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Déforestation et dégradation de l'environnement au Cameroun 1960-2010.


par Marcel Koviel Songo
Université de Youndé I - Master en histoire 2012
  

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II - LA PLACE DE LA FORET DANS L'UNIVERS DES POPULATIONS CAMEROUNAISES

L'étude de la place de la forêt dans l'univers des populations camerounaises répond à l'examen des forêts camerounaises comme sources de biens, des services d'une part et d'autre part comme patrimoine culturel des populations.

A-LES FORETS : SOURCE DE BIENS POUR LES POPULATIONS

Les forêts sont une source de biens depuis les périodes précoloniale, coloniale et postcoloniale.

1 - La place des biens forestiers dans la vie des populations précoloniales

Les peuples qui habitent les zones forestières au Cameroun aujourd'hui sont constitués des Bantous, des Pygmées, des Baka et des Bagyélis. Ces différentes populations sont localisées dans les régions du Sud-Ouest, du Littoral, du Centre, du Sud et de l'Est Cameroun0. Ils seraient immigrés là entre le XVIII è et le XIX è siècles, venant de tous les horizons d'Afrique. Leur adaptation à ce milieu ne fut pas une chose facile. Mais plus tard leur vie devint liée à la forêt0.

Avant l'avènement de la colonisation, ces populations tiraient de la forêt l'essentiel du nécessaire vitale Les Bantou et leurs voisins Pygmées, Baka et Bagyéli vivaient du ramassage, de la chasse et de la cueillette0. Ils s'alimentaient avec des denrées tirées de la forêt, notamment les ignames sauvages, la viande de brousse, les escargots, les chenilles, les champignons, les fruits sauvages (corossols, fruits noirs, mangues, ndjansang, noix du moabi...), feuilles sauvages etc. L'approvisionnement en ces produits par ces populations se faisait à travers la chasse, la cueillette et le ramassage.

Ainsi, pour avoir les ignames sauvages (Mbial en langue Konabembé0), `'les hommes recherchaient les lianes à ignames dans la forêt, après la découverte de celles-ci, leurs tiges

0 J-F., Gerber, `'Resistances contre deux géants industriels en forêt tropicale. Populations locales versus plantations commerciales d'hévéa et palmiers à huile dans le Sud Cameroun», 2008, p. 13.

0 Ibid. p. 14.

0 Kelodjoué, `'L'évolution de l'exploitation industrielle», 1985, p. 254.

0 Le Konabembé est une langue parlée par une tranche de populations bantou agriculteurs vivant dans le sud de l'arrondissement de Yokadouma, leur canton regroupe près d'une cinquantaine de villages en bordure de l'axe principale reliant la ville de Yokadouma à Moloundou et toute la région de la Boumba jusqu'aux limites avec le département du Haut-nyong. Leur communauté serait la plus importante de l'arrondissement de Yokadouma.

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étaient arrachées pour permettre à ces hommes de creuser les racines pour parvenir aux tubercules», nous confiait Touoba du village Madjoué0.

La viande de brousse était le produit de la chasse. On y chassait le lièvre, l'antilope, le sanglier, le buffle, le porc-épic, le buffle, l'éléphant, le pangolin géant, le gorille ; etc. `'Nos grands parents chassaient avec des arcs et à travers les pièges»0 nous confiait Méloa à Madjoué. En effet, Pour se procurer le poisson, les hommes et les femmes barraient une rivière poissonneuse avec le bois mort tiré de la forêt, les mottes d'argile et les feuilles, et ils évacuaient toute l'eau à l'aide des paniers en rotin, le lit de la rivière vidé, ils attrapaient tout le poisson présent, en dehors de pêcher comme ça, on pouvait piéger les poissons de grandes rivières en construisant de grands pièges en gros troncs de bois sous la forme de pont0. L'importance de la forêt se justifie ici par le rôle que jouent les arbres qui bordent les rivières et les fleuves dans la nutrition et la protection de certains poissons et dans les moyens qu'utilisent les populations pour leur avoir.

L'approvisionnement en fruits sauvages était une chose simple, puisqu'il suffisait de se rendre aux pieds de certains arbres. C'était le ramassage. Parmi ces fruits, les noix de moabi, et les mangues sauvages étaient les plus appréciés. Car en dehors du jus sucré que ces deux produits procuraient, ils permettaient aussi à la fabrication de l'huile végétale pour les amandes de moabi (huile de karité) et de la patte et le beurre de mangue sauvage0.

Ainsi, comme les fruits, les escargots, les chenilles et les champignons faisaient partie des produits provenant du ramassage. C'est cet ensemble de produits qui constituaient l'alimentation des peuples de la forêt du grand Sud Cameroun0.

Cette façon de s'alimenter est restée en grande partie aujourd'hui celle des Pygmées du département de la Boumba et Ngoko, les Baka de la région de Lomié, les Bagyeli ou les Bakola du département de l'Océan0.

La richesse alimentaire issue de la forêt garantissait la survie des peuples anciens (avant la période coloniale) au point de ne rien envier à la vie d'aujourd'hui. La forêt était

0 Entretien avec Joseph Touoba, environ 90 ans, ancient planteur de Cacao, Madjoué, 26 octobre 2010. 0Entretien avec André Méloa, environ 40 ans, braconnier, Madjoué, 2 novembre 2010.

0 Entretien avec Yvonne Ebiaboua, environ 75 ans, cultivatrice et pêcheur, Ngatto ancien, 7 novembre 2010. 0G. Deravin, `'projet Coeur de forêt : 2008-2010 : sauver le Moabi, arbre sacré chez les Pygmées-baka du Cameroun», rapport de coeur de forêt, www.coeurdeforêt.com, 2010, P. 8, consulté le 15 novembre 2010. 0Entretien avec Delphin Mouamie, environ 60 ans, chasseur, Massea, 11 novembre 2010.

0 G. Deravin, `'projet coeur de Forêt», 2010, p.8

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ouverte à tous ces habitants et on pouvait se servir à sa guise. Dans ce sens les maux tels que les famines ne devraient pas être connus.

Ce qui est corroboré par Zondjel du village Medoum, qui affirmait que : `'La vie était facile en ce temps, la forêt était notre bienfaitrice. C'est pourquoi on vénérait certains de ces éléments''0.

Dans cette étendue de forêt, les Bantous étaient sédentaires, les Pygmée, les Baka et les Bagyeli étaient semi-nomades, car ils pouvaient quitter le campement pour les raisons de deuil, l'évitement d'un conflit et le désengorgement du premier campement0. En dehors des produits alimentaires, beaucoup d'autres produits étaient issus de la forêt.

En effet, il s'agit des matériaux qui étaient essentiels pour le tissage des vêtements. Ces matériaux étaient parfois les lianes, parfois les écorces d'arbres. Les fils issus des lianes traitées étaient soigneusement tissés pour confectionner les habits et en ce qui concerne les écorces d'arbres, on les battait à l'état frais longuement pour donner une forme de tissu0. De cette étoffe était confectionné un vêtement0. Par exemple, depuis le XIV è siècle, voire avant, les habitants de l'Afrique équatoriale battaient les écorces de ficus afin de les assoupir pour tailler des vêtements dans ce `'tissus'' ; elles tissaient et teintaient de superbes pagnes en raphia0.

La conclusion à laquelle nous pouvons aboutir, est que la forêt en dehors d'alimenter les populations, habillait aussi celles-ci. Tous les produits de tissage étaient disponibles dans la forêt. Et ces haillons issus des produits forestiers avaient des noms. Cela dépendait de la région où on était. Par exemple les Konabembé l'appelaient Apkaka . Au-delà d'habiller les hommes, la forêt était aussi une source des médicaments.

Pour résoudre leurs problèmes de santé, les ancêtres s'approvisionnaient en forêt en produits médicinaux. On y trouvait presque tout remède à toute maladie. Le tableau ci-dessous est plus illustratif de la richesse en pharmacopée des forêts camerounaises.

0 Entretien avec Louis Zondjel, environ 65 ans, cultivateur, Medoum, 10 octobre 2010.

0 Gerber, `'Resistance contre deux géants industriels'', 2008, p. 15.

0 Entretien avec Marie Mbot, environ 65, cultivatrice, Madjoué, 8 août 1999.

0Ibid.

0 Dictionnaire Universel, Paris, Hachette Edicef, 4 è édition, 2002, p. 27.

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Tableau n°2 : Liste des plantes médicinales et les maux qu'elles traitent

Nom local du
produit(médicament

)

Nom scientifique du médicament

Maux traités

1

llomba

Pycnanthus angolensis

Seins maternels

2

Bubinga

Guibourtia tessmamrü

Hémorroïdes

3

Moabi

Baillonella toxisperma

Mal de dos

4

Eveuss

Klainedoxa gaboneusis

Rhumatisme

5

Moambé jaune

Enantia Chloramtha

Jaunisse

6

Emien

Alstonia congensis

Paludisme

7

Eucalyptus

Eucalyptus soligna

Toux et Rhume

8

Bilinga

Nauclea diderrichü

Rougeole

9

Niové

Standtra kamerunnensis

Gale

10

Bongo

Fagara heitzii

Blennorragie

11

Framiré

Terminalia worensis

Bile

12

Vesambata

Oldfieldia africana

Plies, Blessures

13

Muéri

Prunus africana

Troubles de prostate

14

Okan

Cylico discus gabonensis

Maux de ventre

15

Engang

Carapa procera

Syphilis

16

Olonvogo

Fagara manophylla

Palpitations cardiaques

17

Dabema

Piptadeniastrum africana

Règle douloureuses

18

Saliyeme

Albizia adianthifalia

Chaude pisse

19

Olelan

Drypetes gossweileri

Impuissance sexuelle

20

Ebom

Anonidium mannü

Typhoïde

Source : O. Ndoye, M. Ruise-Perz. Et al, `'Les effets de la crise économique et de la dévaluation sur l'utilisation des plantes médicinales au Cameroun. Implication pour la gestion durable des forêts», séminaire FORAFRI de Libreville (enquête CIFOR 1998), p. 4.

Cette liste non exhaustive des plantes médicinales ressortant les maladies qu'elles soignaient, démontre que la forêt camerounaise offrait largement aux peuples anciens de quoi se soigner. Ces plantes étaient en abondance dans cette forêt. Ceci atteste la valeur médicinale de la forêt. Par ailleurs, cette même forêt offrait l'emplacement et des matériaux de construction.

Pour certains Bantous qui auraient vécu en pleine forêt originelle, pour se protéger contre les intempéries et les attaques de tout part, ils construisaient des habitats traditionnels. Pour la construction d'un habitat, le choix de l'emplacement était primordial, car la fragilité des matériaux (piquets, lianes et feuilles) faisait en sorte que ces maisons positionnées en pleine air soient détruits par les intempéries. Dès lors, les pieds des grands arbres étaient des

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meilleurs emplacements, car ces pieds et les branches pouvaient protéger la maison des forces naturelles0.

C'est avec le temps qu'ils auraient adopté les techniques de maisons en poteaux, murs en écorces d'arbres et le toit en raphia0. Chez les Pygmées de l'Est Cameroun, ces constructions ont gardé leur forme authentique jusqu'à ce jour. Elles étaient en huttes entièrement constituées des produits forestiers.

La forêt était donc ainsi la source des matériaux de construction à l'époque précoloniale. Alors, au vu de sa valeur alimentaire et médicinale, considérée comme source des vêtements et de matériaux de construction, nul ne peut douter de la valeur des forêts camerounaises comme sources de biens pour nos ancêtres. Contrairement aux générations actuelles, nos aïeux s'en servaient amplement pour tous leurs besoins. La forêt était donc l'essence vitale.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire