le droit d'auteur. C'est
ce que retient la jurisprudence en la matière : « le
droit d'auteur protège le code source, le code objet et le fichier
exécutable des logiciels42(*) ».
La propriété littéraire et artistique
couvre également la structure du programme d'ordinateur. On entend
par-là, « l'architecture du logiciel qui permet à
ce dernier d'être présenté sous un certain ordre, un plan
précis, le tout ordonné et agencé de manière
cohérente pour l'utilisation de ce logiciel43(*). » Ce plan comprend
les relations et l'enchaînement des sous-programmes, c'est-à-dire
les différentes fonctionnalités recherchées, comprenant
elles-mêmes les algorithmes permettant la réalisation du
résultat recherché44(*). Il peut se présenter sous la forme d'un
organigramme45(*)
décrivant la composition, la structuration et la hiérarchisation
du programme46(*). Pour
les juges, toute reprise non autorisée de la structure d'un logiciel
constitue un acte de contrefaçon.
B : Le matériel de
conception préparatoire
Aux termes de l'article L122-2 du Code
français de la propriété intellectuelle, le
matériel de conception préparatoire du logiciel est aussi
protégé par le droit d'auteur, en tant que forme d'expression du
logiciel. Cela rejoint également la position du droit communautaire
européen, qui a adopté une conception extensive de la notion de
logiciel.
Le matériel de conception
préparatoire « s'entend des documents, établis
en principe avant le démarrage du développement du logiciel, mais
aussi au cours du développement et à l'occasion des
évolutions du logiciel, qui décrivent les fonctionnalités
du logiciel, son fonctionnement technique, la structure des données
qu'il exploite et qu'il génère, etc. »47(*) De ce point de vue, quiconque
détient ces documents est potentiellement en mesure de réaliser
le logiciel, en cela ils en sont indétachables. Cela justifie amplement
qu'ils soient considérés comme une partie intégrante du
logiciel.
Alors se pose le problème de l'étendue de ce
concept. En effet, aucune législation n'en fournit une définition
légale de telle sorte que la portée de cette notion reste
à préciser. Il est cependant admis que le cahier des charges, qui
peut émaner de personnes autres que les programmeurs, ne vaut pas
matériel préparatoire48(*).
C'est pourquoi, Alain BENSOUSSAN propose que l'analyse
fonctionnelle marque le départ des travaux préparatoires49(*). De ce point de vue, le
matériel de conception préparatoire doit regrouper les analyses
fonctionnelle et organique.
Cela correspond à la définition que Bertrand
LIAUDET donne de la phase de conception du logiciel50(*). L'analyse fonctionnelle sert
à déterminer les algorithmes nécessaires pour mettre en
place les fonctions que le logiciel offre à ses utilisateurs. L'analyse
organique s'attache à « la façon dont sera
construit le système pour répondre aux attentes de l'analyse
fonctionnelle51(*) ».
Nous nous inscrivons dans la même ligne de
pensée, d'autant qu'elle correspond à la définition
dégagée par la jurisprudence :
« l'ébauche informatique du programme dès lors
qu'elle est suffisamment avancée pour contenir en germe les
développements ultérieurs52(*) ».
Le législateur ivoirien ne prévoit pas
expressis verbis que le matériel de conception préparatoire du
logiciel peut être protégé par le droit d'auteur. Mais cela
peut se déduire de l'article 5 alinéa 1 de la loi
ivoirienne53(*) sur le
droit d'auteur. En effet, le droit d'auteur s'applique aux oeuvres
inachevées. Ainsi, le fait que le logiciel soit inachevé ou en
cours d'élaboration n'est pas un obstacle à sa protection par le
droit d'auteur. Sous ce rapport, il y a tout lieu de penser que le
matériel de conception préparatoire des logiciels, en ce qu'il
contient les germes du programme d'ordinateur, est également
protégé par le droit d'auteur.
Nous avons montré comment le droit d'auteur
s'appliquait aux formes d'expression du logiciel. Il convient, à
présent, d'analyser l'application du droit d'auteur aux
éléments autonomes du logiciel.
Paragraphe 2 : Les
éléments protégés en tant que partie autonome
Ces éléments
« doivent être protégés de façon
autonome du logiciel et ce nonobstant leur dépendance ou
intégration aux logiciels54(*) ». Dans la mesure où ces
éléments peuvent constituer en eux-mêmes des oeuvres de
l'esprit à part entière, ils peuvent se voir
protégés par le droit d'auteur. Il s'agit de l'interface
graphique du logiciel (B) et de certains éléments
littéraires (B).
A : Les
éléments littéraires
Il s'agit essentiellement du cahier des charges, de la
documentation ainsi que du titre du logiciel.
D'abord, le fait que la jurisprudence se refuse à
analyser le cahier des charges comme travaux préparatoires ne signifie
aucunement que ce dernier est dépourvu de toute forme de protection. En
fait, il est question, en tout état de cause, d'une oeuvre écrite
qui, même si elle est n'est pas protégée au même
titre que le logiciel, peut cependant bénéficier d'une protection
à condition qu'elle remplisse les critères du droit d'auteur.
C'est ce qu'affirme implicitement le juge dans cette affaire :
« les services attendus du logiciel, la définition des
besoins, les précisions apportées au cours de
l'élaboration par le profane qui a souhaité voir créer un
logiciel, à partir d'une idée, précisé, s'ils
peuvent éventuellement constituer par eux-mêmes une oeuvre de
l'esprit, n'entrent pas dans le cadre » du régime
spécifique au logiciel55(*).
Ensuite, la documentation d'utilisation, en principe exclue
de la protection du logiciel, peut se voir attribuée une protection.
« Ainsi la documentation, qu'elle soit auxiliaire ou
d'utilisation, est protégée en tant qu'oeuvre littéraire
de façon autonome56(*) ». Le terme "documentation" désigne
tous les documents qui accompagnent le logiciel et qui visent à
faciliter son utilisation pour la personne qui doit l'utiliser. Bien
qu'étant complémentaire au logiciel, sa rédaction en
langage naturel et son support physique distinct du code exécutable en
font une oeuvre autonome57(*). En effet, il constitue une oeuvre de l'esprit
à part entière, ce qu'affirme le juge : « il
n'est pas contestable, ni d'ailleurs sérieusement contesté,
que le manuel d'utilisation d'un logiciel constitue, comme le logiciel
lui-même, une oeuvre de l'esprit58(*) ». Dès lors,
« la reproduction dans un programme d'ordinateur ou dans un manuel
d'utilisation de ce programme, de certains éléments
décrits dans le manuel d'utilisation d'un autre programme d'ordinateur
protégé par le droit d'auteur est susceptible de constituer une
violation du droit d'auteur sur ce dernier manuel 59(*)».
Par ailleurs, conformément à l'article 9 de la
loi ivoirienne sur le droit d'auteur60(*), le titre d'un logiciel constitue une oeuvre
protégeable puisque « le titre d'une oeuvre qui
présente un caractère original est protégé
indépendamment de l'oeuvre elle-même. » C'est en ce
sens que la Cour d'appel a pu constater « la contrefaçon
par reproduction du titre du logiciel appartenant à la
société intimée61(*) ». Dans la même logique, la
Cour de cassation retenait le caractère frauduleux d'un
dépôt de marque car celle-ci était identique au titre d'un
logiciel antérieur62(*).
B : L'interface graphique du
logiciel
L'apparence physique du programme
d'ordinateur, telle que visible par l'utilisateur, est également
protégée. On désigne par l'anglicisme « look and
feel » tous ces éléments : les icônes,
écrans des menus, etc63(*). Ils sont protégés par le droit
d'auteur propre aux oeuvres graphiques.
Selon la CJUE, « l'interface graphique
constitue simplement un élément de ce programme au moyen duquel
les utilisateurs exploitent les fonctionnalités dudit programme. Il
s'ensuit que cette interface ne constitue pas une forme d'expression d'un
programme d'ordinateur [...] et que, par conséquent, elle ne peut
bénéficier de la protection spécifique par le droit
d'auteur sur les programmes d'ordinateur ;[toutefois, les juges
ajoutent qu'] une telle interface peut bénéficier de la
protection par le droit d'auteur en tant qu'oeuvre, en vertu de la directive
2001/29, si cette interface constitue une création intellectuelle propre
à son auteur64(*)».
Il n'est, cependant, pas certain que le
critère d'originalité soit aisément reconnu concernant les
interfaces graphiques. En effet, ces dernières se sont globalement
standardisées. Or, « si l'interface graphique est
dépourvue d'« identité stricte [...] dans la forme
ou l'expression [et ne résulte que de] l'exploitation de
standards très proches, de concepts extrapolés de l'état
de l'art existant au moment de (sa) création de l'analyse normale des
produits concurrents à laquelle doit procéder tout
développeur pour créer un logiciel susceptible de
pénétrer un marché international et
concurrentiel65(*) », elle ne pourra bénéficier
de la protection de la propriété littéraire et artistique.
En guise d'illustration, le TGI de Paris jugeait que
« faute d'établir de manière certaine le
périmètre des caractéristiques revendiquées
à une date déterminée et leur originalité, la
protection par le droit d'auteur ne peut être conférée
à l'interface graphique de CuePilot V.5.70.66(*) ».
Cette section a permis de mettre en lumière comment la
propriété littéraire et artistique appréhendait la
notion de logiciel. Il convient maintenant d'examiner le critère unique
de protection : l'originalité.
Section 2 : Le respect par
le logiciel de la condition d'originalité
L'unique condition de protection du
programme d'ordinateur est l'originalité. Si la forme est le corps
de l'oeuvre, l'originalité en constitue l'âme67(*). La paternité de cette
notion est souvent attribuée à DESBOIS qui l'envisagea, pour la
première fois, dans son traité de 1950. Cet intérêt
tardif de la doctrine pour cette notion peut s'expliquer par ceci qu'à
une époque où les oeuvres relevaient principalement des arts
purs, leur originalité ne posait pas véritablement de
problèmes68(*). En
tout état de cause, le droit d'auteur ne s'applique qu'aux logiciels
originaux ; c'est une condition à la fois nécessaire et
suffisante69(*)
(Paragraphe 1). En outre, il nous faut également préciser ce que
renferme cette notion (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 :
L'originalité, condition suffisante et nécessaire de
protection
D'un côté, seul le logiciel
original peut se voir protégé par le droit d'auteur :
l'originalité est donc une condition nécessaire (A). De l'autre
côté, l'originalité, seule, garantit la protection du
logiciel : elle est effectivement une condition suffisante (B).
A : Une condition
nécessaire
Toutes les législations de
l'espace OAPI en général, et celle de la Côte d'Ivoire en
particulier, exigent que toute oeuvre soit originale, pour
bénéficier d'une protection par le droit d'auteur. Elle est un
concept identitaire du droit d'auteur70(*) ; à vrai dire, elle sert de filtre. De
fait, seuls les composants orignaux d'un logiciel peuvent faire l'objet de la
protection par la propriété littéraire et artistique.
L'exigence de l'originalité, s'agissant de la
propriété littéraire et artistique, est fondamentale
à plusieurs niveaux. D'abord, elle assure l'efficacité du droit
d'auteur. En effet, ce dernier n'aurait aucune raison d'être, s'il devait
s'appliquer à des créations dépourvues de valeur
créative, car il serait malvenu d'accorder un droit privatif à un
auteur qui ne se contente que de reproduire, purement et simplement, des
créations préexistantes. De plus, l'originalité permet de
concilier intérêt privé et intérêt
général. En fait, le monopole accordé aux auteurs
d'oeuvres originales stimule le monde créatif, tout en garantissant au
public l'accès à une diversité d'expressions
littéraires et artistiques. Elle favorise un renouveau perpétuel
des auteurs ainsi que de leurs oeuvres. En outre, elle prévient la
monopolisation éventuelle des idées et expressions
créatives puisque si l'on accordait une protection aux oeuvres non
originales, l'on assisterait à une évolution
géométrique du nombre de monopoles, ce qui entraverait
assurément le développement d'idées et d'expressions
créatives futures.
De ce fait, l'originalité est examinée avec
attention par les juridictions qui ne manquent jamais de rappeler que
« la protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son
auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme
originale71(*) ». La Cour de cassation
veille au respect par les juges du fond, de cette condition72(*). Il importe de préciser
qu'il s'agit bien de l'originalité de la forme, et non de l'idée
à la base de cette forme. Autrement dit, un concept banal peut
s'incarner dans une création originale, et vice versa.
D'ailleurs, bien qu'il soit vrai que le juge est tenu
d'apprécier l'originalité d'une oeuvre, il ne s'agit cependant
pas d'une obligation automatique. Effectivement, le juge n'a pas à
rechercher d'office si une oeuvre est originale ou non. En l'absence de
contestation du défendeur, chaque création est
présumée originale. En conséquence, un arrêt ne peut
être cassé pour insuffisance de motifs si « devant
les juges du fond, le litige a exclusivement porté sur la
compétence du tribunal de commerce, sur la validité d'une saisie
et sur la réalité de la contrefaçon
alléguée, sans qu'à aucun moment, aucune des parties ne
mette en doute l'originalité du progiciel73(*) ».
C'est sans doute pourquoi la démonstration de
l'originalité de l'oeuvre ne conditionne pas la recevabilité
d'une demande en contrefaçon74(*). Mais dès le moment où
l'originalité de l'oeuvre est remise en cause par le défendeur,
actori incumbit probatio75(*). Le demandeur devra, conformément au droit
commun, prouver l'originalité de sa création.
Les juges du fond apprécient souverainement
l'originalité de la création, et la juridiction suprême ne
peut effectuer de contrôle sur le bien-fondé de cette
appréciation76(*).
Le juge doit caractériser l'originalité ou l'absence
d'originalité, et dans ce dernier cas le logiciel ne sera pas
protégé. En outre, il est intéressant de préciser
que ni le législateur ni la jurisprudence n'ont prévu de seuil
minimum d'originalité. À vrai dire, « peu importe
l'ampleur de l'empreinte que la personnalité de l'auteur a
laissée dans l'oeuvre, il suffit, selon la conception subjective, que
cette empreinte se manifeste dans l'oeuvre pour que le juge puisse
l'apprécier77(*) ». Cela est compréhensible dans la
mesure où l'originalité, fondamentalement subjective, n'est pas
réellement quantifiable.
B : Une condition
suffisante
Aucune condition autre que
l'originalité ne peut être prise en compte pour juger de la
protection ou non d'un logiciel. La loi ivoirienne sur le droit
d'auteur78(*), dans son
article 5 pris en ses alinéas premier et deuxième, le rappelle
nettement. De ce fait, le logiciel original est protégé par le
droit d'auteur indépendamment de sa divulgation, son genre, sa valeur,
sa destination, son mode ou sa forme d'expression.
Premièrement, même s'il est indispensable que le
logiciel soit incarné dans une forme sensible, cela n'implique pas
nécessairement sa divulgation. L'oeuvre non divulguée,
contrairement au droit des brevets, est toujours protégée par le
droit d'auteur, ce qui constitue un avantage majeur. L'auteur n'est pas
obligé de révéler son code au public afin d'obtenir une
protection privative, de telle sorte qu'il peut bénéficier pour
ainsi dire de deux systèmes de protection : et le droit d'auteur,
et le secret.
Deuxièmement, « l'oeuvre
créée est protégée quels qu'en soient le genre, la
valeur, la destination, le mode ou la forme d'expression79(*). » De fait, le
logiciel, peu importe sa forme d'expression (code source, code objet...), son
genre (logiciel d'exploitation, progiciel, application, etc.), sa valeur ou sa
destination (système éducatif, militaire, etc.), est
protégé par le droit d'auteur80(*).
Troisièmement, il bénéficie d'une
protection même lorsque sa forme est inachevée81(*). En effet, l'état
d'inachèvement d'une oeuvre ne fait pas obstacle à sa
sécurisation par la propriété littéraire et
artistique. A titre illustratif, les travaux préparatoires d'un logiciel
donnent effectivement prises au droit d'auteur.
Paragraphe 2 :
L'appréciation de l'originalité en droit ivoirien
L'originalité s'entendait comme
le reflet de la personnalité du créateur, c'est-à-dire
l'empreinte de son talent personnel et créatif. Cette définition
éminemment subjective ne prête aucune attention aux
caractères de l'oeuvre elle-même. Contrairement au droit
sénégalais qui retient la définition traditionnelle, le
législateur ivoirien reprend la définition européenne de
l'originalité, elle-même un épigone de la définition
donnée de l'originalité dans l'arrêt Pachot. À cet
égard, le logiciel original se saisit comme une création
intellectuelle propre à son auteur.
À notre sens, pour être propre à son
auteur, un programme d'ordinateur doit se distinguer des autres sur le
marché ; mais il doit aussi résulter des choix faits
librement par l'auteur. En résumé, l'originalité, en droit
ivoirien, découle du caractère unique du logiciel (A) et des
choix personnels faits par le programmeur (B).
A : Le caractère
unique du logiciel
Pour être propre à son auteur, le logiciel doit
avoir un caractère unique, ce qui suppose qu'il « se
distingue dans son expression ou sa composition des autres oeuvres par des
différences objectives82(*) ». De ce fait, le logiciel ne doit point
constituer une pâle reproduction de créations antérieures,
sinon il serait alors propre à un auteur antérieur.
Selon Cherpillod, l'originalité d'une oeuvre devrait se
déterminer « par rapport aux biens actuellement ou
virtuellement existants [pour la simple et bonne raison que le
monopole du droit d'auteur] ne peut être accordé qu'à
celui qui enrichit la collectivité par un bien dont elle ne disposait
pas auparavant »83(*). Sous cet angle, l'originalité rejoint la
nouveauté. D'ailleurs, Le président Jonquères
affirmait : « la nouveauté est recherchée
officieusement, inconsciemment, en matière de droit d'auteur là
où elle l'est officiellement, délibérément, en
matière de brevet 84(*)».
Mais la nouveauté seule, ne saurait valablement
caractériser l'originalité. En effet, « [s]i tel
était le cas, le droit d'auteur pourrait s'attacher à des
productions de pure routine, alors qu'il semble juste de laisser au domaine
public non seulement les biens déjà existants, mais encore ceux
qui ne s'en distinguent que par un apport si modeste qu'il en est
banal »85(*).
Il est, en réalité, question
d'une nouveauté individualisée, qui peut se rapprocher
de la condition d'activité inventive inhérente au droit des
brevets. C'est ainsi que Cherpillod conclut qu'une création est
originale « si elle diffère de ce qui est connu -
nouveauté - et de ce qui en découle directement -
individualité ; l'originalité est ainsi un degré
supérieur de nouveauté86(*) ». En clair, le caractère
unique d'un logiciel implique une nouveauté qui, dans l'état
actuel du monde informatique, est « non évidente »
pour l'homme du métier.
Le caractère unique se rapproche de ce que retenait la
cour de cassation, dans le célèbre arrêt Pachot, à
savoir la marque de l'apport intellectuel de l'auteur ; l'apport
intellectuel faisant « référence à un ajout
ou à un complément d'ordre intellectuel par rapport à un
état antérieur des connaissances ou des créations en
matière de logiciel »87(*).
De ce qui précède, l'on peut déduire que
l'originalité comprend une dimension objective qui devrait amener le
juge ivoirien à rechercher si le logiciel est une reprise d'un logiciel
antérieur, et s'il se différencie des oeuvres que l'on trouve
généralement sur le marché. Mais l'originalité ne
se réduit pas à cette dimension objective.
B : Les choix personnels du
programmeur
Pour être propre à son auteur, le logiciel doit
résulter des choix libres du programmeur au moment de la
réalisation du logiciel. Cela signifie que l'originalité
s'incarne dans un effort personnalisé du programmeur. L'effort
personnalisé se fonde sur « apport
raisonné88(*) » de l'auteur à son oeuvre. Mieux
dit, il suffirait que l'oeuvre se singularise par des choix propres à
l'auteur, même si ceux-ci sont motivés par la logique.
En fait, un programme d'ordinateur, est fondamentalement
question d'une suite d'instructions destinés à être
décryptées par une machine en vue d'obtenir un résultat.
À ce titre, l'auteur est soumis à une double contrainte : en
premier lieu, permettre la compréhension des instructions par la
machine ; en second lieu, faire produire par la machine le résultat
souhaité89(*). Le
programmeur est tenu de respecter les règles de programmation ainsi
qu'une certaine logique dans son action.
Mais, cet effort personnalisé doit aller au-delà
de la simple mise en oeuvre d'une logique automatique et contraignante. En
effet, l'auteur ne doit pas avoir été obligé de coder de
telle façon. Réciproquement, n'importe qui, placé dans les
mêmes conditions, ne doit pas pouvoir réaliser le même
logiciel. Sur ce point, dans un arrêt rendu en 2018, les magistrats
affirment que l'originalité ne peut être reconnue dans un logiciel
qui a été conçu en se conformant aux exigences d'une
circulaire administrative ; à cet effet, ils ont souligné
que l'originalité ne peut exister si la créativité est
bridée par les exigences et usages d'un secteur
d'activité90(*).
C'est dire que le programmeur doit effectuer des choix qui
lui sont propres sans être enchaîné par une logique
contraignante car, comme le précise le Tribunal d'Instance de Tokyo,
« naturellement, les pensées logiques du programmeur sont
nécessaires pour combiner les instructions 91(*)» que devra suivre le
logiciel. Ainsi, le logiciel exprime ainsi l'individualité de l'auteur.
Le juge devrait donc aussi examiner les divers choix de
l'auteur au moment de la réalisation de son logiciel. Ceux-ci peuvent se
manifester dans :
- « un choix spécifique dans une
combinaison de couleurs, de l'adoption d'une police de
caractères92(*) ;
- l'existence de transformations importantes
opérées sur un logiciel antérieur qui ont
nécessairement généré une valeur ajoutée en
termes de travail intellectuel93(*) ;
- le fait que le logiciel a été
rédigé dans un langage informatique différent des
logiciels précédemment créés, dès lors que
ce langage a permis des configurations particulières, d'offres de
simulations de prêts, d'une présentation de ses rubriques, d'un
agencement de ses titres, d'une architecture de ses
fenêtres ;
- le fait de faire fonctionner avec un certain type de
processeur, amélioration qui caractérise l'existence d'un apport
intellectuel propre et d'un effort personnalisé94(*) ».95(*)
Chapitre 2 : Les
prérogatives accordées à l'auteur du logiciel
Sans étaler ici
des considérations d'ordre religieux, nous tenons à souligner le
lien étriqué unissant le créateur (l'auteur) à la
créature (l'oeuvre) ; effectivement, l'auteur donne naissance
à l'oeuvre, et réciproquement, l'oeuvre lui confère la
qualité d'auteur. Cela justifie, entre autres, que soit reconnu à
l'auteur un droit sur sa création.
Ce monopole reconnu au créateur (Section 1) constitue
une des raisons d'être du droit d'auteur, et lui permet de jouir des
avantages procurés par son programme. Cet aspect non contentieux est
économiquement essentiel, mais il ne saurait point, à lui seul,
constituer une protection sérieuse. À la vérité, il
en va de même pour tous les droits subjectifs ; ceux-ci n'ont de
réelle valeur que parce qu'ils sont juridiquement sanctionnés.
C'est pourquoi il est indispensable d'assurer un mécanisme de sanction
en cas de violation du monopole de l'auteur d'un programme d'ordinateur. En
droit de la propriété littéraire et artistique, cela passe
par l'exercice d'une action en contrefaçon de logiciel (Section 2).
Section 1 : L'attribution
d'un monopole à l'auteur du logiciel
Les attributs du droit
d'auteur sont, à quelques détails près, les mêmes
dans tous les pays de droit d'auteur. Ceux-ci sont, de manière assez
classique et traditionnelle, regroupés en deux grandes
catégories. En effet, le droit de l'auteur sur un logiciel comporte des
attributs d'ordre intellectuel et moral, ainsi que des attributs d'ordre
patrimonial. La Loi précise le contenu des droits des auteurs sur une
oeuvre logicielle, mais assortit ces droits de certaines limitations. De fait,
notre analyse visera la mise en lumière des attributs reconnus à
l'auteur d'un logiciel, mais aussi des exceptions dont ils sont
affublés, et ce qu'il s'agisse des droits patrimoniaux (Paragraphe 2) ou
des droits extrapatrimoniaux (Paragraphe 1).
Paragraphe 1 : Les
droits extrapatrimoniaux de l'auteur d'un logiciel
Les droits moraux ou extrapatrimoniaux
sont l'apanage du droit d'auteur. Ils renvoient à tous les attributs non
pécuniaires du droit d'auteur « qui permettent à
l'auteur de défendre sa personnalité telle qu'elle s'exprime dans
l'oeuvre qu'il a créé96(*). » Ceux-ci ont « pour but de
garantir une authentique manifestation de la créativité de
l'auteur, l'oeuvre étant perçue comme le prolongement de sa
personnalité. 97(*)». Sous ce rapport, les droits moraux sont,
conformément à l'article 12 de la loi ivoirienne 98(*) sur le droit d'auteur,
attachés à la personne de l'auteur. À ce titre, ils sont
perpétuels, inaliénables et imprescriptibles
Aux termes de l'article 12 alinéa 2 de la loi
ivoirienne99(*) sur le
droit d'auteur : « Les droits moraux sont : - le droit
à la paternité et au respect de l'oeuvre ; - le droit de
divulgation ; - le droit de repentir ou de retrait et le droit
d'accès. » En résumé, l'auteur dispose du droit
de communiquer l'oeuvre au public (A) et d'assurer son intégrité
(B).
A : Le droit de communiquer
le logiciel au public
Avant tout, le créateur d'un
logiciel a le droit exclusif de décider de la divulgation de son
oeuvre et d'en définir les modalités. L'auteur conserve donc la
faculté de maintenir son programme dans la sphère privée.
En effet, il ne peut être contraint, légalement, judiciairement ou
contractuellement, le mettre à disposition du public. En effet, vu qu'il
n'existe pas, contrairement en droit des brevets100(*), de contrats forcés
en matière de propriété littéraire et artistique,
l'auteur d'un logiciel ne peut être obligé d'accorder une licence
d'exploitation à un tiers, et ce, même s'il décide de
maintenir sa création dans le monde occulte.
De plus, quand bien même il conviendrait de la publier,
l'auteur reste maître des modalités de la divulgation. En fait,
« le droit de communiquer l'oeuvre au public (aspect positif)
confère à l'auteur le pouvoir de décider lui-même
si, quand et comment son oeuvre peut être
divulguée.101(*) »
La jurisprudence accorde une valeur puissante à ce
droit. C'est ainsi qu'un auteur, lié par un contrat de commande,
« ne peut pas être obligé de livrer l'oeuvre ou
qu'il ne saurait être condamné, sous astreinte, à remettre
l'oeuvre réalisée à son cocontractant102(*). » Par contre,
violant ses obligations résultant du contrat, il pourra être
condamné à payer des dommages-intérêts.
En outre, l'auteur d'un logiciel, même
postérieurement à la publication de son oeuvre, jouit d'un droit
de repentir ou de retrait vis-à-vis du cessionnaire.
Il est important de noter que la particule
« ou », ici employée, ne signifie pas que les termes
« retrait » et « repentir » sont
synonymes. Au contraire, leur sens diffère : d'une part, le retrait
est une mesure radicale qui autorise l'auteur à mettre fin à
l'exploitation de son oeuvre, vulgairement à la retirer du
marché ; d'autre part, le droit de repentir permet juste à
l'auteur, insatisfait de l'état actuel de son logiciel, de modifier
celui-ci après la cession.
À n'en point douter, le droit de repentir ou de
retrait représente l'envers du droit de divulgation reconnu à
l'auteur, car il garde l'oeuvre divulguée sous la maîtrise de ce
dernier. Mais une telle prérogative est susceptible de nuire aux
intérêts de l'ayant cause de l'auteur, surtout au vu de la valeur
économique et commerciale des logiciels.
C'est pourquoi les législations européennes ont
simplement choisi de dénier spécifiquement aux programmes
d'ordinateur le droit de retrait ou de repentir. Les pays de l'OAPI en
général et la Côte d'Ivoire en particulier ont, au
contraire, opté pour la voie de l'atténuation, laquelle vaut
aussi bien pour les oeuvres classiques que pour le logiciel. C'est ainsi que
l'auteur ne peut exercer ce droit qu'à charge d'indemniser
préalablement le cessionnaire du préjudice que ce repentir ou ce
retrait peut lui causer. Cette indemnisation préalable constitue un
contrepoids sérieux au droit de repentir et de retrait, raison pour
laquelle, en pratique, le droit de retrait ou de repentir est rarement
utilisé.
B : Le droit d'assurer
l'intégrité du logiciel
Une fois divulgué le logiciel,
l'auteur a le droit de faire reconnaître sa qualité
d'auteur, en particulier, le droit de faire porter la mention de son nom sur
les exemplaires de son oeuvre et, dans la mesure du possible et
conformément aux usages, en relation avec toute utilisation publique de
son oeuvre. En clair, le créateur d'un logiciel peut exiger que
soit inscrit son nom sur tout support du programme d'ordinateur, mais peut
aussi « empêcher que d'autres personnes apposent leurs noms
sur son oeuvre103(*) ».
Cependant, il faut garder à l'esprit qu'il s'agit d'un
droit, et non d'une obligation, ce qui explique qu'un créateur puisse
librement choisir de divulguer anonymement son oeuvre. Et dans ce cas, il
demeure le seul à pouvoir lever l'anonymat. En définitive, ce
droit s'accomplit sans limitations, accordant une importance cardinale à
la volonté de l'auteur.
L'auteur du logiciel, en outre, le droit de s'opposer
à toute déformation, mutilation ou autre modification de son
oeuvre ou a toute autre atteinte a la même oeuvre. En effet,
« l'oeuvre est perçue comme la matérialisation de
la personnalité de l'auteur. La protection de l'oeuvre
s'interprète donc comme une protection de la personnalité de
l'auteur lui-même.104(*) » Ce qui explique que soit
également protégé l'esprit de l'oeuvre.
Cependant, dans le cas du logiciel, puisqu'il incarne
l'apport intellectuel résultant d'un effort personnalisé, il est
difficile d'entrevoir une possible atteinte de son esprit. C'est pourquoi,
à notre sens, le droit au respect du logiciel ne devrait concerner que
les attaques matérielles. Ainsi, l'auteur a le droit de contrecarrer
toute modification d'un élément de son logiciel, qu'il s'agisse
d'une partie intégrante ou d'une partie autonome du programme
d'ordinateur. Il peut par exemple s'opposer à l'ajout ou au retrait de
caractères dans son code.
Mais, son droit est soumis à condition. De fait, la
loi ivoirienne, au contraire d'autres législations105(*), exige pour l'exercice de ce
droit que la modification soit préjudiciable à l'honneur ou
à la réputation de l'auteur. Autrement formulé, l'auteur
ne peut s'opposer à une modification de son oeuvre qui n'entache en rien
sa réputation ou son honneur. D'ailleurs, cette atténuation se
retrouve renforcée par l'annexe 7 l'ABR106(*), qui prévoit au
profit de l'utilisateur d'un logiciel un droit d'adaptation. En
conséquence, il faut convenir que le droit au respect du logiciel est
limité et édulcoré, puisque l'auteur ne pourra s'opposer
à la modification de son logiciel que si elle porte atteinte à sa
réputation ; par exemple, si elle est « techniquement
désastreuse107(*) ». Pour toutes ces raisons, certains
auteurs soutiennent que le droit au respect du logiciel est
édulcoré.
Par ailleurs, l'auteur d'un logiciel peut exiger du
propriétaire ou du possesseur d'un exemplaire de l'oeuvre qu'il lui
donne accès à cet exemplaire dans la mesure où cela se
révèle indispensable à l'exercice de son droit d'auteur et
à condition qu'aucun intérêt légitime du
propriétaire ou du possesseur ne s'y oppose.
Ce droit d'accès semble être une
spécificité du droit ivoirien. À notre sens, son
intérêt réside principalement dans le contentieux de la
propriété littéraire et artistique. En effet, dans le
cadre d'une action en contrefaçon, cette faculté facilite
l'obtention, par l'auteur, d'une preuve de ladite contrefaçon. C'est ce
qui explique, d'ailleurs, les deux conditions d'exercice de ce droit : la
nécessité d'exercer le droit d'auteur et l'absence
d'intérêt légitime du possesseur. L'on comprend alors que
l'intention du législateur n'était pas d'accorder un droit
d'immixtion intempestive à l'auteur, mais plutôt de
protéger le droit d'auteur de ce dernier.
Paragraphe 2 : Les droits
patrimoniaux ou droits d'exploitation des auteurs de logiciels
Les droits patrimoniaux nous introduisent dans la dimension
économique du droit d'auteur, dimension d'autant plus importante que les
programmes d'ordinateur ont, de nos jours, une valeur immense. Ils expriment le
droit exclusif pour « l'auteur d'autoriser l'exploitation de son
oeuvre sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit
pécuniaire. » Si le droit moral s'attache à
protéger la personne de l'auteur, le droit d'exploitation vise la
sécurisation de son patrimoine ; leur objet étant
diamétralement opposé, leurs caractères le sont tout
autant. Ainsi, le droit d'exploitation est temporaire, cessible et
transmissible.
En tout état de cause, les droits patrimoniaux sont le
droit de reproduction, le droit de commercialisation, le droit de
représentation108(*) et le droit de suite109(*). Pour
synthétiser, l'auteur jouit d'un droit de reproduction (B) et de
commercialisation (A).
A : Le droit de
commercialisation du logiciel
L'auteur du logiciel dispose d'un droit
de commercialisation de sa création. En effet, il a le droit exclusif
d'autoriser le prêt, la location ou la distribution du logiciel. Ces
droits permettent au public d'utiliser le logiciel.
Le droit de prêt du logiciel permet à l'auteur
d'autoriser (et donc d'interdire) à quiconque de réaliser le
prêt de son programme. Cela signifie que l'utilisateur d'un logiciel ne
peut le prêter à un autre sans autorisation de l'auteur,
fût-ce dans un cadre privé.
Relativement au droit de location, l'auteur est seul à
pouvoir autoriser la mise à disposition provisoire d'un exemplaire de
son logiciel. L'exemple phare est celui des logiciels hébergés
dans le Cloud ou encore SaaS110(*). Pour que ce droit s'applique, le programme doit
être l'objet principal de la location.
Pour mieux comprendre, prenons au premier abord l'exemple du
cybercafé. En effet, dans un tel local, des ordinateurs sont
provisoirement mis à disposition de la clientèle. Or sur ces
derniers sont installés des logiciels. Dans une pareille conjecture,
l'auteur ne peut faire jouer son droit de location puisque l'objet essentiel
est l'ordinateur et non le programme. Prenons, dans un second temps, en exemple
l'offre de Microsoft 365. Elle est fondée sur la possibilité
d'obtenir, grâce à un abonnement renouvelable, l'accès
à la dernière version de Microsoft Office ainsi qu'à un
ensemble de services Cloud. Dans ce cas, l'objet de la location étant le
logiciel lui-même, le droit de location de l'auteur s'applique.
En ce qui concerne le droit de distribution, l'auteur du
programme seul peut autoriser la distribution, sur un espace
géographique donné, des exemplaires de son oeuvre au public par
la vente ou par tout autre transfert de propriété.
Contrairement à la location et au prêt, la
distribution du logiciel donne au public le droit perpétuel d'utiliser
le logiciel. Par ailleurs, le droit de distribution a une portée
limitée. En effet, il ne vaut que pour le premier exemplaire mis
à la vente, car, en vertu du droit communautaire, le droit de
distribution s'épuise après la première vente. C'est
l'article 6 de la directive n°02/2018/CM/UEMOA qui consacre que le droit
de distribution « est épuisé par la première
vente ou tout autre transfert de propriétés des exemplaires par
l'auteur ou avec son consentement dans un pays de l'UEMOA111(*) ».
B : Le droit de reproduction
du logiciel
L'auteur a également un droit de
reproduction du logiciel. La reproduction fait référence à
deux hypothèses différentes : la reproduction stricto sensu
ainsi que la transformation du logiciel.
Dans un premier temps, par reproduction stricto sensu, nous
entendons signifier la copie servile112(*) ou quasi-servile113(*) du logiciel. À ce sujet, l'auteur du
programme d'ordinateur jouit du droit exclusif d'autoriser la reproduction
de son oeuvre, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, y
compris sa numérisation. Autrement dit, lui seul peut permettre la
fixation du logiciel sur tout support (généralement sur un
support numérique), en un ou plusieurs exemplaires, qu'il soit
exprimé en, code source, code objet ou code exécutable ; ou
encore qu'il s'agisse du matériel de conception
préparatoire114(*). En pratique, l'auteur est le seul à pouvoir
autoriser la copie d'un logiciel sur un support de stockage (Clé USB,
disque dur, CD, DVD, Cloud, etc.).
Le droit de protection des créateurs de logiciels se
retrouve encore plus renforcé que la libre reproduction à des
fins privées, existant en droit d'auteur classique, est interdite en ce
qui concerne les programmes d'ordinateur. En effet, l'article 10 de l'annexe 7
de l'ABR115(*) dispose
précisément que la libre reproduction pour l'usage privé
de l'utilisateur ne s'applique pas à la reproduction des
programmes d'ordinateur.
Toutefois, le droit de reproduction de l'auteur n'est pas
absolu. À cet égard, la loi ivoirienne 116(*)sur le droit d'auteur
prévoit, au profit de l'utilisateur, le droit d'effectuer une copie
sauvegarde. Il s'agit d'un mécanisme destiné à
préserver l'utilisation du programme d'ordinateur, en protégeant
l'utilisateur du logiciel d'une éventuelle destruction du logiciel ou de
son support. Ainsi, au sens de l'article 31 de la loi ivoirienne sur le droit
d'auteur, « la personne ayant le droit d'utiliser un programme
d'ordinateur peut faire une copie de sauvegarde pour préserver
l'utilisation du programme d'ordinateur ».
En ce sens, l'article 17 de l'annexe 7 de l'ABR 117(*)prévoit :
« L'utilisateur légitime d'un exemplaire d'un programme
d'ordinateur peut, sans l'autorisation de l'auteur et sans paiement d'une
rémunération séparée, réaliser un exemplaire
[...] à condition que cet exemplaire soit : [...] nécessaire
à des fins d'archivage et pour remplacer l'exemplaire licitement
détenu dans le cas où celui-ci serait perdu, détruit ou
rendu inutilisable. » Cette disposition, beaucoup plus explicite
que la précédente, met en lumière la cause de cette
exception : le remplacement d'un programme devenu inutilisable.
Dans un second temps, la transformation118(*) du logiciel peut
résider dans l'adaptation, l'arrangement ou la traduction d'un logiciel.
D'abord, l'adaptation consiste à s'inspirer du code d'un logiciel afin
d'en créer un nouveau. Ensuite, l'arrangement du logiciel signifie le
changement de disposition des éléments de programmation du
logiciel. Enfin, la traduction, c'est l'expression du code du logiciel dans un
langage de programmation différent de celui adopté pour le
logiciel initial.
Toutes ces opérations, on le constate, ont ceci de
commun qu'elles présupposent l'accès au code du logiciel. Or, il
serait inconcevable que quiconque puisse librement accéder et
transformer le code d'un logiciel. C'est pourquoi le droit de
reproduction comprend également le droit exclusif pour l'auteur
d'autoriser l'adaptation, l'arrangement ou la traduction de son oeuvre.
Toutefois, ce droit est tempéré par les
intérêts de l'utilisateur. À ce titre, l'article 18
susvisé prévoit également : « le
propriétaire légitime d'un exemplaire d'un programme d'ordinateur
peut, sans l'autorisation de l'auteur et sans paiement d'une
rémunération séparée, réaliser [...]
l'adaptation de ce programme à condition que [...] cette adaptation soit
nécessaire à l'utilisation du programme d'ordinateur à des
fins pour lesquelles le programme a été obtenu ».
Autrement dit, l'utilisateur du logiciel est autorisé à
procéder à la modification du logiciel (principalement du code
source) quand cette opération est nécessaire à son
utilisation. Par conséquent, un auteur ne peut s'opposer à ce que
l'utilisateur altère le code source de son programme afin d'en corriger
les erreurs, ou bien dans l'optique de le rendre compatible avec d'autres
logiciels.
Le monopole de l'auteur lui permet d'exploiter le logiciel.
Et ce monopole est garantit par l'action en contrefaçon.
Section 2 : La défense
des auteurs de logiciels par l'action en contrefaçon
La contrefaçon des programmes
d'ordinateur peut revêtir les formes les plus diverses : elle est
« polymorphe [et] emprunte tous les interstices
laissés par la pratique119(*) ». On peut la définir comme :
« toute atteinte120(*) à l'un quelconque des droits moraux et
patrimoniaux »121(*).
Les faits de contrefaçon sont réprimés
par le législateur. Il s'agit d'un délit pénal pouvant
donc être défini par un élément légal, un
élément matériel et un élément moral.
Toutefois, la contrefaçon ne saurait s'y réduire, car elle est
aussi, « et, dans tous les cas, un délit
civil122(*) ». Au final, l'auteur du logiciel dispose
d'une option : ou se constituer partie civile devant la juridiction
répressive, auquel cas la contrefaçon serait analysée en
tant qu'infraction ; ou porter son action devant les juges civils, et dans
ce cas la contrefaçon serait examinée en tant que faute
civile.
Cette dernière proposition nous semble
préférable pour plusieurs raisons. D'abord, le juge civil,
contrairement au juge répressif, n'aura pas à rechercher
l'élément moral de la contrefaçon car, au niveau du droit
privé, « la contrefaçon est
caractérisée, indépendamment de toute faute ou mauvaise
foi123(*) ». Ensuite, la contrefaçon, en tant
que faute civile, est bien plus vaste que le délit pénal de
contrefaçon qui est bornée par le principe de
légalité criminelle. Enfin l'action en contrefaçon peut
nécessiter l'examen de divers contrats, à cet égard les
juges civils nous paraissent mieux outillés.
En conséquence, nous n'aborderons que la facette
civile de la contrefaçon. À ce titre, nous nous emploierons
à caractériser le délit civil de contrefaçon
(Paragraphe 1) avant d'épiloguer sur les sanctions prévues contre
les contrefacteurs (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La
caractérisation du délit civil de contrefaçon
Les comportements contrefacteurs peuvent
revêtir les formes les plus diverses. De ce fait, des auteurs ont
proposé de les catégoriser selon leur fonction ; dès
lors, ceux-ci pourraient se distinguer selon qu'ils consistent à la
création, à la diffusion ou à l'usage de la
création protégée par un droit de propriété
intellectuelle124(*).
Cela dit, la contrefaçon, pour être caractérisée,
suppose l'accomplissement d'actes matériels (B), lesquels doivent
être frauduleux (A).
A : Le caractère
frauduleux de la contrefaçon
La faute civile de
contrefaçon a un caractère illicite, en l'absence duquel elle ne
saurait être caractérisée. Autrement dit, il n'y a pas
contrefaçon si les actes accomplis sont licites, au regard de la
propriété littéraire et artistique. En clair, pour qu'il y
ait contrefaçon, le contrefacteur doit avoir agi, sans disposer du droit
de le faire.
Cela présuppose, au premier abord, qu'il ait
contrefait un programme d'ordinateur protégé par le droit
d'auteur. En effet, le logiciel doit être original et exprimé sous
une forme. C'est ainsi que la reprise des fonctionnalités ou du langage
de programmation d'un logiciel ne peut être qualifiée de
contrefaçon, car la reproduction d'un élément non
protégé par le droit d'auteur est licite.
De plus, si le logiciel n'est pas original125(*), il ne peut être
couvert par le régime de la propriété littéraire et
artistique. Dans ce cas, la reprise d'éléments comme le code
source ou le code objet ne pourra aucunement caractériser la
contrefaçon. En outre, il n'y a pas de contrefaçon lorsque les
ressemblances entre deux logiciels résultent du hasard.
Dans la même idée, la contrefaçon des
droits patrimoniaux ne peut être caractérisée lorsque le
logiciel est tombé dans le domaine public. En effet, les droits
patrimoniaux sur un logiciel sont limités dans le temps puisqu'ils
durent soixante-dix ans après la mort de l'auteur. Dès lors,
à l'expiration de ce délai, n'importe qui est en droit de
reprendre des éléments du logiciel anciennement
protégés par le droit d'auteur.
Aussi, la contrefaçon ne peut-elle être
caractérisée lorsque le droit d'auteur est épuisé
sur un territoire. « Conformément au concept
d'épuisement, le titulaire perdra son droit de contrôler toute
revente ou commercialisation subséquente du support matériel sur
lequel l'oeuvre est fixée. Par contre, ses autres droits, comme le droit
exclusif d'autoriser la reproduction de l'oeuvre sur un autre support, le droit
d'adapter l'oeuvre ou ses droits moraux, ne seront pas
affectés »126(*). De fait, il ne peut y avoir violation du droit de
distribution du logiciel lorsque l'auteur l'a déjà mis en
circulation dans un État de l'UEMOA.
Au second abord, cela suppose que le contrefacteur ait aussi
agi sans l'autorisation de l'auteur du logiciel. En fait, le titulaire des
droits d'auteur dispose du droit de les exploiter ou d'autoriser leur
exploitation par autrui. En conséquence, il n'y a pas contrefaçon
si l'auteur avait autorisé l'exploitation de son logiciel ou s'il avait
cédé les droits d'exploitation au tiers poursuivi pour
contrefaçon.
Dans la même logique, la contrefaçon ne saurait
être constatée lorsque l'autorisation de l'auteur ou du titulaire
n'était pas nécessaire. À ce titre, une transformation
nécessaire à l'utilisation du programme d'ordinateur, notamment
en cas de correction des erreurs de programmation, ne peut constituer de
contrefaçon.127(*) C'est aussi le cas lorsque la reproduction du
logiciel est faite aux fins de copie-sauvegarde.
B : Les actes
matériels de contrefaçon
Les actes matériels de contrefaçon nuisent
directement au monopole d'exploitation accordé à l'auteur du
logiciel. Sous ce prisme, constitue une contrefaçon toute atteinte faite
au droit moral ou au droit patrimonial de l'auteur.
Nous l'avons vu, les droits moraux comportent le droit
à la paternité et au respect de l'oeuvre, le droit de
divulgation, le droit de repentir ou de retrait et le droit d'accès.
Tout acte qui porte atteinte à l'une de ces prérogatives est
constitutif de contrefaçon.
Cela dit, « dans le domaine du droit d'auteur,
l'atteinte au droit moral concerne des hypothèses
marginales »128(*). Par exemple, la divulgation d'un logiciel sans le
consentement de l'auteur est un acte de contrefaçon. Ainsi, la mise sur
le marché d'un programme, alors même que le créateur s'y
oppose, caractérise la contrefaçon129(*). De même, la
modification, l'altération, la suppression ou la dissimulation du nom de
l'auteur du logiciel protégé ou de tout autre signe distinctif
qu'il utilise pour désigner son oeuvre porte atteinte au droit de
paternité de l'auteur et constitue un acte de contrefaçon. En ce
sens, les juges retiennent que la modification du nom de l'auteur d'une oeuvre,
sans autorisation, est un acte de contrefaçon130(*).
S'agissant des droits patrimoniaux, la reproduction d'un
logiciel peut constituer un acte de contrefaçon. L'appréciation
de la reproduction revêtant un caractère technique, la juridiction
saisie désigne généralement un expert chargé de
comparer les logiciels. Ce dernier devra déterminer si les logiciels
sont identiques, c'est-à-dire si l'un dérive de l'autre131(*) ; la reproduction
devant s'apprécier en tenant compte des ressemblances et non des
dissemblances existant entre les logiciels.132(*)
De ce fait, la fixation, la numérisation, la
mémorisation ou le stockage du logiciel sur tout support, en vue de
rendre le logiciel accessible ou de le communiquer au public notamment sur les
réseaux de communication électronique, constitue un acte de
contrefaçon. Cela inclut, entre autres, le téléchargement
illicite du logiciel sur internet133(*), la copie servile ou quasi servile du code source
d'un programme d'ordinateur134(*) ainsi que l'installation concomitante du même
exemplaire d'un logiciel sur plusieurs ordinateurs différents. En ce
sens, l'utilisation d'un logiciel sur un ordinateur, sans en avoir acquis les
licences d'utilisation, est également un acte de
contrefaçon135(*). De même, la copie d'une partie du code source
du logiciel constitue un acte de contrefaçon.
La transformation du logiciel d'un logiciel peut être
qualifiée de contrefaçon. Ainsi l'adaptation, l'arrangement ou la
traduction non autorisée d'un logiciel peut caractériser la
contrefaçon. C'est ce que rappelle la CJUE :
« l'adaptation ou la transformation du code sous lequel une copie
de programme d'ordinateur a été fournie constitue une atteinte
aux droits exclusifs de l'auteur, sans aucune précision quant à
l'origine, contractuelle ou autre, de cette atteinte.136(*) »
La commercialisation d'un programme d'ordinateur peut
être sanctionnée comme contrefaçon. En effet, les auteurs
du logiciel disposent du droit exclusif d'en effectuer et d'en
autoriser la distribution, la location ou le prêt à titre
onéreux ou gratuit. De ce fait, la vente, la location ou le prêt
d'un logiciel, sans le consentement de l'auteur, peut être
qualifiée de contrefaçon, et ce même si les logiciels sont
authentiques. C'est ainsi que la cour de Cassation française qualifie de
contrefaçon la mise sur le marché français de logiciels
authentiques, régulièrement importés du Canada, lorsque
ceux-ci étaient exclusivement destinés au marché
canadien137(*).
De même lorsque l'auteur, après avoir
céder ses droits d'auteurs, procède toujours à la vente en
ligne du logiciel. Mais, dans ce cas de figure, le demandeur devra rapporter la
preuve que les ventes illégales ont été
réalisées après ladite cession. Le Tribunal de commerce a
rejeté la demande en contrefaçon d'une société
éditrice de logiciels, au motif que le demandeur avait fourni les copies
d'écran d'un site internet non actualisé, lequel ne pouvait
aucunement établir que les ventes étaient postérieures
à la cession138(*).
En outre, certains actes peuvent être assimilés
à de la contrefaçon. Il s'agit notamment de :
- l'apposition frauduleuse, sur un logiciel quelconque, du nom
d'un auteur qui ne l'a point réalisé ou bien de tout signe
distinctif qu'il utilise pour désigner ses créations ;
- L'importation, l'exportation, la vente et, plus
généralement, la mise en circulation de logiciels
contrefaits ;
- La neutralisation des mesures techniques de protection
installées sur le logiciel ;
- La fourniture de moyens devant servir à la
contrefaçon ;
- Le fait de laisser reproduire dans son établissement
un logiciel protégé par le droit d'auteur.
Paragraphe 2 : Les sanctions
civiles de la contrefaçon de logiciel
Les sanctions de la
contrefaçon, au plan civil, tendent à « l'obtention de
la réparation des dommages » infligés à l'auteur
du logiciel, c'est-à-dire faire en sorte que le dommage n'ait jamais
existé et rétablir la situation antérieure139(*). À cet effet, le juge
est assez libre d'ordonner une réparation en équivalent (A) ou
une réparation en nature (B).
A : La réparation en
équivalent
Conformément
à l'article 146 de la loi ivoirienne 140(*)sur le droit d'auteur, la personne responsable d'un
acte constitutif ou assimilable à la contrefaçon a l'obligation
de réparer le préjudice qu'il fait subir à l'auteur. Pour
ce faire, le juge condamne le contrefacteur au paiement de dommages et
intérêts. Ce mode de réparation, qui est d'ailleurs le
principe en droit ivoirien, est privilégié en matière de
contrefaçon141(*).
L'auteur est tenu de prouver un préjudice
résultant de la violation de son droit patrimonial (préjudice
matériel) ou de son droit moral (préjudice moral) sur sa
création.
De plus, il doit quantifier ce préjudice. Cette
opération de quantification est plus simple s'agissant du
préjudice matériel, car dans cette hypothèse, car le
préjudice résulte de données objectivement mesurables
comme la perte subie ou le gain manqué. C'est pourquoi le chiffrement du
préjudice moral semble une tâche plus ardue car « il
est généralement difficile de chiffrer une atteinte, par exemple,
au respect de l'oeuvre142(*). » La solution est donc de retenir un
montant qui semble juste.143(*)
En tout état de cause, c'est au juge que revient la
mission d'évaluer le montant des dommages et intérêts.
À ce sujet, l'article 147 de la loi susvisée dispose :
« Pour fixer les dommages et intérêts, la
juridiction prend en considération distinctement : - les
conséquences économiques négatives de l'atteinte aux
droits, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie
lésée ; - le préjudice moral cause à cette
dernière ; - et les bénéfices réalisés
par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies
d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci
a retirées de l'atteinte aux droits. » De plus, le
montant intègre également les frais occasionnés par l'acte
de violation, y compris les frais de justice.
Dans le droit commun de la responsabilité, les
dommages-intérêts sont bornés par le principe de la
réparation intégrale du préjudice, exprimé dans
cette formule : tout le dommage, rien que le dommage. En d'autres termes,
la réparation n'est pas de nature punitive et n'a pas vocation à
enrichir la victime.
Mais, il en va autrement s'agissant de l'action en
contrefaçon. En effet, on constate, au vu des éléments
cités par le législateur ivoirien, que les dommages et
intérêts prennent l'apparence « d'amendes
privées144(*) ». Certes, leur fonction
réparatrice est conservée, mais ils vont au-delà. En fait,
ils visent également à sanctionner le contrefacteur à
travers la réduction du bénéfice réalisé au
moyen de la contrefaçon.
Il est évident que l'idée est de rendre plus
efficace la sanction civile de la contrefaçon, en rendant moins lucratif
l'exercice des activités illicites du contrefacteur. En effet, limiter
la sanction civile à la seule réparation du préjudice
n'est pas assez dissuasif, car le contrefacteur de logiciel pourrait gagner
beaucoup d'argent avec la contrefaçon. C'est pourquoi il est judicieux
de restreindre le bénéfice qu'il pourrait tirer de son
activité, afin de le décourager. Par conséquent, le
montant des dommages-intérêts pourra excéder celui qui
commanderait la seule réparation du préjudice.
B : La réparation en
nature
En sus des
dommages-intérêts, le juge peut ordonner une réparation en
nature. Elle peut prendre diverses formes, mais il est toujours question
« de faire cesser la contrefaçon à l'avenir, mais
aussi de décourager le contrefacteur, tout en réparant le
préjudice du titulaire des droits145(*). » En fait, le contrefacteur devra cesser
la reproduction ou la distribution illicite du logiciel. À titre
d'illustration, le juge peut le condamner, sous astreinte, à retirer le
logiciel de son établissement, ou bien du site internet où il
était illicitement téléchargeable.
Dans la même logique, la confiscation des objets
contrefaisants est prononcée dans tous les cas. Bien que
qualifiée de sanction pénale dans la loi sur le droit d'auteur,
cette mesure n'est pas pour autant une peine146(*). En effet, elle n'est pas liée à
l'action publique, puisqu'elle peut être prononcée dans tous les
cas. Il nous semble que sa nature découle de son objectif : la
cessation de la contrefaçon pour l'avenir.
Sous ce rapport, elle se rapproche de la confiscation, mesure
de police, et peut donc être prononcée par le juge civil. Ainsi,
celui-ci, lorsqu'il constate la contrefaçon, doit ordonner la
confiscation des supports contenant le logiciel contrefait ou bien des recettes
engendrées par la contrefaçon.
En outre, il peut ordonner confiscation du matériel
ayant permis la contrefaçon. En ce sens, le juge prononçait la
confiscation des ordinateurs ayant servi à la contrefaçon des
programmes d'un jeu vidéo147(*).
Notons pour conclure que le juge peut ordonner, aux frais du
contrefacteur, la publication et l'affichage de la décision.
« La publication peut être effectuée, soit dans la
presse grand public, soit dans l'une des revues diffusées
à l'usage interne des professions : le choix dépendant de la
nature et de la diffusion des objets litigieux.148(*) » Par ailleurs, le
juge peut également ordonner la publication de la décision sur le
site internet où le logiciel était disponible en
téléchargement illicite.
Le législateur ivoirien, en incluant le logiciel dans
la catégorie des oeuvres littéraires, permet aux
développeurs d'exercer un monopole sur leurs créations, lequel
monopole est sanctionné judiciairement. Se pose maintenant la question
de l'efficacité de ce régime de protection. Nous proposons, dans
le cadre des développements à suivre, de vérifier si le
droit d'auteur garantit suffisamment les droits des développeurs et dans
quelle mesure l'on pourrait renforcer leur protection.
PARTIE 2 : UNE PROTECTION
PERFECTIBLE DES LOGICIELS
La protection du droit d'auteur ne
s'étend qu'à la forme d'expression de la création.
À ce titre, elle est suffisante s'agissant des oeuvres de l'esprit qui
se caractérisent par leur esthétisme. Cependant, elle ne suffit
pas à assurer une protection efficace aux oeuvres de nature utilitaire
et fonctionnelle (Chapitre 1). C'est pourquoi nous mettrons en exergue des
moyens de protection complémentaires, afin de renforcer les droits et
intérêts des auteurs de logiciels (Chapitre 2).
Chapitre 1 : Les
insuffisances de la protection du logiciel par le droit d'auteur
Les insuffisances de la protection du logiciel par le droit
d'auteur se manifestent de plusieurs manières. D'un côté,
le système du droit d'auteur ne permet pas, en lui-même, une
protection efficace des logiciels. Effectivement, les limites internes du droit
d'auteur réduisent l'efficacité de la protection des auteurs de
logiciels (Section 1). De l'autre côté, certaines exceptions aux
droits d'exploitation ont comme effet de fragiliser les droits des auteurs de
programmes informatiques (Section 2).
Section 1 : Les limites
internes du droit d'auteur et la protection des logiciels
On parle de limite interne lorsqu'un
droit est borné par sa définition elle-même, ou dans
certains cas par la nature des choses. En d'autres termes, les limites internes
sont consubstantielles au droit lui-même ou bien à l'objet auquel
il s'applique, contrairement aux limites externes qui résultent de
l'intervention d'un autre droit149(*).
Le droit d'auteur, bien qu'aboutissant à l'attribution
d'un droit privatif au créateur, diffère cependant des autres
modes de protection privative. En effet, contrairement à ces derniers
dont l'existence est attestée par un titre, le droit d'auteur n'est
soumis à aucune condition de forme. D'où il découle que le
créateur a l'obligation de prouver ses droits. L'on est alors
fondé à douter de l'existence d'une réelle protection a
priori des auteurs de logiciels (Paragraphe 1). En plus, le droit d'auteur,
s'agissant des logiciels, ne protège que leur aspect littéraire,
excluant de fait leur aspect fonctionnel (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'inexistence
d'une réelle protection a priori des auteurs de logiciel
Par protection a priori, nous entendons un
système de protection dont l'existence et la portée sont
certaines. Cela implique que tous connaissent l'existence de cette protection,
en conséquence de quoi le bénéficiaire n'a pas
l'obligation de prouver son existence devant les magistrats. La charge de la
preuve pèse dès lors sur celui qui entend contester l'existence
de ce droit, comme c'est le cas en droit des brevets. Cependant, le droit
d'auteur est réputé exister sans formalités de
publication, donc sans que son existence soit communiquée au tiers (A).
De ce fait, il doit être prouvé judiciairement par le
créateur lors d'une action en contrefaçon (B).
A : L'absence de
publicité du droit de l'auteur de logiciel
« Contrairement à une idée
solidement implantée chez le profane, l'oeuvre de l'esprit n'a pas
à être déposée pour être
protégée150(*) ». En effet, conformément à
l'article 5.2 de la convention de Berne, la jouissance et l'exercice du droit
d'auteur ne sont subordonnés à aucune formalité. Ces
droits naissent au profit de l'auteur dès la création du
logiciel. Ce que rappelle la loi ivoirienne 151(*)sur le droit d'auteur.
Il s'agit là d'une « différence
irréductible152(*) » entre le droit d'auteur et le copyright.
En matière de copyright, l'auteur qui souhaite défendre son
logiciel doit l'avoir déposé au préalable auprès de
l'US Copyright Office153(*). Mais, en matière de droit d'auteur, le
créateur peut exercer une action en contrefaçon, quand bien
même il n'aurait pas déposé son logiciel auprès du
BURIDA. De fait, l'auteur ne se retrouve point pénalisé si,
d'aventure, il élude ces formalités154(*). Inversement, aucune
formalité ne peut attribuer le droit d'auteur. En conséquence,
l'apposition des mentions « (c) » ou « tous
droits réservés » est sans incidence sur
l'existence ou non des droits d'auteur sur le logiciel.
D'un côté, l'absence de formalités
obligatoires, comme c'est le cas en matière de brevet, présente
l'avantage de faciliter l'accès d'un plus grand nombre de logiciels
à la protection, en épargnant les auteurs des obligations
pécuniaires et non pécuniaires qui découleraient d'une
demande de protection.
D'un autre côté, le fait que le droit d'auteur
existe et soit opposable à tous sans aucune formalité de
dépôt ou de publicité n'est pas dépourvu
d'inconvénients pour les programmeurs. L'absence d'exigence formelle
rend aléatoire la preuve de la qualité de créateur ainsi
que de la date de création.
En premier lieu, l'exercice des droits sur le logiciel est
fondamentalement lié à la qualité d'auteur. De ce fait, il
est impérieux pour le créateur d'apporter la preuve de cette
qualité, surtout lorsque l'oeuvre n'est pas divulguée sous son
nom. Dans pareil cas, l'auteur sera tenu de fournir au juge des preuves de la
qualité qu'il revendique. Mais, dans bien des cas, celles-ci ne
suffisent point à fonder la conviction du juge. « Ces
dernières années, de plus en plus de décisions de
justice ont débouté des demandeurs de leurs actions en
contrefaçon au motif qu'ils n'apportaient pas la preuve de leur
qualité de titulaire des droits. Les magistrats ont également
été de plus en plus stricts dans l'application des dispositions
légales et des présomptions issues de la jurisprudence lorsqu'il
s'agissait d'établir la titularité des droits. 155(*) »
À titre illustratif, les preuves constituées
à soi-même ne suffisent point à établir la
qualité d'auteur ; de même, des factures ne comportant aucun
renseignement sur les caractéristiques de l'oeuvre
n'établissement nullement la qualité d'auteur ; aussi, une
attestation, dès lors qu'elle est contestée, n'est pas suffisante
à démontrer qu'une personne est bien l'auteur d'une
oeuvre156(*).
En second lieu, cette situation pose des difficultés en
ce qui concerne la détermination de la date de création ou, du
moins, d'existence157(*)
du logiciel. Pour diverses raisons, il peut être nécessaire
d'imputer une date certaine à la réalisation d'un logiciel.
Substantiellement, dans une instance en contrefaçon, la question de
l'antériorité est toujours sous-entendue, puisque la
contrefaçon implique, au préalable, une oeuvre antérieure
à contrefaire.
Dès lors, que ce soit pour le calcul de la durée
de protection de ses droits patrimoniaux ou surtout pour examiner
l'antériorité de sa création par rapport à une
autre158(*), l'auteur a
un intérêt immense à accorder une date d'existence certaine
à son logiciel.
Or, cela ne peut se faire que par un
dépôt159(*)
. Mais, le droit d'auteur étant attribué sans formalisme, il peut
être « parfois délicat d'apporter la preuve du
moment exact de la création160(*). » En cas de copie, l'auteur aura du mal
à prouver l'antériorité de son logiciel.
B : La nature
défensive du droit d'auteur
Il s'agit d'un corollaire de l'absence de
formalités de dépôt. En effet, contrairement aux droits de
propriété industrielle dont l'existence et le contenu sont
garantis par l'autorité administrative, le droit d'auteur est
confirmé par l'autorité judiciaire. En effet, seuls les juges ont
pouvoir de décréter l'originalité ou l'absence
d'originalité d'une oeuvre.
De ce fait, « le créateur du logiciel
n'aura de certitude sur la portée de ses droits qu'en cas de survenance
de litige.161(*) » En d'autres termes, avant la
consécration contentieuse du droit d'auteur, le programmeur exploite une
oeuvre dont on ne sait, à vrai dire, si elle est protégée
ou pas. Il peut donc exploiter un logiciel qui, en réalité, n'est
pas protégé.
Seul le succès de l'action en contrefaçon taira
toutes incertitudes quant à la protection par le droit d'auteur.
Malheureusement, un tel système soumet l'auteur de logiciel aux
méandres de l'aléa judiciaire. Il est clair qu'un procès
constitue un océan d'incertitudes et d'imprévus, car
« l'on ne peut jamais préjuger de la décision qui
sera rendue par le ou les magistrats, saisis de votre dossier, quand ces
derniers statuent à juge unique ou en collégiale, comme c'est le
cas pour la plupart des procédures »162(*).
Ainsi, plane constamment sur les auteurs, et ce jusqu'à
l'avènement d'une décision de justice définitive, la
possibilité que leur création soit exclue du rayon de la
propriété littéraire et artistique. Ce risque est d'autant
plus renforcé que l'originalité, en ce qui concerne les
programmes informatiques, est extrêmement difficile à prouver.
À ce titre, le fait que le logiciel apporte une solution
particulière à la gestion d'un problème n'établit
pas son originalité163(*). Dans la même logique, la supposée
créativité des algorithmes et des fonctionnalités d'un
logiciel, ne suffit pas à établir l'originalité d'un
programme d'ordinateur164(*). En outre, un rapport d'expert non contradictoire ne
peut établir l'originalité d'un logiciel165(*).
De plus, l'examen de la jurisprudence française donne
de constater que cette notion est examinée avec
sévérité par les juges. L'imputation de charge de la
preuve de l'originalité aux auteurs de logiciel apparaît
éminemment préjudiciable pour la sauvegarde de leurs droits. La
protection de leurs intérêts rend donc nécessaire
l'instauration par le législateur ivoirien d'une présomption
d'originalité des créations logicielles, laquelle
« sera attestée du fait de l'existence même du
logiciel, preuve de l'activité de l'auteur.166(*)» Effectivement, il
s'agit de la seule sécurité véritable : une
présomption simple d'originalité qu'il appartiendrait au
défendeur de combattre167(*) ; ce qui réduirait un tant soit peu le
caractère imprévisible de la protection par le droit d'auteur.
En définitive, nous avons démontré que le
système du droit d'auteur accorde une protection à l'existence et
à la portée incertaines, ce qui résulte de ce que le droit
d'auteur est, par essence, non formaliste. Mais il ne faut pas occulter que son
objet est également limité.
Paragraphe 2 : La
non-protection de l'aspect fonctionnel des logiciels
De l'examen de la jurisprudence, il ressort que les
fonctionnalités du logiciel, mais aussi les algorithmes et le langage de
programmation, ne sont pas protégés par le droit d'auteur. Si la
non-protection des algorithmes et du langage de programmation nous semble peu
préjudiciable aux droits des auteurs de logiciels en ce qu'il s'agit a
priori de caractères et de formules connus et utilisés par tous,
il en va autrement relativement aux fonctionnalités. Alors, nous
montrerons les fondements de cette exclusion (A), avant d'exposer son
caractère préjudiciable pour les auteurs de logiciels (B).
A : Le rejet de la protection
des fonctionnalités des logiciels
En ce qui concerne les programmes d'ordinateur, Une
fonctionnalité est une fonction intégrée dans un
système informatique qui permet à l'utilisateur d'effectuer une
opération spécifique. Elle désigne les résultats
qu'un programme d'ordinateur est susceptible d'atteindre, sa capacité
à effectuer une tâche précise. Plus que n'importe quelle
autre oeuvre, un programme d'ordinateur est caractérisé par son
aspect fonctionnel. C'est, pour l'utilisateur final, l'élément
décisif dans la définition du logiciel. Par exemple, Microsoft
Office Word est un logiciel de traitement de texte ; Microsoft Office
Excel est un tableur ; Adobe Premiere Pro est un programme de montage de
vidéos.
Il est alors logique de s'interroger sur la possibilité
d'une protection des fonctionnalités d'un logiciel, au même titre
que le logiciel lui-même. La tentation est grande de répondre par
l'affirmative, puisque les fonctions des programmes résultent
principalement d'un code informatique.
Mais, la jurisprudence s'est toujours montrée
défavorable à la protection des fonctionnalités d'un
logiciel par le droit d'auteur. À cet égard, le Tribunal de
grande instance de Paris affirmait : « seule la forme du
programme (c'est-à-dire l'enchaînement des instructions) peut
être protégé [et] que les fonctionnalités en tant
que telles ne sont protégeables168(*) ». La Cour de cassation a confirmé
cette position en retenant que les fonctions d'un logiciel « ne
bénéficient pas, en tant que telles, de la protection par le
droit d'auteur dès lors qu'elles ne correspondent qu'à
une idée169(*) ».
Les fonctionnalités sont ainsi classées au rang
d'idées et de concepts, ce qui empêche leur protection par le
droit d'auteur. De ce fait, le créateur d'un logiciel ne jouit pas d'un
droit privatif en vertu duquel il pourrait interdire à un tiers de
développer le même type de logiciel « sous une autre
forme et sous une autre structure170(*) ».
Insistant sur le risque que constituerait, pour le secteur
informatique, l'octroi du droit sur les fonctionnalités, la CJUE a
souligné qu'« admettre que les fonctionnalités d'un
programme d'ordinateur puissent être protégées par le droit
d'auteur reviendrait à offrir la possibilité de monopoliser les
idées, au détriment du progrès technique et du
développement industriel171(*) ». Au final, l'absence de protection des
fonctionnalités du programme ne fait plus aucun doute. La cour d'appel
de Montpellier l'a justement rappelé : « les
fonctionnalités ne sont pas protégées par le droit
d'auteur172(*) ». Cette situation est
préjudiciable pour les auteurs de logiciels.
B : Le caractère
préjudiciable de l'absence de protection des fonctionnalités
Bien qu'à certains égards, la non-protection des
fonctionnalités des logiciels informatiques soit compréhensible,
elle n'en demeure pas moins préjudiciable pour les créateurs de
programmes d'ordinateurs. En effet, l'intérêt du logiciel repose,
pour l'essentiel, dans la palette de fonctions qu'il est à même
d'effectuer. Ainsi, les programmeurs apportent-ils un soin tout particulier au
codage de fonctionnalités innovantes, ce qui les démarque de
leurs concurrents. Cela est d'autant plus visible s'agissant des logiciels
spécifiques173(*). Ces derniers, par essence, n'ont pas vocation
à être reproduits, puisqu'ils sont conçus dans l'optique de
répondre à un problème spécifique et
précis.
Malheureusement, le droit d'auteur n'apporte aucune protection
à ces fonctionnalités, de telle sorte que l'innovation des
programmeurs n'est point valorisée. Concrètement, n'importe qui
pourrait reproduire l'ensemble des fonctionnalités d'un programme
d'ordinateur, pour peu qu'il n'ait pas eu accès à son code source
ou objet. Or, « pour cela, il suffit à un informaticien
d'analyser le comportement d'un logiciel puis d'en élaborer un clone
[et,] dans cette hypothèse, la copie aura sensiblement les mêmes
fonctionnalités que le logiciel imité tout en ayant des codes
différents »174(*). C'est ce que constatait la CJUE dans un arrêt
de 2012 : « WPL n'a pas eu accès au code source du
programme de SAS Institute et n'a pas réalisé de
décompilation du code objet de ce programme. Grâce à
l'observation, à l'étude et au test du comportement du programme
de SAS Institute, WPL a reproduit la fonctionnalité de celui-ci en
utilisant le même langage de programmation et le même format de
fichiers de données 175(*)», ce qui lui a permis de créer un
produit similaire. À ce sujet, « il ne serait pas
illogique de trouver opportun que des entreprises confectionnent, dans le but
d'obtenir une position concurrentielle sur le marché, des produits
similaires à ceux qui réussissent.176(*) »
Mais l'imitation de logiciel est manifestement
encouragée, puisque conformément à l'article 31
alinéa 2 de la loi ivoirienne 177(*)sur le droit d'auteur, « l'utilisateur
légitime d'un programme d'ordinateur peut, sans l'autorisation de
l'auteur, observer, étudier ou tester le fonctionnement de ce programme
afin de déterminer les idées et les principes qui sont a la base
de n'importe quel élément du programme d'ordinateur, lorsqu'il
effectue toute opération de chargement, d'affichage, d'exécution,
de transmission ou de stockage du programme d'ordinateur qu'il est en droit
d'effectuer ». Dès lors, l'auteur d'un logiciel ne peut
s'opposer à ce que son logiciel soit décortiqué, selon la
méthode du « clean room ».
Cela crée une concurrence injuste dans la mesure
où l'imitateur reprend les fonctionnalités propres à un
logiciel, et ce en profitant d'un coût de réalisation nettement
moindre. Une protection efficace des auteurs de logiciel exigent
également la sécurisation du comportement du logiciel, car
« la seule protection des codes informatiques n'est pas
suffisante au regard des risques de piratage178(*) ».
C'est pourquoi certains auteurs recherchent dans le brevet
d'invention une protection suffisante des programmes d'ordinateur. En effet, le
droit des brevets a l'avantage de protéger plus efficacement l'aspect
utilitaire du logiciel179(*). A ce sujet, Le Royaume-Uni et le Japon, entre
autres, admettent la brevetabilité des logiciels informatiques.
Le droit européen, bien qu'opposé à la
brevetabilité des logiciels en tant que tels, admet une protection
exceptionnelle au profit des logiciels produisant un effet technique et
industriel. Il en va de même en droit
ivoirien. En effet, l'article premier de l'annexe 1 de l'ABR180(*) dispose que la
brevetabilité est impossible lorsqu'elle concerne le logiciel en
lui-même. A contrario, cela est possible lorsque le logiciel est
intégré à une invention. Dans cette hypothèse, le
brevet en recouvrant l'invention entière, protège
également le logiciel.
Section 2 : La mise à mal des développeurs
de logiciels par le droit d'auteur
La loi ivoirienne 181(*)sur le droit d'auteur, à certains
égards, fragilise les droits des auteurs de logiciels salariés
(Paragraphe 1) et constitue un frein à l'innovation (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La
fragilisation des droits du développeur salarié
Sous l'empire de l'ancienne loi ivoirienne (1996) sur le droit
d'auteur, le contrat de travail en vertu duquel untel serait tenu de
créer un logiciel ne bouleversait aucunement pas les règles de
titularité. En fait, les auteurs d'un logiciel de commande ou d'un
logiciel créé suivant contrat de travail conservaient en principe
leurs droits patrimoniaux. C'est ainsi que dans un arrêt de 2014, le
tribunal de commerce d'Abidjan avait retenu la qualité de coauteur d'un
informaticien ayant concouru à la conception du logiciel EASY PHARMA sur
la base d'un contrat de commande, au motif que, l'existence d'un contrat de
travail ou de louage ne bouleversant aucunement les droits d'auteur, la
rémunération perçue par l'informaticien ne pouvait avoir
comme conséquence de lui faire perdre sa qualité
d'auteur182(*).
Cependant, la loi ivoirienne de 2016 sur le droit d'auteur
apporte un bouleversement majeur et désavantageux pour le programmeur
salarié (B). Désormais, les droits patrimoniaux sur un logiciel
créé en vertu d'un contrat de travail entrent de plein droit dans
l'escarcelle de l'employeur (A).
A : La transmission
automatique des droits patrimoniaux du programmeur salarié
La loi ivoirienne sur le droit d'auteur prévoit un
régime dérogatoire, relativement à la titularité
des droits économiques sur un logiciel créé dans le cadre
d'un contrat de travail.
Dans un premier temps, il convient de rappeler que les auteurs
restent titulaires de droits moraux sur le logiciel créé dans le
cadre du contrat. En effet, comme nous le rappelions plus haut, ces derniers,
étant attachés à la personnalité de l'auteur, sont
par conséquent inaliénables. De fait, le contrat de travail
ne peut avoir comme effet leur transfert au patron. On le constate, ce n'est
pas ici que repose la dérogation, puisqu'il en va de même pour les
autres oeuvres de l'esprit.
Le particularisme du régime des logiciels
créés dans un cadre contractuel se trouve au niveau des droits
patrimoniaux. En effet, la titularité des droits patrimoniaux, en vertu
de l'article 42 de la loi ivoirienne 183(*)sur le droit d'auteur, est dévolue, sauf
convention contraire, à l'auteur, s'agissant des oeuvres
traditionnelles. Par conséquent, la pratique, s'agissant des oeuvres
autres que les logiciels et base de données, consiste à stipuler
des clauses de cession des droits patrimoniaux car à
« défaut d'une telle clause prévoyant la cession
des droits d'auteur 185(*)» l'auteur conserve les droits de
propriété intellectuelle.
Cependant, le contraire est consacré, relativement au
logiciel. C'est ainsi que l'article 43 de ladite loi dispose :
« les droits patrimoniaux sur un programme d'ordinateur [...]
créé par un auteur employé en exécution d'un
contrat de travail [...] appartiennent à l'employeur [...], sauf
convention contraire. » En d'autres termes, les droits
patrimoniaux sur un logiciel créé par un salarié sont
légalement dévolus à son employeur.
On peut déduire de cette disposition les deux
conditions d'application de la dévolution légale des droits
patrimoniaux des auteurs de logiciel salariés. La première, qui
coule de source, est l'existence d'un contrat de travail valable et non
suspendu186(*) au moment
de la création du logiciel.
La seconde, plus absconse, exige que le logiciel ait
été créé en exécution du contrat de travail.
À notre sens, cette expression a deux implications. Au premier abord, le
logiciel doit avoir été réalisé durant le temps de
travail du salarié. Le temps de travail se saisit comme le temps pendant
lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se
conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses
occupations personnelles187(*). Il s'agit, en clair, du temps pendant lequel le
salarié agit effectivement selon les instructions de son patron, et ce,
même s'il n'est pas présent sur son lieu habituel de travail et
qu'il agit en dehors de ses heures de travail habituelles. Le critère
déterminant est que le salarié agisse, pendant cette
période, conformément aux directives du patron. En
conséquence, un logiciel créé par un salarié sur
son temps libre, ne saurait appartenir à l'employeur. Au second abord,
la création de logiciel doit être une obligation du contrat de
travail. En d'autres termes, le salarié doit être tenu par son
contrat de travail de réaliser des programmes informatiques. En effet,
l'article 43 n'a vocation à jouer que si le logiciel est
créé en exécution d'un contrat du travail188(*). C'est dire que le
travailleur doit avoir été recruté à titre de
créateur de logiciels et que cela fait partie de ses missions
habituelles. De telle sorte qu'un logiciel créé par un
travailleur recruté à un autre titre, n'appartient pas à
l'employeur189(*).
Une fois réunies les conditions susvisées, les
droits patrimoniaux sur le logiciel sont automatiquement
transférés à l'employeur. Dès lors, nul n'est
besoin de rédiger un contrat spécifique à cet effet ou
d'observer un formalisme particulier. Il est alors seul habilité
à exploiter économiquement le programme. Une telle situation est
véritablement désavantageuse pour l'auteur salarié.
B : Une transmission
désavantageuse pour l'auteur de logiciel salarié
Aurélien Bamdé déclarait :
« Ab initio, la propriété intellectuelle
était destinée à protéger, tant les auteurs, que
leurs oeuvres en leur reconnaissant un statut juridique. Aujourd'hui, on a le
sentiment que celle-ci passe d'un droit d'auteur à un droit du
promoteur. On ne cherche plus à protéger l'auteur en tant que
tel, mais un investissement financier.190(*) »
Ce sentiment est confirmé par la dévolution
automatique des droits patrimoniaux de l'auteur à l'employeur,
mécanisme étranger au domaine de la propriété
littéraire et artistique. En effet, le droit d'auteur est axé
autour de la personnalité du créateur, de sorte que les droits
d'auteur ne devraient appartenir qu'à lui. Et s'il est possible qu'un
tiers puisse acquérir les droits patrimoniaux appartenant au
créateur, cela ne saurait résulter que de la volonté de ce
dernier191(*),
l'idée étant toujours de lui assurer une protection. Mais, les
auteurs de logiciel ont été exclus de cette protection.
De prime abord, « l'argument que le programmeur
soit salarié d'une structure et que ladite dévolution automatique
en soit la conséquence souffre de la comparaison avec d'autres
régimes soumis au droit commun où le salariat n'a pas pour
conséquence juridique la transmission des droits automatiquement
l'employeur192(*).» Par exemple, les écrivains
employés par une société en vue d'écrire des
livres, ne perdent pas de plein droit leurs droits patrimoniaux. Cette
dérogation ne vaut que pour les auteurs de programme d'ordinateur.
À la vérité, « la doctrine
est unanime sur le fait que la dévolution automatique des droits
d'auteurs du salarié auteur d'un logiciel à son employeur
était une concession faite par le législateur à
l'industrie informatique193(*) ». Ce qui nous paraît d'autant plus
crédible que cette dérogation ne concerne pas les fonctionnaires
qui sont auteurs de logiciels.
On comprend donc que le législateur ivoirien place les
intérêts des investisseurs au dessus de ceux de salariés.
Or, ces derniers, parties à un contrat d'adhésion, le contrat de
travail, ne peuvent discuter librement les modalités de la
dévolution de leur droit. On se rappelle la formule de LACORDAIRE :
« entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre
le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi
qui affranchit. » Mais, paradoxalement, la loi ivoirienne
194(*)sur le droit
d'auteur « opprime » le développeur salarié.
L'effort intellectuel de ce dernier n'est point valorisé, car, compte
tenu de la valeur économique d'un logiciel, « l'auteur ne
saurait bénéficier des fruits de sa création qu'au travers
de la rémunération découlant de son contrat de
travail. 195(*)» L'employeur se retrouve inévitablement
« affranchit », puisqu'il décide de manière
potestative d'accorder une rémunération supplémentaire ou
non à son salarié.
L'idéal eût été, si l'on tient
à maintenir la dévolution automatique des droits du
salarié à son employeur, de prévoir, au profit du
travailleur, le droit à une rémunération spéciale,
distincte du salaire. C'est ce qu'a institué le législateur
sénégalais196(*) : « l'employeur qui exploite les
droits ainsi cédés doit verser une rémunération
distincte du salaire. A défaut d'accord entre les parties, le montant de
cette rémunération sera fixé par le tribunal
compétent. » Un tel mécanisme a l'avantage
d'accorder une rémunération juste et proportionnelle à
l'effort intellectuel du salarié, tout en laissant au patron le droit
d'exploiter le logiciel. Nous pensons donc qu'il saurait opportun d'instaurer
ce droit à rémunération spéciale, dans la loi
ivoirienne 197(*)sur le
droit d'auteur. En outre, il est également possible d'instituer un
régime de répartition des droits patrimoniaux sur le logiciel
entre le salarié et le patron.
Paragraphe 2 : Le droit
d'auteur, frein au processus de création du logiciel
Un système optimal de protection des auteurs de
logiciel exige, paradoxalement, que les droits des auteurs soient
tempérés, et ce, afin de stimuler la créativité
dans le monde informatique. Cela est d'autant plus vrai que les programmes
d'ordinateurs sont rapidement surannés. C'est pourquoi les
législations européennes prévoient certaines
dérogations spécifiques au logiciel, en vue de ne point entraver
les mécanismes de création de logiciels.
Malheureusement, la loi ivoirienne sur le droit d'auteur, en
la matière, est éminemment laconique. Elle devient alors une
pierre d'achoppement pour les développeurs de logiciels : d'une
part, en raison de la durée de protection qui est excessive au regard de
l'évolution du monde des logiciels (A) ; d'autre part,
à cause du silence du droit ivoirien sur la question de
l'interopérabilité (B).
A : Une durée
excessive de protection des logiciels
« Le choix d'une durée
de protection d'une création intellectuelle se situe entre : -une
limite inférieure, en deçà de laquelle il n'est pas utile
d'accorder une protection parce qu'elle ne permet pas de rentabiliser
l'investissement nécessaire à la création ; -une
limite supérieure, au-delà de laquelle il n'est plus
nécessaire d'accorder une protection car elle excède la
durée de vie technologique ou commerciale de la
création.198(*) »
La loi ivoirienne 199(*)sur le droit d'auteur ne prévoit pas une
durée de protection spécifique aux programmes d'ordinateur. De ce
fait, ceux-ci suivent le même régime que toutes les autres oeuvres
de l'esprit. Ainsi, conformément à l'article 47 de la loi
ivoirienne 200(*)sur le
droit d'auteur, les droits moraux sont perpétuels pendant que les droits
patrimoniaux durent pendant la vie de l'auteur et les 70 ans suivant
l'année de son décès201(*).
Cette durée est justifiée, s'agissant des
créations littéraires et artistiques matérielles, dans la
mesure où elle assure la protection des intérêts des
auteurs, lesquelles, dans cette hypothèse, durent, par
définition, toute leur vie202(*). D'ailleurs, Marc Lévy
déclarait : « L'art naît du sentiment, c'est ce
qui le rend intemporel ». En conséquence, puisque l'art
est intemporel, sa protection l'est également.
Toutefois, la durée de protection des oeuvres de
l'esprit est excessive et inadaptée aux programmes informatiques. En
effet, elle est calquée sur celle des oeuvres matérielles, alors
qu'elles ont des cycles d'évolution différents. Dans le domaine
des technologies de l'information, l'innovation se produit à un rythme
effréné. Et, le logiciel qui est révolutionnaire
aujourd'hui peut devenir obsolète en quelques années seulement.
Dès lors, la durée de protection prévue par le
législateur ivoirien est « nettement
disproportionnée par rapport à la durée de vie
économique des logiciels 203(*)».
Une telle protection est inutile pour l'auteur. Mais elle
constitue en plus une véritable barrière à l'entrée
pour les nouveaux développeurs. Les petites entreprises et les startups,
qui sont souvent à l'origine d'innovations disruptives, peuvent avoir du
mal à rivaliser avec les grandes entreprises qui détiennent les
droits exclusifs sur les logiciels depuis des décennies. Ainsi, ces
logiciels pionniers constituent une entrave au développement de nouveaux
logiciels d'autant qu'en retardant l'entrée des logiciels dans le
domaine public, on ralentit le secteur informatique, car l'on oblige les
développeurs à réinventer la roue plutôt que de
réutiliser des codes d'anciens logiciels.
C'est donc pourquoi il nous paraît nécessaire de
rééquilibrer la durée de protection en matière de
programme d'ordinateur. Une période plus courte permettrait, tout en
assurant le retour sur investissement des créateurs, de retirer un frein
au développeur.
Cependant, une telle opération est loin d'être
aisée. En fait, en vertu de l'article 7 de la convention de Berne,
« la durée de la protection accordée par la
présente Convention comprend la vie de l'auteur et cinquante ans
après sa mort. » Or, aux termes de l'article 123 de la
Constitution ivoirienne : « les traités ou accords
régulièrement ratifiés ont, dès leur publication,
une autorité supérieure à celle des lois, sous
réserve, pour chaque traité ou accord, de son application par
l'autre partie. » De fait, il apparaît impensable de
prévoir une dérogation propre aux logiciels par le truchement
d'une loi.
En l'état actuel du droit, l'unique palliatif serait de
modifier la définition légale du logiciel, afin de le faire
basculer la catégorie d'oeuvre des arts appliqués. Effectivement,
« rien n'empêche de qualifier le logiciel d'oeuvre des arts
appliqués, car chaque État a le droit d'adopter la
définition légale qui lui convient pour chaque
oeuvre.204(*) » Il suffirait de rajouter à la
définition légale : les programmes d'ordinateurs sont
considérés comme des oeuvres des arts appliqués. Ainsi, la
durée de protection basculerait à 25 années, ce qui reste
relativement superfétatoire, mais est nettement moindre que la
durée normale de protection.
Ayant examiné la question du délai de
protection, nous passons à présent à celle de
l'interopérabilité.
B : Le silence du droit
ivoirien relativement à l'interopérabilité
Un programme d'ordinateur n'est pas destiné à
évoluer en autarcie. Alors, il est dans l'intérêt des
auteurs de développer un programme compatible avec un ou plusieurs
autres logiciels, en ceci que, de nos jours, les systèmes informatiques
sont de plus en plus interconnectés. Par exemple, les plateformes de
commerce électronique intègrent dans leur application divers
systèmes de paiement en ligne. Cela permet aux commerçants
d'accepter divers moyens de paiement, selon les préférences de
leurs clients, ce qui n'est possible qu'en raison de la compatibilité
entre le logiciel de commerce électronique et le programme de paiement
électronique.
C'est pourquoi il est nécessaire « de
faire parler ces systèmes entre eux, en échangeant des
données et des messages.205(*) » On parle alors
d'interopérabilité. Elle consiste à permettre à des
applications, des plateformes, des systèmes ou des composants
différents de se connecter et d'échanger des données entre
eux, en clair « de se parler »206(*). Dans un arrêt de
2011, la Cour de cassation définissait cette notion comme
« la capacité d'échanger des informations et
d'utiliser mutuellement les informations
échangées 207(*)».
Cela suppose que le développeur puisse accéder
directement aux données des logiciels avec lesquelles il souhaite
établir une connexion. Toutefois, en pratique, « le code
source n'est pas toujours disponible et l'équipe de développement
d'origine a disparu depuis longtemps 208(*)». D'autant qu'en droit
ivoirien, les auteurs de logiciel n'ont pas l'obligation légale de
rendre leurs logiciels interopérables.
Ainsi, dans l'hypothèse où
« l'interopérabilité n'est pas prévue
à la conception du logiciel ou que l'auteur ou éditeur ne donne
pas accès aux informations essentielles à sa mise en
oeuvre »209(*), il est indispensable de permettre aux programmeurs
de procéder à l'ingénierie inverse du logiciel. À
cet effet, certaines législations prévoient une exception de
décompilation210(*) aux fins d'interopérabilité. La
décompilation est une opération de transformation de la forme du
code d'un programme impliquant une reproduction, même partielle et
provisoire, de ce code, ainsi qu'une traduction de la forme de celui-ci. Elle
permet généralement d'obtenir non pas le code source
original, mais une troisième version du programme concerné
appelée « quasi-code source », qui pourra à
son tour être compilée en un code objet
L'article 36 de la loi camerounaise sur le droit d'auteur
dispose : « Le titulaire du droit d'auteur ne peut interdire
au détenteur légitime d'un logiciel [...] de procéder
à la décompilation, c'est-à-dire de reproduire et de
traduire ce logiciel, lorsque ces actes permettent d'obtenir les informations
nécessaires pour réaliser un logiciel compatible avec ce dernier
ou avec un ou plusieurs autres logiciels. » C'est
également ce que prévoit l'article L122-6-1 du code
français de propriété intellectuelle :
« La reproduction du code du logiciel ou la traduction de la
forme de ce code n'est pas soumise à l'autorisation de l'auteur lorsque
la reproduction ou la traduction au sens du 1° ou du 2° de l'article
L. 122-6 est indispensable pour obtenir les informations nécessaires
à l'interopérabilité d'un logiciel créé de
façon indépendante avec d'autres logiciels ».
En droit ivoirien, conformément à l'article 17
de l'annexe 7 de l'ABR211(*), la décompilation n'est autorisée que
lorsqu'elle est nécessaire à l'utilisation d'un programme ou
à sa sauvegarde. Toutefois, l'article 17 ne fait aucune mention de
l'interopérabilité. De telle sorte que le développeur qui
procède à la décompilation d'un logiciel aux fins
d'interopérabilité commet en réalité un acte de
contrefaçon. En conséquence, il existe un risque de
création de systèmes fermés auxquels les nouveaux
logiciels ne seront point en mesure de se lier.
Nous avons mis en exergue les insuffisances du droit d'auteur
en ce qui concerne la protection des programmes informatiques. Il nous
paraît maintenant opportun de présenter des méthodes
destinées à consolider les droits des auteurs de logiciel.
Chapitre 2 : Les moyens de
consolidation des droits des auteurs de logiciels
Comme expliqué dans le chapitre ci-dessus, la
protection conférée par le droit d'auteur comporte certaines
failles, lesquelles failles peuvent empêcher, à certains moments,
les auteurs de faire valoir leurs droits, d'autant plus que la mise en oeuvre
du droit d'auteur peut se montrer ardue.
Heureusement, les auteurs de programmes d'ordinateur disposent
de quelques moyens en mesure de consolider leur protection. La première
série de moyens vise à renforcer la sécurisation offerte
par le droit d'auteur : il s'agit de moyens
complémentaires (Section 1). Quant à la seconde série
de moyens, elle permet de couvrir des aspects du logiciel qui ne sont pas dans
le giron de la propriété littéraire et artistique :
il s'agit de moyens de protection supplémentaires (Section 2).
Section 1 : Les moyens
complémentaires de consolidation du droit d'auteur
Les mécanismes complémentaires de consolidation
du droit d'auteur s'ajoutent au droit d'auteur pour en augmenter
l'efficacité. En pratique, l'application du droit d'auteur peut se
heurter à certaines difficultés. Par exemple, la
difficulté de prouver la paternité du développeur sur le
logiciel, ou même les limites découlant des droits des
utilisateurs du logiciel. Afin de surmonter ces obstacles, les auteurs de
programme d'ordinateur peuvent mettre en oeuvre des mécanismes d'ordre
privé. Nous faisons allusion au constat de la création du
logiciel par un commissaire de justice (Paragraphe 1) et à la licence
d'utilisation du logiciel (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La
constatation de la création du logiciel par un commissaire de
justice
Au chapitre précédent, nous
avions montré les difficultés que posait l'absence de titre en
matière de protection par le droit d'auteur. Nous soulignions comment
cette situation pouvait complexifier la preuve de la qualité d'auteur
ainsi que de la date de création du programme d'ordinateur. Et, pour
cette raison, quand bien même la formalité du dépôt
est facultative et non attributive d'un droit exclusif, les programmeurs ont un
intérêt certain à « déposer »
leur logiciel.
En première instance, l'on a pensé à
déclarer le logiciel auprès du BURIDA, unique
société de gestion collective des droits d'auteur en Côte
d'Ivoire. Mais, cette société semble principalement s'attacher
à la protection des droits des artistes. De plus, comme le juge ivoirien
le soulignait, le dépôt d'un logiciel au BURIDA ne peut que
conférer une date certaine à la création du logiciel, sans
jamais pouvoir servir de preuve de la paternité du logiciel212(*).
C'est pourquoi, dans cette subdivision, nous porterons
l'accent sur la constatation de la création du logiciel par un
commissaire de justice, réalisée au moyen d'un
procès-verbal (A), puis sur les avantages de ladite constatation (B).
A : Le procès-verbal
constat de création d'un logiciel
Prouver sa qualité d'auteur d'un programme d'ordinateur
« implique une double démarche cumulative consistant
respectivement à établir la création par des actes
concrets et puis démontrer que lesdits actes lui reviennent en propre et
ne sont pas le fait d'une tierce personne213(*).» En clair, le
développeur doit démontrer au magistrat l'existence, à une
période donnée, d'un programme d'ordinateur, mais il doit
également prouver qu'il est à l'origine de l'acte créateur
de ce programme d'ordinateur. Plus concrètement, cela revient à
rapporter la preuve de ce qu'il a écrit le code source du logiciel.
Pour faciliter la production de cette preuve, l'auteur du
logiciel peut requérir un constat de commissaire de justice. En effet,
conformément à la loi portant statut des commissaires de justice,
cet officier ministériel a compétence pour réaliser,
à la requête de particuliers, des constatations purement
matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de
faits ou de droit qui peuvent en résulter214(*). C'est dire que le
commissaire de justice peut dresser un constat de tout fait juridique,
lorsqu'il en est requis.
Dès lors, étant entendu que l'acte de
création d'un programme d'ordinateur relève du fait juridique, il
peut être constaté par un commissaire de justice.
Nous tenons à préciser que ces constatations
devront porter sur le processus de création, et non seulement sur le
résultat de ce processus215(*). De plus, elles doivent avoir cours sur le lieu de
création du logiciel afin que le procès-verbal puisse
déployer son plein et entier effet. De ce fait, l'envoi sous pli du code
source à un commissaire de justice ne peut valablement renforcer la
protection des auteurs de logiciels.
Cela dit, le développeur devra faire constater au
commissaire de justice les différents éléments qui
attestent son acte de création. Ces éléments sont
généralement conservés sur des ordinateurs. Le commissaire
de justice dressera donc un procès-verbal de constat de fichiers
informatiques, en prenant soin d'indiquer l'adresse IP des ordinateurs.
L'auteur devra alors présenter à l'officier
ministériel, dans un premier temps, les programmes source et objet du
logiciel. En outre, il devrait également montrer au commissaire de
justice la version exécutée du logiciel ; cela peut
être utile pour montrer son comportement et son apparence. Ainsi, le
commissaire de justice pourra constater l'existence du programme
d'ordinateur.
Dans un second temps, le développeur devra
présenter au commissaire de justice le matériel de conception
préparatoire du logiciel, notamment déposer toute documentation
technique associée au logiciel, telle que des spécifications, des
schémas de conception, des diagrammes UML, etc. En effet, constater que
ces derniers sont présents sur l'ordinateur du programmeur peut suffire
à relier le logiciel au développeur.
En bref, le développeur devra exposer tous les
documents attestant qu'il a créé le logiciel au commissaire de
justice. Quant à ce dernier, il en dressera procès-verbal
conformément aux exigences légales.
Toutefois, n'occultons pas que ledit procès-verbal ne
sera pas créateur des droits d'auteur sur le logiciel. Le principe de
l'absence de formalités demeure. Cependant, les constatations
réalisées par un commissaire de justice présentent un
certain avantage pour les auteurs de logiciels.
B : Les avantages de la
constatation de la création du logiciel
L'intérêt du procès-verbal de constat de
création d'un fichier informatique est purement probatoire. Il
représente une précaution que doit prendre l'auteur de programme
d'ordinateur afin de faciliter l'exploitation de ses droits. En effet, par ce
moyen, le développeur se préconstitue une preuve de sa
paternité sur le logiciel ainsi que de l'antériorité de
son programme ; ce qui est le point focal des débats dans une
instance en contrefaçon216(*).
En plus, contrairement à la déclaration
auprès d'une société de gestion collective, le
procès verbal dressé par un commissaire de justice constitue un
acte authentique217(*).
Le caractère authentique sourd des nombreuses précautions
entourant le dressement du procès verbal et de la qualité de son
rédacteur. C'est pour cette raison que le législateur
confère à ce genre d'acte une force probante supérieure
à celle de n'importe quelle autre sorte d'actes de même
qu'à celle de n'importe quelle autre sorte de preuve218(*). A ce sujet, l'article 2 de
la loi portant statut des commissaires de justice précise, à
propos des constatations purement matérielles des commissaires de
justice, qu'elles font foi jusqu'à preuve du contraire. En fait,
« l'acte authentique fait preuve irréfutable
jusqu'à ce qu'il soit contredit par une procédure spéciale
appelée inscription en faux.219(*)» Outre cette procédure spéciale,
l'acte authentique s'impose au juge, tant qu'il respecte le formalisme requis
par la loi. En d'autres termes, les débats ne peuvent s'orienter que sur
la légalité de l'acte authentique, et non sur sa
véracité.
Ce mode de preuve accorde donc plus de sécurité
juridique à l'auteur, en cela même qu'il est difficilement
contestable. En effet, la partie adverse n'a que deux options : soit
établir que le procès-verbal est irrégulier en la
forme ; soit démontrer qu'il s'agit d'un faux. Quant au contenu du
procès verbal, il fait foi. La constatation de l'acte de création
du logiciel par le commissaire de justice ne peut donc être remise en
cause.
En plus, les actes authentiques ont une date certaine. C'est
dire qu'à partir de la date du procès verbal, l'existence du
logiciel ne pourra plus être contestée. Par conséquent,
prouver l'antériorité de son logiciel devient plus aisé,
ce qui renforce la protection des auteurs de logiciel lors d'une demande en
contrefaçon.
Par ailleurs, le dressement d'un procès verbal est une
opération relativement rapide. En effet, la réalisation d'un
constat est une procédure relativement simple et accessible. Il suffit
de préparer les documents puis de requérir le ministère
d'un commissaire de justice. En comparaison, pour déclarer une oeuvre au
BURIDA, il faut être associé de cette société,
laquelle adhésion nécessite la qualité d'auteur d'une
oeuvre, une décision d'admission du directeur général du
BURIDA, la signature d'un contrat d'affiliation et la souscription d'une part
sociale du BURIDA.
En somme, la réalisation d'un constat de
création de programme d'ordinateur est une formalité facultative,
mais qui revêt une importance cruciale pour les développeurs de
logiciels en ce qu'elle permet principalement de prouver plus facilement leur
paternité sur le logiciel au cours d'un procès. Mais, en dehors
des questions probatoires, nous notons également la
nécessité de préciser et limiter les droits des
utilisateurs de logiciels ; ce qui est possible avec une licence
d'utilisation.
Paragraphe 2 : La
licence220(*) d'utilisation du
logiciel
Baptisés généralement conditions
générales d'utilisation ou contrat de licence de logiciel,
le contrat de licence d'utilisation n'est pas habituel en matière
de droit d'auteur221(*).
D'ailleurs, les textes applicables en Côte d'Ivoire n'abordent pas le
régime juridique de cet instrument. Ceux-ci ne visent que la licence
d'exploitation de droits d'auteurs ou concession des droits d'auteurs. Or, le
contrat de licence d'utilisation, objet de cette subdivision, bien que
s'apparentant à un contrat de concession, n'emporte pas de
réelles concession de droits222(*). De plus, il ne contient pas d'obligation
d'exploitation commerciale, élément essentiel du contrat de
concession. Alors, se pose la question de la qualification juridique de la
licence d'utilisation de logiciel. Selon la CJUE, le régime juridique du
contrat de licence informatique tient de la vente223(*). Mais, cette analyse nous
paraît peu séduisante, d'autant plus si l'on considère
l'augmentation du nombre de logiciels SaaS. À notre sens, la licence de
logiciel constitue un contrat sui generis, dont l'objet est d'organiser
l'utilisation d'un logiciel.
Ce paragraphe est dédié à l'analyse des
clauses que peut insérer l'auteur du logiciel afin de renforcer ses
droits d'auteur. Certaines portent sur la limitation des droits des
utilisateurs (A) ; d'autres sur le contrôle de l'utilisation du
logiciel (B).
A : La limitation des droits
de l'utilisateur du logiciel
Le contrat de licence de logiciel doit préciser, en
premier lieu, la nature des droits dont jouit l'utilisateur. À cet
égard, la convention doit rappeler qu'elle n'emporte pas cession des
droits donnés en jouissance à l'utilisateur, de telle sorte que
l'auteur demeure propriétaire de l'entièreté du logiciel.
La clause pourrait être stipulée comme suit : La licence
d'utilisation du logiciel n'entraîne pas le transfert des droits
propriété au profit de l'utilisateur. Le logiciel reste la
propriété de son auteur quels que soient la forme, le langage, le
support du programme et la langue utilisée.
Le contrat devrait également régler la question
de l'exclusivité ou non de la licence. Dans la plupart des contrats de
licence, la licence accordée à l'utilisateur est non
exclusive224(*). De
plus, la licence doit indiquer si elle est simultanée ou non
simultanée. La licence est non simultanée lorsqu'elle n'autorise
l'installation du logiciel que sur un seul ordinateur. Au contraire, la licence
est simultanée quand elle autorise l'installation du programme sur
plusieurs ordinateurs. Dans cette dernière hypothèse, il peut
être utile de fixer un nombre maximum d'ordinateurs. L'on pourrait
rédiger la clause ainsi : L'utilisateur jouit d'un droit personnel
d'utilisation du logiciel, non exclusif et non simultané.
Par ailleurs, la licence doit également préciser
la durée de l'autorisation d'utilisation du logiciel ainsi que la
rémunération de l'auteur du logiciel.
Dans un second temps, la licence d'utilisation doit indiquer
tous les actes dont l'accomplissement est prohibé. Il s'agit
généralement des actes qui portent directement atteinte aux
droits patrimoniaux ou moraux de l'auteur, ou de ceux qui sont destinés
à contourner les mesures techniques de protection qu'il a
érigées.
La licence doit rappeler que l'utilisateur n'est pas en droit,
que ce soit personnellement ou par le moyen d'un intermédiaire, de
reproduire, modifier, divulguer, distribuer ou décompiler le
logiciel ; et que l'utilisateur a l'interdiction formelle de supprimer
toutes indications relatives à la paternité de l'auteur du
logiciel.
En outre, le contrat de licence doit interdire à
l'utilisateur de réaliser un test de résistance, un test de
pénétration ou un balayage de vulnérabilité du
logiciel, ou publier ou divulguer l'un des résultats de ces
activités ou d'autres données de performance du logiciel.
Enfin, la licence doit aménager, autant que faire se
peut, les exceptions que la loi ivoirienne 225(*)sur le droit d'auteur et l'annexe 7 de
l'ABR226(*) ont
apportées au droit de l'auteur de logiciel. À cette fin, l'auteur
peut se réserver le droit de réaliser toute adaptation
nécessaire à l'utilisation du programme, notamment la correction
d'anomalies dans le fonctionnement du logiciel. Autrement dit, même dans
l'hypothèse où la modification du logiciel est nécessaire
à son utilisation, l'utilisateur ne sera pas autorisé à y
procéder. La clause pourrait se présenter comme suit :
L'auteur se réserve, à titre exclusif et gratuit, le droit de
corriger toute anomalie dans le fonctionnement du logiciel remis à
l'utilisateur.
S'agissant de la réalisation d'une copie de sauvegarde
du logiciel, l'article 17 de l'annexe 7 de l'ABR227(*) met l'accent sur le
caractère unique, gratuit, mais surtout nécessaire de cette copie
de telle sorte que l'auteur, en fournissant une copie de son logiciel, pourrait
contractuellement s'opposer la réalisation d'une copie-sauvegarde par
l'utilisateur. C'est ce que retient le juge : « dès
lors qu'il a reçu du vendeur une copie de sauvegarde, fût-elle
unique et protégée contre les reproductions, l'acheteur est
rempli de ses droits »228(*).
En outre, l'auteur peut également intégrer une
clause de confidentialité dans la licence d'utilisation de son programme
ainsi qu'une clause limitative de responsabilité.
La licence d'utilisation limite les droits de l'utilisateur
sur le logiciel, renforçant ainsi la protection du logiciel par le droit
d'auteur. S'agissant d'un contrat, le non-respect des stipulations de la
licence peut engager la responsabilité contractuelle de l'utilisateur.
Par ailleurs, elle permet également de contrôler l'utilisation du
logiciel.
B : Le contrôle de
l'utilisation du logiciel
Par contrôle, nous entendons exprimer les moyens par
lesquels le développeur peut vérifier les conditions
d'utilisation de son logiciel et la conformité de cette utilisation aux
stipulations contenues dans le contrat de licence de logiciel. C'est une
opération importante pour l'auteur, en ceci qu'elle permet de constater
les violations éventuelles des conditions générales
d'utilisation plus rapidement.
À cette fin, « nombre d'éditeurs
incluent dans leur contrat de licence une clause d'audit de
conformité. 229(*)» Cette clause permet à l'auteur du
logiciel de vérifier la conformité de l'utilisation du logiciel
aux dispositions légales et stipulations du contrat de licence. Mais, il
est préférable que cette opération soit
réalisée par un professionnel indépendant, accepté
par les deux parties. Cela confèrera au rapport d'audit un
caractère contradictoire.
Lorsque l'expert note des écarts entre les droits
accordés à l'utilisateur et l'utilisation qu'il en fait
réellement, l'auteur du logiciel est alors fondé soit à
résilier le contrat, soit à réclamer des paiements
« supplémentaires correspondant à l'utilisation
effective du logiciel, parfois accompagnées de pénalités
pour utilisation abusive et non autorisée du logiciel, et/ou facturation
des frais d'audit à la société.230(*) »
La clause d'audit peut être ainsi
rédigée : « Dans le cas où le
Client refuserait d'activer les dispositifs visés ci-dessus ou de
fournir une telle déclaration, Sage pourra procéder à un
audit sur Site. Dans l'hypothèse où Sage déciderait de
diligenter un audit sur site, les frais de ce dernier seront pris en charge par
Sage.
Toutefois dans l'hypothèse où les
conclusions de l'audit révéleraient un usage non-conforme aux
droits acquis par le Client : les frais de l'audit seront mis à la
charge du Client, un complément de redevances sera facturé au
Client par Sage, le cas échéant de manière
rétroactive en fonction du Mode de commercialisation du Progiciel, au
tarif public en vigueur à la date de facturation, une
pénalité d'un montant de cinquante pour cent (50 %) du
complément de redevance précité sera facturée par
Sage.
Par ailleurs, en cas d'utilisation par le Client d'une
fonction ou d'une option pour laquelle il n'a pas acquis de droits, Sage
facturera le Client pour le complément de redevances conformément
au prix public en vigueur au jour de la facturation.231(*) »
D'ailleurs, dans le souci d'éluder les frais requis par
un audit, l'auteur du logiciel peut insérer dans la licence une clause
de suivi de l'utilisation. Celle-ci a pour effet de permettre à l'auteur
d'inclure dans son programme une fonctionnalité chargée de
collecter et communiquer au développeur certaines informations
d'utilisation afin de vérifier et exécuter les mises à
jouer, et s'assurer du respect par l'utilisateur des obligations
contractuelles.
En somme, la licence d'utilisation permet aussi à
l'auteur du logiciel de contrôler l'utilisation faite par le titulaire de
la licence, renforçant ainsi la protection par le droit d'auteur. Cela
étant, les auteurs ont également la possibilité de
consolider leurs droits en employant des moyens supplémentaires de
protection.
Section 2 : Les moyens
supplémentaires de protection des auteurs de logiciels
La propriété littéraire et artistique ne
s'attache qu'à l'aspect littéraire du logiciel. Or, en
réalité, d'autres aspects du programme d'ordinateur
méritent également d'être sécurisés. Par
exemple, il est primordial de protéger la notoriété de son
logiciel, ou même le comportement de son programme d'ordinateur. Dans ce
but, l'auteur du logiciel peut mettre en oeuvre des moyens
supplémentaires de protection. Les moyens supplémentaires de
protection des auteurs de logiciels sont destinés à couvrir des
aspects du logiciel qui ne sont pas protégeables par le droit d'auteur.
Deux mécanismes semblent se démarquer : le droit des marques
(Paragraphe 1) et le droit de la concurrence (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le droit des
marques, moyen de sécurisation de la notoriété du
logiciel
Aux termes de l'article 2 de l'annexe 3 de l'ABR232(*), la marque est tout signe
visible ou sonore utilisé ou que l'on se propose d'utiliser et qui est
propre à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou
morale. Le logiciel, en tant que produit233(*), peut être protégé par le droit
des marques. Nous montrerons dans ce paragraphe comment peut être
constituée une marque de logiciel (A) et quels sont les effets qui y
sont attachés (B).
A : La constitution
de la marque de logiciel
La constitution de la marque est subordonnée, dans un
premier temps, à des conditions de fond. En effet, la marque, pour
être valable, doit être distinctive, disponible, licite et non
déceptive.
L'article 3 de l'annexe 3 de l'ABR234(*) ne donne pas de
définition positive de la distinctivité de la marque. Ce texte
illustre simplement cette notion en précisant qu'une marque
« est dépourvue de caractère distinctif notamment
du fait qu'elle est constituée de signes ou d'indication constituant la
désignation nécessaire ou générique du produit ou
la composition du produit ». D'abord, selon Ida JIAZET, par
désignation nécessaire, il faut
comprendre « un signe dont on a besoin pour nommer les
produits ou les services désignés par la marque, dès lors
qu'il n'en existe pas d'autre pour désigner d'une manière aussi
précise ou aussi concise les produits en question.235(*) » Par exemple, les
termes « Software », « logiciel »,
« progiciel », ne sauraient être
déposés comme marque. Ensuite, par désignation
générique, l'on entend le signe qui définit non pas un
produit ou le service en cause, mais la catégorie, l'espèce ou le
genre, auquel appartient ce produit ou service236(*). Par exemple, les vocables
« Antivirus », « Logiciel de gestion »
ou « Logiciel Comptable » ne saurait constituer des marques
valables. Enfin, les signes descriptifs sont des signes qui
définissent, indiquent ou évoquent l'objet en cause dans sa
nature, dans ses propriétés ou dans ses qualités237(*).
La marque doit être aussi disponible. C'est dire
qu'elle ne doit pas être identique à une marque déjà
enregistrée pour la commercialisation de logiciels ou une marque
notoire, ni ne doit présenter de ressemblance avec une telle marque au
point de comporter un risque de confusion ou de tromperie. Par exemple, l'on ne
saurait déposer les termes « Microsoft » ou
« Mycrosoft ». De même, la marque n'est pas valable
quand elle reproduit, imite ou contient parmi ses éléments des
armoiries, drapeaux ou autres emblèmes, abréviation ou sigle ou
un signe ou poinçon officiel de contrôle et de garantie d'un Etat
ou d'une organisation intergouvernementale créée par une
convention internationale, sauf autorisation de l'autorité
compétente de cet Etat ou de cette Organisation.
En plus, la marque doit être licite. Autrement dit,
elle ne doit pas être contraire à l'ordre public ou aux bonnes
moeurs.
Par ailleurs, la marque ne doit pas être
déceptive. Une marque est déceptive quand elle est susceptible
d'induire en erreur le public ou les milieux commerciaux, notamment sur
l'origine géographique, la nature ou les caractéristiques des
produits ou services considérés. Par exemple, le terme
« E-santé » ne saurait être utilisé
pour désigner un logiciel d'archivage.
Dans un second temps, la constitution de la marque exige le
respect de formalités. Il s'agit du dépôt suivi de
l'enregistrement de la marque238(*).
Pour être propriétaire d'une marque, il faut
présenter une demande d'enregistrement ou, en d'autres termes, la
déposer. Cette formalité peut être accomplie suivant la
voie du dépôt direct, et, dans ce cas, la demande est
déposée directement à l'OAPI ou transmise par voie
postale ; ou par la voie du dépôt indirect, auquel cas la
demande est déposée ou adressée par pli postal au
ministère chargé de la propriété industrielle.
Le dossier d'enregistrement comprend la demande
d'enregistrement comportant les mentions obligatoires (Formulaire M301) ;
la pièce justificative du versement à l'Organisation de la taxe
de dépôt ; un pouvoir sous seing privé, sans timbre,
si le déposant est représenté par un mandataire ; le
document de priorité le cas échéant ; enfin, dans le
cas d'une marque collective, le règlement d'utilisation.
Le déposant, dans la demande, doit notamment indiquer
les produits auxquels s'applique la marque (en l'occurrence un logiciel) ainsi
que leurs classes conformément à l'arrangement de Nice. En
l'espèce, c'est la classe 9 qui correspond aux
« logiciels ». Cela dit, si le logiciel en lui-même
est un produit, il peut impliquer également des services annexes. Il
convient alors d'étendre la marque aux classes 38 (Services de
télécommunications) et 42 (conception et développement
d'ordinateurs et de logiciels).
Après le dépôt, le dossier
d'enregistrement est examiné par l'OAPI afin d'examiner sa
régularité tant au fond qu'en la forme. En cas
d'irrégularité, notification est faite au déposant. Un
délai de trois mois leur est alors accordé aux fins de
régularisation. Ce délai peut être prolongé de 30
jours sur demande justifiée du déposant ou de son mandataire.
À l'expiration de ce délai, toute demande non
régularisée est rejetée par décision du directeur
général de l'OAPI. Le déposant dispose d'une voie unique
de recours, la saisine du Conseil Supérieur de Recours.
Si la demande est régulière, le déposant
se voit attribué un certificat d'enregistrement, lequel certificat est
publié. Dès lors, il jouit d'un monopole sur la marque.
B : Les effets de la marque
de logiciel
Conformément à l'article 6.1 de l'annexe 3 de
l'ABR239(*),
l'enregistrement de la marque confère à son titulaire le droit
exclusif d'utiliser la marque, ou un signe lui ressemblant, pour les produits
ou services pour lesquels elle a été enregistrée, ainsi
que pour les produits ou services similaires. Autrement dit, le titulaire de la
marque jouit d'un monopole d'exploitation sur celle-ci. Mais,
« ce monopole ne porte que sur la marque
déposée240(*) ». C'est dire qu'il ne s'étend pas
au logiciel en lui-même, mais uniquement sur les signes qui
l'identifient.
En toute bonne logique, le droit exclusif d'utiliser la marque
de logiciel a comme corollaire celui d'en empêcher l'utilisation par un
tiers. À ce propos, le titulaire de la marque dispose de deux
actions : l'opposition à l'enregistrement et l'action en
contrefaçon.
L'opposition est adressée à l'OAPI, dans un
délai de 6 mois à compter de la publication du certificat
d'enregistrement, et permet au titulaire de faire radier l'enregistrement d'une
marque identique ou similaire à la sienne.
Le titulaire a aussi qualité pour exercer l'action en
contrefaçon de marque. Elle permet de sanctionner judiciairement les
agissements portant atteinte aux droits du titulaire de la marque de logiciel.
Ces agissements peuvent se résumer à quatre pratiques : la
reproduction, l'imitation et l'apposition de la marque d'autrui ainsi que
la contrefaçon par usage.
La contrefaçon par reproduction est la copie identique
ou quasi-identique de la marque afin de désigner des produits ou
services similaires à ceux désigné dans le certificat
d'enregistrement de la marque. En clair, il y contrefaçon par
reproduction d'une marque « lorsqu'un signe reproduit, sans
modification, ni ajout, tous les éléments constituant la marque,
ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des
différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues
aux yeux d'un consommateur moyen241(*) ». Dans un arrêt de 2009, le
Tribunal de Grande Instance de Paris déclarait qu'en
« (...) installant les logiciels Excel, Outlook, Powerpoint, Word
et Access appartenant à la société Microsoft Corporation
sans son autorisation et faisant apparaître sur l`écran de
l`ordinateur le signe Microsoft, la société Sarl Inos Innovation
Nouvelle Des Ordinateurs et Systèmes a commis des actes de
contrefaçon par reproduction de la marque "MICROSOFT"242(*) ».
La contrefaçon par imitation suppose de choisir
« un signe proche d'une marque protégée pour
identifier des produits identiques ou similaires à celle-ci de telle
sorte qu'il en résulte un risque de confusion du public243(*). » Au contraire de
la reproduction, l'imitation est un signe qui rappelle la marque authentique,
sans pour autant lui être identique. Le tribunal de Grande instance de
Paris « a condamné Microsoft pour contrefaçon de
marque et a ordonné la cessation de l'exploitation de la
dénomination "la boussole du net" sur le site internet encarta.msn.fr
ainsi que dans les CD-Rom de l'encyclopédie Encarta. En effet, une autre
marque "netboussole" correspondant à un logiciel appartenant à la
société Samaris avait été déposée
antérieurement244(*). »
La contrefaçon par apposition consiste en
l'utilisation frauduleuse par un tiers d'une marque authentique afin de
désigner ses produits ou les objets de son commerce. Dans cette
hypothèse, la marque n'est pas reproduite ou imitée par le
contrefacteur. Elle est authentique, mais apposée sur un produit autre
que celui émanant du titulaire de la marque ou sans l'autorisation de ce
dernier. L'on peut prendre comme illustration l'apposition d'une marque de
logiciel sur une copie contrefaisante ou sur un logiciel différent de
celui commercialisé par le titulaire de la marque.
La contrefaçon par usage est l'utilisation, à
des fins commerciales, d'une marque frauduleusement apposée, reproduite
ou imitée. Elle concerne au-delà de la marque produite ou
imitée, tout usage non autorisé d'une marque authentique. En ce
sens, la Cour d'appel de Paris a condamné l'association 112 Academy
à payer des dommages et intérêts à titre de
contrefaçon de marque, motif pris de ce
que : « --?fait usage de la marque 'Rescue code' sur
son site internet, dont le nom de domaine est 'www.112rescuecode.webs.com',
ainsi que sur sa page Facebook, intitulée www.facebook.com/112academy,
--?utilise également l'appellation 'Rescue code' pour distribuer son
propre produit, à savoir le bracelet muni d'un QR code contenant les
informations sur l'état de santé de son porteur.245(*) »
Par ailleurs, la contrefaçon de marque peut s'ajouter
à la contrefaçon du logiciel lui-même, augmentant de ce
fait le montant de l'indemnisation. Et, outre le paiement de
dommages-intérêts, la juridiction ordonne
généralement la cessation de l'exploitation illicite de la
marque.
Paragraphe 2 : Le droit de la
concurrence, moyen de protection non privatif du logiciel
Le droit de la concurrence sanctionne, outre les pratiques
anticoncurrentielles et restrictives de concurrence, la concurrence qui
s'accomplit de manière déloyale. En effet, « toute
concurrence n'est pas permise et doit être sanctionnée la
concurrence qui s'avérerait excessive et non loyale.246(*) » Ainsi, afin
d'obtenir la sanction de certains agissements déloyaux, l'on peut
exercer une action en concurrence déloyale (A) ou en parasitisme (B).
Le fondement de ces actions repose sur les articles 1382 et
1383 du Code civil relatifs la responsabilité civile délictuelle,
ce qui suppose la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de
causalité entre les deux. Dès lors, l'on peut recourir au droit
de la concurrence, chaque fois qu'une violation du droit d'auteur ne peut
être invoquée. Par ailleurs, ces demandes, bien que pouvant
être adjointes à la demande en contrefaçon, doivent
néanmoins découlées de faits distincts de la
contrefaçon247(*).
A : L'action en concurrence
déloyale
Le droit de la concurrence déloyale est une
création d'origine jurisprudentielle qui sanctionne les manquements
à la morale économique dans les rapports de concurrence248(*). En effet, toutes les formes
de concurrences ne sauraient être tolérées. À cet
égard, la concurrence déloyale désigne un
« ensemble de procédés commerciaux contraires
à la loi ou aux usages, constitutifs d'une faute intentionnelle ou non
de nature à causer un préjudice aux concurrents249(*) ».
Sous ce rapport, elle se distingue de la pratique commerciale
déloyale qui est interdite par l'article 60 de la loi n°2016-412 du
15 juin 2016 relative à la consommation, et se saisit comme une
pratique contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qui
altère, ou est susceptible d'altérer de manière
substantielle, le comportement économique du consommateur normalement
informé et raisonnablement attentif et avisé, à
l'égard d'un bien ou d'un service.
Comme mentionné supra, la concurrence déloyale
constitue une faute civile, laquelle « s'apprécie in
abstracto par rapport à un modèle d'éthique des
affaires250(*) ». À ce sujet, l'on identifie
généralement quatre comportements : le dénigrement,
l'imitation, la désorganisation de l'entreprise d'un concurrent et la
désorganisation du marché.
Nous mettrons, dans le cadre de notre étude, l'accent
sur l'imitation. L'imitation constitue un procédé déloyal
par le truchement duquel un concurrent vise à usurper le succès
d'une entreprise en créant une confusion dans l'esprit de la
clientèle. L'objectif final est de profiter de la
notoriété d'un concurrent et de détourner une partie de la
clientèle251(*).
L'imitation fautive peut porter sur les signes distinctifs ou
sur les produits eux-mêmes. Ainsi, les auteurs de logiciels peuvent
exercer une action en concurrence déloyale lorsqu'un concurrent met en
place un logiciel similaire au leur. Cela étant, l'examen des
ressemblances porte sur des éléments non protégés
par le droit d'auteur, qu'ils soient non protégeables ou non
originaux.
En ce sens, le TGI de paris a condamné pour concurrence
déloyale un concurrent qui commercialisait un logiciel similaire
à un autre. Les juges retenaient en substance :
« S'il ne peut être octroyé un monopole à la
société AppiMédia, sur ce type de jeux en ligne et sur
l'ergonomie de l'application contenant des fonctionnalités habituelles
et communes, il n'en demeure pas moins que la présentation de chacune
des applications est sans nécessité particulière,
similaire (...). En effet, il est repris un procédé certes
différent mais assurant la gratuité du jeu et le financement de
la cagnotte, une même fréquence de loteries (par jour, semaine,
mois et spéciale), une ergonomie proche, traduisant une démarche
volontaire afin de ressembler à l'application développée
initialement et caractérisant un comportement fautif contraire aux
usages des affaires et générant un risque de confusion dans
l'esprit de l'internaute, qui sera amené à associer les
applications concurrentes.252(*) » L'arrêt souligne que la similitude
entre les logiciels ne doit pas être nécessaire, c'est-a dire
dictée par des impératifs techniques ou les tendances
actuelles.
S'agissant du préjudice, l'examen de la jurisprudence
permet de conclure qu'il se déduit de la faute253(*). En effet, même si un
détournement de la clientèle ne peut être prouvé
notamment par une diminution du chiffre d'affaires, la concurrence
déloyale entraîne toujours un trouble commercial
générant un préjudice, fût-il seulement
moral254(*).
En somme, l'action en concurrence déloyale peut
permettre aux auteurs de logiciels de protéger leurs
intérêts. Mais ils peuvent également agir en concurrence
parasitaire.
B : L'action en
parasitisme
En biologie, le parasite est un être vivant qui tire les
substances nutritives d'un être vivant d'une autre espèce
(appelée hôte), sur lequel cette association a
généralement un effet négatif. Dans le langage courant, ce
vocable renvoie à une personne qui vit aux dépens d'une autre ou
de la société. On remarque ainsi que le parasite exploite
injustement une autre personne.
Cette idée se ressent également dans la notion
juridique de parasitisme. Le parasitisme est le « fait pour un
commerçant de chercher à profiter, sans créer
nécessairement la confusion, de la réputation d'un concurrent ou
des investissements réalisés par celui-ci.255(*) »
Concrètement, « l'entreprise parasite cherche à
utiliser pour son propre profit le succès commercial, la
notoriété ou les investissements intellectuels
d'autrui.256(*) »
À l'examen, l'on constate que les juridictions
combinent généralement la concurrence déloyale et le
parasitisme. D'ailleurs, « à l'origine, le parasitisme
était considéré par la jurisprudence comme une forme de
concurrence déloyale »257(*). Mais, il convient de souligner que ces notions ne
sont pas en tous points identiques. La principale différence est que le
parasitisme peut être constaté, même lorsque les
commerçants n'ont pas de rapport de concurrence258(*), alors que la concurrence
déloyale présuppose ce rapport de concurrence.
Cependant, à la vérité, la concurrence
déloyale peut se superposer au parasitisme. C'est ce qu'affirmait la
Cour de cassation dans un arrêt de 1999 : « le
comportement parasitaire est un acte de concurrence déloyale lorsqu'il
concerne, comme en l'espèce, des entreprises en situation de
concurrence259(*) ». En d'autres termes, les agissements
parasitaires sont également des faits de concurrence déloyale,
quand les acteurs entretiennent un rapport concurrentiel.
Les juges ont pu indemniser des éditeurs de logiciels,
au motif que leurs logiciels avaient été
« parasités ». Ainsi, dans un arrêt de 2018,
la cour de Cassation a retenu que la Cour d'appel, tout en rejetant la
contrefaçon , avait prononcé, à bon
droit, une condamnation pour parasitisme en présence de logiciels au
comportement similaire : « Attendu que, relevant que les
ressemblances constatées entre les logiciels en présence,
relatives aux spécifications fonctionnelles générales
ainsi qu'à la présentation des écrans, à leur
contenu et à leur séquencement, avaient pour origine les
nombreuses captures d'écran du logiciel TSM, l'arrêt retient que
de tels actes caractérisent une appropriation du savoir-faire de la
société 3DSoft réalisée en trompant la confiance de
cette dernière, qui a permis aux sociétés Toyota
d'éviter de supporter des investissements financiers et un risque
économique ; que la cour d'appel, qui n'a pas relevé d'office un
moyen de droit nouveau, a, par ces seuls motifs, légalement
justifié sa décision260(*) ». Suivant la même logique, la
société canadienne Softimage Inc. a été
condamnée pour parasitisme au motif qu'elle avait conçu un
logiciel en utilisant le travail et le savoir-faire d'autrui, et que ce
détournement lui avait permis de réaliser des économies
importantes au détriment des victimes261(*).
Par ailleurs, « Dans un cas d'espèce
similaire, par un jugement rendu le 11 avril 2018, le Tribunal de commerce
de Versailles a prononcé la condamnation de la société
Wanadev pour des pratiques de « concurrence déloyale et
parasitaire » après avoir constaté que celle-ci avait
utilisé des éléments de design du logiciel
« HomeByMe » créé par la
société Dassault Systèmes et avait ainsi tiré
indûment profit de son investissement financier et intellectuel en
concluant un contrat avec ADEO, société avec laquelle Dassault
Systèmes se trouvait simultanément en
négociations 262(*)». En résumé, l'action en
parasitisme peut permettre de combler certains angles morts de la protection
des logiciels par droit d'auteur.
CONCLUSION GENERALE
Comme nous le précisions dès l'entame de cette
étude, l'objectif de notre mémoire était de
déterminer si le droit d'auteur offrait une protection satisfaisante aux
auteurs logiciels. En effet, bien plus que toute autre oeuvre de l'esprit, le
logiciel laissait planer des doutes quant à l'efficacité et la
pertinence de la propriété littéraire et artistique, en
raison de sa nature fonctionnelle.
Il est apparu que la propriété littéraire
et artistique protégeait expressément les formes d'expression du
logiciel, c'est-à-dire le code source et le code objet. Nous avons
également démontré que le droit d'auteur pouvait, à
certains égards, couvrir les travaux de conception préparatoire,
la documentation d'utilisation et l'interface du logiciel. Le
législateur ivoirien, en incluant le logiciel dans la catégorie
des oeuvres de l'esprit, permet aux développeurs d'exercer un monopole
financier et moral sur leurs créations, lequel monopole est
sanctionné judiciairement par l'action en contrefaçon.
Mais nous avons pu constater que cette protection comportait
certaines insuffisances. D'abord, s'agissant d'une protection privative sans
titre, son existence est incertaine d'autant que l'examen de la jurisprudence
permet de constater que la preuve des conditions de protection par le droit
d'auteur est examinée avec sévérité par les
juridictions. Ensuite, les auteurs salariés sont
désavantagés dans la mesure où les droits patrimoniaux sur
leur logiciel sont automatiquement transférés à
l'employeur, sans contrepartie pour ce dernier de leur verser une
rémunération compensatrice. Enfin, la durée de protection
que prévoit le droit d'auteur est inutilement excessive, compte tenu des
exigences du monde informatique, ce qui en fait un frein. Cependant, le
désavantage majeur de la propriété littéraire et
artistique est qu'elle est limitée quant à son objet. Certes,
elle s'applique parfaitement aux éléments littéraires du
logiciel, mais elle délaisse complètement les
éléments fonctionnels du logiciel alors que ces derniers
constituent le principal intérêt d'un programme d'ordinateur.
Tout cela nous a permis de conclure que la protection des
auteurs de logiciels, en l'état actuel, était inadaptée et
insatisfaisante au regard des exigences du monde informatique. Ce constat a,
dès lors, suscité en nous deux réactions.
La première était de proposer des perspectives
d'évolution de la loi ivoirienne sur le droit d'auteur. À ce
titre, nous avons envisagé que le législateur ivoirien pourrait,
à la faveur d'une éventuelle modification législative,
prévoir une indemnité obligatoire de transfert des droits
patrimoniaux des auteurs de logiciel salariés. De plus, il nous est
apparu nécessaire d'instituer une présomption simple
d'originalité afin de donner du sens et de la teneur au droit d'auteur.
Par ailleurs, nous avons montré qu'en qualifiant le logiciel d'oeuvre
des arts appliqués, l'on pourrait réduire la durée de
protection manifestement excessive qui est de nature à freiner
l'innovation.
Après, la seconde réaction a été
de rechercher des méthodes auxquelles pourraient immédiatement
recourir les auteurs de logiciels. Elles sont principalement de deux
ordres : les méthodes complémentaires et les méthodes
supplémentaires.
Nous avons présenté les méthodes
complémentaires comme les techniques qui pouvaient combler certaines
failles du droit d'auteur, en facilitant ainsi l'exploitation. Il s'agit, en
premier lieu, du constat de création de logiciel qui devrait faciliter
la preuve de la paternité des créateurs sur leurs
créations, au moyen d'un acte authentique. En second lieu, nous avons
envisagé la licence comme moyen de renforcer les droits des auteurs par
la limitation et le contrôle de leurs obligations ainsi que des droits
des utilisateurs.
Par la suite, nous avons montré des méthodes
supplémentaires que les auteurs pouvaient employer afin d'étendre
la protection de leurs intérêts. Au premier abord, le droit des
marques qui protègent la notoriété et l'image du logiciel.
Bien qu'il ne porte pas sur le logiciel en lui-même le droit des marques
protège indirectement le logiciel, en permettant d'agir contre toutes
les copies du logiciel ne provenant pas de l'auteur. Dans ce cas, l'action en
contrefaçon de marque se superpose à l'action en
contrefaçon de logiciel.
Au second abord, le droit de la concurrence qui, comme des
exemples jurisprudentiels français le montrent, peut servir de moyen de
protection des éléments du logiciel non protégés
par le droit d'auteur. Ainsi, le comportement du logiciel en
général, et ses fonctionnalités en particulier, peuvent
être protégés par une action en concurrence déloyale
et/ou une action en parasitisme. Cependant, ces actions constituent des moyens
de protection non privatifs, dont l'efficacité dépend du
résultat d'une instance en justice. À ce titre, ils sont
également marqués du seau de l'incertitude.
Par conséquent, il ressort que le seul moyen de
protéger efficacement les logiciels dans l'espace OAPI en
général, et la Côte d'Ivoire en particulier, serait
d'autoriser la brevetabilité des fonctionnalités des logiciels,
or, en l'état actuel des choses, ces derniers ne sont pas brevetables en
tant que tels.
Pour terminer, nous avons conscience que notre étude
était orientée du côté des auteurs de logiciels, et
nous n'occultons pas qu'elle pourrait être examinée du point de
vue des utilisateurs de logiciels, notamment en ce qui concerne la
responsabilité des auteurs de logiciels et la gestion des données
personnelles des utilisateurs. Mais, à la vérité, nous
n'entendions point épuiser la question de la protection des logiciels.
D'ailleurs, vu l'immensité du chantier, cela eût été
contreproductif. Alors, nous comptons bien clore notre étude sur ces
dernières lignes, en laissant à d'autres la mission d'explorer
les méandres de ce sujet.
BIBLIORGAPHIE
Législations :
1. Loi n°2016-886 du 08 novembre 2016 portant
Constitution de République de Côte d'Ivoire
2. Accord de Bangui instituant une organisation africaine de la
propriété intellectuelle, acte du 14 décembre 2015
3. Directive n°02/2018/CM/UEMOA portant harmonisation des
dispositions relatives au droit d'auteur et aux droits voisins dans le domaine
de l'image au sein de l'UEMOA
4. Loi n°2016-555 relative au droit d'auteur et aux droits
voisins publié au journal officiel du jeudi 20 octobre 2016
Ouvrages généraux :
1. H. ABISSA, Droit du travail, Les éditions ABC,
Abidjan, 2ème édition, 2021, 555 p.
2. C. ATIAS, Droit civil les biens, LexisNexis Litec,
Paris, 11ème édition, 2011, 440 p.
3. A. BERTRAND, Le droit d'auteur et les droits voisins,
Masson, Paris, 1991, 796 p.
4. A. BENSOUSSAN, Informatique, télécoms, internet
: Réglementation, contrats, fiscalité, communications
électroniques, Éditions Francis Lefebvre, 2012, 1103p.
5. Y. BISMUTH, Droit de l'informatique :
éléments de droit à l'usage des informaticiens,
L'Harmattan, Paris, 2011, 446 p.
6. C. CARON, Droit d'auteur et droits voisins,
LexisNexis Litec, Paris, 2006, 508 p.
7. P.-Y. GAUTIER, Propriété littéraire
et artistique, PUF, Paris, 5ème édition, 2004, 935 p.
8. M. MENJUCQ, Droit commercial et des affaires,
Gualino, 9ème édition, 2015,263(*) 188 p.
9. P. ROUBIER, Le droit de la propriété
industrielle, Librairie du Recueil Sirey, 1952.
10. F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil les
obligations, Dalloz, Paris, 7ème édition, 1999, 1294 p.
11. M. VIVANT, J.-M. BRUGUIERE, Droit d'auteur, Dalloz,
Paris, 2009, 814 p.
Ouvrages spécialisés :
1. C. D. DJOMGA, La contrefaçon des logiciels dans
l'espace OAPI, Étude comparée de l'ABR révisé et
des législations du Sénégal, du Gabon, de la Côte
d'Ivoire et du Cameroun, Les Éditions ISIS, 2011, 74 p.
2. N. ETRANNY, Propriété littéraire et
artistique : 111 clés pour comprendre le droit d'auteur,
L'Harmattan, 2012, 112 p.
3. I. M. KOUM DISSAKE, La protection des logiciels par le
droit des marques dans l'espace OAPI, Éditions universitaires
européennes, 2012, 114 p.
4. B. SCHAMING, Le droit du logiciel, LA VILLEGUERIN
Éditions, 1990, 416 p.
Articles :
1. M. BEHAR-TOUCHAIS, Comment indemniser la victime de la
contrefaçon de manière satisfaisante? in L'entreprise
face à la contrefaçon des droits de propriété
intellectuelle, Actes du colloque de l'IRPI, 2003.
2. R. DESY, La protection par le droit d'auteur des logiciels
créés par des employés en droit comparé et
international, Thémis, 1996.
3. S. VERVILLE, La notion d'épuisement des droits :
évolution et rôle actuel en commerce international, Les
Cahiers de propriété intellectuelle, 2006.
4. Horn, F. (2007). II. L'importance croissante des logiciels :
la « logicialisation » de l'activité économique et
sociale. Dans : François Horn éd., L'économie des
logiciels (pp. 24-40). Paris: La Découverte.
5. F. MACREZ, Logiciel : le cumulard de la
propriété intellectuelle in L'articulation des droits de
propriété intellectuelle, Dalloz, 2011.
6. Franck Macrez, Vers un droit spécifique pour le
logiciel ? Retour vers le futur d'une protection amphibie in Christophe
Geiger; Matthieu Dhenne, Les inventions mises en oeuvre par ordinateur :
enjeux, pratiques et perspectives, LexisNexis, Collection du CEIPI, 2019,
ffhal-04105663f.
7. M.-H. LOUTFI, Réflexions sur la protection
juridique des logiciels, Bulletin du droit d'auteur, XXIII(4), 1989.
8. S. K. VERMA, L'étendue de la protection de la
propriété intellectuelle en matière de logiciel en
Inde in Brevet, innovation et intérêt
général. Le brevet pourquoi et pour faire quoi ? Actes du
colloque Louvain-la-Neuve organisé par la Chaire Arcelor, sous la
direction de Bernard Remiche, Larcier, 2006.
Thèses :
1. B. BUTR-Indr, La Contrefaçon des droits de
propriété intellectuelle : Étude comparative en droits
français et thaïlandais, thèse, Université
Panthéon-Assas, 2012.
2. Jonathan Keller, La notion d'auteur dans le monde des
logiciels, Droit, thèse, Université de Nanterre-Paris X,
2017. Français. NNT : 2017PA100195. tel-01896051.
3. J.-P. KOSSO OMAMBODI, La preuve de la qualité
d'auteur en droit d'auteur, thèse, Université de Nantes,
2017.
4. M. RIKABI, Les droits de la propriété
intellectuelle et l'intérêt général (Approche en
droit d'auteur et en droit des brevets), thèse, Université
d'Aix-Marseille, 2019.
5. A. SAINT-MARTIN, Créations immatérielles et
responsabilité civile : Le recours à la responsabilité
civile délictuelle de droit commun pour la protection des
créations immatérielles, thèse, Université
Montpellier 1, 2006.
6. Théo Sougy, L'originalité, unique condition
à la protection du droit d'auteur : vérification par
l'application aux créations audiovisuelles, Droit, thèse,
Université Jean Moulin - Lyon III, 2022. Français. NNT :
2022LYO30042. tel-04144622.
Mémoires :
1. A. AUBERT, « Brevet de logiciel » : quelle
portée ?, mémoire, Université Montpellier I, 2001.
2. I. BA, La protection des logiciels propriétaires
dans un environnement numérique, mémoire, Université
Gaston Berger de Saint-Louis, 2005.
3. N. BEN ALI, La lutte contre la contrefaçon des
marques au Maroc; quelle perspective?, mémoire, Université
Sidi Mohammed Ben Abdellah, 2008.
4. G. BOUVIGNE, Brevet et Open source : combiner
l'incombinable, mémoire, Université de Strasbourg, 2019.
5. E. DESHOULIERES, Le droit moral de l'auteur sur les
oeuvres numériques, mémoire, Université
Panthéon-Assas (Paris II), 2006.
6. E. GAILLARD, La protection des programmes d'ordinateurs :
comparaison des systèmes européens et étasuniens,
mémoire, Université Toulouse I Capitole, 2018.
7. J. LAOUARI, La brevetabilité des logiciels,
mémoire, Université de Montréal, 2005.
Ressources du web :
1. M. PATUREL, J. RONDOT, Contrefaçon et concurrence
déloyale sur le marché français de l'édition de
logiciels, [15 mai 2024].
Lien
2. B. SFEZ, B. DELEPORTE, Droits d'utilisation des logiciels
: de la nécessaire gestion des licences au sein de l'entreprise,
[10 mai 2024].
Lien
3. A. BAMDE, La protection juridique du logiciel
créé au sein d'une entreprise, [16 avr. 2024].
Lien
4. N. ARNAUD, La médiation, un moyen d'éviter
l'aléa judiciaire, [21 mars 2024].
Lien
5. C. CHAMPAGNER KATZ, La preuve de la qualité
d'auteur : un préalable indispensable à l'action en
contrefaçon de droit d'auteur, [21 mars 2024].
Lien
6. C. URMAN, Concepteurs de logiciels : savez-vous si votre
création est originale ?, [5 févr. 2024].
Lien
7. La Langue Française, Fonctionnalité, [8
févr. 2024].
Lien
8. Dictionnaire Juridique, Logiciel, [8 févr.
2024].
Lien
9. IONOS, Code source : définition et exemples,
[8 févr. 2024].
Lien
10. Informatique en Prépas, Quelle est la
différence entre un programme et un logiciel ?, [8 févr.
2024].
Lien
11. Business France, Les Logiciels en Côte
d'Ivoire, 2020, p.1 [06.06.2024] :
Lien
12. Logiciels - Le taux de piratage s'élève
à 79% en Côte d'Ivoire, [06.06.2024] :
Lien
TABLES
DES MATIERES
INTRODUCTION
6
Partie 1 : UNE PROTECTION EXPRESSE DES
LOGICIELS
13
Chapitre 1 : L'accès du logiciel
à la protection par le droit d'auteur
13
Section 1 : La détermination de l'objet
de protection du droit d'auteur
13
Paragraphe 1 : Les éléments
protégés en tant que forme d'expression du logiciel
14
A : La programmation du logiciel
14
B : Le matériel de conception
préparatoire
16
Paragraphe 2 : Les éléments
protégés en tant que partie autonome
17
A : Les éléments
littéraires
17
B : L'interface graphique du logiciel
19
Section 2 : Le respect par le logiciel de la
condition d'originalité
20
Paragraphe 1 : L'originalité, condition
suffisante et nécessaire de protection
20
A : Une condition nécessaire
20
B : Une condition suffisante
22
Paragraphe 2 : L'appréciation de
l'originalité en droit ivoirien
23
A : Le caractère unique du logiciel
23
B : Les choix personnels du programmeur
25
Chapitre 2 : Les prérogatives
accordées à l'auteur du logiciel
26
Section 1 : L'attribution d'un monopole
à l'auteur du logiciel
27
Paragraphe 1 : Les droits extrapatrimoniaux de
l'auteur d'un logiciel
27
A : Le droit de communiquer le logiciel au
public
28
B : Le droit d'assurer
l'intégrité du logiciel
29
Paragraphe 2 : Les droits patrimoniaux ou
droits d'exploitation des auteurs de logiciels
30
A : Le droit de commercialisation du
logiciel
31
B : Le droit de reproduction du logiciel
32
Section 2 : La défense des auteurs de
logiciels par l'action en contrefaçon
34
Paragraphe 1 : La caractérisation du
délit civil de contrefaçon
35
A : Le caractère frauduleux de la
contrefaçon
35
B : Les actes matériels de
contrefaçon
37
Paragraphe 2 : Les sanctions civiles de la
contrefaçon de logiciel
39
A : La réparation en
équivalent
39
B : La réparation en nature
41
PARTIE 2 : UNE PROTECTION PERFECTIBLE DES
LOGICIELS
43
Chapitre 1 : Les insuffisances de la
protection du logiciel par le droit d'auteur
43
Section 1 : Les limites internes du droit
d'auteur et la protection des logiciels
43
Paragraphe 1 : L'inexistence d'une
réelle protection a priori des auteurs de logiciel
44
A : L'absence de publicité du droit de
l'auteur de logiciel
44
B : La nature défensive du droit
d'auteur
46
Paragraphe 2 : La non-protection de l'aspect
fonctionnel des logiciels
47
A : Le rejet de la protection des
fonctionnalités des logiciels
48
B : Le caractère préjudiciable
de l'absence de protection des fonctionnalités
49
Section 2 : La mise à mal des
développeurs de logiciels par le droit d'auteur
51
Paragraphe 1 : La fragilisation des droits du
développeur salarié
51
A : La transmission automatique des droits
patrimoniaux du programmeur salarié
51
B : Une transmission désavantageuse
pour l'auteur de logiciel salarié
53
Paragraphe 2 : Le droit d'auteur, frein au
processus de création du logiciel
55
A : Une durée excessive de protection
des logiciels
55
B : Le silence du droit ivoirien relativement
à l'interopérabilité
57
Chapitre 2 : Les moyens de consolidation des
droits des auteurs de logiciels
59
Section 1 : Les moyens complémentaires
de consolidation du droit d'auteur
60
Paragraphe 1 : La constatation de la
création du logiciel par un commissaire de justice
60
A : Le procès-verbal constat de
création d'un logiciel
60
B : Les avantages de la constatation de la
création du logiciel
62
Paragraphe 2 : La licence d'utilisation du
logiciel
64
A : La limitation des droits de l'utilisateur
du logiciel
64
B : Le contrôle de l'utilisation du
logiciel
66
Section 2 : Les moyens supplémentaires
de protection des auteurs de logiciels
68
Paragraphe 1 : Le droit des marques, moyen de
sécurisation de la notoriété du logiciel
68
A : La constitution de la marque de
logiciel
68
B : Les effets de la marque de logiciel
71
Paragraphe 2 : Le droit de la concurrence,
moyen de protection non privatif du logiciel
73
A : L'action en concurrence
déloyale
73
B : L'action en parasitisme
75
CONCLUSION GENERALE
78
BIBLIORGAPHIE
81
TABLES DES MATIERES
85
* 1Horn, François.
« II. L'importance croissante des logiciels : la «
logicialisation » de l'activité économique et
sociale », François Horn
éd., L'économie des logiciels. La
Découverte, 2007, pp. 24-40.
* 2Ibid.
* 3A. BERTRAND, Le droit
d'auteur et les droits voisins, Masson, 1991, p.470.
* 4 Business France, Les
Logiciels en Côte d'Ivoire, 2020, p.1 [06.06.2024] :
Lien
* 5 Logiciels - Le taux
de piratage s'élève à 79% en Côte d'Ivoire,
[06.06.2024] :
Lien
* 6Informatique en
Prépas, Quelle est la différence entre un programme et un
logiciel ?, [8 févr. 2024].
Lien
* 7Jonathan Keller. La notion
d'auteur dans le monde des logiciels. Droit. Université de
Nanterre-Paris X, 2017. Français. p.8. NNT :
2017PA100195.tel-01896051
* 8Informatique en
Prépas, Quelle est la différence entre un programme et un
logiciel ?, [8 févr. 2024].
Lien
* 9Article 1 de la de la loi
n°2016-555 relative au droit d'auteur et aux droits voisins publié
au journal officiel du jeudi 20 octobre 2016.
* 10G. CORNU, Vocabulaire
juridique, PUF, 12? Ed, p.824.
* 11I. M. KOUM DISSAKE,
La protection des logiciels par le droit des marques dans l'espace
OAPI, Éditions universitaires européennes, 2012, p.4.
* 12C. ATIAS, Droit
civil les biens, LexisNexis Litec, Paris, 11ème édition,
2011, p.112.
* 13M. VIVANT, J.-M.
BRUGUIERE, Droit d'auteur, Dalloz, 2009, p.5.
* 14Macrez, F. (2011).
Logiciel : le cumulard de la propriété intellectuelle. In
L'articulation des droits de propriété intellectuelle, Dalloz.
pp. 47-63.
* 15Ibid.
* 16M. VIVANT, J.-M.
BRUGUIERE, op. cit., p. 88.
* 17Franck Macrez. Vers un
droit spécifique pour le logiciel ? Retour vers le futur d'une
protection amphibie. Christophe Geiger; Matthieu Dhenne. Les inventions mises
en oeuvre par ordinateur : enjeux, pratiques et perspectives, LexisNexis, 2019,
Collection du CEIPI. ffhal-04105663f
* 18 Franck Macrez. Vers un
droit spécifique pour le logiciel ? Retour vers le futur d'une
protection amphibie. Christophe Geiger; Matthieu Dhenne. Les inventions mises
en oeuvre par ordinateur : enjeux, pratiques et perspectives, LexisNexis, 2019,
Collection du CEIPI. ffhal-04105663f
* 19Jonathan Keller. La
notion d'auteur dans le monde des logiciels. Droit. Université de
Nanterre-Paris X, 2017. Français, NNT : 2017PA100195.tel-01896051,
p.59.
* 20 Accord de Bangui
instituant une organisation africaine de la propriété
intellectuelle, acte du 14 décembre 2015
* 21Article 6 de l'annexe 1
de l'ABR.
* 22 A. AUBERT, «
Brevet de logiciel » : quelle portée ?, Mémoire,
Université Montpellier I, 2001, p.6.
* 23Jonathan Keller. La
notion d'auteur dans le monde des logiciels. Droit. Université de
Nanterre-Paris X, 2017. Français. NNT : 2017PA100195.tel-01896051,
p.58.
* 24Article 10 du
traité de l'OMPI publié par le Bureau international de l'OMPI.
* 25Article 9-3 de la
directive 2001/29/CE sur les droits d'auteurs et droits voisins dans la
société de l'information
* 26P. ROUBIER, Le droit
de la propriété industrielle, Librairie du Recueil Sirey,
1952, p.3.
* 27A. BERTRAND, Le
droit d'auteur et les droits voisins, Masson, Paris, 1991, p.475
* 28 Trois
sociétés condamnées pour une contrefaçon de
logiciels en Afrique, [06.06.2024],
Lien
* 29A. BERTRAND, op.
cit., pp.475-476.
* 30 Accord de Bangui
instituant une organisation africaine de la propriété
intellectuelle, acte du 14 décembre 2015
* 31 Loi n°2016-555
relative au droit d'auteur et aux droits voisins publiée au journal
officiel du jeudi 20 octobre 2016.
* 32
* 33M. VIVANT, J.-M.
BRUGUIERE, op. cit., p.95. Ces auteurs trouvent ridicule le rattachement du
logiciel à la catégorie des oeuvres littéraires, ce qu'ils
traduisent dans cette formule ironique : « le logiciel se trouve
ainsi placé quelque part entre Proust et Hemingway ».
* 34C. D. DJOMGA, La
contrefaçon des logiciels dans l'espace OAPI, Étude
comparée de l'ABR révisé et des législations du
Sénégal, du Gabon, de la Côte d'Ivoire et du Cameroun,
Les Éditions ISIS, 2011, p.30.
* 35Y. BISMUTH, Droit de
l'informatique : éléments de droit à l'usage des
informaticiens, L'Harmattan, 2011, p.75.
* 36Jonathan Keller. La
notion d'auteur dans le monde des logiciels. Droit. Université de
Nanterre-Paris X, 2017. Français. NNT : 2017PA100195.tel-01896051,
p.20
* 37Ces extensions, choisies
à titre d'illustration, correspondent au langage de programmation C.
* 38C. D. DJOMGA, op. cit.,
p.31
* 39Jonathan Keller. La
notion d'auteur dans le monde des logiciels. Droit. Université de
Nanterre-Paris X, 2017. Français. NNT : 2017PA100195.tel-01896051,
p.22.
* 40IONOS, Code source :
définition et exemples, [8 févr. 2024].
Lien
* 41Ces extensions, choisies
arbitrairement à des fins illustratives, correspondent également
au langage de programmation C.
* 42TJ Paris, 25 nov. 2022,
21/01 835
* 43C. D. DJOMGA, op. cit.,
p.33
* 44Jonathan Keller. La
notion d'auteur dans le monde des logiciels. Droit. Université de
Nanterre-Paris X, 2017. Français. NNT : 2017PA100195.tel-01896051,
p.23
* 45Ass. Plén, 7 mars
1986, 83-10.477
* 46TGI Paris, 15 avril
2022, 19/8079
* 47Dictionnaire Juridique,
Logiciel, [8 févr. 2024].
Lien
* 48Y. BISMUTH, op.
cit., p.75
* 49A. BENSOUSSAN,
Informatique, télécoms, internet : Réglementation,
contrats, fiscalité, communications électroniques,
Éditions Francis Lefebvre, 2012 p.25.
* 50 Bertrand LIAUDET,
CONCEPTION des SYSTÈMES d'INFORMATION UML, Epitech 3 - Automne 2007,
p.2.
* 51 Ibid.
* 52CA Toulouse, 9 octobre
2007, 05/02 806
* 53 Loi n°2016-555
relative au droit d'auteur et aux droits voisins publié au journal
officiel du jeudi 20 octobre 2016.
* 54Jonathan Keller. La
notion d'auteur dans le monde des logiciels. Droit. Université de
Nanterre-Paris X, 2017. Français. NNT : 2017PA100195.tel-01896051,
p.103.
* 55 CA Toulouse, 9 oct.
2007, 05/02 806.
* 56Jonathan Keller. La
notion d'auteur dans le monde des logiciels. Droit. Université de
Nanterre-Paris X, 2017. Français. NNT : 2017PA100195.tel-01896051,
p.103.
* 57Jonathan Keller. La
notion d'auteur dans le monde des logiciels. Droit. Université de
Nanterre-Paris X, 2017. Français. NNT : 2017PA100195.tel-01896051,
p.103
* 58CA Paris, 4è Ch.,
1er juin 1994. [08/02/2024].
Lien
* 59CJUE, 2 mai 2012, SAS
Institute Inc. / World Programming Ltd. [08/02/2024].
Lien
* 60 Op. cit.
* 61CA Paris 4è ch.,
sect. B, 17 février 2006. [08/02/2024].
Lien
* 62CA Paris, 4è Ch.,
6 oct. 1995. [08/02/2024].
Lien
* 63C. D. DJOMGA, op. cit.,
p.33
* 64CJUE, 22 décembre
2010, affaire Bezpeènostní softwarová asociace.
[08/02/2024].
Lien
* 65TC de Meaux, 17
décembre 1996. [08/02/2024].
Lien
* 66TGI Paris, 15 avril
2022, 19/8079
* 67P.-Y. GAUTIER,
Propriété littéraire et artistique, PUF,
5ème édition, 2004, p.49
* 68C. CARON, Droit
d'auteur et droits voisins, LexisNexis Litec, 2006, p. 65
* 69B. SCHAMING, Le
droit du logiciel, LA VILLEGUERIN Éditions, 1990, p.56
* 70C. CARON, op. cit., p.
66
* 71TGI Paris, 13 octobre,
2016, RG 15/15 617.
* 72Ass. Plén, 7 mars
1986, 83-10.477, dit arrêt Pachot
* 73Civ. 19 nov. 1991,
n° 90-17031
* 74Civ. 1, 17 mars 2016,
n° 14-27990
* 75Civ. 1, 14 nov. 2013,
n° 12-20687
* 76Civ. 1, 2 mars 1999,
n° 97-10179
* 77M. Rikabi, Les
droits de la propriété intellectuelle et l'intérêt
général (Approche en droit d'auteur et en droit des
brevets), thèse, Université d'Aix-Marseille, 2019, p.152
* 78 Op. cit.
* 79Article 5 alinéa
2 de la loi n°2016-555 relative au droit d'auteur et aux droits voisins
publié au journal officiel du jeudi 20 octobre 2016.
* 80 C. D. DJOMGA, op. cit.,
pp.17-18.
* 81Article 5 alinéa
1 de la loi n°2016-555 relative au droit d'auteur et aux droits voisins
publié au journal officiel du jeudi 20 octobre 2016.
* 82B. SCHAMING, op. cit.,
p.62
* 83Théo Sougy.
L'originalité, unique condition à la protection du droit d'auteur
: vérification par l'application aux créations audiovisuelles.
Droit. Université Jean Moulin - Lyon III, 2022, p.119. Français.
NNT : 2022LYO30042. tel-04144622
* 84Rapport sous Ass.
Plén., 7 mars 1986, RDPI 1986, n° 3, p. 206.
* 85Théo Sougy.
L'originalité, unique condition à la protection du droit d'auteur
: vérification par l'application aux créations audiovisuelles.
Droit. Université Jean Moulin - Lyon III, 2022, p.119. Français.
NNT : 2022LYO30042. tel-04144622
* 86 Théo Sougy.
L'originalité, unique condition à la protection du droit d'auteur
: vérification par l'application aux créations audiovisuelles.
Droit. Université Jean Moulin - Lyon III, 2022, p.120. Français.
NNT : 2022LYO30042. tel-04144622
* 87B. SCHAMING, op. cit.,
p.65
* 88B. SCHAMING, op. cit.,
p.62
* 89B. SCHAMING, op. cit.,
p.60
* 90 CA, Douai, 1re ch., 2e
sect., 5 Avril 2018 n° 16/04545
* 91Tribunal d'Instance de
Tokyo (WA) n°10867 [1978], 6 décembre 1982, 482Hannei Times
* 92 CA Paris, 4? ch., 04
févr. 2004
* 93 CA Versailles, 9? ch.,
23 févr. 2005
* 94 Cass, 1?? civ., 22 mars
2011
* 95C. URMAN,
Concepteurs de logiciels : savez-vous si votre création est
originale ?, [5 févr. 2024].
Lien
* 96C. CARON, op. cit.,p.
188
* 97E. DESHOULIERES, Le
droit moral de l'auteur sur les oeuvres numériques, mémoire,
Université Panthéon-Assas (Paris II), 2006, p.12
* 98 Op. cit.
* 99 Ibid.
* 100Le Titre IX de
l'annexe 1 de l'ABR prévoit un régime de licences non volontaires
permettant à un exploitant d'obtenir par voie judiciaire l'autorisation
d'exploiter une invention objet d'un brevet.
* 101E. DESHOULIERES, op.
cit., p.24.
* 102C. CARON, op. cit.,
p.200.
* 103C. CARON, op. cit.,
p.203.
* 104E. DESHOULIERES, op.
cit., p.27.
* 105Cette condition n'est
pas prévue en droit Allemand.
* 106 Op. cit.
* 107B. SCHAMING, op. cit.,
p.174.
* 108La
représentation s'entend de la communication de l'oeuvre au public par
récitation, télédiffusion, exécution publique ou
plus généralement par tous moyens. Nous passerons sous silence le
droit de représentation du logiciel qui est, à notre sens, peu
pertinent au regard du programme d'ordinateur.
* 109Il ne concerne que les
oeuvres graphiques et plastiques, par conséquent, il ne s'applique point
au logiciel.
* 110 Software as a Service
* 111 Directive
n°02/2018/CM/UEMOA portant harmonisation des dispositions relatives au
droit d'auteur et aux droits voisins dans le domaine de l'image au sein de
l'UEMOA
* 112On entend par copie
servile, la copie identique en tous points d'un logiciel ou d'une autre
création.
* 113La notion
jurisprudentielle de copie quasi servile exprime la copie
réalisée avec d'infimes différences, si bien que le public
pourrait la confondre avec la création originale.
* 114B. SCHAMING, op. cit.,
p.174
* 115 Op. cit.
* 116 Op. cit.
* 117 Op. cit.
* 118Nous avons opté
pour le terme transformation dans l'optique d'éviter la
répétition du vocable adaptation. Mais, en réalité,
la traduction et l'arrangement d'un logiciel constitue, à n'en point
douter, une adaptation. C'est pourquoi, nous désignerons
également par adaptation ces droits, pour la suite.
En ce sens : Loutfi, M.-H. (1989). Réflexions sur
la protection juridique des logiciels. Bulletin du droit d'auteur, XXIII(4).
p.20
* 119I. BA, op. cit.,
p.32
* 120Le vocable
« atteinte » est polysémique mais pour notre
analyse, nous retiendrons cette approche : « action
dirigée contre quelque chose ou quelqu'un par des moyens divers :
dégradations (atteinte matérielle), injure (atteinte morale),
blessure (atteinte corporelle), spoliation (atteinte juridique) ». G.
CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 12? Ed, p.100.
* 121Article 138
alinéa 1 de la de la loi n°2016-555 relative au droit d'auteur et
aux droits voisins publié au journal officiel du jeudi 20 octobre
2016.
* 122B. BUTR-INDR, La
Contrefaçon des droits de propriété intellectuelle :
Étude comparative en droits français et thaïlandais,
thèse, Université Panthéon-Assas, 2012, p.70
* 123Civ. 1, 29 mai 2001,
99-15
* 124A. SAINT-MARTIN,
Créations immatérielles et responsabilité civile : Le
recours à la responsabilité civile délictuelle de droit
commun pour la protection des créations immatérielles,
thèse, Université Montpellier 1, 2006, p.53.
* 125CA Paris, 4? ch., 24
janvier 2007 in M. BUYNS, L'application des droits de
propriété intellectuelle : recueil jurisprudence, p.
305
* 126S. VERVILLE, La
notion d'épuisement des droits : évolution et rôle actuel
en commerce international, Les Cahiers de propriété
intellectuelle, 2006, p.555.
* 127Autrement dit, si la
modification du programme d'ordinateur n'est pas nécessaire à son
utilisation, mais résulte par exemple de la volonté
d'améliorer le logiciel, la contrefaçon pourra être
retenue
* 128B. SCHAMING, op. cit.,
p.276
* 129Les juges
décident : « caractérise la contrefaçon par
diffusion, prévue par l'article L. 335-3 du Code de la
propriété intellectuelle, la mise sur le marché de l'art
d'une oeuvre originale, même aBAndonnée par son auteur,
lorsqu'elle est faite en violation du droit moral de divulgation qu'il
détient sur celle-ci en vertu de l'article L. 121-2 de ce
Code ». Crim., 13 déc. 1995, 93-85
* 130Crim., 24 sept. 1997,
95-81.954
* 131 TC Abidjan,
4e ch., 1er avr. 2014, n°243/2014
* 132CA Paris, 4? ch., 24
janvier 2007 in M. BUYDENS, L'application des droits de propriété
intellectuelle : recueil de jurisprudence, p. 305
* 133Crim., 27 fév.
2018, 16-86.881
* 134TJ Marseille, 23 sept.
2021. [05/03/2024].
Lien
* 135CA Lyon, 30 oct. 2008,
07/05916
* 136CJUE, 5ème ch.,
18 déc. 2019. [05/03/2024].
Lien
* 137Crim., 16 déc.
2003, 03-80
* 138 TC Abidjan, 19 juil.
2018, n°1400/2018
* 139F. TERRE, P. SIMLER,
Y. LEQUETTE, Droit civil les obligations, Dalloz, 7ème
édition, 1999, p.858.
* 140 Op. cit.
* 141M. BEHAR-TOUCHAIS,
Comment indemniser la victime de la contrefaçon de manière
satisfaisante? in L'entreprise face à la contrefaçon des
droits de propriété intellectuelle, Actes du colloque de
l'IRPI, 2003, p.105.
* 142C. CARON, op. cit.,
p.422.
* 143Ibid.
* 144Ibid.
* 145C. CARON, op. cit.,
p.423.
* 146Paris, 13? ch.,
25/01/1968, Gaz. Pal. 1968, 1,289 ; Crim. 04/03/1975, Bull. crim., n°
70.
* 147Cour suprême
thaïlandaise, arrêt numéro 5306/2550, rendu en. 2007
* 148B. BUTR-INDR, op.
cit., p.425
* 149 M. VIVANT, J.-M.
BRUGUIERE, op. cit., P369.
* 150 C. CARON, op. cit.,
p. 85.
* 151 Op. cit.
* 152 C. CARON, op. cit.,
p. 86.
* 153 E. GAILLARD, La
protection des programmes d'ordinateurs : comparaison des systèmes
européens et étasuniens, mémoire, Université
Toulouse I Capitole, 2018, p.20.
* 154 B. SCHAMING, op.
cit., p.52.
* 155[21/03/2024]
Prouver
l'originalité d'un logiciel.
* 156 CA Bordeaux, 20
septembre 2022,19/05913.
* 157 B. SCHAMING, op.
cit., p.53.
* 158 Par exemple, prouver
que son logiciel ne peut être une reproduction d'un autre, puisqu'il lui
est antérieur.
* 159 « La
nécessité des conditions de forme notamment pour établir
l'antériorité des droits, qui ne peut se faire que par un
dépôt ayant une date certaine. » B. SCHAMING, op. cit.,
p.52.
* 160 C. CARON, op. cit.,p.
87.
* 161 I. BA, op. cit.,
p.36.
* 162N. ARNAUD, La
médiation, un moyen d'éviter l'aléa judiciaire, [21
mars 2024].
Lien
* 163 Civ. 1, 17 oct. 2012,
11-21.641, Inédit
* 164 Civ. 1, 14 nov. 2013,
12-20.687, Inédit
* 165 CA, Douai, 1re ch.,
2e sect., 5 Avril 2018 n° 16/04545
* 166 François
Pellegrini. L'originalité des oeuvres logicielles. Revue internationale
du droit d'auteur, 2017,
252, pp.31.Hal-01557673
* 167 P.-Y. GAUTIER, op.
cit., p.52
* 168TGI Paris, 3e ch. 3e
sect., 30 juin 2017. [08/02/2024].
Lien
* 169Civ. 1e, 13
déc. 2005, 03-21.154
* 170S. K. VERMA,
L'étendue de la protection de la propriété
intellectuelle en matière de logiciel en Inde in Brevet,
innovation et intérêt général. Le brevet pourquoi et
pour faire quoi ? Actes du colloque Louvain-la-Neuve organisé par
la Chaire Arcelor, sous la direction de Bernard Remiche, Larcier, 2006,
p.423.
* 171CJUE, 2 mai 2012, SAS
Institute Inc. / World Programming Ltd. [08/02/2024].
Lien
* 172CA Montpellier,
2ème Ch., 6 mai 2014. [08/02/2024].
Lien
* 173 En informatique,
un logiciel spécifique est
un logiciel développé sur commande à l'attention
d'un client donné, par opposition à un logiciel standard, qui est
un développé sur initiative d'un éditeur, et vendu
à de nombreux clients. Les logiciels spécifiques sont des
produits créés sur commande, quand il n'existe aucun logiciel
standard équivalent, dans des domaines très
spécialisés
* 174 J. LAOUARI, La
brevetabilité des logiciels, mémoire, Université de
Montréal, 2005, p.27
* 175 CJUE, 2 mai 2012, SAS
Institute Inc. / World Programming Ltd. [08/02/2024].
Lien
* 176 J. LAOUARI, op. cit.,
p.27
* 177 Op. cit.
* 178 J. LAOUARI, op. cit.,
p.26-27
* 179 Par
conséquent, on a cherché une protection plus adéquate pour
ces éléments fonctionnels. On l'a trouvée dans le brevet.
En effet, la protection conférée par le brevet se
révèle bien supérieure à celle
conférée par le droit d'auteur sur ces éléments.
Avec le brevet, on protège des idées appliquées à
l'industrie, des concepts, des suites d'étapes. On n'est pas
limité exclusivement à un texte ou presque.
* 180 Op. cit.
* 181 Op. cit.
* 182 TC Abidjan,
4e ch., 1er avr. 2014, n°243/2014
* 183184 Op. cit.
* 185TC Abidjan, 7 nov.
2013, N°1561/2013,
Lien
* 186 « La
suspension des obligations de la relations de travail communément
appelée suspension du contrat de travail altère voire met en
veilleuse l'exécution des obligations principales incomBAnt aux parties
notamment, l'accomplissement du travail pour le salarié et le versement
d'un salaire pour l'employeur. H. ABISSA, Droit du travail, Les
éditions ABC, 2ème édition, 2021, p.276.
* 187 H. ABISSA, Droit
du travail, Les éditions ABC, 2ème édition, 2021,
p.226.
* 188 Cela fait écho
aux « inventions de mission » existant en droit des
brevets.
* 189 Certains
systèmes juridiques, notamment celui de la France, admettent que ledit
transfert concerne aussi bien le travailleur recruté à titre de
créateur de logiciels que le salarié emBAuché à un
autre titre ; Voir en ce sens : R. DESY, La protection par le droit
d'auteur des logiciels créés par des employés en droit
comparé et international in Article de la revue juridique Thémis,
Les Éditions Thémis, 1996, pp.43-44.
* 190 A. BAMDE, La
protection juridique du logiciel créé au sein d'une
entreprise, [16 avr. 2024].
Lien
* 191 J. LAOUARI, op. cit.,
p.33
* 192Jonathan Keller. La
notion d'auteur dans le monde des logiciels. Droit. Université de
Nanterre-Paris X, 2017. Français. NNT : 2017PA100195.tel-01896051,
p.258
* 193 Jonathan Keller. La
notion d'auteur dans le monde des logiciels. Droit. Université de
Nanterre-Paris X, 2017. Français. NNT : 2017PA100195.tel-01896051,
p.257
* 194 Op. cit.
* 195 J. LAOUARI, op. cit.,
p.33
* 196 Article 18, Loi
n°2008-09 du 25 janvier 2008 portant loi sur le droit d'auteur et les
droits voisins (Sénégal).
* 197 Op. cit.
* 198 B. SCHAMING, op.
cit., p.101
* 199 Op. cit.
* 200 Ibid.
* 201 Article 22 Annexe 7
ABR : « Sauf dispositions contraires du présent chapitre,
les droits patrimoniaux sur une oeuvre sont protégés pendant la
vie de l'auteur et soixante-dix ans après sa mort. Les droits moraux
sont illimités dans le temps. » ; Article 7 Convention de
Berne : « La durée de la protection accordée par
la présente Convention comprend la vie de l'auteur et cinquante ans
après sa mort. »
* 202 B. SCHAMING, op.
cit., p.102
* 203 I. BA, op. cit.,
p.36.
* 204 Loutfi, M.-H. (1989).
Réflexions sur la protection juridique des logiciels. Bulletin du droit
d'auteur, XXIII(4). p.21
* 205
Interopérabilité : un guide à l'usage des débutants
pour comprendre les enjeux de l'interopérabilité, Microsoft,
version : 2.2, dernière mise à jour : février 2008,
p.4.
* 206
Interopérabilité : un guide à l'usage des débutants
pour comprendre les enjeux de l'interopérabilité, Microsoft,
version : 2.2, dernière mise à jour : février 2008,
p.7.
* 207 Com, 20 octobre 2011,
n°10-14069
* 208
Interopérabilité : un guide à l'usage des débutants
pour comprendre les enjeux de l'interopérabilité, Microsoft,
version : 2.2, dernière mise à jour : février 2008,
p.10.
* 209 Synthèse
interopérabilité sur
wiki.april.org,
26/04/2024.
* 210 En ce sens, CJUE,
5ème chambre, 6 octobre 2021, affaire C-13/20.
* 211 Op. cit.
* 212 TC Abidjan,
4e ch., 1er avr. 2014, n°243/2014
* 213 J.-P. KOSSO OMAMBODI,
La preuve de la qualité d'auteur en droit d'auteur,
thèse, Université de Nantes, 2017, p.197.
* 214 Article 2, Loi
n°2018-974 du 27 décembre 2018 portant Statut des commissaires de
justice.
* 215 J.-P. KOSSO OMAMBODI,
op. cit., p.183 : « Lorsque le législateur
évoque le concept de création, il se réfère non pas
à la création comme résultat d'une activité
quelconque de l'esprit mais plutôt comme activité
elle-même531. Il distingue ainsi l'oeuvre de l'esprit qui est aussi une
création (création-résultat) de l'action qui l'engendre
(création-acte) sans pouvoir les définir. »
* 216 Et, en pratique,
l'accomplissement de formalités ou d'un dépôt est utile
pour se pré-constituer la preuve de l'antériorité de la
création. Celle-ci jouera un rôle important au moment de
déterminer qui a copié qui.
* 217 L'acte authentique
est celui qui a été reçu par des officiers publics ayant
le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été
rédigé, et avec les solennités requises.
* 218 Cossette, L. (1957).
Des actes authentiques. Les Cahiers de droit, 3(1), 76-91.
https://doi.org/10.7202/1004115ar
* 219 Ibid.
* 220 Dans cette partie,
nous éluderons la question des licences gratuites, libres ou ouvertes,
étant donné qu'elles sont les moins répandues.
* 221 M. VIVANT, J.-M.
BRUGUIERE, op. cit., p. 560
* 222 Ibid.
* 223 Jonathan Keller. La
notion d'auteur dans le monde des logiciels. Droit. Université de
Nanterre-Paris X, 2017. Français. NNT : 2017PA100195.tel-01896051,
p.408
* 224 Une licence non
exclusive autorise son titulaire à accomplir, de la manière qui
lui est permise, les actes qu'elle concerne en même temps que l'auteur et
d'autres titulaires de licences non exclusives. En revanche, Une licence
exclusive autorise son titulaire, à l'exclusion de tout autre, y compris
l'auteur, à accomplir, de la manière qui lui est permise, les
actes qu'elle concerne.
* 225 Op. cit.
* 226 Op. cit.
* 227 Op. cit.
* 228Com., 22 mai 1991,
89-11.390
* 229 B. SFEZ, B.
DELEPORTE, Droits d'utilisation des logiciels : de la nécessaire
gestion des licences au sein de l'entreprise, [10 mai 2024].
Lien
* 230 Ibid.
* 231 Article 13.2 des
CONDITIONS GENERALES D'UTILISATION ET D'ASSISTANCE DES PROGICIELS SAGE
* 232 Op. cit.
* 233 I. M. KOUM DISSAKE,
op. cit., p.19
* 234 Op. cit.
* 235 I. M. KOUM DISSAKE,
op. cit., p.24
* 236 Ibid.
* 237 I. M. KOUM DISSAKE,
op. cit., p.25
* 238 La marque est
facultative. Mieux dit, une personne est en droit d'exploiter une marque sans
l'avoir préalablement enregistrée. Cependant, le cas
échéant, elle ne jouira d'aucun droit sur la marque et ne pourra,
en conséquence, s'opposer ni à son usurpation ni à son
enregistrement future par un tiers.
* 239 Op. cit.
* 240 I. M. KOUM DISSAKE,
op. cit., p.51
* 241 CJUE, aff. 91/100,
LTJ Diffusion c/Sadas VertBAudet
* 242 I. M. KOUM DISSAKE,
op. cit., p.64
* 243 N. BEN ALI, La
lutte contre la contrefaçon des marques au Maroc; quelle
perspective?, mémoire, Université Sidi Mohammed Ben
Abdellah, 2008, p.18.
* 244 I. M. KOUM DISSAKE,
op. cit., p.65
* 245 CA Nancy, 5e ch., 10
janv. 2018, n° 16/02550. [08/02/2024].
Lien
* 246 M. MENJUCQ, Droit
commercial et des affaires, Gualino, 9ème édition, 2015,
p.178.
* 247 Com., 15 septembre
2009, 07-19.299
* 248 M. MENJUCQ, op. cit.,
p.178.
* 249 S. GINCHAUD, T.
DEBARD, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 26e éd.,
p.243.
* 250 M. MENJUCQ, op. cit.,
p.178.
* 251 M. MENJUCQ, op. cit.,
p.179.
* 252 TGI Paris, 3e ch. 3e
sect., 30 juin 2017. [08/02/2024].
Lien
* 253 M. MENJUCQ, op. cit.,
p.179.
* 254 Com., 28 septembre
2010, 09-69.272, Inédit
* 255 S. GINCHAUD, T.
DEBARD, op. cit., p.770.
* 256 M. MENJUCQ, op. cit.,
p.179.
* 257 Ibid.
* 258 Ibid.
* 259 Com., 26 janvier
1999, 96-22.457, Inédit
* 260 Civ. 1, 3 mai 2018,
16-26.531, Inédit
* 261 Civ.1e, 13
déc. 2005, 03-21.154
* 262 M. Paturel, J.
Rondot, Contrefaçon et concurrence déloyale sur le
marché français de l'édition de logiciels, [15 mai
2024].
Lien
|