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Déforestation et dégradation de l'environnement au Cameroun 1960-2010.


par Marcel Koviel Songo
Université de Youndé I - Master en histoire 2012
  

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II - LES CAUSES DE LA DEFORESTATIONS ET DE LA DEGRADATION DE L'ENVIRONNEMENT

0 Ibid.

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Les facteurs de la déforestation sont multiples au Cameroun. Ils sont tous anthropiques contrairement à ceux qui affectent les forêts dans les autres régions du monde (Europe, Asie et Amérique), à savoir les catastrophes naturelles, les causes biotiques. Au Cameroun, il ne serait pas le cas. Ils existent certes, mais avec une force destructrice très minime. Ces causes liées à l'activité humaine, sont subdivisées en causes à vocation agricole et liées à l'exploitation industrielle, les défaillances de l'Etat et ses partenaires et la mauvaise gestion des forêts communautaires et le rôle négatif de certains Camerounais.

A-LES CAUSES A VOCATION AGRICOLE ET LIEES A L'EXPLOITATION

FORESTIERE

L'intensification de l'agriculture et l'exploitation industrielle du bois sont responsables en partie de la déforestation et la dégradation de l'environnement.

1 - L'intensification de l'agriculture

L'agriculture qui est définie comme la culture du sol, est une activité très pratiquée dans les pays sous-développés. Le Cameroun faisant partie de cet ensemble d'Etats qui voient ses sols depuis plusieurs décennies remués, car la majeure partie de sa population est paysanne et tributaire de la terre. On l'estime à 80%. Ce sont les forêts qui payent le prix fort, puisqu'elles sont dévastées pour céder la place aux sols nus, fertiles et cultivables. Sur ce point, Hugue pensait que : `'Lhomme ne détruit pas la forêt ou les arbres par plaisir, mais par nécessité''0.

A titre de rappel, il faut souligner que l'agriculture est un legs colonial. Puisque avant cette période, les hommes vivaient du ramassage et de la cueillette. La forêt ne connaissait pas une forte pression, mais l'introduction des nouvelles cultures industrielles par les occidentaux, l'instauration du système des impôts et le développement des cultures urbaines sont autant de facteurs qui ont développé l'agriculture au Cameroun0. La triple colonisation qu'a connue le Cameroun a donc été responsable de l'introduction de l'agriculture industrielle dans le pays.

Ce développement de l'agriculture s'est fait d'abord pendant la période allemande. Le Cameroun étant une colonie d'exploitation, avait vu se développer l'agro-industrie dans son territoire. Au départ, l'administration coloniale allemande cède des dizaines de millions d'hectares de forêts aux sociétés agro-industrielles et forestières européennes0. Ainsi, en 1896, une concession de 7 200 000 hectares est obtenue par la Gesellschaft Süd-Kamerun, puis la

0 Elong, `'L'impact d'une exploitation forestière'', 1984, p. 274. 0Kelodjoué, `'l'évolution de l'exploitation industrielle'', 1985, p. 254.

0 Gerber, `'Resistance contre deux géants industriels'', 2008, pp. 12-13.

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Gesellschaft Nord-West-Kamerun obtient 4 450 000 hectares. Ces deux concessions occupent un cinquième de la colonie. Dans ces concessions, elles exploitent le caoutchouc, naturel, les fruits de palmier à huile, l'ivoire, les minéraux et les bois précieux0. N'ayant pas donné des résultats escomptés, l'Etat se tourne alors vers le système de grandes plantations. Il opte pour la monoculture. Ainsi dont, les plantations de caoutchouc, de cacao et d'hévéa sont créées entre 1885 et 1906. Pour y parvenir, il fallait dévaster des grandes étendues de forêt dans les régions du Sud-ouest, du Littoral, particulièrement dans la vallée inférieure de la Sanaga (Dizangué), et le Mungo0. Ces produits étaient destinés à la métropole0. Ceci a fait subir à la forêt camerounaise ses premières grandes pertes.

Après les Allemands, les Français et les Anglais ont hérité de ces immenses plantations pendant les périodes de mandat et de tutelle. Et aujourd'hui ces plantations coloniales sont regroupées au sein de la Cameroon Development Corporation(CDC)0.

L'installation d'une agro-industrie exige : le rasage systématique des grandes étendues de forêts, et que la superficie défrichée soit supérieure à celle effectivement cultivée. En plus, les agro-industrielles coloniales pratiquaient la monoculture0. A travers cette action agricole coloniale, le Cameroun devenait ainsi un pays à vocation agricole.

Après l'indépendance de la partie sous tutelle française en 1960, l'agro-industrielle n'a fait que se développer. C'est dans ce contexte que très vite naissent des nouvelles sociétés agro-industrielles, à savoir la Société Camerounaise de Palmerais (SOCAPALM) initiée en 1963 par le programme gouvernemental et la Société d'Hévéa du Cameroun (HEVECAM) fondée en 1975. Ces nouvelles industries agricoles ont continué à déboiser les énormes terres pour leurs cultures. A titre illustratif, la création d'HEVECAM conditionnait l'abatage de 2250 hectares de forêt pour la surface à cultiver, par ailleurs, 1750 hectares ont été défrichés pour les bordures de routes pour la société d'hévéa. Ainsi comme nous le constatons, 5000 hectares de forêts ont été détruits pour cultiver sur seulement 2250 hectares, preuve que les agroindustriels sont des grands destructeurs des forêts0.

La culture du tabac ne nécessite pas l'usage des engrais. Ainsi, chaque année il faut des nouvelles terres pour sa culture. Les anciennes sont délaissées aux femmes qui en font

0 Ibid.

0 Ibid.

0 Kelodjoué, `'l'évolution de l'exploitation industrielle», 1985, P. 258.

0 Ibid.

0 Ibid.

0 Ibid.

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leur usage0. C'est ainsi qu'on estimait en 1977 à 98 000 hectares la superficie occupée par les seules agro-industries dans les forêts camerounaises0. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Puisque ces deux agro-industrielles ont fait des extensions ces dernières années. On peut apprendre par Gerber que la SOCAPALM de Kienki et ses autres plantations ont une superficie de 31 000, alors qu'HEVECAM possède une vaste étendue de 41 339 hectares de forêt0. Soient des augmentations respectivement de plus de 30 000 pour SOCAPALPM et de 36 339 pour HEVECAM. Ce qui a normalement changé les anciennes données chiffrées sur l'estimation des surfaces dévastées de forêt pour l'agriculture. Si on s'amuse à faire des calculs, avec les superficies actuelles des deux géants de l'agro-industriel, sachant que dans les années passées, elles deux occupaient à peine une superficie de 6000 hectares de forêt. En soustrayant ce nombre des 61 339 d'hectares des deux entreprises, on se retrouve avec 55 339 hectares. Ajoutant donc aux 98 000 hectares, on se retrouve avec 153 339 hectares qu'occupent seulement ces deux entreprises.

Ce chiffre représente seulement ce qu'occupaient et occupent les agro-industries sans tenir compte des plantations paysannes. Pourtant, il est connu de tous que beaucoup de cultures tant vivrières que de rente avaient été mises à la disposition des populations paysannes. C'étaient les cultures du cacao, du café, du coton, de l'ananas, des arachides, de la banane plantain, du manioc, etc.

C'est avec ces cultures que la majorité des populations paysannes au Cameroun s'étaient lancées dans l'agriculture pour subvenir à leurs besoins alimentaires et pécuniaires. Alors, au lendemain de l'indépendance, on a assisté au Cameroun au développement des cultures de rente. Dans les régions de l'Ouest, la culture du café était préférée, au Centre-Sud et Est c'était le cacao, au Littoral les deux et au Nord, le coton fut introduit.

En effet, la culture de ces produits exigeait la conversion définitive des étendues de terre. Sur ce point, François Tatala affirmait que `'la culture du cacao passe par la récupération des terres abandonnées par les femmes après leur récolte''0.

A côté de ces cultures citées haut, s'est ajoutée la culture du palmier à huile par les paysans dans les régions de l'Ouest et du littoral. Avec une pression démographique très accentuée, conjuguée de la domination de l'activité agricole comme activité économique, la

0 Ibid.

0 Ibid.

0 Gerber, `'Resistance contre deux géants industriels'', 2008, p. 20.

0 Entretien avec François Tatala, 52 ans environ, planteur de cacao, Ngouonepoum nouveau, 06 novembre 2010

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forêt paye un prix fort. Car, `'la pression agricole est fille de la pression démographique'' comme affirmait Kelodjoué0. Cette population qui était de 8, 6 millions est passée en 1998 à 14,3 millions. Elle est essentiellement agricole. En 1994, cette population agricole était estimée à 74% de la population totale, de nos jours, elle s'évalue à 88,5%0. Ces chiffres qui croient rapidement nous renseignent sur la pression qu'une population de cette envergure peut faire subir aux forêts du pays. Surtout, depuis que les réserves pétrolières se sont épuisées, les forêts sont devenues comme `'des vaches laitières à traire''0.

Toujours sur ce plan, l'agriculture itinérante est très consommatrice de forêt. Elle qui consiste à défricher et brûler des nouvelles forêts chaque année est à l'origine en majorité à la destruction des forêts. A cause de la pauvreté des sols, chaque année des nouvelles terres sont exploitées pour assurer une bonne récolte. Sydonie Tapio disait par exemple sur ce sujet que `'la culture de l'arachide avait besoin des sols vierges pour espérer une récolte signifiante et la parcelle défrichée doit être brulée pour que la cendre issue de cette carbonisation fertilise le sol''0.

Il faut souligner que de nombreuses primes accordées par le gouvernement aux agriculteurs dans les années 1970 et l'augmentation soutenue des prix des différents produits agricoles étaient autant de facteurs qui avaient accéléré l'extension de l'agriculture0. Ces différentes motivations avaient encouragé l'agriculteur camerounais à créer de plus en plus des grandes plantations afin de se faire de l'argent. Et par conséquent les terres étaient déboisées chaque année à un rythme très fulgurant. Ce qui a emmené la majorité des experts à s'accorder par le fait que l'agriculture est la principale cause de la déforestation.

Ainsi, une étude de la FAO, PNUD et SODECAO sur la surface défrichée pour l'agriculture en 1972 estime à 80 000 hectares de forêts qui sont détruites chaque année, sous toutes les différentes formes que nous venons de décrire et sans tenir compte de la zone forestière de l'Ouest0. En tenant compte de la croissance démographique rapide au Cameroun, on peut dire qu'en cette année 2010, ce chiffre a dû évoluer. Car en 1972, avec une population de moins de 8,6 millions d'habitants, l'impact de l'agriculture était important

0 Kelodjoué, `'l'évolution de l'exploitation industrielle'', 1985, p. 254.

0 P. T. Mbous, `'l'exploitation forestière et le développement des forêts communautaires au Cameroun. Une

action collective pour la protection e la biodiversité'', mémoire en vue d'obtention du diplôme d'étude

approfondie, Institut universitaire d'étude de développement, Université de Génève, 2002/2003, p. 5.

0 M. Ghattas et L. Doumia, `'biodiversité africaine'', p. 48.

0 Sydonie Tapio, 50 ans environ, cultivatrice, Madjoué, 24 octobre 2010

0 Kelodjoué, `'l'évolution de l'exploitation industrielle'', 1985, p. 255.

0 Ibid. p. 266.

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dans l'environnement. Avec l'augmentation de cette population qui est passée à 19 millions d'habitants aujourd'hui, il est certain que celui-ci a aussi augmenté.

Ce que nous venons d'examiner sur le rôle que joue l'agriculture sur des forêts permet de penser que l'agriculture est et reste la plus grande menace pour les forêts camerounaises. Car l'agriculture de subsistance est à 63% responsable du déboisement, alors que l'agriculture permanente l'est à 17%. C'est dans ce sens que S. Kelodjoué affirmait dans son étude que `'l'agriculture est sans doute le principal ennemis de la forêt dense camerounaise''0. Pourtant, elle n'est pas le seul facteur.

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