B-La portée de l'obligation de secret
professionnel.
La notion de secret professionnel est plus complexe. En ce qui
concerne les fonctionnaires, les avis divergent sur le fait qu'ils soient
concernés ou non. Toutefois, la loi n°83-634 du 13 juillet 1983
mentionne en son article 26 que « les fonctionnaires sont
tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées
dans le code pénal». Ainsi, il y a bien secret
professionnel, mais c'est sa portée qui varie de celui concernant les
médecins ou les avocats. C'est cette variation de la portée qui
fait en sorte qu'il y ait des domaines où l'obligation de secret
professionnel ait un caractère absolu (1). Toutefois, cette obligation
comporte aussi des limites (2).
1-Les domaines du secret absolu.
Des domaines exigent le secret absolu de la part des
fonctionnaires : la défense, les informations financières et le
domaine médical. Dans le domaine de la défense, on parle souvent
de secret-défense. L'article 18 du statut général des
militaires281 dispose en effet
281 Loi n°80/10 du 14 juillet 1980 portant statut
général des militaires.
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
qu' : « indépendamment des
dispositions du code pénal relatives au secret de la défense
nationale ou du secret professionnel, les militaires sont liés par
l'obligation de discrétion pour tout ce qui concerne les faits et
informations dont ils ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions ou
à l'occasion du service ».
En outre, dans le domaine médical, le code
pénal282 est clair lorsqu'il dispose que les exceptions au
secret professionnel contenues dans l'alinéa 2 de l'article 310, ne
s'applique pas aux médecins et chirurgiens. Les termes exacts sont les
suivants : « ...(3) L'alinéa 2 ne s'applique pas : a)
Au médecin et au chirurgien qui sont toujours tenus au secret
professionnel, sauf dans la limite d'une réquisition légale ou
d'une commission d'expertise ...».Toujours dans le domaine
médical, en France cette fois, Dès 1885, dans l'arrêt
WATTELET, la Cour de Cassation a affirmé le caractère
général et absolu de l'obligation de secret professionnel
s'imposant aux médecins comme un devoir de leur état et dont il
n'appartient à personne de les affranchir. On peut mieux comprendre ce
caractère général et absolu dans le serment
d'Hippocrate : "Quoi que je voie ou entende dans la
société pendant l'exercice ou même hors de l'exercice de ma
profession, je tairai ce qui n'a jamais besoin d'être divulgué,
regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas". Le
délit existe dès que la révélation est faite avec
connaissance même sans intention de nuire. Ce sont les mesures d'action
sanitaire et sociale qui amèneront au début du XXe siècle
à remettre en cause le caractère absolu pour créer un
état de secret controversé. On s'orientera vers l'adjonction au
texte du Code pénal de dérogations définies par des lois,
et vers une interprétation assouplie des textes.
2-Les dérogations à l'obligation de secret
professionnel.
Le code pénal camerounais prévoit trois
dérogations à l'obligation de secret professionnel :
l'autorisation du titulaire du secret, les faits susceptibles de constituer des
crimes ou délits et la réquisition légale faite aux
médecins et chirurgiens. Les termes du code sont les suivants : «
(1) Est puni ...celui qui révèle sans l'autorisation
de celui à qui il appartient un fait confidentiel qu'il n'a connu ou qui
ne lui a été confié qu'en raison de sa profession ou de sa
fonction. (2) L'alinéa précédent ne s'applique ni aux
déclarations faites aux autorités judiciaires ou de police
judiciaire portant sur des faits susceptibles de constituer un crime ou un
délit, ni aux réponses en justice à quelque demande que ce
soit. (3) L'alinéa 2 ne s'applique pas : a) Au médecin et au
chirurgien qui sont toujours tenus au secret
282 Loi n° 77/23 du 06 décembre 1977 portant code
pénal du Cameroun.
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
professionnel, sauf dans la limite d'une
réquisition légale ou d'une commission d'expertise
...».
La législation française est plus étendue
en la matière. La révélation des secrets acquis y est
parfois permise, voire même obligatoire. Elle est permise notamment :
pour prouver son innocence ; lorsque la personne intéressée a
donné son autorisation. Elle est obligatoire notamment dans les cas
où le législateur, pour des motifs de sécurité ou
de cohésion de la vie sociale, a placé les fonctionnaires dans
une situation de secret professionnel mais aussi de signalement de faits
délictueux ou criminels auxquels ils seraient confrontés. Exemple
: les articles 226-14 et 434 du code pénal imposent la
révélation du secret en cas de sévices à l'encontre
d'un mineur de moins de quinze ans ou d'un incapable majeur ou pour
prévenir ou limiter les effets d'un crime. C'est en fait une obligation
de dénonciation. Exemple : l'article 40-2 du code de procédure
pénale impose aux fonctionnaires d'avertir sans délai le
procureur de la république lorsqu'ils ont acquis la connaissance d'un
délit ou d'un crime. Ces textes ne prévoient pas de sanction
pénale pour les fonctionnaires en cas de méconnaissance mais
d'autres textes peuvent être invoqués pour les sanctionner. De
plus, la méconnaissance de ces dispositions peut servir de fondement
à des poursuites disciplinaires. Exemple : deux policiers participent
à un congrès au cours duquel les personnes apprennent à
fabriquer des bombes. Le ministre de l'intérieur révoque ces deux
fonctionnaires car ils n'ont pas révélé les faits. Pour le
Conseil d'Etat, la révocation est justifiée car il y a bien une
faute disciplinaire.
En somme, il était question pour nous de traiter des
obligations de confidentialité. En effet, nous avons recensé
trois obligations de confidentialité que sont l'obligation de
réserve qui consiste en une retenue dans l'expression des opinions en
public du fonctionnaire, vis-à-vis de l'administration ; l'obligation de
discrétion professionnelle qui consiste à ne pas divulguer les
secrets de l'administration (faits et documents dont il a connaissance dans
l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion du service) ; enfin,
l'obligation de secret professionnel qui consiste à ne pas divulguer les
secrets des administrés. Nous avons par exemple constaté que
l'obligation de réserve qui est d'origine jurisprudentielle au Cameroun,
est restée complètement jurisprudentielle en France, depuis sa
consécration par le conseil d'Etat en 1935283. Le
fonctionnaire doit donc adopter une attitude responsable dans le service et en
dehors du service.
283 CE. 11 janvier 1935, Bouzanquet (le juge renforce, dans cet
arrêt, l'obligation de réserve pour les fonctionnaires en poste
à l'étranger dans la mesure où ils représentent la
France.
.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Mémoire présenté et soutenu par AMBI
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
En somme, il était question pour nous
d'énumérer et d'analyser les obligations de responsabilité
du service qui sont contrairement aux obligations de solidarité aux
corps, toutes présentes dans le statut général de la
fonction publique284 à l'exception de celle du secret
médical qui est premièrement pénale, et ne font pas
l'objet de statuts particuliers. Nous les avons regroupées en deux
catégories : l'obligation de servir d'une part et les obligations de
confidentialité d'autre part. Concernant la première
catégorie, c'est-à-dire l'obligation de servir, elle regroupe
l'obligation de se consacrer à ses fonctions et l'obligation
d'obéissance hiérarchique qui rendent le fonctionnaire
responsable des tâches qui sont les siennes. Concernant la
dernière catégorie, contituée des obligations de
confidentialité que sont l'obligation de réserve, de
discrétion professionnelle et de secret professionnel.
Il est à noter que l'obligation d'obéissance
hiérarchique et l'obligation de secret professionnel sonrt
particulières parmi les obligations de responsabilité du service
car elles exposent à des poursuites et le cas échéant
à des sanctions pénales en dépit des sanctions
disciplinaires. Pour ce qui est de l'obligation d'obéissance
hiérarchique pour ne parler que de celle-ci, elle est limitée par
le devoir de désobéissance en cas d'ordre manifestement
illégal. Le code pénal précise pour ce qui est de
l'infraction de la torture285 par exemple qu'il ne retient pas
l'ordre du supérieur hiérarchique comme excuse. Ce qui rend cette
obligation complexe, d'autant plus qu'en France, dans l'affaire Papon, des
historiens ont parlé de vassalisation des fonctionnaires par le
régime de Vichy et la transformation des citoyens en objets. En outre,
la corrélation entre l'esprit carriériste de M. Papon et la
soumission à l'autorité a été sérieusement
évoquée. On comprend mieux ainsi l'intention du
législateur car, on encadrant le devoir d'obéissance du
fonctionnaire, il remet on avant sa responsabilité au sein de
l'organisation. De plus, en admettant que l'on puisse obéir à un
ordre illégal si celui ci ne perturbe pas le service public, on comprend
parfaitement la priorité qui est donnée au fonctionnement des
institutions
284 Décret n° 94/199 du 07 octobre 1994 portant
statut général de la fonction publique de l'Etat modifié
et complété par le décret n° 2000/287 du 12octobre
2000.
285 Article 132 (bis) de la loi n° 77/23 du 06
décembre 1977 portant code pénal du Cameroun.
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dans le souci de l'intérêt général.
En bref, les obligations de responsabilité du service
réglementent les relations intra-adminstratives et les relations
administration/usagers du service publique. Elles concernent tout ce qui a
trait au service.
CONCLUSION
GENERALE
Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
En définitive, il était question pour nous
d'étudier les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais. Cette étude avait pour but, tout au long de notre
analyse de répondre à la question : quelles sont les obligations
du fonctionnaire en droit de la fonction publique camerounais ? La
réponse à cette question nous a permis de constater un certains
nombre de faits qui mérite un rapport.
Tout d'abord, il convient de dire que notre question donnait
lieu à une énumération à laquelle nous avons
ajouté l'analyse afin d'aboutir à un resultat relativement
satisfaisant. La première réponse que nous avons apportée
à cette question a été de dire que l'on peut regrouper les
obligations du fonctionnaire en deux catégories : les obligations de
solidarité au corps et les obligations de responsabilité du
service. Cette division peut être justifiée par le fait que le
statut général de la fonction publique définit le corps
comme l' « ensemble des fonctionnaires exerçant une
fonction spécifique dans un secteur d'activité
déterminé et régi par les mêmes dispositions
réglementaires »286. Cela subodore de par
l'existence de dispositions réglementaires propres à certains
corps qu'il y a également une différence de degré dans la
déontologie. Le corps a donc une influence sur les obligations du
fonctionnaire. Les obligations de responsabilité du service sont celles
qu'on retrouve aussi bien dans le statut général que dans les
statuts particuliers. Un rapport au cas par cas s'impose.
Pour ce qui est des obligations de solidarité au corps,
ce sont des obligations qui sont exigibles au fonctionnaire en fonction du
corps auquel il appartient. En d'autres termes, les obligations varient d'un
corps à l'autre ; le fonctionnaire est soumis à ces obligations
du fait de son appartenance au corps. C'est pourquoi certains fonctionnaires
sont astreint dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions à
revêtir un uniforme287, à porter un
costume288 ou même à porter une arme tandis que d'autre
ne sont pas soumis à ces obligations. Tout comme certains fonctionnaires
jouissent du droit syndical, du droit d'adhésion à un groupement
ou formation politique et même du droit de grève qui est
constitutionnellement consacré tandis que d'autre en sont privés
et ont une obligation de ne pas exercer ce droit. Si on s'en tient au droit en
vigueur, l'incident de septembre 2015 où les militaires de retour de la
MINUSCA, bien qu'ayant le droit de reclamer leur droit à la
rémuneration, devaient privilégier la voie hiérarchique au
lieu de se mettre en grève. Nous avons pu regrouper les obligations de
solidarité au corps en
286 Article 5 du décret n°94/199 du 07 octobre 1994
portant statut général de la fonction publique de l'Etat
modifié et complété par le décret n° 2000/287
du 12octobre 2000.
287 Article 11 du décret n°2012/546 du 19 novembre
2012 portant code de déontologie des fonctionnaires de la
sûreté nationale
288 Décret n°2011/020 du 4 février 2011
portant statut spécial des fonctionnaires de greffes.
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
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deux catégories : les obligations de solidarité
dans l'éthique du corps et les obligations de solidarité dans la
discipline du corps.
Pour ce qui est des obligations de responsabilité du
service, ce sont des obligations que l'on peut qualifier de
générales car elles sont exigibles par l'administration à
tous les fonctionnaires, quel que soit le corps auquel ils appartiennent. Tout
fonctionnaire a par exemple l'obligation de servir ; c'est juste
l'intensité de l'obligation qui peut varier d'un corps à l'autre,
comme nous l'avons vu par exemple en France où certains fonctionnaires
avait un droit de retrait d'une situation dangereuse289 comme motif
de désobéir aux ordres du supérieur, tandis que d'autres
ne pouvaient pas s'en prévaloir. C'est derniers ne pouvaient s'en
prévaloir car faire face à ce genre de situation fait partie de
leur obligation de servir et sont par conséquent tenus à
obéir aux ordres du supérieur.
Deux obligations parmi tant d'autres ont attiré
particulièrement notre attention à cause de leurs violations qui
apparaissent déjà comme le quotidien de l'administration
camerounaise : il s'agit de l'obligation de désintéressement et
de l'obligation de service continu, elle-même, issue du principe de
continuité du service public. L'obligation de
désintéressement a, en dehors du fait de ne pas avoir des
intérêts dans une entreprise sous son contrôle ou en
relation avec le fonctionnaire, deux implications : l'interdiction d'obtenir
des gains privés et l'interdiction d'utiliser l'argent public à
des fins personnelles, des pratiques que l'on peut qualifier de corruption et
de détournement de deniers publics. Or, comme le signale le Pr Bernard
Raymond Guimdo, le fonctionnaire est tenu à une obligation de
moralité et de bonnes moeurs290. Pour ce qui concerne le
principe de, continuité du service public, il est sujet de violations de
par les actes de bon nombre de fonctionnaire à travers les retards et
les absences injustifiées qui causent des périodes de
vacuité dans le service public, exception illégime et même
illégal au principe de continuité du service public. Compte tenu
de l'existence de la CONAC (commission nationale anti-corruption) pour lutter
contre la corruption291, nous avons, comme solution à la
violation du principe de continuité du service public,
suggéré la mise sur pied d'une commission de contrôle dont
la mission serait de la présence du fonctionnaire à son poste
conformément à la réglementation en vigueur, et ceci en
faisant des contrôles inopinés comme le fait l'administration
fiscale dans ces contrôles des marchés. Si cette mésure est
mise sur pied,
289 Voir article 5 du décret n°95-680 du 9 mai 1995,
op. cit.
290 Voir Guimdo Dongmo (B.R), « la corruption dans le droit
de la fonction publique : le cas du Cameroun, juridis périodique
n°75, P61.
291 Voir décret n°2006/088 du 11 mars 2006 portant
création, organisation et fonctionnement de la CONAC.
Mémoire présenté et soutenu par AMBI
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Les obligations du fonctionnaire en droit de la fonction
publique camerounais
l'administration camerounaise travaillera avec une
célérité exemplaire et une efficacité admirable. Un
dernier aspect du droit de la spécificité du droit de la fonction
publique camerounais a été le fait que tout au long de notre
étude comparative, les statuts de la fonction publique des autres pays
de notre champ géographique étaient des lois, le Cameroun a
été le seul pays où le statut des fonctionnaires est du
domaine réglementaire.
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