C - LES FORETS CAMEROUNAISES : UN PATRIMOINE CULTUREL
Au Cameroun, les forêts représentent toujours
beaucoup de choses dans la vie des populations. En dehors d'être leur
source de biens et de services, ces mêmes forêts sont pour elles un
patrimoine culturel. Les forêts et tous ces éléments ont
longtemps étaient la source
0 Serageldin, La protection des forêts tropicales,
1993, p. 6. 0 `'Déforestation», http : // fr. wikipedia.
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culturelle des populations bantou et un milieu de vie pour les
peuples pygmées, appelés peuples des forêts.
1 - La forêt comme patrimoine culturel des
peuples bantou
Depuis l'installation de l'homme dans la forêt comme
nous avons dit plus haut, il a noué une relation vitale avec son milieu.
Parmi les domaines qui nourrissent ce lien, il existe le rapport culturel. A
l'époque précoloniale le rapport culturel était
étroit, l'avènement du christianisme a fragilisé ce
lien.
A cet effet, elles trouvaient les éléments
manifestes de leur religion dans la forêt. Il y avait parmi ces
éléments, certains grands arbres, certains grands animaux,
certains fleuves. Ces éléments de la forêt alimentaient la
spiritualité chez les peuples précoloniaux. Ainsi, quand ils
n'étaient pas la représentation matérielle de leur dieu,
ils étaient l'intermédiaire avec celui-ci. C'est pourquoi
à l'arrivée des premiers Européens, ils vont
déclarer que les peuples africains sont les animistes0.
Après l'introduction du christianisme au Cameroun au
19ème siècle, les peuples de forêt reconvertis
en majorité à celui-ci abandonnent peu à peu cet
attachement spirituel aux esprits de la forêt. Pourtant, jusqu'à
ce jour, certains liens n'ont pas été coupés. Ainsi, dans
les rites mystiques actuels, on utilise certains arbres. Cela dépend de
la région, du pays où on se trouve. A titre illustratif, dans la
neutralisation de la sorcellerie et l'initiation à la profession de
guérisseur voyant, les Konabembé, les von-von
et les Mbimo0 du departement de la Boumba et Ngoko
utilisent un arbre forestier appelé en langue konabembé
`'Essouom»0. Chez les peuples
bamiléké, ils ont ce qu'ils appellent la `'forêt
sacrée»0 qui est réservée aux rites
0 Dictionnaire Universel, Paris, Hachette Edicef,
2002, P. 58.
0 Les Von-Von sont une ethnie de l'arrondissement de
Yokadouma. D'après l'histoire orale, elle serait une ethnie soeur des
Konabembé, car leurs ancêtres étaient frères. Les
Von-Von, troisième ethnie en importance occupent deux tronçons de
route dans l'arrondissement. Elles sont installées à entre la
ville de Yokadouma et Gieu (Est de l'arrondissement) et sur le tronçon
Yokadouma Moloundou (Sud de l'arrondissement).Elles compte à peu
près une vingtaine de villages.
Quant aux Mbimo, elles sont aussi du même
arrondissement. Deuxième population la plus importante de
l'arrondissement après les konabembé. Comme les Von-Von, elles
occupent aussi deux tronçons de route dans cet arrondissement. Le
premier tronçon va de la ville de Yokadouma à Gribi 27
kilomètres (Nord de l'arrondissement). Le deuxième part de la
ville jusqu'à Mboye, village frontière entre le Cameroun et la
République Centrafricaine (Sud -est de l'arrondissement). Elles seraient
venues de la Centrafrique. Le nombre de leur village est évalué
à environ trente.
0 Entretien avec Elarion Epopodengue, 60 ans environ,
guérisseur-voyant, Yokadouma 5 novembre 2010. 0Entretien avec Joseph
Nguedia, 60 ans environ, policier retraité, Yaoundé l8 mars
2011.
Et même le totémisme dans les cultures des
sociétés camerounaises, on utilise de bêtes féroces
et dangereuses de la forêt telles que la panthère, le gorille, le
serpent l'aigle, etc. Et parfois certains arbres.
Dans la production artistique, le bois est la matière
qui domine. Le Dictionnaire Universel situe l'usage du bois comme le support
artistique à partir du VIII è siècle en
Afrique0. Ainsi, les masques et les statuettes sont reproduits en
bois, on les rencontre dans les grandes chefferies telles que le sultanat de
Foumban et les chefferies de Bafoussam, Bafang, Bangangté, etc.
Aujourd'hui, ces masques et statuettes sont une source culture dans cette
région car ils sont l'héritage que ces peuples ont eu de leurs
ancêtres et sont parfois les représentations de la
société ancienne. Les fauteuils du musée d'art de Foumban
et les tabourets des chefferies Bamileké sont autant d'exemples. A
coté du bois, on trouve les lianes qui servent au tissage des paniers,
les corbeilles, les sacs à mains, les pots de fleurs ; etc
Dans les villages des régions du Sud et de l'Est, le
Bubinga et le Moabi sont des arbres culturels. Hauts de 60 mètres et
ayant des diamètres de 4 mètres, ils sont des points de
repère de référence dans la forêt et jouent le
rôle social d'arbre à palabre sous lesquels les réponses
à plusieurs problèmes sociaux étaient trouvées,
voire la résolution des conflits0. Et même à
l'époque précoloniale, chez les peuples Konabembé et Bulu,
le moabi incarnait l'esprit des ancêtres, c'est sous les pieds des grands
moabi qu'on enterrait les grands patriarches, qu'on laissait les blessés
qui guérissaient mystérieusement. La même essence fait
l'objet de plusieurs contes et de chansons dans les villages0. Nous
pouvons constater cette grande importance que revêt cet arbre à
travers la photo ci-après.
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0 Ibid. p. 27.
0 Verbelen, `'Exploitation abusive des forêts»,
1999, p.29. 0Deravin, `'Projet Coeur de Forêt Cameroun», 2010.
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Photo n°6 : Un moabi dans le village de
Nomedjoh (Est Cameroun)
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Source : Deravin, `'projet coeur de
forêt Cameroun», 2010, p. 7.
Cette image d'un grand arbre par le volume de son tronc, de sa
hauteur et par son large feuillage, ne laisserait personne indiscrète.
Aussi grand comme il est, le moabi attirait déjà la
curiosité des populations qui l'ont immédiatement adopté
comme leur arbre de choix.
La plupart des instruments musicaux rencontrés au
Cameroun sont en bois (tambours, guitares traditionnelles, balafons ; etc).
Ainsi, de la religion aux instruments musicaux en passant par les oeuvres
artistiques, notre constat est clair, les populations forestières au
Cameroun tirent leur patrimoine culturel des forêts. La preuve que la
forêt reste l'élément essentiel dans la vie des populations
riveraines. Par ailleurs, il ya des populations dont la culture est
forestière.
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